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SYMPOSIUM INTERNATIONAL LE LIVRE. LA ROUMANIE. L ...

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Couverture 4 : Avers de la médaille émise par la BibliothèqueMétropolitaine de Bucarest pour célébrer six siècles d’écrits enlangue roumaine – La Lettre de Neacşu de Câmpulung, 1521.


BIBLIOTHÈQUE MÉTROPOLITAINE DE BUCARESTACTES DU <strong>SYMPOSIUM</strong><strong>INTERNATIONAL</strong><strong>LE</strong> <strong>LIVRE</strong>. <strong>LA</strong> <strong>ROUMANIE</strong>.L’EUROPE.4 ème édition20 – 23 Septembre 2011TOME IPremière section – HISTOIRE ET CIVILISATION DU <strong>LIVRE</strong>Textes réunis et présentés parFrédéric BarbierEditura BIBLIOTECA BUCUREŞTILORBUCAREST – 2012


Comité éditorial :Florin Rotaru, Dr., Directeur général, Bibliothèque Métropolitaine de BucarestSection 1 :Frédéric Barbier, Directeur de recherche au CNRS (IHMC/ENS Ulm),Directeur d’Études, Histoire et civilisation du livre, École Pratique des HautesÉtudes, Sorbonne,Rédacteur en chef de Histoire et civilisation du livre. Revue internationale(Genève, Librairie Droz)Section 2 :Réjean Savard, Dr. – Président de l’ASTED et de l’AIFBD, Professeur debibliothéconomie, Université de MontréalChantal Stanescu – Directrice adjointe, Bibliothèque Publique Centrale pour laRégion de Bruxelles‐CapitaleHermina Anghelescu – Professeur Associé, School of Library & InformationScience, Wayne State University, Michigan, USACristina Ion – Conservateur, Chef du service Sciences sociales, départementPhilosophie, histoire, sciences de l’homme de la Bibliothèque nationale deFrance, Paris, FranceSection 3 A :Martin Hauser, Prof. Dr., Département-Chaire UNESCO d’Étude des ÉchangesInterculturele et Interreligieux, Université de Bucarest, RoumanieSection 3 B :Ioana Feodorov, Dr., Institut d’Études Sud‐Est Européennes de l’AcadémieRoumaine, BucarestSection 3 C :Nicholas Viktor Sekunda, Prof. Dr., Chef du département d’ArchéologieMéditerranéenne, Institute of Archaeology, Gdansk UniversityAdrian George Dumitru, Dr., Université de Bucarest – Paris IV Sorbonne,Assistant de recherche, Bibliothèque Métropolitaine de BucarestRédaction : Dr. Marian NencescuSecrétariat de rédaction : Cornelia RaduFormat électronique du livre : Anca IvanPages couvertures : Mircia DumitrescuISSN 2068 ‐ 9756


TAB<strong>LE</strong> DES MATIÈRES GÉNÉRA<strong>LE</strong>FLORIN ROTARU – AllocutionXVIITOME IPremière section – HISTOIRE ET CIVILISATION DU <strong>LIVRE</strong>Livres et bibliothèques de la noblesse,du Moyen Âge au XX e siècleFirst section – HISTORY AND BOOK CIVILIZATIONBooks and libraries of the nobility,from the Middle Ages to the XX th centuryINTRODUCTION : Livres et bibliothèques de la noblesse,du Moyen Âge au XX e siècle – FRÉDÉRIC BARBIER 5<strong>LIVRE</strong>S ET BIBLIOTHÈQUES DE <strong>LA</strong> NOB<strong>LE</strong>SSE EN EUROPE,FIN DU MOYEN AGE-XIX e SIÈC<strong>LE</strong>BOOKS AND LIBRARIES OF THE NOBILITYIN EUROPE, <strong>LA</strong>TE MIDD<strong>LE</strong> AGE-XIXth CENTURYSacra Parallela – RODICA PALÉOLOGUE 7L’aristocratie centre‐européenne des XVI e et XVII e siècles et ses goûtsde lecture des romans de chevalerie publiés en espagnol, italien etfrançais – JAROŠ<strong>LA</strong>VÁ KASPAROVA 15Bibliothèques de la noblesse : l’oeil vivant de son temps –RADIMSKA JITKA 35Les livres de la noblesse ou la noblesse des livres : la prééminence desarmes ou des lettres sous la « Restauration » du Portugal –DANIEL MAGALHÃES PORTO SARAIVA 54


VIIISymposium International Le livre. La Roumanie. L’Europe. 2011, 4 ème éditionLes nobles comme « passeurs culturels » et le rôle de l’imprimé enFrance aux XVI e ‐XIX e siècles : l’exemple des La Rochefoucauld –FRÉDÉRIC BARBIER 75Transformations linguistiques et thématiques dans les bibliothèquesaristocratiques de la Hongrie du 18 e siècle – MONOK ISTVÁN 108« La Bibliothèque Batthyaneum fondée à Alba Iulia par l’évêque deTransylvanie, le comte Ignace Batthyány » – DOINA HENDRE BIRO 122Lectures et bibliothèques de la noblesse dans les Principautésroumaines (XVIII e siècle). Bilan et perspective de recherche –RADU G. PĂUN 140Cantemir : bibliothèques réelles, bibliothèques imaginaires –ŞTEFAN <strong>LE</strong>MNY 169Les bibliothèques Kaunitz : des catalogues et des lectures multiples –CHRISTINE <strong>LE</strong>BEAU 179Un grand commis bibliophile : le marquis de Méjanes –RAPHAË<strong>LE</strong> MOUREN 189Une place de bibliothécaire auprès d’un héros législateur ne doit pasêtre facile à remplir: Les bibliothèques de Napoléon I er –CHAR<strong>LE</strong>S‐ÉLOI VIAL 198Les éditions de Jean Baptiste Bodoni dans les bibliothèques des noblesd’Europe au XIX ème siècle – ANDREA DE PASQUA<strong>LE</strong> 214Les bibliothèques de la noblesse brésilienne au XIX ème siècle:l’inventaire du Marquis de Monte Alegre –MARISA MIDORI DEAECTO 227Śrī Bhavānrao Panta‐Pratinidhi (1868‐1951), Chief of Aundh: Founderand Patron of Institutions and Libraries – SHREENAND L. BAPAT 239ÉTUDES D’HISTOIRE DU <strong>LIVRE</strong>STUDIES OF BOOK HISTORYLivres des bibliothèques médiévales roumaines, conservés dans laBibliothèque du Saint Synode de Bucarest – POLICARP CHIŢU<strong>LE</strong>SCU 251Protecting the books: chains, curses – IOANA COSTA 265The British Museum Library and Romania: the beginnings of aRomanian collection – MI<strong>LA</strong>N GRBA 277« La Belgique de l’Orient ». Les relations Belgique – Roumanie àtravers l’imprimé au milieu du XIX e siècle –JACQUES HEL<strong>LE</strong>MANS 298


Symposium International Le livre. La Roumanie. L’Europe. 2011, 4 ème éditionIXThe Metropolitan St. Varlaam of Moldavia‘s “Romanian Book ofteaching”: History of a Book – RADU ŞTEFAN VERGATTI 306TOME IIDeuxième section – <strong>LA</strong> FORMATION PROFESSIONNEL<strong>LE</strong>DES BIBLIOTHÉCAIRES ET DOCUMENTALISTES,DANS TOUS SES ÉTATSSecond section – EDUCATION AND CONTINUING PROFESSIONALTRAINING FOR LIBRARIANS AND ARCHIVISTSINTRODUCTION : La formation professionnelle des bibliothécaireset documentalistes dans tous ses états ! – RÉJEAN SAVARD 9QUESTIONS GÉNÉRA<strong>LE</strong>S SUR <strong>LA</strong> FORMATION PROFESSIONNEL<strong>LE</strong>GENERAL QUESTIONS ON PROFESSIONAL TRAININGLa bibliothèque : un espace de formation participative pour et par lebibliothécaire ? – LIONEL DUJOL 13Enseigner la pratique : la formation des bibliothécaires entre missionset expériences – CRISTINA ION 1912 bénéfices offertes au pays par les bibliothèques –<strong>LE</strong>ONARD KNIFFEL 25Les représentations des bibliothèques : l’impact des clichés culturelsrelatifs aux bibliothèques et aux bibliothécaires sur le public et lespersonnels – PASCAL SIEGEL 29MODÈ<strong>LE</strong>S NATIONAUXNATIONAL PATTERNSLibrary & Information Science Education in the United States &Canada: Issues & Trends in the 21 Century –HERMINA G.B. ANGHE<strong>LE</strong>SCU 57L’évolution des formations de bibliothécaires et documentalistes :l’enssib dans un environnement changeant – BENOÎT EPRON 62


XSymposium International Le livre. La Roumanie. L’Europe. 2011, 4 ème éditionLe modèle actuel de la formation professionnelle en Bulgarie : entreles influences historiques et la perspective européenne –JULYA SAVOVA 72Les métiers des sciences de l’information et de la documentation enBelgique : état des lieux des formations existantes –NATACHA WAL<strong>LE</strong>Z 83DÉFIS POUR <strong>LA</strong> FORMATIONCHAL<strong>LE</strong>NGES FOR THE TRAININGL’enseignement des TIC en bibliothéconomie. Cas de la formationprofessionnelle des bibliothécaires et documentalistes en Algérie –RADIA BERNAOUI, MOHAMED HASSOUN 93Comment accompagner le développement du numérique ?L’expérience de la Bibliothèque nationale de France –MICHEL NETZER 110Les besoins de formation des bibliothécaires francophones du Sud –RÉJEAN SAVARD 117La formation des bibliothécaires en langues étrangères à l’heure de lamondialisation : étude du cas français – ANNA SVENBRO 126FORMATION CONTINUELIFELONG <strong>LE</strong>ARNINGProfessional Association Membership. Supporting and EnhancingLibrary Education and Individual Librarians –MARIANNE HARTZEL 141L’accompagnement individuel (coaching), une alternative à laformation – MARIEL<strong>LE</strong> DE MIRIBEL 146Un panorama de la formation continue en Belgique –CHANTAL STANESCU 175ÉVALUATION QUALITATIVEQUALITY ASSESSMENTLibrary & Information Science Accreditation: Assurance of Quality? –JOSEPH MIKA 185


Symposium International Le livre. La Roumanie. L’Europe. 2011, 4 ème éditionXIQuality Recommendation for Public Libraries in Finland –BARBRO WIGELL-RYYNÄNEN 193TOME IIITroisième section – <strong>LA</strong>TINITÉ ORIENTA<strong>LE</strong>Third section – ORIENTAL <strong>LA</strong>TINITYSection III AAspects diplomatiques, historiques, économiques et culturelsdes relations roumano – helvètesDiplomatic, historical, economic and cultural aspectsof the Romanian‐Swiss relationsINTRODUCTION: Relations multiples en Europe: Roumanie etSuisse – MARTIN HAUSER 13Towards a critique of the world order. Considerations regarding thebilateral relations between countries – political, cultural and academicaspects – RADU BALTASIU, OVIDIANA BULUMAC,GABRIEL SĂPUNARU 15The Politics of Culture. The Representation of Roma in Film –BOTOŞĂNEANU A<strong>LE</strong>CSANDRA 30Relations historiques entre la Suisse et la Roumanie au niveau duchristianisme : Quelques exemples – LILIAN CIACHIR 45Connaissance de l’humaniste Denis de Rougemont en Roumanie –IOANA FEODOROV 58Multinational Corporations within a Concentric Circles’ Paradigm –NINA IVĂNESCU OLTEAN 68L’éducation des femmes en Roumanie et en Suisse –NICO<strong>LE</strong>TA NEGOI 87Les relations internationales et la collaboration scientifique del’Université de Fribourg avec la Roumanie – TUDOR-AUREL POP 102


XIISymposium International Le livre. La Roumanie. L’Europe. 2011, 4 ème éditionLivres suisses du XVI e siècle dans les collections de Sibiu –ANA SE<strong>LE</strong>JAN 119From the History of Swiss-Romanian Ecclesiastical Relations –MIHAI SPĂTĂRELU 128Section III BEuropéens et Levantins aux XVI e ‐XX e siècles:histoire, société et cultureEuropeans and Levantines in the 16 th ‐20 th centuries:history, society, and cultureINTRODUCTION : Européens et Levantins aux XVI e ‐XX e siècles :histoire, société et culture – IOANA FEODOROV 135English captivity narratives as a source of information in the Ottomanperiod – PAUL AUCHTERLONIE 138L’apport de Zallony dans la conception grecque et roumaine duPhanariote – JACQUES BOUCHARD 150Témoignages de la présence des moines roumains en Terre Sainte et auSinaï – TĂNASE BUJDUVEANU 167Astrological Translations in Byzantium – CHAR<strong>LE</strong>S BURNETT 178The Iviron Monastery of Mount Athos in the 15 th ‐19 th C.History, Pilgrims, and Manuscripts – EKA DUGHASHVILI 184Notes sur les livres et l’imprimerie chez Paul d’Alep , Voyage dupatriarche Macaire III d’Antioche aux Pays Roumains, au « Pays desCosaques » et en Russie – IOANA FEODOROV 200Le phénomène des feuillets transposés dans les manuscrits arabeschrétiens de St. Pétersbourg – SERGE A. FRANTSOUZOFF 210Un voyageur roumain au Proche‐Orient au début du XX e siècle –CONSTANTIN IORDAN 221The Atabag Court and Georgian Miniature Painting of the 15 th ‐16 thCenturies – NINO KAVTARIA 230


Symposium International Le livre. La Roumanie. L’Europe. 2011, 4 ème éditionXIIILe livre du Proche‐Orient – Réception et diffusion dans les Balkans –STOYANKA KENDEROVA 243Sagesse et folie du corps. Préface à une psychologie des viscères.Projet de livre de Lizica Codréano – DOÏNA <strong>LE</strong>MNY 257Les relations entre les Pays Roumains et l’Épire au cours des siècles.Présentation d’ensemble – FLORIN MARINESCU 268Kurbet among the Albanians in the Ottoman period. Characteristicsand destinations – IVAYLO MARKOV 275Livres européens anciens pour l’étude des langues classiques etorientales dans les collections de la Bibliothèque Documentaire deZalău – IOAN MARIA OROS 286The Antiochian Greek-Orthodox Patriarchate and Rome in the Late 16 th C.A Polemic Response of the Metropolitan Anastasius Ibn Mujallā to thePope – CONSTANTIN PANCHENKO 302The Greek Political Emigrants in Romania (1948‐1982) –APOSTOLOS PATE<strong>LA</strong>KIS 316The Habsburg Empire and printing in languages of the OttomanEmpire, 16 th ‐19 th Centuries – GEOFFREY ROPER 330From the Digital Catalogue to the Digital Library –NIKO<strong>LA</strong>I SERIKOFF 347Ottoman Terms in the Rural Economy on the Danube Banks: Armanand Mera – STELU ŞERBAN 352L’épigraphiste hagiographe : l’apparition de la légende du saintarchimandrite Coumnènos en Russie – VERA TCHENTSOVA 370Une histoire universelle traduite en roumain au XVIII e siècle –ANDREI TIMOTIN 382Traduire de l’italien au roumain au XVIII e siècle. La vie de Skanderbegtraduite par Vlad Boţulescu – EMANUE<strong>LA</strong> TIMOTIN 389Aspects balkaniques de l’édification de l’identité culturelle bulgare.La «filière roumaine» – KIRIL TOPALOV, VESKA TOPALOVA 402


XIVSymposium International Le livre. La Roumanie. L’Europe. 2011, 4 ème éditionSection III CRelations militaires, commerciales et culturelles dans les Balkans,de l’époque classique à la période byzantineMilitary, trading and cultural relations in the Balkans,from classical times to the Byzantine eraINTRODUCTION: Greek and Roman Armies in the North Balkans –NICHO<strong>LA</strong>S V. SEKUNDA 413INTRODUCTION: Some Introductory Remarks –ADRIAN GEORGE DUMITRU 415Ethnic and Social Composition of the Roman Army in Lower MoesiaProvince: Soldiers with Thracian Origin – O<strong>LE</strong>G A<strong>LE</strong>XANDROV 418A Roman general on the Danube: L. Scipio and his war on theScordisci – PETER DE<strong>LE</strong>V 431Some Remarks about Thrace, Thracians and Antigonids – in betweenthe wars, allegations and propagandas, from Kynoskephalai to Pydna –ADRIAN GEORGE DUMITRU 445Bellum Pannonicum: The Roman armies and indigenous communitiesin southern Pannonia 16‐9 BC – DANIJEL DZINO 461Army and Coins in Roman Dacia – CONSTANTINA KATSARI 481Tacitus and Thrace: Balkan auxiliaries from an historian’sperspective – KATHERINE LOW 487Thrace under Roman sway (146 BC-46 AD) Between Warfare andDiplomacy – MARIA‐GABRIEL<strong>LA</strong> PARISSAKI 500The ‘Victory’ coinage of Patraos of Paionia. – NICHO<strong>LA</strong>S V. SEKUNDA 512The Statuary‐Art‐Gathering Policy of the Early Byzantine Emperors,4 th -5 th Centuries – LILIANA SIMEONOVA 524Roman Sailors at Philippopolis, Thrace – IVO TOPALILOV 545LISTE DES AUTEURS (GÉNÉRA<strong>LE</strong>) 559


AllocutionAvec chacune de ses éditions annuelles, le Symposium Le livre. La Roumanie.L’Europe renforce son identité et l’autonomie de sa vocation historique et sedétache progressivement de l’image d’une aventure de l’illusion. Parallèlementà ce symposium, la bibliothèque qui l’organise, la plus ancienne bibliothèqueroumaine de lecture publique, créée en 1831, est elle aussi en quête d’une réponseconcernant son avenir institutionnel et professionnel, dans le contexte des criseséconomiques, financières, religieuses et politiques actuelles.La volonté d’exister des bibliothèques est un droit qu’elles ont conquismalgré une multitude d’illusions brisées tout au long de l’histoire. Cette réaliténous séduit. Car une bibliothèque vit dans le temps et, durant son existence, elleengrange la mémoire de l’humanité. C’est grâce au trésor de leur patrimoine queles bibliothèques chassent les leurres. Pour ces raisons-lá, la prise de consciencede sa mission institutionnelle s’accroît proportionnellement à la capacité de labibliothèque de fixer l’instant pour l’éternité. Pourtant, à présent, l’équilibreprécaire entre les préoccupations professionnelles détachées de l’actualité etla nécessité d’adopter une attitude imminente devant une histoire pressée ettumultueuse entraîne une série d’hypothèses, dont beaucoup sont contradictoires.Comme la bibliothèque n’est pas à même de vivre uniquement par elle-même, unpolymorphisme est engendré par les oscillations inhérentes entre les différentschamps de valeurs et l’affirmation naturelle de certaines inquiétudes profondémenthumaines. C’est pourquoi la bibliothèque a été, est et sera influencée par tout ce quiest lié à la nature humaine, mais aussi par ces vastes mobilités et les formes pluriellesdivergentes difficiles à synthétiser de façon unitaire. L’histoire contemporaine aengendré d’autres dimensions existentielles inconnues auparavant. Ce mélangede passions et de tensions spirituelles, toute cette mobilité dramatique différenteà chaque nouvelle étape historique, différente d’un pays à l’autre, nous élève enmême temps qu’elle nous abaisse. Notre époque où tout est programmé n’aime pasla réalité. La vie extérieure automatisée, la primauté des moyens et des techniquesdeviennent autant d’habitudes dans l’existence de l’homme contemporain.Parmi les voies actuelles de développement de notre institution, la recherchescientifique occupe une place prioritaire. Dans un proche avenir, la compatibilitéentre la bibliothèque de lecture publique et la recherche académique s’affirmeraprogressivement comme un desideratum. Modeler et soutenir la conscience de


XVISymposium International Le livre. La Roumanie. L’Europe. 2011, 4 ème éditionl’appartenance à la communauté locale, réécrire ou même écrire les monographiesdes lieux restent les responsabilités des bibliothèques publiques. Il faudrapersévérer à explorer le possible d’une histoire effective, car il reste suffisammentd’inconnues à mettre en lumière aussi bien dans le passé que dans le présent,tout comme il s’impose un éclairage sur les ouvertures du futur. D’ailleurs, auniveau mondial, la numérisation de l’ensemble du patrimoine de presse va bientôtaccorder aux faits éphémères la valeur de documents officiels publics. Un de seseffets directs sera reflété par une nouvelle écriture de l’histoire déjà marquéepar la capacité de synthèse des choses éphémères. Dans le contexte actuel, oùles tendances vers une dématérialisation du document deviennent un véritablephénomène, où l’accès au livre s’est radicalement modifié, l’importance croissanteaccordée aux fonctions de documentation, de recherche scientifique et de mise envaleur des informations pertinentes offre des alternatives de développement pourles bibliothèques de lecture publique aussi.Nous y avons répondu de façon concrète par un partenariat (de collaboration)conclu avec la Bibliothèque de l’Académie, véritable bibliothèque nationale dupays, afin de mettre en place la Bibliothèque Numérique de la Roumanie. En effet,une mise en commun des ressources budgétaires et des ressources humaines desdeux institutions responsables est ainsi devenue possible, vu qu’une stratégienationale pour la numérisation de la culture écrite reste inexistante. Ce partenariatsera bientôt élargi en y rattachant les Archives Nationales Historiques de laRoumanie. C’est ainsi que des conditions internes particulières nous conduisentvers une expérience unique: l’initiative institutionnelle comble la lacune d’unestratégie nationale cohérente.Par ailleurs, le Symposium Le livre. La Roumanie. L’Europe représentenotre proposition de mise en place d’une forme de collaboration internationaleprofessionnelle qui s’ouvre sur des suggestions de métamorphose interneinstitutionnelle des bibliothèques et qui devienne, grâce à ces efforts, uneexpérience complexe.La IVe édition a été le corollaire des éditions précédentes par le nombreimportant de participations mais aussi par le succès de l’organisation, dans lecadre de la IIIe Section, de la Conférence des sciences védiques, que l’on a décidéde faire à Bucarest, concurrencé par l’Université Oxford et l’Université Marburg,en signe d’encouragement pour l’étude des sciences orientales en Roumanie ainsiqu’en Europe centrale et orientale.Ce symposium est, sans l’ombre d’un doute, le résultat d’un effort internationalde collaboration, il est espoir, il est confiance dans l’avenir.Florin Rotaru


TOME ISECTION 1– HISTOIRE ET CIVILISATION DU <strong>LIVRE</strong> –⁕– HISTORY AND BOOK CIVILIZATION –


INTRODUCTIONLivres et bibliothèques de la noblesse,du Moyen Âge au XX e siècleFRÉDÉRIC BARBIERDans la série des symposiums d’histoire du livre organisés en Roumanietraditionnellement dans les premiers jours de l’automne, nous voici déjà à lacinquième édition.La manifestation scientifique s’est imposée au fil des années comme unrendez-vous incontournable, à l’occasion duquel se retrouvent aussi bien desspécialistes d’Europe centrale et orientale, que d’Europe occidentale, voire decontinents plus éloignés. À Bucarest d’abord, puis en 2011 dans la villégiatureroyale de Sinaia, chaque fois nous nous retrouvons pour travailler, pourtisser des liens d’amitié, et aussi pour découvrir une nouvelle facette de laRoumanie – cette année à Mamaia, sur les bords de la mer Noire. Nous nepouvons que nous en féliciter, et nous ne pouvons qu’en être reconnaissantsaux organisateurs et à nos hôtes de Roumanie.En 2011, le symposium de Sinaia avait adopté comme thématique laquestion de la noblesse, de ses livres et de ses bibliothèques. Peu de domainessemblent en effet se prêter aussi bien à des relectures historiographiques, enmême temps qu’à des comparaisons internationales, en particulier en Europecentrale et orientale.De longue date, l’image de la noblesse ne se limite plus à celle du secondordre privilégié, pour faire simplement référence à la tradition de l’AncienRégime français. La noblesse se définit d’abord par sa naissance, mais aussipar une obligation de service, le service des armes, selon cette logique tripartitepropre aux populations indo-européennes qu’a mise en évidence GeorgesDumézil. Mais elle devra aussi, parallèlement, se définir par un style de vie« noble », dont le modèle s’inspire de la tradition de l’otium romain. Dans lesystème féodal, le noble est celui qui se réserve pour les service du suzerain,et celui auquel ses moyens financiers permettent de ne pas travailler, pour seconsacrer à des activités qui ne sont évidemment pas celles du « commun » : le


INTRODUCTIONcadre de vie (le château, plus tard l’hôtel en ville) et l’entourage (la « maison »des serviteurs et des affiliés), les curiosités, les plaisirs nobles (la chasse) sontautant de signes de reconnaissance et d’identité.Autour du noble et de ceux qui l’entourent, c’est le modèle de lacivilisation « policée », théorisé par Norbert Elias, qui s’impose à partir del’époque moderne, et qui rend d’autant plus scandaleuse l’existence d’autresnobles, plus ou moins ruinés, vivant au fond de châteaux délabrés, et sans plusde culture que les manants dont ils sont les seigneurs. Pour eux, la chasse estune ressource indispensable avant que d’être un plaisir, et il n’est bien sûr pasquestion de formation intellectuelle ni d’arts d’agrément. Restons en France :au fond de son château du Poitou, Ysoré de Pleumartin arrête des moines etles prive de nourriture pour les faire maigrir, mais il se livre aussi à des voies defaits plus graves, s’amusant à tirer des coups de fusil sur ses paysans avant derésister, les armes à la main, aux gens du roi venus procéder à son arrestation.Aux antipodes de son contemporain le comte de Buffon à Montbard, lemarquis de Pleumartin n’est pas si éloigné de l’image du chevalier brigand,mais il finira arrêté et exécuté à la conciergerie de Paris.Ces cas sont pourtant de plus en plus exceptionnels. Les nobles de lapériode moderne, s’ils s’engagent toujours pour le métier des armes, trouventdésormais aussi dans la formation intellectuelle et dans les plaisirs artistiquesles voies de la distinction privilégiée. Le jeune noble reçoit une éducation pluspoussée, il se forme et il s’informe dans les livres, dans les plaquettes et dansles périodiques, bientôt le château aura une salle de bibliothèque à côté deson théâtre, le seigneur publiera lui-même, il financera la formation de jeunesgens fréquentant les universités, et il entretiendra une cour, ou une maison,où se rencontrent auteurs, artistes et savants. Pour finir, il s’engage dans lavie publique, un modèle envié étant souvent celui de l’Angleterre gouvernéedes Lords et des Communes, et où le gentleman farmer travaille activement à lamodernité et au développement économiques.Même si les trajectoires socio-politiques ne sont nullement les mêmessous l’Ancien Régime, de l’Angleterre libérale à la France absolutiste, àl’Allemagne des despotes éclairés et aux États d’Europe centrale et orientaleoù se construisent les identités collectives nouvelles, les problématiquessont analogues : les nobles définissent et redéfinissent les catégories et lesinstruments par lesquels ils justifieront leur statut, et le média – l’imprimé –occupe une position stratégique dans ce schéma. C’était tout l’enjeu dusymposium de Sinaia, que de permettre de réévaluer ainsi le rôle de lanoblesse, et de comparer, d’une expérience historique à l’autre, non seulementen Europe, mais aussi dans les anciennes géographies coloniales (le Brésil…),les voies et les moyens de sa réussite… ou de son échec, en tout les cas de satransformation.


SACRA PARAL<strong>LE</strong><strong>LA</strong> 1RODICA PALÉOLOGUEQuelques mots d’introduction…Vaste anthologie de sentences et d’exhortations morales;Compilation de citations attribuée à Saint‐Jean Damascène (676‐749);Regroupant sous chaque lettre de l’alphabet grec des extraits :• Scripturaires• Patristiques• HagiographiquesPoint de départ d’une abondante illustration volontairement marginalede 1.658 images.Le Codex – Le plus ancien, le plus somptueux et l’unique exemplaireillustré.Manuscrit sur parchemin, 394f. Première moitié du IX e siècle;Atelier grec d’Italie, Rome;Reliure orientale en maroquinbrun sur ais de bois estampés àfroid avec fermoir en laiton et cuirtressé;Écriture onciale inclinée surdeux colonnes;Riche de 1658 images, toutes marginales, dont 456 portraits en bustepeints directement sur le parchemin ou inscrits dans des médaillons d’orperlés: (imagines clipeatae). (voir : l’église Saint‐Praxède, Rome)1« Don du prince de Valachie [Nicolae Mavrocordat] pour laBibliothèque du roi ». Manuscrit du IX e siècle « à peintures » sur parchemin.


8 RODICA PALÉOLOGUE36.5 cm25.5 cmLa bibliothèque de N. Mavrocordat – Une bibliothèque humanisteexceptionnelle et convoitéeNicolae Mavrocordat possédait deux prestigieuses bibliothèques : uneà Constantinople, et une en Valachie.A partir d’un noyau déjà créée par Alexandru Mavrocordat l’Exaporite,enrichi en permanence par :• Échanges, acquisitions de livre neufs, ventes aux enchères et dons• Récupération d’une partie des bibliothèques de ConstantinBrancovan, Dimitrie Cantémir et Constantin CantacuzinoEn 1725, il installe ses milliers de livres et de manuscrits grecs, latins,turcs et persans au Monastère Văcăreşti.


Sacra Parallela 9Plus tard après sa disparition (1730), la mise en vente forcée de sonfonds autour de 1750, a attiré les offres de la Bibliothèque du roi de France,de la Biblioteca Imperial de Vienne, de la King’s Library de Londres et del’Aposolica Vaticana.Présence d’ouvrages à la Bibliothèque de l’Académie roumaine, unvolume actuellement à la BCU et le Codex Mavrocordatianus à Bratislava.La mission archéologique française en Orient de 1728‐1730 – Uneexpédition délicate, couronnée d’un éclatant succèsElle témoigne d’une politique d’acquisition dynamique et intelligentede la Bibliothèque royale.En 1728, le Maître de la librairie du roi,l’abbé Bignon organise une mission au Levant :• Deux membres de l’Académie desInscriptions et Belles‐Lettres: l’abbé Fourmontet l’abbé Sevin partent à Constantinople à larecherche de monuments de l‘antiquité.En 1730, Nicolas Mavrocordat fait don dumanuscrit Sacra Parallela.Au total plus de 600 manuscrits turcs, arabes,persans et grecs entrent à Paris, dont un seulprovenant de la bibliothèque du prince.L’iconographie – De multiples similitudes avec le 749 Vaticana et 49‐50AmbrosianaPuise dans toutes lessources chrétiennes de la fin del’antiquité, plus particulièrementsyriennes et palestiniennes;• Évidents apports des peinturescarolingienne et italienne;• Le style, relativement fruste trahitla distance prise par rapport auxmodèles antiques;• Le dessin est sommaire;• Les images sont plates, sansmodelé;• Contours appuyés de traits épaisposés sur une uniforme couched’or.


10 RODICA PALÉOLOGUESur fond d’or, des cadres simples pour les titres, et des lettrines àgrosses tresses.Sur une plaquette rectangulaire dorée, i.e. lumière divine, la main de Dieuqui bénit du haut du ciel.


Sacra Parallela 11Deux styles alternent pour figurer les animaux :‐ tantôt schématisés et revêtus d’une couche d’or‐ tantôt style antique réaliste ex. ces divers oiseauxDeux images insolites suscitent l’intrigue :1. La lettrine ventrue qui occupe tout la colonne réservée à l’illustration2. L’orant à la tête tournée. Il semble se fondre dans le parchemin.


12 RODICA PALÉOLOGUELes expositions – Une exposition par génération1931 – Art byzantin. Exposition internationale d’art byzantin, Paris,Musée des Arts décoratifs1958 – Byzance et la France médiévale. Manuscrits à peintures du IIeau XVI e siècle, Paris, Bibliothèque nationale1992 – Byzance. L’art byzantin dans les collections publiquesfrançaises, Paris, Musée du Louvre, Bibliothèque nationale2001 – Trésors de Byzance. Manuscrits grecs de la Bibliothèquenationale de France, Paris, Bibliothèque nationale de FranceConclusionsUn véritable manifeste contre l’iconoclasme.• Ce chef d’œuvre provient du scriptoriumd’un monastère grec de Rome, créé au débutdu IX e siècle, d’après un modèle oriental dusiècle précédent, avec des influences italiennescontemporaines;• Il représente un trésor inestimable de l’artbyzantin;• Il conviendrait de faire une descriptionsystématique des miniatures, bien que les plusimportantes scènes soient déjà décrites;• Des annotations sont visibles, qui attendent undéchiffrement.Une œuvre puissante de richesse et… de mystère.


Sacra Parallela 13BIBLIOGRAPHIECatalogus codicum manuscriptorum Bibliothecae regiae. Parisiis : e typografia regia,1739‐1744. 4 vol. ; in vol. II, 1740Dictionnaire de théologie catholique, Letouzet et Ané, 1924Dictionnaire de spiritualité, Beauchesne, 1964Jannic Durand, Byzance: l’art byzantin dans les collections publiques françaises, Muséedu Louvre, Bibliothèque nationale (France), 1992Christian Förstel, Trésors de Byzance : manuscrits grecs de la Bibliothèque nationalede France [exposition, Paris, Bibliothèque nationale de France, site Richelieu,Galerie Mazarine, 20 août – 2 septembre 2001] / : [catalogue par Christian Förstel],Bibliothèque nationale de France, 2001Jean Porcher, Marie‐Louise Concasty, Charles Astruc, Julien Cain : Byzance et la Francemédiévale; manuscrits à peintures du II e au XVI e siècle; [exposition], Paris,Bibliothèque nationale, [24 juin 1958 – 31 janvier 1959]; [catalogue réd. par JeanPorcher et Marie‐Louise Concasty]; par Charles Astruc; [préf. par Julien Cain]Nicolae Iorga Stiri noui despre biblioteca Mavrocordatilor, MSI, Seria III, tomul VI,Cultura nationala, Bucuresti, 1926Daniel Barbu, Manuscrise bizantine în colecţii din România, Meridiane, 1984Andrei Pippidi, Byzantins, Ottomans, Roumains – Le sud‐est européen entre l’héritageimpérial et les influences occidentales, Paris, Honoré Champion – Bibliothèquehistoire moderne, 2006Andrei Pippidi, Manuscritos bizantinos de la Biblioteca de los Mavrocordato, Epi GeiosOuranos – El cielo en la tierra. Estudios sobre el monasterio bizantino, p. 329‐340Georges K. Papazoglou, Revue des études byzantines, tome 46, 1988. Le MichelCantacuzène du codex Mavrocordatianus et le possesseur homonyme du Psautierde HarvardJean‐Marie Olivier et Marie‐Aude Monégier Du Sorbier. Catalogue des manuscrits grecsde Tchécoslovaquie / Institut de recherche et d’histoire des textes ; Paris : Éditionsdu C.N.R.S., 1983 – (Documents, études et répertoires publiés par l’Institut derecherche et d’histoire des textes)Alexandru Stourdza, L’Europe orientale et le rôle historique des Maurocordato,1660‐1830... , Paris, Plon, 1913Virgil Cândea, Mărturii româneşti peste hotare, vol. I Albania‐Grecia, Ed. Enciclopedică,Bucureşti, 1991Florin Rotaru, Coup d’oeil sur l’histoire des bibliothèques de Bucarest, BBF, 2008, no.1, p. 52‐56Corneliu‐Dima Dragan Biblioteci umaniste româneşti : istoric, semnificaţii, organizare/;cuvînt înainte de prof. dr. docent Gheorghe Cronţ ; Muzeul judeţean Dîmboviţa,Bucureşti : Litera, 1974Évelyne Patlagean, Un Moyen âge grec : Byzance, IX e ‐XV e siècle, Paris : A. Michel, impr.2007Ioachim Craciun, Pietre pentru templul bibliologiei, Magazin bibliologic, 2003, no 1, p.16‐22


14 RODICA PALÉOLOGUEElena Dumitriu, Monica Andriesi, Sylvia Todea, Bibliothèques publiques de Roumanie,Bull. Bibl. France, 1991, t. 36, no. 6, p. 518‐528André Grabar, Les Manuscrits grecs enluminés de provenance italienne : IX e ‐XI e sièclesParis : Klincksieck, 1972Doru Badara, O carte din biblioteca Mavrocordatilor in colectiile BCU din Bucuresti,Valori bibliofile...Axinia Dzurova. La miniatura bizantina : i manoscritti miniati e la loro diffusione/,Milano : Jaca Book, cop. 2001Axinia Džurova. Répertoire des manuscrits grecs enluminés (IXe ‐ Xe s.). Vol. 1 : Centrede recherches slavo‐byzantines Ivan Dujčev / Texte bulgare avec traductionfrançaise en regard. 2006Henri Omont. Inventaire sommaire des manuscrits grecs de la bibliothèque nationale,Paris, Picard, 1886Henri Omont, Missions archéologiques françaises en Orient aux XVII e et XVIII e siècles,Paris : Impr. nationale, 1902Cavallo, Scritture, libri e testi nelle aree provinciali di Bisanzio : atti del seminario diErice (18‐25 settembre 1988, a cura di Guglielmo Cavallo, Giuseppe De Gregorioe Marilena Maniaci Spoleto : Centro italiano di studi sull’alto medioevo, 1991Gabriel Millet , Recherches sur l’iconographie de l’Evangile aux XIV e , XV e et XVI esiècles d’après les monuments de Mistra, de la Macédoine et du Mont Athes, Paris:Fontemoing, 1916Hans Belting. Studien zur beneventanischen Malerei, F. Steiner, 1968Kurt Weitzmann. Die byzantinische Buchmalerei des 9. und 10 Jahrhunderts , Berlin :Gebr. Mann, 1935Kurt Weitzmann. Illustrations in roll and codex : a study of the origin and method of textillustration, Princeton (N. J.) : Princeton university press, 1947V. Mihordea. Biblioteca domneasca a Mavrocordatilor, Bucuresti, 1940


L’Aristocratie centre‐européenne des XVI e et XVII esiècles et ses goûts de lecture des romans de chevaleriepubliés en espagnol, italien et françaisJAROS<strong>LA</strong>VA KAŠPAROVÁLa littérature de chevalerie espagnole de la Renaissance qui s’étaitdevenue le genre dominant de la littérature récréative de toute la premièremoitié du XVI e siècle en Espagne gagna le coeur de larges couches deconsommateurs non seulement en France où les traductions d’Amadis furentintégrées de façon organique dans la tradition littéraire des romans courtoisdu moyen Âge, Italie où la chevalerie survécut en épopées écrites par poètesgéniaux, mais sa renommée ayant surmontée les barrières linguistiques etculturelles, arriva même en Europe centrale, espace qui jouait un rôle decarrefour important des transferts culturels. Les récits de chevalerie, conçuscomme „historia fingida“, avec sa formule narrative génial se devinrentun des genres litteraires „más sorprendentes e imaginativos de todo elsiglo XVI“. 1 Les récits sur la prouesse, la fidélité à l’amour, aux idées et1Cf. LUCÍA MEGÍAS, José Manuel, Amadís de Gaula: un héroe para el sigloXXI, accessible de: http://parnaseo.uv.es/Tirant/Butlleti.11/Art.6_Lucia_Amadis.pdf, pp.109‐110. De la littérature bibliographique très riche et nombreuse à propos du phénomènede la littérature de chevalerie (elle se multiplie après 2008, année du 500e anniversaire dela publication d’Amadis de Gaula de Garci Rodríguez de Montalvo en 1508) il se peutciter au moins des articles publiés dans la revue électronique „Tirant. Bulletí informatiui bibliogràfic de literatura de cavalleries“, projet de l’Université de Valence ( accessiblede: http://parnaseo.uv.es/tirant.htm), une nouvelle liste bibliographie des ouvrages dechevalerie – Daniel EISENBERG, Daniel, MARÍN PINA, M.a Carmen, Bibliografíade los libros de caballerías castellanos, Zaragoza, 2000, un catalogue de l’expositionréalisée dans la Bibliothèque nationale d’Espagne – Amadís de Gaula 1508. Quinientosaños de libros de caballerías, editor literario José Manuel LUCÍA MEGÍAS, Madrid 2009(il y a d’autres citations) et aussi les articles de la revue „E‐Humanista. Journal of IberianStudies“, Santa Barbara, Department of Spanish and Portuguese University of California,


16 JAROŠ<strong>LA</strong>VÁ KASPAROVAvertus de chevalerie ne connaissent pas les frontières, ils sont universels etintemporels.Notre propos d’aujourd’hui consistera à présenter la réception desromans de chevalerie espagnoles et leurs versions françaises et italiennescirculés en imprimés dans les milieux culturels aristocratiques de l’Europecentrale avant la naissance de „Don Quichotte“ de Cervantes; pour desraisons pratiques nous avons laissé de côté la réception du chef d’oeuvrede Cervantes par le public. Ce sujet était bien traité dans le catalogue del’exposition El Caballero de la Triste Figura en las tierras de Bohemia(Le Chevalier de la Triste Figure dans les Pays tchèques) présentée dansla Bibliothèque nationale de Prague, il y a six ans (à l’occasion de 400eanniversaire de l’édition de la première partie de „Don Quichote“ deCervantes). 2L’espace centre‐européen, nous le comprenons non seulement commeterritoire des anciens pays de la Couronne tchèque, mais aussi commeespace culturel de la noblesse européenne d’origine étrangère dont lesactivités de vie sont liées d’une façon ou d’une autre avec les destins desPays tchèques, de la noblesse qui s’est devenue centre‐européenne par lacirculation et conservation des collections livresques, dans cet territoire,source importante de contacts culturels entre l’Europe et les Pays tchèques.La production littéraire espagnole de romans de chevalerie, importéeà l’espace de l’Europe centrale en originaux comme en textes traduits,a été conçue par lecteurs comme une lecture récréative historique,„agréable amusement des honnêtes paresseux“. 3 Sans doute, les lecteursvol. 16, 2010, El dominio del caballero: nuevas lecturas del género caballeresco áureo(Homenaje a Francisco López Estrada), ed. by Ana Carmen Bueno Serrano & AntonioCortijo Ocaña, accessible de: http://www.ehumanista.ucsb.edu/. Cf. aussi CAZAURAN,Nicole, Amadis de Gaule en 1540: un nouveau ‘roman de chevalerie’, in: „Les Amadisen France au XVI e siècle au temps de la Renaissance“, M.T. Jones‐Davies (dir.), Paris,J. Touzot, 1987, pp. 29‐48.2Voir KAŠPAROVÁ, Jaroslava, ŠTĚPÁNEK, Pavel, Rytíř smutné postavyv Čechách (El Caballero de la Triste Figura en las tierras de Bohemia), Prague, Národníknihovna, 2005 et voir aussi KAŠPAROVÁ, Jaroslava, Rabelais, Cervantes et la Bohême.A propos de la réception de leur oeuvre par les lecteurs tchèques du XVIe au début duXX e siècle, in: „L'EST‐OUEST. Transferts et réceptions dans le monde du livre en Europe(XVII e ‐XX e siècles)“, édité par Frédéric Barbier, Leipzig, Leipziger Universitätsverlag,2005, pp. 221‐233.3A la citation cf. MONTORSI, Francesco, «Un fatras de livres a quoy l’enfances’amuse». Lectures de jeunesse et romans de chevalerie au XVI e siècle, in: „Camenulae“,n°4, février 2010, accessible de: comp. (extrait de HUET, Daniel, Traité de l’origine des romans, Paris, Barbin, 1670‐1671).Ce n’est pas sans raison que les auteurs et libraires utilisent dans les titres des récits les


L’aristocratie centre-européenne des XVI e et XVII e siècles et ses goûts... 17entre‐européens, eux aussi, furent passionnés par ce nouveau genre littéraire„con aparencia de ‘historia’… que narra las aventuras de personajes y node héroes verdaderos“. 4Il paraît que dans les milieux intélectuels tchèques, le goût du publictrès vif pour les récits de chevalerie de la Renaissance fut venu avec uncertain retard; mais leur diffusion était plus lente et plus longue. Le boombibliophile ne correspond trop avec le zénith de la vogue européenneentre les années trente et quatre‐vingt dix du XVI e siècle. De l’autrecôté, la popularité était plus durable. Aussi le passage à la réceptiondes changements de genre en reéditions adaptées qui commençaient às’imposer plus sensiblement à partir de la seconde moité du XVII e sièclefut‐il évidement moins saisissable et plus continu. Cela nous amène à nousposer les questions suivantes: Dans quelles sociétés et quels milieux laréception s’est‐elle passée et pourquoi? Qui sont ceux qui lisaent les récitsde chevalerie, quels ont été leurs pratiques de lire? Et l’âge et le sexe deslecteurs ont‐t‐il joué un rôle? Quels étaient les titres les plus recherchés parlecteurs? Et en quelle langue?Lecteurs et lectrices des romans de chevalerie espagnoleL’appropriation des textes fut plus vite et imposante auprès du publicaristocratique ou intélectuel qui avait des connaissances en languesétrangères. Les publics espagnol, français ou italien pratiquèrent la lectureen langue vernaculaire – soit silencieuse, soit celle à haute voix, orale ouoralisée. En Espagne, France et Italie le succès du genre se manifesta danstoutes les couches sociales, auprès des lettrés ainsi qu’ignorants, lecteursainsi qu’auditeurs. En Europe centrale, au contraire, la diffusion d’ouvragesde chevalerie fut limitée aux lettrés ou peu alphabétisés capables lireou écouter les textes traduits en langue étrangère, vue l’inexistence desversions du genre de chevalerie espagnol en tchèque. On suppose quedans l’espace centre‐européen les récits de chevalerie furent généralementrecherchés, lus ou écoutés, éventuellement mémorisés. Au XVI e et audébut du XVII e siècles, c’étaient surtout les sujets du Moyen Age, parfoisd’origine française, traduits en tchèque de l’allemand, 5 qui furent consumésexpressions comme „entretenimiento“, „historia entretenida“, „relación muy graciosa“ ,en français „histoire plaisante“, „histoire récréative“ etc.4Cf. LUCÍA MEGÍAS, José Manuel, Amadís de Gaula: un héroe para el sigloXXI, op. cit., p. 110.5Historie o krásné kněžně Mageloně a udatném rytíři Petrovi [Histoire de Pierrede Provence et de la belle Magelonne] fut publiée en tchèque en première édition en 1565(cf. KNIHOPIS, 3021), reéditions à la fin du XVIII e siècle. Kronika kratochvilná o ctné


18 JAROŠ<strong>LA</strong>VÁ KASPAROVA(„La Mélusine, Histoire de Pierre de Provence et de la belle Magelonne“etc.). Au XVIII e siècle, quand les récits de chevalerie européens vinrent denouveau à la mode, les versions tchèques du XVI e siècle furent rééditées(activité éditoriale de la „Expédition tchèque“, librairie de Václav MatějKramerius). La première traduction tchèque des romans de chevalerieespagnole ne fut publiée qu’à la moitié du XIX e siècle. En février de 1853,la revue Lumír apporta quelques passages du roman d’Amadís de Gaulaen traduction tchèque due à Josef Bojislav Pichl (1813‐1888), hispaniste etconnaisseur de la litérature espagnole – Kterak Amadis byl velice vážen vdomě krále Lituarta a jak zprávu dostal o svém bratru Galaoru (CommentAmadís fut respecté à la maison du rois Lisuarte et comment il reçut unenouvelle sur son frère Galaor). 6 Pichl fut bien occupé par sa traductionde Cervantes – en 1838 il publia sa version de Novelas ejemplares deCervantes (Příkladné novely), les extraits de la première partie du roman„Don Quichotte“ furent parus dans la revue Květy en 1840 et dans lesannées de 1864‐1866 toute la version tchèque du roman fut parue. Il estdonc bien probable que pour la réalisation de la traduction complète ducélèbre Amadís de Gaula lui manqua la force créatrice. 7Comme il résulte des faits cités plus haut, en Europe centrale de la findu XVI e et du début du XVII e siècle, la réception et la popularité suivantedes ouvrages littéraires en originaux ainsi qu’en traductions et adaptationsallemandes, italiennes ou françaises, furent limitées aux milieux sociauxaristocratiques et ceux urbains, exceptionnellement ecclésiastiques. 8 Pourse faire une idée concrète de la réception des récits de chevalerie espagnolsauprès du public centre‐européen, il faut bien étudier toute la documentationa šlechetné panně Meluzině [La Mélusine] – première édition en 1555 (cf. KNIHOPIS,3516) et les rééditions en XVII e et XVIII e siècles.6Extraits de Pichl d’Amadís de Gaula – accessible de: .7Le public tchèque d’aujourd’hui n’a à sa disposition qu’une traduction tchèqued’Amadís de Gaula (seulement les premiers trois livres) – c’est une traduction de LuděkKult de 1974 – cf. KULT, Luděk, Příběhy chrabrého rytíře Amadise Waleského. Knihaprvní až třetí, jak je zpracoval Amadís Ordóñez de Montalvo [Histoires du chevaliervaillant d’Amadis de Gaule. Les livres premier‐quatre, adaptés par Ordóñez de Montalvo].Ze špaň. orig. Amadís de Gaula přel., předml. ‘Rytířský román a Amadis Waleský’ apozn. napsal Luděk Kult. Praha, Odeon, 1974 (Živá díla minulosti, vol. 72).8Pour donner une preuve testimoniale, on peut mentionner un exemplaire du secondlivre de Palmerín de Oliva – Primaléon d’édition vénitienne due à Michele Tramezzinode 1548, conservé en reliure d’époque de la Renaisance avec exlibris manuscrit desJésuites de Clémentinum ou les exemplaires d’Amadís de Gaula des XVI e et XVII e sièclesimprimés en français ou italien qui se conservèrent dans la Bibliothèque Archiépiscopalede Kroměříž et dans la bibliothèque des Prémontrés de Strahov de Prague.


L’aristocratie centre-européenne des XVI e et XVII e siècles et ses goûts... 19qui est à notre disposition: collections de livres, soit dispersées, soitconservées jusqu’à nos jours, catalogues des bibliothèques, inventairesaprès‐décès, mémoires, de la correspondance etc. Il en résulte que lesromans de ce genre se conservèrent dans toutes les sortes de bibliothèques,quoique dans celles ecclésiastiques et bourgeoises rarement. Mais il estbien évident que le plus grand nombre d’admirateurs et consommateursdes lectures de chevalerie était formé par ceux d’origine de couches de lahaute et moyenne noblesse. A cet égard, le goût de l’aristocratie tchèque duXVI e et XVII e siècles ne différa en aucune façon des intérêts de la noblesseeuropéenne. J’aimerais orienter votre attention au moins vers quelqu’unesde collections nobiliaires de prestige, conservées en espace des Paystchèques. Voilà leur petite caractéristique que je vais vous donner ici.Par coïncidence heureuse, au château Kunín situé au nord de la Moravie,les restes de la bibliothèque des contes Hohenembs, originaires de la régionde Vorarlberg de l’Autriche occidentale, se sont conservés. 9 La présencedes récits de chevalerie dans la collection bien correspond aux intérêts etgoûts de lecture de leur propriétaire Jakob Hanibal I. conte de Hohenembs(1530‐1587), guerrier ambitieux de l’armée de l’empereur Charles V. et duroi Philippe II. Jakob Hanibal préfera des acquisitions néo‐latines et il estfort probable qu’il les acquit pendant ses séjours en Espagne ou en Italie.Sa collection regroupe de nombreux imprimés de Venise de la premièremoitié du XVI e siècle parmi lesquels il y a aussi deux romans du cycled’Amadís de Gaula, traduits par Mambrino Roseo da Fabriano et édités parTramezzino, et sept romans du cycle Palmerín de Oliva, aussi en versionitalienne. 10Les histoires de chevalerie figurèrent aussi dans les collections desHoffman von Grünbüchel und Strechau, famille protestante d’originede bourgeoisie styrienne anoblie. 11 Les fondateurs de la bibliothèque de9Pendant la vie de Jacob III. von Hohenembs (1653‐1730), les collections deslivres furent transportées de la résidence familiale dans une ville Embs dans les Paystchèques. Jacob fit l’achat des terres seigneuriales Bystrá près de Polička dans les montsde Bohême‐Moravie. Plus tard, la bibliothèque de famille fut transférée au château deKunín en Moravie du Nord. Sur la bibliothèque des Hohenembs cf. LIFKA, Bohumír,Knižní dědictví Hohenembsů z Kunvaldu, [Héritage de livres de la famille Hohenembs deKunvald], in: „Strahovská knihovna. Sborník památníku národního písemnictví“, 4, 1979,pp. 152‐185.10Cf. LIFKA, B., op. cit., p. 160.11La famille Hoffman exista en Styrie depuis le XV e siècle. Au début du XVI e siècle,les membres de la famille exercèrent les fonctions importantes à la cour, augmentèrent lesbiens familiales. En 1527 la famille fut anoblie (anoblissement confirmé par l’empereuren 1532).


