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tranquille) et en appeler à cette providence qui avait pris soin d’elle, lui procurant de « l’argentqui tombe du ciel ».Deux expressions sont symptomatiques de cette attitude : « Vous êtes le seul àm'expliquer comment tout ça fonctionne » (2 e entretien) ; « Vous êtes le seul qui m'ayezexpliqué comment ça fonctionne.[…] Sinon, personne ne vous explique rien. » (7 e entretien).Outre que Patricia ne parvient pas à se renseigner par elle-même, on voit pointer, derrièrecelle de l’enseignant, la figure du père, dans un sentiment de déréliction. Perdue dans unmonde dont « personne ne (lui) explique rien », elle ne comprend pas qu’elle n’y trouve pas saplace.Si l’histoire de Patricia semble propice à cette attitude de passivité, du fait de« l’assistanat (qui) rend passif » (7 e entretien), si son parcours est susceptible de favoriser lesentiment d’abandon de la part d’un destin jusque là favorable, ces traits ne lui sont cependantpas spécifiques. Bourdieu avait souligné, dans « La misère du monde », le sentiment dedéréliction dont faisaient part les exclus rencontrés par son équipe.Dubar, dans son enquête sur les récits biographiques, retient quatre « mondes » trèsdifférents. Le quatrième, intitulé « monde du travail protégé » regroupe « "des récits de galère"de jeunes qui ne se disent pas insérés au moment de l’entretien mais au contraire qui disentn’avoir connu que des échecs, des déconvenues, des promesses non tenues et des "stagesbidon"». Ces jeunes se décrivent « en attente » d’une place, d’un travail, d’un poste quequelqu’un va leur trouver, événement « comparable à l’intervention d’une Providence ».Dubar rattache cet espoir à « une croyance dans la protection ultime de la société (l’Etat ou lacommunauté proche) à l’égard des plus défavorisés » et se demande si les politiquesd’insertion des jeunes n’auraient pas « contribué à induire cette croyance de typeprovidentiel » (cf. Dubar, 1998, p.149).Patricia n’est pas, bien entendu, issue du même monde social que les jeunes enquêtéspar l’équipe de Dubar, et n’a pas bénéficié de dispositifs d’aide à l’insertion. Son histoirepersonnelle et sa situation actuelle l’amènent néanmoins à se trouver « en attente » dequelqu’un qui lui expliquerait « comment tout ça fonctionne », d’une place où elle serait« tranquille » et dans laquelle « la mère de (son) ami a essayé pendant longtemps de (la) faireentrer » (dernier entretien). Cela ne se montre en rien contradictoire avec les résultats avancéspar Dubar, mais nous amène à poser une question différente : lorsque les modèlesd’identification retenus par les sujets se révèlent inaccessibles et que ceux-ci ne parviennentpas à élaborer d’alternative à partir d’une réalité sociale (professionnelle) qui n’en propose pasde suffisamment proches, que reste-t-il comme recours psychologique aux sujets pour garantirNumér

leur intégrité ? Sans que la réponse puisse être définitive, on peut suggérer que demeurent, soitun désespoir lancinant relié à une attente dans une intervention providentielle 1 , soit la révolte(qui peuvent se succéder).• L’exaspération du chômeur.C’est dans la perspective d’une certaine révolte que l’on peut comprendre le 7 eentretien que j’ai avec Patricia. Il ne peut se saisir qu’en alliant le milieu social, l’histoirepersonnelle et la situation actuelle.Patricia ne montre jamais d’inquiétude très pronocée quant à ses difficultés à trouverdu travail, sa licence non achevée, le parcours de sa sœur, d’éventuels problèmes financiers,etc. (« je peux tenir un peu, … » (2 e entretien) demeure la seule indication fournie). Onpourrait penser qu’il s’agit, dans cette 7 e rencontre, d’un simple mouvement d’humeurpersonnel, mais on proposera que ce dont elle me fait part, c’est de son exaspération. Cetteexaspération du chômeur, bloqué, coincé, sans perspective, mis face à tous les refus et lesimpossibilités, je l’ai observée dans d’autres cas, et il faut bien qu’à un moment elles’exprime. Cloisonné dans son « tête à tête » avec son réel quotidien et ses préoccupationspersonnelles, exclu des « occupations sociales », le sujet n’éprouve plus la fonctionpsychologique du travail (cf. Clot, 1999, p.65). L’exaspération s’énonce toujours dansl’exagération et utilise les éléments idéologiques disponibles dans le milieu. Plusfréquemment, on incrimine la société, l’égoïsme de ceux qui travaillent, le système, lesrecruteurs, le capitalisme, etc. Ici, Patricia fait appel aux éléments du discours qui circulentdans son environnement. C’est ainsi que l’on trouve pêle-mêle :- Tous ces gens qui profitent de toutes les prestations sociales, c'est terrible ! LaFrance va à la catastrophe ! Il y a trop d'assistanat, les gens ne font plus rien, ils selaissent aller et essaient de profiter de toutes les caisses. [il y a une agressivité dansle ton]- Mais la France s'enfonce parce qu'elle est trop laxiste, avec toutes ces mesuresd'aide.- Je crois qu'on aide trop les gens ; avec trop d'assistance, on tue l'initiativeindividuelle. Regardez, moi, je serais sortie plus tôt des Assedic, si je n'avais pasété indemnisée aussi longtemps1qui, comme on l’a vu, est surdéterminée chez Patricia par son histoire subjective et « l’argent qui tombe duciel ».Numér

