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A partir de l’apport de Max Pagès et avec sa collaboration, de Gaulejac a associé à sapratique la dimension corporelle par la prise en compte de l’expression émotionnelle. Il s’agitalors, selon Lainé, d’une « analyse dialectique [qui intègre] d’autres apports : laphénoménologie, la sociologie de la famille, l’analyse systémique, le courant de la gestalt[…]. On a affaire ici à la problématique multiréférentielle de la complexité » (Lainé, 1998,p.118, souligné par l’auteur). Les techniques proposées vont du dessin au théâtre, àl’expression corporelle, la danse, etc., avec une « alternance entre l’expression verbale et nonverbale [qui] s’avère particulièrement riche » (de Gaulejac, 1999, p.12). L’une des finalités del’approche reste fidèle à l’inspiration du programme du Collège de sociologie, en tant qu’objetde la sociologie clinique : « analyser la dimension existentielle des rapports sociaux enmontrant comment chaque histoire est à la fois l’expression d’un destin singulier etl’incarnation de la société dans laquelle elle s’inscrit » (ibid., p. 17).Ce serait peut-être là l’une des nuances avec l’approche telle que l’a préciséeNiewiadomski qui, toutefois s’inspire partiellement de la méthodologie des séminaires : lasociologie clinique souhaite contribuer, à travers ses interventions, à éclairer la société et sonhistoire 1 . Lainé la situe, d’autre part, entre formation et pratique thérapeutique.• La formation comme développement personnel.Dans le cheminement de sa réflexion, Lainé va distinguer, dans un premier temps, lespratiques de formation (traditionnelles) qui portent clairement sur les savoirs et savoir-faire,des psychothérapies qui visent à alléger la souffrance psychique. Mais se trouvent alorsexclues de cette partition, les formations centrées sur l’apprenant qui cherchent davantage àsusciter un savoir issu de lui-même (telles les analyses de pratiques, ou les démarches enhistoire de vie) : il ne s’agit ni d’une thérapie, ni d’une transmission de savoir. La séparationclassique entre cognition et affect apparaît, dans ce cas, encore plus artificielle : « l’êtreapprenant est aussi un être désirant et souffrant, qui est en apprentissage parce qu’il désire etsouffre, et qui, en retour, est profondément transformé par le processus de formation » (Lainé,1998, p.123).Les travaux de De Gaulejac et de Lainé ont montré qu’il existait des « relationscomplexes entre processus d’apprentissage et processus sociopsychiques » (ibid., p.124) :échec dans l’apprentissage en rapport avec des nœuds socio-sexuels, par exemple, dans lanévrose de classe. Les résultats des séminaires en Histoire de vie montrent des effets, sinon de1Confirmant la proposition que nous avons évoquée plus haut de Enriquez (1992, p.325) : « Il n’existe pas deconnaissance d’un objet social sans intervention sur cet objet et sans sa collaboration active ».Numér
thérapie, du moins d’élucidation et de conscientisation « provoqués par la mise à jour desfacteurs et des déterminants sociaux des trajectoires personnelles » (ibid., p.128). Prendre lamesure pour un sujet des éléments de son passé qui ont interféré sur sa trajectoire lui permetde modérer son sentiment de culpabilité face à ce qu’il pouvait croire issu de sa seuleresponsabilité ou de ses seules capacités 1 .Les modifications entraînées chez la personne par cette conscientisation relèvent d’untravail sur soi qui « vise à rendre le sujet davantage autonome, ou davantage sujet dans sonrapport à la formation et à la profession » (ibid., p.131, souligné par l’auteur). Il ne s’agit pasde thérapie, mais le travail d’histoire de vie fait « à la fois œuvre de formation et dedéveloppement personnel. Formation au sens où quelque chose s’apprend, se met en formepar la recherche ; développement personnel au sens où ce qui s’apprend là c’est un peu de soimême» (ibid., p.134).Lainé préfère, confirmant la position de Niewiadomski et de Villers, la qualification dedéveloppement personnel qu’il situe comme intermédiaire entre thérapie et formation (bienque, on peut le noter, « quelque chose se met en forme »). Legrand propose également sesréflexions pour tenter de clarifier la position de ce type de formations. Précisant les critères dela clinique, il inscrit, pour sa part, la thérapie à l’intérieur d’un contrat explicite.• Contrat thérapeutique et effets thérapeutiques.Legrand a développé ses propres modalités de travail en histoire de vie. Dans le cadrede sessions de formation en groupe, il s’inspire tant de la méthode que des référencesthéoriques élaborées par de Gaulejac (Legrand, 1993, p.242). Il a par ailleurs poursuivi sesrecherches en acceptant des accompagnements individuels, en face à face, qui l’amèneront às’interroger sur les rapports entre histoire de vie et thérapie. Dans son objectif de faire del’approche biographique une intervention, il l’inscrit d’emblée « dans la mouvance dessciences humaines cliniques » (ibid., p.171, souligné par l’auteur) dont il retient quatredimensions.1Ce qui constitue « une partie du projet de Pierre Bourdieu [qui] réside, par exemple, dans le fait de faire prendreconscience aux individus des logiques sociales qui sous-tendent leurs comportements » (Hatchuel, 2005, p.30).Bourdieu le rappelle lui-même dans son post-scriptum à la Misère du Monde : « Porter à la conscience desmécanismes qui rendent la vie douloureuse, voire invivable, ce n’est pas les neutraliser ; porter au jour lescontradictions, ce n’est pas les résoudre. Mais, pour si sceptique que l’on puisse être sur l’efficacité sociale dumessage sociologique, on ne peut tenir pour nul l’effet qu’il peut exercer en permettant à ceux qui souffrent dedécouvrir la possibilité d’imputer leur souffrance à des causes sociales et de se sentir ainsi disculpés ; et enfaisant connaître largement l’origine sociale, collectivement occultée, du malheur sous toutes ses formes, ycompris les plus intimes et les plus secrètes. Constat qui, malgré les apparences, n’a rien de désespérant : ce quele monde social a fait, le monde social peut, armé de ce savoir, le défaire » (Bourdieu, 1993, pp.1453-1454).Numér
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