SAUTER Entretien d orientation pour DE 2005.pdf - ArianeSud ...

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13.3. Analyse.Jeanne m’entraîne dans la tempête de sa vie et ce n’est pas une position facile pour leconseiller avec lequel elle vient partager son angoisse. Il est difficile et probablementimpossible de rester, non pas indifférent, mais totalement serein devant tous les déchirementsdont elle me fait part : le « panier de crabes » chez B. où elle craint de « crever », le sentimentd’avoir été trahie par Mme. X, l’AFPA qui lui donne un faux diplôme, cette région où il faitfroid avec des habitants difficiles à rencontrer, le combat féroce avec son mari, etc. Entre sonarrivée lors du premier entretien et notre dernière rencontre, Jeanne a procédé à unmouvement de sa vie dans une direction inattendue, bien que l’on puisse la voir émerger dèsle second entretien.Nous allons voir tout d’abord que la position du conseiller expert en orientation setrouve dans ce cas inopérante ; Jeanne entend peu ses suggestions et poursuit soncheminement, ce qui nous permettra d’observer une manifestation du contre-transfert duprofessionnel destiné essentiellement à le rassurer lui-même. On montrera ensuite commentémerge progressivement la formulation du désir implicite de « quitter la région » dans lesdynamiques particulières des 3 e et 4 e entretiens. On pourra alors observer comment Jeannereprend son histoire et comment elle a préparé sa décision à travers son travail avec Mme. X.On soulignera, enfin, la dimension transférentielle active tout au long de l’accompagnement etla fonction spécifique du conseiller comme soutien face à l’incertitude d’une échéanceappréhendée.13.3.1. Une « expertise » inopérante.• Une demande d’être cadrée …Jeanne possède une bonne connaissance d’elle-même et se perçoit plutôt justement.Elle se sait « angoissée », mais également cyclothymique et sujette aux modificationsmétéorologiques (joyeuse lorsqu’il fait beau, « dans le creux de la vague » au moment desgrands froids) ; elle se définit en outre comme « une femme de terrain ». Lorsqu’elle parle dela secrétaire chez B. avec laquelle elle va travailler, elle la décrit comme une personne « trèsfloue, désordonnée, (qui) parle beaucoup », et nous propose un lapsus qui nous montre qu’ellese retrouve dans cette image, elle qui parle beaucoup également et qui se sait peu rigoureuse :Numér

« je me [sic] perçois très bien » (4 e entretien). Au passage, elle se dit « dépressive », et nouspouvons nous souvenir des recommandations qu’Israël adressait aux médecins accueillant unpatient qui se déclare dépressif : « il ne s’agit pas d’en faire un malade, ni de le renvoyer. Maisde lui faire découvrir qu’il a quelque chose à dire, qui vaut la peine d’être écouté » (Israël,1976, p.160). Jeanne recherche quelqu’un qui l’aide « pour y voir un peu plus clair » (1 erentretien), quelqu’un qui la « cadre » (5 e entretien), qui lui « dise quoi faire » (dernierentretien). On perçoit l’évolution des formulations, et nous y reviendrons plus loin.Elle sait que chez elle « ça part dans tous les sens » (4 e entretien), et la proposition dela « dame très sympathique » et compréhensive du CIDF de la « cadrer sur (son) projet » luiconvient parfaitement et la rassure. La bonne volonté peine cependant à canaliser une angoissediffuse qui vient précisément alimenter la multiplication des pistes d’orientation. Jeanne faiteffectivement part, à 52 ans, de « plein d'idées et d'énergie » (1 er entretien) : petite enfance,secrétariat, médical, de direction ou en intérim, infirmière, en France puis en Afrique, Aidesoignante,aller aux Restos du Cœur, monter une association « pour aider les gens », puis« pour s’occuper des femmes isolées », ouvrir un restaurant dans le Sud, se lancer dans ledéveloppement personnel, faire esthéticienne, artiste, clown pour enfants malades, s’investirdans l’immobilier, … Il est difficile pour un conseiller de stimuler quelqu’un qui n’a pasd’idées, mais il n’est pas aisé de guider une personne qui les multiplie ; il faut alors souventlaisser passer la phase d’hyperactivité pour que les choses décantent.• …qui entend peu les conseils...Je lui propose, en outre, des pistes supplémentaires qui se présentent sous forme desynthèse entre certains aspects de son parcours : faire du secrétariat dans une association,secrétaire médiale, lobbying, etc., mais mes suggestions ne seront pas prises en compte.Jeanne poursuit son cheminement sans saisir mes propositions. Elle n’entendra pas non plus,ou peut-être n’a-t-elle pu en tenir compte, mes conseils pour penser et procéder par étapes.- Si vous voulez changer de secteur, il vous faudrait peut-être procéder par étapes etnon pas de façon abrupte !? Avez-vous pensé au secrétariat médical ?- Oui, j'y ai déjà pensé. Je sais qu'il y a des postes très différents. Mais je ne sais pastrop. Je pourrais aussi aller faire infirmière en Afrique ! Eh, oui, pourquoi pas ? J'aitenu aussi un restaurant dans le Sud. (1 er entretien)Numér