20 JAROŠ<strong>LA</strong>VÁ KASPAROVAfamille furent Fridrich Hoffman von Grünbüchel (m. devant 1533) et sonfils Hans Hoffman (1492‐1564), grand homme politique en Styrie et enAutriche qui jouissait de la faveur personnelle de l’empereur FerdinandI. Néamoins, c’était notamment Ferdinand Hoffman (1540‐1607), filsde Hans, un des plus grands bibliophiles et mécènes culturels d’époque,qui rassembla une riche bibliothèque caractérisée par une forte présencedes oeuvres en italien, français et espagnol parmi lesquels se brillent lesromans de chevalerie espagnols publiés en italien. Ferdinand dirigea sesambitions politiques vers Prague et vers la Moravie: en 1581 il fut reconnupar la noblesse morave, en 1588 il acheta le château de Grabstein au nordde la Bohême et le château de Janovice près de Rýmařov en Moravie. Ayantreçu une bonne connaissance de langues étrangères (le tchèque inclus) 12et une bonne formation universitaire, il fut au service de Rodolphe II etexerça des fonctions importantes à la cour. Avant 1656, sa bibliothèqueplurilingue placée au château de Janovice, dans ses maisons de Brno etd’Olomouc compta plus de 4000 volumes de manuscrits et livres de tousles genres littéraires et disciplines scientifiques. Après s’éteindre en lignemasculine en 1664, la famille laissa faire le transport de la bibliothèqueà Mikulov, château des Dietrichstein, seigneurs auxquels passèrent lesbiens des Hoffman. Leurs collections ne furent pas conservées qu’en partie(avant leur transport à Mikulov, les Jésuites de Brno et ceux d’Olomoucconfisquèrent une quantité de livres, surtout ceux suspects et prohibés; plustard, dans les années de 1933‐1934, c’étaient les Dietrichstein mêmes quivendèrent de nombreux manuscrits et imprimés aux enchères à Luzern deSuisse). 13 Le nombre de livres et la composition thématique des collectionsdes Hoffman sont connus grâce aux catalogues d’époque conservés.12Dans les années 1547‐1550, il fut élévé au château de Český Krumlov, ensembleavec Petr Vok et Vilém seigneurs de Rožmberk – la maison Hoffman et celle Rožmberkfurent apparentées par celle Roggendorf). Ses études furent couronnées par la GrandeTour en Italie et son séjour à l’université de Padoue.13Pour la bibliothèque de Hoffman cf. p. ex. MAŠEK, Petr, WIENDLOVÁ, Zdena,Soupis knih z knihovny Ferdinanda Hoffmana z Grünpichu ve fondu zámecké knihovnyMikulov, [Le catalogue des livres de Ferdinand Hoffman de Grünpich conservés au fondsde la bibliothèque du château de Mikulov], in: „Sborník Národního muzea“, řada C, 39‐40,1994‐1995 [ed. 1997], nr. 1‐4, pp. 78‐110; GLONEK, Jiří, KRUŠINSKÝ, Rostislav, Jazyka řeč knižních vazeb z hlediska majitele. Sbírka Ferdinanda Hoffmana z Grünpühelu veVědecké knihovně v Olomouci, [La langue et la parole de reliures de livres du point de vuede leur propriétaire. La collection de Ferdinand Hoffman de Grünpühel conservée dansla Bibliothèque Scientifique d’Olomouc], in: ,“K výzkumu zámeckých, měšťanských acírkevních knihoven“ [Pour une étude des bibliothèques aristocratiques, bourgeoises etconventuelles], Jazyk a řeč knihy, České Budějovice, Jihočeská univerzita v ČeskýchBudějovicích, 2009, pp. 481‐500.


L’aristocratie centre-européenne des XVI e et XVII e siècles et ses goûts... 21Dans la bibliothèque, il y a une considérable quantité des oeuvres de lalittérature récréative et les romans de chevalerie espagnols en traductionsitaliennes de Mambrino Roseo publiées par Michele Tramezzino à Venicen’y manquèrent pas. I quattro libri di Amadis de Gaula et aussi d’autrescontinuations d’Amadís de Gaula, trois livres de Palmerín de Oliva, lacontinuation italienne du troisième livre de Flortir de 1554, une premièreédition de la traduction de Mambrino Roseo de Florambel de Lucea de1554, une édition de Venise de „Chevalier du sol“ de 1557 et un secondlivre de la continuation italienne du roman El caballero de la cruz due àPietro Lauro en édition vénétienne de 1560 représentent les plus anciennesacquisitions. Dans la bibliothèque, il y avaient aussi deux versions du récitde „Tristan et Isolde“ – celle allemande de la fin du XV e siècle et celleitalienne de la mi‐XVI e siècle. Malheureusement, aucun des romans citésne se conserva à nos jours.La présence de la littérature de chevalerie fut attestée aussi dans lefonds de la première bibliothèque familiale des Dietrichstein de Mikulov,collection renommée dont l’origine remonte à l’époque de la Renaissance.Son histoire est bien connue. Les collections, fondées par le humanisteAdam de Dietrichstein (1527‐1590), bibliophile passionné, enrichies parles acquisitions de ses fils Maxmilien I er (1561‐1611), Sigismond (†1602) etnotamment François, cardinal de Dietrichstein (1570‐1636) comprennent en1645 environ de 10 000 volumes de livres. 14 On sait que le cardinal enrichit14A propos de la bibliothèque des Dietrichstein cf. VESELÁ, Lenka, KnihovnaFrantiška z Ditrichštejna v dobovém kontextu, [La bibliothèque de François deDietrichstein dans le contexte de l’époque], in: „Kardinál František z Ditrichštejna ajeho doba. XXIX. mikulovské sympozium, 11.‐12. října 2006“, Brno, Moravské zemskémuzeum 2007, pp. 233–235; PETR, Stanislav, Rodové knihovny Ditrichštejnů v Mikulově,jejich osudy a nálezy ditrichštejnských rukopisů v Národní knihovně v Praze [Lesbibliothèques de famille de Dietrichstein, leur destin et les manuscrits de Dietrichsteintrouvés dans la Bibliothèque nationale de Prague], in: „Kardinál František z Ditrichštejnaa jeho doba. XXIX. mikulovské sympozium, 11.‐12. října 2006“, Brno, Moravské zemskémuzeum, 2007, pp. 239‐258. Cf. aussi MĚSÍC, Cyril, Knihovny kardinála Františkaz Dietrichsteina [Les bibliothèques du cardinal de François de Dietrichstein], in: „KardinálFrantišek z Dietrichsteina (1570‐1636). Prelát a politik neklidného věku“, Olomouc,Muzeum umění, 2008, pp. 52‐55 etc. Voire aussi KAŠPAROVÁ, Jaroslava, Acerca dedos impresos españoles procedentes de la Biblioteca de Ditrichstein, in: „IberoamericanaPragensia“ 23, 1989, Praga, Universidad Carolina, 1991, pp. 177‐182 et KAŠPAROVÁ,Jaroslava, Hispanika ve šlechtických knihovnách konce 16. a první poloviny 17. století.K možnostem virtuální rekonstrukce neexistujících či rozptýlených knižních sbírek nazákladě dochovaných knihovních katalogů a inventářů [Hispanica dans les collectionsaristocratiques de la fin du XVI e siècle à la première moitié du XVII e siècle. Pour lespossibilités de la reconstruction virtuelle des collections inexistantes ou dispersées sur la


22 JAROŠ<strong>LA</strong>VÁ KASPAROVAla bibliothèque de famille non seulement par ses achats profitables, maisaussi par les biens confisqués de la noblesse opposée au pouvoir impérial. 15Vu son destin triste à la fin de la Guerre de Trente Ans, il est aujourd’hui trèsdifficile de caractériser son contenu aussi bien que toutes les provenancesde livres. Les catalogues conservés (celui de Dingenauer de 1614 16 et celuide la Bibliothèque Royale de Stockholm 17 dressé en 1645 avant le transportdes livres par le commissaire de guerre suédois Johan Bussow) notentquelques titres de romans de chevalerie espagnoles en original et aussien traductions au français et italien. Les catalogues notent quelques titresde romans de chevalerie espagnoles en original (en format folio p. ex.:Amadís de Grecia en édition de Lisbonne de 1596 18 , Libro del inuenciblebase des catalogues et inventaires conservés], in: Problematika historických a vzácnýchknižních fondů. Sborník z 18. odborné konference Olomouc, 14.‐15. října 2009 (ed.Rostislav Krušinský), Olomouc, Vědecká knihovna v Olomouci – Sdružení knihovenČeské republiky, 2010, pp. 129‐144.15Son oncle János Ágoston Dudith (1550‐1552), évêque, fut tué dans la batailleavec les Turcs. A propos d’András Dudith (1533‐1589), et sa bibliothèque cf. FALUDI,Jean, André Dudith et les humanistes français, „Etudes françaises, Institut français del'Université de Szeged“, Szeged, 1927, 1, 65 p., ou bien COSTIL, Pierre, André Dudithhumaniste hongrois 1533‐1589. Sa vie, son oeuvre et ses manuscrits grecs, Paris, SociétéD'édition “Les Belles Lettres”, 1935. La bibliothèque de Dudith fut vendue par la veuveen 1609 ou 1610 et dispersée dans les nombreuses collections européennes (cf. MONOK,Istvan, JANKOVICS, Jozsef, Dudith Andras Konyvtar: Reszleges Rekonstrukcio, Szeged,Scriptum Kft, 1993). D’après le catalogue reconstruit il reste 340 titres des livres existésjusqu’à nos jours, dont lesquels 110 oeuvres passèrent par la bibliothèque de Dietrichsteinde Mikulov. La littérature récréative et divertissante n’était pas typique pour le bibliophileDudith (les romans de chevalerie ne furent pas enregistrés).16DINGENAUER, 1614. Georg Dingenauer, jésuite (mort en 1631), fut confesseurdu cardinal, préfet du collège jésuite d’Olomouc. A propos du catalogue de Dingenauercf. aussi TRANTÍREK, Miloslav, Dějiny mikulovské zámecké knihovny [L’histoirede la bibliothèque du château de Mikulov], Část I, Mikulov, Vlastivědné muzeum aOkresní archiv v Mikulově, 1963, pp. 10‐11 et VESELÁ, Lenka, Knihovna Františkaz Ditrichštejna v dobovém kontextu, [La bibliothèque de François de Dietrichstein dans lecontexte de l’époque], op. cit., pp. 233‐235.17Cf. BUSSOW, 1645. Voir aussi ZAORAL, Prokop, Stockholmský inventářmikulovské knihovny z r. 1646 [L’inventaire de Stockholm de la bibliothèque du châteaude Mikulov daté de 1646], „Studie o rukopisech“, 10, 1971, pp. 237‐256 (analysant desproblèmes, l’auteur consacre son attention notamment à la liste des manuscrits). Cf. aussiVESELÁ, Lenka, Knihovna Františka z Ditrichštejna v dobovém kontextu, op. cit., p. 235.Le catalogue de Bussow est à la disposition d’après les photocopies déposées dans laBibliothèque de l’Académie des sciences à Prague.18DINGENAUER, 1614: 192. BUSSOW, 1645: 234 – Amadie de grecia (Lisboa1596, 2°).


L’aristocratie centre-européenne des XVI e et XVII e siècles et ses goûts... 23cauallero Lepolemo (La cronica del invencible Cauallero Lepolemo) écritepar Alonso de Salazar 19 et aussi en traductions au français et italien. 20 Parmiles traductions excellent une édition vénitienne de Primaléon 21 , le premierlivre d’Amadís de Gaula en version française de 1544 („Le premier liurede Amadis de Gaule“) 22 avec sa continuation „Le sixiesme liure d’Amadisde Gaule“ de 1560 23 et Palmerín de Oliva parue à Vénice en 1526. 24 LesDietrichstein possédèrent aussi une version espagnole du célèbre poèmeen vers d’Olivier de La Marche „Le chevalier determiné“ (El cauallerode terminado) traduit par Hernando de Acuña – en deux éditions; l’unede Salamanca de 1573 25 , l’autre richement illustrée publiée en Anvers en1555. 26 L’inventaire de 1645 enregistre aussi une édition espagnole duroman La Cryselia de Lidacelli publiée en 1609 à Paris. 27La littérature de fiction, romans de chevalerie inclus, forme un groupeimportant et nombreux dans la collection baroque des Eggenberg, familled’origine styrienne dont les membres unirent leur destin avec l’histoire despays de la Couronne tchèque. Leur bibliothèque se conserva en partie auchâteau de Český Krumlov. Le fondateur des collections familiales fut HansUlrich von Eggenberg (1568‐1634), duc de Český Krumlov, riche politiqueet diplomate, grand admirateur et collectionneur des récits de chevalerie enespagnol et en italien. 28 Eggenberg posséda une des plus riches collections19BUSSOW, 1645: 273 – La coronica del inuencible Cauallero Lepolemo (S.l., 1517 [sic! =1577?], 2°). Le date d’édition 1517 est évidemment erroné (l’oeuvre futpubliéé pour la première fois en 1521).20DINGENAUER, 1614: 185 – enregistre une version italienne du roman – Historiadel Valerosissimo Caualier della Croce.21BUSSOW, 1645: 229 – Primaleon los tres libros del muij esforcado caualleroprimaleon (Venetia, 2°). Cf. DINGENAUER, 1614: 192 – Historia del famoso CaualleroPalmerin.22BUSSOW, 1645: 275 – Le premier livre de Amadis de Gaule ([Paris] 1544, 2°).23BUSSOW, 1645: 287 – Le sixiesme livre d’Amadis de Gaule (Paris 1560, 8°).24DINGENAUER, 1614: 192 – Historia del famoso Cauallero Palmerín. BUSSOW,1645: 237 – Primaleon de Oliva et sus grandes fechos nueuamente emprimido (Venetia1526, 2°).25BUSSOW, 1645: 116 – Elcauallero de terminado [sic!] (En Salamanca 157[3],4°).26BUSSOW, 1645: 117 – El cauallero de terminando del Lengus [sic!] Francesa(En Enuers 1555, 4°). Cette édition est déjà enregistrée par l’invetaire de 1614 – cf.DINGENAUER, 1614: 185.27BUSSOW, 1645: 270 – La Cryselia de Lidacelli famosa Verdadera historia deuarios acontestimientes de amor yarmas (Paris 1609 8°).28Cf. KAŠPAROVÁ, Jaroslava, Die Hispanika in der eggenbergischenBüchersammlung der Schlossbibliothek in Český Krumlov, in: „Sammeln, Lesen,


24 JAROŠ<strong>LA</strong>VÁ KASPAROVAaristocratiques de la littérature de chevalerie en langues romanes en Europecentrale, soit en original, soit en traductions et continuations italiennes.C’est attesté non seulement par les livres conservés jusqu’au présent, maisaussi par les titres des ouvrages inscrits dans l’inventaire après‐décès faiten 1649 après la mort de Johann Anton von Eggenberg, fils de Hans Ulrich.L’ensemble de littérature de chevalerie fut à la disposition non seulementau duc de Český Krumlov, lecteur passionné, mais probablement aussi à safamille (femme Sidonie‐Marie, fils Johann Anton et trois filles). Dans lacollection, nous pouvons trouver surtout les récits de chevalerie du cycleAmadís de Gaula et Palmerín de Oliva. Dans la bibliothèque d’Eggenberg,les romans Amadís de Gaula furent preséntés en versions italiennes etaussi en originaux espagnols (malgré que beaucoup de titres ne furent pasconservés jusqu’à nos jours). 29 Dans la collection se trouvent notammentles romans de Feliciano de Silva en versions italiennes de MambrinoRoseo: Lisuarte de Grecia (probablement en une édition d’octavo de lamoitié du XVI e siècle), 30 Amadís de Grecia en édition de 1615, 31 Florisel deNiquea publié par Giorgio Valentini 32 et sa continuation Aggiunta de 1619 33et Rogel de Grecia (Valentini 1619). 34 La version italienne du premierroman de Palmerín de Oliva est conservée en édition de Venise de 1575Übersetzen als höfische Praxis der frühen Neuzeit. Die böhmische Bibliothek der FürstenEggenberg im Kontext der Fürsten‐ und Fürstinnenbibliotheken der Zeit“ (WolfenbüttelerForschungen, Bd.126), ed. Jill Bepler und Helga Meise,Wiesbaden, Harrassowitz,2010, pp. 117‐143 et PELÁN, Jiří, Italienische Bücher aus den Sammlungen derFürsten Eggenberg, in: „Sammeln, Lesen, Übersetzen als höfische Praxis der FrühenNeuzeit: Die böhmische Bibliothek der Fürsten Eggenberg im Kontext der Fürsten‐ undFürstinnenbibliotheken der Zeit“, (Wolfenbütteler Forschungen, Bd.126), ed. Jill Beplerund Helga Meise, Wiesbaden, Harrassowitz Verlag, 2010, pp. 145‐154. Voir aussiRADIMSKÁ, Jitka et al. Ve znamení havranů. Knižní sbírka rodiny Eggenbergů na zámkuv Českém Krumlově [Pour le signe des corbeaux. Les destins de la collection de livresde famille Eggenberg], České Budějovice‐Pelhřimov, Jihočeská univerzita v ČeskýchBudějovicích, 2011.29INVENTARIUM, 1649: 82, 84, 87, 88 et 90 comprend les notices des livres ducycle d’Amadís de Gaula assez difficilement identifiable soit par le titre, soit par la langue.30INVENTARIUM, 1649: 82 et 88.31Voir KAŠPAROVÁ, SOUPIS JAZYKOVĚ ITALSKÝCH TISKŮ, 2011: nr.148, cote 30 C 6427, Eggenberg cote C 5 95.32KAŠPAROVÁ, SOUPIS JAZYKOVĚ ITALSKÝCH TISKŮ, 2011: nr. 424, cote30 F 6487, Eggenberg cote C 1 67.33KAŠPAROVÁ, SOUPIS JAZYKOVĚ ITALSKÝCH TISKŮ, 2001: nr. 423, cote30 F 6487, Eggenberg cote C 1 67.34KAŠPAROVÁ, SOUPIS JAZYKOVĚ ITALSKÝCH TISKŮ, 2011: nr. 740, cote28 D 5971, Eggenberg cote C 5 95.


L’aristocratie centre-européenne des XVI e et XVII e siècles et ses goûts... 25avec l’exlibris manuscrit de Hans Ulrich d’Eggenberg daté de 1587. 35 LesEggenberg lisaient en italien aussi le deuxième et le quatrième roman ducycle – Primaleón 36 et Palmerín de Inglaterra 37 (exemplaire signé par HansUlrich). Il Cavallier Flortir édité en 1573 fut acheté par Hans Ulrich en 1589;dans le livre, nous pouvons lire une de ses devises préférées typique pourles années 80. et 90 du XVI e siècle – „Ricordanza Amor con tua licenza“. 38Les Eggenberg possedèrent aussi la troisième partie de la version italiennedu roman de chevalerie de Martorell Tirante il Blanco 39 , les petits récitscomme p. ex. Roberto El Diablo 40 , Historia de Enrique fi de Oliva 41 , livrepublié en Séville en 1524, La Cronica de los nobles caualleros Tablantede Ricamonte y Jofre, récit de la tradition française du cycle arthurien 42 ,ou version italienne du roman „Histoire d’Olivier de Castille et Artusd’Algarbe“ (Historia dei valorosi cavalieri Olivieri di Castiglia et Artus diDalgarve) laquelle Hans Ulrich acquit 16 ans après son apparition (elle futpubliée en 1612 à Vénise). 43 Dans la collection d’Eggenberg, il y avaientaussi une version italienne du roman El caballero de la cruz de Pietro Lauro(en original espagnol publié pour la première fois en 1521) 44 , un récit surOlivante de Laura d’Antonio de Torquemada (1507‐1569), probablementen editio princeps de 1564 (Historia del invencible cavallero Don Olivantede Laura) 45 , un exemplaire de la traduction italienne d’Orazio Rinaldi duroman Belianís de Grecia de Jerónimo Fernández 46 et aussi une édition35KAŠPAROVÁ, SOUPIS JAZYKOVĚ ITALSKÝCH TISKŮ, 2011: nr. 676, cote25 D 5293, Eggenberg cote C 1 83.36Cf KAŠPAROVÁ, SOUPIS JAZYKOVĚ ITALSKÝCH TISKŮ, 2011: nr. 677,cote 30 F 6495, Eggenberg cote C 1 72.37KAŠPAROVÁ, SOUPIS JAZYKOVĚ ITALSKÝCH TISKŮ, 2011: nr. 678, cote30 F 6495, Eggenberg cote C 1 70.38KAŠPAROVÁ, SOUPIS JAZYKOVĚ ITALSKÝCH TISKŮ, 2011: nr. 425, cote29 F 6231, Eggenberg cote C 1 68.39INVENTARIUM, 1649: 88 et KAŠPAROVÁ, SOUPIS JAZYKOVĚITALSKÝCH TISKŮ, 2011: nr. 599, cote 30 F 6488, Eggenberg cote C 1 71. En catalánTirant lo Blanch – pour la première fois en 1490 en Valence. Parfois, l’oeuvre est prisepour le premier roman moderne mondial.40INVENTARIUM, 1649: 71.41KAŠPAROVÁ, SOUPIS JAZYKOVĚ ŠPANĚLSKÝCH TISKŮ, 2011: nr. 48 (ils’agit de la troisième édition, assez rare).42KAŠPAROVÁ, SOUPIS JAZYKOVĚ ŠPANĚLSKÝCH TISKŮ, 2011: nr. 27.43KAŠPAROVÁ, SOUPIS JAZYKOVĚ ITALSKÝCH TISKŮ, 2011: nr. 270, cote30 B 6381, Eggenberg cote C 1 85.44INVENTARIUM, 1649: 83 – Historia del cavallier della croce.45INVENTARIUM, 1649: 54.46INVENTARIUM, 1649: 66.


26 JAROŠ<strong>LA</strong>VÁ KASPAROVAvénitienne de 1557 de la version italienne de Pietro Lauro du roman IlCavallier del Sole 47 écrit par Pedro Hernández de Villalumbrales. Le romande Jerónimo de Sanpedro Cavallería celestial del pie de la Rosa Fragante,en traduction d’Alfons de Ulloa éditée à Venise de 1607 48 , plus tard figuréà l’index des livres prohibés, ne figure qu’à l’inventaire d’Eggenberg,hélas. Parmi les livres conservés jusqu’à nos jours, nous pouvons citerla deuxième édition de Cristalián de España (Alcalá de Henares 1586)en exemplaire bien usé 49 , l’édition de Venise de 1609 de Florambel deLucea, récit écrit par Francisco Enciso de Zárate et traduit par Mambrinode Roseo (Hans Ulrich l’acquit en 1628). 50 Hans Ulrich posséda aussi ledernier roman de chevalerie espagnol Historia del principe don Policisnede Boecia (Valladolid 1602), ou l’épopée „El Chevalier determiné“(Cavallero determinado) d’Olivier de La Marche. 51 Pour la caractéristiquela plus détaillée, je renvoie à la littérature portée sur le fonds hispaniquede la collection, déjà publiée et à la monographie collective complétée parle catalogue de livres de la bibliothèque d’Eggenberg Ve znamení havranů.Osudy knižní sbírky rodiny Eggenbergů („Pour le signe des corbeaux. Lesdestins de la collection de livres de famille Eggenberg“). 52Les récits de chevalerie jouissent d’une grande vogue exceptionnellementdurable. La collection baroque de la famille des Nostitz (aujourd’hui placéau Palais Nostitz à Prague) est en bon example. Son noyau fut constitué parla bibliothèque personnelle d’Otto Nostitz de Seifersdorf et Heidersdorf,homme politique au service de Ferdinand II (1608‐1665), chancelier de lamagistrature de Silésie, plénipotentiaire de la principalité de Svídnice etJavory en Silésie et grand collectionneur. Son inventaire „post mortem“,47INVENTARIUM, 1649: 90.48KAŠPAROVÁ, SOUPIS JAZYKOVĚ ITALSKÝCH TISKŮ, 2011: nr. 756, cote22 C 4675, Eggenberg cote C 3 14.49KAŠPAROVÁ, SOUPIS JAZYKOVĚ ŠPANĚLSKÝCH TISKŮ, 2011: nr. 8.50KAŠPAROVÁ, SOUPIS JAZYKOVĚ ITALSKÝCH TISKŮ, 2011: nr. 426, cote24 B 5083, Eggenberg cote C 1 80.51INVENTARIUM, 1649: 75.52La monographie publiée en édition „BIBLIOTHECA VIVA“, nr. II comprendune étude sur l’histoire de la collection de livres, une caractéristique des intérêts de lecturedes membres de la famille d’Eggenberg et le catalogue des livres conservés comme ceuxperdus (imprimés en espagnol, en italien, en allemand et en latin). Cf. le premier volumede cette édition: RADIMSKÁ, Jitka, Knihovna šlechtičny. Francouzské knihy MarieErnestiny z Eggenbergu na zámku v Českém Krumlově [La bibliothèque d’une aristocrate.Les livres en français de Marie Ernestine d’Eggenberg au château de Český Krumlov],České Budějovice: Jihočeská univerzita České Budějovice‐Nová tiskárna Pelhřimov,2007.


L’aristocratie centre-européenne des XVI e et XVII e siècles et ses goûts... 27conservé à nos jours 53 , montre que la bibliothèque d’Otto située du châteaude Javory en Silésie regroupa environ 5000 volumes de livres parmi lesquelsfigurèrent aussi quelques titres de la littérature de chevalerie, dans la pluparten versions italiennes et françaises. Ce sont p. ex. quelques romans de lasérie d’Amadís de Gaula, ceux du cycle Palmerín de Oliva, version italiennedu roman de Beatrice Bernal Don Cristalián de España (La famosa et degnahistoria de gli inuitti caualieri don Cristaliano di Spagna). 54Parmi d’autres consommateurs des lectures de chevalerie appartinrentaussi les familles Martinitz, Kinský ou Lobkowicz. Bernard Ignácde Martinitz (1603‐1685), homme politique important de foi catholique,grand bibliophile et mécène, posséda une édition italienne d’Amadís deGaula de 1589 (I quattro libri di Amadis di Gaula), donnée plus tard àla bibliothèque du couvent des Théatins de Prague). Il paraît que lesprincipes de Kinský 55 lisèrent Amadís de Gaula notamment en français(cette hypothèse est confirmée p. ex. par une édition parisienne de 1577de Jean Poupy, aujourd’hui conservée dans la Bibliothèque Nationale dePrague). 56 Dans la bibliothèque des Lobkowicz de Roudnice, une des plusgrandes collections aristocratiques en Europe, survivée jusqu’à nos jours,se conservèrent des éditions du XVI e siècle acquises assez tard – entre lafin du XVII e et le XVIII e siècles. Elles sont représentées par romans desérie d’Amadís de Gaula – traduits en italien (le cinquième, le septième etle neuvième livre, tous publiés à Venice par Tramezzino), en français („Ledixième et onzième livre d’Amadis en édition lyonnaise de 1577“) et enallemand (éditions de Francfort) et aussi un exemplaire d’édition italiennede Tramezzino de Palmerín de Inglaterra, le quatrième roman du Palmerínde Oliva. La bibliothèque des Lobkowicz de la branche de Hořín‐Mělník,dite Bibliothèque Lobkowicz de Prague, fondée à la fin du XVIII e siècle,abrite le cinquième livre d’Amadís de Gaula en traduction d’Herberaydes Essarts publié à Paris en 1548 („Le Cinquiesme livre d’Amadis deGaule“) 57 , aussi une acquisition postérieure.53Inventarium der freiherrlichen Nostitzischen Verlassenschaft, manuscrit desannées 1667‐1668. Nostická majorátní knihovna, cote Ms 21.54Nostická majorátní knihovna, cote dg 583.55C’étaient les collections particulières de la famille Kinský lesquelles en 1777le conte František Josef Kinský (1739‐1805), homme de science, général et directeurde l’Académie Militaire de Vienne, legua à la Bibliothèque publique et universitaire dePrague, soumise à l’autorité de l'État (sa bibliothèque personelle, celle de famille et cellede militaria).56Bibliothèque nationale de la République tchèque, cote B.XI. 43‐44.57Bibliothèque nationale de la République tchèque, cote 65 E 8148. Le livre nepassa aux collections de Lobkowicz qu’au XVIII e siècle.


28 JAROŠ<strong>LA</strong>VÁ KASPAROVALes histoires de chevalerie furent possédées aussi par les bourgeoisanoblis, nouveaux riches de l’époque de la Guerre de Trente Ans, commep. ex. par la famille Michna de Vacínov. Les collections familiales furentfondées probablement par le catholique zélé Pavel Michna (1572‐1632),politique et guerrier de l’armée impériale, mais ce n’était que son fils VáclavJan Michna 58 qui eut le fort mérite de l’enrichissement des collections bienestimées dans leur époque. 59 Nous pouvons peut faire une idée sur soncontenu d’après leur inventaire „post mortem“ (dressé en 1667) qui apportele catalogue de la bibliothèque familiale, autrefois située au Palais Michnade Prague; il enregistre plus de 1800 livres dont les livres en languesnéolatines représentent environ 368 titres. L’inventaire comprend 30 titresdes hispaniques, rélativement un grand nombre d’oeuvres en italien (109unités) et étonnamment beaucoup de livres en langue française (229) – deuxfois autant des ouvrages en italien. Sur les possibilités de la reconstructionde cette excellente bibliothèque baroque, aujourd’hui soit perdue soitdispersée au fonds de la Bibliothèque du Musée National, et sur la présencede la production imprimée en langues néo‐latines inscrite dans l’inventaire,j’en ai référé à la conférence internationale concernant l’histoire du livrequi fut tenue en Slovaquie à Oponice en automne de 2011 (Európske cestyrománskych kníh v 16.‐18. storočí. V. ročník medzinárodnej konferenciek výskumom historických knižníc a romanistiky, Oponice, le 25‐27 octobre2011). 60A propos des livres diffusés aux milieux urbains du XVII e et XVIII esiècles, nous avons de preuves que les romans du célèbre Amadís de Gaulaavaient ses admirateurs même parmi les intélectuels urbains capablesde les lire en allemand et aussi en français. Il existe deux exemples denotices inscrites dans les inventaires après‐décès d’époque: Jan Schmidt,58Cf. SVOBODOVÁ, Milada, „Weiter folgen alten pargamenene geschriebeneBücher“ Sbírka středověkých rukopisů v knihovně Václava Jana hraběte Michnyz Vacínova (+ 1667) [„Weiter folgen alten pargamenene geschriebene Bücher“. Lacollection des manuscrits du Moyen‐Âge dans la bibliothèque de Wenceslas Jean conte deMichna de Vacínov], „Miscellanea oddělení rukopisů a starých tisků“, 21, 2011, Praha,Národní knihovna ČR, 2011, pp. 27‐31.59L’inventaire de Michna enregistre p. ex. une version espagnole d’épopée dechevalerie „Le Chevalier determiné“ ou une édition espagnole d’„Histoire d’Olivier deCastille“.60Cf. KAŠPAROVÁ, Jaroslava, Jazykově románské tisky v knihovně VáclavaJana Michny z Vacínova (+ 1667), syna významného katolického šlechtice Pavla Michnyz Vacínova [Les éditions néolatines dans la bibliothèque de Wenceslas Jean contede Michna de Vacínov (+ 1667), fils de Paul Michna de Vacínov, aristocrate tchèquerenommé] – sous la presse.


L’aristocratie centre-européenne des XVI e et XVII e siècles et ses goûts... 29magistrat de la Vieille Ville, posséda une version allemande, probablementen édition de Strasbourg de 1597 – „Šackammer Ammadis (in octavo)“et Jan Jindřich Klein, conseiller et copiste de la même ville praguoise,était propriétaire d’une édition en français (Čtyry knihy v francauzskéřeči Amadis intitulirované (in quarto). 61 Dans ce contexte, nous pouvonsciter aussi un exemplaire de la version française d’Amadís de Gaula de lafin du XVI e siècle qui avant ayant entré dans le fonds de la Bibliothèquenationale de Prague circula pendant presque quatre siècles dans les couchesfranco‐allemandes de l’Europe centrale plus basses. Il contient, outreun exlibris manuscrit et des notes de lecture de son propriétaire, certain„Petr Ernst Haydrich, probablement d’origine allemande, les vers françaissuivants –„Le Jeu La femme et le vin friant font l’homme pauvre en riant“. 62LectricesPour la période analysée, dans les bibliothèques des femmes aristocrateset bourgeoises centre‐européennes, la présence des romans de chevalerieespagnols n’est pas attestée. Cela ne veut pas dire que le public fémininn’avait pas d’une conscience de leur existence et que les lectures fémininesne soient pas réalisées. Si les femmes bibliophiles n’avaient pas leurs exlibrispersonnels ou si les livres potentiaunellement lus par elles, ne contenaientaucunes notes de lecture, il est bien difficile identifier leurs possessionset leurs lectures. Nous supposons qu’il existe des raisons objectives pourl’expliquer: prolifération des genres de la littérature vernaculaire avecune part modeste de la littérature divertissante, codification des lecturesféminines par les manuels didactiques consacrés à l’instruction des femmeset jeunes filles, ainsi que les barrières de langue ou analphabétisme notabledu public féminin. 63 Ce sont aussi des raisons pourquoi les discussions sur61La version complète de la traduction allemande en 24 volumes fut publiée dansles années 1561‐1594 au Francofort. L’édition de Strasbourg de 1597 parut sous le titreSchatzkamer schöner zeirlicher zusammen gezogen; il s’agit d’une traduction basée surl’édition française d’Amadís de Gaula „Thrésor de tous les livres d’Amadis de Gaule“.62Bibliothèque nationale de la République tchèque, cote H 9139.63Cf. une édition critique des manuels pour les femmes, catholiques commeprotestantes, existants dans la littérature tchèque dans l’époque moderne antérieure:RATAJOVÁ, Jana, ŠTORCHOVÁ, Lucie, edd., Nádoby mdlé, hlavy nemající? Diskursypanenství a vdovství v české literatuře raného novověku [Les vases faibles, têtes sanscervelle? Les discours de la virginité et du veuvage dans la littérature tchèque de l’Époquemoderne antérieure], Praha, Scriptorium, 2008 et ici l’étude de STORCHOVÁ, Lucie,Gender a „přirozený řád v českojazyčných diskursech vdovství, panenství a světectvíraného novověku [Le paritarisme et „l’ordre naturel“ dans les discours de la langue tchèquedu veuvage, de la virginité et de la sainteté de l’Époque moderne antérieure], ibidem, pp.


30 JAROŠ<strong>LA</strong>VÁ KASPAROVAles interdictions de récits de chevalerie comme lecture nuisible pour lajeunesse et les femmes, connues des littératures espagnole ou française 64 ,représentent un phénomène inconnu au contexte tchèque. En comparaisonavec la situation en Espagne ou en France, dans l’espace des Pays tchèques,les manuels populaires consacrés à la formation des jeunes filles, publiésen tchèque, ne s’occupent point de la problématique de l’adéquation oula nocivité des lectures des romans de chevalerie pour les femmes. Lesmanuels supposent que le répertoire des lectures de femmes de tous les âgeset états ne comprennent que l’Écriture sainte, la littérature didactique decaractère religieux (sermonnaires, heures, manuels du bon comportement).Les appropriations des romans de chevalerie par le public féminin nese changea qu’au XVIII e siècle, quand la noblesse francophone de l’Europecentrale prit goût aux „livrets bleus“ bien recherchés juste par les lectricesnobles.Pratiques de lecturesTout porte à croire qu’ à la fin du XVI e et du XVII e siècle dans les milieuxintélectuels c’étaient les pratiques des lectures individuelles, silencieusesqui dépassaient celles à haute voix, notamment en ce qui concerne la prosenarrative avec quelques lignes d’action compliquées. Toute fois, pour cettehypothèse fragile nous manqueons de preuves suffisantes. Les lecturesoralisées – celles à mi‐voix pour soi ou celles à haute voix aux auditeurs(membres de la famille) ne soient pas exclues.Titres les plus préférésOutre la grande popularité de „Don Quichotte“ de Cervantes dans lecercles aristocratiques du public, attestée par sa circulation en original etaussi en versions italiennes et françaises, il est incontestable que c’était508‐541 (notamment pp. 517‐541) et aussi RATAJOVÁ, Jana, ŠTORCHOVÁ, Lucie,Žena není příšera, ale nejmilejší stvoření boží. Diskursy manželství v české literatuřeraného novověku [La femme n’est pas un monstre, mais la plus belle créature de Dieu.Les discours du mariage dans la littérature tchèque de l’Époque moderne antérieure],Praha, Scriptorium, 2009 et ici une étude de ŠTORCHOVÁ, Lucie, Vedení manželství aetika sebe samé(h)o v českých preskriptivních spisech 16. a 17. století [L’administrationdu mariage et l’éthique de soi‐même dans les écrits préscriptifs tchèques], ibidem, pp.776‐820.64Cf. MARÍN PINA, María del Carmen, La mujer y los libros de caballerías. Notaspara el estudio de la recepción del género caballeresco entre el público feminino, „Revistade literatura medieval“, nr. 3, 1991, pp. 129‐148. Accessible de: http://www.a360grados.net/sumario.asp?id=1598.


L’aristocratie centre-européenne des XVI e et XVII e siècles et ses goûts... 31surtout la série d’Amadís de Gaula (ses quatre romans et aussi sescontinuations) qui fut la plus connue auprès des lecteurs de toutes couchessociales. La deuxième place est occupée par celle de Palmerín de Oliva,surtout Primaléon, suivie par la version française du récit Historia de losnobles caualleros Oliueros de Castilla y Artus Algarue („Histoire d’Olivierde Castille d’Artus d’Algarbe“), Don Cristalián de España ou par le poème„Chevalier déterminé“ en traduction espagnole (Cavallero determinado).Langue de lectures des romans de chevalerie espagnoleÉditions espagnolesDans les couches aristocratiques, orientées vers la culture espagnole(Dietrichstein et Eggenberg), le genre de romans de chevalerie fut répanduprincipalement en langue espagnole. Les bibliothèques des familles citéescomprirent un nombre assez considérable de récits de chevalerie en espagnol.La collection personnelle de romans et d’histoires de chevalerie possédéepar Hans Ulrich von Eggenberg fut absolument unique, sans pareil et sansconcurrence. Malheureusement, cela on ne peut pas affirmer en égard auxcollections de la famille Lobkowicz (branche de Roudnice comme celle deHořín et Mělník). Quoique les bibliothèques des Lobkowicz sont très richesen hispaniques, la présence de la littérature tout à fait récréative ou la cellede fiction, y reste assez faible (ce sont des ouvrages religieux, historiques,politiques et géographiques qui prédominent). Il paraît que dans l’époquede la fin du XVI e siècle et la première moitié du XVII e siècle, les éditionsdes romans de chevalerie en langue espagnole (sauf ouvrages de Cervantes)ne furent pas acquises. En considérant leur engagement politique et lasituation idéologique générale au centre de l’Europe d’époque, la premièregénération de possesseurs des collections de livres, Zdeněk Vojtěch Popelde Lobkowicz et sa femme Polyxena de Lobkowicz, née de Pernestein,préfera les autres genres de lectures, évidemment. Dans les collectionsLobkowicz ne se sont conservées que de tardives acquisitions éditéesau XVI e siècle – romans de série d’Amadís de Gaula traduits en italien,français et allemand et aussi Palmerín de Inglaterra, exemplaire d’éditionitalienne de Tramezzino.Éditions italiennesIl est connu que les traducteurs, imprimeurs et libraires italiens étaientcapables de réagir à l’énorme popularité du genre et aux demandes des


32 JAROŠ<strong>LA</strong>VÁ KASPAROVAconsommateurs avec souplesse; nouvelles éditions et rééditions malgré leurtypographie mauvaise, papier de qualité fort basse, manque d’illustrations,parues à tirage plus élevé, au format plus commode (le plus souvent inoctavo) et à bon prix, inondaient le marché européen. A Venise, MicheleTramezzino publie ce genre littéraire même aux années vingt et trente duXVII e siècle et les libraires et bouquinistes le vendaient longtemps après sadisparition de la haute littérature. 65En Europe centrale, vers la fin du XVI e siècle, c’étaient juste les éditionsen italien de romans de chevalerie qui étaient les plus diffusées. Ellesprédominent notamment dans les sociétés aristocratiques, préférées parla noblesse catholique (les Dietrichstein, Lobkowicz, Eggenberg, Nostitz,Martinitz) comme celle protestante (les Hoffman). A la fin du XVI e siècle,grâce à leur prix et leur langue et grâce aux fréquents voyages d’étudeset les Grands Tours des jeunes nobles vers l’Italie, des acquisitions de lalittérature de chevalerie produite en Italie ne furent pas tellement difficiles.Les aristocrates intélectuels centre‐européens avides de lecture visitèrent lesfoires de livres (le plus souvent celui de Francfort) 66 , se lièrent des contactscommerciaux et ils achetèrent des livres par l’intermédiaire des agentsétrangers même après leur retour à la maison. La popularité des versionsitaliennes auprès du public centro‐européen survit même au siècle suivant.Éditions en françaisElles figurent dans les bibliothèques en éditions parues entre le XVI eet le XVIII e siècles, en traduction de Nicolas de Herberay des Essarts,parfois illustrées. A partir de la deuxième moitié du XVII e et tout au longdu XVIII e siècle, Amadís de Gaula et les autres récits de chevalerie furenttrès à la mode aussi grâce au goût du public pour la culture et civilisationfrançaises manifesté par lecture des traductions et adaptations françaises de65A propos de l’activité éditoriale de Michele Tramezzino et de la bibliographiedes éditions italiennes des romans de chevalerie cf. le projet „Progetto Mambrino“(responsabilité de Stefano Neri et Anna Bognolo), de Università degli studi di Verona(Dipartimento Lingue e Letterature Straniere), information en:. http://www.engramma.it/Joomla/images/60/Poster/neri_poster.jpg. Sur la biographie de Mambrino cf. p. ex.BOGNOLO, Anna, Vida y obra de Mambrino Roseo da Fabriano, autor de libros decaballerías, in: El dominio del caballero: nuevas lecturas del género caballeresco áureo,op. cit., pp. 78‐98. Accessible de: http://www.ehumanista.ucsb.edu/volumes/volume_16/post/2%20articles/5%20ehumanista%2016.bognolo.pdf.66A la fin du XVI e siècle, les foires de Francofort firent l’offre les versions allemandesdu roman d’Amadís de Gaula qui ne furent trouvées dans les collections aristocratiques duXVI et XVII e siècles que rarement.


L’aristocratie centre-européenne des XVI e et XVII e siècles et ses goûts... 33la littérature espagnole. Les versions en français étaient très recherchées parlecteurs centre‐européens non seulement à cause de la hégémonie généralede la langue et littérature françaises en Europe, mais aussi à cause de lastratégie éditoriale française – éditions de lectures „plus légères“ orientéesà large public de lecteurs et d’auditeurs. Il est bien évident que le choixd’une langue de lectures influença la réception de la littérature de chevalerieespagnole auprès du public. Traduire des oeuvres littéraires, ce n’est pas queverser le contenu d’une langue en autre. Au XVI e et XVII e siècles, traduiresignifia aussi actualiser, assimiler et adapter (on peut rappeler la premièretraduction d’Amadís de Gaula en langue vernaculaire, c’est dire en français,et les méthodes du traducteur qui était sous l’influence de la situationpolitique d’époque ainsi que des rélations mutuelles France‐Espagne). 67Les changements de langue et ceux de contenu effectués dans lesoeuvres traduites influencent le rapport texte‐source‐texte‐traduction etmarchent la main dans la main avec le rayonnement des doubles contextes„idéologico‐politiques“, sociaux et culturels (ceux du texte‐source et de latraduction).La stratégie des traducteurs et libraires, la situation économiquedu marché, les exigences et les goûts des consommateurs (lecteurscomme auditeurs) et leurs conditions politiques et sociales, ainsi quepsychobiologiques et sexuelles jouent aussi le rôle important. Il faut penserà tout cela, si nous voulons parler sur l’écho et la réception des romansde chevalerie espagnols dans l’espace centre‐européen par la voie detraductions.BibliographieBUSSOW, Johann. Catalogus Bibliothecae Nicolsburgensis Anno 1646.Stockholm: La Bibliothèque Royale de Stockholm, cote U 377 (d’après lesphotocopies conservées dans la Bibliothèque de l’Académie des sciences àPrague).67A propos des méthodes de traduction de Nicolas de Herberay des Essarts cf.DUCHÉ‐GAVET, Véronique, L'Espagne au miroir du roman (1525‐1608), in: „La culturadel otro: español en Francia, francés en España. La culture de l’autre: espagnol en France,français en Espagne“, ed. Manuel Bruña Cuevas et al., Sevilla: Asociación de Profesoresde Francés de la Universidad Española, Société des Hispanistes Français, Departamentode Filología Francesa de la Universidad de Sevilla, 2006, pp. 157‐165. Accessible de:http://www.culturadelotro.us.es/actasehfi/pdf/2duche_gavet.pdf.


34 JAROŠ<strong>LA</strong>VÁ KASPAROVADINGENAUER, Georg. Catalogus librororum. Instructissimae iuxta atquelocupletissimae Bibliothecae. Illustrissimi Principis et Domini, DominiFrancisci Cardinalis a Diettrichstein. In Arce Nicolspurgensi. FF.aGeorgio Dingenauero). Brno: Moravský zemský archiv, Cerroniho sbírkaG 12, II.Inventarium über weilland des dürchleichtig hochgebornen Fürsten und Hernn,Hernn Johann Anthony [...] Fürsten zu Eggenberg [...] etc inn und ausserGrätz zu Eggenberg befundenen verlass[...]. Český Krumlov: Státní oblastníarchiv Třeboň, la succursale Český Krumlov, Collection des manuscrits nr.127.KAŠPAROVÁ, Jaroslava. Soupis jazykově španělských tisků (Catalogue delivres en espagnol), in: RADIMSKÁ, Jitka et al. Ve znamení havranů.Knižní sbírka rodiny Eggenbergů na zámku v Českém Krumlově [Pourle signe des corbeaux. Les destins de la collection de livres de familleEggenberg]. České Budějovice‐Pelhřimov: Jihočeská univerzita v ČeskýchBudějovicích, 2011.KAŠPAROVÁ, Jaroslava. Soupis jazykově italských tisků (Catalogue de livres enitalien) nr. 148, cote 30 C 6427, Eggenberg cote C 5 95, in: RADIMSKÁ,Jitka et al. Ve znamení havranů. Knižní sbírka rodiny Eggenbergů nazámku v Českém Krumlově [Pour le signe des corbeaux. Les destins de lacollection de livres de famille Eggenberg]. České Budějovice‐Pelhřimov:Jihočeská univerzita v Českých Budějovicích, 2011.Knihopis českých a slovenských tisků od doby nejstarší až do konce XVIII. století.Díl 2. Tisky z let 1501‐1800 [Bibliographie des imprimés en tchèqueet slovaque depuis jusqu’à la fin du XVII e siècle. Partie 2. Imprimés1501‐1800]. Část I–IX. Založil Zdeněk V. Tobolka; pokračovali FrantišekHorák a Bedřiška Wižďálková. Praha: Komise pro knihopisný soupisčeských a slovenských tisků až do konce XVIII. století, 1939‐1967. (ČástI. Praha, 1939. Část II. Praha, 1941; Část III. Praha, 1946; Část IV. Praha,1948 Část V. Redigoval Dr. František Horák, odborná spolupráce Dr.Zdeněk Tobolka a poradní sbor. Praha: Národní knihovna v Praze, 1950;Část VI. Red. Dr. František Horák. Praha: Nakladatelství ČSAV, 1956;Část VII. Praha, 1961; Část VIII. Praha, 1963; Část IX. Praha: Academia,1967). Suppléments. Praha: Národní knihovna v Praze, 1994‐2010 (Část I.Písmeno A. ed. Bedřiška Wižďálková. Část II., 1995. Část III., 1996. ČástIV., 1998. Část V., 2000. Část VI., 2006. Část VII., eds. Vladimír Jarý, JanAndrle. 2010).


Bibliothèques de la noblesse : l‘œil vivant de son tempsJITKA RADIMSKÁIntroduction« La critique complète n‘est peut‐être ni celle qui vise à la totalité(comme fait le regard surplombant), ni celle qui vise à l‘intimité (commefait l‘intuition identifiante) ; c‘est un regard qui sait exiger tour à tourle surplomb et l‘intimité, sachant par avance que la vérité n‘est nidans l‘une ni dans l‘autre tentative, mais dans le mouvement qui vainlassablement de l‘une à l‘autre. »Jean Starobinski, « Le voile de Poppée », in : L‘œil vivant, 1961Les bibliothèques particulières de la noblesse ont leurs histoires :histoire de personnes qui les ont édifiées, histoire de lieux qui les ontinfluencées, histoire de livres qu’elles ont abritées, histoire d’idées qu’ellesont contribuées pour une large part à répandre. Si nous limitons notre intérêtà l’espace de l’Europe centrale appellé en allemand Mittel‐Europa, noustrouverons beaucoup d’exemples de bibliothèques nobiliaires, conservéesdans leurs locaux d’origine ou dispersées par la suite, dont la destinéemérite d’être raconté parce qu’elles nous relatent leur temps.À ce titre, l’histoire de la bibliothèque familiale Eggenberg est toutà fait exemplaire : constituée à partir du fonds privé de Hans Ulrichd’Eggenberg et enrichie par ses successeurs, comprenant d’environ troismilliers d’ouvrages et couvrant tout le siècle de « l’honnête homme », cettecollection livresque est, malgré les pertes, accessible aujourd’hui sur lesrayons de la bibliothèque du château à Český Krumlov en Bohême du Sud.En plus, le fonds Eggenberg n’a rien perdu de son identité.Nous essayerons de la démontrer de trois points de vue : commecollection choisie édifiée par trois générations familiales des nobles,comme lieu de rencontres des livres et des lecteurs avertis, comme carrefour


36 RADIMSKA JITKAd’idées et de langues, voire croisement d’influences dans un espace ouvertet/ou clos. Notre regard, loin d’être figé, cherchera à présenter ce modèlede l’une des bibliothèques privées qui fait partie de nos recherches depuisd’une quinzaine d’années.Hans Ulrich d’Eggenberg, duc de Krumlov (1568‐1634)1 – Bibliothèque Eggenberg – collection choisie plurilingueLa bibliothèque Eggenberg est une bibliothèque dont on connaît lecontenu grâce à des inventaires manuscrits qui sont devenus les sourcespremières de toute notre information concernant ce fonds privé. Il s’agitde deux inventaires après décès, rédigés en allemand et conservés dans lesarchives familiales au château de Český Krumlov, celui réalisé après la mortde Johann Anton d’Eggenberg en 1649 1 et le catalogue de la bibliothèque1Inventarium über weilland des dürchleichtig hochgebornen fürsten und hernn,hernn Johann Anthony [...] fürsten zu Eggenberg [...] etc inn und ausser Grätz zuEggenberg befundenen verlass [...]. Archives du district de Třeboň, succursale de ČeskýKrumlov, ms n° 127.


Bibliothèques de la noblesse : l’oeil vivant de son temps 37de Marie Ernestine d’Eggenberg, née comtesse de Schwarzenberg, établientre 1719 et 1721. 2Marie Ernestine d’Eggenberg, née comtesse de Schwarzenberg (1649-1719).2Catalogus über die in der hochfürstlichen Schwarzenbergischen Bibliotek zuBöhmische Krumau befindliche in der deutschen, franzözisch, wälisch, lateinisch undspanischen Sprache bestehende Bücher, welcher anno 1721 errichtet worden. Archivesdu district de Třeboň, succursale de Český Krumlov, ms n° 418.


38 RADIMSKA JITKAInventarium über weilland des dürchleichtig hochgebornen fürsten und hernn, hernnJohann Anthony [...] fürsten zu Eggenberg [...] etc inn und ausser Grätz zu Eggenbergbefundenen verlass [...]1649.


Bibliothèques de la noblesse : l’oeil vivant de son temps 39Catalogus über die in der hochfürstlichen Schwarzenbergischen Bibliotek zu BöhmischeKrumau befindliche in der deutschen, franzözisch, wälisch, lateinisch und spanischenSprache bestehende Bücher, welcher anno 1721 errichtet worden.


40 RADIMSKA JITKALes deux permettent de reconstituer l’histoire de la bibliothèque dela famille Eggenberg, bien que la partie rédigée en 1649 se distingue decelle précédant 1719. Établis à des fins économiques et juridiques, les deuxinventaires ne portent pas en soi, comme dans les cas semblables, 3 deslimites de l’occultation des livres de petits formats, des lectures récréatives(contes, nouvelles, romans), des ouvrages d’usages quotidiens (exercicesspirituels de la dévote, ouvrages du « savoir‐faire » ou d’instruction), deslivres prohibés. Ce qui compliqua parfois l’identification de certaines noticesdes clers, c’étaient les titres racourcis ou trop généralisant, sans indicationsd’auteur ni de date de parrution des exemplaires, ou des fautes d’orthographed’un copiste d’origine germanophone qui n’avait pas eu de suffisantesconnaissances des langues romanes (espagnole, française ou italienne).L’étude comparative des deux inventaires se rendit très efficace pour lanaissance du fonds Eggenberg et nous permit de reconstituer virtuellementla collection personnelle de Hans Ulrich d’Eggenberg portée aujourd’huien partie disparue. Malgré les 120 ouvrages perdus, les 243 titres de livresespagnols, figurant sur la liste de 1649 et couvrant la période des années3Comme c’est le cas de la bibliothèque de Mme de Chamillart par exemple. Cf.Jitka RADIMSKÁ, « Bibliothèque Eggenberg – modèle français à suivre ? » in : Lerayonnement français en Europe centrale du XVII e siècle à nos jours. CHALINE O.,DUMANOWSKI J., FIGEAC M. (éds.), Maison des Sciences de l'homme d'AquitainePessac, p. 318‐324. ISBN: 2‐85892‐364‐7; EAN/ISBN: 978‐2‐85892‐364‐9.


