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malaise vécu dans un groupe ou par une personne déterminés ». Pour tenter de comprendre, leconseiller dispose avant tout de son écoute. On peut avancer ici qu’une écoute clinique permetde mieux comprendre l’autre et sa situation. Mais qu’est-ce alors que cette écoute clinique ?On y fait généralement référence en thérapie. On voudrait entendre ici l’écoute plutôtcomme respect de l’autonomie de l’autre dans ce qu’il veut et ne veut pas dire, mais toujoursen tentant d’anticiper un peu pour accompagner (Enriquez). On ne recherche pas de senscaché, on ne fournit pas d’interprétation, mais l’écoute sert au conseiller à comprendre et auconsultant à s’exprimer.Je propose trois exemples personnels simples d’(in)disponibilité de l’écoute où j’ai étémoi-même « consultant » auprès de trois médecins (trois femmes). La première me demandasi elle me voyait pour la première fois, et comme j’acquiesçais, elle s’empressa de compléterle dossier médical informatisé (tic qui semble malheureusement se répandre) ; j’hésitai àsortir, mais il fallait que je me soigne. La fois suivante, je testai un autre médecin ; la bibleétait disponible en salle d’attente au côté des revues habituelles. Elle me posa quelquesquestions, puis se lança dans un propos moralisateur sur la consommation de cigarettes. Enpériode forte d’activité professionnelle, j’aurais souhaité m’exprimer un tant soit peu sur monétat de fatigue et les raisons de ma faiblesse physique ; l’envie m’en était passée. Le troisièmeexemple s’est déroulé à la médecine du travail ; nous discutions pendant qu’elle m’auscultait,et à travers l’une ou l’autre question (« Vous avez beaucoup de travail en ce moment ? », etc.),elle réussit à me faire parler de mes préoccupations et d’engagements qui représentent uneimportance à mes yeux. Ces exemples relèveront peut-être d’une banalité extrême pour lescliniciens chevronnés, mais ils illustrent la disponibilité nécessaire au travail du conseiller.Israël avait pourtant tenté de sensibiliser les médecins à l’écoute : « chaque demanded’être écouté doit être reçue par le médecin, mais sur le plan de la parole. Un médecinincapable d’écouter ceux qui s’adressent à lui, incapable de leur permettre cette conquêted’eux-mêmes par la parole, n’est pas un médecin complet. Ce qui est parfaitement son droit… [mais] on ne soulignera jamais assez que la dimension du discours constitue la moitié deson art » (Israël, 1976, p.159). Et lorsqu’un patient arrive avec un auto-diagnostic, comme parexemple la dépression, « il ne s’agit pas d’en faire un malade, ni de le renvoyer. Mais de luifaire découvrir qu’il a quelque chose à dire, qui vaut la peine d’être écouté » (ibid., p.160).Ces remarques valent à notre sens pour l’activité de conseil ; la disponibilité de l’écouten’implique pas de faire de la clinique un leitmotiv, mais de souligner son importance pourcompléter une approche éducative.Numér

L’écoute se trouve ainsi centrée sur la personne (Revault d’Allonnes), ce qui signifieque le conseiller fait relativement silence de lui-même et tente autant que possible de ne pasappliquer sur l’autre un profil ou un stéréotype. Cet autre est un sujet, et en tant que tel, leconseiller a l’obligation professionnelle de s’engager pour ce sujet, et non contre son avis.Cela n’entraîne pas qu’il doive répondre dans la seconde à la moindre demande. Mais commele disait Castoriadis, que nous avons déjà cité, à propos de la cure analytique : : « il n'y a pasde traitement […] qui n'ait comme présupposé […] la primauté absolu du point de vue dupatient sur sa propre vie ». Et ce n’est qu’à partir de ce point de vu que quelque chose pourrase construire.C’est ici que l’écoute clinique se différencie d’autres formes d’écoute comme, parexemple, l’utilisent les commerciaux, les hommes politiques ou les partenaires sociaux(concertation), etc. Ces formes de l’échange conservent toujours un aspect stratégique, unobjectif par rapport à l’autre. Dans la clinique on ne peut prendre en compte que les finalitésque la personne se donne et surtout qu’elle se découvrira éventuellement au cours del’accompagnement. Il s’agit d’une activité pratico-poiétique dans laquelle la traditionnelledissociation entre commande et demande demeure toujours pertinente et nécessaire. Laposition de sous-traitant peut alors favoriser un démarquage par rapport à l’ANPE. C’est enadoptant une position de clinicien que Dubost permettait aux habitants de Savines de« verbaliser des choses qu’ils savaient déjà, et de concevoir des projets » (Dubost, 2000,p.121) ; il tâchait de prendre en compte, suivant en cela l’expérience de Favret-Saada, lesconcepts de ses interlocuteurs et de « donner la parole à ceux qui ne l’avaient pas » (ibid.,p.125).L’écoute donc, mais une écoute multiréférencée, à plusieurs étages : situation etenvironnement social, parcours professionnel, ruptures, histoire familiale, fratrie, crises,lapsus, actes manqués, etc. Rien ne peut être a priori considéré comme anodin ou sansimportance. Favoriser l’expression a de multiples incidences, mais la première des conditionsen est la présence d’une écoute attentive et disponible, qui ne vienne pas briser ce qui est làpour se dire et qui n’a de chance d’y parvenir que dans le temps long d’une recherche et d’untâtonnement. Cela ne signifie pas qu’il faille sombrer dans l’acharnement ou la tyrannie del’écoute, dans un « rogérisme laxiste » (Boursier), mais il faut pouvoir s’adapter à chaquerencontre et intervenir davantage si cela est nécessaire, s’impliquer et accepter ce risque(même celui de se tromper) en recherchant la « bonne distance » (Revault d’Allonnes). Etcelle-ci n’est jamais ni définie, ni définitive, car « l’écoute clinique d’une personne, ce n’estNumér

