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La médiation civile et commerciale - Barreau du Québec

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Les ordonnances de pension alimentairerétroactives ne devraient pas être exceptionnellesLouis Baribeau, avocat<strong>La</strong> Cour suprême vient d’établir une série de critères sur lesquels se baser pour décider s’il estéquitable de rendre une ordonnance de pension alimentaire rétroactive pour enfant.<strong>La</strong> décision dans D.B.S. c. S.R.G.; L.J.W. c. T.A.R.; Henry c. Henry <strong>et</strong> Hiemstra c.Hiemstra i réunit quatre différents pourvois au suj<strong>et</strong> de demandes de pensionalimentaire rétroactives. Les faits varient, mais dans toutes ces causes, le parentcréancier de la pension a omis de s’adresser au tribunal en temps opportun pourobtenir la majoration de la pension alimentaire de son enfant <strong>et</strong> a demandé plus tar<strong>du</strong>ne ordonnance rétroactive. Deux des cas relèvent de la Loi sur le divorce <strong>et</strong> deuxautres de la Parentage and Maintenance Act de l’Alberta.Ces différents pourvois soulèvent tous la même question : l’obligation des parents desubvenir aux besoins de leur enfant les oblige-t-ils à majorer leur pension alimentaireavant qu’un accord ou une ordonnance de la Cour les y oblige ?Le juge Michel Bastarache, de la Cour suprême <strong>du</strong> Canada, qui a rédigé les motifsde la majorité des juges, fait remarquer que pour chacun de ces pourvois, « l’objectifultime doit être de faire en sorte que l’enfant bénéficie de ce qui lui est dû au momentoù il lui est dû. Tout ce qui peut inciter le parent débiteur à se soustraire à sesobligations doit être écarté ». Il ajoute que les demandes d’ordonnances rétroactivesne doivent pas être considérées comme exceptionnelles ou rares <strong>et</strong> que chaquedemande devrait être jugée selon les faits particuliers de la cause.Fondement des obligations des parentsLes pouvoirs des tribunaux d’accorder ces ordonnances rétroactives se fondent surl’obligation des parents de subvenir aux besoins de leur enfant selon leurs revenus.«C<strong>et</strong>te obligation parentale, tout comme le droit corollaire de l’enfant à des aliments,existe indépendamment de toute loi ou ordonnance judiciaire », indique le jugeBastarache. Les lignes directrices fédérales n’ont fait qu’en préciser le mode de calcul.Ainsi, « sous le régime fédéral, le parent débiteur qui n’accroît pas le montant de lapension à proportion de l’augmentation de son revenu manque à son obligationalimentaire », affirme le juge Bastarache. Mais, en cas de manquement, comment fairerespecter c<strong>et</strong>te obligation envers les enfants à charge ?Les lignes directrices fédérales requièrent la présentation d’une demande au nom del’enfant par une personne légalement autorisée. Pour faciliter l’exercice <strong>du</strong> droit à lapension alimentaire, elles obligent le débiteur à fournir des renseignements sur sonrevenu sur demande au plus une fois par année. Le débiteur n’est pas obligé derajuster automatiquement sa pension dès qu’il a une augmentation de revenu,remarque le juge Bastarache. Cependant, « lorsque son revenu augmente <strong>et</strong> que lemontant de la pension alimentaire pour enfants demeure le même, l’obligation n’estpas remplie, ce qui peut justifier une mesure ultérieure d’exécution judiciaire ».Cas d’ordonnances rétroactivesIl y a trois cas où il peut être approprié d’accorder une ordonnance de pensionrétroactive pour enfant : soit qu’un tribunal ait déjà ordonné une pension alimentairepour la période en cause; soit qu’un accord soit déjà intervenu entre les parties; soitqu’un tribunal n’ait pas encore ordonné le paiement d’une pension alimentaire pourenfants.L’article 17 de la Loi sur le divorce accorde explicitement aux tribunaux le droitd’exercer leur pouvoir discrétionnaire pour rendre des ordonnances modificatricesrétroactives. Quant au pouvoir de rendre des ordonnances rétroactives en l’absenced’ordonnances antérieures, il est permis implicitement par l’article 15.1 qui necomporte pas de restrictions quant à la date de départ de l’ordonnance.Une question d’équitéAvant d’accorder ou rej<strong>et</strong>er une demande d’ordonnance rétroactive, les tribunauxdoivent se demander si la rétroactivité est opportune <strong>et</strong> équitable compte tenu descirconstances pertinentes. Une ordonnance peut être inopportune, par exemple, si ellene procure aucun avantage concr<strong>et</strong> à l’enfant ou en raison des difficultés financièresqu’elle occasionnerait au débiteur.L’équité implique d’établir un équilibre entre deux attentes différentes : premièrementla certitude que l’ordonnance de pension alimentaire est exécutoire tant qu’elle n’estpas modifiée; deuxièmement, les attentes qu’un changement dans la situation <strong>du</strong>débiteur alimentaire, par exemple, une augmentation de revenus, modifie le montantde la pension <strong>et</strong> à ce qu’une