Bibliothèques de la noblesse : l’oeil vivant de son temps 41quatre‐vingts du XVI e siècles jusqu’aux années quarante du XVII e siècle,apportent la preuve d’un ensemble de lecture remarquable d’un aristocrateautrichien. Avec environ 1060 titres acquis avant 1649, la collection de HansUlrich d’Eggenberg reflète l’horizon de la culture livresque européennede la fin de la Renaissance et du début du Baroque du point de vuelinguistique – l’italien et l’espagnol y dominent – ainsi que thématique : lesexemplaires conservés dotés d’ex‐libris manuscrits et de reliures simplestémoignent une préférence marquée du duc de Krumlov pour la littératurede loisir en histoire, belles‐lettres et arts dramatiques. La plupart des livresont été acquis par Hans Ulrich lui‐même, son fis Johann Anton n’ayant quetrès peu enrichi le fonds. En outre, ses livres lui ont souvent été offerts.Le fonds ancien de la bibliothèque représentant la collection de base nenous est pas parvenu dans son entité.La seconde source de notre recherche en vue de la recontruction dufonds Eggenberg fut constituée par la recension systématique des titres etla description détaillée de tous les imprimés de la collection plurilingue diteEggenberg qui se trouvent aujourd’hui sur les rayons de la bibliothèquenobiliaire des Schwarzenberg au château à Český Krumlov. Grâce à destravaux efficaces des chercheurs de notre petite équipe, surtout MmeJaroslava Kašparová pour les imprimés espagnols, cette dernière avec M.Jiří Pelán pour les imprimés italiens, M. Václav Bok pour les imprimés enallemand et M. Vojtěch Balík pour les imprimés en latin, les cataloguesdes livres concervés à nos jours et des livres perdus, rappellons‐le, furentpubliés en 2011 dans l’ouvrage intitulé « Sous le signes des trois corbeaux.La collection de livres de la famille Eggenberg au château de ČeskýKrumlov ». 4 La publication parrut comme volume II de la série Bibliothecaviva et compléta largement l’image de la bibliothèque française de laduchesse de Krumlov, parue en 2007 sous le titre « Bibliothèque d’unearistocrate. Les livres français de Marie Ernestine d’Eggenberg auchâteau de Český Krumlov ». 5 Les spécialistes en histoire du livre ont doncla possibilité de les consulter et de comparer par la suite avec d’autresbibliothèques nobiliaires. Nous nous attendons un peu au jeu du hasard –à la possibilité de trouver d’éventuels échos d’existence des impriméseggenbergiens dans les collections privées ou publiques européennes, aumoins de ceux qui portent les marques de possession de leurs propriétaires.4RADIMSKÁ, Jitka et al., Ve znamení havranů. Knižní sbírka rodiny Eggenbergůna zámku v Českém Krumlově. Bibliotheca viva II, Jihočeská univerzita ČeskéBudějovice‐Nová tiskárna Pelhřimov 2011, 1024 p. ISBN 978‐80‐7394‐348‐65RADIMSKÁ, Jitka, Knihovna šlechtičny. Francouzské knihy Marie Ernestinyz Eggenbergu na zámku v Českém Krumlově. Bibliotheca viva I, Jihočeská univerzitaČeské Budějovice‐Nová tiskárna Pelhřimov 2007, 416 p. ISBN 978‐80‐7040‐982‐4


42 RADIMSKA JITKAQuant à la troisième source – documents divers conservés dans lesarchives familiales des nobles en question – une grande partie de la recherchereste encore à faire. Les documents historiques comme testaments, livresde compte et autres furent pris en considération. Les documents manuscritsde caractère personnel, comme la correspondance des membres de lafamille Eggenberg avec les familles apparentées des Schwarzenberg,Lichtenstein, Dietrichstein etc., ou d’autres écrits privés, attendent encoredans les archives en Bohême et en Moravie à des chercheurs. Exceptél’édition commentée du journal de tour de fin d’études à travers l’Europe,entrepris entre 1663‐1665 par les princes Johann Christian (futur mari deMarie Ernestine) et son frères Johann Seyfried, qui fut mise sous pressepar M. Václav Bok. Cependant, la collection livresque plurilingue desseigneurs Eggenberg représente un cas d’étude exceptionnel car on peutfaire connaissance non seulement de son contenu mais on peut suivre àtravers de nombreuses signes de possession ou de lecture active, souventsous forme de notes manuscrites concernant les passages qui suscitèrentl’intérêt des lecteurs, ce que ce contenu représenta pour ses propriétaires.2 – Une bibliothèque qui en cache une autre ...Une autre particularité de la bibliothèque dite Eggenberg consiste endeux, voire trois collections personnelles : celle de Hans Ulrich d’Eggenberg(1563‐1634), fondateur de la bibliothèque, celle de son fils Johann Antond’Eggenberg (1610‐1649), décédé prématurément, les deux antérieures àl’année 1649, et celle de Marie Ernestine, née comtesse de Schwarzenberg(1649‐1719), épouse de Johann Christian d’Eggenberg (1641‐1710), l’undes petits‐fils de Hans Ulrich. C’est elle qui assura la continuité de latradition d’une bibliothèque familiale : dans son testament, elle mentionnaexplicitement que « tous les livres qui se trouvent dans ma bibliothèqueou ailleurs et portent mon nom seront transportés dans la bibliothèqueSchwarzenberg ; les autres peuvent être disposés où l’on voudra ». 6 Aprèsla mort de Marie Ernestine en 1719, le fonds Eggenberg demeura au châteaude Český Krumlov dans l’état où il avait été du temps du couple Eggenberg.Installée dans une salle du château spécialement aménagée à cet effet, cettepartie de la bibliothèque reflète les goûts bibliophiles « baroque » de sespropriétaires. De par son contenu, son mobilier, le décor de ses reliures, sonclassement par langue et par sujets que suivent les cotes, elle est typique desbibliothèques aristocratiques de la seconde moitié du XVII e et du début du6[Testament ME]. Archives du district de Třeboň, succursale de Český Krumlov,Famille Eggenberg, III 1 S No 14, Article 9.


Bibliothèques de la noblesse : l’oeil vivant de son temps 43XVIII e siècle. Elle a la particularité d’avoir été composée principalementpar une femme, une lectrice avertie, aux goûts littéraires sûrs qui lui firentpréférer entre toutes la langue et la littérature française, alors généralementappréciée, et la littérature religieuse et de belles‐lettres de toute l’Europequ’elle lisait souvent en français, en allemand ou en italien. Pour cetteliseuse de livres français, maîtriser l’écrit fut aussi le produire : sa traductionmanuscrite du français en allemand des 14 premiers Epîtres de Sénèque,offerte par son auteur à la bibliothèque en 1717, en est la preuve. 7Les livres qui entrèrent dans la bibliothèque de Marie Ernestine firentl’objet d’une appropriation soigneuse : reliés avec une simplicité élégante,ils sont en grande majorité uniformément revêtus de maroquin marron oude parchemin et portent son chiffre couronné, entouré de lauriers, placé surles plats. La princesse avait mis sa signature à l’intérieur du plat supérieurde la reliure ou à la page de garde de beaucoup d’imprimés français, parcontre ses marques de possession manuscrites dans les imprimés italiens ouallemands sont moins fréquentes. 8 Sa signature varia de « Marie Ernestinede Crumau et d’Eggenberg, comtesse de Schwarzenberg » à travers« Marie Ernestine Princesse d’Eggenberg » jusqu’à l’initiale majuscule« E » placée discrètement derrière l’adresse de l’imprimeur et la signaturerespecta la langue de l’imprimé signé (allemande, française ou italienne).Dans la vie de la duchesse de Krumau, les livres et la lecture tenaient uneplace majeure. Elle s’entoura des livres qu’elle aimait lire sans s’occuperdes éditions précieuses ou des pièces rares. Ce n’était pas la quantité deslivres ni la rareté de l’édition, mais la qualité du contenu qui l’intéressa.Grâce à son éducation, elle ne manquait de savoir pour connaître les livres,son esprit pénétrant sembla orienter le choix et les stratégies de ses lectures.Quant à son mari, lui, il aimait le théâtre et la musique et il lisait en allemand7Auserlesene Epistolen des Weltweisen Annaei Senecae, so Ihro DurchlauchtMarie Ernestina Herzogin zu Crummau und Fürstin zu Eggenberg [...] aus französischenins deutsch versetzt und mit aigener Hand geschrieben, dann dieselbe zur Bibliothekgeschenket im Jahr. 1717. Archives du district de Třeboň, succursale de Český Krumlov,ms n° 93. Voir aussi Sammeln, Lesen, Übersetzen als höfische Praxis der FrühenNeuzeit Die böhmische Bibliothek der Fürsten Eggenberg im Kontext der Fürsten‐ undFürstinnenbibliotheken der Zeit. (Herausgegeben von Jill BEP<strong>LE</strong>R und Helga MEISE).Gedruckt mit Förderung der Dorothee Wilms‐Stiftung (Wolfenbütteler Forschungen 126,herausgegeben von der Herzog August Bibliothek), Harrassowitz Verlag, Wiesbaden2010. ISBN: 978‐3‐447‐06399‐9.8Pour les livres en français voir Jitka RADIMSKÁ, « Une collectionneuse de livresfrançais au château de Český Krumlov à l’Âge classique. » In: « Lecteurs & collectionneursde textes clandestins à l’Âge classique », La Lettre Clandestine, 12, 2003, Presses del'Université Paris‐Sorbonne 2004, p. 23‐35. ISSN 1242‐3912; ISBN 2‐84050‐348‐4


44 RADIMSKA JITKAles livres concernant le règne de Léopold I er et des événements principauxde la scène internationale de la seconde moitié du XVII e et du début duXVIII e siècles et les ouvrages de géographie et d’histoire et la littérature devoyage qui sont en lien avec cette littérature d’actualité.Marie Ernestine fit installer sa bibliothèque dans une salle prévue à ceteffet pendant la reconstruction du château Renaissance de Český Krumloven une résidence baroque dans les années quatre‐vingts. Les livres furentrangés par taille sur les rayons des armoires baroques : les inscriptions enbois sculpté, aujourd’hui déposées à la réserve du château 9 , en témoignent leclassement d’après les langues : « A Germanici, B Gallici, C Italici, D Latini,E Hispanici, F Geographi ». La disposition des rayons reflètent le milieugermanophone de la région de Krumlov (l’allemand en position de tête),les préférences linguistiques de la propriétaire de la collection (le françaiscomme sa première langue, l’italien et le latin comme langues maîtriséespar la princesse) ou le fait de ne pas maîtriser l’espagnol. La collection futainsi rendue utilisable, puisque les cotes permirent de retrouver aisément leslivres sur les rayons. La bibliothèque reflétait les horizons intellectuels deses fondateurs et de l’époque: deux tiers de livres en langues romanes, dontpresque huit cents en français ; le fonds en langue française comptait troisquarts de livres profanes, dont deux tiers de livres de lecture : romans etrécits, pièces de théâtre, écrits instructifs, littérature de civilité.Le catalogue réalisé après son décès inventorie 2296 titres parmilesquels figurent 632 ouvrages en allemand (rayon A), 788 ouvragesfrançais (rayon B), 557 ouvrages italiens (C)rayon, 141 ouvrages en latin(rayon D), 124 ouvrages espagnols (rayon E) et 54 livres de géographie endiverses langues (rayon F). Le fonds français fut subdivisé de la manièresuivante : 247 livres d’histoire profane « Weltliche Historien », 119 livresde religion « Geistliche Historien und Bücher », 155 livres de morale et decivilité « Moral und Politische », 149 livres d’amour « Liebesgeschichten »,88 livres de poésie et de théâtre « Poëten und Comoëdien » et 30 ouvragesdivers « Unterschiedlich », livres de cuisine, de médicine, du jardinage,de géographie etc. Nous avons pu apprécier le classement moderne deslivres par langues et par genre, cet ordre qui est « l’âme et la formedes bibliothèques, comme les livres en sont le corps et la matière. » 10Proposé par la duchesse elle‐même, il reflète le changement du goûtet du statut des bibliothèques privées de la noblesse à l’âge baroque.9Le château de Český Krumlov, réserve Románská komora, cote RK 602a/6.10Pierre Gallois, Traité des plus belles bibliothèques de l’Europe, Suivant la Copie :A Paris : chez Estienne Michallet, 1685. – 240 s. ; 12°, p. 214. Imprimé de la bibliothèquede Český Krumlov, cote 41 A 7603, cote Eggenberg BI/148.


Bibliothèques de la noblesse : l’oeil vivant de son temps 45L’ordre dans lequel Marie Ernestine d’Eggenberg fit disposer les livresne respectait plus le schéma proposé par Pierre Gallois dans son Traitédes plus belles bibliothèques de l’Europe, qui s’est inspiré, à son tour,par l’ouvrage de Gabriel Naudé (1600‐1643) Advis pour dresser unebibliothèque (1627) : « je crois que le meilleur est toujours celui quiest le plus facile, le moins intrigué, le plus naturel, usité, et qui suit lesFacultés de Théologie, Médecine, Jurisprudence, Histoire, Philosophie,Mathématiques, Humanités et autres, lesquelles il faut subdiviser chacuneen particulier suivant leurs diverses parties. » 11 Le classement hérité del’époque de l’humanisme, rappelons‐le, fut recommandé à des éditeursfrançais pour les catalogues encore vers la fin du XVII e siècle : pour lesdisciplines scientifiques Théologie, Jurisprudence, Histoire, Sciences etArts, pour la Littérature, ils ont préférer la Poésie et les Belles‐Lettres. 12Postérieur au moment de sa fondation et, d’après les témoignages descontemporains, proposé par la duchesse lettrée de Krumlov elle‐même, leclassement de cette collection livresque peut aider à éclairer l’évolutionde la perception des genres littéraires dans la deuxième moitié du XVII esiècle dans le milieu germanophone de l’empire autrichien : l’expression« Romans » figure sur la liste pour 19 titres italiens, l’indication« Liebsgeschichten oder Romans » pour 60 titres allemands, pour 149titres français est employé l’expression « Liebsgechichten ». Les 40 titresespagnols portent l’indication « Poëtae », les 202 titres italiens et les88 titres français restent classés « Poëtae und comöedien », tandis quequelques poèmes et pièces de théâtre en allemand se retrouvent parmi les46 titres dans le rayon « Moralische, Politische und Poëtische Büchr ». 13Nous pouvons admettre l’hypothèse que le genre du roman, très mal vupar l’esthétique du classicisme et ne faisant pas partie des genres nobles,ne se heurtait pas aux mêmes problèmes en Europe Centrale. Il s’agitd’un exemple du fait, d’ailleurs rare, comment l’histoire littéraire du livrepeut servir d’un outil à la théorie littéraire.3 – Bibliothèque Eggenberg – carrefour d’idées et de langues dans unespace closLa bibliothèque Eggenberg rassemble, rappelons‐le, des collectionspersonnelles de deux membres bien identifiés de la famille dont l’un estun homme politique de haut rang de la monarchie autrichienne dans le11Cité d’après Martin, H.‐J., Histoire de l’Edition française, I, Paris 1982, p. 440.12Ibidem, p. 441.13Jitka RADIMSKÁ, Knihovna šlechtičny, p. 20‐21.


46 RADIMSKA JITKApremier tiers du XVII e siècle et l’autre est une femme cultivée de la trèshaute noblesse de l’entourage de la cour de Léopold I er à Vienne dans ladeuxième moitié du XVII e siècle. L’analyse des marques inscrites dans lesimprimés, des notes personnelles et des stratégies de lecture démontrent leshorizons intellectuels de ses propriétaires, leur préoccupations, leur goûtde la littérature de loisir ou de celle d’accès au savoir. De ce point de vue,la collection est vraiment rarissime. Elle l’est encore du point de vue desusages linguistiques de ses propriétaires : les livres en langues romanesy dominent nettement. Hans Ulrich d’Eggenberg maîtrisait l’espagnol etparlait courramment l’italien et l’allemand, Marie Ernestine d’Eggenberg,issue du milieu francophone de Bruxelles, maîtrisait parfaitement la languefrançaise et parlait couramment l’allemand et l’italien. Cependant, lesnotes manuscrites en allemand dans les imprimés en allemand des deuxcollections personnelles ne sont pas très fréquentes. Nous nous proposonsdonc de présenter le contenu littéraire de la bibliothèque Eggenberg suivantle critère de la langue du classement du fonds entier tout en espérant quel’analyse des rayons linguistiques nous éclaire, elle aussi, sur ce sujet. 14Pratiquement tous les ouvrages allemands ont été acquis par JohannChristian et Marie Ernestine d’Eggenberg, c’est‐à‐dire entre 1665 environet 1719. Selon M. Václav Bok, tous les thèmes de la production littéraireallemande de cette époque y sont représentés, depuis les imprimés liésaux événements politiques, jusqu’aux ouvrages pratiques destinés à lagestion et à la vie quotidienne de la seigneurie, de même que tous lesdomaines scientifiques et les belles‐lettres. Ils acquirent progressivementla production de leur époque et la complétèrent des ouvrages importants dela littérature baroque allemande plus ancienne. Si Hans Ulrich ne manquaitpas de noter dans ses livres la date, le lieu – et bien souvent le prix – deson achat, dans les livres allemands achetés par le couple Eggenberg, onne trouve aucune information sur leur acquisition. Simplement, MarieErnestine inscrit‐elle parfois son nom ou ses initiales sur la page de titre,le plus souvent sans mention de lieu ni de date. Très peu de livres portentla marque d’un propriétaire antérieur ce qui indique que Johann Christianet Marie Ernestine achetaient sans aucun doute leurs livres eux‐mêmes parl’intermédiaire d’agents, comme il était alors d’usage. En 1721, le fondsallemand, comme nous l’avons dit, forme un véritable ensemble d’unegrande valeur qui reflète les goûts du couple Eggenberg. Dans le rayon14Nous nous appuyons ici sur les analyses faites par des co‐auteurs de la publicationBibliotheca viva II (Ve znamení havranů) MM. Václav BOK, Jiří Pelán, Vojtěch BALÍK,Mme Jaroslava KAŠPAROVÁ et sur la traduction française de la résumé réalisée parMme Claire MÁDL.


Bibliothèques de la noblesse : l’oeil vivant de son temps 47de religion on notera, outre des ouvrages alors répandus de piété baroque,en particulier du culte marial. La bibliothèque des Eggenberg contientmoins d’ouvrages de droit que l’on pourrait en attendre pour une collectionaristocratique. Elle se distingue en revanche par sa richesse dans le domainedes belles‐lettres allemandes baroque de la seconde moitié du XVII e siècle.Elle semble posséder toute la production romanesque galante et héroïqueallemande ou traduite des langues romanes.Parmi les ouvrages en français édités entre 1585 et 1717, les imprimésde la seconde moitié du XVII e siècle sont les plus nombreux ; ils constituentla bibliothèque personnelle de la princesse Marie Ernestine d’Eggenberg.Le classement d’époque livre l’image d’une bibliothèque moderne, orientéepar la pratique de la lecture où 31% des livres sont d’histoire (section B1),30% sont de belles lettres (sections B5 et B6), 20% sont des écrits morauxou épistolaires (section B4), 15% de religion (sections B2 et B3) et 2,5%sont des ouvrages éducatifs ou spécialisés (section B7). Si l’on considèreen revanche les domaines tels que nous les définissons aujourd’hui, la partde belles‐lettres croît car la section d’histoire (B1) contient pour moitiédes recueils d’anecdotes ou livres « d’histoires » lues pour le plaisir etque nous placerions sur le rayon des belles lettres. Comme les femmesde son époque, Marie Ernestine Eggenberg apprécie particulièrement legenre romanesque, en particulier le roman pastoral (Scudéry) et les romansdes cercles aristocratiques (Préchac, Madame de Villedieu 15 , Madamede la Fayette), de préférence aux histoires réalistes (Scaron, Furetière).Elle lit les romans allemands dans leur langue et les auteurs italiens 16 etespagnols 17 dans leur traduction française (Boccace, Pétrarque, Cervantes).Progressivement, ses goûts la portent vers des lectures plus sérieuses, parexemple celles des auteurs moralistes. Cette évolution ou maturation estvisible, comme sa sensibilité toute féminine à la question des relationsentres les personnes. Pour Marie Ernestine d’Eggenberg, la lecture fut nonseulement une distraction, mais aussi un travail intellectuel d’étude et de15Jitka RADIMSKÁ, L'Amour dans le roman du XVII e siècle. À propos des romansde Madame de Villedieu conservés dans la bibliothèque d'Eggenberg à Český Krumlov.Etudes Romanes de Brno, Sborník prací FF BU, L 24, Brno, 2003, p. 35‐53. ISBN80‐210‐3117‐4; ISSN 0231‐7532.16Jitka RADIMSKÁ, « Francouzské překlady « belles infidèles » z osobníknihovny kněžny Marie Ernestiny z Eggenbergu. » Jazyk a řeč knihy (=Opera romanica11), Radimská J. (éd.), Jihočeská univerzita, České Budějovice, s. 359‐370. ISBN978‐80‐7394‐202‐1.17Jitka RADIMSKÁ, « La literatura española en las traducciones francesas enel fondo de los Eggenberg de la biblioteca del castillo de Český Krumlov », Operaromanica 3, JU České Budějovice 2002, p. 113‐154. ISBN 80‐7040‐632‐1.


48 RADIMSKA JITKAréflexion qui portait vers des questions plus générales. La plupart des proposmanuscrits de sa plume qui abondent dans les imprimés français et que l’ontrouve dans les imprimés italiens, représentent des vérités ou des moralitésqui correspondaient (au moins, nous le supposons) à sa vision du monde,à ses pensées, ou éventuellement, à sa propre expérience. 18 En matière dereligion, elle se montre tolérante, plutôt conservatrice, jamais extrémiste,ce qui vaut aussi pour les livres jansénistes qui sont assez nombreux. 19 Sacollection de livres en langue française est très variée et riche, quasimentexhaustive pour le XVII e siècle français. Sa curiosité était universelle, ilparaît qu’elle voulait posséder tout ce qu’il était possible d’avoir ou aumoins tout ce qui était proposé dans les catalogues imprimés.L’exemple de cette liseuse montre comme la bibliothèque personnellepeut devenir un lieu privé qui échappe, dans une certaine mesure, auxcontrôles des autorités, un lieu de compensation qui console des inévitablesfrustrations, un moyen d’émancipation de l’individu. Dans d’autres cas,l’achat des livres nouveaux, reliés et marqués d’un chiffre, les intègredans un ensemble, ce qui peut être manifestation de la richesse et de lasupériorité intellectuelle, mais aussi et par là, une preuve de fidélité auxvaleurs traditionnelles de la famille. Il est évident que la bibliothèque d’unearistocrate exprime par le choix des titres et la manière dont la collectionest mise en scène les aspirations de sa propriétaire. Les inventaires fontapparaître les grands principes d’organisation des bibliothèques, maiselles peuvent avoir été conçues comme un ensemble cohérent et moderne.L’étude des langues dans lesquelles sont écrits les livres achetés fournit deriches indications sur les usages linguistiques des utilisateurs, ce qui estimportant dans la période où le français s’impose progressivement commelangue internationale mondaine et diplomatique et où l’allemand et l’italiensont largement connus et pratiqués. Particulièrement intéressante dans une18Jitka RADIMSKÁ, « Les bibliothèques de la noblesse à l’époque baroque. Àpropos de la bibliothèque privée de Marie‐Ernestine d’Eggenberg, née comtesse deSchwarzenberg, duchesse de Krumau (1649‐1719). » Familles nobles, châteaux etseigneuries en Bohême, XVI e ‐XIX e siècles. Histoire, Economie et Société, 26 e année,n. 3, Paris, Armand Colin 2007, p. 101‐109. ISBN: 2‐85892‐364‐7; EAN/ISBN:978‐2‐85892‐364‐9.19Jitka RADIMSKÁ, « Les livres jansénistes dans le milieu aristocratique enBohême. » Le jansénisme et l’Europe. Baustert, R. (éds.), Biblio 17, vol. 188, Supplémentaux Papers on French Seventeenth Century Literature, Narr Verlag Tübingen, 2010, s.95‐110. ISSN: 1434‐6397; ISBN: 978‐3‐8233‐6576‐1. Jitka RADMSKÁ, « Le jansénismedans les bibliothèques de Bohême au XVII e siècle. » Le jansénisme et la franc‐maçonnerieen Europe Centrale aux XVII e et XVIII e siècles, (éd. Daniel TOL<strong>LE</strong>T), PUF Paris 2002,p. 93‐116. ISBN 2‐ 13051‐515‐0; ISSN 0246‐6120.


Bibliothèques de la noblesse : l’oeil vivant de son temps 49région d’échanges divers se montre la place des traductions et des éditionsde textes français exécutées hors de France. 20Le fonds italien de la bibliothèque Eggenberg comprend la productionitalienne du cinquecento et du seicento, la littérature des époques précédentesn’est représentée que dans des éditions du XVI e siècle. Le cœur du fondsd’imprimés italiens est constitué des livres de Hans Ulrich d’Eggenberg,comme le montre la présence de sa devise : « Homines sumus » et de sonex‐libris manuscrit. Toutefois, son fils Johann Anton puis, à partir de 1665,son petit‐fils Johann Christian partagèrent son goût pour la littératureitalienne. Le fonds a ensuite été enrichi des acquisitions italiennes de lafemme de Johann Christian, Marie Ernestine, dont le monogramme estporté par de nombreux exemplaires. Les successeurs de Hans Ulrich n’ontpas acheté de livres anciens mais principalement des ouvrages qui leurétaient contemporains. Selon M. Jiří Pelán, le fonds de livres italiens reflètetous les courants de cette époque, qu’il s’agisse du roman, des nouvelles,de la poésie mariniste, des imprese et des emblèmes ou encore des traitésdu ragion di stato ou du drame pastoral. Le point fort des belles‐lettressont les ouvrages baroques du seicento qui ont été acquis après la mort deHans Ulrich. L’on y trouve tous les textes désormais considérés commecanoniques, depuis que les études littéraires des années 1960 ont réhabilitéla littérature baroque. La bibliothèque des Eggenberg témoigne ainsi duprestige dont jouissait la littérature Renaissance et baroque italienne parmil’aristocratie en pays tchèque, après la bataille de la Montagne Blanche(1620). Ces livres, en revanche, ne sortaient que rarement de ce cercle étroit.Ainsi, le phénomène européen que représente l’influence du modèle italienne s’exerça que de façon indirecte sur la production littéraire locale des paystchèques car cette dernière n’était pas issue des milieux aristocratiques.La collection des livres en latin comprend moins de livres, mais ellemérite d’être présentée, car c’est là où se trouve un lien entre la Bohême etles seigneurs. Beaucoup de titres latins portent comme lieu d’édition Vienne(13), Cologne (20) ou Prague (31) et l’adresse des éditeurs éminents pourle marché du livre de la région qui était celle des Eggenberg. Les imprimésde Bohême représentent plus de 25% du fonds en latin des Eggenbergavec trente‐huit titres. La forte présence d’imprimés des pays tchèquespourrait indiquer que les Eggenberg entretenaient de denses relations aveccette région mais elle témoigne principalement de leur intérêt intellectuelpour ce pays, pour son histoire, les personnages qui y ont vécu, etc. Les20Cf. Jitka RADIMSKÁ, Les fonds français dans les bibliothèques aristocratiquesde Bohême à l'époque baroque, La cultura latina (latino, italiano, francese) nell'EuropaCentro‐orientale, Viterbo, 2004, p. 215‐233. ISBN 88‐86091‐92‐3.


50 RADIMSKA JITKAouvrages des auteurs antiques y sont peu nombreux (quatre titres) alors queles traductions des grands auteurs latins sont très bien représentées dansles autres rayons de la bibliothèque. L’on remarque aussi un certain intérêtpour l’histoire de France.La majorité des 150 ouvrages latins concervés à Krumlov jusqu’ànos jours proviennent du XVII e et du début du XVIII e siècle, seulementdix‐sept titres sont du XVI e siècle. Plus de la moitié des impriméslatins touchent d’une façon ou d’une autre à la religion (vies de saints,méditations et textes liturgiques les concernant, œuvres de piété mariale,ouvrages de méditation ou manuels de prières, etc.). Tous ces ouvragessont entrés dans la bibliothèque à l’époque de Marie Ernestine et sont lereflet de sa vie spirituelle. Les défenses de la religion catholique et lesouvrages de polémique ouverte avec le protestantisme datés des troispremières décades du XVII e siècle témoignent de l’intérêt de Hans Ulrichpour la polémique religieuse virulente de son époque dont les implicationspolitiques menèrent à la structuration confessionnelle de l’Europe àlaquelle il prit lui‐même une part active. Neuf ouvrages témoignent del’intérêt des Eggenberg pour les ordres religieux, leurs règles, leurs riteset l’histoire de leurs membres éminents. Cinq ouvrages issus du milieucistercien sont à rapporter à la présence du monastère de Vyšší Brod àproximité de Český Krumlov, comme le montrent les notes inscrites parles propriétaires des livres. Les textes bibliques sont présents sous la formetout d’abord d’une bible catholique courante dans ce milieu, Biblia sacravulgatae editionis approuvée par les papes Sixte V et Clément VIII (Lyon1684) mais aussi avec une édition grecque du Nouveau testament avec satraduction latine par Erasme (Strasbourg 1523). La philosophie au senslarge n’est représentée dans le fonds latin que par deux ouvrages trèsrépandus à leur époque. L’un embrasse à la fois la morale, la politique etl’enseignement religieux : Dictamina seu scita variae doctrinae politicae,moralis, stoicae, Christianae et spiritualis (Prague, Clementinum, 1707). Ilest dû à un jésuite espagnol d’origine allemande Juan Eusebius Nierembergparticulièrement apprécié par Marie Ernestine qui possèdait plusieurs deses ouvrages dans d’autres langues. Les ouvrages scientifiques et pratiquesfont partie du fonds latin comme par exemple la médecine, représentée parde solides compendiums d’œuvres ou des manuels de médecins éminentset célèbres.D’après les recherches de M. V. Balík, un tiers des ouvrages latinspeuvent être considérés comme des ouvrages rares ou précieux. Onzeouvrages semblent être des exemplaires uniques en Europe parmi lesquelsles Epistolarum familiarium libri de Ciceron (Cologne 1576). Plus souvent


Bibliothèques de la noblesse : l’oeil vivant de son temps 51(39 titres), l’exemplaire que l’on trouve dans la bibliothèque des Eggenbergest le seul exemplaire connu en République Tchèque mais il y en a ailleursen Europe. Pour huit autres titres, l’édition de la collection des Eggenbergest certes représentée en République tchèque mais nulle part ailleurs. Ils’agit dans tous les cas d’éditions de la Compagnie de Jésus issues d’unmême ensemble régional : deux sont de Prague, trois d’Olomouc, deux deLinz et deux de Vienne. D’autres imprimés sont certes connus ailleurs enEurope ou sur le territoire tchèque mais de façon tout à fait exceptionnelle.Passons à la présentation de la collection des imprimés espagnolsfaite à la base des donnée des recherches minutieuses réalisées parMme Jaroslava Kašparová. Au milieu du XVII e siècle, la collection desEggenberg rassemblait un nombre relativement élevé d’imprimés relevantde la littérature espagnole, que ce soit en langue espagnole, en latin ou dansdes traductions françaises ou italiennes. En 1649, on trouvait environ 243titres de livres imprimés en espagnol, dont 123 ont été conservés tandisque les 120 autres ont été perdus, sans doute après avoir été transmis à labranche styrienne de la famille Eggenberg. 21 Parmi les imprimés qui se sontconservés, l’on trouve sept titres édités avant 1550, cinquante‐cinq entre1551 et 1600 et soixante‐deux entre 1601 et 1632. Le plus ancien ouvrageest un recueil des poèmes de Juan de Mena, imprimé à Saragosse en 1509.Les lieux d’impression les mieux représentés sont Madrid et Anvers. Unpremier groupe d’ouvrages est constitué de romans de chevalerie quel’on trouve en espagnol (ou en italien, rappelons‐le) et que Hans Ulrichà l’évidence appréciait énormément. La poésie est plus particulièrementreprésentée dans son genre épique mais l’on trouve aussi un ensemblede livres de poésie lyrique. Parmi les œuvres dramatiques, les piècesde Lope de Vega (1462‐1635) sont particulièrement bien représentées.Ce poète, prosateur et auteur dramatique de l’âge d’or espagnol faisaitsans aucun doute partie des lectures favorites de Hans Ulrich. Durant laseconde période d’enrichissement de la bibliothèque (1649‐1719), nouspouvons de même attribuer les acquisitions à une seule personne : MarieErnestine d’Eggenberg. Quelques ouvrages permettent de faire le lienentre les « goûts espagnols » du fondateur de la collection (Hans Ulrich)21Ce fonds disparu a pu être reconstitué à partir de l’inventaire concis effectué en1649 (Inventarium 1649) qui est tantôt très précis, tantôt au contraire trop évasif. Nousnous sommes néanmoins efforcés d’identifier les titres, en indiquant au besoin les œuvresou éditions différentes susceptibles d’avoir été dans la bibliothèque, car cette identificationnous apprend beaucoup sur la naissance de la bibliothèque et l’activité de collectionneurdes premières générations des Eggenberg (c’est‐à‐dire Hans Ulrich et son fils JohannAnton). Cf. J. KAŠPAROVÁ, « Jazykově španělská deperdita a Invertarium 1649 ». In :J. RADIMSKÁ et all., Ve znamení havranů, p. 265‐294.


52 RADIMSKA JITKAet ceux de l’épouse de son petit‐fils, Marie Ernestine. Malgré l’écartexistant entre ces deux générations – il s’écoule 15 ans entre la mort deHans Ulrich et la naissance de Marie Ernestine –, ces deux lecteurs se« rencontrent » en quelque sorte par leurs lectures. Marie Ernestine a trèscertainement apprécié toute une série de titres de la littérature espagnole.Non seulement elle les lisait dans leurs traductions, mais elle jugea encorenécessaire de manifester ses préférences et de s’approprier ses livresfavoris en les transférant dans sa bibliothèque personnelle. Ainsi, certainslivres de Cervantes entrés dans la bibliothèque durant la première périodesont reliés à son monogramme comme le second volume du célèbre DonQuichotte ou un exemplaire des Nouvelles de Cervantes. Le Buscón, romanpicaresque de Quevedo (1626), avait été acquis dans sa langue originale parHans Ulrich (édition de 1627) tandis que, cinquante ans plus tard, MarieErnestine achète L’Aventure de Buscón en français dans une édition deFrancfort de 1671. Hans Ulrich s’achète à Prague, le 9 novembre 1627, lesSueños de Quevedo ; Marie Ernestine, à la fin du XVII e siècle, inscrit sonmonogramme de jeune fille M[arie] E[rnestine] S[swarzenberg] dans uneédition parisienne de 1647 des mêmes Visions. Bien que représentant unnombre de volumes relativement limité, le fonds de littérature espagnoletraduite (en français, italien ou allemand) de la seconde moitié du XVII e etdu début du XVIII e siècle est très bien construit si on le compare avec lescollections aristocratiques contemporaines d’Europe centrale telles cellesdes Lobkowicz, des Sternberg, des Nostitz ou des Fürstenberg.ConclusionLa bibliothèque aristocratique de la famille des Eggenberg de Styrie quis’insère dans l’histoire des pays tchèques pour la période 1622‐1719, estune collection où dominent les livres en langues romanes et en allemand.Elle fut constituée entre les années 1680 et 1719 par trois générations, audépart en Styrie puis au château de Český Krumlov. Malgré l’absence delivres tchèques, la bibliothèque est ancrée dans l’espace de la Bohêmeauquel de nombreux ouvrages sont liés tant par leurs auteurs, leur lieud’édition, leur contenu ou par les dédicaces qu’ils portent. Elle reflèteainsi l’intérêt que les Eggenberg ont accordé aux pays de la couronne deBohême auxquels ils consacrèrent leur carrière politique et où ils vécurentune partie de leur vie. Bien que de taille modeste par rapport aux collectionsaristocratiques comparables (celle des Dietrichstein de Mikulov, parexemple) et quoique son fonds soit concentré sur un court laps de temps, lacollection est excellente par sa cohérence et l’image achevée qu’elle fournit


Bibliothèques de la noblesse : l’oeil vivant de son temps 53d’une bibliothèque européenne baroque formée par deux bibliophiles àla forte personnalité. Réservée à l’usage exclusif de ses propriétaires, labibliothèque n’a pas attiré l’attention de ses contemporains (à la mort desderniers Eggenberg, elle n’a pas été complétée). Elle demeure néanmoinsun témoignage éminent de l’ambition politique et sociale, des horizonsintellectuels à l’échelle européenne et des lectures bibliophiles d’une desgrandes familles aristocratiques d’Europe centrale qui joua un rôle actifdans la vie politique et sociale des pays tchèques.Tableaux – références bibliographiquesInventarium über weilland des dürchleichtig hochgebornen fürsten und hernn,hernn Johann Anthony [...] fürsten zu Eggenberg [...] etc inn und ausserGrätz zu Eggenberg befundenen verlass [...]. Archives du district deTřeboň, succursale de Český Krumlov, ms n° 127.Catalogus über die in der hochfürstlichen Schwarzenbergischen Bibliotek zuBöhmische Krumau befindliche in der deutschen, franzözisch, wälisch,lateinisch und spanischen Sprache bestehende Bücher, welcher anno 1721errichtet worden. Archives du district de Třeboň, succursale de ČeskýKrumlov, ms n° 418.Hans Ulrich d’Eggenberg. In : Collection des gravures, archives du district deTřeboň, succursale de Český Krumlov, sine cote.Marie Ernestine d’Eggenberg. In : Collection de portraits, château de ČeskýKrumlov, cote 1693/69.


Les livres de la noblesse ou la noblesse des livres :la prééminence des armes ou des lettres sous la« Restauration » du PortugalDANIEL MAGALHÃES PORTO SARAIVAProbablement élaborée au sein du milieu intellectuel de la ville d’Évoraà cheval sur les XVI e et XVII e siècles, une traduction paraphrastique del’Éloge de la Folie se servit des satires d’Érasme pour critiquer ouvertementla société portugaise.Imprégnée d’un fort anti‐castillanisme, la critique développée parl’adaptation lusitanienne du texte était plus politique que religieuse. Enplus des accusations portées à l’encontre des Castillans, décrits comme lesbourreaux que le Diable avait amenés au Portugal, on y trouve plusieursplaintes relatives à l’organisation de l’État et au monde laïc en général,parmi lesquelles figure le désagrément causé par le nombre excessif degens de lettres dans le royaume 1 .Ce discours s’inscrivait dans la longue controverse des armes et lettres,largement répandue dans la littérature humaniste par la plume de grandspersonnages tel que Cervantes, Castiglione et Érasme lui‐même 2 .Après la séparation du Portugal de la Monarchie Catholique d’Espagne,ce qui est normalement entendu comme un topos littéraire cachait cependantune vraie lutte pour le pouvoir.1Dans un contexte de décadence marqué par la soumission du pays à la MonarchieCatholique d’Espagne, ce manuscrit présentait la multiplication des lettrés comme unedes causes de la débâcle portugaise, considérant inacceptable que des « philosophes »prissent la place des capitaines et des combattants expérimentés dans les Conseils duroyaume, particulièrement en matière de guerre. CURTO, Diogo Ramada, « Os louvoresda Parvoíce », in Península. Revista de Estudos Ibéricos, nº 1, 2004, pp. 191‐199, 195.2Sur le topos des armes et lettres au Portugal, voir REBELO, Luís de Sousa,« Armas e letras. Um topos do humanismo cívico », in Idem, A tradição clássica naliteratura portuguesa, Lisbonne, Livros Horizonte, 1982, pp. 195‐240.


Les livres de la noblesse ou la noblesse des livres... 55En décembre 1640, quelques mois à peine après la rébellion de laCatalogne, une insurrection connue comme la « Restauration » renversale gouvernement castillan au Portugal et proclama le duc de Bragance roisous le nom de João IV.S’il est vrai que le coup d’État fut réalisé presque sans contestation,les premières années de la Monarchie des Bragance furent néanmoinscaractérisées par des tentatives de conspiration et intrigues, la séparation dupays de la Monarchie Catholique d’Espagne n’étant pas un sujet consensuel.Par la suite, conscient du fractionnement du royaume et de l’instabilitépolitique auxquels il était confronté, le nouveau gouvernement entrepritune campagne de propagande en faveur de la Restauration, donnant lieuà une véritable explosion de publications parmi lesquelles ressortent denombreuses relations de guerre, textes informatifs portant des nouvellesdu front.Dans ce climat de crainte et de suspicion, d’autres manifestations demécontentement envers les lettrés apparurent, reprenant l’argument avancépar la traduction du texte érasmien au début du siècle. Mais déclarer que lesgens de lettres ne pouvaient pas prendre la place des gens d’armes dans lesConseils royaux avait alors un sens très particulier.Même si la Restauration avait décrété l’écartement des Castillans de ladirection du royaume portugais, la composition du nouveau gouvernementdemeurait toutefois indéfinie 3 . Francisco de Lucena, secrétaire d’État deD. João IV, s’efforça apparemment de maintenir le status quo ante pouréviter les désordres 4 . La tentative échoua complètement. Pas plus tardqu’en février 1641, un groupe de nobles s’enfuit vers Castille ; en juillet dela même année fut mise à jour une conspiration contre le nouveau roi danslaquelle étaient engagées quelques figures insignes de la noblesse et duclergé portugais, dont l’inquisiteur‐général D. Francisco de Castro 5 .Selon le comte d’Ériceira, la réaction populaire aux deux événementsfut violente. Une fois la nouvelle des fugitifs de février répandue, le« Peuple », ce « monstre aveugle », se résolut à punir les fidalgos restantsdes crimes commis par les fuyards. Pour apaiser la colère générale, le roi3Sur la composition du gouvernement, voir COSTA, Leonor Freire et CUNHA,Mafalda Soares da, D. João IV, Temas e Debates, 2008, pp. 103‐127.4CUNHA, Mafalda Soares da, « Elites e mudança política. O caso da Conspiraçãode 1641 », in PAIVA, Eduardo França (org.), Encontro Brasil‐Portugal: sociedades,culturas e formas de governar no mundo português (Séculos XVI‐XVIII), São Paulo,Annablume, 2006, pp. 325‐343, 326 et COSTA et CUNHA, ouvr. cité, 2008, pp. 105‐106.5CUNHA, ouvr. cité, 2006, p. 328.


56 DANIEL MAGALHÃES PORTO SARAIVAse présenta aux révoltés rassemblés sur l’esplanade du Palais depuis lesfenêtres de celui‐ci, et ordonna qu’on leur assurât « qu’aucun délinquantresterait sans châtiment ». On publia également des textes et en affichad’autres sur les portes de la ville, encourageant la fidélité des sujetset promettant de réprimer rigoureusement les trahisons, tandis que lesprédicateurs exhortaient la défense de la Restauration du haut des pupitres 6 .En juillet, la scène se répéta. Quand la prison des conspirateurs futconnue, les manifestations de haine envers les nobles furent si intensesque ceux qui étaient au Palais royal eurent du mal à rentrer chez eux. Aulendemain des arrestations, l’archevêque de Lisbonne présida une processionde grâces au nom de la découverte et la contention de la conspiration, maisles esprits mirent du temps à se calmer, et les aristocrates continuaient dese faire insulter dans les rues de Lisbonne.La difficulté d’identifier avec certitude tous les responsables fut àl’origine de maintes intrigues. Matias de Albuquerque, qui gagneraitquelques années plus tard la réputation de héros de la bataille de Montijo,fut arrêté en Estremoz, suspecté d’être mêlé à la conspiration. Sur le cheminle menant à Setubal, Ericeira raconte qu’Albuquerque reçut les offensesdes mêmes hommes qui quelques heures avant l’admiraient en raison deson prestige de commandant militaire, et une fois arrivé à destination etemprisonné dans la tour d’Outão, il fut persécuté par « les voix désordonnéesdu Peuple ». Pour lui épargner ce sort, le roi ordonna qu’on le reconduisît àla tour de Belém, à Lisbonne 7 .Le monarque lui‐même avoua publiquement, dans un petit imprimépublié après les arrestations de juillet et adressé aux fidalgos du royaume, sonsentiment que les coupables de cette conspiration étaient très nombreux, touten affirmant sa conviction de pouvoir se fier à ceux qui restaient à ses côtés 8 .D’après le père António Seyner, ecclésiastique espagnol arrêté àLisbonne lors du coup d’état de décembre 1640, Francisco de Lucenaétait farouchement engagé dans la poursuite de traîtres depuis la fuite desfidalgos en février 1641 9 .Selon D. Francisco Manuel de Melo, Lucena aurait procédé pareillement6MENEZES, D. Luiz de, História de Portugal Restaurado, Lisbonne, DomingosRodrigues, 1751, v. I, pp. 133‐134.7Ibid., pp. 303‐305.8Pratica que fez El Rey N. S. Dom João IV o Prudentissimo, Legitimo Rey dePortugal, aos fidalgos, em 28 de julho em que fez a prizão. Anno de 1641, Lisbonne,Antonio Alvarez, 1641.9SEYNER, Antonio, Historia del levantamiento de Portugal, Saragosse, PedroLanaja y Lamarca, 1644, pp. 147‐148.


Les livres de la noblesse ou la noblesse des livres... 57lors de la conjuration de juillet, encourageant le roi à ne pas se montrerfaible devant ceux qui avaient attenté à sa vie 10 .Puis, alors que D. João IV était de plus en plus représenté comme unmonarque faible, conduit par ses ministres, le secrétaire d’État était accuséde s’emparer des pouvoirs royaux.Un exemple notable de ces griefs fut donné par Antonio de FreitasAfricano, qui publia le 12 septembre 1641 un livre dans lequel il énuméraitles attributions et les privilèges du prince, aussi bien que ses devoirs.Nommant D. João IV « notre Aquille », l’auteur ne laisse aucun doutequant à sa conception du monarque idéal. En ouverture de son texte, ilrelève que, lorsque Dieu fonda Sa République en Egypte, Il lui donnaplutôt des ducs pour la protéger que des rois pour la gouverner. Par le biaisde cette allusion biblique, l’auteur rappelait à D. João IV qu’avant d’être unroi il était un duc, c’est‐à‐dire que son devoir était de défendre le royaumepar les faits d’armes qui avaient dignifié ses pairs 11 .Puis l’auteur condamne vigoureusement l’essor de la figure du« valido » – le favori du roi –, dont les conseils n’étaient que des délits etdont la convoitise et l’hypocrisie l’amèneraient, tel Icare, jusqu’aux cieuxpour mieux le précipiter ensuite au sol 12 .Africano souligne également le caractère indispensable de la présencede D. João IV aux Conseils du royaume, et maudit les rois qui, se contentantde leur titre et se laissant gouverner par ministres et validos, ne règnentqu’en apparence 13 .Pour Africano, le bien‐être de la République dépendait du juste équilibreentre les armes et les lettres 14 . Selon l’auteur, ce rapport était déstabiliséau Portugal, où la demande grandissante pour la carrière de lettres auraitdiminué le nombre de soldats 15 .10MELO, D. Francisco Manuel de, Tácito Português : vida, mote e feitos de El ReyDom João IV de Portugal, Lisbonne, Sá da Costa, 1995, pp. 110‐115.11AFRICANO, António de Freitas, Primores políticos e regalias do nosso rei.Lisbonne, Principia, 2005, p. 31 (édition originale publié en 1641, à Lisbonne, dansl’officine de Manoel da Sylva).12Ibid., pp. 91‐92.13Ibid., pp. 69 et 81.14Sur l’impact de la multiplication des universités et des postes lettrés sur lasociété portugaise, voir CURTO, Diogo Ramada, « As escolas e as universidades », inMATTOSO, José, História de Portugal, v. III, Lisbonne, Estampa, 1997, pp. 117‐119,et Idem, O Discurso Político em Portugal (1600‐1650), Lisbonne, Universidade Aberta,1988, pp. 73‐80.15Ibid., pp. 59‐60. Africano soutient également que les grands postes du royaumesoient donnés aux nobles. Cf. Ibid., pp. 43‐45. Cela atteste en outre la complexité de cette


58 DANIEL MAGALHÃES PORTO SARAIVAUn autre aspect remarquable est l’importance accordée par Africanoau secret d’État, surtout en matière militaire. L’auteur affirme ainsi qu’ilest prudent « de ne pas divulguer les secrets ou les avisos 16 de guerre »susceptibles d’arriver aux « oreilles de la foule, puisque les nouvellestristes publiées hors occasion découragent le vulgaire », tandis que « les[nouvelles] joyeuses » favorisent l’imprudence de tous. Livrer bataille aumoment opportun revient à « assurer la victoire, [tandis que] laisser passerl’occasion qui l’invite serait aventurer l’honneur et l’opinion », ce quimettrait en péril « le repos et le bien commun » 17 .Compte tenu de la diffusion systématique des relations de bataillesmentionnées ci‐dessus, il est remarquable qu’Africano ait trouvé nécessairede déclarer expressément que c’était une erreur stratégique de divulguerpubliquement des informations relatives à la guerre, soumettant ainsi auxyeux de la foule un sujet qui devait rester sous le couvert du secret d’État.Par coïncidence, quelques jours plus tard, le 28 septembre, l’imprimeurroyal Antonio Álvares fut appelé par les inquisiteurs du Saint Officepour se prononcer sur la publication d’un imprimé sans leur approbation.L’ouvrage en question était justement un pamphlet informatif relatant uneincursion des forces portugaises en territoire castillan 18 . Interrogé sur lefait qu’il avait imprimé le texte sans l’autorisation ecclésiastique, AntonioÁlvares affirma qu’il avait reçu un commandement officiel du secrétaired’État lui ordonnant, au nom du roi, de publier ladite relation le plus tôtpossible, concluant ainsi qu’il était dispensé de toute autre censure.En réponse, les inquisiteurs lui demandèrent s’il sous‐entendait quele roi était investi de pouvoirs ecclésiastiques, et si la publication de cetimprimé démontrait son intention de passer outre la censure du SaintOffice 19 . La simple mise en circulation d’une relation de guerre sans que lesinquisiteurs l’eurent préalablement révisée fut suffisante pour les amenerdispute, vu qu’Africano, tout en étant un juriste, assumait une posture critique à l’égarddes lettrés.16La traduction est ici problématique, parce que le mot avisos, littéralement« avertissements » ou « annonces », peut aussi désigner les feuilles volantes contenant desnouvelles diverses, genre très à la mode à l’Europe moderne, comme les « avvisi » italiens.Donc, nous préférons garder le terme original.17AFRICANO, ouvr. cité, pp. 79‐80.18Relaçam do que em sustancia contem a carta que o general Dom GastamCoutinho…, Lisbonne, António Álvares, 1641.19Cf. PEREIRA, Isaías da Rosa, « Livros, livreiros e impressores na Inquisição deLisboa nos séculos XVI e XVII », in Miscelânea de estudos dedicados a Fernando de MeloMoser, Lisbonne, Comissão Científica do Departamento de Estudos Anglo‐Americanosda Faculdade de Letras de Lisboa, pp. 215‐232, p. 228.


Les livres de la noblesse ou la noblesse des livres... 59à concevoir l’existence d’une sorte de « menace gallicane » derrière ceconflit de censures. La campagne de propagande du gouvernement avait àpeine commencé que l’Inquisition semblait déterminée à démontrer qu’ellene tolérerait aucune intromission dans sa sphère de pouvoir.Malgré les frictions, le besoin de pacifier le royaume était à l’ordre dujour, et la monarchie des Bragance semblait comprendre que la propagandeétait une mesure de guerre indispensable.Dans ce sens, en décembre 1641, un autre instrument de diffusiond’information – sans aucun précédent dans l’histoire lusitanienne – futfondé : la Gazeta, premier périodique portugais 20 . Publiée mensuellement,elle était composée de deux sections : l’une dédiée aux nouvelles du payset l’autre aux nouvelles étrangères.En juin 1642, un petit détail y fut toutefois inséré : les tirages suivantsportèrent dès lors la signature du secrétaire d’État demandant son impression,comme si la Gazeta nécessitât un effort supplémentaire pour être publiée.Apparemment, cet effort ne fut pas suffisant car le 19 août 1642, lepériodique fut supprimé en raison du caractère invraisemblable d’unepartie de son contenu et du style des nouvelles divulguées 21 .Il est possible que des informations incorrectes aient effectivement étédivulguées 22 , mais ce qui semble expliquer la vraie raison de la suppressionde la Gazeta est l’altération faite après sa republication en novembre 1641 :le retrait de la section dédiée aux nouvelles du pays, qui mit fin à la narrationdes événements de la politique interne. Dorénavant, le périodique, qui étaitdevenu une sorte de tableau de la géopolitique européenne, ne porteraitplus la signature du secrétaire d’État.Toujours en 1642, D. João da Costa, commandant militaire distinguéet l’un des « restaurateurs » de 1640, fut chargé d’envoyer un « mémorial »au roi au nom des nobles mécontents. Signalant l’insatisfaction généraliséeà l’égard du gouvernement de D. João IV, D. João da Costa déclare que «le Peuple » murmurait ouvertement, tandis que la noblesse se lamentait dela négligence avec laquelle le royaume était défendu. Le Conseil de Guerren’avait pas assez de ministres, et même quand leurs propositions étaient20Gazeta em que se relatam as novas todas, que ouve nesta corte, e que vieram devarias partes do mes de novembro de 1641, Lisbonne, Lourenço de Anveres, 1641 (EuricoGomes Dias a publié une édition transcrite du périodique : DIAS, Eurico Gomes, Gazetasda Restauração : [1641‐1648]. Uma revisão das estratégias diplomático‐militaresportuguesas, Ministério dos Negócios Estrangeiros, 2006).21SILVA, Inocêncio Francisco da, Diccionario Bibliographico Portuguez,Lisbonne, 1858, tome III, p. 137.22Le périodique arriva même à se rectifier une fois. DIAS, ouvr. cité, p. 50.


