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5.1.1. Le genre.Clot rappelle, comme exemple de dysfonctionnement professionnel, l’accident del’Airbus A-320 qui s’est écrasé sur le Mont Sainte-Odile près de Strasbourg en 1992, pourintroduire, à partir des diverses analyses qui en ont été proposées, ses notions centrales degenre et de style. Les intentions d’approche de la piste d’atterrissage initialement prises par lepilote ont été contre-carrées par les instructions de la tour de contrôle. Le pilote s’est donctrouvé dans l’urgence de modifier son plan de vol d’une part, mais Clot insiste d’autre part surle contexte social de l’époque dans l’entreprise, engagée dans le conflit sur la composition àdeux ou trois dans l’équipage de l’A-320. Reprenant la contribution d’un pilote, MichelJouanneaux, qui revient en détail sur les circonstances de ces années avec notammentl’introduction de l’informatique dans les avions, Clot note que le pilotage passe aussi par unapprentissage du corps, un contrôle des émotions qui participent alors à l’activité cognitive etvont « faire trace » dans un corps qui devient « une mémoire pour prédire » (ibid., p.24).Jouanneaux montre par ailleurs qu’il existe une base du métier commune à tous lespilotes qui parviennent de la sorte à faire équipe sans avoir à se mettre d’accord sur lesmodalités ou les présupposés de l’action : « la compétence, dans ce cas, semble posséder unecomposante impersonnelle, autrement dit générique » (ibid., p.28, souligné par l’auteur). Legenre se dissocie ici de ce que d’autres auteurs ont pu qualifier d’ « environnement cognitifcommun » ou de « référentiel opératif commun » ; il cherche à intégrer les règles formelles (leréférentiel) qui ordonnent les activités, mais également les règles informelles de l’action quiorganisent les rapports des sujets entre eux, définissent les normes du métier. Et Clot insistesur ce qui lui paraît ici décisif : « la norme et l’ordre qui font le genre des activités réclaméesdans la situation méritent d’être vus davantage comme un mouvement que comme un état »(ibid., p.30). Le genre est donc « vivant » et son histoire lui est constitutif, même si c’esttoujours dans une situation particulière que l’on peut le déceler, que l’on peut percevoir cesmanières singulières de « "prendre" les choses et les personnes dans un milieu donné » (ibid.).Le genre, pris dans l’action, reste invisible pour les professionnels eux-mêmes qui fontpourtant appel à lui dans leurs « automatismes », leur professionnalisme. Il apparaîtnéanmoins nettement lorsqu’il se trouve remis en cause par certains professionnels qui tententde l’influencer : « c’est seulement lorsqu’une réévaluation se prépare que la règle non écritedevient visible, que les règles du genre apparaissent. C’est lorsque le genre est troublé qu’onNumér

le voit » (ibid., p.32, souligné par l’auteur). Dans le cas de Jouanneaux, son explicitation deson style personnel de pilotage met en évidence les procédures informelles avec leursvariantes mises en place dans les équipages. Il existe donc un fond commun pour tous lesprofessionnels d’un métier, le genre, mais également un style personnel de chacun qui faitvivre, en retour, le genre dans sa mise en œuvre dans chaque situation.Clot s’inspire des travaux en linguistique de Bakhtine qui critique la proposition deSaussure d’opposer la langue et la parole comme le social et l’individuel. Il existe selonBakhtine des formes toutes-faites d’énonciations que nous reprenons à notre compte pournous exprimer. Il n’y a pas d’un côté la langue comme phénomène social et de l’autre laparole individuelle qui en use plus ou moins librement, mais on intègre des façons de parlerdans certaines circonstances, des énonciations types, standardisées qui sont autant de « genresde discours disponibles dont le sujet doit parvenir à disposer pour entrer dans l’échange »(Clot, Faïta, 2000, p.10, souligné par les auteurs). Nous nous exprimons doncquotidiennement en référence à des genres qui demeurent sous-entendus. On avanceraitvolontiers ici l’exemple de l’apprentissage des langues étrangères : ceux qui progressent bienet acquièrent une fluidité sont souvent ceux qui reprennent telles quelles les expressionsidiomatiques qui n’existent pas dans leur langue d’origine ; ils intègrent d’emblée un genrelinguistique différent, avec les tons et les accentuations qui lui sont propres. Il existe donc,selon Bakhtine, une multiplicité de genres, tant dans l’écrit que dans le langage oral, et pournous exprimer, « nous moulons notre parole dans des formes précises de genres standardisés,stéréotypés, plus ou moins souples, plastiques ou créatifs » (ibid.). Chacun d’entre nous vafaire appel à l’un ou l’autre genre en fonction des attendus de la situation, mais « pour en userlibrement, il faut une bonne maîtrise des genres » (Bakhtine, cité par Clot, 1999, p.35).A partir de cette conception des formes sociales de la parole, Clot propose dans saperspective de repérer le genre, dans les sous-entendus de l’activité, comme « une sorte depréfabriqué, stock de "mises en actes", de "mises en mots", mais aussi de conceptualisationspragmatiques […], prêts à servir. C’est aussi une mémoire pour pré-dire. Un prétravaillésocial […] qui installe les conditions initiales de l’activité en cours, préalables à l’action »(Clot, Faïta, 2000, p.13). Le genre relève des conventions tacites d’une profession qui donnentdes repères et permettent d’agir dans l’immédiat sans avoir à les reformuler à chaque moment.Les genres, toujours labiles, mais provisoirement stabilisés, « marquent l’appartenance à ungroupe et orientent l’action en lui offrant, en-dehors d’elle, une forme sociale qui la représente,la précède, la préfigure et, du coup, la signifie » (Clot, 1999, p.41, souligné parNumér

