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- Non, je jouais aux cartes.- Aux cartes ?!- Oui. Au poker.El<strong>le</strong> secoue la tête. Pas trop. Il y a du brushing dans l’air.- Combien tu as perdu ? S’amuse mon frère.- Rien. Cette fois-ci, j’ai gagné. Si<strong>le</strong>nce assourdissant.- On peut savoir combien ? Finit-el<strong>le</strong> par craquer en ajustant ses Persol.- Trois mil<strong>le</strong>.- Trois mil<strong>le</strong> ! Trois mil<strong>le</strong> quoi ?- Ben... euros, fis-je naïvement, on ne va pas s’emmerder avec des roub<strong>le</strong>squand même...Je ricanais en me roulant en bou<strong>le</strong>. Je venais de lui donner du grain à moudre pour <strong>le</strong>restant du trajet, à ma petite Carine...J’entendais <strong>le</strong>s rouages de son cerveau se mettre en bran<strong>le</strong> :« Trois mil<strong>le</strong> euros... tiquetiquetiquetic... Combien il fallait qu’el<strong>le</strong> en vende, el<strong>le</strong>, desshampoings secs et des comprimés d’aspirine pour gagner trois mil<strong>le</strong> euros ?...tiquetiquetiquetic... Plus <strong>le</strong>s charges, plus la taxe professionnel<strong>le</strong>, plus <strong>le</strong>s impôtslocaux, plus son bail et moins la TVA... Combien de fois el<strong>le</strong> devait l’enfi<strong>le</strong>r sa blouseblanche pour gagner trois mil<strong>le</strong> euros net, el<strong>le</strong> ? Et la CSG... Je pose huit et je retiensdeux... Et <strong>le</strong>s congés payés... font dix que je multi- plie par trois... tiquetiquetic... »Oui. Je ricanais. Bercée par <strong>le</strong> ronron de <strong>le</strong>ur berline, <strong>le</strong> nez enfoui dans <strong>le</strong> creux demon bras et <strong>le</strong>s jambes repliées sous <strong>le</strong> menton. J’étais assez fière de moi parce quema bel<strong>le</strong>-sœur, c’est tout un poème.Ma bel<strong>le</strong>-sœur Carine a fait pharmacie mais préfère qu’on dise médecine, donc el<strong>le</strong>est pharmacienne mais préfère qu’on dise pharmacien, donc el<strong>le</strong> a une pharmaciemais préfère qu’on dise une officine.El<strong>le</strong> aime bien se plaindre de sa comptabilité au moment du dessert et porte uneblouse de chirurgien boutonnée jusqu’au menton avec une étiquette thermocollanteoù son nom est écrit entre deux caducées b<strong>le</strong>us. Aujourd’hui, el<strong>le</strong> vend surtout descrèmes raffermissantes pour <strong>le</strong>s fesses et des gélu<strong>le</strong>s au carotène parce que çarapporte plus, mais préfère dire qu’el<strong>le</strong> a optimisé son secteur para.Ma bel<strong>le</strong>-sœur Carine est assez prévisib<strong>le</strong>.Avec ma sœur Lola, quand on a su cette aubaine-là, qu’on avait dans la famil<strong>le</strong> unefournisseuse d’antirides, dépositaire Clinique et revendeuse Guerlain, on lui a sautéau cou comme des petits chiots. Oh ! La bel<strong>le</strong> fête qu’on lui avait réservée ce jour-là !On lui a promis qu’on viendrait toujours faire nos emp<strong>le</strong>ttes chez el<strong>le</strong> dorénavant eton était même prêtes à lui donner du docteur ou du professeur Lariot Molinoux pourqu’el<strong>le</strong> nous ait à la bonne.On était prêtes à prendre <strong>le</strong> RER pour al<strong>le</strong>r la voir ! Et c’est quelque chose pour Lolaet moi de prendre <strong>le</strong> RER jusqu’à Poissy.Nous, au-delà des Maréchaux, on souffre déjà...Mais on n’a pas eu besoin d’al<strong>le</strong>r jusque là-bas parce qu’el<strong>le</strong> nous a prises par <strong>le</strong> brasà la fin de ce premier déjeuner dominical et nous a confié en baissant <strong>le</strong>s yeux :« Vous savez.., euh... Je ne pourrai pas vous faire de réductions parce que... euh... Sije commence avec vous, après... enfin vous comprenez... après je... après on ne sait