60 DANIEL MAGALHÃES PORTO SARAIVAjustes, le roi ne les acceptait pas, se fiant toujours au « conseil d’autrespersonnes qui [avaient] beaucoup moins d’instruction militaire » 23 .D. João da Costa se plaint de voir toutes les affaires décidées par « lesquatre Conseillers d’État » qui s’occupaient des dépêches du roi 24 et prie le23D’après le mémorial, en un an et demi de gouvernement, le monarque n’avaitjamais assisté au Conseil de Guerre, le Conseil de la Fazenda (les finances) souffrant lemême sort. En revanche, le roi en gaspillait plusieurs dans d’autres tribunaux, s’occupantd’affaires toujours moins urgentes que la défense du royaume. Cf. MENESES, ouvr. cité,p. 398. Costa et Cunha rappellent que D. João IV assistait souvent au Tribunal de laRelação (tribunal d’appel pour les causes civiles et criminelles), l’exercice impératif de lacompétence judiciaire inhérente à la fonction royale étant selon elles en désaccord avec lespriorités du moment. Cf. COSTA et CUNHA, ouvr. cité, pp. 161‐162.24Selon Costa et Cunha, la « confrontation de plusieurs sources » permet de présumerque ces quatre personnages étaient les marquis de Ferreira et Gouveia, l’archevêque deLisbonne et le vicomte de Vila Nova de Cerqueira, auxquels se joindrait plus tard le comtede Penaguião (d’après Anastácio, Penaguião était une sorte de mécène des propagandistesde la Restauration. Cf. ANASTÁCIO, Vanda, « ‘Heróicas virtudes e escritos que aspubliquem’. D. Quixote nos papéis da Restauração », in Revue der iberishen Halbinseln,nº 28, Berlin, Instituto Ibero‐Americano, 2007, pp. 117‐136, p. 123). Malheureusement,dans l’édition que j’ai consultée, lesdites sources ne sont pas citées (COSTA et CUNHA,ouvr. cité, p. 162). On trouve en revanche un indice plus précis dans l’avis du Conseild’État adressé à la reine D. Luísa de Gusmão le 23 novembre 1656, après la mort de D.João IV. Il s’agit d’une claire démonstration de pouvoir de la part des conseillers d’Étatenvers la régente, laquelle est emphatiquement exhortée à respecter les lois du royaume età ne rien décider ni entreprendre sans la consultation des ministres, comme l’aurait fait sonmari D. João IV, qui au début de son règne aurait choisi trois ministres – « l’Archevêquede Lisbonne, le Marquis de Gouvea, et celui de Ferreira » auxquels s’ajouterait plustard un quatrième, « le Vicomte de Villanova » – pour s’occuper de toutes les dépêchesroyales. Ils venaient tous les après‐midi au Palais, recevaient du monarque « les papiersqu’il avait » et donnaient leur avis sur toutes les questions, indiquant les mesures à prendreet les directions à suivre, de sorte qu’« aucun papier ne se dépêchait autrement ». Le comtede Penaguião rappelait pourtant la jalousie que cette pratique aurait suscitée chez les autresconseillers d’État, d’où il conseilla la reine de choisir trois ministres différents par moisou par semaine pour assumer la fonction. Ce document, un des seuls qui survécurent autremblement de terre de Lisbonne responsable de la destruction quasi totale des archives duConseil d’État, fut publié par Edgar Prestage (PRESTAGE, Edgar Prestage, « O Conselhode Estado de D. João IV e D. Luiza de Gusmão », in Arquivo Histórico Português, v. XI,1917, pp, 242‐275, p. 256, 264). Le comte de Tovar, dans son article sur l’état des archivesdu Conseil d’État après le tremblement de terre, fait lui aussi mention de la création d’unesorte de « Conseil privé » par D. João IV le 22 septembre 1641, dont l’activité, parallèleà celle du Conseil d’État, serait attestée par la multiplicité des avis individuels dispersésdans les archives et bibliothèques (cf. TOVAR, Comte de, « Arquivo do Conselho deEstado », in Anais da Academia Portuguesa da História, 1940, v. 11, 2 e série, 1961, pp.53‐67, p. 60).


Les livres de la noblesse ou la noblesse des livres... 61monarque de se conformer le plus possible aux consultations des tribunaux,étant donné que leurs membres, malgré leur ignorance, connaissaient mieuxleur office que ces « ministres des dépêches » ne connaissaient les officesd’autrui 25 .La critique du mémorial touchait la personne même du monarque et sesoccupations. Selon D. João da Costa, la plupart des plaintes qu’il entendaitfaisait référence à la faible inclinaison de D. João IV à l’exercice militaire.Le remède proposé pour guérir ces maux était simple : le roi devraitprendre part au gouvernement et améliorer ses conseillers, instrumentalisantles Conseils de Guerre et de la Fazenda avec les plus grands spécialistesde chaque domaine, et renforcer leur autorité en y assistant au moins unefois par semaine. Enfin, pour apaiser l’« opinion du Peuple », il faudraitque D. João IV s’appliquât à l’exercice de l’art militaire, quittant la Courpour l’Alentejo, où il pourrait animer les soldats et les récompenser avecjustesse 26 .En septembre 1642, lors de l’ouverture des séances des Cortes,assemblée politique la plus importante du royaume 27 , le secrétaire d’Étatfut la cible d’attaques féroces qui culminèrent dans la réquisition de sadéposition. Parmi ses crimes présumés, on comptait la signature de décretsà l’insu du monarque, l’ordre donné de publier des textes sans l’autorisationde l’Inquisition ainsi que la tentative d’ébranler la noblesse 28 .Quelques jours plus tard, les protestations s’intensifièrent et lademande visant à déposer Francisco de Lucena donna lieu à l’exigence deson exécution, résultat d’une action concertée que D. Francisco Manuelde Melo taxa de « conspiration » 29 . L’élément déterminant fut un paquetde lettres apporté par D. João da Costa, celui‐là même qui avait représentéles plaintes de la noblesse auprès du roi. Théoriquement, les documentsdevaient prouver que le secrétaire avait entretenu des conversations sécrètesavec les Espagnols 30 .25MENESES, ouvr. cité, p. 398.26Ibid., pp. 398‐399. Ayant le monarque soumis le mémorial au jugement du Conseild’État, il finit par suivre l’avis du marquis de Montalvão, selon lequel le déplacement duroi à la frontière était trop dangereux, surtout en temps où la malice de Castille, dont ilavouait craindre plus « le silence que le bruit », contaminait tellement de cœurs portugais.Cf. Ibid., pp. 401‐404.27Sur les réunions des Cortes, voir CARDIM, Pedro, Cortes e cultura política noPortugal do Antigo Regime, Lisboa, Cosmos, 1998.28AMARO, José Emídio, Francisco de Lucena. Sua vida, martírio e reabilitação,Lisbonne, Instituto para a Alta Cultura, 1945, p. 158.29MELO, ouvr. cité, pp. 161‐174.30AMARO, ouvr. cité, pp. 183‐191.


62 DANIEL MAGALHÃES PORTO SARAIVALe 22 avril 1643, le secrétaire fut exécuté en place publique – impossiblede ne pas rappeler les paroles d’Africano sur la chute icarienne à laquellele valido était destiné. D’autre part, D. Francisco de Castro, inquisiteurgénéral arrêté pour avoir conspiré contre D. João IV, fut remis en liberté etreconduit dans ses fonctions 31 .En septembre 1644, environ un an et demi après l’exécution du secrétaired’État, le juriste et conseiller du roi João Pinto Ribeiro 32 , l’un des principauxorganisateurs du mouvement de la Restauration, envoya aux censeurs un traitéqui constitua peut‐être à l’époque la prise de position la plus emblématiqueen faveur des lettrés. Le texte, intitulé « La préférence des lettres aux armes »,fut analysé par les censeurs et vit le jour en janvier 1645 33 .Employant un ton véhément, Ribeiro affirme que les puissantsconsidèrent toujours qu’il est juste de satisfaire leurs désirs arbitraires. Lesriches et les seigneurs blessent tous ceux qu’ils considèrent inférieurs. Mêmeles rois n’échappent pas à leur prétention. Il s’ensuit que les « militaires »veulent l’emporter sur les « professeurs des sciences » 34 .Selon le juriste, les lettres élèvent l’esprit et enseignent la vertu. Tousles sujets leur appartiennent, y compris la guerre, parce que s’il revient auxsoldats de combattre, guerroyer est une science qui s’apprend dans les livres.Ce n’est qu’à la fin du traité que l’on reconnaît néanmoins toute sonenvergure et sa motivation primordiale. Au fur et à mesure de la lecture,ce qui se présentait en principe comme une défense générique et abstraitede la supériorité des lettres aux armes – et qui pourrait être compriscomme une nouvelle reprise d’un ancien topos littéraire – se transformeen une protestation publique contre un des plus grands changementspolitico‐institutionnels opérés au Portugal depuis la Restauration, à savoir,la fondation du Conseil de Guerre 35 .31MENEZES, ouvr. cité, p. 320.32Pour une liste de titres sur le juriste, voir OLIVEIRA, António de, « Umadeclaração de bens de João Pinto Ribeiro como titular de ofício público », in Revistaportuguesa de historia, Coimbra, tome 27, 1992, pp. 221‐231, p. 224, notamment l’articlede Luís Miguel de Oliveira Andrade sur la controverse des armes et lettres chez Ribeiro.33RIBEIRO, João Pinto, « Preferência das letras às armas », in Obras varias,Coimbra, Joseph Antunes da Sylva, 1730, tome II, pp. 168‐204 (Le texte original futpublié en 1645, à Lisbonne, chez Craesbeeck).34Ibid., pp. 168‐169.35Créé par D. João IV le 11 décembre 1640, dix jours à peine après son acclamation,le Conseil était censé formuler des orientations sur les questions impérieuses concernantle combat contre Castille. Composé essentiellement de nobles expérimentés en affairesmilitaires, il était cependant loin d’être un simple organe de consultation, et jouissait enfait des fonctions de commandement, logistique, vigilance et justice sur l’armée et laguerre en général (DORES COSTA, Fernando, « O Conselho de Guerra como lugar de


Les livres de la noblesse ou la noblesse des livres... 63Institution inédite au Portugal, son apparition provoqua d’innombrablesconflits de juridiction avec d’autres instances de décision du royaume, dontle Desembargo do Paço, plus haut tribunal lusitanien 36 .Ribeiro, homme de lettres, polémiste habile et lui‐même conseiller du roiet desembargador do Paço depuis janvier 1641, critiquait alors radicalementla séparation des gouvernements civil et militaire perpétrée par l’avènementdu Conseil de Guerre et l’éloignement subséquent des lettrés de la conduitedes affaires militaires, soutenant fermement le droit des lettrés – surtout desdesembargadores do Paço – à assister au Conseil du roi 37 .poder : a delimitação de sua autoridade », in Análise Social, v. XLIV, (191), 2009, pp,379‐414, pp. 381‐385.). Pour une analyse de l’activité du Conseil et les problèmes quien découlèrent, voir également Idem, « As forças sociais perante a guerra : as Cortes de1645‐46 e de 1653‐54 », in ouvr. cité, v. XXXVI (161), 2001, pp. 1147‐1181.36Les attributions du Conseil restèrent d’ailleurs imprécises et indéfinies pendantlongtemps. Début janvier 1644 le roi n’en avait pas encore imprimé le règlement intérieur,dont la rédaction datait du 22 décembre 1643. Cf. DORES COSTA, ouvr. cité, 2009, pp.384‐385.37La question est en vérité plus compliquée qu’il n’y paraît, car pour mieuxcomprendre le sens de l’argumentation de Ribeiro, il faudrait d’abord préciser l’étendueexacte du rôle politique exercé par le juriste sous le règne de D. João IV, tâche qui n’est pasaisée. Pour le sujet qui nous occupe ici, le point central est de savoir quelles prérogatives letitre de « conseiller du roi », octroyé à Ribeiro le 11 janvier 1641, accordait en effet à sonbénéficiaire. Homem souligne que, sous le règne de D. João I, la condition de conseiller duroi était moins un office qu’une dignité possédée et exhibée en permanence, mais pratiquéeirrégulièrement, vu que le monarque n’était pas obligé à les convoquer (HOMEM, ArmandoLuís de Carvalho, « Conselho real ou conselheiros do rei? A propósito dos ‘privados’ deD. João I », in Revista da Faculdade de Letras. História, II e série, IV, 1987, pp. 9‐68, pp.20‐22). Même si depuis D. Sebastião l’on constate une réglementation progressive de lafonction des hauts conseillers du roi – surtout avec la publication des régiments du Conseild’État, dont les membres se réunissaient périodiquement (cf. TOVAR, ouvr. cité, p. 57et suiv.) – cela ne signifie pas pour autant que d’autres détenteurs du titre de « conseillerroyal » ne fussent convoqués sporadiquement à prendre part aux discussions. De fait,le nom de Ribeiro ne figure sur aucune des deux listes des membres du Conseil d’Étatque nous avons consultées (SOUSA, D. António Caetano de, Conselheiros de Estadodesde D. Sebastião até D. João V, Bibliothèque Nationale de Lisbonne – COD 427, pp.208‐220 et PRESTAGE, ouvr. cité, p. 254), ce qui pourrait suggérer qu’il n’exerçait lafonction de conseiller qu’épisodiquement. Les sources en question demeurent pourtantlacunaires, ne permettant pas d’en tirer une conclusion définitive. Il est quand mêmeintéressant de constater que, sauf erreur de notre part, les seuls lettrés dont le nomfigurait dans les listes citées (excepté les prélats) étaient les présidents du Desembargo doPaço. Si cette information s’avère vraie, cela expliquerait pourquoi Ribeiro se prononcesi énergiquement contre la création de ce poste dont il remet en question la légitimité,et justifierait également son effort pour prouver que les desembargadores do Paço


64 DANIEL MAGALHÃES PORTO SARAIVADans la partie finale du texte, parmi les nombreuses citationshistoriques qui soutiennent son discours, Ribeiro en insère pourtant une dontl’importance n’est pas négligeable. Selon lui, au temps des Romains, le Sénatavait compétence en matière de guerre et de paix jusqu’à ce qu’AugusteCésar la lui retira. Cette décision ne fut toutefois pas motivée par ce quiétait convenable à la République, mais par les aspirations tyranniques del’empereur, puisqu’en retirant aux « sénateurs, proconsuls et gouverneursde province » leur autorité sur les sujets de guerre, il voulait en fait minerle pouvoir du « Senat » et du « Peuple » pour se faire « seigneur absolu » 38 .Or, la mention du juriste lusitanien est tout sauf gratuite et naïve : sonCésar est D. João IV – en accusant de tyranniques les desseins de l’empereur,ce sont les intentions du roi portugais que Ribeiro mettait implicitement encause.Certes, la réaction de Ribeiro envers le Conseil de Guerre n’était pasdu tout isolée. Comme énoncé précédemment, ce dernier était en effetconfronté à une opposition systématique de divers noyaux de pouvoir, etjouissaient intrinsèquement de la condition de membre du Conseil, d’où les lettrés furentapparemment écartés. Selon Ribeiro, il n’a jamais existé au Portugal plus qu’« un Conseil», auquel les desembargadores do Paço avaient toujours accédés. Ainsi, la dépréciationdes lettrés dans le royaume serait le résultat d’un désir pour que le Portugal devînt un« imitateur de Castille », où la création d’un Conseil de Guerre précéda l’existenced’une pareille institution dans la monarchie lusitanienne (Cf. RIBEIRO, ouvr. cité, pp.198‐203). Puis, en 1653, dans une claire réaction à ses positions, D. Francisco Manuelde Melo, adversaire déclaré de Ribeiro, proposa justement que le Portugal employâtles structures politiques espagnoles comme modèle d’organisation institutionnelle,soulignant qu’en Castille les « Ministres d’État » étaient également « Ministres de Guerre», tandis que les ministres « de Lois n’[étaient] jamais Ministres d’État ». En outre, leseul poste que les conseillers d’État pouvaient exercer chez d’autres tribunaux était celuide président, ce qui renvoie au problème présenté ci‐dessus (Cf. MELO, Aula Política eCúria Militar, disponible sur le site internet http://www.uc.pt/uid/celga/recursosonline/cecppc/textosempdf/04aulapolitica, consulté le 29/02/12). Quoiqu’il en soit, il est sûr queRibeiro nourrit longtemps une rancune à l’encontre de D. João IV, comme en témoigneson testament, dans lequel le juriste, se proclamant avec fierté « du Conseil de Sa Majestéet Son desembargador do paço », priait le monarque de démontrer envers sa veuve « cetteobligation de roi » qu’il n’aurait pas su lui donner (Cf. BAENA, Vicomte de Sanches de,Notas e documentos inéditos para a biografia de João Pinto Ribeiro, Lisbonne, MattosMoreira e Cardosos, 1882, pp. 57‐58). Ce problème met de toute façon en évidence ledanger de se fier aux traités juridico‐politiques de l’époque pour décrire l’architecture despouvoirs et des institutions lorsqu’on omet la nature éminemment polémique de ces textes.38D’après Ribeiro, cela aurait engendré la chute de Rome et la perte de sa grandeur.Dans le meilleur style de l’historia magistra vitæ, il ajoute enfin que chez tous les peuplesoù une telle séparation eut lieu, elle fut toujours animée par l’ambition personnelle etentraîna inévitablement les mêmes conséquences funestes. Ibid., pp. 196‐197.


Les livres de la noblesse ou la noblesse des livres... 65particulièrement du Desembargo do Paço dont les membres réclamaientfréquemment le droit de se prononcer dans les affaires judiciaires relativesaux soldats et à la gestion de la guerre. D’après Costa, il ne s’agissaitpas seulement de rivalités corporatives, mais d’un conflit entre différentsmodes de gouverner 39 .Compte tenu du fait que, en vertu des statuts qui régissaient le Conseilde Guerre, des lettrés étaient régulièrement convoqués aux réunions pourse prononcer sur des questions d’ordre juridique, les disputes devaient êtrequotidiennes, de telle sorte qu’il n’était d’ailleurs pas rare que des juristesrefusassent d’y participer 40 .De plus, le moment choisi par Ribeiro pour la publication du traité nesemble nullement arbitraire. En 1641, lors de leur première réunion aprèsl’indépendance du Portugal, les Cortes approuvèrent pour une durée detrois ans l’imposition de taxes supplémentaires destinées au financementde la guerre, notamment les décimes (décimas), tribut universel imposéà tous les sujets du royaume et correspondant à dix pour cent de leurrevenu 41 . En revanche, si le conflit devait se prolonger au delà de cettedate, le renouvellement des impôts n’aurait pu – du moins en principe –dispenser une nouvelle convocation des trois états du royaume, c’est‐à‐dire,une renégociation du pacte politique en vigueur 42 .A la mi‐1642, les sommes levées étaient néanmoins en deçà du montantaccordé l’année précédente et les Cortes furent à nouveau convoquéespour le 15 septembre. Après les pourparlers, on réévalua les contributionset lança une nouvelle cible, qui devait être atteinte par le payement de ladécime de la décime, c’est‐à‐dire, 11% des rentes 43 .39DORES COSTA, ouvr. cité, 2009, p. 413.40Ribeiro lui‐même, ayant été appelé en 1644 au Conseil de Guerre, excusa sonabsence alléguant qu’il avait trop de travail à faire à la Torre do Tombo, archives royauxdesquels il s’occupait depuis avril de cette année. Ses excuses furent acceptées, mais en1648 il fut à nouveau convoqué à y comparaître, recevant le bienfait d’être exempté de sesobligations à la Torre do Tombo pendant les après‐midi où il assistât au Conseil. C’était,bien entendu, un jeu cynique d’outrages réciproques. Les disputes touchaient même laquestion du cérémonial et la définition des places à prendre pour chacun lors des visitesdes lettrés au Conseil de Guerre ou lors des réunions de celui‐ci avec le Conseil d’État. En1645, par exemple, les corregedores de Lisbonne, ayant été appelés au Conseil de Guerre,refusèrent d’y entrer, sauf si on leur donnât des chaises pour qu’ils s’assissent, ce quienfreignait le régiment du Conseil selon lequel le droit de s’asseoir était uniquement unprivilège des fidalgos et desembargadores. Cf. DORES COSTA, ouvr. cité, 2009, p. 398.41Sur ce sujet, voir MAGALHÃES, Joaquim Romero, « Dinheiro para a guerra : asdécimas da Restauração », in Hispania, LXIV, nº 216, 2004, pp. 157‐182.42DORES COSTA, ouvr. cité, 2001, p. 1148.43MAGALHÃES, ouvr. cité, p. 165.


66 DANIEL MAGALHÃES PORTO SARAIVASur le plan international, la Guerre de Trente Ans touchait à sa fin,les conversations de paix ayant été entamées à Münster et à Onasbrück en1643. L’espoir de pacification n’arriva toutefois pas au Portugal 44 .La situation empira en 1644, lorsque le premier grand combat entreles armées portugaise et castillane eut lieu 45 . La nécessité de compenserles pertes de l’armée après la rencontre et l’ancien, mais toujours pressant,besoin de fortifier les places frontalières s’ajoutaient à d’autres reverséconomiques – surtout ceux provenant des harcèlements subis par lesconquêtes lusitaniennes d’outre‐mer –, contraignant le gouvernement àintensifier la pression fiscale.L’insatisfaction qui suivit l’imposition des nouveaux tributs ne s’étantcependant pas affaiblie, la chambre de Lisbonne défendait fermement queles contributions ne devraient pas être prorogées sans une réunion préalabledes trois états du royaume 46 , rappelant le compromis assumé par le roi lorsdes Cortes de 1642 47 .L’expectative de la prochaine célébration des Cortes, instance parexcellence où les représentants des trois ordres présentaient au monarqueleurs plaidoyers, agita alors la scène politique lusitanienne, poussant laconstitution d’alliances et la préparation des stratégies pour la négociationà venir 48 .44Exclue de la table des négociations par l’influence de Philippe IV, la monarchiedes Bragance se retrouvait dans une position fort défavorable, étant donné que la signatured’un traité unilatéral de paix voire des trêves entre l’Espagne et ses ennemies permettraità celle‐ci de concentrer ses forces dans une attaque frontale aux rebelles lusitaniens.Sur l’action des envoyés portugais à Westphalie et les difficultés de la diplomatie desBragance, voir CARDIM, Pedro, « Portuguese Rebels at Münster. The Diplomatic SelfFashioning in mid‐17 th Century European Politics », in DUCHHARDT, Heinz (éd.), DerWestfälische Friede, Historische Zeitschrift, Beiheft 26, Munich, 1998, pp. 296‐300.45Au mois de mai, des milliers de soldats s’affrontèrent sur les champs del’Estrémadure espagnole lors de la bataille de Montijo, transformant la face d’une guerrequi n’avait jusqu’à lors été constituée que d’une suite de pillages et petites incursionsde part et d’autre de la frontière. Sur la guerre, voir DORES COSTA, A Guerra daRestauração 1641‐1668, Lisbonne, Livros Horizonte, 2004.46MAGALHÃES, ouvr. cité, p. 165.47DORES COSTA, ouvr. cité, 2001, p. 1149.48Quoique les Cortes n’eussent été convoquées que pour le 20 novembre 1645, lestensions se firent sentir tout au long de l’année. Le 20 avril, par exemple, une lettre de lachambre de Viseu en réponse aux prétentions royales sur la levée des impôts manquantsdéclarait qu’il était impossible de satisfaire les demandes exigées, vu l’oppressionque subissaient la ville et la comarque depuis l’acclamation de D. João IV, lesquelles,malgré leur contentement de la liberté restituée, étaient « scandalisées » du « mauvaisgouvernement » des « ministres de guerre ». DORES COSTA, ouvr. cité, 2001, pp.1148‐1149.


Les livres de la noblesse ou la noblesse des livres... 67Ayant reçu la première évaluation de la censure le 23 septembre 1644et n’ayant obtenu l’autorisation définitive d’être publié que le 23 janvier1645, le traité de Ribeiro se situe ainsi dans l’ambiance d’insoumissionfiscale qui précéda les Cortes de 1645 49 .Il ne sera donc pas étonnant de constater que la polémique des armeset lettres fut l’un des sujets qui animèrent les débats de l’assemblée entrefin 1645 et début 1646. Son auteur étant parfaitement conscient que cetteproblématique était au centre de la conjoncture critique de la moitié desannées 1640, la « Préférence des lettres aux armes » correspond à la fois àune prise de position publique de Ribeiro face au conflit existant et à uneintervention politique à chaud visant à influencer les futures conversationsdes Cortes 50 .Ainsi, dès l’ouverture des Cortes de 1645‐1646, les procureursdes Peuples – grosso modo les représentants des villes à l’assemblée –,accusèrent les ministres militaires de malversation d’impôts et déplorèrentl’accablement auquel les populations étaient soumises.La polémique des armes et lettres révélait encore une de ses facettes :majoritairement au service des oligarchies locales 51 , les procureurs desPeuples s’attaquaient au Conseil de Guerre dans le but de préserverl’autonomie des pouvoirs municipaux et soulager les villes du fardeaud’entretenir l’armée 52 .Derrière l’image simpliste d’une controverse littéraire se cachait ainsiune pluralité de disputes concrètes entre plusieurs institutions et agentspolitiques du royaume formant un énorme conflit de juridiction qui mettaiten relief des problèmes d’ordre majeur relevant de la guerre, à savoir, lesmodalités de recrutement des troupes, le payement des soldes, la punitiondes crimes militaires, l’administration des tributs et même la conduite ducombat proprement dite 53 .49Ibid., p. 1148.50Les décrets successifs du roi réglant la question de la hiérarchie des conseillerspendant les années 1644 et 1645 témoignent de la gravité des tensions entre les membres desConseils du royaume et à l’intérieur même de chaque institution. Le 17 octobre 1645, parexemple, D. João IV prit explicitement et concrètement le parti des nobles : ayant accordéà António Cavide une place au Conseil de la Fazenda, le monarque déclare nominalementque les conseillers de cape et d’épée, tel que Cavide, précédaient les conseillers lettrés dansle siège et dans le vote, ordonnant ainsi qu’on lui rendît l’honneur dû à son rang. Les décretssont disponibles sur le site internet www.iuslusitaniae.fcsh.unl.pt.51CARDIM, Pedro, « Cortes e Procuradores do Reinado de D. João IV », inPenélope, nº 9/10, 1993, pp. 63‐71, pp. 65‐67.52DORES COSTA, ouvr. cité, 2001, p. 1160.53Il faut toutefois se mettre en garde contre la dynamique rhétorique de cette querelle,car si les pétitionnaires des Peuples, autoproclamés avocats des pauvres, des paysans


68 DANIEL MAGALHÃES PORTO SARAIVAContrairement à ce que le traité de Ribeiro suggère, le roi semblaitêtre étranglé par une lutte acharnée de factions qu’il ne réussissait pas àcontrôler. Si par la création du Conseil de Guerre le monarque prétendaitvraiment concentrer le pouvoir en ses mains, tel que suggéra Ribeiro,force est de reconnaître que son projet fut un échec total. Les conseillersmilitaires lui firent opposition maintes fois 54 . En vérité, les deux partis enjeu se montraient disposés à faire pression sur le roi à chaque fois qu’ilmenaçait de pencher vers un des camps 55 .misérables et des soldats affamés, accusaient les militaires d’immoralité, le contraire n’étaitpas moins vrai. D. Álvares Abranches, conseiller de guerre et ancien gouverneur des armesde la province de Beira, critiqua par exemple le cynisme des plaintes de la chambre deViseu selon lesquelles les militaires détournaient l’argent des impôts de guerre à des finspersonnelles et enrôlaient les habitants de force, les obligeant à abandonner leur récoltepour accourir à la frontière, bien qu’ils eussent déjà gaspillé toutes leurs ressources afin definancer le solde des soldats – financement qui visait justement à dispenser les sujets detout engagement personnel au champ de bataille. D’après Abranches, la vraie motivationde ses plaintes résidait pourtant dans le ressentiment des officiers de la chambre enversles préjudices que la guerre avait portés au pouvoir abusif qu’ils détenaient à l’échellelocale. A part la population honnête qui avait toujours vécu de ses propres métiers, ceshommes vivant des offices de l’État voulaient uniquement conserver leurs privilègesinjustifiables. Avant la guerre, ces officiers, dont le poste de capitaine leur octroyait lecontrôle du recrutement, exploitaient les travailleurs en leur demandant de nombreusesfaveurs en échange de l’exemption du service militaire. Ainsi, une fois que chacun d’euxétait auparavant comme un « roi dans le lieu où il habitait », ils se levaient alors contre lesnouvelles modalités de mobilisation de troupes et d’organisation de la guerre, menaçantde ne plus payer les décimes. Cf. DORES COSTA, ouvr. cité, 2001, pp. 1158‐1159.54Au début des années 1650, le roi, tendant vers une politique de trêves, essayapar exemple de prohiber les pillages dans le territoire castillan. Le Conseil de Guerrelui désobéit alors systématiquement et le général de cavalerie André de Albuquerquearriva même à contester ouvertement ses orientations, argumentant que la plupart desressources qui servaient à entretenir les troupes venait justement des sacs, la majoritédes chevaux de la cavalerie portugaise étant prise aux Castillans. De plus, du point devue du général, l’établissement des trêves aurait été désastreux à ce moment‐là, car ilaurait permis aux ennemis de composer enfin une armée suffisamment puissante pourreconquérir le Portugal. Selon Dores Costa, le roi ne disposait tout simplement pas desmoyens de commander l’armée ; au début des années 1650, la force militaire en activitédépendait moins de l’argent octroyé par l’administration royale que des biens pillés. Cen’est qu’à partir de 1657 que l’intensification de la guerre changerait cette situation, ce quiexigerait dès lors une quantité bien plus importante de ressources, devenant alors impératifde faire appel aux aides des provinces et du roi. Cf. Ibid., pp. 1170‐1172.55En 1654, dans une occurrence révélatrice de l’étendue et de l’instabilité duconflit, les membres du Conseil de Guerre se soulevèrent à nouveau, cette fois‐ci contre lasupposée intention de D. João IV de supprimer l’institution. L’altercation fut déclenchéepar la décision royale de retirer aux conseillers le droit de proposer les noms des candidats


Les livres de la noblesse ou la noblesse des livres... 69La querelle des armes et lettres semble en effet avoir traversé tout lerègne de D. João IV, constituant l’un des enjeux les plus significatifs de lapolitique interne du Portugal 56 . Lors des Cortes de 1653‐1654, le débat étaitencore vivant 57 . A l’époque, l’un des points épineux était la tentative deaux postes lettrés du Conseil de Guerre. Dans sa réponse aux doléances des conseillers, leroi nia que cette initiative fût venue du Desembargo do Paço et insinua que les membresdu Conseil s’étaient montrés incapables d’indiquer des personnes compétentes pour cesoffices. Les conseillers répliquèrent au monarque – même si le message ne lui fut jamaisenvoyé – que si c’était son désir de dissoudre le Conseil, il valait mieux le satisfaire unebonne fois pour toutes plutôt que de manière graduelle, rognant peu à peu ses compétencesjusqu’à ne plus lui laisser qu’un rôle décoratif. Dores Costa affirme que le début desannées 1650 représente une deuxième phase du règne de D. João IV, caractérisée par lachute de l’importante du Conseil de Guerre, contrastant avec la période initiale, marquéepar l’influence déterminante de l’institution dans la politique portugaise. Cf. Ibid., p. 1179.56Loin d’être exclusivement circonscrit aux discussions internes des Conseils,le débat atteignit une dimension publique expressive, mobilisant la plume de quelquespersonnalités notoires du XVII e siècle portugais, tel que D. Francisco Manuel de Melo,déjà mentionné auparavant (sur Melo, voir TORGAL, Luís Reis, Ideologia Política eTeoria de Estado na Restauração, Coimbra, Biblioteca Geral da Universidade, 1981, v. I,pp. 331‐332, 379‐380), et António de Sousa de Macedo, qui écrivit en 1651 : « La fin oul’objet de la jurisprudence, n’est pas seulement le traitement des plaintes, comme le croientles incompétents, mais également la bonne organisation politique du gouvernement de lapaix, les besoins légitimes de la république dans la guerre, la juste raison d’État face auxétrangers, la souveraineté décente avec les vassaux, et tout ce qui appartient à la directiondu prince parfait » (Armonia politica, 1651, apud HESPANHA, António Manuel, «Paradigmes de légitimation, aires de gouvernement, traitement administratif et agentsde l’administration », in DESCIMON, Robert, SCHAUB, Jean‐Frédéric et VINCENT,Bernard (dirs.), Les figures de l’administrateur. Institutions, réseaux, pouvoirs enEspagne, en France et au Portugal 16 e ‐19 e siècle, Paris, EHESS, 1991, pp. 19‐28, p. 21).Ribeiro reviendra encore sur ce sujet en 1649, prenant la défense du Desembargo do Paço(RIBEIRO, João Pinto, Lustre ao Desembargo do Paço…, Lisbonne, Craesbeeck, 1649).Faisant preuve d’une conception philosophique fort pessimiste, la célèbre Arte de Furtarse moquerait de la polémique, en réduisant l’argumentation à un simple jeu opportunisteoù chacun défend ses intérêts personnels : « Et la première maxime de toute la Politiquedu monde est que tous ses préceptes se résument à deux, tel que nous l’avions dit, le bonpour moi, le mauvais pour vous » (Arte de Furtar, apud TORGAL, ouvr. cité, p. 381).57Les tensions entre le Conseil de Guerre et les lettrés aux alentours des Cortes de1653‐1654 étaient très intenses. Faisant suite à une demande des procureurs des Peuples,une décision royale restreignant l’étendue de l’obligation d’entretenir des chevauxdéclencha discussions et débats. Le Conseil de Guerre exprima alors son opposition à larestriction et dénonça l’incompétence militaire du groupe de lettrés (« junta de letrados »)qui analysa le chapitre des Cortes ayant trait à cette mesure (DORES COSTA, ouvr.cité, 2001, p. 1167). Il est utile de rappeler à ce propos que, selon Cardim, le juristeet procureur de la Couronne Tomé Pinheiro da Veiga essaya en 1645 de centraliser la


Les livres de la noblesse ou la noblesse des livres... 71(ou de sa réputation, pour employer un terme courant du langage politiquemoderne 60 ), lequel ne relevait pas seulement des avis des élites, mais ausside ceux des soldats et des gens « vulgaires ».La suite du discours est très révélatrice de l’instabilité produite par cettecontroverse qui risquait de remettre en cause plusieurs des fondements de lasociété portugaise de l’Ancien Régime, tel que le secret d’État, les limitesde la participation politique voire la hiérarchie sociale proprement dite :« Comment un soldat peut juger la raison qu’a eue le Général pour nepas entreprendre l’une ou l’autre action, ou pour ne pas lutter contrel’ennemi, s’il ne connaît pas les ordres qu’il avait reçus de son Princeou les considérations qui l’ont poussé à ne pas combattre l’ennemi, oucomment un ministre de lettres peut juger si les considérations que leGouverneur des armes a eues pour combattre furent justes ou non, ceciétant le point le plus difficile de l’art militaire qu’il n’enseigne pas, ni nel’a vu ou appris ? » 61Bien entendu, l’argumentation renvoie à celle d’Africano en 1641selon laquelle il était une erreur crasse de divulguer des nouvelles de guerreet d’exposer ce qui devait rester secret. Il ne s’agit alors plus simplementd’établir qui doit gouverner et comment, mais de définir qui doit prendrepart à la politique.Une dernière remarque : en juillet 1645, à peu près six mois aprèsla publication du traité de Ribeiro, la Gazeta recommença à publier desnouvelles relatives au royaume du Portugal, notamment des relations sur lesmouvements de troupes lusitaniennes à la frontière et leurs affrontementsavec les Castillans – le genre même de nouvelles qui avait provoqué sasuppression en 1642.Pendant trois mois consécutifs, le périodique maintint cette pratique,élargissant progressivement l’espace dédié aux nouvelles du royaume. Aumois de septembre, ce changement éditorial atteignit son paroxysme, aussibien que sa fin.Après avoir démenti la nouvelle d’une invasion espagnole, la Gazetajustifia le besoin de divulguer les succès des troupes lusitaniennes enaffirmant que la foule répétait à droite et à gauche n’importe quelle rumeur,si absurde fût‐elle, et ajouta ensuite que si les Portugais aimaient la déchirure60À titre d’exemple, voir l’importance donnée par le jésuite Giovanni Botero auxnotions de « réputation », « opinion » et « fama ». Cf. BOTERO, Giovanni, Da Razão deEstado, Coimbra, Instituto Nacional de Investigação Científica, 1992, pp. 25‐26, 50‐51,57‐66.61DORES COSTA, ouvr. cité, 2001, p. 1176.


Les livres de la noblesse ou la noblesse des livres... 73Dans la perspective de la conjoncture historique, il convient deconstater l’essor de ce qui fut peut‐être un des clivages politiques les plussignificatifs du règne de D. João IV. Ignorer cette dernière dimensionserait certainement mépriser l’aspect le plus concret, semble‐t‐il, du débatentrepris pendant les premières années de la Restauration 64 .Bien entendu, l’approche adoptée ici consiste moins à considérer les textesjuridico‐politiques de l’époque comme une pure exposition descriptive desstructures institutionnelles et pratiques sociales ancestrales de la monarchielusitanienne que comme une proposition pour l’organisation de cette mêmesociété selon tel ou tel critère, valorisant certaines institutions, personnes etpratiques au détriment d’autres, quoiqu’ils demeurent formellement dans lecadre des modèles littéraires consacrés.Cette spécificité est, de notre avis, responsable de la tournureet XVII e siècles. Il présente l’affrontement de l’hidalguia fondée sur la notoriété et latransmission héréditaire, d’un côté, et du statut privilégié par acquisition des compétencesde lettré, de l’autre. De plus, il organise un champ d’affrontements entre acteurs politiquesinstallés dans l’entourage royale, en raison de leur rang, et spécialistes du droit ou de lathéologie écoutés par le roi, en raison de leurs compétences ». Le contraste se manifestaitaussi dans les modalités d’accéder à la politique, le parcours politique de la noblesse sefaisant par le biais des charges de la maison royale et de la carrière des armes, tandis queles lettrés suivaient le chemin de la formation universitaire et des offices de magistrature.Ainsi, aurait existé une culture politique « anti‐letrada » qui exprimait le mépris desaristocrates à l’égard de la fonction lettrée, réputée inférieure à leur rang. Les cadets desfamilles nobles investirent les collèges, mais cela « ne signifie pas qu’ils aient fait leursles valeurs professionnelles des gradés de l’Université » (SCHAUB, « Identification dujurisconsulte. Composition et conflits d’autorités dans les sociétés ibériques au XVII esiècle », in GARAVAGLIA, Juan Carlos et SCHAUN, Jean‐Frédéric (dirs.), Lois, Justice,Coutume. Amérique et Europe latines. 16 e ‐19 e siècle, Paris, EHESS, 2005, pp. 29‐55, pp.38‐41). L’auteur souligne qu’il faut pourtant « se garder de livrer une chronologie tropsimple » à ce débat : « La confrontation des héritiers et des hommes nouveaux se produità chaque génération, par épuisement des uns et ascension des autres, sans qu’on puissedistinguer les rois hostiles aux aristocrates et favorables aux lettrés des monarques qui fontle choix inverse » (Ibid., p. 53).64Certes, il est absolument nécessaire de bien connaître le langage et la penséepolitique de l’époque pour pouvoir situer chaque texte à sa juste place. En revanche,les analyses qui se limitent à considérer les arguments énoncés par les auteurs commede simples reprises de lieux communs du discours politique, les liant à une sorted’omniprésence anhistorique de la tradition sans prendre en compte leur relation avec lesévénements d’actualité qui les rendent intelligibles au‐delà de leur cohérence textuelleinterne, décontextualisent irrécupérablement les ouvrages, ne pouvant à peine expliquerpourquoi tel ou tel écrit fut publié à telle ou telle date. D’ailleurs, si les textes politiquesne sont plus qu’une reproduction du paradigme culturel établi, à quoi bon publier, si touta déjà été dit ?


74 DANIEL MAGALHÃES PORTO SARAIVAapparemment contradictoire d’un ensemble d’écrits à la fois conservateurs –dans le sens où ils font appel à la tradition, à la coutume et au respectà l’ordre naturel des choses – et transformateurs – dans la mesure où ilsréinterprètent, dans des limites plus au moins étroites, les rôles des hommesdans la société, soumettant les lieux communs du discours politique auxobjectifs pragmatiques qu’ils sont censés atteindre. Ainsi, un mêmeargument de fond pouvait servir à la rigueur de base justificative à desfactions manifestement adverses.Autrement dit, lorsqu’on sort de l’océan tranquille des paradigmesséculaires de la pensée ibérique pour entrer dans le fleuve turbulent de laconjoncture historique, il s’opère une inversion de perspectives à la suitede laquelle l’action ne se présente plus comme le simple résultat de latradition – ce sont plutôt les agents sociaux qui, tout en puisant dans unemême source culturelle, emploient des références théoriques communespour légitimer dans une circonstance donnée des positions politiques tout àfait inconciliables au niveau pratique.La compréhension adéquate de ce mécanisme subtil est susceptibled’aider à surmonter l’écrasante sensation de conservatisme – qui sembleparfois nous donner l’impression illusoire que rien de nouveau ne se passaitau Portugal avant la fin de l’Ancien Régime – dont est imprégnée une partiesignificative de l’historiographie lusitanienne.Si l’on se laisse plonger dans l’effervescente contingence de la viequotidienne, l’analyse approfondie de la controverse des armes et lettrespendant le règne de D. João IV peut révéler la face fréquemment oubliéed’une société où la fonction des hommes et des livres, de la politique etdes idées, n’était pas entièrement figée dans une orthodoxie totalitaire etimmobile.Si au contraire, l’analyse s’arrête au niveau du discours, la culturelusitanienne à l’époque moderne aura tendance à ressembler à un monolitheoù le miracle d’Ourique, le sébastianisme, l’hégémonie catholique,l’Inquisition et le monarchisme jamais contesté 65 composeront la figured’un pays renfermé sur lui‐même, quasi invulnérable à l’effet du temps,voire exotique aux yeux des sociétés dont l’histoire est considérée avoirjeté les fondations du monde contemporain.65Il n’est pas inutile quand même de rappeler que, selon Ericeira, les « restaurateurs »de 1640 étaient disposés à fonder une République, dans le cas où le duc de Bragancen’acceptât pas la couronne. Cf. MENEZES, ouvr. cité, pp. 97‐98.


Les nobles comme « passeurs culturels »et le rôle de l’imprimé en Franceaux XVI e ‐XIX e siècles :l’exemple des La RochefoucauldFRÉDÉRIC BARBIER[En France], ce n’est pas aux frontières sociales des ordres, mais àl’intérieur de la société cultivée que prend corps peu à peu l’alternativepolitique du siècle (…). Une société des élites (…) qui exclut nonseulement les classes populaires, mais une grande partie de la noblessedu royaume. Mélange instable et séduisant de l’intelligence et du rang,de l’esprit et du snobisme, ce monde est capable de critiquer tout, ycompris et surtout lui‐même 1 .I – <strong>LA</strong> NOB<strong>LE</strong>SSE ET <strong>LE</strong>S <strong>LIVRE</strong>S1) ProlégomènesLes catégories universitaires sont souvent critiquables, en tantqu’institutionnalisation d’un certain état de la connaissance, mais elles sontaussi signifiantes. L’enseignement de l’histoire est réparti, en France, enquatre grandes périodes : histoire antique (jusqu’à la disparition de l’Empireromain d’Occident), médiévale (jusqu’à la chute de Constantinople),moderne (jusqu’à la Révolution de 1789) et contemporaine. Ces catégoriesparaîtront quelque peu étranges aux non spécialistes, pour qui la Révolutionet le Premier Empire, voire le XIX e et une partie du XX e siècle, ne relèventpas de la contemporanéité. Certes, cette périodisation rend impossibled’étudier les processus que l’on a désignés comme la première et la seconde*frederic.barbier@ens.fr, et : http://histoire‐du‐livre.blogspot.com/1François Furet, Penser la Révolution française, Paris, 1978, p. 181‐182.


76 FRÉDÉRIC BARBIERrévolutions du livre, celle de Gutenberg 2 et celle de l’industrialisation :l’industrialisation de la « librairie » en Europe occidentale ne se donneà comprendre que par l’élargissement antérieur des marchés, et par lesdéplacements de l’économie de l’imprimé sous l’Ancien Régime 3 . Plusglobalement, le XVIII e siècle est dominé par la problématique de lamodernisation, dans les domaines économique, social et politique, et laclé de cette modernisation réside dans la diffusion des Lumières, donc dumédia – le livre et, de plus en plus, le périodique.Le projet de modernisation est porté par des acteurs et par desintermédiaires, parmi lesquels les représentants de la noblesse occupentdéssormais une position clé : de sorte que l’on en arrive, notamment enFrance, à la situation en apparence paradoxale qui fait d’un certain nombre denobles les partisans de réformes politiques tendant possiblement à remettreen cause leurs propres privilèges 4 . Pareillement, un peu partout en Europe,des représentants de la noblesse (et de la plus haute noblesse) s’engagenten faveur des Lumières : ils se forment et ils s’informent, ils financent etmettent en application 5 , ils travaillent et ils publient, ils constituent desbibliothèques et, parfois, les mettent à la disposition de leurs contemporainsmembres de la République des Lettres. Cette prise en charge de la chosepublique par la noblesse, qui pose le problème de son articulation avec lestatut et le rôle du souverain, a une incidence certaine sur l’« économie »du livre au sens large. Nous voudrions nous arrêter ici sur les origines etsur la typologie du phénomène, en privilégiant le paradigme de l’histoiresociale. Précisons que cette contribution n’a pour objectif que de jalonner2Frédéric Barbier, L’Europe de Gutenberg. Le livre et l’invention de la modernitéoccidentale (XIII e ‐XVI e siècle), Paris, 2006.3Donc témoignent, par exemple, la réorganisation de la branche, en Allemagneavec la Réforme de Reich, en France avec les arrêts de 1777.4La bibliographie à développer serait immense. Bornons‐nous à rappeler ici quelquestitres : H. Carre, La Noblesse de France et l’opinion publique au XVIII e siècle, Paris,1920 ; Jean Meyer, Noblesse et pouvoir dans l’Europe d’Ancien Régime, Paris, 1973 ; GuyChaussinand‐Nogaret, La Noblesse au XVIII e siècle : de la féodalité aux Lumières, Paris,1976 (plusieurs rééd., dont celle présentée par Emmanuel Le Roy‐Ladurie, Paris, 2000),ou encore la thèse de Jean Meyer consacrée à La Noblesse bretonne au XVIII e siècle (Paris,1966). Et surtout, s’agissant d’histoire des bibliothèques de la noblesse, l’article de DanielRoche, « Noblesse et culture dans la France du XVIII e siècle : les lectures de la noblesse »,dans Buch und Sammler. Private und öffentliche Bibliotheken im 18. Jahrhundert,Heidelberg, 1979, p. 9‐27. Voir aussi : Marie‐Pierre Dion, « Die französische Forschungzur Geschichte der Adelsbibliotheken im 18. Jahrhundert : Fakten und Perspektiven »,dans Wolfenbütteler Notizen zur Buchgeschichte, 1984, III, p. 125‐143.5Surtout pour l’agronomie, mais on pourrait aussi songer à la métallurgie (cf. lesforges de Buffon à Montbard), etc.


Les nobles comme « passeurs culturels » et le rôle de l’imprimé en France... 77une problématique très large, d’en éclairer la typologie et, peut‐être, deproposer quelques hypothèses. Nos exemples seront pris en France, lasituation de l’Allemagne et de l’Europe habsbourgeoise étant marquéepar l’émergence d’autres « intermédiaires » que la noblesse, ceux de la« bourgeoisie des talents » (Bildungsbürgertum), des « fonctionnaires » (ycompris les ecclésiastiques) et des monarques éclairés.2) Qu’est‐ce qu’être noble à l’époque moderne ?La première question à poser porte sur l’identité de la noblesse :qu’est‐ce qu’être noble, et pourquoi certains représentants de la noblessese sentiraient ou non appelés à prendre en charge le processus de transfertculturel dans le sens de la modernisation ? Dans quelle mesure le statutde la noblesse induit‐il un certain rôle au sein de la société, et comme cerôle se déplace‐t‐il au cours des siècles jusqu’à intégrer, à l’époque desLumières, la responsabilité de la modernisation sociale, économique etpolitique ? Daniel Roche explique :Le terme de noblesse est commode, mais il vaut mieux l’écrire au plurieltant il recouvre de réalités différentes et complexes 6 .Il y a de fait plusieurs « noblesses », que, s’agissant de la France,Beaumarchais évoque sur le mode ironique dans la célèbre « Préface » deson Mariage de Figaro : la « haute » et la « moyenne » noblesse, la noblesse« antique » et la noblesse « moderne », etc. 7 La base de la noblesse reste,en principe, la naissance (on naît noble), mais les voies de l’anoblissements’ouvrent de plus en plus. Une typologie brève nous ferait passer en revuela noblesse de cour, la noblesse de robe (la magistrature) et la noblessed’offices 8 , la haute noblesse (les ducs et pairs si chers à Saint‐Simon) etla petite noblesse (dans le monde rural), sans oublier les négociants etfinanciers anoblis par l’achat d’une terre à laquelle est attaché un titre. Cescomposantes de la noblesse ne se valent évidemment pas, et leurs traditions6Daniel Roche, art. cité, p. 10.7Antoine Caron de Beaumarchais, La Folle journée, ou le Mariage de Figaro.Comédie en cinq actes, en prose, par M. de Beaumarchais. Représentée pour lapremière fois par les Comédiens Français ordinaires du Roi, le mardi 27 avril 1784, AuPalais‐Royal, chez Ruault, libraire, près le Théâtre, n° 216, M.DCC.LXXXV (À Paris,de l’imprimerie de Ph.‐D. Pierres, imprimeur ordinaire du Roi, &c), [4‐]LVI‐237 p., 1p. bl., 8°. À la fin du texte de la pièce, p. 236, se trouve la mention : « S’adresser pour laMusique de l’ouvrage, à M. Baudron, Chef d’Orchestre du Théâtre Français » (CollectioQuelleriana). Voir surtout p. XLVII et suiv.8François Furet, Mona Ozouf, art. cité, p. 447.


78 FRÉDÉRIC BARBIERculturelles sont très diverses (il y a, par exemple, pratiquement toujoursplus de livres dans les bibliothèques des nobles issus de la magistrature,que chez les militaires ou les courtisans). La diversité s’accroîtrait encoresi nous passions au stade du comparatisme européen : la noblesse, qui seveut un ordre héréditaire et fermé, se révèle en définitive une catégorieporeuse – on devient noble, mais on peut aussi perdre ce statut –, etdont la typologie est très complexe. Trois caractéristiques principales secombinent :1‐ La définition traditionnelle du noble se fonde sur la naissance etsur le métier des armes : le noble est tenu de servir son suzerain lors d’unconflit et, en conséquence, un certain nombre d’activités lui sont en principeinterdites. Cette première facette reste présente jusqu’à la fin de l’AncienRégime (combien de cadets de familles servent dans les armées jusquesous Louis XVI), même si la définition du noble change de plus en plus àl’époque moderne.2‐ À côté du service des armes, le noble est aussi celui « vit noblement ».L’environnement et le mode de vie sont spécifiques : le château, le personnelde serviteurs, la somptuosité du cadre de vie, les jardins, la chasse, la danse,et, de plus en plus, les intérêts artistiques ou intellectuels, le mécénat, lescollections d’objets d’art – et les livres. Ce mode de vie excluant le travailsuppose d’avoir certains revenus, et on connaît l’hypothèse de Marc Bloch,suivi par nombre d’historiens, sur la crise de la petite noblesse à la fin duMoyen Âge et au XV e siècle en France 9 .3‐ Nous reviendrons sur le rôle que la noblesse aura à jouer dansl’État 10 , mais les XVI e ‐XVIII e siècles semblent marqués par la montée enpuissance d’un troisième impératif : le noble devra avoir reçu une formationintellectuelle relativement solide. L’ignorance est plus choquante dès lorsque, dans toute l’Europe, il est admis que la noblesse se manifeste aussi parsa culture intellectuelle, et François Métra se moquera du fermier généralMarin de La Haye, qui a une magnifique bibliothèque, mais ne manifesteaucun intérêt pour les livres :Dorés sur tranche et bien couverts, / Et tout neufs, ainsi qu’on peut croire,Le défunt, de riche mémoire, / Ne les avait jamais ouverts… 119François Bluche, Les Magistrats du Parlement de Paris au XVIII e siècle,1715‐1771, Paris, 1960.10Voir aussi : Jean Meyer, « Un problème mal posé : la noblesse pauvre », dansRevue d’histoire moderne et contemporaine (ci‐après RHMC), 1971, p. 161‐188.11Pour la France, voir, outre François Furet, ouvr. cité : Denis Richet, La Francemoderne : l’esprit des institutions, Paris, 1973. Plus récemment, Robert Descimon :« Chercher de nouvelles voies pour interpréter les phénomènes nobiliaires dans la France


Les nobles comme « passeurs culturels » et le rôle de l’imprimé en France... 79Le noble aura à se former (Bildung), et, progressivement, à « informer »ses contemporains moins privilégiés. À la fin du XVII e siècle, les membresde la noblesse font, en France, figure de privilégiés s’agissant des tauxd’alphabétisation, tant en ville que dans le monde rural, et il est significatifque la présence de l’écrit et du livre concurrence de plus en plus celle del’armure et des armes dans les portraits de souverains et de nobles réalisésau XVIII e siècle. L’un des premiers est peut‐être, en 1743, le portrait parJacques Aved du « marquis de Mirabeau, dans son cabinet, appuyé sur lePolybe de M. Folard » 12 .Avec l’argument politique, nous sommes au cœur de notre thèse :dans la tradition du royaume, la noblesse d’essence féodale s’oppose,d’une certaine manière, à l’essor de l’État moderne sous la forme d’unemonarchie absolutiste rationalisée et centralisée. Cette tension déplace enprofondeur le statut et le rôle de la noblesse : non seulement le service duprince anoblit, mais le rapport avec la bourgeoisie s’en trouve déséquilibré,tandis que la logique ancienne des ordres perd progressivement de sapertinence. L’apogée est atteint avec le règne personnel de Louis XIV, quimarque le triomphe du politique sous la forme d’une monarchie absolue :La servitude générale, la vente ou la renégociation des titres et desprivilèges, l’arbitraire des promotions bureaucratiques ont moins privéla noblesse de son rôle que de sa définition même 13 .Ce nouveau rapport de forces a trois conséquences.1) D’abord, la noblesse aura à servir l’État, et, pour ce faire, elledevra en effet suivre un certain cursus scolaire. Qu’il s’agisse d’armée,d’administration ou de justice, il faut désormais, pour remplir nombre decharges, un socle relativement élevé de connaissances, comme le souligneAlexandre Nicolas de La Rochefoucauld (1709‐1760), plus connu sous sontitre de marquis de Surgères. Surgères est un militaire, qui finira sa carrièrecomme lieutenant général d’Aunis et de Saintonge à La Rochelle, et quiouvre son manuscrit du Traité sur l’art de la guerre par plusieurs pagesconsacrées à la nécessité, pour les officiers, de recevoir une formationthéorique poussée :Je ne prétends pas nier ici l’utilité de l’expérience ; mais j’aurai lecourage d’avancer qu’on n’en peut acquérir que fort imparfaitement,moderne. La noblesse, ‘essence’ ou rapport social ? », dans RHMC, 46, n° 1, janv.‐mars1999, p. 5‐21.12François Métra, Correspondance secrète, politique ou littéraire,…, London,1787‐1790, 18 vol., ici t. VII, p. 338‐339.13Daniel Roche, art. cité, p. 9, et ill. 1.