malaise vécu dans un groupe ou par une personne déterminés ». Pour tenter de comprendre, leconseiller dispose avant tout de son écoute. On peut avancer ici qu’une écoute clinique permetde mieux comprendre l’autre et sa situation. Mais qu’est-ce alors que cette écoute clinique ?On y fait généralement référence en thérapie. On voudrait entendre ici l’écoute plutôtcomme respect de l’autonomie de l’autre dans ce qu’il veut et ne veut pas dire, mais toujoursen tentant d’anticiper un peu <strong>pour</strong> accompagner (Enriquez). On ne recherche pas de senscaché, on ne fournit pas d’interprétation, mais l’écoute sert au conseiller à comprendre et auconsultant à s’exprimer.Je propose trois exemples personnels simples d’(in)disponibilité de l’écoute où j’ai étémoi-même « consultant » auprès de trois médecins (trois femmes). La première me demandasi elle me voyait <strong>pour</strong> la première fois, et comme j’acquiesçais, elle s’empressa de compléterle dossier médical informatisé (tic qui semble malheureusement se répandre) ; j’hésitai àsortir, mais il fallait que je me soigne. La fois suivante, je testai un autre médecin ; la bibleétait disponible en salle d’attente au côté des revues habituelles. Elle me posa quelquesquestions, puis se lança dans un propos moralisateur sur la consommation de cigarettes. Enpériode forte d’activité professionnelle, j’aurais souhaité m’exprimer un tant soit peu sur monétat de fatigue et les raisons de ma faiblesse physique ; l’envie m’en était passée. Le troisièmeexemple s’est déroulé à la médecine du travail ; nous discutions pendant qu’elle m’auscultait,et à travers l’une ou l’autre question (« Vous avez beaucoup de travail en ce moment ? », etc.),elle réussit à me faire parler de mes préoccupations et d’engagements qui représentent uneimportance à mes yeux. Ces exemples relèveront peut-être d’une banalité extrême <strong>pour</strong> lescliniciens chevronnés, mais ils illustrent la disponibilité nécessaire au travail du conseiller.Israël avait <strong>pour</strong>tant tenté de sensibiliser les médecins à l’écoute : « chaque demanded’être écouté doit être reçue par le médecin, mais sur le plan de la parole. Un médecinincapable d’écouter ceux qui s’adressent à lui, incapable de leur permettre cette conquêted’eux-mêmes par la parole, n’est pas un médecin complet. Ce qui est parfaitement son droit… [mais] on ne soulignera jamais assez que la dimension du discours constitue la moitié deson art » (Israël, 1976, p.159). Et lorsqu’un patient arrive avec un auto-diagnostic, comme parexemple la dépression, « il ne s’agit pas d’en faire un malade, ni de le renvoyer. Mais de luifaire découvrir qu’il a quelque chose à dire, qui vaut la peine d’être écouté » (ibid., p.160).Ces remarques valent à notre sens <strong>pour</strong> l’activité de conseil ; la disponibilité de l’écouten’implique pas de faire de la clinique un leitmotiv, mais de souligner son importance <strong>pour</strong>compléter une approche éducative.Numér

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