Les Colloques de Menton Samedi 1 - Ville de Menton

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Quelle Philosophie pour notre Temps ? Samedi 22 octobre 2011Thomas BERNSChargé de cours en philosophie politique et éthique à l’Université Libre de Bruxelles,Directeur du PHI-Centre de recherches en philosophieNos sociétés contemporaines sont marquées depuis une trentaine d’années par un retour del’héroïsme au sens où nous devrions être, dans le privé comme dans le public, complètementresponsables de nos propres vies. Il convient à mon sens de corréler cette injonction paralysante àl’apparition d’une démultiplication normative. En effet, nous sommes quotidiennement confrontés àune foule de normes qui nous éloigne de la loi, qui régulait auparavant nos sociétés. Ces multiplesnormes modernes ont soi-disant l’avantage de ne pas limiter les libertés individuelles, puisqu’ellesseraient façonnées par les individus eux-mêmes : elles découleraient entièrement de ce qu’ilsrapportent de leurs propres vies, de leurs activités.Du fait de ce double phénomène, nous serions à la fois porteurs d’une responsabilité infinie etseulement tenus responsables de ce que nous rapportons de nos existences. Paradoxalement, celadonnerait lieu à un courage purement prévisible.Je voudrais maintenant adresser une question à Michel Lacroix qui a évoqué le courage d’exprimerses opinions : il n’a fait aucune distinction entre ce qui relève de l’espace public et de l’espaceprivé. Ne faut-il pas conditionner l’analyse du courage au fait que certaines expressions doivent êtrepensées différemment selon qu’elles prennent place dans un espace privé ou public ? Ou alors,existe-t-il un seul courage qui consisterait à n’observer aucune différence entre ces espaces ?Michel LACROIXMaître de conférences en philosophie à l’Université de Cergy-PontoiseL’essence du courage est toujours la même, quelque soit le domaine où il s’applique. Unephénoménologie simple de l’expérience du courage montre que, dans tous les cas, je suis engagédans une lutte contre moi-même. Dans son grand traité de philosophie morale, René Le Senneemploie la formule suivante : « être courageux, c’est résister à soi-même ». Toutes les formes decourage sont caractérisées par cette résistance à soi-même. Selon les situations, il s’agit de luttercontre la peur de se jeter à l’eau, de prendre la parole en public ou d’affronter un parent abusif.Cette lutte caractérise toutes les formes de courage. Le sujet est divisé, puisqu’il lutte contre luimême.Mais cet élément seul ne suffit pas, sous peine de tomber sous le coup des conduitesautodestructrices évoquées par Cynthia Fleury. Il doit se conjuguer avec des fins moralesincontestables, au nom desquelles cette lutte intérieure intervient.En réponse à Thomas Berns, je dirai donc que le courage est fondé d’une part sur un pilierpsychologique, la lutte contre soi-même, et d’autre part sur un pilier éthique. La lutte intérieure doitêtre justifiée par une fin morale irréprochable, irrécusable.Les Colloques de Menton Penser notre Temps 8
Quelle Philosophie pour notre Temps ? Samedi 22 octobre 2011Cynthia FLEURYProfesseur de philosophie politique à l'American University of Paris, Chercheur au CERSP(Conservation des Espèces, Restauration et Suivi des Populations) au Muséum Nationald'Histoire Naturelle (CNRS)Il n’y a, à mon sens, pas d’unicité du courage. Selon les circonstances, faire preuve de couragen’appelle pas les mêmes stratégies. Il ne suffit pas d’avoir du courage ou d’avoir pour soi la raison.En effet, il est nécessaire de mettre en place une alliance avec autrui. Le courageux estgénéralement humble car il doit bâtir sur le long terme.Le monde du travail est un espace public qui s’appréhende de plus en plus comme un espace privé.Du fait de l’érosion de nos stratégies de défense, la solitude du salarié face au manager s’accentue.L’enjeu consiste à instaurer à nouveau une dimension publique dans cette relation et, par là-même,à renforcer l’efficacité de la défense collective.Par sa puissance de cohérence entre la fin et les moyens, le courage induit l’unité du sujet qui estprofondément divisé à l’origine. Dans Le prince, Machiavel indique qu’il faut savoir « entrer au mallorsque cela est nécessaire ». Cette capacité est néanmoins l’apanage du leader et devientimprobable dans un système d’égalisation des conditions.L’attente porte aujourd'hui sur le courage d’assumer la cohérence même si cela demande plus detemps. Nous sortons du mythe du Kairos, c’est-à-dire de l’occasion divine à saisir, pour fabriquercollectivement une décision. Le fait d’assumer la cohérence me paraît primer sur le courage dedissocier la fin des moyens.Thomas BERNSChargé de cours en philosophie politique et éthique à l’Université Libre de Bruxelles,Directeur du PHI-Centre de recherches en philosophieIl me semble que le progrès technologique entraîne une saturation de la sphère publique par unemultiplicité d’opinions. Or les sphères publique et privée me paraissent fondamentalementdifférentes. Le courage politique, du fait qu’il s’exprime dans la sphère publique, se distingue desautres formes de courage qui existent dans la sphère privée.Concernant l’intervention de Cynthia Fleury, il me semble effectivement que le courage doit seconcevoir aujourd'hui dans une dimension collective. Mais cela n’est pas suffisant et il restetoujours nécessaire de réfléchir en termes de rupture et de Kairos.La pensée de Machiavel ne se résume pas à faire l’éloge de l’usage du mal ou du Prince, maissouligne également l’aspect collectif du courage. Dans le droit fil de Cicéron, Machiavel estime quece sont les aléas collectifs subis par une société et la capacité à surmonter ces dissensions quiétablissent la grandeur d’une république. Ainsi, la politique apparaîtrait comme un jeu de basculeentre le courage collectif et le courage individuel.Les Colloques de Menton Penser notre Temps 9
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Page 49 and 50: Quelle Philosophie pour notre Temps
Page 55: Quelle Philosophie pour notre Temps
Page 69 and 70: Science et Conscience Samedi 8 octo

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