80 FRÉDÉRIC BARBIERsi la théorie ne nous met pas en état de profiter de ce qui se passe sousnos yeux. (…) Une application continuelle, une étude assidue, et uneexpérience consommées peuvent à peine faire d’un homme d’esprit et decourage un bon général d’armée ; comment se pourra‐t‐il que des gensqui n’étudient ni ne lisent, qui s’occupent bien plus de leur intérêt et deleurs plaisirs que de leur métier, deviennent capables de commander ?En vieillissant, ils acquièrent le grade, et non la capacité. La naturenous donne les talens, mais c’est l’étude et le travail qui les développentet qui les mettent en valeur…2) Mais la conjoncture politique bouge après le temps de la « crisede conscience européenne » (Paul Hazard) : la noblesse et les élites dela société civile éclairée cherchent à s’approprier face à la monarchie laréflexion sur l’organisation politique de l’État. Pour Boulainvilliers commepour Mably, l’histoire du royaume est celle d’une « dégradation » du pacteoriginel sous la poussée du despotisme royal. En outre, si le droit naturelimpose l’égalité et la liberté de tous, la distinction de la noblesse commeordre privilégié devient plus difficile à justifier sans faire appel à descompétences spécifiques.3) Dès lors, la distinction (qui ne se limite plus à la seule noblesse)s’acquerra par l’engagement au service des Lumières, c’est‐à‐dire du bienpublic : la noblesse doit intervenir dans le domaine public pour éclairerles autres ordres et pour travailler à la perfection de la « civilisation ».Cet engagement n’est nullement d’ordre démocratique, et Mably expliqued’ailleurs que, si tout homme est libre, il ne saurait pour autant participeraux affaires. La masse est en effet représentée par une « populace sanscrédit, sans considération, sans fortune, qui ne peut rien par elle‐même »et qui est avilie par l’obligation quotidienne du travail 14 . La noblesse aucontraire, qui bénéficie d’une manière d’otium antique, aura à tâche decultiver la vertu et de s’engager activement pour le bien commun. Le ducde La Rochefoucauld‐Liancourt, que nous retrouverons, ne dira pas autrechose en 1789 : il faut rétablir l’équilibre entre le mouvement de la sociétécivile et des institutions figées, et qui lui correspondent de plus en plus mal.En 1789, les hommes les plus sages et les plus dévoués à la monarchie(…) désiraient surtout que les institutions fussent mises en rapport avecl’état de la société. Ils voulaient assurément affermir le trône et non14François Furet, Mona Ozouf, « Deux légitimations historiques de la sociétéfrançaise au XVIII e siècle : Mably et Boulainvilliers », dans Annales Économie SociétéCivilisation, 1979, 34, p. 438‐450, ici p. 439.


Les nobles comme « passeurs culturels » et le rôle de l’imprimé en France... 81le renverser, (…) [et] croyaient nécessaire, pour atteindre ce but, dechanger les principes et les formes du gouvernement 15 .Dans ce dispositif, le livre et l’imprimé joueront un rôle décisif en tantque principal média des Lumières, c’est‐à‐dire du changement.3) La bibliothèque moderne : trajectoire d’un paradigmeL’histoire des bibliothèques privilégie souvent les monographies(parfois présentées sur le mode hagiographique), et tend parfois à latéléologie 16 . À partir du XI e siècle en Occident, les bibliothèques passentdes seules maisons religieuses aux institutions d’enseignement (notammentles collèges) et aux familles princières ou nobles 17 . Plus tard, l’humanismes’accompagne d’une ouverture des collections au groupe des amis et desfamiliers, tandis que les bibliothèques privées commencent à se multiplier,certaines particulièrement riches. La bibliothèque moderne apparaît àpartir surtout du XVII e siècle, et la téléologie déroule dès lors la trajectoired’institutions tendant comme naturellement à s’ouvrir de plus en pluspour être mises à la disposition de tous. Dans le long terme, le paradigmedominant est celui de l’ouverture et de la publicité (Öffentlichkeit). Ce quiprécède la « bibliothèque publique moderne », notamment à l’époque desLumières, est tout simplement de l’ordre de la préfiguration, sur un modepresque religieux :Au siècle des Lumières s’affirment deux mouvements de portéeinternationale et longue durée. L’un concerne les grandes bibliothèquesprivées (…). L’autre, plus général, annonce la bibliothèque publiquemoderne 18 .15Frédéric Gaëtan, marquis de La Rochefoucault‐Liancourt, Vie du duc de LaRochefoucauld‐Liancourt (François‐Alexandre‐Frédéric), Paris, de l’imprimerie de A.Henry, 1831, ici p. 26.16Histoire des bibliothèques françaises, [II]. Les bibliothèques sous l’AncienRégime, 1530‐1789, dir. Claude Jolly, 1 ère éd., Paris, 1988. On remarquera que cet ouvragedevenu pour la France le principal usuel sur le sujet, développe un plan implicitementtéléologique, en faisant appel au syntagme double « de… à » dans l’énoncé de certainestêtes de chapitre : « Des librairies humanistes à l’essor du modèle lettré », ou encore « Dela bibliothèque de Mazarin à la bibliothèque Mazarine ». Le syntagme « vers » renvoiequant à lui à une orientation plus explicite, comme dans le titre : « Vers la bibliothèquepublique ».17Fréderic Barbier, « Représentation, contrôle, identité : les pouvoirs politiques etles bibliothèques centrales en Europe, XV e ‐XIX e siècles », dans Francia, 1999, t. 26, n° 2,p. 1‐25.18Denis Pallier, Les Bibliothèques, 10 e éd., Paris, 2002, ici p. 29.


82 FRÉDÉRIC BARBIERPour autant, c’est l’Église, et non pas le prince, les nobles ni les « lettrés »,qui joue le rôle initiateur en matière de modernité bibliothéconomiqueautour des années 1600. Nous avons montré ailleurs 19 comment la théoriede la bibliothèque moderne apparaissait d’abord en Italie, avec la fondationpar certains prélats de bibliothèques ouvertes et disposées dans une grandesalle faisant office de salle de lecture et de magasin à livres : la BibliothecaAmbrosiana, fondée à Milan par le cardinal Federico Borromeo, sert à partirde 1609 de prototype à d’autres réalisations en Europe. La conjoncture estcelle de la reconquête catholique et de la Contre‐Réforme post‐tridentine,dans laquelle il s’agit de mettre à disposition une bibliothèque savante,conçue comme devant fournir aux catholiques les outils nécessaires pourrépondre à l’érudition réformée.Le modèle italien sera importé en France par Gabriel Naudé (1600‐1653),qui fait la théorie de la bibliothéconomie moderne dans son célèbre Advis(1627) 20 . Naudé, qui travaille comme bibliothécaire pour le présidentMesmes, puis pour le cardinal Bagni à Rome, rentre en France en 1642, àla demande de Mazarin, pour prendre en charge la gestion de sa collection– la demande est précisément faite alors que Richelieu vient de disparaître,après avoir recommandé Mazarin comme son successeur 21 . Naudé est unreprésentant idéaltypique des libertins érudits et des cercles de la sociabilitésavante 22 , et le titre IX de l’Advis justifie la fondation d’une bibliothèque19Frédéric Barbier, « Contenus, pratiques, représentations : qu’est‐ce qu’unebibliothèque des Lumières en France au XVIII e siècle ? », à paraître dans les Actes ducolloque de Fribourg (Suisse), 2010.20Gabriel Naudé, Advis pour dresser une bibliothèque. Présenté à Monseigneurle Président de Mesme, À Paris, chez François Targa, 1627 (nouv. éd., 1644). Le XVII esiècle voit, outre le classique de Naudé, la publication des traités de Claude Clément, S.J. (Musei sive bibliothecae tam privatae quam publicae extructio, instructio, cura, usus,Libri IV, accessit accurata descriptio Regiae Bibliothecae S. Laurenti Escurialis, insuperParaenesis allegorica ad amorem litterarum, Lyon, J. Prost, 1635), et de Louis‐Jacob deSaint‐Charles, S. J. (Traicté des plus belles bibliothèques publiques et particulières quiont este et qui sont à présent dans le monde, Paris, Rolet le Duc, 1644). Voir aussi l’abbéP. Le Gallois, Traité des plus belles bibliothèques de l’Europe. Des premiers livres qui yont été faits. De l’invention de l’imprimerie. Des imprimeurs. De plusieurs livres qui ontété perdus & recouvréz par les soins des sçavans. Avec une méthode pour dresser unebibliothèque, Paris, Étienne Michalet, 1685.21Christian Jouhaud, Les Pouvoirs de la littérature. Histoire d’un paradoxe, Paris,2000 ; Jean‐Marc Chatelain, Livres, lectures et collections en France à l’âge classique,Paris, 2003. Pour Robert Descimon, la démarche de Naudé est « idéale » (elle vise labibliothèque définie comme idéale par son contenu textuel), et elle ne se continuera passous cette forme au XVIII e siècle.22René Pintard, Le Libertinage érudit dans la première moitié du XVII e siècle,


Les nobles comme « passeurs culturels » et le rôle de l’imprimé en France... 83par son ouverture au public. Pour autant, la modernité reste relative, et laréférence ultime se révèle en réalité celle de la Rome antique, avec laquelleles modernes auront à concourir. C’est sur les conseils de Naudé que Mazarinrend sa collection accessible chaque semaine le jeudi et, témoignage dela dimension politique de l’événement, l’ouverture est annoncée dans lenuméro du 30 janvier 1644 de la Gazette de France – l’hebdomadaire créépar Richelieu et faisant pratiquement office de feuille officielle 23 . On saitque cette bibliothèque, après bien des vicissitudes, sera reconstituée en1689 au Collège des Quatre Nations. La Bibliothèque du roi quant à elle,reprise en mains par Colbert et considérablement enrichie grâce aux moyensfinanciers mis à sa disposition, s’installera à partir de 1721 dans l’ancienPalais de Mazarin et dans les bâtiments attenants, ce qui lui permettra des’ouvrir elle aussi peu à peu davantage 24 .Avec les cardinaux‐ministres (Richelieu et Mazarin) et leurssuccesseurs (Colbert, François Michel Le Tellier de Louvois, et sonfils Camille Le Tellier, dit l’abbé de Louvois), la monarchie absolues’approprie en effet comme une illustration de la gloire du roi le modèleitalien de la bibliothèque moderne, universelle et « publique ». La référenceultime, qui est celle de l’Antiquité, est mise au service de la représentationpolitique : la Bibliothèque du roi se recommande d’abord en ce qu’ellesurpasse en richesses et en magnificence jusqu’à la bibliothèque du Muséed’Alexandrie 25 . Cette réussite témoigne de la translatio studii et du faitque, aux XVII e et XVIII e siècles, le pôle de la civilisation et du progrèsest désormais localisé en Europe occidentale : pour les commentateurs, lacapitale du royaume a succédé à la Grèce.Enfin il y a dans Paris, qu’on peut avec raison appeler l’Athènes denostre temps & le véritable séjour des Musés, qui s’y sont retirées pourvivre avec plaisir sous l’agréable domination d’un Monarque dontles vertus sont incomparables. 1) Celle du Roy, qui pourroit disputerParis, 1943, 2 vol. Henri‐Jean Martin, Livre, pouvoirs et société à Paris au XVII e siècle(1598‐1701), nelle éd., Genève, 1984, 2 vol.23Le cardinal Mazarin « oblige tout le monde de faire servir son hostel d’uneAcadémie pour les doctes et curieux qui y vont en foule tous les jeudis depuis le matinjusqu’au soir feuilleter sa belle bibliothèque ornée d’environ neuf mille volumes en toutessciences ».24Simone Balayé, La Bibliothèque nationale, des origines à 1900, Genève, 1988.25L’idée sera encore reprise par l’Encyclopédie : la Bibliothèque du Roi est « la plusriche & la plus magnifique qui ait jamais existé (…). Ce n’est qu’après une longue suited’années & diverses révolutions qu’elle est enfin parvenue à ce degré de magnificence &à cette espèce d’immensité qui éterniseront à jamais l’amour du roi pour les lettres et laprotection que ses ministres leur ont accordée ».


84 FRÉDÉRIC BARBIERd’excellence & pour le nombre des Livres & des manuscripts en toutessortes de langues, pour leur antiquité, & pour leur bonté [beauté] avectoutes les autres Bibliothèques du monde… 26La problématique des Lumières verra dès lors s’affirmer plusieurschamps de tension. D’abord, si l’Antiquité classique a fourni le modèleaccompli de la civilisation, l’Europe moderne aura à cœur d’actualiser cemodèle et de le dépasser. Parallèlement, les concurrences se développent :le modèle de l’absolutisme fait école, et les bibliothèques des souverainseuropéens rivalisent pour s’imposer en tant que pôles des Lumières (pensonsà la Hofbibliothek, la Bibliothèque impériale de Vienne, ou encore à lanouvelle Bibliotheca Palatina fondée à Parme en 1761 27 ). Enfin, dans lesdernières décennies du XVII e siècle, la question se pose, de savoir qui, de lapuissance politique (la monarchie absolue) ou de la société civile, celle‐ciconduite par la noblesse, s’appropriera le premier rôle dans la marche duprogrès : dans cette conjoncture, la question du livre, du savoir livresque etdes bibliothèques s’impose comme stratégique.II – UNE DYNASTIE IDÉALTYPIQUE1) D’une conjoncture l’autre : la famille de La RochefoucauldLa position de la noblesse sera précisée, en France, à l’aide d’unexemple révélateur : il s’agit de la dynastie des La Rochefoucauld, « unedes plus anciennes et des plus illustres du royaume » 28 , qui tire son nom dela bourgade de La Rochefoucauld, sur la Tardoire, non loin d’Angoulême 29 .Dans cette région frontière, les La Rochefoucauld assoient leur fortunependant la Guerre de cent ans, en soutenant avec constance le roi de Francecontre les Anglais. Par la suite, ils entrent au service du roi, à la cour etdans les campagnes militaires : François Ier de La Rochefoucauld († 1517)est chambellan de Charles VIII et de Louis XII, et il tient le futur FrançoisIer sur les fonds baptismaux à Angoulême en 1494. Le nouveau roi le feraaussi comme chambellan, tandis que la baronnie de La Rochefoucauld estérigée en comté.26P. Le Gallois, Traité des plus belles bibliothèques de l’Europe, ouvr. cité, p.147‐148.27Andrea De Pasquale, « La formazione della Regia Biblioteca di Parma », dansHCL, V, 2009, p. 297‐316.28Georges Martin, Histoire et généalogie de la maison de La Rochefoucauld, LaRicamarie, 1975.29Marie Vallée, La Rochefoucauld, un château, une famille, Saint‐Projet, 2008.


Les nobles comme « passeurs culturels » et le rôle de l’imprimé en France... 85Il n’y a pas lieu ici de dévider la saga familiale aux XVI e ‐XVIII e siècles,mais de mettre en évidence les moments forts de la conjoncture. Dès le XVI esiècle, la réussite sociale et politique engage des intérêts intellectuels etartistiques : François III de La Rochefoucauld († 1572) est d’abord hommede guerre, mais épouse Silvia Pic de la Mirandole (Pico della Mirandola).André Thévet, lui‐même d’Angoulême, lui dédie sa Cosmographie deLevant publiée en 1554 et dont Frank Lestringant pense que le comte l’apeut‐être financée 30 . C’est aussi lui qui introduit Thévet à la cour et qui lefait présenter à Henri II. François III devient par son deuxième mariagele beau‐frère du prince de Condé, chef du parti protestant : il participe ducôté protestant aux batailles de Jarnac et de Moncontour (1569), avant debénéficier de l’amnistie apportée par la paix de Saint‐Germain (1570).Devenu un familier de Charles IX, il est assassiné à Paris lors des massacresdu 24 août 1572. Son fils, le prince de Marsillac, sera encore tué à la bataillede Saint‐Irieix (1591).À la génération suivante, voici François de La Rochefoucauld(1558‐1645) 31 , ancien élève des jésuites au collège de Clermont etsuccessivement abbé de Tournus, évêque de Clermont, puis cardinal(1607) et évêque de Senlis. Le prélat est surtout connu pour son rôlepolitique (il présidera un temps le Conseil d’État), mais aussi pour sonrôle à Sainte‐Geneviève de Paris, dont il est nommé abbé en 1619, à lademande de Richelieu. Il entreprend dès lors activement de reconstituer labibliothèque de l’abbaye, en lui donnant d’abord 600 volumes de sa proprecollection (1624), avant de la lui léguer en entier (1640) 32 . Signalons enfinqu’il est le parrain du deuxième duc de La Rochefoucauld, François VI, àParis en 1613.François VI (1613‐1680) est bien évidemment la personnalité la plusconnue de la lignée. Ad. Régnier explique qu’il n’a reçu qu’une éducationtrès sommaire, en Poitou et en Charente, et rappelle le jugement de Madamede Maintenon :M. de La Rochefoucauld n’avoit pas étudié ; mais il avoit un bon sensmerveilleux, et il savoit parfaitement bien le monde.30Histoire d’André Thévet, Angoumois…, éd. Jean‐Claude Laborie, FrankLestringant, Genève, 2006.31Fils de Charles de La Rochefoucauld.32Joseph Bergin, Cardinal de La Rochefoucauld. Leadership and Reform in theFrench Church, New Haven, London, 1987. Alfred de Bougy, Histoire de la BibliothèqueSainte‐Geneviève. Suivi d'une Monographie bibliographique ou Catalogue des ouvrages,manuscrits et imprimés relatifs à Sainte‐Geneviève, à son église, à son abbaye, auxchanoines réguliers de la congrégation de France ou Génovéfains, et à leur bibliothèque,par P. Pinçon, Paris, Comptoir des imprimeurs‐unis, 1847.


86 FRÉDÉRIC BARBIERLui‐même est toujours amateur de »romans » :les romans [ont] été de bonne heure un aliment favori de l’esprit denotre auteur, qui paraît en avoir conservé le goût jusqu’à la fin (…).Mme de Sévigné, dans une lettre du 12 juillet 1671, se console par sonexemple de « la folie qu’elle a elle‐même pour ces sottises‐là » (…). LaRochefoucauld ne manquait point de lire L’Astrée au moins une fois paran, et (…) il s’enfermait pour n’être point distrait de ce plaisir.Si La Rochefoucauld participe dès l’âge de seize ans à des campagnesmilitaires et s’il joue un rôle particulièrement actif pendant la Fronde,il est d’abord connu comme homme de plume, auteur de Mazarinades,mais surtout de Mémoires 33 et des célèbres Sentences et maximes 34 . C’estprécisément lui qui illustre le mieux le renversement qui s’opère dans lescatégories de la plus haute noblesse du royaume au XVII e siècle : il estengagé, et combien activement, dans les troubles remettant en cause lamonarchie elle‐même, surtout lors des moments de succession au trône,et il expliquera dans ses Mémoires, avoir été « persécuté » sous Richelieumais espérer beaucoup de la régence :La mauvaise santé du Roy & le peu de disposition où il estoit de confierses enfans & son Estat à la Reyne me faisoient espérer de trouver bientost des occasions considérables de la servir…Gouverneur du Poitou en 1646, La Rochefoucauld rejoint pourtant peuaprès le camp des frondeurs et devient l’une des principales figures du« parti des Importants ». Après la réconciliation avec le souverain, il serafait chevalier du Saint‐Esprit : on comprend la signification que prennentles Sentences et maximes, ouvrage dominé par une conception pessimistede la nature humaine, et précisément rédigé au moment où s’impose laconjoncture politique nouvelle de l’absolutisme, et où les plus grandsseigneurs sont ravalés au rang de courtisans. Au demeurant, Saint‐Simonexpliquera en 1714 que le roin’a jamais pu [lui] pardonner, le seul peut‐être de tous les seigneurs duparti de M. le prince, et M. de La Rochefoucauld le sentait si bien qu’ilne se présentait presque jamais devant le roi.33François de La Rochefoucauld, Mémoires de M. D. L. R. Sur les Brigues àla mort de Louys XIII. Les Guerres de Paris & de Guyenne, & la Prison des Princes.Apologie pour Monsieur de Beaufort. Mémoires de Monsieur de La Chastre. Articles dontsont convenus Son Altesse Royalle & Monsieur le Prince pour l'expulsion du CardinalMazarin. Lettre de ce Cardinal à Monsieur de Brienne, Cologne, Pierre van Dyck, 1662(impr. à Bruxelles, F. Foppens).34François de La Rochefoucauld, Réflexions ou Sentences et maximes morales,Paris, Claude Barbin, 1665.


Les nobles comme « passeurs culturels » et le rôle de l’imprimé en France... 87Mais avec son fils François VII, les ducs et pairs de La Rochefoucauldréintègrent définitivement les cercles les plus élevés du pouvoir. Lui‐mêmeest pourtant, toujours aux dires de Saint‐Simon, d’unefigure (…) tout‐à‐fait désagréable. Un homme entre deux tailles, maigreavec de gros os, un air niais quoique rude, des manières embarrassées,une chevelure de filasse et rien qui sortit de là (…). [Il était] sans aucunesprit, sans discernement, glorieux, rude et rustre en toutes ses manières,très volontiers brutal, désagréable en toutes ses façons…Pourtant, la faveur de Louis XIV ne se démentira pas, comme à l’un deses confidents les plus proches. La réconciliation avec le trône est scelléepar le mariage du duc François VIII (1663‐1728), petit‐fils de l’auteurdes Sentences, avec Marie Charlotte Le Tellier, la propre fille du ministrede la Guerre et tout puissant secrétaire d’État (1679) – alliance de deuxmodèles de réussite nobiliaire, mais aussi mariage voulu par le roi et dontSaint‐Simon dira tout le mal qu’il en pense :Du reste, [François VII] de La Rochefoucauld ne regarda jamais sabelle‐fille que comme la fille de l’homme du monde qu’il haïssait le plus,ni son fils que comme le gendre de Louvois.Quant au fils, François VIII, il est à son tour jugé de manière trèsnégative – le fond de son caractère serait celui d’un valet :Rogue, avare à l’excès, sans esprit que silence, ricanerie, malignité quilui avaient fait donner le nom de Monseigneur le Diable, force gloireet bassesse tout à la fois, et un long usage du monde en supplémentd’esprit, fit la charge de grand‐maître de la garde‐robe servilement,sans nul agrément, en valet assidu et enragé de l’être.Dans le même temps, les châteaux de province, La Rochefoucauld etVerteuil sont abandonnés, comme trop éloignés des centres du pouvoir 35 ,au profit des résidences de Paris, de Versailles, et des deux châteaux de LaRoche‐Guyon, aux portes de la Normandie 36 , puis de Liancourt, non loinde Chantilly 37 .35Inventaire des meubles existant dans les châteaux de La Rochefoucauld, deVerteuil et de la Terne à la mort de François VIII de La Rochefoucauld (1728)…, éd. P.Fleury, Angoulême, [s.n.], 1886. Le mobilier est généralement ancien et très médiocre,ce que l’on peut rapporter au fait que les châteaux sont inhabités depuis déjà un certaintemps.36Le château est érigé en duché‐pairie au XVII e siècle. Émile Rousse, LaRoche‐Guyon, Paris, Hachette, 1892.37Le château est érigé en duché en 1673 pour Roger du Plessis, puis il passe à une


88 FRÉDÉRIC BARBIER2) Deux « passeurs » des LumièresLa trajectoire des La Rochefoucauld constitue au XVIII e siècle commele miroir des évolutions que nous avons dites : l’appropriation de la culturenouvelle est à l’ordre du jour, et le rôle de l’imprimé et des bibliothèquess’en trouve profondément déplacé. Deux personnalités très remarquablesnous retiendront ici.Orphelin à trois ans, Louis Alexandre de La Rochefoucauld (1743‐1792)est élevé par son grand‐père Alexandre de La Rochefoucauld, duc de LaRoche‐Guyon, et par sa mère, la princesse Louise Elisabeth d’Enville(1716‐1797). En 1744, à la suite de l’affaire de Metz 38 , le duc, qui s’estfait une puissante ennemie en la personne de la favorite, la duchesse deChâteauroux, est exilé pour dix ans à La Roche‐Guyon. Le château devientdès lors un lieu de ralliement pour les philosophes, les politiques et lesscientifiques : une bibliothèque est créée, et un observatoire installé dansl’une des tours 39 . L’image du grand seigneur d’autant plus cultivé et sagequ’il est retiré de la cour, et qui s’emploie à faire le bien autour de lui touten profitant des joies de la famille, est comme symbolisée par le portraitque le peintre Alexandre Roslin fait d’Alexandre de La Rochefoucauld :« Un père arrivant à sa terre, où il est reçu par sa famille » (le tableau estexposé au salon de 1765 40 ). Alexandre de La Rochefoucauld rentre à Parisaprès dix ans d’exil, mais il ne reparaîtra jamais à la cour.Quant à la princesse d’Enville, très proche des philosophes, familièredu salon de Madame du Deffand, soutien très actif des Calas, elle accomplitle voyage de Genève avec son jeune fils, et rencontre Voltaire. L’hôtelparisien est un lieu de ralliement pour les philosophes, les politiques et lesscientifiques – on y verra Turgot, Condorcet, Tronchin, Franklin, l’abbéBarthélemy, Saussure et nombre d’autres. Ce sont, en somme,les hommes les plus distingués dans les sciences et les lettres, lesétrangers les plus illustres et les hommes d’État les plus indépendants.On peut dire (…) qu’on regardait cet hôtel comme le principal foyerde l’opposition libérale (…). Cette opposition n’est pas hostile enversbranche de la famille de La Rochefoucauld. Henri de La Rochefoucauld, fils puîné du ducFrançois VII, meurt à Liancourt en 1749, sans avoir été marié.38Louis XV tombe très gravement malade à Metz, et le parti dévot l’humilie enchassant sa maîtresse la duchesse de Châteauroux.39Annick Couffy, Curiositas humana est : le château de La Roche‐Guyon, un salonscientifique au siècle des Lumières, Nesles‐la‐Vallée, 1998. Michel Harnard, La Famillede La Rochefoucauld et duché pairie de La Roche‐Guyon au XVIII e siècle, Paris, 2008.40N° 77. Voir Denis Diderot, Œuvres (…). Salons. Tome I, nelle éd., Paris, 1821, p.206‐212.


Les nobles comme « passeurs culturels » et le rôle de l’imprimé en France... 89la royauté, puisqu’elle tend au contraire à l’affermir en la fondant surla liberté des peuples. L’hôtel de La Rochefoucauld fut tout ministérieltant que Turgot et Malesherbes furent à la tête des affaires, et le duc deLiancourt, qui partagea les espérances que ces hommes de bien avaientfait naître, demeura encore ministériel après leur retraite parce qu’ilretrouva dans le caractère et la conduite de M. Necker les principes deraison et de sagesse éclairée nécessaires au gouvernement des états.[Il] se lia intimement avec ce ministre, et applaudit surtout à ce compterendu qui établit en France la première publicité des revenus et desdépenses de l’État 41 .L’engagement de la princesse est connu de tous, et lorsque Turgot seretire à La Roche‐Guyon après sa disgrâce en 1776,le parti de M. Necker publia (…) l’estampe où Turgot est représenté encabriolet avec Madame la duchesse d’Enville, Dupont (de Nemours),de Vaisnes et les abbé Beaudeau et Roubeau le tirent, foulent des amasde blé, la voiture verse et Madame d’Enville montre, d’une manièretrès‐libre, cinq mots écrits en grosses lettres : liberté, liberté, libertétoute entière 42 .Bien entendu, la princesse a une bibliothèque personnelle, mais c’estelle qui fait aménager la bibliothèque de La Roche‐Guyon, et elle possèdeun fer à ses armes : il est significatif que l’exemplaire à ses armes décrit parOlivier, Hermal et De Roton (n° 713) concerne l’édition originale (1766)des Réflexions sur la formation et la distribution des richesses de Turgot.Principalement attiré par l’histoire naturelle, Louis Alexandre visitel’Italie (1765‐1766), la Suisse, l’Angleterre et la Suède, où il se lie avecGustave III. En 1771, revenant de Turin, il arrive à Briançon, d’où il écrit àson ami et protégé le géologue Nicolas Desmarest :Pour le coup je me familiarise avec les montagnes, et si ce n’étoit pasde bon gré, il faudroit que ce fût de force, car j’en suis tellement entouréque je ne puis faire un pas sans les visiter ; aussi taché je d’en profiter,je ramasse tant que je puis, j’observe autant qu’il m’est possible, etj’espère vous apporter quelques certitudes sur la composition des Alpes.En général jusqu’à présent il résulte de mes recherches que la plushaute chaîne des Alpes est composée de granite, et d’autres matériauxvitrifiables, où le quartz domine, [et ?] que les chaînes secondaires sontpour la plupart formées de pierres calcaires (sans aucun reste pourtant41Vie du duc de La Rochefoucauld‐Liancourt, ouvr. cité, p. 17‐19.42Jean‐Louis Soulavie, Mémoires historiques et politiques du règne de Louis XVI…,tome II, Paris, Treuttel et Würtz, an X (1801), ici p. 404‐305.


90 FRÉDÉRIC BARBIERde corps marins), [mot rayé] de schistes, et de pierres talqueuses oumicacées, que ces derniers matériaux laissent entrevoir une ancienneformation par couches, mais [mot rayé] tellement désordonné qu’ilest bien difficile de croire qu’elles ayent été une fois horisontales ; jene vous en dirai pas d’avantage aujourd’huy, me réservant à avoir làdessus quelques conversations avec vous cet hyver 43 .Son cabinet scientifique sera mentionné comme l’un des plusintéressants et des plus riches de Paris dans l’Almanach du voyageur àParis pour 1783 44 . Ce proche de Lavoisier est élu à l’Académie des sciences(1781), et il participe activement à la fondation de deux institutions visant àfavoriser et à diffuser les Lumières, la Société royale de médecine (1778) etl’Athénée de Paris, dans le cadre duquel sont organisés des cours publics.Enfin, il est pleinement engagé, au cours des décennies 1770 et 1780, dansle mouvement en faveur des réformes : ce franc‐maçon est un familier deBenjamin Franklin 45 , avec lequel il travaille régulièrement. L’Amériqueindépendante est un modèle et, comme Condorcet l’a été en 1775 et commeson propre cousin Liancourt le sera en 1796, le duc est élu membre del’American Philosophical Society en 1787. Madame du Deffand dit de luiqu’il a « toutes les qualités qui s’acquièrent ».Son engagement se fait plus actif encore à compter de 1787 : il estnaturellement membre de l’Assemblée des notables 46 , mais aussi l’un desfondateurs de la Société des Amis des Noirs (créée à l’initiative de Brissot,sur le modèle anglais, en février 1788, et œuvrant pour l’abolition del’esclavage). Élu par la Noblesse aux États Généraux, La Rochefoucauldest reconnu comme une figure des modérés, partisans du systèmeconstitutionnel. Alors que le Tiers s’est déclaré Assemblée nationaleconstituante (17 juin 1789) et qu’il est rejoint par une partie des députés duClergé, une séance royale est organisée le 23 juin, au cours de laquelle le roiordonne à l’Assemblée de se séparer. Comme le Tiers refuse, des troupesauraient été envoyées pour chasser les députés. La Révellière‐Lépeauxrapporte alors que43Conservatoire d'art et d'histoire d'Annecy, fonds Payot n° LM 011. Le duc estaccompagné d’un valet de chambre du nom de Viremont.44Yves Laissus, « Les cabinets d’histoire naturelle », dans Enseignement et diffusiondes sciences au XVIII e siècle, Paris, 1964. L. V. Thierry, Almanach du voyageur à Paris(…), année 1783, Paris, Versailles, 1783.45Daniel Vaugelade, La Question américaine au XVIII e siècle à travers lacorrespondance du duc Louis Alexandre de La Rochefoucauld (1743‐1792), Paris, 2001.46Procès verbal de l’Assemblée de notables tenue à Versailles l’annéeM.DCCLXXXVII, Paris, Imprimerie royale, 1788.


Les nobles comme « passeurs culturels » et le rôle de l’imprimé en France... 91plusieurs députés de la minorité de la noblesse étaient rassemblés surune terrasse attenant (…), dans leur grand costume,(…) les ducs de LaRochefoucauld, de Liancourt, etc., tous dans les opinions de Necker,voulant l’établissement d’un gouvernement constitutionnel à l’anglaise,avec la branche régnante de la dynastie. (…) Ils partent tous à l’instant ;ils barrent le chemin au détachement, enfoncent leurs chapeauxempanachés, mettent l’épée à la main, et déclarent au commandant qu’illeur passera sur le corps à tous avant qu’il ne parvienne aux députésdes communes.Mais La Rochefoucauld, retiré à La Roche‐Guyon au lendemain du 10août, sera massacré à Gisors le 14 septembre 1792. Son cousin AlexandreFrédéric de La Rochefoucauld‐Liancourt (1747‐1827) porte dès lors le titrede duc La Rochefoucauld, et le rôle de passeur lui sera encore plus nettementdévolu. Après une éducation que son fils dira peu poussée, Liancourt s’étaitmarié à 17 ans (« c’était l’usage du temps »), avant de faire « lui‐même[son] éducation ». Il écrit :J’ai reçu dans mon enfance l’éducation accoutumée alors, celle ducollège où huit à neuf cents élèves étaient uniquement employés àapprendre le latin que bien souvent on ne savait pas en sortant. Sansêtre un aigle dans mes études, je n’y étais pas un des écoliers les moinsdistingués… 47En définitive, Liancourt rappellera comment son éducation s’estsurtout faite dans les résidences familiales et dans les salons. Plus que lacour (le mépris apparaît constamment dans le récit qu’il donne de la mortde Louis XV en 1774 48 ), les conversations, les voyages – et les lectures – yoccupent une place centrale : à partir de 1768, il voyage à plusieurs reprisesen Angleterre, où il rencontre Walpole, mais il visite aussi la Suisse et est,à 19 ans, le premier Français à parcourir la vallée de Chamonix 49 . Opposéau « despotisme » de la monarchie absolue, le voici l’un des familiersde Chanteloup dès avant la disgrâce de Choiseul, mais c’est à Liancourtqu’il s’installe le plus volontiers pour y transporter « tous les progrès de lacivilisation la mieux éclairée » et y appliquer les recettes de l’agronomieétudiées en Angleterre : l’imitation du genre de vie de la gentry anglaise estévidente. Il compte parmi les fondateurs de la Société royale d’agriculture,47Jacques Ferdinand‐Dreyfus, Un Philanthrope d’autrefois. LaRochefoucauld‐Liancourt, 1747‐1827, Paris, Plon‐Nourrit, 1903, p. 9.48Bibliothèque de l’Arsenal, ms 6420.49François Alexandre Frédéric de La Rochefoucauld‐Liancourt, Relation inédited'un voyage aux glacières de Savoie en 1762, éd. Lucien Raulet, Paris, Club alpin français,1894.


92 FRÉDÉRIC BARBIERà laquelle il fera plusieurs communications. Dans le même ordre d’idées, ilfaut, pour lui, s’employer à la diffusion des connaissances utiles auprès descatégories les moins favorisées – et l’imprimerie aura bien évidemment iciun rôle à jouer, comme il l’explique en 1786 :On néglige trop, en France, l’instruction du peuple ; on a mêmemis souvent en question s’il fallait le laisser ignorant, comme si laconnoissance de ses vrais intérêts ne devoit pas le rendre meilleur.On imprimera tous les quinze jours une feuille dans laquelle serontconsignées toutes les expériences utiles aux habitans des campagnes.Cette feuille sera envoyée à tous les curés, à tous les syndics de village,prêtée à ceux qui voudroient la lire, envoyée gratis aux cabaretsprincipaux… 50Le rôle du grand seigneur est d’ailleurs décrit par son fils comme celuid’un passeur, soit par le biais de la publication, soit par l’exemple :Je me rappelle avec quelle douce satisfaction il parcourait ces vasteschamps chargés d’une richesse nouvelle, et avec quelle complaisanceinfatigable il expliquait les sources de cette richesse aux habitans qu’ilengageait à l’imiter… 51 .Au retour de son premier voyage en Angleterre, le duc implante àLiancourt une ferme modèle (1770), des manufactures et plus tard (1780)une école d’application dans les arts et métiers pour les fils de militaires.Cette « École de la Montagne » 52 , le premier établissement d’éducationélémentaire et technique dans le royaume, deviendra la future École desArts et Métiers, ensuite transportée à Compiègne et à Châlons‐s/Marne. En1790 encore, le duc crée une filature de coton.Président de l’assemblée provinciale de l’élection de Clermont,Liancourt siège à l’assemblée de la généralité de Soissons, avant d’êtreenvoyé par la noblesse aux États Généraux 53 . Il se rallie au Tiers le 27 juin,et présidera la Constituante du 18 juillet au 3 août 1789 : il soutient unerévolution à la tête de laquelle serait le roi, et écrira d’ailleurs lui‐même avoir« constamment été du côté gauche de l’Assemblée ». Mais cette positionréformatrice est de moins en moins tenable selon que les événements seprécipitent : Liancourt se résout à émigrer après le 10 août 1792, et il se50Mémoires d’agriculture, 1786, 2, p. 26 et suiv.51Vie du duc de La Rochefoucauld‐Liancourt, ouvr. cité, p. 15.52Ainsi dénommée parce qu’elle est installée dans l’ancienne ferme de la Faïencerie,sur le versant de la « Montagne » de Liancourt.53Henri Baumont, Le Département de l’Oise pendant la Révolution, nelle éd., Paris,1993.


94 FRÉDÉRIC BARBIERmuette et douloureuse d’un deuil public peut‐elle porter atteinte à latranquillité générale, ou même troubler les jouissances des courtisansdu pouvoir et des favoris de la fortune ?III – <strong>LE</strong>S <strong>LIVRE</strong>S ET <strong>LE</strong>S BIBLIOTHÈQUES1) La trajectoire des bibliothèques familialesComme toutes les collections très importantes, les bibliothèques desdifférentes branches de la famille de La Rochefoucauld sont constituées destrates successives, que l’on a du mal à préciser faute d’une étude sérielle.Elles mériteraient une étude approfondie, laquelle reste pratiquement àconduire étant données l’ampleur et la difficulté du sujet. Notre proposse bornera ici à quelques observations ponctuelles, articulés avec laproblématique des passeurs culturels.a – Les La Rochefoucauld et la « révolution culturelle » du XVI e siècle 55La première remarque concerne la présence du livre, et l’intérêtconfirmé des La Rochefoucauld pour le domaine de l’écrit – nous l’avonsdéjà souligné à propos de François III. La vente d’une soixantaine demanuscrits, d’incunables et de précieux ouvrages du XVI e siècle conservés,jusqu’en 1927, dans la bibliothèque de La Roche‐Guyon et alors proposésaux enchères, permet de se faire une idée de la richesse d’une bibliothèque,qui était probablement celle François Ier de La Rochefoucauld et de sesdeux successeurs 56 . La vente s’ouvrait par une dizaine de manuscrits,pour la plupart des XIV e et XV e siècles, et tous en langue vernaculaire :Chroniques de Saint‐Denis, Tristan, Horloge de sapience, etc. Parmi lespièces que nous avons pu repérer, une mention particulière doit être faitepour un recueil comprenant La Fleur des histoires d’Orient de Hayton etLe Devisement du monde de Marco Polo, manuscrit aujourd’hui conservé àla Pierpont Morgan Library de New York 57 .Nous sommes devant un ensemble qui, par son luxe et par le privilègedonné aux textes en vernaculaire, notamment romans et récits historiques,55Emmanuel Fureix, « Un rituel d’opposition sous la Restauration : les funérailleslibérales à Paris (1820‐1830 », dans Genèses, 2002, 1, n° 46, p. 77‐100.56Gilbert Gadoffre, La Révolution culturelle dans la France des humanistes, préf.Jean Céard, Genève, 1997.57Catalogue de manuscrits et incunables provenant de la bibliothèque du châteaude la R.G., Paris, 1927.


Les nobles comme « passeurs culturels » et le rôle de l’imprimé en France... 95est typique de la culture de cour dans le royaume de France au tournantdes XV e ‐XVI e siècles. Le fait est confirmé par l’analyse des quarante‐huitvolumes imprimés passés ensuite en vente. Nous y remarquons parexemple deux exemplaires des traduction d’Aristote par Nicolas Oresme :l’Éthique à Nichomaque, édition parisienne de Vérard en 1488 58 , a étéreliée pour Charles VIII et Anne de Bretagne, de même que les Politiqueset les Économiques, qui portent en outre l’ex‐libris de François Ier de LaRochefoucauld, chambellan du roi 59 . Parmi les autres volumes, plusieurstitres de Boccace, mais aussi l’Aiguillon de l’amour divin et l’Histoireecclésiastique d’Eusèbe de Césarée. Le Lancelot du lac figure dans laseconde édition donnée par Antoine Vérard, avec un exemplaire ayantappartenu en 1575 à Nicolas Moreau d’Auteuil, trésorier de France etbibliophile réputé 60 . L’ouverture à la culture moderne est sensible à traversplusieurs titres, dont l’Hypnerotomachia, présente dans l’édition vénitienned’Alde Manuce (1499) : l’exemplaire porte un ex‐libris manuscrit « de LaRochefoucauld » 61 . Au total, une bibliothèque somptueuse, typique de cetteculture princière de la plus haute noblesse associant textes en vernaculaireet ouverture progressive aux curiosités humanistes nouvelles.b – Le temps des troubles religieux et politiquesLa seconde moitié du XVI e siècle et la période jusqu’en 1661 estmarquée par des troubles très violents, dans lesquels les La Rochefoucauldsont des acteurs de premier plan, qu’il s’agisse des luttes religieuses oudes troubles politiques pendant les périodes de régence. Dans les deux cas,la bibliothèque familiale reflète l’engagement des comtes, puis des ducs.Le temps de la crise religieuse apparaît d’abord, avec un exemplaire desMémoires de l’estat de la France, de Simon Goulart, portant l’ex‐libris« de Larochefoucauld » 62 (n° 565) : né à Senlis, dans cette région si58Jean‐François Kosta‐Théfaine, « L’illustration de La Fleur des histoires d’Orientde Hayton dans le manuscrit New York, Pierpont Morgan Library, M. 723 », dans Cahiersde recherches médiévales et humanistes, 12, 2005, p. 191‐204.59Aristoteles, Ethica ad Nicomachum [Français]. Les Éthiques en françoys, trad. etcomm. Nicolas Oresme, Paris, [Antoine Caillaut et Guy Marchand, pour Antoine Vérard],8 IX 1488 ( HC 1759).60Aristoteles, Politica [Français]. Le Livre de politiques (Tr. et comm. NicolausOresme). Oeconomica [Français] Yconomique (trad. et comm. Nicolaus Oresme), Paris,[Antoine Caillaut et Guy Marchant], pour Antoine Vérard, 8 VIII 1489 (HC 1772).61MacFarlane, n° 166. L’exemplaire, qui figurait dans les collections John F.G. Fleming, puis Abel Berland, a été vendu par Christies à New York les 8 et 9 octobre2001.62Franciscus Columna, Hypnerotomachia Poliphili, Venezia, Aldus Manutius,


96 FRÉDÉRIC BARBIERouverte à la sensibilité religieuse nouvelle, Goulart succédera commepasteur à Théodore de Bèze à Genève, mais il est surtout célèbre commeun auteur prolifique du parti protestant. Les Mémoires sont connues pourleur témoignage concernant les événements de la Saint‐Barthélemy, dontl’auteur pense qu’ils relèvent d’un complot organisé. Il est significatif devoir que la bibliothèque conserve un exemplaire d’une édition de Goulartapparemment datée de 1577 et portant, comme les différentes éditions dutemps, l’adresse fictive de Heinrich Wolf à Middelbourg, très certainementen lieu et place d’un professionnel de Genève 63 .La monarchie contestée s’efforce de se rallier les plus grands seigneurs,souvent turbulents, en leur octroyant des charges prestigieuses. FrançoisV, premier duc de La Rochefoucauld, est ainsi nommé lieutenant‐généraldu Poitou. Or, le libraire‐imprimeur Abraham Mounin donne, à Poitiersen 1644, la seconde édition des Annales d’Aquitaine publiées d’abord en1557. L’ouvrage est dédié à François V, dont le portrait figure en tête.L’exemplaire conservé dans la bibliothèque de La Roche‐Guyon possèdeune reliure aux armes de François VIII de La Rochefoucauld.Mais les années 1630 sont aussi, pour Pierre Chaunu, le temps du« miracle » de la nouvelle pensée scientifique, où Descartes tient bienévidemment un rôle de premier plan. Il est possible, voire probable, qu’unepartie des exemplaires de différentes œuvres de Descartes que possède labibliothèque de La Roche‐Guyon viennent de François VI, l’auteur desMaximes : la première édition de la Géométrie 64 et celle du Discours de laméthode 65 , les Méditations métaphysiques de 1673 66 ou encore les Lettresde Monsieur Descartes dont le catalogue précise que l’exemplaire est« usagé » 67 . Le Monde ou Traité de la lumière… est un traité rédigé parDescartes peu après la publication du Discours de la méthode, mais quiRomanus, pour Leonardus Crassus, 1499 (HC 5501*). Le même ex‐libris semblefigurer sur les Illustrations… de Lemaire de Belges, édition de 1513 et sur le Roman dePerceforest, édition de 1531‐1532.63[Vente. Monte Carlo. 8 et 9 décembre 1987] Bibliothèque du château de LaRoche‐Guyon, provenant de la succession de Gilbert de La Rochefoucauld, duc de LaRoche‐Guyon…, Monaco, Sotheby’s Monaco, 1987 (n° 565). Ce catalogue est d’unefiabilité scientifique médiocre (dès le premier paragraphe du court avant‐propos, lerédacteur indique que Liancourt et La Roche‐Guyon seraient situés en Angoumois !).64Cécile Huchard, D'encre et de sang. Simon Goulart et la Saint‐Barthélemy, Paris,2007.65René Descartes, La Géométrie, Paris, Charles Angot, 1664.66René Descartes, Discours de la méthode [suivi du Traité de la dioptrique et del’Abrégé de la musique], Paris, Charles Angot, 1668.67René Descartes, Méditations métaphysiques, Paris, Théodore Girard, 1673.


Les nobles comme « passeurs culturels » et le rôle de l’imprimé en France... 97n’a été publié qu’en 1664 : un exemplaire en vente en 2012 est signalé auxarmes de La Rochefoucauld, sans plus de précisions, alors qu’il ne semblepas figurer au catalogue de 1987 68 . En toute logique, ce serait encoreFrançois VI qui aurait constitué les trente deux recueils de quelque 3860Mazarinades reliés aux armes des La Rochefoucauld 69 . Nous savons toutl’intérêt porté par Gabriel Naudé à la publication et à la collecte de ce typede pièces, et Hubert Carrier, qui cite la collection de La Rochefoucauld,explique que, à l’époque de la Fronde, « les grands seigneurs conservaientaussi les Mazarinades » dans des collections dont la première qu’ilmentionne est celle de la duchesse de Chevreuse 70 .c – Les bibliothèques du siècle des LumièresDans les dernières décennies de l’Ancien Régime, les deux principalesbranches de la famille conservaient des livres et des bibliothèques dans leschâteaux de la campagne, et à Paris – et, bien sûr, les utilisations ne sontpas les mêmes selon les lieux et selon les moments. Louis Alexandre deLa Rochefoucauld, duc de La Roche‐Guyon, meurt en 1792 à Gisors. Lechâteau possédait évidemment une bibliothèque, venue pour une grandepartie du grand‐père et de la mère du duc, la princesse d’Enville. L’hôtelde La Rochefoucauld, rue de Seine, abritait lui aussi une bibliothèque. Labibliothèque de La Roche‐Guyon sera reconstituée au XIX e siècle. Le ducde Liancourt possédait quant à lui une bibliothèque dans son château deLiancourt, bibliothèque qu’Arthur Young estime à « sept ou huit millevolumes ». Les catalogues conservés semblent indiquer qu’il s’agit d’unensemble plus « moderne », dans lequel les titres du XVIII e siècle sontlargement dominants – mais le point reste à confirmer. Le 17 septembre1793, « le citoyen Genaille » en remet l’inventaire, mais il semble que lesvolumes soient en partie restés sur place, tandis que certains de ceux qui ontété dispersés peuvent être récupérée en 1800 71 . Le duc avait en outre unebibliothèque à Paris, elle aussi appréciée par Young, qui parle, en 1789, d’une immense collection de brochures, car [le duc] achète tout ce quise publie sur les affaires du moment et entre autres les cahiers [dedoléances] de tous les districts et villes de France pour les trois ordres68René Descartes, Lettres de Monsieur Descartes, apparemment exemplairecomposite à partir de plusieurs éditions, 3 vol. au total.69Bibliothèque du château de La Roche‐Guyon, ouvr. cité, n° 722.70Hubert Carrier, La Presse de la Fronde (1648‐1653) : les Mazarinades, Genève,1989, 2 vol., ici t. I, p. 14.71Bibliothèque de l’Arsenal, ms. 6478.


98 FRÉDÉRIC BARBIER– on le voit, la logique est la même que celle qui poussait François VIà collectionner, lui aussi, les pièces de circonstances, comme instrumentsd’information et outils permettant de s’engager plus efficacement. Cettebibliothèque parisienne est saisie comme bien d’émigré le 21 septembre1793, et son inventaire dressé par Hubert Pascal Ameilhon 72 . Une partiedes volumes sera restituée après que le duc ait été radié de la liste desémigrés, tandis que la bibliothèque de Liancourt est elle‐même transportéeà La Roche‐Guyon par François XIII de La Rochefoucauld‐Liancourt(1765‐1848) après le rachat du château à son cousin Louis de Rohan‐Chabot(1829).Malheureusement, nous avons vu comment, à partir de la décennie1920, des exemplaires aux armes de La Rochefoucauld Liancourt passentisolément en vente publique, avant la vente des plus belles pièces de labibliothèque de La Roche‐Guyon en 1927. Le reste des volumes decette bibliothèque est vendu en 1987, à la suite du décès de Gilbert deLa Rochefoucauld, duc de La Roche‐Guyon, pour régler les droits desuccession. Seule la salle sur deux niveaux subsiste encore, peuplée de« fantômes », tandis que des volumes portant le cachet de La Roche‐Guyon etsouvent sous des reliures armoriées homogènes apparaissent régulièrementdans les ventes publiques ou sur les catalogues de libraires. Les épaves desbibliothèques familiales sont aujourd’hui rassemblées dans la bibliothèqueaménagée dans le château de La Rochefoucauld.2) À La Roche‐Guyon : géologie de la bibliothèque et mémoire de lafamilleSource de distraction et instrument de formation et de travail, labibliothèque de La Roche‐Guyon se donne aussi à analyser, aux XVII e etXVIII e siècles, à travers le paradigme de l’identité et de la gloire de la famille.A travers ce que nous pourrions appeler sa « géologie », la collection delivres fonctionne en effet comme le conservatoire de l’histoire dynastique :les volumes y entrent à la suite de successions ou de mariages 73 , par achatsou par dons (avec notamment les dédicaces des auteurs ou des éditeurs).Les vicissitudes de la trajectoire familiale se traduisent par le déplacement72Ameilhon (1730‐1811), d’abord entré dans les ordres, s’est très vite tourné versl’histoire de l’Antiquité, avant d’être élu à l’Académie des inscriptions. Sous la Révolution,il est membre de la Commission des monuments et aurait, comme tel, sauvé un grandnombre de volumes. Il sera nommé en 1797 conservateur à la bibliothèque de l’Arsenal.73Les La Rochefoucauld possédaient aussi le château de Montmirail, anciennementaux Louvois, et qui est mis en vente en 1993 : la bibliothèque qui s’y trouvait conservéeaurait alors été transportée à La Rochefoucauld.


Les nobles comme « passeurs culturels » et le rôle de l’imprimé en France... 99des exemplaires, par leur confiscation (à l’époque révolutionnaire), parfoisaussi par leur cession. Cette mémoire est consubstantielle de l’identitéfamiliale, laquelle s’affiche notamment par le biais d’armoiries dont lemotif fait référence aux origines poitevines de la lignée : « Burelé d’argentet d’azur, à trois chevrons de gueules brochant sur le tout, le premierécimé ». Rappelons que la famille de Lusignan porte burelé d’argent etd’azur, de sorte que les chevrons des La Rochefoucauld sont considéréscomme une brisure désignant une branche cadette. Le cimier renvoie quantà lui à la généalogie fabuleuse associant Lusignan et la fée Mélusine : « unemélusine à deux queues dans sa cuve, les mains levées, tenant de sa dextreun peigne et de sa senestre un miroir ».Mais l’intérêt pour la généalogie est aussi sensible, dès le XVII e siècle,à travers différents titres présents dans la bibliothèque : ainsi du Crémonialfrançois 74 , de l’Histoire des connestables, chanceliers et gardes dessceaux, mareschaux, admiraux (…) depuis les origines, avec leurs armeset blasons donnée par l’Imprimerie royale en 1658 75 , et surtout des Tablesgénéalogiques des maisons des ducs et pairs de France de Saint‐Martind’Arène, imprimées à Paris par Balard en 1664.Les Statuts de l’ordre du Saint‐Esprit, sortis des presses de l’Imprimerieroyale en 1703, figurent dans la collection sous forme d’un exemplaire régléet somptueusement relié – la bibliothèque possède une seconde édition, àla date de 1724 (n° 783). Les Statuts de l’ordre de saint Michel sont aussidonnés par l’Imprimerie royale en 1725, et sont conservés sous une reliureaux armes royales. L’ouvrage porte une mention manuscrite : « Donné parl’Ordre ce 4 avril 1726 ». Le Catalogue des chevaliers, commandeurs etofficiers de l’ordre du Saint‐Esprit est imprimé par Ballard en 1760 et s’ouvrepar un frontispice de François Boucher : l’exemplaire de la bibliothèquepossède une reliure en veau marbré aux armes de l’ordre. Mais voici encoreles grands traités de généalogie publiés au XVIII e siècle, comme l’Histoiregénéalogique et chronologique de la maison royale de France dans lesneuf volumes de la troisième édition 76 : nul doute que les ducs et pairs deLa Rochefoucauld, grands officiers de la couronne, ne trouvent un intérêt74Théodore Godefroy, Le Cérémonial François, Paris, Sébastien et GabrielCramoisy, 1649, 2 vol. (n° 560).75Théodore Godefroy, Histoire des connestables, chanceliers et gardes des sceaux,mareschaux, admiraux (…) depuis les origines, avec leurs armes et blasons…, Paris,Imprimerie royale, 1658 (n° 559).76Anselme de Sainte‐Marie, Histoire généalogique et chronologique de la maisonroyale de France, des pairs, grands officiers de la Couronne & de la Maison du Roy,& des anciens Barons du Royaume…, troisième édition, Paris, par la Compagnie deslibraires, 1726‐1733, 9 vol. (n° 330).


