SAUTER Entretien d orientation pour DE 2005.pdf - ArianeSud ...
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la personne pour qu’elle entame un premier pas vers une resocialisation. L’entreprised’insertion, confrontée à une difficulté de gestion des ses équipes, a probablement pu se rallierun autre agent de l’ANPE pour n’avoir pas à renouveler le contrat de Rémi. Le bilan decompétences, impossible ici à amorcer, se trouve instrumentalisé comme un moyen au servicede cette finalité.L’analyse détaillée des propos de Rémi permet d’éclairer une problématique subjectiveparticulière. Sa situation se rapproche de celle d’un homme que j’ai rencontré deux annéesauparavant et que j’appellerai Roland. On y retrouve certaines expressions ainsi que lesentiment de cul de sac d’une vie, d’impossibilité d’entrevoir une solution, de déchéancesociale. Suite à nos entretiens, j’avais pris ces quelques notes (Annexe 2, fiche 18) que jereprends ici intégralement.Nerveux, il m'explique tout de suite ses déboires professionnels, avec un parcoursqui n'est pas toujours très clair. Il a travaillé dans le bâtiment, mais est devenuallergique au ciment. Il avait bien trouvé un CES dans le service des espaces vertsde la ville, mais ses problèmes de mains se sont aggravés, et sa peau s'est révéléeallergique au bois vert. Il vit pauvrement dans un quartier qui a mauvaiseréputation. « Il suffit de donner son adresse pour que ça n'intéresse plus personne.Quand on habite là, personne ne veut vous embaucher ! ». Il s'emporte contre sonsort et la COTOREP qui ne l'a pas reconnu suffisamment handicapé pour qu'iltouche une pension. Il doit vivre du RMI et cela n'est pas suffisant ; il ressentfortement l'image dégradante qu'il pense renvoyer aux autres : pauvre, dansl'incapacité de travailler, il survit dans ce quartier « pourri ». « Mais qu'est-ce queje vais faire ?, s'emporte-t-il, Qu'est-ce que je peux faire ? Faut-il que je cambriole,que j'aille voler les autres pour pouvoir vivre ? Mais je vais devenir fou ! Restercomme ça sans rien faire, toujours dans ce quartier, c'est la misère. Je vais devenirfou ! »J'essaie de lui proposer de travailler les démarches de recherche d'emploi, refaire leCV, cibler un secteur, préparer des lettres, etc. Mais, tout cela il l'a déjà faitailleurs, et « ça ne sert à rien ! ». Ce qu'il veut, c'est être reconnu COTOREP. Je luiexplique que je suis parfaitement incompétent pour traiter une telle demande. Je levois une fois par semaine pendant un mois ; je ne parviens pas à démarrer unedémarche de recherche d'emploi, et je le laisse s'exprimer. Mais son ton devient deplus en plus agressif, et on le sent, à chaque rencontre, plus angoissé. « IlsNumér
m'avaient dit à l'ANPE que vous alliez me mettre COTOREP et qu'alors je seraireconnu ! ». Je ne peux que contredire et tenter de le conseiller pour son dossier,mais ce dossier, il l'a « déjà fait, ça ne sert à rien ! ».Ce que je lui propose, il le fait déjà dans une association du quartier, avec quelqu'unqui le suit dans ses recherches d'emploi. C'est pourtant bien ce que je lui avaisexpliqué au départ. Il s'emporte et insulte les gens de l'ANPE qui l'ont guidé chezmoi : « Si je retourne là-bas, je les tue, je les tue tous !... » 1 . Je lui propose,puisqu'il fait ses recherches d'emploi dans cette association avec une personne qu'ilconnaît et reconnaît, que nous arrêtions la prestation. Cela réduit son angoisse,mais il ne décolère pas à l'égard de l'ANPE qui l'a mal orienté. Il me faudra dutemps pour évacuer la sensation d'agressivité qu'il a partagée avec moi ; quelleinextricable problématique qui le marginalise progressivement du monde du travailjusqu'à le faire « devenir fou » ?On repère les expressions très proches de celles employées par Rémi : « devenir fou »ou « ils vous tirent vers la folie », « ça ne sert à rien ! », ainsi que l’agressivité dans le ton et lecomportement. On pourrait multiplier les points de comparaison, mais là n’est pas l’objectif.Il faut noter que Roland perçoit nettement l’effet de disqualification sociale liée à son statut deRmiste, son revenu et le quartier « pourri » dans lequel il se trouve contraint de loger et dontla réputation viendrait renforcer ses difficultés