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Les Colloques de Menton Samedi 1 - Ville de Menton

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La Cité <strong>de</strong>s Hommes <strong>Samedi</strong> 15 octobre 2011initial ne présentait d’ailleurs aucun caractère <strong>de</strong> mo<strong>de</strong>rnité. Le pays s’est soulevé en réaction auxdistorsions sociales d’une part et à la prédation sur l’économie tunisienne <strong>de</strong> l’autre.Certains observateurs ont à tort fait le parallèle avec Mai 68, avec les révolutions dans les pays <strong>de</strong>l’Est ou bien avec le mouvement <strong>de</strong> 1848. Pour moi, la comparaison la plus judicieuse est celle quilie le printemps arabe à la révolution française. Il s’agit dans les <strong>de</strong>ux cas <strong>de</strong> révolutionssociologiques. Une classe émergente, formée et éduquée, tenue éloignée du pouvoir, réclame d’yavoir accès. <strong>Les</strong> évènements du printemps <strong>de</strong>rnier ont ouvert un processus long dont l’issue est peuprévisible. Si la révolution française a in fine apporté énormément <strong>de</strong> bouleversements positifs, ellea aussi provoqué <strong>de</strong>s drames. C’est également le risque pour le mon<strong>de</strong> arabe.L’avenir n’est pas écrit, mais les pays européens <strong>de</strong>vraient considérer que ce qui se joue <strong>de</strong> l’autrecôté <strong>de</strong> la Méditerranée est aussi vital pour leurs populations que pour celles du Sud. Nous <strong>de</strong>vonstrouver les moyens d’ai<strong>de</strong>r ceux qui, dans ces pays, représentent un espoir pour la démocratie pourne pas laisser place à d’autres forces qui sont en contradiction avec les idées <strong>de</strong> progrès, <strong>de</strong>démocratie et <strong>de</strong> liberté.Le contexte économique mondial n’est pas déconnecté <strong>de</strong> ce qui s’est passé dans les pays arabes. Larévolution tunisienne s’est produite parce que les jeunes éduqués du pays ne trouvaient pas <strong>de</strong>travail. La crise a aussi engendré une flambée du cours <strong>de</strong>s matières premières alimentaires,plongeant ainsi une partie <strong>de</strong> la population dans la précarité.Ces révolutions marquent le retour <strong>de</strong> ce que j’appellerais « le tragique <strong>de</strong> l’Histoire ». Nous nousétions habitués à ce que la politique ne soit plus qu’une forme <strong>de</strong> gestion à la marge <strong>de</strong> la marche<strong>de</strong>s sociétés. Il y a eu une aseptisation <strong>de</strong> l’Histoire qui connut son apogée à la chute du mur <strong>de</strong>Berlin. Nombre d’observateurs ont alors proclamé que l’Histoire allait cé<strong>de</strong>r sa place à ladémocratie et au marché. <strong>Les</strong> révolutions arabes ne sont en rien la confirmation <strong>de</strong> cette théorie.Personnellement, j’y vois la preuve du contraire. L’Histoire n’est pas finie et elle est toujourstragique. La politique doit tracer son chemin au milieu d’une situation où le bien et le mal sontinextricablement liés. <strong>Les</strong> responsables sont contraints <strong>de</strong> faire <strong>de</strong>s choix difficiles.A l’instar <strong>de</strong>s crises ivoirienne et géorgienne, <strong>de</strong> la crise financière, ces événements nous renvoientà la définition <strong>de</strong> la tragédie selon Camus : « Le drame, c’est quand le bien et le mal s’affrontent.La tragédie, c’est lorsque <strong>de</strong>ux forces également légitimes s’affrontent ». Nous nous trouvons face à<strong>de</strong>s dilemmes que Camus aurait pu résumer ainsi : « Antigone a raison et Créon n’a pas tort ». Il estinutile <strong>de</strong> contempler le mon<strong>de</strong> avec manichéisme en affirmant que la chute d’une dictature garantitl’avenir d’un pays. <strong>Les</strong> choses sont plus complexes.Je termine mon intervention par une remarque au sujet du régime tunisien. Aujourd’hui, nous nousaccordons sur ses défauts, mais aurions-nous dû refuser tout dialogue au prétexte que MessieursBourguiba et Ben Ali n’étaient pas <strong>de</strong> grands démocrates ? C’eut été irresponsable et mêmeimpossible. La France a fait son travail en accueillant et protégeant tous les opposants tunisiens.Elle <strong>de</strong>vait néanmoins travailler avec ses dirigeants. La Tunisie sous Ben Ali était un régimepolicier qui ne respectait pas les libertés, gangréné par la corruption. C’était aussi un pays où lesfemmes étaient émancipées, où les enfants étaient scolarisés et où émergeait une classe moyenne.<strong>Les</strong> choses étaient tout aussi complexes en Égypte. Si Hosni Moubarak est décrié comme unhorrible <strong>de</strong>spote, le prési<strong>de</strong>nt égyptien était aussi un homme <strong>de</strong> paix et <strong>de</strong> modération qui a joué unrôle considérable au Moyen-Orient. La révolution égyptienne aura <strong>de</strong>s conséquences positives etnégatives. S’il est aisé <strong>de</strong> négocier la paix avec <strong>de</strong>s régimes <strong>de</strong>spotiques, il est plus difficile <strong>de</strong><strong>Les</strong> <strong>Colloques</strong> <strong>de</strong> <strong>Menton</strong> Penser notre Temps 4

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