100 FRÉDÉRIC BARBIERcertain à l’ouvrage du Père Anselme de Sainte‐Marie. Nous remarquonsaussi plusieurs autres monographies familiales : l’Histoire des comtes dePoictou et ducs de Guyenne de Jean Besly (Paris, Gervais‐Alliot, 1647)vient apparemment de la bibliothèque de Jean‐François Paul Le Febvre deCaumartin (1668‐1733), garde des livres de la Bibliothèque du roi, puisévêque de Vannes et de Blois 77 . Incidemment, l’exemplaire, qui porte unenote ms : « ex cata. Bibliothecae Caumartin » (1735), nous informe sur unevoie possible d’accroissement de la bibliothèque à l’époque des enfants deFrançois VIII, à savoir les acquisitions faites lors des grands ventes. Il porteles armoiries d’Alexandre de La Rochefoucauld († 1762).Nous pouvons rattacher à la même problématique les spectaculairesreliures exécutées pour les Le Tellier, de même qu’un certain nombred’autres titres relevant de l’histoire familiale. Dans cette perspective,une place particulière doit être faite à François VI de La Rochefoucauldet à ses Maximes. La première édition de l’ouvrage est donnée à Paris,chez Claude Barbin (« sur le second perron de la Sainte‐Chapelle »), en1665 : la bibliothèque possède des exemplaires de la 5 e édition, et deséditions parisiennes de 1693, 1737 et 1778 (édition dite « du centenaire »,établie par Suard, imprimée par l’Imprimerie royale et à laquelle le ducde La Rochefoucauld a participé) 78 . L’exemplaire de 1693 porte unesignature manuscrite « de La Rochefoucauld » (en trois mots) au titre, etune reliure aux armes d’Alexandre de La Rochefoucauld ; celui de 1737porte aussi une reliure aux armes de la famille ; enfin, sur celui de 1778,il s’agit d’un maroquin rouge aux armes jointes de Jean‐François de LaRochefoucauld‐Surgères et de son épouse, tandis que les caissons du dossont ornés d’un petit fer reprenant le motif héraldique du cimier de lafamille (la fée Mélusine). Remarquons enfin un exemplaire des Mémoiresde M.D.L.R. sur les brigues à la mort de Louis XIII, quatrième édition(1664), décrit sans mention d’appartenance.Avec le thème de la gloire familiale et de la représentation, nousretrouvons la bibliophilie, déjà rencontrée au XVI e siècle. Nous ne revenonspas sur les reliures aux armes, mais remarquons particulièrement l’Histoireromaine de Louis Cousin, dans l’édition donnée à Paris par Rocolet et la77Catalogue des livres de la bibliothèque de feu Monseigneur Jean‐François PaulLe Febvre de Caumartin, évêque de Blois…, Paris, Marie‐Jacques Barrois, Jacques Guérin,1734. Le catalogue compte 660 pages, ce qui témoigne de la richesse de la bibliothèquede l’évêque. La base « Esprit des livres » mise en ligne par l’École des chartes donne uncertain nombre de précisions sur Le Febvre de Caumartin (1668‐1733), filleul du cardinalde Retz, et sur la vente de 1735, aux Grands Augustins de Paris.78François de La Rochefoucauld, Maximes et réflexions morales, préf. Jean‐BaptisteSuard, Paris, Imprimerie royale, 1778, 8°.


Les nobles comme « passeurs culturels » et le rôle de l’imprimé en France... 101veuve de Damien Foucault en 1678, et dédiée à Le Tellier : la bibliothèquede La Roche‐Guyon possède en effet le propre exemplaire du chancelier,exemplaire de dédicace réglé et relié en maroquin rouge à ses armes. Lesgrandes éditions du Cabinet du roi, sont spectaculaires, et leur présencedans la bibliothèque manifeste clairement la volonté des ducs d’apparaîtrecomme des personnalités majeures de la cour royale. Les Tapisseries duroi illustrent les conquêtes de Louis XIV et sont reliées en maroquin rougeaux armes royales. Il faut y joindre les Vues des maisons royales et desvilles conquises, et surtout les Plans, veues et ornemens de Versailles parLepautre, Israël Sylvestre et d’autres artistes, ainsi que la Description de lagrotte de Versailles donnée par l’Imprimerie royale en 1679. La bibliothèquepossède aussi la Relation de la feste de Versailles du 18 juillet 1668, d’AndréFélibien, ouvrage sorti des presses de l’Imprimerie royale en 1679. Dansla même catégorie des livres de cour et de fêtes, nous relevons la présencedes Médailles de Louis le Grand dans la seconde édition de 1723 79 , et de laDescription des fêtes données par la ville de Paris à l’occasion du mariagede Louise Élisabeth de France avec Philippe de Bourbon, second fils dePhilippe V d’Espagne, en 1739 80 . Enfin, le catalogue mentionne les Fêtesdonnées par la ville de Strasbourg à l’occasion de la guérison et du passagedu roi, en 1744, donc au lendemain de l’affaire de Metz 81 : l’exemplaire estsomptueusement relié en maroquin rouge à la dentelle, frappé aux armesroyales et à celles de La Rochefoucauld, par Padeloup le jeune 82 .79Médailles sur les principaux événemens du règne entier de Louis le Grand (…),seconde édition..., Paris, Imprimerie royale, 1723 (n° 723).80Description des fêtes données par la ville de Paris à l'occasion du Mariagede Madame Louise‐Elisabeth de France et de Dom Philippe, infant et Grand Amirald'Espagne les vingt‐neuf et trente Août 1739, Paris, de l'imprimerie de P.G. Le Mercier,imprimeur ordinaire de la ville, 1740 (n° 484, rel. maroquin rouge aux armes de la ville).81Johann Martin Weiss, Représentation des Fêtes données par la ville de Strasbourgpour la convalescence du Roy, à l'arrivée et pendant le séjour de sa Majesté en cetteville, Paris, Aubert, 1744 (n° 958) (Cohen, Guide de l'amateur de livres à gravures duXVIII e siècle, 870). Titre gravé par Marvye, frontispice gravé par Wille d’après Parrocel.Gravures de Jacques‐Philippe Le Bas (1707‐1783), d’ap. les dessins de Johann MartinWeis (1711‐1751), texte gravé dans des encadrements décoratifs. L’ouvrage figure aussidans certaines collections de grands amateurs, dont Adamoli. On connaît des exemplaires(pas tous en maroquin) aux armes royales, d’autres aux armes de la ville de Strasbourg.Les armoiries combinées, comme ici, semblent les plus rares.82Antoine Michel Padeloup, 1716‐1758, relieur du roi à partir de 1733, établi« place de la Sorbonne ». L’édition a été commandée par le prêteur royal François Josephde Klinglin.


102 FRÉDÉRIC BARBIER3) À La Roche‐Guyon : des voyages à la géo‐politiquePour autant, la bibliothèque de La Roche‐Guyon telle que nous pouvonsla saisir de manière bien floue et incomplète, correspond de plus en plus auXVIII e siècle au modèle d’une bibliothèque de travail. Les grands thèmesde la bibliographie nouvelle y sont en effet présents en nombre, dont nousretiendrons ici, à titre d’exemple, ceux relatifs à la géo‐politique – maisbien d’autres domaines seraient aussi à explorer.La géographie et les voyages sont en effet l’un des thèmes privilégiésde la « librairie » du temps, alors que l’exploration systématique du globese poursuit, notamment dans le Pacifique et en Amérique. La bibliothèquepossède ainsi plusieurs Voyages autour du monde : celui de Sir FrancisDrake est l’un des plus anciens (Paris, Jean Gesselin, 1627, exemplaire auxarmes de François VIII de La Rochefoucauld ), tandis que celui de WilliamDampnier est présent dans sa première édition en français (Amsterdam,Paul Maret, 1701). La question du passage du Nord‐Ouest, autrement dit lapossibilité de rejoindre l’Atlantique au Pacifique par le nord du continentaméricain, agite longtemps les esprits. Henry Ellis (1721‐1806), explorel’itinéraire en 1746, et son récit, traduit en français, est publié à Paris parBallard fils en 1749 83 . Dix ans plus tard, Ellis sera nommé gouverneur deGéorgie. Bien évidemment, les voyages de Cook, qui comptent parmi lesbest‐sellers des Lumières, figurent à La Roche‐Guyon dans les éditionssuccessives de 1774 84 , 1778 (deuxième voyage) 85 et 1785 86 . Le deuxièmevoyage avait confirmé le fait que le continent austral n’existait pas, tandisque le troisième vise à nouveau à explorer les voies du « grand passage »entre Pacifique et Atlantique nord. C’est au cours de ce voyage que Cookest poignardé par un indigène, le 14 février 1778.D’autres voyages ont un objectif plus exclusivement scientifique : laquestion de la forme exacte de la terre touche aux discussion sur l’attractionuniverselle et sur le système du cosmos. On sait que Cassini pensaitavoir mesuré un allongement de la terre aux pôles, alors que Newton faitl’hypothèse de l’aplatissement, cohérente avec sa théorie de l’ellipsoïde83Henry Ellis, Voyage de la baye de Hudson fait en 1746‐1747 pour la découvertedu passage du Nord‐Ouest, trad. fr., Paris, Ballard fils, 1749, 2 vol. (n° 510).84James Cook, Relation des voyages (…) pour faire les découvertes dansl’hémisphère méridional, Paris, Saillant & Nyon et Panckoucke, 1774 (n° 451).85James Cook, Voyage dans l’hémisphère austral et autour du monde, Paris, Hôtelde Thou, 1778, 5 vol. (n° 451).86James Cook, James King, Troisième voyage de Cook, ou Voyage à l’OcéanPacifique, Paris, Hôtel de Thou, 1785, 4 vol. et un vol. d’atlas (exemplaire relié aux armesde La Rochefoucauld).


Les nobles comme « passeurs culturels » et le rôle de l’imprimé en France... 103de révolution. Deux expéditions françaises, l’une au nord, l’autre versl’équateur, doivent chacune mesurer la longueur d’un arc de 1° du méridien,pour en faire la comparaison. Le premier voyage est conduit en Laponiepar l’abbé Outhier et Maupertuis en 1736‐1737 : la bibliothèque conserveun exemplaire de la relation publiée à Paris en 1744 87 . La Figure de laterre, par Pierre Bouguer (Paris, Charles Antoine Jombert, 1749), traitedu voyage de La Condamine en Amérique du Sud. L’aplatissement de laterre aux pôles, par suite de sa rotation, confirme les théories de Newton,dont Alexandre de La Rochefoucauld semble au demeurant avoir été unpartisan – il possède en effet un exemplaire des Principes philosophiquestraduits par la marquise du Châtelet 88 .Certaines géographies privilégiées apparaissent à travers le choixdes livres : l’Amérique du Sud, avec la Relation d’Aguña sur le bassinde l’Amazone 89 ou encore avec la Description géographique de laGuyane, par Jacques Nicolas Bellin 90 . Pierre Barrère est un naturalisteet un médecin, qui visite la Guyane en 1722 et publie en 1743 unerelation, présente à La Roche‐Guyon 91 . L’Histoire de l’Amérique deRobertson traite des colonies espagnoles : la bibliothèque possède latraduction donnée par Suard et Jansen à Paris en 1778 92 . L’Asie, etnotamment la Chine, constituent un autre point fort de la bibliothèque,qu’il s’agisse de récits de voyage, de géographie ou de traités historiques.La Suisse et la chaîne des Alpes attirent de plus en plus l’attention, etla collection comprend notamment l’État de la Suisse écrit en 1714 93 ,87Abbé Regnault Outhier, Pierre Louis Moreau de Maupertuis, Journal d’un voyageau Nord en 1736 et 1737, Paris, Piget, Durand, 1744 (Librairie Le Bail, janv. 2012, armesd’Alexandre de La Rochefoucauld). D’autres titres de Maupertuis au catalogue de 1987,n° 718 et 719.88Isaac Newton, Principes mathématiques de la philosophie naturelle, trad. fr.,Paris, Desaint et Saillant, 1759, 2 vol. (n° 766).89Christoval Aguña, Relation de la rivières des Amazons traduite par feu Mr. deGombreville…, Paris, Claude Barbin, 1682, 2 vol. (n° 309).90Jacques Nicolas Bellin, description géographique de la Guyane, Paris, Didot,1763 (n° 355).91Pierre Barrère, Nouvelle relation de la France équinoxiale, contenant ladescription des côtes de la Guiane ; de l'isle de Cayenne ; le commerce de cette colonie ;les divers changemens arrivés dans ce pays ; et les mœurs et coûtumes des différenspeuples sauvages qui l'habitent, Paris, Piget, Damenonville, Durand 1743 (Librairie LeBail, janv. 2012).92William Robertson, Histoire de l’Amérique, trad. fr. par Suard et Jansen, Paris,Panckoucke, 1778, 4 vol. (n° 838).93Temple‐Stayan, L’État de la Suisse, écrit en 1714, trad. de l’anglais, Amsterdam,Wetstein, 1714 (n° 390).


104 FRÉDÉRIC BARBIERl’Histoire de Watteville 94 , la Description des Alpes de Bourrit (suivie dela Nouvelle description des glacières (…) de Savoie) 95 et le Manuel deWittenbach 96 . Le magnifique recueil consacré par Sir William Hamilton(1730‐1803) aux Champs Phlégréens traite principalement du problèmede la volcanologie, mais il aborde aussi la civilisation antique 97 . Sur cemême thème de la volcanologie, la bibliothèque possède bien évidemmentle classique des Recherches Barthélemy Faujas de Saint‐Fond… 98Mais la problématique politique devient plus particulièrement sensibles’agissant d’une géographie spécifique, qui est celle de l’Amérique duNord. Nous rencontrons à La Roche‐Guyon des titres sur l’Amérique dès lesannées 1700, comme la première édition française de l’Amérique angloisede Richard Blome 99 ou l’Histoire de la Virginie traduite en français 100 .Mais le thème s’impose surtout dans la seconde moitié du siècle : si lesLettres à un Américain traitent avant tout d’histoire naturelle à travers lestravaux de Buffon et de Condillac 101 , voici l’Histoire et commerce descolonies angloises dans l’Amérique septentrionale 102 , tandis que plusieursautres acquisitions viennent encore témoigner de l’intérêt du duc LouisAlexandre pour les événements d’Amérique du nord, et pour l’organisation94A.‐L. de Watteville, Histoire de la Confédération Helvétique, Berne, Gottschallet Cie, 1754 (n° 390).95Marc Théodore Bourrit, Description des Alpes pennines et rhétiennes, Genève,J.‐P. Bonnant, 1781, 2 vol. (n° 390). Nouvelle description des glacières et glaciers deSavoie, Genève, P. Barde, 1785 (n° 390).96J. S. Wittenbach, Manuel pour les savans et les curieux qui voyages en Suisse,Berne, E. Haller, 1786 (n° 390).97Sir William Hamilton, Campi Phlegraei, Naples, Peter Fabris, 1776, 2 vol. et unvol de suppl., apparemment absent de la bibliothèque (n° 578). La vente de 1927 proposaitaussi, comme seul ouvrage du XVIII e siècle, un exemplaire des Antiquités étrusques,grecques et romaines : tirées du cabinet du M. William Hamilton…, gravées par David,présentées par Pierre François Huges d’Hancarville, et publiées pour la première éditionen trois volumes à Naples en 1766‐1767.98Barthélemy Faujas de Saint‐Fond, Recherches sur les volcans éteints du Vivaraiset du Velay. Grenoble, Cuchet ; Paris, Nyons, 1778 (n° 520).99Richard Blome, L’Amérique angloise, ou Description des îles et terres du roid’Angleterre dans l’Amérique…, Amsterdam, Abraham Wolfgang, 1688 (n° 375).100Robert Beverley, Histoire de la Virginie, trad. fr., Paris, Pierre Ribou, 1707 (n°366).101Joseph Adrien Lelarge de Lignac (?), Lettres à un Américain sur l’histoirenaturelle, Hambourg [Paris], [s. n.], 1751‐1756, 3 vol. (n° 661).102G. M. Butel‐Dumont, Histoire et commerce des colonies angloises dansl’Amérique septentrionale, Londres, [s. n. ?], 1755.


Les nobles comme « passeurs culturels » et le rôle de l’imprimé en France... 105politique de la nouvelle confédération. Il s’agit, d’abord, des Observationssur la Virginie que Thomas Jefferson a rédigées alors qu’il était en retraitde l’action politique : la version française préparée par l’abbé Morellet sorten 1786, alors même que Jefferson vient de succéder à Benjamin Franklincomme ambassadeur des États‐Unis à Paris 103 . Deux ans plus tard, JacquesPierre Brissot (Brissot de Warville) visite les États‐Unis, et il publiera en1791 une relation de son voyage : l’ouvrage, qui figure à La Roche‐Guyon,constitue un témoignage intéressant de la poursuite des acquisitions pourla bibliothèque alors que la Révolution est engagée 104 . Enfin, le voyageaux États‐Unis du duc de La Rochefoucauld‐Liancourt en 1795‐1797fera l’objet d’une édition en huit volumes sous le titre de Voyage dans lesÉtats‐Unis d’Amérique, édition donnée à Paris en l’an VII : il était attendude trouver le titre à La Roche‐Guyon, mais les temps ont changé, et lareliure n’en présente plus rien de remarquable.Terminons par un ouvrage exceptionnel, puisqu’il s’agit de laConstitution des Treize Etats‐Unis de l’Amérique. Le texte en a été traduitsur une suggestion de Franklin par le duc Louis Alexandre, et l’ouvrage,financé par l’ambassadeur, est publié en 1783 par Philippe Denis Pierres,« imprimeur ordinaire du roi », et Pissot Père et Fils 105 . Franklin a donnéune cinquantaine de notes, et le tirage est réalisé à 500 exemplaires pourl’in‐octavo, et cent pour l’in‐quarto. Le duc de la Rochefoucauld a retenuun exemplaire in‐quarto sur grand papier, exemplaire somptueusementrelié 106 , mais la bibliothèque de l’université de Princeton conserve aussi unexemplaire in‐octavo aux armes de la princesse d’Enville 107 .103Thomas Jefferson, Observations sur la Virginie, Paris, Barrois l’Aîné, 1786 (n°586).104Nouveau voyage dans les Etats‐Unis de l’Amérique septentrionale fait en 1788,Paris, Buisson, 1791, 3 vol.105Philippe Vaugelade, Franklin des deux mondes [Correspondance avec le duc deLa Rochefoucauld], Paris, 2007.106Constitutions des treize États‐Unis de l’Amérique, trad.. fr. par Louis Alexandrede La Rocchefoucauld d’Enville [revue par Benjamin Franklin], À Philadelphie, et setrouve à Paris, chez P.‐D. Pierres, imprimeur ordinaire du Roi, Pissot Père et Fils, libraires,1783 (n° 641 : rel. maroquin rouge est. à chaud, triple encadrement de filets sur les plats,quatre fleurons dans les coins, armoiries au centre ; dos à cinq nerfs, les caissons décorésde fleurons, pièce de titre).107Echeverria Durand, « Publications françaises de la Déclaration d'Indépendanceet les constitutions américaines, 1776‐1783 », dans Bibliographical Society of America,Documents, 47 (1953), p. 313 et suiv. G. Chinard, « Notes on the French translations ofthe "Forms of government or constitutions of the several United States" 1778 and 1783 »,dans The American Philosophical Society (...) year book 1943, 1944, p. 88‐106.


Les nobles comme « passeurs culturels » et le rôle de l’imprimé en France... 107donnent un remarquable exemple. La problématique politique du XVIII esiècle français peut aussi s’analyser dans le cadre de la sociologie desorganisations, pour laquelle l’investissement opéré par la noblesse sur laformation intellectuelle se donne à comprendre comme la constructiond’une expertise nouvelle : les théoriciens des systèmes politiques posentque, si la noblesse veut contrebalancer le « despotisme » et constituer lecorps social en charge de piloter la modernisation possible de la sociétésous ses différents aspects, elle doit disposer d’une expertise efficace, doncavoir bénéficié d’une formation plus ou moins poussée et continue, garantede sa compétence 109 . Enfin, les deux cousins de La Rochefoucauld illustrent,à la fin de l’Ancien Régime, le modèle de l’« acteur marginal sécant », pourreprendre (même si la désignation n’est vraiment pas heureuse) la typologiede Michel Crozier et d’Erhard Friedberg 110 : « marginaux », ils le sont parleur volonté de se tenir souvent à l’écart de la cour, et par leur investissementdans une société éclairée et libérale qui privilégie la ville. « Sécants », ilsle sont aussi par leur souci de remplir une fonction d’intermédiaires et,surtout chez le duc de Liancourt, par la volonté affirmée de se tourner versle plus grand nombre, vers le « peuple ».Reste la question de la mise en œuvre et de la diffusion des connaissancesainsi accumulées. Chez les La Rochefoucauld, la bibliothèque, si richesoit‐elle, demeure à usage privé et, si elle s’ouvre, c’est, sur le modèle de labibliothèque de château, aux proches et à un petit groupe de familiers quifont partie de la même société à la fois élitiste et éclairée. Au‐delà de cescercles très minoritaires, l’information passe par la publication imprimée,et par la promotion par l’exemple – c’est tout le sens des entreprisesd’agronomie et de mise en valeur conduites autour de La Roche‐Guyon oude Liancourt. Si le choix d’une éducation élémentaire généralisée à toutela population est effectivement proclamé, nous restons dans un systèmepénétré de bons principes, mais fondamentalement inégalitaire. Les ducsauraient‐ils été plus cyniques, ils auraient pu faire leur le mot du prince deSalina mis en scène par Lampedusa dans Le Guépard : il faut effectivementfaire la révolution et « tout changer », mais pour que, en définitive, « rienne change ».109Michel Crozier, Le Phénomène bureaucratique, Paris, 1963.110Michel Crozier, Erhard Friedberg, L’Acteur et le système, Paris, 1977.


Transformations linguistiques et thématiquesdans les bibliothèques aristocratiques de la Hongriedu 18 e sièclePerspectives et exemplesISTVÁN MONOKEn Hongrie, le début du 18 e siècle fut caractérisé par des transformationessentielles. 1 Avant même l’expulsion des Turcs et tout au long de lapériode de la reconquête militaire du pays, il existait plusieurs projetsvisant la reconstruction, la réorganisation administrative et économique dupays, ainsi que la promotion culturelle de sa population 2 . Après la défaite1Cf. : Maurizio Tani, La rinascita culturale del ‘700 ungherese. Roma, 2005,Gregorian University Press ; Tamás Tóth, « Si nullus incipiat nullus finiet » La rinascitadelle Chiesa d’Ungheria dopo la conquista turca nell’actività di Gábor Patachich e diÁdám Patachich, Arcivescovi di Kalocsa‐Bács (1733‐1784). Budapest – Róma – Szeged,2011 (« Collectanea Vaticana Hungariae » Classis I, Vol. 6.) 13‐56.2Les projets les plus connus sont ceux élaborés respectivement par l’évêqueLéopold Kollonich, par le palatin Pál Esterházy, par le frère Angelus Gabriel Gautieride Nizza, et enfin par les Etats hongrois. Pour une étude consacrée à ces projets etpour l’édition critique des textes conçu par le palatin et adopté par la Cour, voir : JánosKalmár, János J. Varga eds., Einrichtungswerk des Königreichs Hungarn 1688–1690,Stuttgart, Steiner Verlag, 2010 (« Forschungen zur Geschichte und Kultur des östlichenMitteleuropa » 39.). Les conceptions des Etats hongrois sont étudiées par : János VargaJ., János Kalmár, A magyar királyság berendezésének műve. Függelék: A pozsonyi rendibizottság tervezete, az ún. « Magyar Einrichtungswerk » [L’oeuvre du rétablissementdu royaume hongrois. Annexe : les projet de la commission des Etats de Presbourg,c’est‐à‐dire l’Einrichtungswerk hongrois]. Budapest, Magyar Történelmi Társulat, 1993(« Századok Füzetek » 1.) Les conceptions du moine génois : (Il Governo dell’Ongaria):Anonyme, « Tüzes Gábor emlékirata Magyarország kormányzásáról » [Le mémoire deGábor Tüzes (=Gabriel Gautieri) sur le gouvernement de la Hongrie], Történelmi Tár,22(1900) 219‐397.


Transformations linguistiques et thématiques... 109de la lutte pour l’indépendance (1703‐1711), seule la conception élaboréeà la cour de Vienne put être mise en pratique. Les grands du pays, lesfamilles aristocratiques durent s’adapter à cette contrainte, mais dans laformation de la politique locale, ils ne manquèrent pas de tenter de fairevaloir leurs propres idées concernant l’avenir du royaume. Or, cela exigaitde leur part – en plus d’une base économique – une culture générale qu’ilsne pouvaient acquérir qu’au cours de leurs études et de leurs voyages.Certes, le milieu curial dans lequel il s’étaient trouvés dut jouer un rôle nonnégligeable dans ce processus d’acculturation, mais les personnages ayantcontribué à la réorganisation du pays et à l’enrichissement des institutionsculturelles disposaient eux‐mêmes d’une culture livresque plus ou moinsapprofondie. Voilá ce qui explique l’importance de l’étude thématique ducorpus de leurs lectures. 3Lorsqu’on prend en compte les divers facteurs déterminant la formationdes collections aristocratiques 4 , la situation pécuniaire des familles enquestion ne figure plus au premier rang : les livres, produits industrielsdésormais accessibles à pratiquement toutes les couches de la société,devinrent nettement moins chers qu’auparavant. L’activité de collectionneursubit par conséquent une transformation essentielle en Hongrie. La créationdes galeries familiales et des trésors ne reflètent pas seulement l’aisancematérielle de l’aristocratie, mais ils témoignent également du haut estimeque les magnats accordaient à l’art de l’orfèvrerie. En dehors des peintures,certains objets sont également susceptibles d’évoquer le passé glorieuxd’une famille ; parmi ses objets, les plus recherchés sont sans doute lesreliques des campagnes militaires, notamment les armes, les uniformes, lesoriflammes, etc. 5 Les collections d’objets rares ayant été complétées par des3Pour une synthèse de la situation aux 16‐17 e siècles, voir: István Monok, « DieBuch‐ und Lesekultur in Ungarn der frühen Neuzeit. Teilbilanz der Ergebnisse einer langenGrundlagenforschung, 1980‐2007 » Mitteilungen der Gesellschaft für Buchforschung inÖsterreich, 2008/1. p. 7‐31. ; István Monok, Les bibliothèques et la lecture dans le Bassindes Carpates 1526‐1750. Paris, Champion, 2011 (« Bibliothèque d’Études de L’EuropeCentrale » 4.) Dans ce dernier, voir le chapitre : « Aperçu du XVIII e siècle » (pp. 181‐218.)4Pour une synthèse de nos connaissances concernant l’activité de collectionneur,voir : Margit Szarvasi, Magánkönyvtárak a XVIII. században [Bibliothèques privées au18 e siècle], Budapest, 1939. ; Jenő Berlász, « Könyvtári kultúránk a 18. században » [Laculture des bibliothèques au 18 e siècle] In: József Szauder, Andor Tarnai eds., Irodalomés felvilágosodás. Tanulmányok, Budapest, Akadémiai Kiadó, 1974. p. 283‐332. ; GáborKelecsényi, Múltunk neves könyvgyűjtői [Les collectionneurs illustres du notre passénational], Budapest, Gondolat Kiadó, 1988. ; István Monok, Attila Buda, József Hapák(foto), A magyar bibliofília képeskönyve [L’album de la bibliophilie hongroise] Budapest,2006, Korona Kiadó.5Un modèle incontournable, comparable aux exemples d’Europe occidental, est


110 ISTVÁN MONOKoeuvres d’art contemporaines, la Hongrie de la fin du 18 e siècle vit enfinla formation de collections familiales comparables à celles qu’on trouveen Europe occidentale. Il suffit de penser aux châteaux d’Eszterháza et deKismarton de la famille Esterházy, mais les manoirs des Batthyány, desCsáky et des Ráday (famille protestante) illustrent également la profondeurde la transformation. 6 Le rôle que la bibliothèque joue dans la vie curialesubit également des changements importants. Les bibliothèques – ou plutôtles livres y conservés – fournirent souvent l’arrière‐fonds intellectuel de laconstruction du château, du manoir 7 ou bien du jardin 8 . Leur compositionreflète la transformation du fond en comble de la vie curiale (activitésmusicales et théâtrales, mécénat). 9 La bibliophilie, c’est‐à dire la collectiondes livres en tant qu’objets esthétiques 10 et précieux, accompagne aussi lasérie de changements dont nous parlons – notons aussi que cette dernièreactivité n’est pas sans rapport avec la formation de l’identité nationaleculturelle.Je tiens à mettre en relief un phénomène particulier qui, à mon sensau moins, a non seulement contribué à la transformation de la mentalitéet des attitudes culturelles des familles d’aristocrates hongroises, maisqui influait aussi sur la composition du corpus des bibliothèques. Lephénomène en question est le mariage des Hongrois avec les membres desfamilles comtales ou princières impériales. Arrivé(e) en Hongrie, l’épouxou l’épouse a apporté avec lui (elle) ses livres de prédilection et puisque lela cour de la famille Esterházy. De l’abondante littérature qui traitent de leur histoire,je cite ici le catalogue de l’exposition présentant plusieurs générations de la dynastie :Die Fürsten Esterházy. Magnaten, Diplomate und Mäzene. Austellung, Eisenstadt, 28. 4.bis 31. 10 1995. Katalog. Red. von Jakob Perschy. Eisenstadt, 1995 (« BurgenländischeForschungen » Sonderband XVI.)6Le manuel de l’histoire culturelle de la Hongrie du 18 e siècle (avec une bibliographiequi se veut complète) : Domokos Kosáry, Művelődés a XVIII. századi Magyarországon[La culture dans la Hongrie du 18 e siècle], Budapest, Akadémiai Kiadó, 1996.7Dorottya Cs. Dobrovits, Építkezés a 18. századi Magyarországon. Az uradalmaképítészete [L’architecture en Hongrie au 18 e siècle. Les manoirs]. Budapest, 1983,Akadémiai Kiadó (« Művészettörténeti füzetek » 15.)8Kristóf Fatsar, Magyarországi barokk kertművészet [L’horticulture baroque enHongrie]. Budapest, 2008, Helikon Kiadó.9Une présentation générale de l’image que les voyageurs étrangers se firentde cette transformation. Katalin G. Györffy, Kultúra és életforma a XVIII. századiMagyarországon. Idegen utazók megfigyelései [Culture et mode de vie dans la Hongrie du18 e siècle. Les observations des voyageurs étrangers]. Budapest, 1991, Akadémiai Kiadó(« Művészettörténeti füzetek » 20.)10Vö. : István Monok, « La bibliophilie en Hongrie au XVIII e siècle » Art et métiersdu livre, 2002. Nr. 230. p. 20‐25.


Transformations linguistiques et thématiques... 111nouveau venu (la nouvelle arrivée) ne parlait évidemment pas le hongrois,une nouvelle langue fut nécessairement introduite dans la vie de la cour.L’apparition subite, sur les registres du début du 18 e siècle, d’un corpusextrêmement moderne (quasi contemporain) et des éditions en allemand,français ou italiens des oeuvres littéraires antiques s’explique très souventpar un mariage conclu avec un comte étranger (ou une comtesse étrangère).N’oublions pas que cette entreprise très ambitieuse que fut l’expulsion desTurcs ne put être effectuée que grâce à une collaboration internationale.Plusieurs italiens, allemands – et d’autres venus d’encore plus loin –y participèrent. Nombre d’entre eux bénéficièrent de larges domainesen Hongrie ou ils décidèrent de s’installer. Citons un seul exemple :Alessandro Guadagni, d’Arezzo, mourut dans la bataille de Szentgotthárd(1664) ; son fils, János Gvadányi fut nommé capitain de la forteresse deSzendrő. Le petit‐fils d’Alessandro, János lui aussi, servait comme capitaindans l’armée de Simon Forgách lors de la révolte du prince Rákóczi. LesGvadányi avaient été comtifiés en Pologne (1686), puis ils ont naturaliséleur titre en Hongrie (1687) : au moment de cette élévation sociale, ilsse firent préparer un ex libris imprimé, ce qui atteste qu’ils étaient descollectionneurs engagés 11 .On peut également expliquer l’apparition dans les bibliothèques deslivres écrits en langue étrangère par le fait que l’armée multiethnique del’Empire des Habsbourg tenait garnison et donnait bataille aux endroitsles plus divers du continent européen. Or, plusieurs aristocrates hongroiscoururent une carrière militaire. Depuis la seconde moitié du 17 e siècle,il était d’usage que les militaires, pendant leur séjour forcé á l’étranger,se procuraient un important corpus de livres. Il suffit de penser à LászlóEbergényi 12 , à Ádám Czobor, à György Csáky, ou à János Nepomuk KázmérEsterházy (auquel je reviendrai plus tard). Certes, on ne doit pas exagérer lerôle du service militaire, puisqu’au 18 e siècle, la mobilité des membres del’aristocratie s’est intensifiée de manière considérable : en dehors de leursdéplacements diplomatiques et d’études, ils participèrent volontiers à desvoyages recréatifs, motivés par la seule curiosité de connaître d’autres paysque le leur.Au 18 e siècle, il était plus facile de s’acquérir des livres qu’auparavant.L’édition hongrois a également progressé, même s’il est vrai que dans11OSZK Régi Nyomtatványok Tára, exl. 179. Vö.: Zoltán Fallenbüchl, « GuadagniAlessandro leveleskönyve » [Les épîtres de G. A.] Az Országos Széchényi KönyvtárÉvkönyve 1979. Budapest, 1981. 409‐435.12Vö.: Péter Ötvös, « A Csáky‐énekeskönyv » [Le chansonnier Csáky]Irodalomtörténeti Közlemények, 1980. 486‐509.


112 ISTVÁN MONOKles deux premiers tiers du siècle elle est restée au service de la culture etl’enseignement en latin 13 . L’ultime tiers du 18 e siècle a vu la multiplicationdes livres en langue hongroise, due – en partie, au moins – au mécénatexercé par les familles aristocratiques. Le processus de la formationd’un vocabulaire spécialisé s’est engagé dans toutes les disciplines, dela grammatique à la philosophie, de la géométrie à la physique, de laconstruction routière au métier de sage‐femme. 14 Ce phénomène a laissé destraces durables sur la composition des bibliothèques, puisque les famillesavaient l’habitude non seulement d’acheter en plusieurs exemplaires et dediffuser dans leurs milieux les ouvrages dont ils avaient pécuniairementsoutenu la publication, mais aussi de se procurer, par engagement pourla culture de langue hongroise, d’autres pièces de la production livresquenationale.La Hongrie commenca à intéresser les librairies actives au niveauinternational également. Notons l’apparition sur le marché hongrois desreprésentants de la famille Trattner, qui avait des ateliers d’imprimerie et desmaisons d’éditions à Vienne, à Pest, à Zagreb et á Temesvár (Timişoara) 15 ;des Remondini présents partout dans le monde du Méxique á Kazan 16 ; ouenfin de la fameuse Société Typographique de Neuchâtel 17 ‐ ces acteurs dumonde des livres élaborèrent des projets systématiques visant à satisfaireà la demande qui se manifestait dans le pays récemment réorganisé. Il nefaut pas oublier non plus que certains membres des familles en question,13Csaba Csapodi, « Könyvtermelésünk a 18. században » [La production de livresau 18 e siècle] Magyar Könyvszemle, 60(1942) p. 393‐398.14Pour une synthèse, voir: Pannóniai Féniksz, avagy hamvából feltámadott magyarnyelv. Első nyomtatott tudományos könyveink. 16‐19. század. – Pannonian Phoenix, orthe Hungarian Language Arisen from the Ashes. Our Earliest Printed Scientific Books.16 th ‐19 th Centuries, Szerk./Ed. by István Gazda, Ágnes Stemler, Budapest, 2005, OSZK.15Judit Ecsedy, A könyvnyomtatás Magyarországon a kézisajtó korában 1473‐1800[L’imprimerie en Hongrie à l’époque de la presse manuelle], Budapest, Balassi Kiadó,1999. p. 180‐230.16Remondini. Un Editore del Settecento, a cura di Mario Infelise e Paolo Marini.Milano, 1990 ; Commercio delle stampe e diffisione delle imagini nei secoli XVIII e XIX,a cura di Alberto Milano. Rovereto, 2008, ViaDellaTerra17Olga Granasztói, « Egy pesti könyvkereskedés nyugat‐európai kapcsolatai aXVIII. század végén. Weingand és Köpff könyvkereskedők levelei a neuchâteli levéltárban(1781‐1788) » [Les contacts occidentaux d’un libraire de Pest. Les lettres de Weingand etde Köpff dans les archives de Neuchâtel] Magyar Könyvszemle, (119)2003. 166‐186. ; Dela même auteure : « Adalékok a francia könyv európai terjesztési hálózatainak feltárásához.A Société Typographique de Neuchâtel bécsi kapcsolatai 1772‐1785 » [Suppléments ál’étude des réseaux de diffusion du livre français en Europe. Les contacts viennois de laSTN. 1ère partie] Magyar Könyvszemle, 2011. Nr. 4.


Transformations linguistiques et thématiques... 113mais surtout leurs employés en charge des bibliothèques, observaientavec une attention minutieuse non seulement les catalogues des foires deFrancfort et de Leipzig, mais aussi les ventes aux enchères. On peut risquerl’affirmation : c’est à la fin du 18 e siècle que la Hongrie a vu la naissanced’une librairie organisée. 18Nous savons très bien qu’il est difficile de parler en termes générauxd’une transformation lorsque les collections étudiées sont á tel pointvariées. Les bibliothèques princières Esterházy 19 et Batthyány 20 , immenses18György Kókay, Geschichte des Buchhandels in Ungarn, Wiesbaden, OttoHarrassowitz, 1990. ; Ilona Pavercsik, « A magyar könyvkereskedelem történeténekvázlata 1800‐ig » [Esquisse de l’histoire de la librairie hongroise] In: Judit Ecsedy: Akönyvnyomtatás Magyarországon a kézisajtó korában 1473‐1800. Budapest, 1999,Balassi Kiadó. 295‐340.19Le fils du palatin Paul Esterházy, Pál Antal Esterházy (1711‐1762) fonda – lorsde ses voyages européens et de son séjour à Leiden – une bibliothèque à part qu’il placadans le château familial de Kismarton. Le fondateur d’Eszterháza (Fertőd) fut MiklósEsterházy (1714‐1790), qui y installa également une bibliothèque. Miklós Esterházy(1765‐1833) décida de réunir les deux collections à Kismarton. Ces bibliothèques étaientd’une modernité étonnante : elles permettaient l’étude encyclopédique des sciences. Dupoint de vue linguistique, elles sont caractérisées par une forte orientation française, maison y trouve une grande quantité de livres allemands et latins également. C’est à la fin du18 e siècle que font leur apparition dans la bibliothèque les voyages et les oeuvres littérairesanglaises.20C’est au 18 e siècle que la dynastie princière des Batthyány fonda une bibliothèquedans la ville de Körmend. Une partie des livres provenant de cette collection est aujourd’huiaccessible dans la bibliothèque du Musée des Arts Décoratifs. Les collections à Vienne,à Trautmannsdorf et à Payerspach de Károly József Batthyány (appartenant à la brancheprincière, 1697‐1772) illustrent à merveille la culture de cet aristocrate, comparable àcelle de ses confrères d’Europe occidentale. Le prince séjournait surtout dans son hotelviennois. On y trouve une collection très moderne, composée de 3000 volumes environ :belles‐lettres contemporaines en français et en allemand, ouvrages historiques et politiques,puis – conformément à ses préférences théologiques – un tas de livres jansénistes. Ils’agit d’un corpus visiblement souvent consulté. Quant à la collection monumentale deTrautmannsdorf (de 4000 mille volumes environs) est une bibliothèque tout à fait digne dumanoir, mais apparamment peu utilisée : on y trouve les livres dont Batthyány avait hérité.Auteurs classiques et Pères d’Eglise, les opera omnia des grands historiens et philosophesdes 15‐17 e siècles. La bibliothèque mineure de Payersbach est la collection théologiquede la famille, composée surtout des ouvrages provenant des 15‐17 e siècles. Appartenant,lui aussi, à la branche princière de la famille, József Batthyány (1727‐1799), fonda lacollection Batthyány de la Bibliothèque de l’Archevêché d’Esztergom (les ouvrages yconservés enrichirent plus tard la Bibliothèque de l’Académie Hongroise des Sciences, àl’exception des manuscrits, retenus à Esztergom). De la branche comtale (celle de Pinkafő),il convient de mentionner Ignác Batthyány (1741‐1798), fondateur du Batthyanaeum de


114 ISTVÁN MONOKpar leurs dimensions et universelles par leurs contenus, ne se comparentcertainement pas aux collections qu’on trouve dans les manoirs de telleou telle famille de comtes ou de barons. On peut néanmoins répérer destendances, dont le dénominateur commun est d’ailleurs la volonté d’imiterles exemples princiers. Ceci explique que les exemples concrets quej’évoquerai dans mon étude concerneront tous les familles de comtes et debarons.La transformation linguistique était ralentie par le fait que la languelatine conserva sa position officielle jusqu’au milieu du 19 e siècle. Unaristocrate devait se débrouiller en latin afin de pouvoir participer à lavie publique. Cela n’empêcha pas l’entrée en force de la littérature enlangue vernaculaire dans les bibliothèques. Même les ouvrages des auteursde l’Antiquité y figurent souvent en vernaculaire. J’ai l’impression quel’aristocratie de la fin du 18 e siècle ne savait déjà plus assez bien le latinpour lire les comédies romaines dans l’original. Les pièces classiquesfigurent donc en très grand nombre en allemand, en français et parfois enitalien. Quant à la connaissance du français et de l’allemand, le tableaudes familles en question est varié. Au sein des dynasties apparentées à desfamilles autrichiennes ou allemandes, les collections comportent plus delivres allemands que français, mais les proportions peuvent varier d’unegénération à l’autre (ou d’un individu à l’autre). Quoique la bibliothèque dela famille Batthyány fût plus allemande que française, le registre des livresd’usage personnelle d’Ádám Batthyány (1697‐1782) – préparé autour del’année 1750 21 – montre que ce comte polyglotte lisait surtout en français.Parmi le 118 titres figurant dans le registre, 29 sont allemands, 7 latins,5 italiens, 1 manuel d’anglais en allemand – le reste est français. On nedoit pas conclure de ces chiffres que les livres hongrois – cette secteurétant en nette progression – ne furent pas collectionnées. Les aristocratesen question ne ménagèrent point leurs efforts pour soutenir l’édition enlangue hongroise. Certes, le corpus hongrois n’apparaît que très rarementdans les catalogues des bibliothèques. N’oublions pas que le registre queje viens de mentionner n’est point un catalogue, seulement un registre deslivres que le comte avait avec lui lors de ses voyages.Examinons maintenant les collections de ses contemporains. Les 439Gyulafehérvár (Alba Iulia), collectionneur de renom.21« Catalogue des Livres qui se trouvent dans l’armoire de Msr le comte Adam » :Magyarországi magánkönyvtárak V. 1643‐1750. [Les bibliothèques privées en Hongrie]Sajtó alá rendezte/Ed. László Czeglédi, Tamás Kruppa, István Monok. Budapest, 2010,OSZK (« Adattár XVI – XVIII. századi szellemi mozgalmaink történetéhez » 13/5)152‐156.


Transformations linguistiques et thématiques... 115livres de János Ferenc Reviczky ( ?‐1742) furent recensés à Kassa (Kosice)après la mort du comte. 22 Du point de vue linguistique, cette collectionpeut être qualifiée de traditionnelle, dans la mesure où les livres en latiny constituent la majorité, mais il en ressort aussi que le magnat lisaiten plusieurs langues. Du point de vue thématique, la composition de labibliothèque est plutôt moderne. Le fils du comte n’est autre que Károly(Charles) Reviczky (1736‐1793), polyglotte connu partout en Europe,ayant parcouru une carrière diplomatique et curiale remarquable. 23Les 881 livres de la bibliothèque á Cseklész de József Eszterházy(1682-1748) furent catalogisés en 1749. A examiner de près le corpus, ilest manifeste que tous les livres avaient été achetés par le propriétaire : ils’agit donc d’une collection d’une génération. Du point de vue linguistique,la collection est assez variée : la plupart des ouvrages sont en latin ouen allemand, les livres français s’y trouvant constituent une quantiténégligeable. 24 Rien n’est plus éloigné de cette collection de Cseklész que labibliothèque constituée à Lajtakáta, de János Nepomuk Kázmér Eszterházy(1773/74‐1829), appartenant à l’autre branche (celle de Zólyom) de lafamille. Cette bibliothèque, recensée en 1805 25 , est une collection modernede 740 livres, appartenant à un officier de culture française. Deux tiers deslivres virent le jour après la naissance de leur propriétaire : il n’y a que21 livres publiés avant 1750. La composition linguistique de la collectionest non moins remarquable : très peu de livres latins (quelques ouvragejuridiques et historiques, un seul auteur antique), un seul livre italien, parcontre, aucun édition en langue hongroise. Deux tiers des livres sont enfrançais, le reste en allemand.L’utilisation de la langue française – idiome commun de l’aristocratieeuropéenne du 18 e siècle – a sans doute contribué à la propagation du goûtlittéraire français, ainsi que des connaissances philosophiques, pédagogiqueset politiques conçues en France. La Hongrie fut par exemple atteinte par la22Adattár 13/5. (voir le note précedent) 20‐34.23Károly Reviczky (1736‐1793), ayant terminé sa carrière diplomatique – il avait étéambassadeur à Constantinople, à Varsovie, à Berlin et enfin à Baden – devint précepteur,puis ministre de Joseph II. En dehors de quelques langues européennes, il savait le hébreu,le turc, l’arabe et le persan. Il traduisit plusieurs textes du turc en français et du persanen latin. Sa bibliothèque, dont lui‐même fit imprimer le catalogue, fut vendue en 1790,sa collection orientale incluse. Les descendants de l’acheteur, un certain Lord Althorp,revendirent la collection à John Ryland, de Manchester.24Adattár 13/5. (voir le note 21.) 115‐145.25« Catalogue des livres de la Bibliothèque de Gattendorff, écrit 1805 » SzegediTudományegyetem, Egyetemi Könyvtár [Bibliothèque Centrale de l’Université deSzeged] MS 1826 (Esterházy LIV/2394)


116 ISTVÁN MONOKlittérature libertine, comme l’atteste la bibliothèque à Homonna d’IstvánCsáky (1741‐1810) et de son épouse, Júlia Erdődy ( ?‐1809), subsistantjusqu’à nos jours. Elle est conservée dans la bibliothèque départementaled’Arad. 26Évoquons maintenant une bibliothèque dans laquelle les livres enhongrois ont également été recensés. Nous connaissons les 296 livres duréformé Pál Ráday (1677‐1733) et nous disposons aussi d’une note qui prévoitl’acquisition de 95 livres supplémentaires 27 Conformément à son officeet à ses activités, il s’intéressait surtout aux ouvrages juridico‐politiques,écrits en langue latine. Son fils, le futur comte, Gedeon Ráday (1713‐1792)disposait à sa mort de plus de 10.000 volumes, dûment arrangés dans labibliothèque du château familial situé á Pécel. Gedeon Ráday – qui parlaitet lisait en hongrois, en latin, en allemand et en français – prenait un soinparticulier à l’acquisition des livres hongrois, ce dont les registres rendentcompte de manière convaincante. 28Ayant terminé cette présentation de l’état des corpus de livres en languehongroise, je vous propose d’examiner la fortune des imprimés et desmanuscrits portant sur l’histoire de la Hongrie et des Hongrois. Au coursdu 18 e siècle, l’identité hungarus des peuples appartenant au Royaume deHongrie s’est progressivement dissolue pour laisser la place aux identitésculturelles particulières, dont le processus de formation se prolongejusqu’au milieu du 19 e siècle. 29 L’étude des registres et des catalogues desbibliothèques contemporaines fournit des renseignements très intéressantspar rapport á ce processus. Au 17 e siècle, les ouvrages latins traitant del’histoire hongroise figurent dans la classe thématique « Historici », tandis26Cf.: Olga Granasztói, Francia könyvek magyar olvasói. A tiltott irodalomfogadtatása Magyarországon 1770‐1810. [Livres français – lecteurs hongrois. Laréception de la littérature interdite en Hongrie] Budapest, 2009, Universitas Kiadó, OSZK(« Res libraria » III.) 121‐227.27Györgyi Borvölgyi, Ráday Pál (1677‐1733) könyvtára [La bibliothèque de PálRáday]. Budapest‐Szeged, 2004, OSZK‐Scriptum Rt. (« A Kárpát‐medence koraújkorikönyvtárai – Bibliotheken im Karpatenbecken der frühen Neuzeit » VII.)28Cf. : Viktor Segesváry, A Ráday könyvtár 18. századi története. [L’histoire de labibliothèque Ráday au 18 e siècle] Budapest, 1992 (« A Ráday Gyűjtemény tanulmányai »4.) – Viktor Segesváry, The History of a Private Library in 18 th Century Hungary. TheLibrary of Pál and Gedeon Ráday. Budapest, 2007, Akadémiai Kiadó, OSZK29Pour une exposition détaillée de la question du point de vue de l’histoire desbibliothèques, voir : István Monok, « Identité culturelle, identité nationale et lesbibliothèques institutionelles en Hongrie au 18 e siècle » In : Un’istituzione dei Lumi:La biblioteca. Teoria, gestione e practiche biblioteconomiche nell’Europa dei Lumi.Convegno internazionale. Parma, Biblioteca palatina, 20‐21 maggio 2011. a cura diAndrea De Pasquale, Frédéric Barbier. Parma, 2012 (en préparation)


Transformations linguistiques et thématiques... 117que la classe intitulée « Hungarici » renvoyait à la langue des livres yfigurant. Citons l’exemple de la collection à Sajókaza de László Radvánszky(1701‐1758), dont le catalogue fut préparé en 1750. 30 Parmi les 434 livresrecensés 134 furent classés « Scriptores rerum Hungaricarum domestici etextranaei ». Les 28 livres publiés en langues slaves furent regroupés dansune classe à part. Si l’on ajoute à tout cela qu’en 1727, le même comteRadvánszky s’est fait copier 86 manuscrits traitant de l’histoire hongroise,on peut en conclure que derrière cet intérêt historique se cache une identitéculturelle spécifique. Un autre signe très fort du renforcement de l’identitéculturelle nationale n’est autre que la fondation, en 1802, de la bibliothèquenationale hongroise (Bibliotheca Regnicolaris). Ferenc Széchényi ne secontenta pas de faire de sa propre bibliothèque le fondement de la nouvelleinstitution, mais il invita l’aristocratie hongroise à compléter la collection et àenrichir la collection de tous les ouvrages accessibles portant sur la Hongrie.Il convient de souligner que Széchényi – sensible au problème de la raretédes oeuvres en hongrois – envoya le catalogue imprimé de sa collectionaux prélats et aux magnats du pays. János Nepomuk Kázmér Eszterházy enreçut également un exemplaire. Dans sa lettre de remerciement, datée du18 janvier 1803, de Vienne, après avoir fait l’éloge de l’activité fondatricedu comte, il lui promet d’envoyer à la Bibliotheca Regnicolaris tous lesouvrages disponibles dans sa collection, mais absents dans la bibliothèquenouvellement fondée. Eszterházy regarde cette promesse comme unecontribution à la promotion culturelle de la patrie hongroise. 31Si l’on examine de près le processus de la transformation thématiquede la composition des bibliothèques d’aristocrates, on se rend compte dela croissance du taux des ouvrages à sujets séculaires (c’est‐á‐dire nonthéologiques et non‐religieux). En dehors des livres de jurisprudence,d’histoire et de science politique, apparaissent les ouvrages consacrés auxmathématiques, à la physique, à la chimie, mais surtout aux connaissanceséconomiques. La section « Geographia » s’enrichit de la littérature devoyages, des descriptions de pays lointains et des albums d’art.Les premiers symptômes de cette transformation sont repérables aumilieu du 18 e siècle. Pour s’en convaincre, établissons une comparaisonentre la construction thématique des bibliothèques des deux comtesEszterházy présentées plus haut :La bibliothèque à Cseklesz (Bernolákovo) de József Eszterházy 1749(881 livres)30Adattár 13/5. (voir le note 21.) 159–198.31C’est Edina Zvara qui a attiré mon attention à cette lettre. J’en suis trèsreconnaissant.


