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Les Colloques de Menton Samedi 1 - Ville de Menton

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Quelle Philosophie pour notre Temps ? <strong>Samedi</strong> 22 octobre 2011Cynthia FLEURYProfesseur <strong>de</strong> philosophie politique à l'American University of Paris, Chercheur au CERSP(Conservation <strong>de</strong>s Espèces, Restauration et Suivi <strong>de</strong>s Populations) au Muséum Nationald'Histoire Naturelle (CNRS)Dans le mythe d’Achille, le courage a une dimension passionnelle : il va <strong>de</strong> pair avec l’ubris,l’honneur et l’orgueil. Achille est frappé au talon après avoir installé la dépouille d’Hector sur sonchar pour faire le tour <strong>de</strong> la ville, certainement parce qu’il a dépassé le courage pour basculer dansla revanche et la vengeance.Selon la théorie pru<strong>de</strong>ntielle d’Aristote, le courageux ressent la peur mais la surmonte. En tantqu’enseignant chercheur en philosophie politique et psychanalyste, je reçois <strong>de</strong>s patients qui meconfient souvent être terrorisés. A mon sens, cette prise <strong>de</strong> conscience constitue le point <strong>de</strong> départpour faire preuve <strong>de</strong> courage. Le courage se définit aussi par le sens du risque : le courageuxapparaît dès lors comme celui qui agit avec pru<strong>de</strong>nce et raison.Nous ne sommes pas intéressés par le courage d’Antigone, qui apparaît solitaire et antinomique <strong>de</strong>la loi <strong>de</strong>s hommes. Ainsi que souligné précé<strong>de</strong>mment, le courage constitue un triple lien : avec lesautres, avec le sens et avec l’avenir. Si le courage implique un mouvement <strong>de</strong> rupture dans unpremier, il fait toujours lien dans un second mouvement. Ce lien définit en <strong>de</strong>rnière instance lavérité du courage et la raison pour laquelle il représente un outil <strong>de</strong> régulation pour nos cités.Le courage est sans victoire dans la mesure où il ne pourrait trouver son sens ni sa justification dansune « morale <strong>de</strong>s résultats ». L’acte courageux vaut par le fait qu’il a été décidé et ce, même s’ilpeut conduire à certains désagréments. Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> la prise <strong>de</strong> risque initiale, l’acte <strong>de</strong> courages’avère protecteur. Il apparaît ainsi comme la seule protection face au déclin quotidien qu’entraînele renoncement aux valeurs auxquelles nous croyons. Ce n’est pas la nature courageuse d’un sujetqui le conduit à l’acte mais l’acte lui-même qui illustre le courage d’un individu. Ce postulatconduit à remettre au centre <strong>de</strong> nos vies la théorie <strong>de</strong> l’action qui vient fon<strong>de</strong>r le sujet.Il me paraît crucial <strong>de</strong> réaffirmer ainsi la théorie <strong>de</strong> l’action, parce que les passages à l’acte s’y sontaujourd'hui substitués dans nos sociétés. Afin <strong>de</strong> nous protéger <strong>de</strong>s dérives pathologiques <strong>de</strong> lasociété, il faut rompre avec l’idée qu’un passage à l’acte équivaut à une action. Actuellement, ilexiste soit <strong>de</strong>s passages à l’acte auto<strong>de</strong>structeurs, tels que l’illustre le fait divers dans lequel uneenseignante a tenté <strong>de</strong> s’immoler par le feu, soit <strong>de</strong>s passages à l’acte qui se caractérisent par uneviolence envers autrui. Dans ces <strong>de</strong>ux cas <strong>de</strong> figure, aucun mouvement durable ne découle <strong>de</strong> l’acte.La philosophie politique s’attache <strong>de</strong>puis toujours à i<strong>de</strong>ntifier le facteur <strong>de</strong> régulation <strong>de</strong> nossociétés, même si la recherche n’était pas formulée en ces termes. Dans la conception <strong>de</strong>Robespierre, la vertu apparaît comme le fon<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> la République. Faire basculer la vertu du côtédu peuple fut un geste profondément révolutionnaire. L’histoire nous a cependant enseigné que larégulation par la vertu est mortifère, ce qui nous conduit à nous distancier <strong>de</strong> cette conception ducourage.Thomas Berns a évoqué la notion <strong>de</strong> régulation par la peur et l’intérêt. Cette conception a étéconfirmée par les politiques, qui ont considéré la peur comme le fon<strong>de</strong>ment du contrat social. Selon<strong>Les</strong> <strong>Colloques</strong> <strong>de</strong> <strong>Menton</strong> Penser notre Temps 6

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