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Les Colloques de Menton Samedi 1 - Ville de Menton

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Quelle Philosophie pour notre Temps ? <strong>Samedi</strong> 22 octobre 2011Michel LACROIXMaître <strong>de</strong> conférences en philosophie à l’Université <strong>de</strong> Cergy-PontoiseJ’abor<strong>de</strong>rai le thème du courage du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> la sociologie <strong>de</strong>s comportements actuels. Qu’ya-t-il <strong>de</strong> nouveau dans notre manière <strong>de</strong> concevoir le courage ?La première évolution tient au fait que traditionnellement, on célébrait le courage guerrier, militaire.Dans les sociétés aristocratiques telles que l’Ancien Régime, la caste <strong>de</strong>s soldats occupait lesommet <strong>de</strong> la hiérarchie. Cette caste imposait sa norme morale et sa conception du courage. Ainsi àl’époque féodale, le chevalier avait le monopole du courage. Dans le théâtre <strong>de</strong> Corneille, larenommée et les honneurs s’adressaient en priorité à ceux qui s’illustraient sur les champs <strong>de</strong>bataille. Désormais le courage militaire occupe une place réduite dans notre représentation ducourage. Ce que l’on considère aujourd’hui comme du courage dépasse le cadre <strong>de</strong> la simplebravoure guerrière.La <strong>de</strong>uxième évolution concerne la reconnaissance du courage « au quotidien », qui s’inscrit dans ladurée. Classiquement, le courage se référait à un acte ponctuel, intense, relevant <strong>de</strong> l’exploit. Parexemple, il s’agissait <strong>de</strong> se jeter à l’eau ou <strong>de</strong> traverser les flammes pour porter secours à unepersonne en détresse. Le courage avait <strong>de</strong>s allures <strong>de</strong> « coup d’éclat ». Il réclamait <strong>de</strong> l’audace.Aujourd’hui, nous sommes plus sensibles à <strong>de</strong>s formes <strong>de</strong> courage peu spectaculaires, qui seconfon<strong>de</strong>nt avec la simple persévérance. Par exemple, s’occuper jour après jour d’un prochemala<strong>de</strong>, handicapé, dépendant.Ce courage discret, à bas bruit, vient compléter le courage ponctuel et spectaculaire. La vie dusapeur-pompier illustre à merveille cette dualité : il doit faire preuve <strong>de</strong> courage dans <strong>de</strong>s momentsextrêmes mais aussi pour accomplir les tâches quotidiennes et répétitives <strong>de</strong> la caserne. La maxime<strong>de</strong> Saint-Exupéry, « je fais ma besogne », est un parfait symbole <strong>de</strong> ce courage à « bas bruit ».Cependant, la reconnaissance officielle et sociale du courage continue d’aller, préférentiellement,aux formes spectaculaires et ostensibles du courage.L’irruption du « courage dans la vie professionnelle » est la troisième évolution notable. Dans lesannées 1950 et 1960, l’entrée dans la vie professionnelle était relativement facile. Il n’en va plus <strong>de</strong>même aujourd’hui, en raison du chômage, <strong>de</strong> la précarité <strong>de</strong> l’emploi, <strong>de</strong>s délocalisations et <strong>de</strong>snouvelles pratiques <strong>de</strong> management. Il faut une ténacité accrue pour « subsister » dans la vieprofessionnelle. Par exemple il faut du courage pour gar<strong>de</strong>r espoir après vingt entretiensd’embauche infructueux ou pour refuser d’être un assisté dans la société actuelle.Je relève une quatrième évolution : l’émergence du « courage d’exprimer ses opinions ». <strong>Les</strong>injonctions suivantes sont souvent répétées : oser parler, oser dire ce qu’on pense, oser porter unjugement, oser exprimer un désaccord… La psychothérapie, le développement personnel, lecoaching se sont emparés <strong>de</strong> ces thèmes. Il suffit pour s’en convaincre <strong>de</strong> dénombrer les ouvragesdont le titre comporte le verbe « oser ». La psychiatrie a même forgé un concept pour désigner cecourage : « l’affirmation <strong>de</strong> soi ». S’affirmer, c’est dire ce qu’on pense, exprimer ce qu’on ressent,sans timidité et sans agressivité.Le champ d’application <strong>de</strong> ce courage dans l’affirmation <strong>de</strong> soi est très vaste. Il recouvre d’abordl’espace privé : chacun sait bien qu’il faut du courage pour abor<strong>de</strong>r certains sujets en famille, pouroser s’opposer à un proche, à un conjoint, à un parent abusif, tyrannique ou culpabilisant. Dans <strong>de</strong><strong>Les</strong> <strong>Colloques</strong> <strong>de</strong> <strong>Menton</strong> Penser notre Temps 4

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