118 ISTVÁN MONOK« Classes Librorum Bibliothecae Cseklésziensis : Libri prohibiti –Militares et Mathematici – Scriptores Byzantini Graeco Latini editionesParisiensis – Historici recentiores – Diversi Historici et Scholastici –Libri Sacri – Diversi historici ... Mathematici et diversae delineationesArchitectonicae – Oeconomici de cura Equorum – Dictionaria et auctoresclassici ac Juridici aliqui – Juridici – Scriptores Hungarici et selectidiversi – Geographi ». Comme il ressort clairement de cette classification,les ouvrages portant sur l’histoire hongroise sont constitués dans ungroupe à part, tandis que la jurisprudence, la géographie et l’économie ontégalement droit à une attention particuliere.La bibliothèque à Lajtakáta (Gattendorff) de János Nepomuk KázmérEszterházy 1805 (740 livres)« Catalogue des livres de la Bibliothèque de Gattendorff : Théologie –Jurisprudence – Philosophie – Histoire – Philologie ou Belles Lettres –Cartes géographiques »Examinons de plus près cette dernière bibliothèque, puisque son étudepermettra de synthétiser de manière efficace les transformations indiquéesdans le titre de mon article. La composition thématique de la bibliothèqueest à certains points déroutante, en partie parce que l’inclusion de certainessections en classes ne correspond ni à la classification á l’usage au 18 esiècle, ni à la classification actuelle. Le taux de participation de certainsthèmes peut nous laisser également perplexes.Commencons par la section de théologie, très étendue pour l’époque :146 volumes sur 740. A l’intérieur même de cette section de théologie, onpeut s’étonner de la présence de 23 ouvrages dogmatiques, des 22 livreshomilétiques et de 101 ouvrages ascétiques (dont 50[!] livres de prière).Nous ne connaissons pas en détail la biographie de cet Eszterházy, officier,mais il est peu probable qu’il se préparât á se retirer du monde. Il ne fautpas oublier qu’après le recensement de ses livres, le comte vivait encore25 ans au château. Certes, ses prénoms peuvent témoigner d’une attitudeparticulièrement pieuse (même si, bien entendu, il n’en est pas l’auteur).Les ouvrages libertins tant prisés par l’aristocratie du 18 e siècle brillentpar leur absence 32 , par contre, Eszterházy disposait d’un exemplaire del’ouvrage apologétique peu connu, publié à Eszék (Osijek), par BohuslausHerwig : « Antidotum libertinismi moderni, sanis fidelium mentibus inpraeservationem, male vero affectis ad reparationem propinatum ». 3332Olga Granasztói, voir le note 26.33Essekini, 1776. Typis Joannis Martini Diwalt. L’auteur du catalogue se permet la


Transformations linguistiques et thématiques... 119De nos jours, lorsque le droit n’a plus rien à faire avec la moralité, onpeut observer avec une certaine surprise que la section « Jurisprudence »commence par l’éthique (30 ouvrages). C’est également dans cette sectionque sont classés les 23 ouvrages de science politique et des 11 livres quirelèvent en effet des sciences juridiques. Il s’agit d’un corpus modernequ’illustre aussi la dénomination de la section « Droit de la Nature de Genset Droit Civil ».La section de philosophie est également très variée, á l’en croirel’auteur du catalogue : logique et métaphysique (17 ouvrages), physique,mathématiques et chimie regroupées ensemble (36 ouvrages). C’est danscette dernière section que figurent les ouvrages de science militaire,apparentés aux traités de mathématiques. Les 22 ouvrages de pédagogie,constituant une unité séparée (c’est une idée très novatrice), sont égalementclassés parmi les ouvrages de philosophie. La dernière partie de cette sectionest la sous‐classe consacrée à l’économie et ses 85 ( !) titres « Economie ycompris a) l’Agriculture, b) le Jardinage et Botanique, c) la nourriture deBétail – l’art vétérinaire et d) les arts technologiques ». Notons que deuxtiers des livres d’économie sont en allemand.La section d’histoire – composée de 250 ouvrages – est non moinscontradictoire et instructive que celle de philosophie. Ce qui sauteimmédiatement aux yeux, c’est le nombre très restreint d’ouvragesportant sur l’histoire hongroise : dans la collection, on ne trouve que 19titres consacrés à ce sujet (mis á part les livres traitant de l’histoire de lafamille). Afin de souligner combien ce phénomène est étonnant, je tiens àrappeler que l’histoire hongroise fait partie de l’unité intitulée « Histoireprofane », qui se construit de la manière suivante : « Hongrie (19), France(32) Angleterre (16) Divers nations (48) ». Les Hongrois commencent às’intéresser à l’Angleterre depuis la première moitié du 19 e siècle, ce quis’explique surtout par les voyages qu’István Széchenyi effectue sur lesÎles britanniques. Le fait que le propriétaire ignore plus ou moins l’histoirehongroise ou que ni les principautés allemandes, ni l’Italie ne constituentpas d’unités séparées illustrent le désenchantement du propriétaire de lacollection (ou de son secrétaire/bibliothécaire, inconnu á la recherche).Désenchantement, c’est‐á‐dire l’acceptation résignée du constat : la luttedes Hongrois pour leurs objectifs nationaux ne furent point couronnés desuccès. Sans doute serait‐il trop audacieux de relier cette résignation à laprésence des ouvrages ascétiques dans la collection et ainsi d’identifierdans la propriétaire de la collection un personnage déçu de ses ambitionsremarque suivante : « NB. Praecedit Dedicatio Illustrissimo Comiti Casimiro Eszterhazioa defendentibus quos inter etiam erat Dominicus Martinovich Budae 1795 capite plexus. »


120 ISTVÁN MONOKpolitiques et s’évadant dans la religion. Le 8 ouvrages d’histoireuniverselle sont également classés dans la section d’histoire, ce qui est unpeu particulier, puisque les catalogues en Hongrie ont toujours considérécomme « universel » les ouvrages qui ne traitent pas de la Hongrie. Danscette dernière unité, on trouve les ouvrages portant sur l’histoire de plusieurspays. On trouve dans la collection 20 ouvrages relevant de l’histoireecclésiastique. Je tiens enfin à souligner un phénomène non dépourvud’intérêt : les « Biographies (35 ouvrages), la géographie et la littérature devoyages (« Géographie et Voyagiste », 28 ouvrages), ainsi que les romansbiographiques (« Biographies fictices ou Romans », 44 ouvrages) sont tousrattachés á cette section d’histoire, beaucoup plus large que dans d’autrescollections.Chose étrange, les biographies romanesques ne sont donc pas classéesdans la section « Philologie ou Belles Lettres », co,posée de 110 ouvrages,repartis de la manière suivante : « Grammaires et Dictionnaires » (8ouvrages) ; « Mythologie » (5 ouvrages) ; « Les auteurs anciens classiques »(18 ouvrages) ; « Traités généraux et les Oeuvres de Belles Lettres » (17ouvrages) ; « Polymathie » (15 ouvrages). La composition linguistique decette section est également instructive. L’appropriation de la langue latineétant indispensable et obligatoire pour un comte, on peut observer avecétonnement qu’on ne trouve que 5 éditions d’auteurs antiques en latin etpas un seul en grec. La famille lisait les classiques en éditions françaises (9)ou allemandes (3). Cette composition linguistique de ce groupe thématiqueparticulier est très inhabituelle dans les collections aristocratiques dela Hongrie de l’époque. Rien d’étonnant par contre dans la compositionlinguistique de la sous‐classe des belles‐lettres : la plupart des aristocrateslisaient à cette époque les littératures française et allemande – dans cettebibliothèque on trouve parmi les 17 ouvrages signalés 11 livres en français,5 en allemand et un seul – une édition moderne des épîtres de PaulusManutius – en latin.Conformément à l’usage de l’époque, les cartes furent conservéesséparément des autres ouvrages – ce que justifiait sans doute leur formeparticulière. Sachant qu’il s’agit de la bibliothèque d’un officier souventabsent de son pays, nous ne devons par nous étonner de voir qu’on y trouveun nombre très élevé de mappes, reliées en 47 volumes. Les éditions sonttoutes françaises ou allemandes (l’absence des cartes hollandaises ouitaliennes est un phénomène quelque peu inhabituel).En guise de conclusion, on peut affirmer que le processus de latransformation des lectures de l’aristocratie hongroise s’était engagé à la


Transformations linguistiques et thématiques... 121fin du 17 e siècle, mais jusqu’au milieu du 18 e siècle, ce développementlent et progressif n’ébranle pas les positions du latin, qui ne cesse pas dedominer les bibliothèques. La supériorité numérique des livres français surles allemands est un phénomène du dernier tiers du 18 e siècle. Parallèlementaux transformations linguistiques, on peut observer des changementsdans le contenu des lectures : notons la promotion des connaissancespolitiques, juridiques, historiques, militaires, géographiques, linguistiques,économiques et de sciences naturelles, ainsi que la valorisation de la lecturecomme activité de divertissement.


« La Bibliothèque Batthyaneum fondée à Alba Iulia parl’évêque de Transylvanie, le comte Ignace Batthyány »DOINA HENDRE BIRO1. PréambuleLa Bibliothèque Batthyaneum d’Alba Iulia, est d’abord le produitintellectuel du comte Ignace Batthyány (1741‐1798), issu d’une fameusefamille de magnats hongrois, qui devenu évêque de Transylvanie(1780‐1798), a fondé une bibliothèque, tout comme ses ancêtres, quiavaient fondé neuf bibliothèques entre le XVI e jusqu’à la fin du XVIII esiècle. Toutefois il faut placer sa démarche, dans le contexte de grandschangements du XVIII e siècle, quand en Transylvanie comme dans toutel’Europe, on assistait à une mutation dans l’organisation du savoir par lamultiplication des bibliothèques et l’enrichissement par l’acquisition delivres rares, devenus bientôt sources d’inspiration et de tentation.Indépendamment, deux autres bibliothèques étaient en train de seconstituer dans la Grande Principauté de Transylvanie : celle du comteprotestant Sàmuel Teleky, à Târgu Mureş et celle du gouverneur saxon,protestant aussi, le baron Samuel von Brukenthal à Sibiu. Les troisbibliothèques citées, reste même de nos jours les plus importants du pays.Cela, à cause de leur richesse, formée de manuscrits sur parchemin, desincunables et des livres très rares, voir, uniques. Elles forment le noyau dutrésor bibliophile de la Roumanie.Désormais Ignace a été influencé par les deux grands fondateurscatholiques de bibliothèques du XVIII e siècle du Royaume de Hongrie,l’évêque de Pécs, György/Georges Klimo et plus encore, l’évêque d’Eger,Károly/Charles Eszterházy.On pourrait affirmer que le Batthyaneum signifiait un idéal de vie, mêmesi beaucoup des chercheurs ont limité dans leurs études cette perspective,


« La Bibliothèque Batthyaneum fondée à Alba Iulia... 123à une simple influence naturelle venant de ses études et de ses lecturesfavorites, voire de son érudition. Ou encore à son orgueil de riche évêquearistocrate, obligé pat la fonction d’en avoir une bibliothèque. Cependantchacun de ses éléments peut être valables. Mais il nous reste la longuedémarche, commencée il y a plusieurs années, de faire la démonstration quela Bibliothèque d’Alba Iulia, est une synthèse de toutes ces bibliothèquesorganisées auparavant, par les Batthyány.La Bibliothèque d’Alba Iulia a à la base, un noyau de valeursbibliophiles détenues par Ignace Batthyány en partant des achats effectuéslors de son séjour d’études à Rome. Ensuite par les acquisitions faitespendant les 15 années qu’il avait passées à Eger en tant que prélat. Ils’agit des collections appartenant en partie à des ordres religieux destituésen Bohême, en Slovaquie et en Autriche. Mais par l’achat en 1782 de lacollection de l’archevêque de Vienne, le Cardinal Christophoro, Migazzi,la valeur de la bibliothèque a considérablement augmenté. Seule cetteacquisition apporta plus de huit mille volumes en provenance d’EuropeCentrale et Occidentale, y compris des incunables et des manuscrits, dontun carolingien, de très grande valeur.La Bibliothèque Batthyaneum devenue filiale de la BibliothèqueNationale de Roumanie, compte aujourd’hui environ 71.141 unités,dont 1670/ 1778 chartes et manuscrits. Environ 300 sont des manuscritsmédiévaux occidentaux représentant 80% du total des manuscritsconservés en Roumanie, tandis que les incunables constituent 70% dumême total. Il y a 7950 livres imprimés entre le XVI e et le XVII e siècle,et plus de 16 000/16.100, au XVIII e siècle. Parmi les unités répertoriées,plus de 17.000 ont un rapport direct avec l’Histoire, y compris avec cellede la Transylvanie, enrichissant les sources de recherches historiques. Acelles‐ci s’ajoutent les approximatifs 9500 positions de journaux et revuesissus d’Europe et surtout les 17.163 documents des archives du couvent deCluj‐Mănăştur et ceux du Chapitre d’Alba Iulia.Quant au prestige de la bibliothèque, il est assuré par sa collectionmédiévale de manuscrits sur parchemin, qui couvrent une longue périodedu IX e au XVIII e siècle. Désormais 273 d’entre eux, sont écrits avant 1526.Mais ce qui donne encore plus de valeur et de beauté, à plus de quarantemanuscrits ce sont les riches ornements dont ils sont illuminés.La Bibliothèque a un caractère encyclopédique dans le sens où ellecontient des ouvrages qui couvrent tous les domaines scientifiques etphilosophiques, d’écrits de la littérature classique antique, aux ouvragesconsacrés aux sciences naturelles. Le comte‐évêque a été impliqué


124 DOINA HENDRE BIROpersonnellement dans l’aménagement de sa future bibliothèque, il a écritdes catalogues, établi l’emplacement des livres. Il a aussi prévu le règlementdu fonctionnement de cette bibliothèque. Mais malheureusement, il n’a paseu le plaisir d’assister à son ouverture.2. La familleL’histoire des anciennes familles nobles est un des domaines où larecherche a connu les plus profonds renouvellements durant ces dernièresdécennies. Cette problématique a tout particulièrement été développée dansles anciens États des Habsbourg, et nous nous proposons de l’appliquer àl’exemple des Batthyány. Il s’agit d’une des plus anciennes familles nobleshongroises qui a joué un rôle important non seulement dans l’histoire duRoyaume de Hongrie et de Transylvanie, mais aussi dans l’histoire de laMaison d’Autriche, soit par la branche des comtes de Batthyány, soit parcelle des princes, de Batthyány‐Strattmann.Nous devons envisager la famille comme une structure intégréeà celle des élites tout en sachant que les familles de magnats articulentune fortune foncière très importante, et une position sociale privilégiéetant dans l’administration centrale que dans l’armée. L’apogée est atteintavec la concentration des richesses entraînée par le régime du majorat:Eléonore Batthyány‐Strattmann, puis ses fils, le palatin Louis Ernest et lemaréchal Charles Joseph, jouent ici un rôle décisif. Notre communicationillustrera cette thématique en développant plusieurs points, afin d’arriverà démontrer, comment aidés par la famille élargie, ils ont pu se partagerentre les fonctions, les devoirs militaires et la vie de famille. Dans notreanalyse sera présentée la structure familiale des Batthyány, (et le rôledu chef de la famille), son rapport à l’espace, ses multiples alliancesmatrimoniales avec les plus grandes lignées aristocratiques, qui confortentpleinement leur appartenance aux élites européennes de l’époquedes Lumières.Les conclusions vont aussi vers les résultats obtenus autour de leurhéritage, non seulement matérielle mais aussi spirituelle dans un sièclesavant qui les ont marqués tous. Désormais, cette famille a toujours àdémontrer que ses membres méritaient, leur position à la Cour de Vienneet de Presbourg et qu’ils étaient en mesure de remplir les plus hautesfonctions (maréchal, gouverneur de Pays‐Bas, palatin, primat, évêque deTransylvanie).


« La Bibliothèque Batthyaneum fondée à Alba Iulia... 1253. La vocation de mécène transmise d’une génération à l’autre par lesBatthyányOn pourrait croire en leur vocation de bâtisseurs, car tel fut leur but, debâtir sur tous les plans : créer des architectures réelles, par les monuments,les châteaux, les palais, les forteresses et les églises ; créer en mêmetemps des architectures spirituelles par les bibliothèques et les fondationsculturelles ainsi que par les livres écrits. Dans les deux cas, il s’agit de toutautant de signes du pouvoir, qui rendent depuis, leur force et leur pérennité.D’après cette théorie, on construisait pour sa famille, ses sujets, pour sagloire personnelle, pour accentuer le rayonnement de la famille. Toutefois,construire restait un acte hautement civique qui relevait de l’éthique, plusque de l’esthétique 1 .On verra, en détail, comment les Batthyány appliquèrent eux aussi cettethéorie, d’une manière propre, car selon eux, il fallait afficher la grandeurpar tous les moyens. Certains, comme Joseph et Ignace, l’accompagnèrentde la piété. Les fils reçurent de leurs parents l’idée qu’il ne suffisait pasd’être riche, mais qu’il devait partager la richesse, construisant et apportantdes offrandes, en échange de l’immortalité.Le nom du fief, Németújvàr/Güssing se retrouve dans la titulature detous les comtes des Batthyány, en commençant avec Adam I, en 1630 ycompris d’Ignace. Cela même si après sa naissance il déménagea avec safamille dans le château de Pinkafeld/Pinkafő, construit par Königsberger,entra dans la possession d’Adam I Batthyány, déjà au XVII e siècle, et futconsigné dans plusieurs documents, autour de l’héritage de sa deuxièmeépouse 2 .Au milieu du XVIII e siècle, le château appartint à Imre Emmerich, lepère du futur évêque de Transylvanie, Ignace Batthyány, ou il vécut avec sanombreuse famille. A part les travaux d entretien permanent, il dressa unechapelle et commanda une statue, représentant le Saint Antoine de Padoue,qu’il fixa à l’entrée. Par ailleurs, un des fils d Emmerich porta ce prénom.Entre 1805 et 1817, le château de Pinkafeld, fut le point de rencontred’importantes personnalités culturelles et scientifiques du moment. 31Cortanze, Gérard, de, Le Baroque, dans Muséart, no. 7, février 1991, p. 552Barbara (Corbelli) Witthman, deuxième épouse d’Adam, après Aurora Formentini,poursuivie en justice par Christophe et Paul, ses deux beaux‐fils.3Les salons romantiques, très à la mode, étaient organisés par le comte NicolasBatthyány et son épouse, autour de personnalités littéraires et artistiques du moment telsle pasteur Zacharias Werner, dont il avait fait la connaissance pendant le déroulementdu Congrès de Vienne, et qui avait noté dans ses papiers cette information : « Pinkafeld


126 DOINA HENDRE BIRO4. Les bibliothèques des hauts dignitaires ecclésiastiques au XVIII esiècleLes bibliothèques de style classique ou baroque devenaient une partieintégrante et indispensable des palais et des résidences épiscopaux. Cesbibliothèques avaient un rôle principalement représentatif et les livresdevaient avant tout impressionner et attirer l’attention sur des sourceslivresques inestimables qui passaient souvent inaperçues. Cette fois, lacollection épiscopale de livres portait le caractère encyclopédique dans lesens où elle contenait des ouvrages de tous les domaines scientifiques etphilosophiques.Toutefois, la prédominance des oeuvres théologiques, philosophiques,historiographiques et historiques était nette, tout comme en résulte degrand nombre des catalogues : d’écrits de la littérature classique antiqueet les livres rares d’une grande valeur s’y retrouvaient aussi en priorité.Cependant on trouvait aussi, de plus en plus d’ouvrages consacrés auxsciences naturelles.On notera par ailleurs que les fondateurs des bibliothèques furent Josephet Ignace Batthyànyny, mais aussi les autres hauts dignitaires de l’Église,comme György/Georges Klimo (1770‐1777) évêque de Pécs, le comteKàroly/Charles Esterhàzy (1725‐1799) évêque d’Eger, et Adam Patachich(1717‐1784), évêque d’Oradea/ Nagyvàrad puis archevêque de Kalocsa quipossédaient des bibliothèques des plus illustres de cette époque.Deux d’entre eux, les évêques Eszterházy et Klimo avaient l’intentionde fonder en même temps, des universités. Ils voulaient que les bibliothèquessoient un support ouvert pour la recherche scientifique. Désormais, dans lecas des archevêques et de l’évêque de Transylvanie, leurs bibliothèquesdesservaient déjà les étudiants et les professeurs des hautes écoles dethéologie.Avec la création de la bibliothèque « publique », non pas ouverte aupublic mais appartenant à l’État, apparut plus particulièrement la fonctiondu bibliothécaire officiel : bibliothécaire impérial et royal, conformément audécret du 20 octobre 1780. Du point de vue institutionnel, les bibliothèquesen Hongrie, un voyage d’un jour de Vienne », le peintre Léopold Kupelwieser Steinle,l’évêque de Graz‐Seckau, Roman Sebastian Zagerle, ou le médecin et l’auteur spirituelJohann Emanuel Veith. Mais en cette occasion fut plus important le rôle de l’épouse deNicolas, Franciska Batthyány, née de Szécseny (1802‐1861), appelée Fany. Elle élevaPinkafő en le transformant en un véritable épicentre, d’abord culturel, par l’activitécréative de son salon littéraire et artistique, ensuite social et religieux, elle‐même étantune mécène, car elle y fonda une abbaye de religieuses avec une école, un orphelinat et unhôpital en 1851.


« La Bibliothèque Batthyaneum fondée à Alba Iulia... 127furent placées sous la tutelle de la Commission à l’enseignement, ce quisignifiait en plus, une correspondance administrative permanente avec lesautorités viennoises. 4On pourrait conclure qu’on assistait au XVIII e siècle à une mutation dansl’organisation du savoir, d’abord par l’intérêt, ensuite par la constitution decatalogues scientifiques et de catalogues universels de chaque bibliothèque,d’après un classement unitaire.5. Bibliothèques personnelles mais aussi formes inédites d’acquisitionde livresA travers les siècles, nous avons assisté à une multiplication desbibliothèques et à un enrichissement par l’acquisition d’exemplaires delivres rares. Ces livres se constituèrent bientôt en sources d’inspiration etde tentation, et font de nos jours l’épreuve du changement du mental desaristocrates.L’acquisition des livres se faisait couramment par l’achat partiel outotal de bibliothèques appartenant à de grands dignitaires, aristocratesou hommes d’Église, qui, pour divers motifs, les mettaient en vente.Par la suppression des ordres religieux, beaucoup des prélats profitèrentpour s’approprier des grandes valeurs livresques. Il faut ajouter que lesbibliothèques s’enrichissaient aussi, par les legs et les dons, tout aussifréquents à l’époque.6. Comment réunir croyance et savoir, quand on est homme d’église ?« Il n’y a que la raison qui doit présider au jugement de toutes lesopinions humaines, qui s’approche de la lumière qui y luit, pour éclairernotre raison. Il est nécessaire de recourir à la prière pour recevoir ce quel’on ne peut avoir par ses propres forces » 5La citation concerne l’évêque de Transylvanie, le comte IgnaceBatthyány. Homme d’Église mais passionné des sciences et collectionneurde livres et d’objets rares, préoccupé depuis son adolescence de l’Histoire.Conscient des fautes passées du clergé, il adhéra pleinement aux idéauxdu renouvellement religieux, contribuant à sa diffusion dans le respect du4Madl, Claire, Trois bibliothécaires des Lumières et leur participation à laconstitution des bibliothèques « bohêmes », dans Histoire des bibliothèques, Lyon, 2003,p. 14.5Malebranche, Nicolas, Recherche de la vérité, I‐II, Paris, Flammarion, 1677,extrait de la préface du livre, consulté dans la Bibliothèque Batthyaneum.


128 DOINA HENDRE BIROprincipe de l’autorité. Ainsi on pourrait lui attribuer l’épithète de porteurde la « lumière dévote ». 6Remarqué et apprécié par ses professeurs, pour ses connaissances etsa passion pour l’Histoire, il poursuivit sa formation à Rome, dans le trèsconnu Collegium germanicum et Hungaricum, dans la bibliothèque de soninstitut et aux archives du Vatican.Désormais Ignace disposait, grâce à ses amis humanistes et cardinaux,d’un accès privilégié aux collections des livres rares et des manuscrits. Eneffet avec l’accord du Pape Pie VI il profita de cette excellente occasionpour le passionné qu’il était, pour copier des diplômes et des documentsconcernant l’histoire du Royaume et de l’Église catholique et pour prendredes notes dans les plus grandes bibliothèques.La prédilection pour la recherche et la passion pour les livres anciens etmanuscrits rares, firent d’Ignace Batthyány un des membres de l’AcademiaPhilaletorum à Rome. Sans mission assignée, par l’archevêque de Kalocsaqui était à ce moment son cousin Joseph Batthyány, Ignace participa à lavie du mouvement culturel romain, conscient de la mission civilisatrice etpédagogique de Rome, véritable « scola publica del mondo ».Cette élection le marqua si bien, qu’après sa nomination en tantqu’évêque de Transylvanie, il voulut fonder une académie semblableà Alba Iulia, avec le nom de « Societas Litteraria assiduorum ». Il étaitconscient, attiré par le nouvel Homme européen que la réalité de l’étudedevenait nécessaire et pour cela, il fallait créer un cadre logique capable dedéfendre des idées et de débattre dans les disputes des sociétés savantes.Aussi voulut‐il créer l’accès aux livres pour tous les scientifiques, ce quileur permettait d’avoir même un contact immédiat avec la pensée desLumières.Dans ce but, il fixa la liste des membres et les thèmes dont ils devaientdébattre, réussit à attirer parmi les collaborateurs son frère Antal/Antoine,renoua les liens avec des historiens et des scientifiques, tels Adám Kollar,Daniel Kornides et l’évêque Károly Eszterházy. Malheureusement lesproblèmes financiers l’obligèrent à restreindre ses investissements,consacrer son argent à la bibliothèque et à l’observatoire astronomique,qu’il avait aussitôt projetés, et qui faisaient partie de son plan scientifique.Ce fut le projet que Batthyány, mena, aidé par son premier directeur, lechanoine Antonius Màrtonffy, qui avait été envoyé à Vienne pour s’initierau fonctionnement d’un tel observatoire. 76Epithète reprit d’après Olivier Chaline : Chaline, Olivier, La France au XVIII esiècle, Belin, Paris, IIe édition, 20057Baráth Béla/Adalbert, A Batthyány Ignác‐féle akadémiai tervezet/ Sur les projets


« La Bibliothèque Batthyaneum fondée à Alba Iulia... 129En compensation, Ignace effectua des recherches scientifiques surtouten astronomie, même pendant son séjour à Cluj (devenu capitale de laPrincipauté), écrivit et dota continuellement sa bibliothèque de nouveauxlivres.Les documents conservés dans plusieurs archives et surtout la trèsvaste correspondance de Batthyány, assez peu étudiée,– néanmoins doit‐onencore souligner le rôle de Vencel/Vince Biró et de Zsigmond/SigismondJakó,– témoignent d’une énergie rare, d’une forte personnalité et d’unecapacité à accomplir en même temps plusieurs missions et responsabilités. 8Quand ses fonctions multiples l’empêchèrent de faire seul sesrecherches, il envoya son bibliothécaire, Imre Daniel, à Vienne et à Romeavec des missions précises dans ce but, mais après ce fut toujours lui quienregistra les matériaux reçus ainsi que tout l’appareil critique. D’uneprécision extrême, avec un sens du détail aigu, il indiquait non seulement lessources mais aussi les aspects liés au déchiffrement des manuscrits utilisés.Il ajoutait à chaque fois une introduction et des conclusions qui prouvaientses connaissances dans le domaine du texte et de l’édition. 9 Par exemple,pour soutenir que le texte de Saint Gérard est le premier de la littératureecclésiastique du Moyen‐âge hongrois, il demanda le manuscrit de Vienneà Giuseppe Garampi qui permit à Imre/Emmerich Dàniel de le copier. Ildemanda également à Adám Kollar et à l’historien Schmithmeyer de relirela copie du manuscrit pour avoir ainsi la garantie de son authenticité. Il lesprévenait qu’il les tiendrait pour responsables des fautes contenues dans lacopie. 10Faut‐il noter qu’on trouve dans le registre de la BibliothèqueLaurentienne de Florence parmi les rares notations sur les motivations desvisiteurs, le nom d’Emmerich Dàniel, « le bibliothécaire de MonseigneurBatthyani évêque de Transylvanie », l’information qu’il venait ici nonseulement par une curiosité savante, mais aussi parce que la visiteacadémiques d’Ignace Batthyány, dans Erdélyi Múzeum/Le Musée transylvain, Cluj,1934. Voir aussi, Varju, Elemér, A Gyulafehérvàri Batthyány könyvtár /La bibliothèqueBatthyaneum d’Alba Iulia, Magyar könyvszemle, 7, 1899‐1901, p. 30‐378Biró, Vencel, Ignác Batthyány, levellei /Les lettres d’Ignace Batthyány, ErdelyMuseum, 46, 1941, pp. 297‐299 ; Jakó, Zsigmond, A Batthyaneum könyvtár történetéböl /L’histoire de la Bibliothèque Batthyaneum, Könyv szemle, an. XIII, nr.3, 1969 ; Jakó,Zsigmond, Batthyány Ignác, a tudos és a tudomány szervezö/ Ignace Batthyány, le savantet le créateur des sciences, Erdély Muzeum, Kolozsvár.9Jáko, Zsigmond, Társadalom, Egyház, Mûvelôdés /Société, Eglise, Civilisation,op. cit., p. 36510Lettre d’Ignác Batthyány à Imre Daniel du 26 mai 1781, manuscrit, CorrespondanceB.B.A.I.


130 DOINA HENDRE BIROcorrespondait à une pratique de plus en plus fréquente dans le cadre de laformation des bibliothécaires : vérifier des catalogues, prendre des notessur les manuscrits et les incunables et se former en rencontrant d’autresbibliothécaires, souvent des correspondants de longue date 11 . Le but finalde l’évêque fut sans doute d’avoir un bon assistant en la personne duchanoine Dàniel.L’évêque investit son énergie et son argent pour accomplir ses idées etses projets, car il était aussi un savant et un mécène. Il acheta une imprimerieoù il imprimait ses livres et ceux d’autres collaborateurs et un moulin àpapier nécessaire à cette nouvelle activité. 12Toutefois, le plus grand investissement fut l’achat des livres de sabibliothèque. Ce sont toujours ses amis qui l’ont aidé pour acheter ettransporter les livres, en bonne partie signalés par eux ou connus par Ignacebien avant, du temps qu’il était à Eger ou à Esztergom.Aidé d’Imre Dàniel, il réussit à acheter la plus riche bibliothèquecelle du cardinal Christophoro Migazzi, l’archevêque de Vienne, tout ensuivant plusieurs démarches : Michael Johann Denis qui évalua les livreset les collections le convainquit de ne pas acheter la bibliothèque sans lacollection des manuscrits, en janvier 1782, Batthyány reçut les inventairesde cette bibliothèque, pendant que le contrat ne fut signé qu’en mars, aprèsla visite du Pape VI, à Vienne. 13Les mêmes chercheurs, se sont mit d’accord sur le transport des livresde Vienne en Transylvanie, malgré certaines controverses apparues sur cesujet. 1411Chapron, Emmanuelle, Voyageurs et bibliothèques dans l’Italie du XVIII e siècle,des « Mirabilia » au débat sur l’utilité publique, École des Chartres, Mirabilia, no. 6,2008, p.512Lettre d’Ignác Batthyány à Dàniel Kornides du 30 novembre 1786, CorrespondanceKornides13Lettre d’Ignác Batthyány à Imre Dàniel du 26 octobre 1780, B.B.A.I. ; Idemdu 27 juin 1781, B.B.A.I ; Idem du 4 septembre 1781, B.B.A.I ; Idem du 30 novembre1781 ; B.B.A.I ; idem du 23 janvier 1782, B.B.A.I. ; Lettre d’Ignác Batthyány à ImreDàniel du 27 avril 1782, B.B.A.I. ; Voir expressément, Jákó, Zsigmond, A Batthyaneumkönyvtár tőrténetéböl. I. A Migazzi gyűtemény megszerzése,/ L’Histoire de la BibliothèqueBatthyaneum. L’achat de la collection Migazzi, dans Könyvtári szemle, XIII, 3, 1969,125‐129 et Marza, Eva, Marza, Iacob, Bibliotheca Migazziana Viennensis, sugestii pentruo reconstituire,/Des sugestions pour une reconstitution, ms.14Dârja, Ileana/Eliane, Din istoricul Bibliotecii Batthyaneum. Etapa I : 1798‐1826/Histoire de la Bibliothèque Batthyaneum, dans Apulum, XXXIV, Alba Iulia, 1997,pp.341‐365. Dârja, Ileana/Eliane, Fondul Migazzi. Surse documentare, BibliotecaNaţională a României, filiala Batthyaneum /Le fond Migazzi. Sources documentaires dela Bibliothèque Nationale de la Roumanie, filiale Batthyaneum, Alba Iulia, 1998


« La Bibliothèque Batthyaneum fondée à Alba Iulia... 131D’après eux, le chanoine Imre Dàniel rangea les livres dans cinquante etun coffres et en juin, les expédia par bateau sur le Danube malgré la craintede Batthyány. Les livres, arrivés à Kalocsa ou à Baja, furent transportésen carrosse à Szeged jusqu’à la résidence de l’évêque de Torontal. De là,on suppose qu’ils furent transportés par la Mureş et déposés directement àAlba Iulia.On sait aussi que l’évêque qui résidait à Sibiu, encore capitale, annonçaitle 17 juillet à Imre Dàniel que les livres étaient bien arrivés à Sibiu et qu’ilsles avaient déposés dans trois chambres louées à cet effet, à un certainBaussner. L’historien Jákó qui a fait des recherches approfondies, sur cesujet affirme que les livres arrivèrent en Transylvanie en 1782, non pasen 1786, comme on le soutenait jusqu’alors. Toutefois, après la traductionet l’analyse de la correspondance de Batthyány, il rétablit l’informationsur le prix des livres en prouvant que Batthyány paya douze mille florinset consigna en plus, certains aspects liés à une autre collection acquit parBatthyány, celle de Levoca. 15L’évêque fut impliqué personnellement dans l’aménagement etl’organisation des travaux de sa future bibliothèque. Il a inventorié leslivres, écrit des catalogues, établi l’emplacement des salles de lecture. Il aaussi prévu le règlement de fonctionnement de cette bibliothèque. 167. Le Batthyaneum, idéal d’une vie ou simple geste d’un mécène ?D’autres, pour des raisons compréhensibles, faute de sources, detemps ou même de nécessité, ont ignoré complètement cette perspective,préoccupés plutôt par l’histoire du livre et des manuscrits. Ceux‐ci firentsystématiquement une introduction stéréotype, avec les mêmes phrases,voire, les mêmes mots employés par les chercheurs de la fin du XIX e et dudébut du XX e siècle, comme Veszely, Varjú et Biró. 1715Varia opuscula et collectione historica Ignatii Comitis Batthyan in copia, X, 69,B.B.A.I. ; Elenchus librorum qui in Bibliotheca ecce/si/ae Leutschoviensis S/ancti Jacobireperientur est une liste qui comprend 418 livres de l’ancienne bibliothèque de l’ÉgliseSaint Jacques de Levocka dont 279 ont été identifiés dans la Bibliothèque Batthyaneumd’Alba Iulia par les historiens Eva et Iacob Mârza : Catalogul de la Levoca. Contribuţiicu privire la fondul de provenienţă slovacă din Biblioteca Batthyaneum Alba Iulia. /Catalogue de Levoca. Contributions concernant le fonds de provenance slovaque de laBibliothèque Batthyaneum d’Alba Iulia, Apulum, XIII, 1975, ouvrage apparu en versionhongroise sous la rédaction de M. István/Etienne Monok.16Neumann, Victor, Tentaţia lui homo europaeus. Geneza spiritului modern înEuropa centrală şi de sud‐est /La tentation de l’homo europaeus. La genèse de l’espritmoderne en Europe centrale et du sud‐est, Bucuresti, 1991, pp.118‐12817Veszely, Károly, Batthyány Ignác és az általa Károly‐Fehérvárt álopitot intézet /


132 DOINA HENDRE BIROLe seul peut‐être qui s’est penché effectivement et en profondeur, nonseulement sur la correspondance de l’évêque, pour reconstituer son activitéscientifique mais aussi sur son destin, a été l’historien Zsigmond/SigismondJakó. Une grande partie de son travail élaboré, se trouve toujours à la basede toutes controverses ou recherches ultérieures. 18Dans ce cas son rôle personnel d’Ignace Batthyány, fut diminué, voir,réduit, car l’accent tombe, sur les livres, l’architecture, l’ameublement ouexceptionnellement sur les collections de la Bibliothèque.Ce sont les idées de Jakó que nous reprenons, tout en accrochant lesnouveaux éléments, découverts dans d’autres archives, pour compléter lessiens, et celles de l’historiographie hongroise, en additionnant les derniersrésultats des chercheurs hongrois et étrangers.Désormais, le temps est venu pour les informations détaillées, précises,accompagnées d’une bibliographie, démontrant le rôle de l’évêque àl’intérieur du Royaume de Hongrie, du diocèse de la Principauté deTransylvanie et dans toute la Maison d’Autriche, dans la tentative de mettreson parcours dans un circuit européen. Y compris par sa Bibliothèque.Ignace Batthyány, un mécène à Alba Iulia à la fin du XVIII e siècleParallèlement aux attributions auprès des fidèles du diocèse, IgnaceBatthyány engagea des travaux d’aménagement et de restauration au Palaisépiscopal d’Alba Iulia et fit encastrer dans sa façade, ses armes d’évêque deTransylvanie. Ensuite il poursuivit les travaux dans la Cathédrale. L’orgue,l’ambon, les stalles des chanoines, ornées des sculptures en bois et dorées,tous dans le style du baroque tardive, ornent et embellissent depuis, lacathédrale diocésaine, comme résultat de ses activités de mécène.L’évêque commença aussitôt les travaux de restauration de l’églisede l’Ordre des Trinitaires afin d’y placer sa bibliothèque, commandant aumême architecte les meubles et les étalages. La boiserie sculptée et peintereconstitue les voûtes d’un arc de triomphe. La couleur grise‐verdâtre et ladorure sont identiques à celles des meubles de la cathédrale.Ignace Batthyány et l’Institut d’Alba Iulia fondé par lui‐même, Gyulafehrvári füzetek I,Kolozsvár, 1861.Varju, Elemér, A Gyulafehérvari Batthyány könyvtár /La bibliothèque Batthyaneumd’Alba Iulia, Magyar könyvszemle, 7, 1899‐1901. Bíró Vencel/Vince, Gróf BatthyányIgnác/Le comte Ignace Batthyány, Erdélyi Múzeum, no. 1‐2, 1941.18Jakó, Zsigmond, A Batthyaneum könyvtár történetéböl / L’histoire de laBibliothèque Batthyaneum, Könyv szemle, an. XIII, nr.3, 1969 ; Jakó, Zsigmond, BatthyányIgnác, a tudós és a tudomány szervezö/ Ignace Batthyány, le savant et le créateur dessciences, Erdély Muzeum, Kolozsvár.


« La Bibliothèque Batthyaneum fondée à Alba Iulia... 133Dans la Aula Magna, grande salle placée au deuxième étage dubâtiment, aménagée à cette destination, on a l’impression de pénétrer dansun véritable temple du savoir, à cause des arcs et des voûtes, des portailsqui permettent le passage et des colonnes, suggérées par l’ameublement, letout, veillé par la déesse Minerve, qui porte dans son bouclier le blason del’évêque Batthyány.Les parties sont nettement délimitées, nef, cœur, autel central, tandisqu’une galerie surmontée valorise en hauteur l’espace intérieur et lesmurs complètement couverts des livres. Les spécialistes reconnaissent lestyle nommé en allemand Zopfstil, dans lequel se mélange la tendancedu néo classicisme avec le Rococo, en fait, version autrichienne du débutdu romantisme. Effectivement la décoration complétée par un peintre,comporte des scènes allégoriques représentant un possible itinéraire deslivres acquis, ainsi que des portraits des savants et des hommes de lettres,placés en médaillons au dessus des étalages remplis des livres. 19La même impression de grandeur fut créée par « le salon » del’observatoire astronomique, quoique désaffecté et avec les couches depeinture extrêmement abîmé, craquelé, fissuré et même désintégré dansplusieurs endroits à cause de l’humidité excessive.Les historiens d’art parlent des pièces maîtresses de l’observatoire,comme d’un programme décoratif de cette salle très peu connue, qui futdétruit pendant les bombardements de 1849. Le décor peint du plafondentre 1792 et 1798 se composait des scènes allégoriques groupées autour dela déesse de l’Astronomie, Urania et de ses attributs, ayant comme sourced’inspiration l’Observatoire astronomique de Vienne. 20 Cependant lesmurs étaient ornés également des portraits des astronomes et des savants,ainsi que de douze allégories représentant les arts, inscrites en médaillonsde forme ogivale, tous démontés depuis et rangés dans les magasins de laBibliothèque. Certaines lettres dévoilent le fait que le peintre devait arriverde Dumbrăveni, sans indiquer son nom. 2119Mârza, Iacob, Un tezaur al culturii europene în Biblioteca Batthyaneum din AlbaIulia / Un trésor de la culture européenne dans la Bibliothèque Batthyaneum d’Alba Iulia,Secolul XX, nro 272‐273‐274 (8,9,10), 198320Kovács András, Observatorul astronomic Batthyaneum de la Alba Iulia : unprogram decorativ puţin cunoscut / L’observatoire astronomique Batthyaneum d’AlbaIulia : un projet décoratif moins connu, dans Ars Transilvaniae, Cluj II, 1992, pp.30‐46.21Pictori Ebesfalvensi scribendum ut veniat illico sumptus itineris etsi bonificandosopto enim vehementer omnibus aliis occupationibus finem imponi, ut Dva nullisperturbationibus impedita possit notas jam Europae vires ingenii explicare quodreliquum est Dvo eo Laevius amplector, quo dulcius mihi est divinum concordiae et pacisvocabulum, Batthyaneum, Document no.53, Boite XXX, no. Registre 6493


134 DOINA HENDRE BIROToutefois, deux des gravures portent la signature de Michael Gros etfurent imprimées à Cluj en 1776, par l’éditeur Johann Baptist Simon. 22Malgré la parfaite documentation rendue par le livre du chanoineAntonius Màrtonffi, le premier directeur de l’observatoire, il reste difficilede préciser ses origines. 23Il fallait retenir la suggestion de Iacob Mârza, qui a étudié laBibliothèque depuis plus de trente ans, selon lequel malgré l’impossibilitéde Batthyány de mettre en place la société savante dont il rêvait tant, il réalisanéanmoins une partie de son projet : premièrement par l’acquisition et lamise en fonction de l’imprimerie, puisque tous les livres édités ici portentla mention typis episcopalibus, ensuite par l’observatoire astronomiquequi fonctionnait scientifiquement à partir de 1792, dont les épreuves seconservent en manuscrits dans le Trésor de la Bibliothèque. 24Quant à la Bibliothèque, elle pourrait s’inscrire aussi, parmi les objectifsatteints, même si Batthyány en personne n’eut plus le plaisir et le bonheurd’en profiter, car il décéda le 17 novembre 1798. Toutefois il nous restebeaucoup de questions à former et tout autant de réponses à rendre. Entreautre, la suivante :8. Ignace Batthyány était‐il si riche?La formation d’Ignace Batthyány, de théologien et d’historien, seconjugue avec son goût pour les livres et les textes rares, ainsi qu’avec sonattention particulière pour les travaux d’érudition. Sa bibliothèque est àl’image de l’homme et prélat ouvert qu’il fut. Déjà son premier cataloguereflète ses goûts et son intérêt pour certains domaines de recherche. Pourquoifaut‐il souligner à chaque fois que pour tout achat de livres et frais de sonprojet d’aménagement de l’Institut, Observatoire, Imprimerie, moulins àpapier, Bibliothèque, Ignace avait tout investi sur son revenu personnel ?22Varju, Elemér, A Gyulafehérvari Batthyány könyvtár / La bibliothèqueBatthyaneum d’Alba Iulia, Magyar könyvszemle, 7, 1899‐1901, p. 3423Mártonffy Antonius, Initio astronomica Speculae Batthyanianae Albensis inTransilvania... cum XI Tabulis Aeneis, Albae Carolinae Typis Episcopalibus AnnoMDCCXCVIII.24Mártonfi, Antonius, Observationes Astronomicae, 1794‐1797, Ms. IX 221; Mártonfi,Antonius, Diarium observatorii Batthyaneum Anni 1795‐1796, Ms. IX 175; Mártonfi,Antonius, Varia notitia astronomica. Anni 1795, 1796, 1797, Ms. IX 179; Observationesastronomicae ex annis 1796‐1811 et observaţiones meteorologicae ex annis 1843,1844, 1860‐62 in specula Alba Carolinensis factae, Ms. IX 158; Mártonfi Antonius:Observationes astronomicae. Anni 1798, Ms. IX 178. Miscellanea astronomica speculaeA. C., 1798‐1855, Ms. VIII 67 Varia scripta speculae astronomicae Alba Carolinensis etS. Jesu A. Carolina, 1792‐1856, Ms. VIII 68.


« La Bibliothèque Batthyaneum fondée à Alba Iulia... 135Malgré le fait que l’acte entre vivants, faute d’un testament dans le sensdu XVIII e siècle et considéré comme tel, contient certaines dates, 25 et qu’ilexplique la stratégie de rémunération du personnel proposée par l’évêquedéjà malade, il nous reste impossible d’établir toutes les sources de sesrevenus ecclésiastiques ni les sommes dont se chiffrait le trésor de l’Église,après le départ des Ordres, surtout des Jésuites. Car il léguait à l’Église età la Principauté de Transylvanie sa fondation, donc l’Institut. Il y spécifiaitles maisons et les terrains achetés, certainement à bas prix, dont certainsavaient appartenus aux Jésuites et aux Trinitaires, se chiffrant à 32 000florins renans, somme totale. L’exploitation de ces biens, aurait du assurerpar roulement annuel les salaires et implicitement, le fonctionnement del’Institut.Cependant rapportée aux testaments des trois Batthyány de la brancheprincière, cette somme, reste infime. Même en additionnant la contre‐valeurdes biens mobiliers de son Institut, l’inventaire de l’Observateurastronomique et les livres de la Bibliothèque, qui comptaient 18.000 unités,on ne peut pas la hausser au delà de la somme de 100.000 florins renans.Pourtant une certaine analyse qui accompagne l’histoire de laBibliothèque, s’appuie systématiquement sur la fortune personnelle ducomte évêque, tout en ignorant le droit canon, qui interdisait formellementd’en détenir une, et pire encore de la transmettre, outre qu’à l’Église si elleavait existé. Justement à cause de ces arrêts, les frères d’Ignace, perdirentsuccessivement les procès, car le droit canon fut reconnu par les tribunauxcivils.Donc, il est encore plus difficile d’estimer sa fortune « laïque ». Lesprocès intervenus dans le cadre du règlement de la succession de l’évêqueBatthyány ont donné lieu à des estimations globales de sa fortune, maisaucune recherche n’a pas été complète. 26Une bonne partie des documents de la famille se conserve actuellementsoit dans les archives nationales de Budapest, soit dans les archivesdépartementales de Vas, de Fejér, de Baranya, de Sümegy, ou à Eger25Document nr. 177. Inv. 6619, boîte nr. XXX, Les Archives du chapitre d’AlbaIulia, dans la Bibliothèque Batthyaneum – ancien enregistrement hongrois, Az ErdelyiKáptalan Levéltára Gyula‐Fehérvárt, Láda 7 Szám/no. 995. Centuria Ji Nro. 30. Voir ledocument dans les annexes du chapitre.//26Bíró Vencel/Vince, Gróf Batthyány Ignác / Le comte Ignace Batthyány, ErdélyiMúzeum, no. 1‐2, 1941. Jakó, Zsigmond, A Batthyaneum könyvtár történetéböl /L’histoire de la Bibliothèque Batthyaneum], Könyv szemle, an. XIII, nr.3, 1969. Márton,József, Batthyány Ignác püspök története és munkássága / La vie et l’œuvre de l’évêqueIgnace Batthyány in Studia Unversitatis Babes‐Bolyai, Theologia catholica latina, XV, 1,2000, pp. 145‐150.


136 DOINA HENDRE BIROet Esztergom en Hongrie, enfin, à Vienne, Graz, Güssing, Pinkafő, enAutriche. Il fallait d’abord les étudier et corroborer les données, tout entenant compte que la famille était nombreuse et du fait qu’après la mortdu père, ce fut Ignace, aidé par Joseph Batthyány, qui prit la qualité detuteur pour deux de ses frères mineurs. Enfin, pour éclaircir le seuil dela fortune familiale au moment du décès du père, il fallait aussi faire uneétude approfondie, du Majorat de Louis Ernest, car à sa constitution, desterres et des domaines furent vendus ou échangés entre cousins.Certes, les Batthyány de Pinkafő n’ont jamais été pauvres non plus. Etc’est dans cette branche que passa le titre de prince, à la fin du XIX e siècle,après l’extinction de la première lignée, et notamment en suivant la lignéede Joseph Georges, le frère aîné d’Ignace.Tentons une réponse à la question du début : Ignace Batthyány, fit partiedes élites ecclésiastiques, donc soumis à des lois précises, immuables, audelà de ses racines et de la fortune de sa famille. Mais sa vraie richesse restela richesse intérieure, transmise par sa foi, par son savoir et ses passions.En fin compte il nous a légué une Bibliothèque, plutôt dans les sens de sesvaleurs inespérées qu’elle abrite, devenant ainsi source de connaissance etdu bonheur perpétuel.9. Juste quelques idées sur l’Institutum BatthyanianiLe procès intenté par la famille, généra la fermeture temporaire dela bibliothèque revendiquée par ses frères, et l’exécution en 1802, d’uninventaire des biens mobiliers de l’institut Batthyaniani, sans que lefonctionnement de l’Observatoire astronomique soit pour autant suspendu. 27Les acquisitions de nouveaux livres n’étaient pas interdites non plussi on tient compte des deux donations effectuées, par l’évêque JosephMàrtonffi, le successeur d’Ignace et par le Lycée diocésain de Cluj. 28Ces arguments soutiennent l’affirmation, que dans la résidence del’institut, les activités se déroulèrent, sans être interrompues. On pourraitajouter encore l’information selon laquelle à partir de 1815, le travail27Mártonfi Antonius, Observationes astronomicae, 1799, Ms. XII 11; Continuatioobservationum astronomicarum factarum in observatorio Albensis Anni 1799, 1800,1801, Ms. IX 177; Miscellanea astronomica speculae Albae Carolinensis, A.‐Carolina,1800‐1851, Ms. VIII 66.28Consignatio Librorum ab excellentiss. Dno. Josepho Martonfi EpiscopoTransilvaniae nuper defuncto Bibliothecae Episcopali dispositioni testamentali legatorum,c. 1815, 35 file, 413 titres, Ms. XI 437 ; Compte‐rendu du Chapitre d’Alba Iulia, de 6 mars1818, document no. 8718.


« La Bibliothèque Batthyaneum fondée à Alba Iulia... 137des directeurs Andreas Cseresnyés et Josephus Bede, commença à êtrerémunéré conformément à la volonté du légataire 29 , et une autre, quiannonce l’implication du Gouvernement de Transylvanie : étant donné sonstatut de cotuteur. Il intervint en 1817 effectuant par ses fonctionnaires unpremier contrôle et en demandant entre autres, un classement judicieux deslivres ainsi que la rédaction par collections, des nouveaux catalogues. Cequi se fit dans les années suivantes.A noter aussi que ces catalogues restent toujours les meilleursinstruments de travail du bibliothécaire et du chercheur. 30 Toutefoiselles furent complétées par les ouvrages de Robert Szentivány, pour lesmanuscrits 31 et de Petrus Kulcsàr, pour les incunables 32 .L’ancienne église des Trinitaires, dans laquelle se trouve la Bibliothèque,porte en majuscules dans son fronton, le nom de la déesse de l’Astronomie,URANIAE, semblant donner un autre nom au bâtiment. 33Il nous laissa un vrai héritage spirituel et intellectuel dans le sens le pluslarge de l’exigence scientifique en tant qu’aristocrate, homme d’Église,savant, passionné érudit de bibliophilie et d’histoire. Car Ignace Batthyányest l’auteur de onze ouvrages sur l’Histoire de l’Église, dont neuf originauxet deux traductions.29boite XXXVII, documents no. 203, Rationes Instituti astronomici: 1815, 1816,1817, et 227, Rationes de Preceptis et erogatis fundi Astronomici 1a Augusti 181730Cseresnyiés Andreas, Catalogus primarum editionum, I‐II, Ms XI 486, Idem :Conscriptio bibliothecae Instituti Batthyaniani facta Anno 1824, I‐II, 259, 250f. ;Index Juristarum, Philosopharum, Philologorum et Editionum Primaevarum ab inventatypographia saec. XIX, 199f ; Catalogus primarum editionum, Incunabula, saec. XIX,338f.31Szentivány, Robertus, Catalogus concinnus librorum manuscriptorumBibliothecae Batthyanyanae, Editio quarta, retractata, adaucta illuminata, Szeged, 195832Kulcsár, Péter, Catalogus incunabulorum bibliothecae Batthyanyanae/Lecatalogue des incunables de la Bibliothèque Batthyaneum, Szeged, 1965.33URANIAE C (omes) IG. (Natius) DE BATTHYAN EP. (piscopus) TRANS(silvaniae) POSUIT, 1794.


138 DOINA HENDRE BIROAula Magna : Le blason du fondateur inscrit dans le bouclier de la déesse Minerve.Aula Magna : «Les Chevaux du soleil », thème reprise au‐dessus de la galerie.


« La Bibliothèque Batthyaneum fondée à Alba Iulia... 139Aula Magna : Le buste d’Ignace Batthyány, œuvre du sculpteur Narcis Dumitru Borteş.


