SAUTER Entretien d orientation pour DE 2005.pdf - ArianeSud ...
SAUTER Entretien d orientation pour DE 2005.pdf - ArianeSud ... SAUTER Entretien d orientation pour DE 2005.pdf - ArianeSud ...
Ne pas être uniquement technicien signifie également qu’on ne peut s’attacherexclusivement à l’efficience de nos actions, ce « bien vilain mot » selon Mintzberg quisouligne que « l’obsession qui conduit à vouloir être "objectif" peut, en fait, se révéler"subjective" » (1990, p.479). Il s’explique sur ses propos ; enquêtant brièvement autour de lui,auprès de ses étudiants et d’autres personnes, il montre que la notion d’efficience est toujoursrattachée, dans les réponses obtenues, au mesurable, à ce qui peut se mesurer. La conséquencede cette attitude communément répandue veut que, lorsque l’on cherche à déterminerl’efficience (d’une organisation, en l’occurrence pour Mintzberg, ou, plus généralement, d’uneaction), on élimine de l’évaluation tout ce qui échappe à la quantification, ce que l’on nomme,par défaut, le qualitatif. Et nous pensons immédiatement, pour notre part, à ce qui vientenrichir le lien social et qu’il est bien malaisé de mesurer. Pour l’anecdote, retenons queMintzberg demande à son père ce que pourrait être un restaurant efficient, et s’entendrépondre que c’est probablement un établissement dans lequel il n’irait jamais manger 1 .L’activité pratico-poiétique du conseiller en orientation vise ainsi avant toute chose àéviter la clôture. C’est un thème qui revient chez Castoriadis sous divers angles, et nouspouvons le reprendre ici à notre compte : éviter la clôture de la relation avec le consultant, laclôture dans des conceptions figées, la clôture sur soi-même ou sur son petit cercle intime,dans son milieu, la clôture dans une activité professionnelle qui répéterait les mêmesprocédures, etc. Loin de faire disparaître la dimension éducative qui vise à transmettre àl’autre des éléments pour qu’il puisse apprendre à s’orienter par lui-même (mais dans quellesociété ?), notre activité pratico-poiétique ne peut faire l’économie d’aspects d’un autre ordre(affectifs, relationnels, personnels, inhibitions, psychopathologies, addictions, etc.) que l’onpeut rencontrer dans notre pratique avec les adultes et qui montrent la nécessité d’uneapproche simultanément clinique.Partis avec Imbert des trois types d’activités retenus par Aristote, nous avons purappeler sa distinction : la théorie désigne la vie parfaite et contemplative ; la praxis, activitépolitico-morale qui se réfère aux affaires humaines, comprend la délibération et possède sa finen elle-même ; la poiétique définit l’activité de fabrication d’un ergon extérieur à l’agent. Laphilosophie héritée se trouve cependant limitée, notamment par sa conception d’un tempscirculaire et celle de la permanence de l’être qui l’empêchent de penser la création, la1On retrouvera le terme plus loin, dans la Clinique de l’activité (chapitre 5), mais dans une perspective et un sensdifférents.Numér
nouveauté. Ce dernier thème se montre central pour Castoriadis 1 qui reprend un passage dePlaton pour souligner que la poièsis est, elle aussi, capable de création, de donner unenouvelle forme, « cause de l’acheminement du non-être à l’être » (Platon).Castoriadis revient également sur la dimension du faire humain comme praxis dont lavisée de transformation précède l’élucidation. Elle s’appuie ainsi sur un savoir toujoursfragmentaire, et fait constamment surgir du nouveau qu’elle ne peut prédire. Si la praxiscomprend pour Aristote une dimension délibérative, elle implique, pour Castoriadis, l’idéed’autonomie. Celle-ci ne se laisse pas définir par un état ou des caractéristiques précises, maiss’articule à la possibilité d’autolimitation et se montre incompatible avec l’idée de maîtrise surl’autre. L’autonomie se décline sur les deux plans, individuel et social, une société