à trouver un emploi. On y reviendra plus loinavec Paugam. Les tentatives faites pour travailler aboutissent à l’acculer au RMI du fait deréactions somatiques aux matériaux utilisés dans les activités. Je pense que l’agent ANPE quia reçu ce personnage nerveux et incontrôlable a pris peur et s’en est débarrassé en l’envoyantchez moi pour le « mettre COTOREP ».Roland n’énonce pas d’expressions littérales aussi nettes que Rémi, mais laproblématique me paraît proche. C’est lorsque je le renvoie vers cette personne quil’accompagne dans l’association et que je suspends la prestation qu’il parvient à se calmerquelque peu. Cette personne de l’association m’était apparue, à travers les propos de Roland,comme une référence qu’il reconnaissait, constituant un repère stable. Declerck a souligné lanécessité de tels repères pour le travail avec les clochards, à l’instar des prises en charge de lapsychose : « Les sujets gravement désocialisés […] évoluent dans un "ailleurs" […] social etéconomique, mais aussi dans un "ailleurs" symbolique et psychique, équivalent à la psychose.1Ces propos prennent un relief particulier dans la mesure où ils ont été émis à l’époque de la tuerie du ConseilMunicipal de Nanterre en 2002. Le meurtrier aurait confié à diverses personnes son intention de passer à l’acte,mais on ne l’a pas cru. Je me suis interrogé plus d’une fois sur ce que Rolland m’a confié, sans parvenir à évalueravec certitude le risque de passage à l’acte.Numér
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la personne <strong>pour</strong> qu’elle entame un premier pas vers une resocialisation. L’entreprised’insertion, confrontée à une difficulté de gestion des ses équipes, a probablement pu se rallierun autre agent de l’ANPE <strong>pour</strong> n’avoir pas à renouveler le contrat de Rémi. Le bilan decompétences, impossible ici à amorcer, se trouve instrumentalisé comme un moyen au servicede cette finalité.L’analyse détaillée des propos de Rémi permet d’éclairer une problématique subjectiveparticulière. Sa situation se rapproche de celle d’un homme que j’ai rencontré deux annéesauparavant et que j’appellerai Roland. On y retrouve certaines expressions ainsi que lesentiment de cul de sac d’une vie, d’impossibilité d’entrevoir une solution, de déchéancesociale. Suite à nos entretiens, j’avais pris ces quelques notes (Annexe 2, fiche 18) que jereprends ici intégralement.Nerveux, il m'explique tout de suite ses déboires professionnels, avec un parcoursqui n'est pas toujours très clair. Il a travaillé dans le bâtiment, mais est devenuallergique au ciment. Il avait bien trouvé un CES dans le service des espaces vertsde la ville, mais ses problèmes de mains se sont aggravés, et sa peau s'est révéléeallergique au bois vert. Il vit pauvrement dans un quartier qui a mauvaiseréputation. « Il suffit de donner son adresse <strong>pour</strong> que ça n'intéresse plus personne.Quand on habite là, personne ne veut vous embaucher ! ». Il s'emporte contre sonsort et la COTOREP qui ne l'a pas reconnu suffisamment handicapé <strong>pour</strong> qu'iltouche une pension. Il doit vivre du RMI et cela n'est pas suffisant ; il ressentfortement l'image dégradante qu'il pense renvoyer aux autres : pauvre, dansl'incapacité de travailler, il survit dans ce quartier « <strong>pour</strong>ri ». « Mais qu'est-ce queje vais faire ?, s'emporte-t-il, Qu'est-ce que je peux faire ? Faut-il que je cambriole,que j'aille voler les autres <strong>pour</strong> pouvoir vivre ? Mais je vais devenir fou ! Restercomme ça sans rien faire, toujours dans ce quartier, c'est la misère. Je vais devenirfou ! »J'essaie de lui proposer de travailler les démarches de recherche d'emploi, refaire leCV, cibler un secteur, préparer des lettres, etc. Mais, tout cela il l'a déjà faitailleurs, et « ça ne sert à rien ! ». Ce qu'il veut, c'est être reconnu COTOREP. Je luiexplique que je suis parfaitement incompétent <strong>pour</strong> traiter une telle demande. Je levois une fois par semaine pendant un mois ; je ne parviens pas à démarrer unedémarche de recherche d'emploi, et je le laisse s'exprimer. Mais son ton devient deplus en plus agressif, et on le sent, à chaque rencontre, plus angoissé. « IlsNumér