vent au premier plan des amorces très importantes,pour donner le sentiment qu'il est à l'extérieurde la pièce et placer le spectateur en positionde voyeur volontaire. C'est un dispositif donton s'est beaucoup servi sur Aurore./ Comment avez-vous choisi les interprètes <strong>du</strong>roi et de la reine ?J'ai rencontré Carole Bouquet à l'occasion d'unesérie de films sur les enfants des rues que j'aipro<strong>du</strong>its et co-réalisés, et à laquelle elle a participé.J'ai ensuite eu envie d'écrire le rôle de lareine pour elle. Il me fallait une très belle femme,extrêmement élégante, et d'une grande douceuravec les enfants. En outre, Carole possède unegravité et une dramaturgie phénoménales quicorrespondaient en tout point au personnage.Quant à François Berléand, je le connaissaisparce que j'avais déjà travaillé avec lui et jesavais que c'était un acteur facile à diriger etsans rapports de force. Je voulais un comédienqui accepte d'être démuni : il ne s'agit surtout pasd'un rôle de guerrier qui a conquis le monde ! Ilpossède aussi une part d'enfance et de fragilitéque je recherchais, tout comme Carole Bouquetd'ailleurs.avec les chorégraphes pour atteindre une symbioseentre mouvement et musique. Ce travail a<strong>du</strong>ré près de douze mois./ Comment s'est passé le tournage ?J'ai eu beaucoup de chance d'avoir en EmilieGeorges une pro<strong>du</strong>ctrice qui m'ait autant accompagnéet soutenu, tant sur un plan artistiquequ'humain. Sur toutes les décisions artistiques,nous nous sommes formidablement bien enten<strong>du</strong>s.Elle n'a jamais cherché à prendre le pouvoirsur la mise en scène et a constamment été à monécoute. Cela a été un véritable travail de collaboration.J'ai le sentiment qu'il y a eu une émulationextraordinaire entre tous les techniciens, qui sesont vus travailler ensemble et qui ont eu enviede se dépasser.•/ Et Nicolas Le Riche ?J'ai aussi écrit le scénario avec lui en tête, touten étant certain qu'il n'aurait jamais le temps departiciper au film ! J'avais d'ailleurs très peur del'appeler, et c'est Brigitte Lefèvre, directrice de ladanse de l'Opéra de Paris, qui m'a poussé à lefaire. Je lui ai ensuite fait passer des essais et ilétait juste. Il me fallait avant tout un danseurpour les scènes <strong>du</strong> monde des nuages, et surtoutpas un comédien à qui on apprenne à danser./ La musique tient une place extrêmement importantedans le film. Comment avez-vous procédé ?Il ne s'agissait pas de coller des mouvements dedanse sur une musique, ni de coller une musiquesur des mouvements de danse. J'ai doncdemandé à Carolin Petit de construire sa musique9
Entretien avecCAROLE BOUQUET/ Vous aviez rencontré Nils Tavernier à l'occasiond'un documentaire que vous avez co-réalisé…Il s'agissait d'un documentaire sur le parcoursd'une femme ayant vécu - et survécu - dans lacasbah de Casablanca : elle avait réussi à se fairerespecter tout en ayant beaucoup souffert decette expérience. C'est la première fois que je meretrouvais derrière la caméra, mais je n'ai pasvraiment l'intention de poursuivre dans cettevoie : ce que j'aime par-dessus tout, c'est raconterdes histoires en les interprétant./ Nils avait-il déjà évoqué le projet d'Aurore ?Oui, le projet est né très tôt. A l'époque, il s'agissaitd'une ébauche intéressante et belle mais qui,à mes yeux, méritait d'être retravaillée. C'est cequ'il a fait puisque, pendant longtemps, je n'aiplus eu de ses nouvelles et que, deux ans plustard, j'ai reçu un scénario extrêmement élaboré,accompagné de dessins magnifiques des décorset des costumes ! Il avait conscience que cen'était pas un projet facile à monter et à vendreaux télévisions, mais il est tellement passionnépar son sujet qu'il a réussi à le pro<strong>du</strong>ire… Je l'aimoi-même beaucoup encouragé pour que sondésir ne faiblisse surtout pas./ Vous aimez tourner des premiers ou desseconds longs métrages…On me les propose davantage aujourd'hui qu'il y aquelques années. Je pense que c'est parce je peuxdésormais contribuer à monter des films et que jerassure les metteurs en scène débutants. Par ailleurs,j'ai toujours aimé conforter les cinéastesdans leur désir et les aider à réaliser leur rêve -et plus encore aujourd'hui. J'estime que cela faitpartie de mon travail : je ne cherche pas à parlerà la place des réalisateurs, mais à leur donner lesmoyens de parler./ Qu'est-ce qui vous intéresse dans l'univers deNils Tavernier ?Sa passion pour la danse. J'ai été vraimentimpressionnée par cet homme qui, tout en appartenanttotalement à son époque, est aussi habitépar la danse et l'Opéra de Paris. J'ai été très sensibleau fait qu'il en fasse un véritable récit, aussirare qu'ambitieux, et pas seulement un documentaire.Dès qu'il s'agit d'univers que je ne connaispas, je suis sé<strong>du</strong>ite. J'ai vraiment eu le sentimentd'être au spectacle./ Vous aimez la forme <strong>du</strong> conte ?J'adore ça ! Plus généralement, j'aime toutes lesparaboles et je trouve qu'on peut transmettre deschoses magnifiques à travers l'univers <strong>du</strong> merveilleux.J'aime aussi cette manière de raconter quilaisse une large place à l'imaginaire et qui dit deschoses tellement vraies sur le quotidien. Acontrario, je n'aime pas beaucoup qu'on me parle<strong>du</strong> quotidien de manière banale : je préfère millefois la tragédie au drame. Je déteste les tragédiesmontées comme des faits divers : j'ai le sentimentqu'on les abîme et qu'on les rend moins universelles./ Brigitte Roüan vous avait déjà fait danser dansTravaux…Au départ, je ne savais pas que Nils allait medemander de danser ! J'avoue que j'ai redouté lemoment où il a fallu que je porte une robe blancheet que je me fasse passer pour une ancienne danseuse: je savais que j'étais totalement incapablene serait-ce que de bouger les mains comme unedanseuse ! Je me suis donc contentée d'évocationsde ces gestes que j'étais incapable de faire…/ Vous incarnez une femme qui a renoncé à son artpar amour. Que pensez-vous de ce personnage ?Elle est d'une douceur et d'une tendresse qui mesont plutôt étrangères ! Et contrairement à elle,je n'aurais pas renoncé à mon métier pour faireplaisir à mon roi… Mais je crois profondément queNils a besoin de croire dans cette pureté des sentiments./ Votre personnage est la médiatrice entre lemonde protocolaire <strong>du</strong> royaume et l'univers de ladanse, espace de liberté…Je me reconnais complètement dans cette facette<strong>du</strong> personnage. J'aime cette idée de camper l’intermédiaireentre la réalité et cette autre dimensiontranscendée par l'art et la danse. J'y retrouvequelque chose de l'é<strong>du</strong>cation que j'ai aiméetransmettre à mes enfants ou à d'autres enfantsque les miens. J'aime la transmission parce que,pour moi, elle permet de sortir <strong>du</strong> raisonnable.C'est aussi pour cela que j'aime raconter des histoires…1011