autonomeimpliquant des individus autonomes et réciproquement. Dans sa dimension individuelle,Castoriadis la relie au discours de l’Autre qui peut devenir prédominant dans l’imaginaire dusujet. Ce dernier vit toutefois dans un rapport d’inhérence entre social et psychique, etl’autonomie se pose alors comme une situation active, une reprise continuelle de ce qui étaitdéjà là, du discours de l’Autre, reprise qui ouvre sur un autre rapport à l’inconscient et auxinstitutions imaginaires sociales. Si la possibilité du choix de l’autonomie est rendue présentepar les conditions sociales-historiques, on insistera sur le fait que, concernant le conseiller(comme cela devrait l’être pour tout humain), l’autonomie signifie que l’autre n’est pasd’abord l’objet de son activité professionnelle.L’activité pratico-poiétique se trouve essentiellement retenue par Imbert pour pointerla nécessaire tension entre une praxis qui, à elle seule, demeurerait pure théorie, et unepoiétique qui risquerait, pour sa part, de viser l’achèvement de l’objet. L’activité praticopoiétiquese définit, pour Castoriadis, comme poiétique car elle postule la capacité decréation, d’auto-altération du sujet, et comme praxis en tant qu’activité lucide dont l’objet estl’autonomie humaine. Elle se montre, dans ce cadre, inachevable et « impossible ». Nousavons relevé également les implications qu’entraîne une telle conception sur notre pratique.Nous avons ainsi exposé nos propres options de travail, ou, selon l’expression deEnriquez que l’on retrouvera plus loin, explicité notre projet de praticien (Enriquez, 1993,p.29). Si l’autonomie du consultant demeure l’horizon de notre pratique (et non pas la« réussite » de la démarche d’orientation, ou l’adaptation à un autre poste de travail, ou touteautre visée qui appliquerait une finalité prévue et identique à chaque accompagnement), noussavons qu’il s’agit là d’un processus qui reste progressif et qui rencontre nombre de limites1Il n’est ni le premier ni le seul à avoir souligné cette impossibilité, ainsi que la capacité de création issue del’imagination humaine. Il semble que Bergson avait déjà insisté sur ces dimensions ; la question pourrait donnerlieu à une exploration philosophique plus poussée.Numér
- Page 10: production d’ « outils » mis à
- Page 14: L’orientation des demandeurs d’
- Page 18: Première partie :Cadre général d
- Page 21: 1.1.1. Le lien entre l'école oblig
- Page 24 and 25: Tous les orienteurs ne sont pas alo
- Page 26 and 27: formation des choix professionnels,
- Page 28 and 29: autonomie dans la vie professionnel
- Page 30 and 31: tout au long de son article. Les de
- Page 32 and 33: ; de déceler ses potentialités in
- Page 34 and 35: Le rôle des conseillers profession
- Page 36 and 37: 1.4.2. Trois pratiques : économiqu
- Page 38 and 39: Boursier affirme toutefois la néce
- Page 40 and 41: ce que par les informations sur les
- Page 42 and 43: des demandeurs d’emploi. Elle a r
- Page 44 and 45: « La poièsis concerne la producti
- Page 46 and 47: que tout ce qui est réel doit êtr
- Page 48 and 49: divergentes. L’acceptation de la
- Page 50 and 51: l’autonomie : « une société au
- Page 52 and 53: imaginaires sociales. Au niveau de
- Page 54 and 55: l’achèvement à l’inachèvemen
- Page 56 and 57: elle permise de faire semblant, év
- Page 58 and 59: sentiment de menace aura disparu. A
- Page 62 and 63: (tant sur un plan psychique que sur
- Page 65 and 66: L’orientation s’est construite
- Page 67 and 68: 3. Les références cliniques en sc
- Page 69 and 70: médecins. C’est dans ce contexte
- Page 71 and 72: - les rapports avec la psychanalyse
- Page 73 and 74: prévaloir longtemps une attitude a
- Page 75 and 76: défensif d’un excès de technici
- Page 77 and 78: accompagner et prolonger les change
- Page 79 and 80: La clinique mène en définitive à
- Page 81 and 82: travail de groupe, biographie, etc.
