Les Colloques de Menton Samedi 1 - Ville de Menton

La Cité des Hommes Samedi 15 octobre 2011Mathieu GUIDEREProfesseur des Universités (Toulouse II), titulaire de la chaire d’islamologie et monde arabe,et ancien directeur de recherches à l’École spéciale militaire de Saint-CyrIl convient d’abord de définir ces révolutions. J’en distingue plusieurs types en fonction des raisonsqui ont motivé leur déclenchement. En Égypte et en Tunisie, la motivation des manifestants étaitavant tout d’ordre socioéconomique. Les révoltes visaient la corruption, la prédation, le chômage, lemanque d’argent et l’absence de perspective d’avenir. En Libye, au contraire, le mouvementpopulaire a pris d’emblée un caractère politique contre un régime autocratique, celui du Guide de laJamahiriya, au pouvoir depuis 42 ans, mais les Libyens n’étaient pas pauvres ni misérables. Si cesrégimes avaient compris à temps les exigences de leurs peuples, ils seraient toujours en placeaujourd’hui. Le Maroc a été secoué par des manifestations contre la corruption. Le roi y a répondupar des réformes constitutionnelles. De même, en Jordanie, alors que les manifestants dénoncent lavénalité des fonctionnaires, le roi modifie la constitution pour satisfaire une élite. Même dans lesrégimes qui ont su faire le dos rond, il existe indéniablement un déphasage entre les revendicationspopulaires et les réponses politiques immédiates.Ces révolutions partagent tout de même un trait commun : leur conservatisme. Mai 68 fut uncontre-exemple en la matière. Toute une génération s’élevait alors contre la précédente en réclamantun ordre nouveau sur le plan social, moral et politique. Aucun pays arabe n’a connu un telrenversement de l’ordre social ni un mouvement libertaire. Les structures sociales, tout comme lesstructures anthropologiques, sont restées inchangées. D’ailleurs, aucun de ces mouvementsrévolutionnaires n’a revendiqué la liberté sexuelle ni la stricte également entre les hommes et lesfemmes en matière de liberté individuelle. C’est, selon moi, la preuve que la jeunesse qui estdescendue dans la rue pour faire tomber les régimes possède le même état d’esprit que ses parents,les mêmes valeurs fondamentales et les mêmes référents.La révolution des mentalités n’a pas eu lieu.À la faveur de ces révolutions, les islamistes sont à nouveau apparus sur le devant de la scène. À cetégard, je vous invite à ne pas confondre l’islam, qui est une religion, et l’islamisme, qui est uneidéologie, c’est-à-dire une doctrine politique qui se réclame de l’islam. C’est à l’heure actuelle laseule idéologie majeure du monde arabe. La faillite des politiques nationalistes et les décennies queles islamistes ont passées dans l’opposition leur confèrent une aura et une légitimité confirmées parles urnes.Je vais à présent tenter de répondre à ces trois questions : qui sont les islamistes ? Que veulent-ils ?Quelle attitude adopter à leur égard ?L’islamisme d’aujourd’hui se décompose en trois grandes mouvances. L’islamisme populaire sedéveloppe auprès d’une population croyante traversée par un islam social et solidaire. Ses partisanssont très sensibles aux symboles. Ils refusent par exemple toute caricature du prophète. L’islamismepopulaire est la forme d’islamisme le plus répandu dans le monde arabe. Il est particulièrement forten Égypte et au Maroc par exemple. La seconde forme d’islamisme est un islamisme politiqueobsédé par la question du gouvernement et de la gouvernance. Il prétend lutter contre la corruptionet plaide pour l’instauration de la charia. Bien que minoritaire dans la population, cet islamisme-làest le plus visible et le plus actif. Enfin, l’islamisme se décline aussi dans une version djihadiste,violente. Le djihadisme se concentre sur les relations internationales. Il veut renverser le rapport deLes Colloques de Menton Penser notre Temps 6