5.1.1. Le genre.Clot rappelle, comme exemple de dysfonctionnement professionnel, l’accident del’Airbus A-320 qui s’est écrasé sur le Mont Sainte-Odile près de Strasbourg en 1992, <strong>pour</strong>introduire, à partir des diverses analyses qui en ont été proposées, ses notions centrales degenre et de style. Les intentions d’approche de la piste d’atterrissage initialement prises par lepilote ont été contre-carrées par les instructions de la tour de contrôle. Le pilote s’est donctrouvé dans l’urgence de modifier son plan de vol d’une part, mais Clot insiste d’autre part surle contexte social de l’époque dans l’entreprise, engagée dans le conflit sur la composition àdeux ou trois dans l’équipage de l’A-320. Reprenant la contribution d’un pilote, MichelJouanneaux, qui revient en détail sur les circonstances de ces années avec notammentl’introduction de l’informatique dans les avions, Clot note que le pilotage passe aussi par unapprentissage du corps, un contrôle des émotions qui participent alors à l’activité cognitive etvont « faire trace » dans un corps qui devient « une mémoire <strong>pour</strong> prédire » (ibid., p.24).Jouanneaux montre par ailleurs qu’il existe une base du métier commune à tous lespilotes qui parviennent de la sorte à faire équipe sans avoir à se mettre d’accord sur lesmodalités ou les présupposés de l’action : « la compétence, dans ce cas, semble posséder unecomposante impersonnelle, autrement dit générique » (ibid., p.28, souligné par l’auteur). Legenre se dissocie ici de ce que d’autres auteurs ont pu qualifier d’ « environnement cognitifcommun » ou de « référentiel opératif commun » ; il cherche à intégrer les règles formelles (leréférentiel) qui ordonnent les activités, mais également les règles informelles de l’action quiorganisent les rapports des sujets entre eux, définissent les normes du métier. Et Clot insistesur ce qui lui paraît ici décisif : « la norme et l’ordre qui font le genre des activités réclaméesdans la situation méritent d’être vus davantage comme un mouvement que comme un état »(ibid., p.30). Le genre est donc « vivant » et son histoire lui est constitutif, même si c’esttoujours dans une situation particulière que l’on peut le déceler, que l’on peut percevoir cesmanières singulières de « "prendre" les choses et les personnes dans un milieu donné » (ibid.).Le genre, pris dans l’action, reste invisible <strong>pour</strong> les professionnels eux-mêmes qui font<strong>pour</strong>tant appel à lui dans leurs « automatismes », leur professionnalisme. Il apparaîtnéanmoins nettement lorsqu’il se trouve remis en cause par certains professionnels qui tententde l’influencer : « c’est seulement lorsqu’une réévaluation se prépare que la règle non écritedevient visible, que les règles du genre apparaissent. C’est lorsque le genre est troublé qu’onNumér

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