tranquille) et en appeler à cette providence qui avait pris soin d’elle, lui procurant de « l’argentqui tombe du ciel ».Deux expressions sont symptomatiques de cette attitude : « Vous êtes le seul àm'expliquer comment tout ça fonctionne » (2 e entretien) ; « Vous êtes le seul qui m'ayezexpliqué comment ça fonctionne.[…] Sinon, personne ne vous explique rien. » (7 e entretien).Outre que Patricia ne parvient pas à se renseigner par elle-même, on voit pointer, derrièrecelle de l’enseignant, la figure du père, dans un sentiment de déréliction. Perdue dans unmonde dont « personne ne (lui) explique rien », elle ne comprend pas qu’elle n’y trouve pas saplace.Si l’histoire de Patricia semble propice à cette attitude de passivité, du fait de« l’assistanat (qui) rend passif » (7 e entretien), si son parcours est susceptible de favoriser lesentiment d’abandon de la part d’un destin jusque là favorable, ces traits ne lui sont cependantpas spécifiques. Bourdieu avait souligné, dans « La misère du monde », le sentiment dedéréliction dont faisaient part les exclus rencontrés par son équipe.Dubar, dans son enquête sur les récits biographiques, retient quatre « mondes » trèsdifférents. Le quatrième, intitulé « monde du travail protégé » regroupe « "des récits de galère"de jeunes qui ne se disent pas insérés au moment de l’entretien mais au contraire qui disentn’avoir connu que des échecs, des déconvenues, des promesses non tenues et des "stagesbidon"». Ces jeunes se décrivent « en attente » d’une place, d’un travail, d’un poste quequelqu’un va leur trouver, événement « comparable à l’intervention d’une Providence ».Dubar rattache cet espoir à « une croyance dans la protection ultime de la société (l’Etat ou lacommunauté proche) à l’égard des plus défavorisés » et se demande si les politiquesd’insertion des jeunes n’auraient pas « contribué à induire cette croyance de typeprovidentiel » (cf. Dubar, 1998, p.149).Patricia n’est pas, bien entendu, issue du même monde social que les jeunes enquêtéspar l’équipe de Dubar, et n’a pas bénéficié de dispositifs d’aide à l’insertion. Son histoirepersonnelle et sa situation actuelle l’amènent néanmoins à se trouver « en attente » dequelqu’un qui lui expliquerait « comment tout ça fonctionne », d’une place où elle serait« tranquille » et dans laquelle « la mère de (son) ami a essayé pendant longtemps de (la) faireentrer » (dernier entretien). Cela ne se montre en rien contradictoire avec les résultats avancéspar Dubar, mais nous amène à poser une question différente : lorsque les modèlesd’identification retenus par les sujets se révèlent inaccessibles et que ceux-ci ne parviennentpas à élaborer d’alternative à partir d’une réalité sociale (professionnelle) qui n’en propose pasde suffisamment proches, que reste-t-il comme recours psychologique aux sujets <strong>pour</strong> garantirNumér

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