- Page 83 and 84: ares, et de nombreuses contribution
- Page 85 and 86: 3.3.1. Repères historiques et déf
- Page 87 and 88: de méthode des histoires de vie, c
- Page 89 and 90: positive, empathie, etc.). Or, Roge
- Page 91 and 92: (cité p.213). Niewiadomski se dém
- Page 93 and 94: la démarche clinique. On verra que
- Page 95 and 96: thérapie, du moins d’élucidatio
- Page 97 and 98: La psychothérapie se réfère, rap
- Page 99 and 100: s’instaure entre le conseiller en
- Page 101 and 102: choses ont un sens » (Castoriadis,
- Page 103 and 104: les entretiens recueillis et retran
- Page 105 and 106: parfaitement acceptable par des nat
- Page 107 and 108: Son travail de « formateur clinici
- Page 109 and 110: débouchant sur un « impérialisme
Ne pas être uniquement technicien signifie également qu’on ne peut s’attacherexclusivement à l’efficience de nos actions, ce « bien vilain mot » selon Mintzberg quisouligne que « l’obsession qui conduit à vouloir être "objectif" peut, en fait, se révéler"subjective" » (1990, p.479). Il s’explique sur ses propos ; enquêtant brièvement autour de lui,auprès de ses étudiants et d’autres personnes, il montre que la notion d’efficience est toujoursrattachée, dans les réponses obtenues, au mesurable, à ce qui peut se mesurer. La conséquencede cette attitude communément répandue veut que, lorsque l’on cherche à déterminerl’efficience (d’une organisation, en l’occurrence <strong>pour</strong> Mintzberg, ou, plus généralement, d’uneaction), on élimine de l’évaluation tout ce qui échappe à la quantification, ce que l’on nomme,par défaut, le qualitatif. Et nous pensons immédiatement, <strong>pour</strong> notre part, à ce qui vientenrichir le lien social et qu’il est bien malaisé de mesurer. Pour l’anecdote, retenons queMintzberg demande à son père ce que <strong>pour</strong>rait être un restaurant efficient, et s’entendrépondre que c’est probablement un établissement dans lequel il n’irait jamais manger 1 .L’activité pratico-poiétique du conseiller en <strong>orientation</strong> vise ainsi avant toute chose àéviter la clôture. C’est un thème qui revient chez Castoriadis sous divers angles, et nouspouvons le reprendre ici à notre compte : éviter la clôture de la relation avec le consultant, laclôture dans des conceptions figées, la clôture sur soi-même ou sur son petit cercle intime,dans son milieu, la clôture dans une activité professionnelle qui répéterait les mêmesprocédures, etc. Loin de faire disparaître la dimension éducative qui vise à transmettre àl’autre des éléments <strong>pour</strong> qu’il puisse apprendre à s’orienter par lui-même (mais dans quellesociété ?), notre activité pratico-poiétique ne peut faire l’économie d’aspects d’un autre ordre(affectifs, relationnels, personnels, inhibitions, psychopathologies, addictions, etc.) que l’onpeut rencontrer dans notre pratique avec les adultes et qui montrent la nécessité d’uneapproche simultanément clinique.Partis avec Imbert des trois types d’activités retenus par Aristote, nous avons purappeler sa distinction : la théorie désigne la vie parfaite et contemplative ; la praxis, activitépolitico-morale qui se réfère aux affaires humaines, comprend la délibération et possède sa finen elle-même ; la poiétique définit l’activité de fabrication d’un ergon extérieur à l’agent. Laphilosophie héritée se trouve cependant limitée, notamment par sa conception d’un tempscirculaire et celle de la permanence de l’être qui l’empêchent de penser la création, la1On retrouvera le terme plus loin, dans la Clinique de l’activité (chapitre 5), mais dans une perspective et un sensdifférents.Numér