ordonnance rétroactive soit demandée. « Lorsque lasituation change, l’équité commande que les obligations s’y adaptent », affirme le jugeBastarache.Pour établir c<strong>et</strong> équilibre, les juges doivent « déterminer si le parent créancier avait unmotif valable de différer la demande tout en tenant compte <strong>du</strong> comportement <strong>du</strong>parent débiteur, de la situation de l’enfant <strong>et</strong> des difficultés qu’une ordonnancerétroactive pourrait causer », écrit-il dans sa décision.R<strong>et</strong>ard à présenter la demande de rétroactivitéLes circonstances <strong>du</strong> créancier à s’adresser à la Cour sont cruciales pour décider si larétroactivité est justifiée. Les tribunaux ne peuvent pas présumer que le r<strong>et</strong>ard estjustifié. Cependant, ils doivent être sensibles aux craintes <strong>du</strong> créancier de faire c<strong>et</strong>tedemande, par exemple, à sa peur légitime de la réaction vindicative de l’ex-conjoint. Ily a lieu également de tenir compte si le créancier n’est pas en mesureémotionnellement ou financièrement de présenter la demande ou qu’il a été malconseillé par son avocat.Le comportement répréhensible <strong>du</strong> parent débiteurLe juge Bastarache qualifie de répréhensible « tout acte <strong>du</strong> parent débiteur qui tend àfaire passer ses intérêts avant le droit de l’enfant à une pension alimentaire d’unmontant approprié ». Par exemple, dissimuler sciemment l’augmentation de sonrevenu à l’autre parent, l’in<strong>du</strong>ire en erreur ou l’intimider pour éviter uneaugmentation de la pension sont des actes répréhensibles. Cependant, la croyancesincère <strong>du</strong> débiteur qu’il remplit son obligation n’est pas répréhensible.<strong>La</strong> situation de l’enfant« L’enfant qui jouit actuellement d’un niveau de vie relativement élevé bénéficieramoins d’une ordonnance rétroactive que celui qui se trouve actuellement dans lebesoin », fait remarquer le juge Bastarache. De plus, les besoins de l’enfant à l’époqueoù la pension réclamée aurait dû être versée entrent en ligne de compte. Par exemple,une ordonnance rétroactive pourrait réparer les problèmes causés à l’enfant dans lepassé par l’omission d’augmenter la pension à laquelle il avait droit. « Par contre, un<strong>et</strong>elle ordonnance est plus difficile à justifier dans le cas où l’enfant a bénéficié de tousles avantages qu’il aurait obtenus si les deux parents avaient subvenu à ses besoins »,précise le juge Bastarache. Par ailleurs, il indique que les difficultés supplémentairessubies par le créancier ne sont pas pertinentes à la décision d’accorder la rétroactivité.Difficultés que pourrait causer la rétroactivitéUne ordonnance peut entraîner des difficultés <strong>du</strong> fait qu’elle est rétroactive. Parexemple, les ressources actuelles <strong>du</strong> débiteur peuvent entrer en ligne de compte, carcontrairement à la pension pour l’avenir, la pension rétroactive n’est pasintrinsèquement liée aux ressources actuelles <strong>du</strong> parent débiteur. Les autresobligations familiales <strong>du</strong> parent débiteur peuvent aussi être considérées dans cesdifficultés.Date de rétroactivitéAprès avoir déterminé, d’après l’ensemble des circonstances, qu’une ordonnancerétroactive est justifiée, il convient d’établir à quand elle devrait remonter.Généralement, la date à r<strong>et</strong>enir est celle où le parent débiteur a informé réellement,sans r<strong>et</strong>ard in<strong>du</strong>, l’ex-conjoint de son augmentation de revenu. Faire rétroagirl’ordonnance à la date de la demande judiciaire ou de la demande formelle n’estgénéralement pas approprié. Il faut laisser aux parties le temps de négocier. « Leparent créancier ne devrait pas avoir à sacrifier son droit à la pension pendant lapériode de négociation formelle », indique le juge Bastarache. Cependant, si lecréancier tarde sans justification à présenter une demande d’ordonnance rétroactive,la période de r<strong>et</strong>ard pourrait être soustraite de la période de rétroactivité.Dans les cas où le débiteur a omis d’aviser honnêtement son conjoint de sonaugmentation de revenu ou a agi de manière répréhensible, il y a lieu de faireremonter l’ordonnance jusqu’à la date réelle de la majoration <strong>du</strong> revenu. Cependant,on ne devrait pas remonter à plus de trois ans avant la date de l’information réelle,étant donné que les règles directrices fédérales n’obligent pas le parent à divulguerson revenu au-delà de trois ans.On ne peut que recommander la lecture <strong>du</strong> texte intégral de la décision, une centainede pages, aux praticiens en droit de la famille. Il est particulièrement intéressant devoir comment la Cour suprême applique aux quatre cas d’espèces qui lui ont étésoumis les critères qu’elle a élaborés.i 2006 CSC 37.Le Journal <strong>Barreau</strong> <strong>du</strong> <strong>Québec</strong> Avril 2007 29

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