« je me [sic] perçois très bien » (4 e entretien). Au passage, elle se dit « dépressive », et nouspouvons nous souvenir des recommandations qu’Israël adressait aux médecins accueillant unpatient qui se déclare dépressif : « il ne s’agit pas d’en faire un malade, ni de le renvoyer. Maisde lui faire découvrir qu’il a quelque chose à dire, qui vaut la peine d’être écouté » (Israël,1976, p.160). Jeanne recherche quelqu’un qui l’aide « <strong>pour</strong> y voir un peu plus clair » (1 erentretien), quelqu’un qui la « cadre » (5 e entretien), qui lui « dise quoi faire » (dernierentretien). On perçoit l’évolution des formulations, et nous y reviendrons plus loin.Elle sait que chez elle « ça part dans tous les sens » (4 e entretien), et la proposition dela « dame très sympathique » et compréhensive du CIDF de la « cadrer sur (son) projet » luiconvient parfaitement et la rassure. La bonne volonté peine cependant à canaliser une angoissediffuse qui vient précisément alimenter la multiplication des pistes d’<strong>orientation</strong>. Jeanne faiteffectivement part, à 52 ans, de « plein d'idées et d'énergie » (1 er entretien) : petite enfance,secrétariat, médical, de direction ou en intérim, infirmière, en France puis en Afrique, Aidesoignante,aller aux Restos du Cœur, monter une association « <strong>pour</strong> aider les gens », puis« <strong>pour</strong> s’occuper des femmes isolées », ouvrir un restaurant dans le Sud, se lancer dans ledéveloppement personnel, faire esthéticienne, artiste, clown <strong>pour</strong> enfants malades, s’investirdans l’immobilier, … Il est difficile <strong>pour</strong> un conseiller de stimuler quelqu’un qui n’a pasd’idées, mais il n’est pas aisé de guider une personne qui les multiplie ; il faut alors souventlaisser passer la phase d’hyperactivité <strong>pour</strong> que les choses décantent.• …qui entend peu les conseils...Je lui propose, en outre, des pistes supplémentaires qui se présentent sous forme desynthèse entre certains aspects de son parcours : faire du secrétariat dans une association,secrétaire médiale, lobbying, etc., mais mes suggestions ne seront pas prises en compte.Jeanne <strong>pour</strong>suit son cheminement sans saisir mes propositions. Elle n’entendra pas non plus,ou peut-être n’a-t-elle pu en tenir compte, mes conseils <strong>pour</strong> penser et procéder par étapes.- Si vous voulez changer de secteur, il vous faudrait peut-être procéder par étapes etnon pas de façon abrupte !? Avez-vous pensé au secrétariat médical ?- Oui, j'y ai déjà pensé. Je sais qu'il y a des postes très différents. Mais je ne sais pastrop. Je <strong>pour</strong>rais aussi aller faire infirmière en Afrique ! Eh, oui, <strong>pour</strong>quoi pas ? J'aitenu aussi un restaurant dans le Sud. (1 er entretien)Numér

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