Lectures et bibliothèques de la noblesse dans lesPrincipautés roumaines (XVIII e siècle).Bilan et perspective de recherche.RADU G. PĂUNUn regard attentif sur les travaux concernant les bibliothèques et la lecturedans les Principautés de Moldavie et de Valachie entre 1700 et 1830‐1840,peut facilement constater que ceux‐ci s’agglomèrent aux extrémités del’intervalle en question, avec, d’un côté, les études sur la bibliothèque duStolnic Constantin Cantacuzène (mort en 1716) 1 et la fameuse bibliothèquedes Maurocordato 2 et, de l’autre côté, celles qui portent sur les grandesbibliothèques de Iordache Rosetti‐Roznovanu 3 et Ioan Balş 4 (Moldavie).Le contexte historique explique bien cette situation, un contexte caractérisépar la circulation des hommes et des idées (et bien sûr des livres), surtoutdans l’espace italien entre 1650‐1660 et 1700 5 , en gros, prioritairement1DIMA‐DRĂGAN, 1964, 1967 ; 1974 ; RUFFINI, 1973.2IORGA, 1914‐1915, 1926 ; MIHORDEA, 1940 ; GEORGESCU, 1969 ;DIMA‐DRĂGAN, 1974a ; PIPPIDI, 1979, 1980, 1997. Voir aussi le catalogue de laBibliothèque de Văcăreşti, fondée par Nicolas Maurocordato, HURMUZAKI 1917, pp.145‐156.3PAPACOSTEA, 1963 ; PAPACOSTEA‐DANIELOPOLU, 1974. La bibliothèquede Roznovanu aurait compté autour de 7000 volumes, ISAC, 1969, pp. 55‐56 (cataloguemanuscrit que l’auteure discute mais ne publie pas en entier).4KARADJA, 1947. Voir aussi PIPPIDI, 1971 (description assez détaillé mais sanspublier le catalogue, rédigé en français et datable juste après 1852 ; remarquons un seultitre en roumain et un en allemand, alors que le français et le grec dominent).5L’ouvrage fondateur dans cette direction reste TSOURKAS, 1967. Voir aussi,parmi d’autres, FABRIS, 1942 ; TSIRPANLIS, 1971, 1980 ; PLOUMIDIS, 1972 ;KARATHANASSIS, 1976. Des considérations d’ordre quantitatif sont à retrouver chezPIPPIDI, 1981, pp. 710‐711. Pour le profil de l’érudit sud‐est européen, le travail de basereste CÂNDEA, 1970. Voir aussi CERNOVODEANU, 1971 (bibliothèques nobiliaires,p. 306, note 26).


Lectures et bibliothèques de la noblesse dans les Principautés roumaines... 141dans l’espace français et allemand pendant les premières décennies du XIX esiècle, quand le monopole politique ottoman commençait à faiblir 6 . Dansle premier cas, l’afflux de la culture grecque et des lettrés grécophonesayant étudié (ou non) en Occident vers les deux principautés danubiennesont joué un rôle de catalyseur culturel incontestable 7 ; dans le deuxième, lapénétration des « idées françaises » et la formation des jeunes intellectuelsdans les universités occidentales ont joué le même rôle 8 .Les exemples susmentionnés sont pourtant des cas hors‐normes, desexceptions qui ne peuvent rendre compte ni de la situation, ni des attitudesgénérales des acteurs sociaux à l’égard du livre et de la lecture et d’autantmoins de l’état général des bibliothèques privées (nobiliaires ou non) desdeux principautés. La question se pose donc quelle était cette « norme » etqu’est‐ce que les boyards moldaves et valaques « ordinaires » avaientl’habitude de lire et comment ? Quel étaient le statut et la place du livre dansles milieux nobles des deux pays ? Comment reconstituer une bibliothèquesans l’aide des catalogues et des inventaires ou bien sans la correspondanceque les propriétaires ont entretenue avec leurs fournisseurs ?Sans pouvoir donner des réponses définitives à ces questions, nousallons passer rapidement en revue les recherches entreprises dans cedomaine, tout en attirant l’attention sur quelques aspects particuliers de lasociété roumaine de l’époque, des aspects qui obligent à une investigationcontextualisée en fonction d’un nombre important de facteurs, dont lapersistance de l’oralité et du livre manuscrit occupent une place de choix.Faute de sources « classiques » (catalogues de bibliothèques, inventairesaprès décès, etc.) qui puissent offrir des données exploitables dans cedomaine, notre attention s’est dirigée vers les pratiques sociales de la lecture6Paradoxalement, aucune étude de synthèse ne traite de la présence des étudiantsroumains dans les universités françaises ; voir pourtant IORGA, 1906 (demandes de livreset de gazettes par certains princes et boyards), 1928, pp. 232‐239 ; BENGESCO, 1895 ;RALLY, RALLY, 1930 ; ISAR, 1979 ; IONCIOAIA, 1994, 1998. Pour les étudiantsroumains et sud‐est européens dans l’espace allemand on consultera SIUPIUR 1995,2001, 2004, 2005. Voir aussi : SIUPIUR, 2004.7Sur l’importance de la culture grecque dans les Principautés roumaines, onse rapportera surtout à RUSSO, 1939 ; KARATHANASSIS, 1975, 1982. Voir aussi :CAMARIANO‐CIORAN, 1974 ; CICANCI, 1984. Une « académie » existait aussi àConstantinople, cf. GRITSOPOULOS, 2004.8Voir, entre autres, ELIADE, 1898 ; IORGA, 1924, 2006 , surtout pp. 81‐104et 152‐190 ; PIPPIDI, 1989 ; CERNOVODEANU, 1992. En général, voir CORNEA,1972 ; IONIŢĂ, 2007. Sans aborder en priorité la question des bibliothèques privées,PAPACOSTEA‐DANIELOPOLU, 1998, fournit nombre d’informations sur la circulationdes écrits grecs dans les deux principautés, surtout pour la fin de l’Ancien Régime et lesdébuts de l’ère « moderne ».


142 RADU G. PĂUNet de l’écriture, en suggérant la nécessité de l’adaptation de la méthodologiede recherche au contexte culturel à étudier.Une précision préliminaire s’impose, afin de situer notre sujet dansle contexte historique qui lui était propre. Loin d’être des sociétés sansimprimerie – comme le croyaient certains historiens 9 , et comme c’étaitle cas de Raguse, étudié par Traian Stoianovich 10 – les principautés deValachie et de Moldavie manquaient toutefois d’une imprimerie laïque 11 .En effet, l’imprimé était entièrement voué à la production des livres deculte, et l’Église, en étroite collaboration avec et bénéficiant du support dupouvoir monarchique, détenait le monopole des presses et des techniquesd’imprimerie et contrôlait de près le processus d’édition et de production 12 .Il y a là, et cet aspect a été maintes fois souligné, et à juste titre, un desvolets de la mission consciemment assumée par les princes moldaveset valaques, celle de piliers de l’Orthodoxie, dans un contexte où ladomination ottomane, mais aussi l’offensive du missionarisme catholiqueet protestant, menaçaient « la foi » et « la loi » – deux concepts clé, dontla synonymie en langue roumaine (ils sont désignés par le même mot :lege) témoigne de la consubstantialité entre le monde divin et le mondeterrestre, dont l’organisation n’était que la réplique imparfaite du premier 13 .Conséquence directe de cette situation, le livre imprimé est resté jusqu’àtrès tard l’expression matérielle et le véhicule de la parole de Dieu 14 . Celadit, il faut bien admettre que les livres sortis des presses moldo‐valaques –qui alimentaient en fait tout l’Orient orthodoxe, des terres serbes et bulgaresjusqu’en Grèce 15 et d’ici en Géorgie 16 et à Damas 17 – n’étaient pas destinésà la lecture individuelle et, pour aller encore plus loin, ni même à la lecture9GRASSI, 1979.10STOIANOVICH, 1975.11Voir, dans ce sens, TOMESCU, 1968, p. 109 et suiv. ; PIPPIDI, 2008 ; PĂUN,2008.12Les imprimeries privées apparaissent assez tard : en 1817, celle de ConstantinCaracaş, en Valachie, rachetée en 1821 par Ioan Heliade Rădulescu ; une autre fut crée aIaşi, pratiquement au même moment, par Gheorghe Asachi, cf. PIPPIDI, 2008.13PĂUN, 2008 ; OFRIM, 2001. Voir aussi BODA<strong>LE</strong>, 2004.14Preuve en sont, entre autres, les livres dits de « de délectation », qui puisent en faità la sagesse antique, à savoir préchrétienne, tout en la christianisant, afin d’offrir au lecteur« de la nourriture pour l’âme », cf. DUŢU, 1971, 1973.15TURDEANU, 1950 ; SIMONESCU, 1974 ; OIKONOMIDES, 1975, 1977.16PIPPIDI, 2009.17SIMONESCU, MURAKADÉ, 1939 ; SIMONESCU, 1967 ; CÂNDEA, 1965 ;FEODOROF, 2009.


144 RADU G. PĂUNL’étude de la production et la circulation des manuscrits exige pourtantdes instruments de travail appropriés, et à ce point il faut admettre qu’il en resteencore beaucoup à faire. Ainsi, le catalogage des manuscrits grecs et slavonsest loin d’être achevé 24 , alors que le répertoire de copistes de manuscritsroumains, réalisé par Gabriel Ştrempel 25 , reste un ouvrage essentiel, maisqui mériterait une nouvelle édition revue et augmentée et éventuellementcontinuée jusqu’à, disons, 1840. Il n’existe pas, et il faut le préciser, aucunetentative de répertorier les copistes grecs, ce que, vu le quasi‐bilinguisme dela société roumaine cultivée de l’époque, alourdi drastiquement la tâche del’historien. D’un autre côté, un répertoire complet de colophons et de notesmarginales, tant des manuscrits que des livres imprimés, fait encore défaut,car l’ouvrage récent, et fort important, d’Ioan Caproşu et Elena Chiaburu necomprend que le matériel en provenance de Moldavie 26 .Voilà donc quelques raisons pratiques pour lesquelles la recompositiondu contenu des bibliothèques roumaines d’Ancien Régime s’avèredifficile. La recomposition de leur contenu matériel l’est mille fois plus,car les livres eux‐mêmes en tant qu’objets se sont éparpillés pratiquementpartout au cours du temps. La seule stratégie à suivre serait donc d’explorersystématiquement les fonds des diverses bibliothèques publiques et privéesactuelles, identifier les ex‐libris et autres marques de possession (sceauxet armoiries, signatures des propriétaires, notices marginales, etc.) 27 et24Pour nous référer seulement aux collections de la Bibliothèque de l’AcadémieRoumaine, les derniers volumes parus sont : CARATAŞU, POPESCU‐MIHUŢ,TEOTEOI, 2006 (le précédant volume est : CAMARIANO, 1940), respectivementPANAITESCU, 2001 (le précédant volume est : PANAITESCU, 1959).25ŞTREMPEL, 1959. Le modèle dans la matière reste HUNGER, GAMILLSCHEG,HARFLINGER, 1981,1989, 1997.26CAPROŞU, CHIABURU, 2008‐2009. Voir aussi : CORFUS, 1971 ;ADAM‐CHIPER, 1996. Des données utiles pour notre propos sont recueillies par IORGA,1916.27Ce fut d’ailleurs grâce à un ex‐libris trouvé sur un des volumes de l’ouvrage deDelisle de Sales, De la philosophie de la nature, ou traité de morale pour le genre humaintiré de la Philosophie et fondé sur la Nature, (Londres, 1789, 7 volumes), qu’on s’est aperçuque Constantin Hantzeri, prince de Valachie (1797‐1799, exécuté par les Turcs), possédaitsinon une vraie bibliothèque, au moins une collection de livres dont on ne soupçonnaitmême pas l’existence, cf. DIMA‐DRĂGAN, 1968 ; PIPPIDI, 1989, p. 237, note 103.Des recherches ponctuelles et/ou des découvertes accidentelles contribuent chaque jourà compléter le contenu de telle ou telle bibliothèque. Ainsi, la présence de l’ex‐libris duprince Nicolas Maurocordato sur le livre d’André Schott (Paroimiai hellēnikai. Adagiasive Proverbia graecorum ex Zenobio seu Zenodoto, Diogeniano & suidae collectaneis(Anvers, Officina Plantiniana, 1612) a permis de l’attribuer à la bibliothèque de ce prince,BĂDĂRĂ, 2001. De même, l’identification des armoiries présentes sur la reliure d’un


Lectures et bibliothèques de la noblesse dans les Principautés roumaines... 145comparer les données ainsi recueillies avec les informations fournies par lescatalogues de l’époque. Ce type de démarche, qui exige aussi une parfaiteconnaissance de l’histoire des institutions, a été entreprise par CorneliuDima‐Drăgan et autres auteurs pour ce qui est de la bibliothèque duStolnic Constantin Cantacuzino, désintégrée après la mort violente de sonpropriétaire et du fils de celui‐ci, le prince régnant Ştefan (1714‐1716) 28 .Mais cette approche devrait se baser sur d’autres instruments detravail, fruit d’un catalogage systématique des bibliothèques actuelles et dela mise en circulation des données ainsi inventoriées, deux processus quisont loin d’être satisfaisants pour ce qui est des bibliothèques roumaines 29 .Si jamais cela sera fait, de nouvelles pistes s’ouvreront pour recomposerdes bibliothèques aujourd’hui disparues, comme, par exemple, celle duprince érudit Constantin Duca, qui s’est probablement éparpillée entredes exemplaires du Divan de Dimitrie Cantemir a conduit Aurora Ilieş et Marieta Adam àl’identification du possesseur dans la personne du prince Mihail C. Soutzo (1793), ILIEŞ,ADAM, 1973. L’intérêt pour le livre n’était pas nouveau dans la famille : l’ancêtre duprince, Drakos, avait détenu, entre autres, un exemplaire du livre Urbani BellunensisInstitutionum in linguam graecam grammaticarum libri duo (Basel, 1535), IORGA, 1916,p. 802. L’énigmatique « Alexandros bey‐zadé » (fils de prince régnant) qui a apposé sasignature sur un autre exemplaire du Divan, se trouvant aujourd’hui à British Museum,devra être identifié de la même manière, ILIEŞ, ADAM, 1973.28Voir les titres cités en note 1. Les ex‐libris peuvent parfois indiquer la trajectoirequ’un livre a connue au cours du temps. Ainsi, les Maurocordato (Nicolas, Jean, Constantin)eurent l’habitude d’effacer les ex‐libris apposés par le Stolnic en les remplaçant par lesleurs, DIMA‐DRĂGAN, 1974, pp. 44, 60 ; voir aussi CARDAŞ, 1930, p. 614. Celan’arriva pas toujours, toutefois : lorsqu’il appose sa marque de propriété sur la premièrepage de l’ouvrage d’Octavius Ferrarius, De re vestiaria libri tres (Padoue, 1685), JeanSkarlatos, le beau‐fils du prince Nicolas Maurocordato, n’efface pas l’ex‐libris du Stolnic,DIMA‐DRĂGAN, 1974, p. 44.29Parmi les instruments de travail parus ce dernier temps, il faut mentionnerSTAMATOPOL, 2001, 2002, 2007 et ŞTEFAN, 2008 (avec description des exemplaires).Très précieux s’avère aussi le travail de SCHATZ et STOICA, 2007, même s’il ne signaleque les titres et le lieu de dépôt, sans décrire les exemplaires (www.cimec.ro/scripts/Carte/incunabule/default/asp). Je signale ici également les ressources mis en ligne par CIMEC(Centrul de Memorie Culturală : www.cimec.ro) et Biblioteca Naţională a României : (www.bibnat.ro). Dans le premier cas, le Catalogue collectif du livre ancien roumain (www.cimec.ro.cartev/carte.htm), fort utile, est accompagné d’une bibliographie (cf. BIBLIOGRAFIA,1999), malheureusement assez modeste au niveau de la réalisation scientifique. Dans ledeuxième cas, on a même procédé à la numérisation, dans les cadres le projet BibliotecaDigitală Naţională, du livre ancien, roumain (133 titres mis en ligne) et étranger (environ500 titres) et du livre manuscrit (environ 200 titres). Par contre, pratiquement rien de cegenre n’est entrepris par la Bibliothèque de l’Académie roumaine qui détient les plusimportants fonds de manuscrits et de livres anciens, tant roumain qu’étranger.


146 RADU G. PĂUNConstantinople et Moldavie, ou bien celle de Scarlat Ghica (mort en 1828),fils du prince régnant Grigore Alexandru Ghica et « grand érudit » selon lechroniqueur Manolachi Drăghici, et qui a laissé de nombreux manuscrits,fruit de ses préoccupations littéraires, et « une bibliothèque des plusrenommées dans ce pays‐là », mais dont les traces semblent aujourd’huicomplètement effacées 30 .Dans de tels cas cependant, l’histoire littéraire peut aussi venir en aideaux historiens « purs et durs », car l’étude des écrits d’un personnage peutjeter des lumières sur sa bibliothèque, même si la correspondance n’estjamais parfaite entre le contenu d’une bibliothèque et la liste des lectures deson propriétaire. Sauf erreur de ma part, une telle démarche n’a été jamaistentée dans les deux cas cités ci‐dessus, et on l’a seulement esquisséepour certains autres hommes de lettres 31 , dont Dimitrie Cantemir 32 , parexemple, qui a détenu non pas une, mais trois bibliothèques remarquables,à Constantinople, à Iaşi et en Russie. Ses propres écrits fournissent parfoisdes indications explicites sur le destin de ses livres, dont certains tombèrententre les mains des frères Nicolas et Jean Maurocordato, les fils du fameuxExaporite (mort en 1709), lui même ancien étudiant à Constantinople etPadoue, ensuite professeur à l’Académie Patriarcale de Constantinopleet grand bibliophile, passion qu’il avait transmise à ses deux fils 33 . Ainsi,quand il raconte l’épisode de la confiscation des églises orthodoxesordonnée par le Sultan Selim Ier, Cantemir affirme l’avoir connu grâce àun livre manuscrit écrit par Ali Effendi, « grave auteur parmi les Turcs »et ancien secrétaire du Trésor impérial, auteur par ailleurs inconnu. « Jerencontrai ce livre chez un Grec à Philippopolis – dit Cantemir –, il fautqu’il soit unique, car je n’en ai vu nulle part aucune copie. Je le laissai àConstantinople, lorsque je quittai cette ville, et j’apprends qu’il est tombéentre les mains de Jean Maurocordato, Interprète de la Cour Othomane ;qui s’est aussi saisi de plusieurs autres mémoires sur les affaires des Turcsque j’avois recueillis » 34 .30DRĂGHICI, 1998, II, p. 213.31Certaines données concernant Duca sont fournies par RUSSO, 1939, II, p. 418 etpp. 421‐424.32Une des premières tentatives appartiennent à MINEA, 1926. Dans son Hroniculvechimei a romano‐moldo‐vlahilor, Cantemir dresse lui‐même une bibliographie desouvrages qu’il avait consulté (154 auteurs) ; cela ne veut pas forcément dire qu’il lespossédait tous, cf. CANTEMIR, 1999. Voir aussi l’appareil critique qui accompagnel’édition de son Sistemul sau întocmirea religiei mahomedane, CANTEMIR, 1987.33Sur lui, voir CAMARIANO, 1970.34CANTEMIR, 1743, I, p. 120. Sur les sources de cet ouvrage, voir, entre autres,BABINGER, 1966, pp. 146‐147 ; GUBOGLU, 1960‐1961 ; A<strong>LE</strong>XANDRESCU‐DERSCA


Lectures et bibliothèques de la noblesse dans les Principautés roumaines... 147La bibliothèque des Maurocordato représente d’ailleurs non seulementla plus fameuse bibliothèque de famille de l’époque, mais aussi une synthèsedes autres bibliothèques privées de la région, qu’elle a graduellementincorporées, de gré ou de force. Nicolae Iorga l’a constaté en explorant lesfonds de manuscrits grecs de la Bibliothèque alors impériale de Vienne 35 ,où il a pu trouver nombre de livres manuscrits ayant appartenu au StolnicConstantin Cantacuzino et au prince Nicolas Maurocordato. L’explicationest assez évidente : ce dernier, capturé les troupes des Habsbourg en 1716,a du passer quelque temps en Transylvanie où il n’abandonna guère sespréoccupations savantes, entrant en contact avec des érudits locaux etéchangeant des livres avec les bibliophiles de l’Empire. La présence dansla bibliothèque impériale des manuscrits portant la marque de possessiondu Stolnic indique qu’à cette époque‐là Maurocordato s’était déjà emparéd’une partie de la bibliothèque de celui‐ci. D’autres ouvrages sont arrivésen Transylvanie comme butin de guerre, suite au pillage que le Palaisprincier de Bucarest a subi de la part des troupes autrichiennes en 1716.Des recherches futures apporteront peut‐être des éléments nouveauxdans cette discussion. Remarquons pour l’instant qu’une bibliothèque encache souvent une autre et même plusieurs, et cela est encore plus vraidans le Sud‐Est européen, dont les habitants ont du vivre les temps dursdes conflits entre les puissances chrétiennes et la Porte ottomane 36 . Maissi les fonds de livres n’existent plus en tant que tels, des « témoins »peuvent en fournir des informations, à conditions qu’ils soient interrogésavec attention. Pour ce faire, le recours aux sources classiques (cataloguesde bibliothèques, inventaires après décès, correspondance, etc.), bienBULGARU, 1973 ; GEMIL, 1974. Dans la même logique, chaque découverte d’ouvragesécrits ou traduits par tel ou tel personnage jette des lumières sur ses lectures et, peut‐être,sur les livres qu’il possédait. Tel est le cas du prince Alexandru Hantzeri (prince deMoldavie, 1807) auteur, entre autres, d’un Dictionnaire français, arabe, persan et turc,publié à Moscou en 1840, travail qu’il n’aurait pas pu mener à bien sans l’aide d’unebibliothèque spécialisée (cf. MITU, 1999, p. 112 et note 43, p. 212) ou bien du princeNicolas Karaca, connu comme traducteur, cf. CAMARIANO‐CIORAN, 1973. Les lecturesdont témoignent les écrits du prince Alexandre C. Mourouzi (cf. MITU, 1999) pourrontun jour enrichir nos connaissances sur la bibliothèque de cette famille « phanariote », à lacondition toutefois que la correspondance du prince avec son agent à Paris soit, elle aussi,publiée ; voir MARINESCU, PENE<strong>LE</strong>A‐FILITTI, TABAKI, 1991, p. 44.35IORGA, 1898.36Ainsi, par exemple, dans la bibliothèque du ban Grigore Brâncoveanu il yavait des volumes ayant appartenu à George Hypoménas de Trébizonde (jadis élève àl’Académie princière de Bucarest, RUSSO, 1939, II, pp. 309‐321) et au Stolnic ConstantinCantacuzino, auquel ce grand boyard du début du XIX e était apparenté, IORGA, 1906a, p.522.


148 RADU G. PĂUNqu’obligatoire, s’avère d’une utilité assez limitée, de même que l’appel àune histoire du livre entendue dans le sens stricte 37 . D’autres sources – detout ordre – doivent être mobilisées à ce propos ; d’autres méthodologiesdoivent être forgées, qui transforment l’histoire du livre dans une histoirequasi‐globale, dont les ramifications touchent pratiquement à tout 38 .Car les sources « classiques » s’avèrent souvent avares en informations.Prenons le cas des inventaires de biens, par exemple, car des inventairesaprès décès en bonne et due forme n’existent pratiquement pas avant leXIX e siècle. Décidé de prendre l’habit monacal, en 1802, Mihail (Mina)Rosetti, issu d’une des plus importantes familles de la noblesse moldave,légua ses biens à sa femme et à ses enfants. Une liste en fut rédigée àcette occasion, où, parmi des terres, animaux, vêtements et autres choses,on trouve aussi mentionnés 94 livres, dont 21 grecs, ce qui était logique,mais aussi 36 français et 37 allemands, fait assez rare dans la Moldavie del’époque. Le futur moine possédait donc une petite bibliothèque, mais onne saura peut‐être jamais quels titres se trouvaient là‐dedans, car la liste enquestion n’en fournit aucune information 39 . Seules les notes marginales,37Dans certains cas, heureux, les données fournies par les documents administratifs(catalogues de bibliothèques, registres de dépenses, etc.) peuvent être corroboréesavec celles qui ressortent de la correspondance des protagonistes. L’exemple classiqueen est toujours celui de Nicolas Maurocordato, cf. BOUCHARD, 1974 ; PIPPIDI,1980. La correspondance du prince avec l’érudit protestant Jean Le Clerc a été éditéedans <strong>LE</strong>C<strong>LE</strong>RC, 1997. Dans d’autres cas, ni la correspondance ni le(s) catalogue(s) debibliothèque(s) ne sont édités, alors que signalés depuis assez longtemps. C’est bien lecas de la bibliothèque du spathaire Ioan Balş, ancien étudiant en France ; une partie destitres qu’elle abritait, et qui venaient de Paris, sont connus grâce à la correspondanceque Balş a entretenue avec Jean Denis Barbie du Bocage, mais le catalogue, rédigé justeaprès sa mort (1839, Vienne), en allemand, et dénombrant 1815 volumes (462 titres) enfrançais, allemand, russe et roumain, n’a pas été publié jusqu’à ce jour, cf. ISAC, 1969,pp. 51‐54. Pour la période immédiatement ultérieure, après 1840, en gros, les informationssont plus riches, bien que rarement exploitées systématiquement. C’est le cas du cataloguede la bibliothèque du Prince Alexandru Dimitrie Ghica, rédigé en français, autour de1840, cf. PALIU, 1967 (présentation fort superficielle et peu significative de la richessede ce bibliothèque qui comprendrait autour de 700 volumes). Il n’est pas impossible,d’un autre côté, que les archives des monastères du Mont Athos réservent encore dessurprises, spécialement au niveau de livres manuscrits ; voir, par exemple, les remarquesde KITROMILIDES, 2004.38Ainsi, par exemple, des données fort utiles sont fournies par les recherches quiportent sur la fortune et la circulation d’un ouvrage précis. C’est le cas de l’excellenttravail dû à Aurora Ilieş et Marieta Adam, qui montrent que le Divan de Cantemir a étéfort prisé par les boyards des Principautés, ILIEŞ, ADAM, 1973 ; voir aussi CÂNDEA,1972. Un autre exemple est illustré par MITU, 1996, pp. 78‐120.39IORGA, 1933 ; ROSETTI, 1938, pp. 89‐90.


Lectures et bibliothèques de la noblesse dans les Principautés roumaines... 149si l’on en trouve, peuvent en communiquer plus et dévoiler les lecturesde ce boyard, dont le parent et contemporain Iordache Rosetti‐Roznovanupossédait une des plus importantes bibliothèques de son temps.Dans d’autres cas, les informations fournies par les documentsadministratifs peuvent être replacées dans un contexte plus large. Laliste de dépenses courantes d’une des branches de la famille Cantacuzino(Canta) de Moldavie, dont le chef Ioniţă Canta le logothète a été longtempscrédité comme auteur d’une chronique du pays, contient parmi les diverseschoses nécessaires dans un grand manoir, une mention de livres achetéspour l’instruction des enfants : les fables d’Ésope – lecture incontournableà l’époque – mais aussi – et on voit combien l’horizon culturel desparents était éclectique – le Manuel de lois d’Harmenopoulos, l’une desplus répandues et utilisées anthologies juridiques byzantines, ainsi que« l’Encyclopédie » – selon toute vraisemblance un volume, ou plusieurs, del’Encyclopédie française qui circulait déjà dans les Pays Roumains. Aucunmot de plus à ce propos, mais dans ce cas nous savons pertinemmentque le boyard en question possédait encore d’autres livres, manuscrits,ce qui constitue un bon point de départ en vue de la reconstitution de sabibliothèque 40 .C’est toujours le même type de document qui nous renseigne sur leslivres possédés par le grand boyard moldave Grigore Sturdza. Autourde 1803‐1805, lorsqu’il commanda des vitres pour sa bibliothèque, ilachetait aussi des dictionnaires (Varinus, imprimé pour la première foisen 1523, à Rome, et réédité nombre de fois par la suite) et des grammaires(« Lascareos », vraisemblablement la grammaire du grec ancien rédigépar Constantinos Lascaris (mort en 1501), qui a connu plusieurs éditionsà partir de 1476) pour son jeune fils Mihail, qui allait devenir, plus tard,prince régnant de Moldavie (1834‐1849). Des livres grecs et autres ontété également commandés à Paris et ailleurs, ce qui explique l’excellenteformation grecque et française que le futur Prince possédait à l’âge mûr 41 .Certaines relations de voyage, autrement précieuses par leurs40IORGA, 1927 ; ATANASIU, 2007.41ISAC, 1969. Les documents juridiques peuvent aussi communiquer desinformations inattendues concernant l’histoire du livre et de la lecture. C’est bien le casdu dossier d’un procès instrumenté en 1869 à Iaşi. Pour prouver leurs dates de naissancerespectives, les deux protagonistes ne purent faire rien d’autre que d’apporter devantles juges les livres imprimés sur lesquels leurs géniteurs avaient marqués les heureuxévénements. On apprend par cette voie que le petit boyard Ioan Manolli possédait unexemplaire du Psautier imprimé à Râmnic en 1751 (ouvrage très rares de nos jours), alorsque Costache Neculau en possédait un autre, celui dû au métropolite Dosoftei (édition de1815, inconnue aux spécialistes), cf. ISAC, 2002‐2003.


150 RADU G. PĂUNdescriptions de l’atmosphère culturelle de l’époque, pèchent souvent parun excès de généralité et de subjectivité. Connu comme homme de lettres et« collecteur de savoir », Jean‐Claude Flachat, qui passa, en 1740, quelquesmois en Valachie à la Cour de Constantin Maurocordato, s’adonne à deslouanges démesurés à l’égard de son protecteur princier, ce qui invite àprendre son témoignage avec beaucoup de précaution. S’il est certain quela bibliothèque du prince était vraiment remarquable, comme Flachat le dit,il est moins sûr que celle du boyard grec Andronaki Vlastò, un des prochesdu prince, le fût autant 42 .Les premières décennies du XIX e siècle voient apparaître de nouvellespratiques par rapport au livre et à la lecture, à même d’ouvrir de nouvellespistes de recherche. Je ne donnerai ici que l’exemple de la souscription –pratique très répandue dans toute la région balkanique 43 . Se rapportant àl’espace roumain, Cătălina et George Velculescu ont entrepris, dans lesannées 1970 déjà, une étude systématique de ce phénomène dans l’intervalle1815‐1853. Malgré le problème, parfois très épineux, de la définition apriori des catégories sociales prises en compte, les résultats restent bienutiles et indiquent le grand intérêt que la noblesse moldave et valaquemontrait à l’égard du livre imprimé. Après une première période (avant1820), où le phénomène est dominé par le clergé et les acteurs sociauximpliqués dans l’enseignement, la participation de la noblesse augmentede manière significative pendant la décennie suivante, même si le clergéreste toujours en tête. A cette époque‐là, 60% des souscripteurs de Valachiesont des boyards ; les données manquent pour la Moldavie à la mêmepériode, mais là on voit la participation de la noblesse se situant à 54%dans l’intervalle suivant : 1830‐1839 44 .Des données exploitables existent donc pour tenter des études de cas, oùles informations fournies par les listes de souscripteurs soient corroboréesavec celles tirées d’autres sources, afin de recomposer, tant que faire sepeut, certaines bibliothèques de la noblesse.42Selon Flachat, Vlastò possédait aussi un « cabinet de curiosités », que le voyageurs’adonne à décrire sommairement, F<strong>LA</strong>CHAT, 1766, pp. 278‐290. La question reste si detelles collections étaient des vraies bibliothèques, au sens déjà consacré en Occident, oubien de modestes collections hétéroclites comprenant des manuscrits, des livres impriméset d’autres objets « curieux ». Même s’il reste assez rare que ces sources nous informentsur les titres et les éditions y présentes, un répertoire de ce genre de mentions ne seraitpeut‐être pas inutile à dresser. Sur Flachat, voir, entre autres, TODERICIU, 1973 et lecatalogue de l’exposition Jean‐Claude Flachat : un collecteur de savoir au siècle desLumières, à l’adresse : www.ville‐st‐jean‐bonnefonds.fr/IMG/pdf/catalogue.pdf.43Cf. STOYANOV, 1966 ; ILIOU, 1975, 1980.44VELCU<strong>LE</strong>SCU, VELCU<strong>LE</strong>SCU, 1974, 1975 ; VELCU<strong>LE</strong>SCU, 1984, pp. 117‐163.


Lectures et bibliothèques de la noblesse dans les Principautés roumaines... 151Revenons maintenant pour un bref instant à l’histoire des institutionset à l’importance qu’elle présente pour l’histoire des bibliothèques privéespour dire que les deux sont pratiquement inséparables, surtout dans unerégion où les fonds d’archives, tant privées que « publiques », ont connudes trajectoires parfois inimaginables.En étudiant la bibliothèque que possédait jadis la Métropolie deBucarest, Mihail Carataşu 45 a pu établir qu’une partie des livres provenaientd’une donation faite par le métropolite Néophyte dit « le Crétois », ce quinous éclaire non seulement sur la bibliothèque de ce haut prélat, prochecollaborateur du prince réformateur Constantin Maurocordato, mais aussisur le destin d’une partie de la fameuse bibliothèque de ce dernier. Ainsi,l’acte de donation informe que certains volumes en grec, latin et turc ayantappartenu au prince avaient été donnés en gage au métropolite contreun prêt de 16 000 grossia. Le prince n’a pas pu retourner l’argent, et leslivres sont restés dans la propriété de Néophyte, qui les donna ensuite à laMétropolie. Précision intéressante, mais aussi frustration pour l’historien :le métropolite disposa de vendre les volumes latins et turcs, afin d’acheter –pour des raisons de culte, sans doute – des livres grecs et slavons ; ainsi, lestitres latins et turcs resteront à jamais inconnus, à moins que le hasard nefasse en sorte qu’on en découvre des traces ailleurs.Un cas plus heureux est celui de la bibliothèque de l’église et del’école grecques de Braşov (Kronstadt, en Transylvanie), bénéficiaire,en 1823, d’une importante donation de la part du boyard valaque GrigoreBrâncoveanu, qui a passé quelque temps dans cette ville pendant et aprèsla révolte dirigée par Tudor Vladimirescu (1821). En explorant cettebibliothèque, Nicolae Iorga a pu établir que cette donation – en livres grecs,latins, français, italiens et allemands – provient en fait d’une bibliothèqueaccumulée sur au moins trois générations, à partir du grand‐père dudonateur, Constantin le grand écuyer (pour la bibliothèque duquel nousdétenons aussi d’autres informations), le fils de celui‐ci et père du donateur,Manuel, et bien sûr de Grigore lui‐même 46 . Cette découverte complétait enfait les informations sur la bibliothèque (environ 3000 volumes) que cegrand boyard possédait dans sa résidence de Mogoşoaia, dévastée lors desévénements de 1821, et permettait d’inscrire Grigore dans une tradition quiavait commencé avec le prince Constantin Brâncoveanu, dont une partie45CARATAŞU, 1974.46IORGA, 1906a. Sur les compagnies dites « grecques » (en fait balkaniques)de Braşov et Sibiu existe une bibliographie considérable. On mentionnera ici :PAPACOSTEA‐DANIELOPOLU, 1974a ; CICANCI, 1981 ; KARATHANASSIS,1989 ; TSOURKA‐PAPASTATHI, 1994.


152 RADU G. PĂUNdes livres sont connus grâce aux catalogues tardifs de la bibliothèque qu’ilavait organisée au monastère de Hurezi, sa fondation éminente 47 .La pratique d’organiser des bibliothèques dans les fondations religieusesde famille était assez répandue au sein de la haute noblesse roumaine 48 . C’estgrâce à cette pratique que nous avons à présent une idée de la bibliothèquede la famille Cantacuzino, dont les bases ont été posées par le postelnic(chambellan) Constantin (mort en 1664) dans sa fondation de Mărgineni.Une partie des livres ont été confisqués, après la mort du Stolnic, le fils duprécédant, par Nicolas Maurocordato. D’autres sont restés à Mărgineni,où les générations suivantes de la famille ne cessèrent d’enrichir labibliothèque, avant qu’elle soit transférée à Bucarest, au Collège Nationalde Sfântul Sava, dont nous possédons le catalogue de bibliothèque, rédigéen 1839. En 1864, la bibliothèque du Collège fut transférée à son tour à laBibliothèque Centrale de l’État (actuellement Bibliothèque Nationale deRoumanie) et de là, en 1901, à la Bibliothèque de l’Académie Roumaine 49 .La bibliophilie des Cantacuzino venait de très loin, de cette Constantinopleimpériale que Michel Cantacuzino « Fils du Diable » (Sheytan‐oğlu) avaitdominée de manière autoritaire dans la deuxième moitié du XVI e siècle. Sisa collection de livres, surtout manuscrits, a été mise aux enchères aprèsson exécution sur l’ordre du Sultan, en 1578 50 , l’amour du livre n’a jamaisquitté la famille, car on trouve nombre de Cantacuzino, tant de Valachieque de Moldavie, parmi les commanditaires, les lecteurs et les possesseursde manuscrits et livres imprimés. Une reconstitution des préoccupationslittéraires et des bibliothèques des membres de cette famille ferait, à monavis, un beau sujet de thèse de doctorat 51 .Des travaux existent d’ailleurs qui montrent à quel point histoire dulivre et des lectures, d’un côté, et généalogie et prosopographie lignagère,de l’autre côté, sont liées et se complètent mutuellement. Ainsi, le feu Paul47IORGA, 1925 ; IONAŞCU, 1935 ; DIMA‐DRĂGAN, CARATAŞU, 1969.48DRĂGHICEANU, 1924. Des dons plus substantiels ont été faits à des diversesinstitutions d’enseignement ou de culte, ce qui, dans certains cas, revient au même, carcertains églises et monastères faisaient à l’époque figure de dépôts de livres d’une certaineou de plusieurs familles et servaient aussi d’écoles privées pour les jeunes membres deces familles. Les cas éminents sont Hurezi et Mărgineni (en Valachie) et Barnovschi enMoldavie, dont les catalogues de bibliothèques, bien que rédigés à une époque tardiveet souvent de manière peu satisfaisante, peuvent tout de même fournir des traces de cesbibliothèques ; voir, par exemple, HURMUZAKI 1917, pp. 909‐911.49DIMA‐DRĂGAN, 1964a ; POPESCU‐TEIUŞAN, 1964.50CRUSIUS, 1584 ; HARTUNG, 1578 ; PAPAZOGLU, 1983 ; CANTACUZENE,2002.51Voir pour l’instant, ATANASIU, 2007.


Lectures et bibliothèques de la noblesse dans les Principautés roumaines... 153Cernovodeanu a étudié la circulation manuscrite des versions roumainesde la Chronographies grecque du type Danovici 52 (d’après le nom dutraducteur, le petit boyard Pătraşco Danovici, actif entre 1659‐1676). Laversion roumaine est une traduction d’après les éditions publiées à Veniseen 1631 et 1637, dues respectivement à Pseudo‐Dorothéos métropolite deMonemvassie, et Matthaios Kigalas de Chypre. A travers une attentiveanalyse généalogique, Paul Cernovodeanu a montré que la circulationdes manuscrits roumains de la Chronographie témoigne de l’intérêtconstant que tout un clan de grands boyards moldaves (Buhuş, Ursachi,Cantacuzino, Neculce) ont manifesté par rapport au livre et à la lecture,en sorte qu’on puisse en parler d’une vraie tradition de famille, étalée surplusieurs générations et transmise aussi bien par hommes que par femmes.De même, en allant sur les traces de la première traduction roumained’Hérodote, et mobilisant toujours les outils de la recherche généalogique etprosopographique, Ştefan S. Gorovei a pu dévoiler l’existence du même typede solidarités et échanges dans un milieu sensiblement différent, à savoir,celui des copistes et traducteurs de la seconde moitié du XVIII e siècle 53 .Ce milieu – « de la petite robe », dirait‐on – interféraient constammentavec celui des grands boyards, dans la mesure où ces derniers utilisaient lescompétences de ces « spécialistes » pour alimenter leurs propres collectionsde manuscrits 54 . Il faut noter qu’une partie au moins des copistes spécialisésappartenaient eux aussi à la noblesse 55 . D’ailleurs, les pratiques du52CERNOVODEANU, 1997 ; voir aussi : CERNOVODEANU, 1998. Pourl’importance de cette littérature, fort prisée dans le monde roumain est sud‐est européen,voir aussi MIHĂESCU, 2006.53GOROVEI, 1998. Voir aussi GOROVEI, 2003a.54Ces données indiquent l’existence de toute une catégorie de scribes spécialisésdans la transcription des livres manuscrits et aussi des vrais réseaux englobant plusieurscommanditaires qui utilisent les mêmes copistes et qui, vraisemblablement, se lesrecommandent réciproquement. Jora, Stârce, Luca, Vârnav, Darie, Beldiman n’en sontque quelques exemples. De même, il faut aussi souligner que certains firent aussi travailde traduction, spécialement du grec et, plus tard, du français et de l’italien, cf. DUŢU,1968, p. 221 et suiv. ; DICŢIONARUL, 1979, sub voce Beldiman, Dărmănescu, Vârnav,etc. Voir aussi : MITU, 1999, pp. 73‐78.55Ce type d’analyse exige une très bonne maîtrise des généalogies des familles deboyards. Ainsi, comme l’a observé à juste titre Andrei Pippidi (cf. PIPPIDI, 1979, chapitreII, p. 33), celui qui apposait sa signature sur un exemplaire du In tres Aristotelis librosde Anima (Venise, 1605) du fameux professeur néo‐aristotélicien Giacomo FrancescoZabarella, le maître à penser de Corydalée, n’était pas Ioannes Chrysoscoleos, le beau‐pèred’Alexandre Maurocordato, comme le croyait Corneliu Dima‐Drăgan (DIMA‐DRĂGAN,1974a, p. 56), mais le neveu homonyme du grand drogman de la Porte, fils de sa sœurMarie, cousin donc du prince Nicolas qu’il accompagne en Valachie, enfin, ancien


154 RADU G. PĂUNprêt 56 et du don 57 de livres attendent encore l’étude qu’elles méritent et quicontribuera de manière significative à une sociologie de la lecture, et desusages du livre en général, dans les Principautés roumaines d’Ancien Régime.Tout cela montre, à mon avis, que la notion de bibliothèque elleétudiant à Rome et Padoue et docteur en médicine à Sienne, cf. RUSSO, 1939, II, pp.455‐457 (généalogie qui n’est pas acceptée par STURDZA, 1983, p. 320).56L’exemple classique est celui du même Stolnic Constantin Cantacuzino qui, dansune lettre adressée à son ami, le Patriarche de Jérusalem Chrysantos Notaras, déplorait levide qui régnait sur les étagères de sa bibliothèque, ce qui veut dire qu’il avait l’habitudede prêter des livres à des lecteurs peu soucieux du devoir de les rendre, cf. RUFFINI,1973, p. 42, (le 3 septembre 1708). Parfois, ceux qui demandent des livres le font pour lescopier eux‐mêmes ou bien pour les faire copier. Ainsi, en marge d’un texte manuscrit duXVIII e siècle on lit : « c’est moi Iordachi Sion qui a écrit [ce texte], l’ayant trouvé chezmessire le vornic Ioan Cantacuzino, lorsque j’étais dans sa maison ; je l’ai prié et il me l’adonné et je l’ai écrit [copié], mais pas très bien », ŞTREMPEL, 1959, p. 221.57Des présents en livres, présents qu’on peut appeler « courtois », sont parfoisenregistrés par les documents diplomatiques. C’est bien le cas des volumes offerts à AlexandreMaurocordato par les ambassadeurs et hommes politiques français et habsbourgeois, cf.PĂUN, 2008. Des présents en signe d’amitié désintéressée, toutefois, sont moins connus ;il faut se rapporter toujours aux dédicaces ou bien aux notices des lecteurs pour retrouverleur trace. Ainsi, par exemple, un manuscrit grec qui comprend, hormis d’autres écrits, lafameuse prophétie de Gennadios Scholarios sur la chute de Constantinople, manuscrit setrouvant à présent dans les collections de la Bibliothèque Nationale de Vienne, porte unedédicace qui nous informe qu’il a été offert par le Grand Drogman de la Porte PanagiotisNikoussios au postelnic Constantin Cantacuzino, IORGA, 1898, pp. 239‐240. Nikoussios, ilfaut le rappeler, avait possédé une belle bibliothèque, convoitée, à ce qui semble, par Colbertlui‐même, cf. GAL<strong>LA</strong>ND, 1881, pp. 273‐275. D’autres dons se faisaient en famille, telest le cas des deux exemplaires du Divan que l’auteur lui‐même offrait personnellement àŞtefan Luca, son parent et proche collaborateur, respectivement à son beau‐frère GheorgheCantacuzino, fils du feu prince Şerban et qui vivait en exile en Transylvanie, cf. ILIEŞ,ADAM, 1973, p. 1001. La famille Luca était attachée à la lecture ; voir les donnéescommuniquées par IORGA, 1916, p. 812. De même, après avoir écrit de sa propre main lemanuscrit roumain 168 de la Bibliothèque de l’Académie Roumaine, le postelnic IordacheMiclescu l’offrit à son frère aîné, Constantin (1785). Les dons à l’extérieur de la mêmefamille sont encore plus nombreux : ainsi, le manuscrit roumain 252 de la même collection –une Chronographie en traduction roumaine – a été copié par Ioasaf Luca, qui l’offrit augrand échanson Matei Hurmuzaki (1775), ŞTREMPEL, 1978, pp. 51‐52 et 70‐71. Encoreplus exceptionnel fut le destin du manuscrit roumain 1298 (même collection) qui passa deVasile Buhăescu à Dumitraşcu Balasachi et de celui‐ci à Iordachi Balş ; A un autre momentil a aussi été la propriété de Safta Rosetti ; un autre Rosetti, Iordachi, l’avait lu à son tour,ŞTREMPEL, 1978, p. 280 ; voir aussi CERNOVODEANU, 1998, p. XLVI. L’échangeentre érudits convient aussi d’être mentionné : Ainsi, le Stolnic Constantin Cantacuzino etson neveu Toma Cantacuzino échangeaient des livres, entre autres, avec Edmund Chishullet Luigi Ferdinando Marsigli, cf. IORGA, 1899, p. 67 ; RUFFINI, 1973, p. 159.


Lectures et bibliothèques de la noblesse dans les Principautés roumaines... 155même devrait être entendue de manière dynamique, vu que les livres, tantmanuscrits qu’imprimés, circulent à l’intérieur de vrais réseaux comprenantdes parents et amis, en sorte que la notion même de « propriété » risqued’acquérir des significations particulières. L’étude systématique de cesréseaux et des échanges qui ont eu lieu là‐dedans peuvent fournir, à terme,une image plus complète tant des pratiques de l’écriture et de la lecture quede la composition des bibliothèques d’une partie de la noblesse moldave etvalaque de l’Ancien Régime.BIBLIOGRAPHIEADAM‐CHIPER, 1996 – Marieta Adam‐Chiper, Vechi însemnări româneşti caizvor istoric [Anciennes notices roumaines en tant que source historique],Bucarest, 1996.A<strong>LE</strong>XANDRESCU‐DERSCA BULGARU, 1973 – Maria‐MatildaAlexandrescu‐Dersca Bulgaru, Dimitrie Cantemir, istoric al Imperiuluiotoman [Dimitrie Cantemir – historien de l’Empire ottoman], « Studii »,26, 5, 1973, pp. 971‐989.ATANASIU, 2007 – Mihai‐Bogdan Atanasiu, Cartea în familia Cantacuzinilormoldoveni [Le livre dans la famille Cantacuzino de Moldavie], « OpţiuniIstoriografice », VIII, 2007, 1, pp. 96‐105.BABINGER, 1966 – Franz Babinger, Die türckischen Quellen Dimitrie Kantemirs,in Idem, Aufsätze und Abhandlungen zur Geschichte Südosteuropas undder Levante, vol. II, Munich, 1966, pp. 142‐150.BĂDĂRĂ, 2001 – Doru Bădără, O carte din biblioteca Mavrocordaţilor încolecţiile Bibliotecii Centrale Universitare din Bucureşti [Un livre desMaurocordato dans les collections de la Bibliothèque Centrale Universitairede Bucarest], « Studii şi Materiale de Istorie Medie », XIX, 2001, pp.251‐253.BENGESCO, 1895 – Georges Bengesco, Bibliographie franco‐roumaine du XIX esiècle, vol. I, Bruxelles, 1895 (2 ème édition, Paris, 1907).BIBLIOGRAFIA, 1999 – Bibliografia de referinţă a cărţii vechi (manuscrisă şitipărită) [Bibliographie essentielle du livre ancien manuscrit et imprimé],Bucarest, 1999.BODA<strong>LE</strong>, 2004 – Arcadie M. Bodale, Actul de ctitorire şi cartea liturgică înŢările Române [L’acte de fondation et le livre liturgique dans les pays


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Cantemir : bibliothèques réelles,bibliothèques imaginairesSTEFAN <strong>LE</strong>MNY« A tous les égards, nous sommes de ceux quipersévèrent dans leur instruction et dont le savoir nese trouve pas dans le cœur, mais se cache dans deslivres et dans des bibliothèques » (Dimitrie Cantemir)Pour désigner l’homme de culture, la langue roumaine utilise lemot « cărturar », dont la racine « carte », en roumain « livre », suggère,peut‐être plus que d’autres langues, la place du livre dans la constructiond’une personnalité intellectuelle 1 .Dimitrie Cantemir est incontestablement un grand cărturar, comme entémoigne avant tout l’œuvre riche qu’il a créée. Cette image est renforcée parsa passion pour les livres et pour la lecture, étudiée en détail dernièrement 2 .Plus discutable en revanche est la configuration concrète de son horizonlivresque, qu’il s’agisse de la bibliothèque ou des bibliothèques qu’il a puposséder ou fréquenter. Cette forme dubitative indique d’emblée l’état denos connaissances. Contre l’avis de certains auteurs qui évoquent la oules bibliothèque(s) de Cantemir comme une certitude, nous souhaitonssuggérer que ce sujet se prête à une appréciation plus nuancée, et qu’ilmérite en tout cas une sérieuse remise en question.1Avec cette précision cependant : le mot « carte » avait initialement en roumain lesens d’acte de propriété, qui a donné l’expression « ai carte, ai parte » (« qui possède l’acte,possède des biens »), et c’est ultérieurement qu’il a acquis la signification de « livre ».2Valentina Eşanu, Andrei Eşanu, « Universul cărţii la Dimitrie Cantemir»,Akademos. Revistă de ştiinţă, inovare, cultură şi artă, Chişinău, 2007, n° 2‐3 (7), p. 14‐19.Consulté en ligne le 10 août 2011 : http://www.akademos.asm.md/files/Academos_nr__2‐3_2007_0.pdf


170 ŞTEFAN <strong>LE</strong>MNYAutour de sa bibliothèque privéeForce est de constater d’abord que jusqu’au XVIII e siècle, labibliothèque ne constitue pas une présence courante dans l’espace culturelroumain, et plus généralement sud‐est‐européen. En effet, peu nombreusessont les familles de condition noble qui ont la réputation de posséder devéritables bibliothèques, comme ce fut le cas de Constantin Brancovan,du grand dignitaire (stolnic) Constantin Cantacuzène ou des princesMavrocordato. Riches en livres, leurs bibliothèques ont disposé d’une placedistincte de conservation et ont laissé des traces solides de leur existence,y compris dans les écrits de leurs contemporains. Selon le témoignage dumédecin Ioan Comnen, par exemple, la bibliothèque de Brancovan était« digne d’être visitée » (« vrednicǎ de vǎzut »). Réalisée « par de grandsfinancements, au beau monastère de Hurez » (« cu multǎ cheltuialǎ, înmǎnǎstirea cea frumoasǎ a Hurezului »), remplie de « livres divers et trèsutiles » (« cu cǎrti felurite si foarte de folos »), elle était annoncée dèsl’entrée par une inscription en grec pour louer les bienfaits intellectuels dece lieu : « Bibliothèque qui nourrit l’âme et qui encourage l’enrichissementdu savoir, l’an 1708 » (« Biblioteca de hranǎ doritǎ sufletului, aceastǎ casǎa cǎrtilor îmbie preaîntelepata îmbelsugare, în anul 1708 »). La bibliothèquede Cantacuzène, reconstituée d’après plusieurs catalogues autographes del’époque, dont le plus ancien date de 1667, a impressionné un voyageursensible à la culture comme Del Chiaro, qui la considérait comme une« belle bibliothèque ». Mais rien ne semble avoir égalé le prestige de labibliothèque des Mavrocordato, qui avait acquis une certaine célébrité enEurope 3 .En revanche, le plus grand mystère plane sur la bibliothèque deCantemir. Bien évidemment, il ne s’agit pas des livres qui l’ont accompagnédans les différentes étapes de sa vie, de l’enfance et jusqu’au soir de savie, des livres cités et utilisés dans ses divers travaux. La question qui sepose est de savoir s’il a possédé une véritable collection de livres, rangésd’une certaine manière sur des étagères ou dans des armoires, voire dansdes coffres.Malheureusement, il nous manque dans son cas un témoignage aussiprécieux que celui dont nous disposons dans le cas de son fils, Antioh,3N. Iorga, Ştiri nouă despre Biblioteca Mavrocordaţilor, Bucureşti, 1926. V.Mihordea, Biblioteca domnească a Mavrocordaţilor, Imprimeria Naţională, Bucureşti,1940. Corneliu‐Dima Drăgan, Biblioteci umaniste româneşti : istoric, semnificaţii,organizare, Bucureşti, Litera, 1974. Idem, Das Rumänische Buch‐ und Bibliothekswesen ;hrsg. von Josef Stummvoll und Walter G. Wieser, Vienne, Österreichisches Institut fürBibliotheksforschung : Dokumentations‐ und Informationswesen, 1980.


Cantemir : bibliothèques réelles, bibliothèques imaginaires 171réalisé à son décès à Paris, en 1744 4 : le catalogue de ses livres. S’ajoute àcela l’absence de sources de l’époque pour témoigner même indirectementde son existence. Enfin, l’analyse est davantage compliquée par le fait queDimitrie Cantemir, le seul à évoquer la place des livres dans sa vie, ne parlepas non plus d’une véritable bibliothèque.Un passage de la vie de son père, Vita Constantini Cantemiri écritepar Dimitrie Cantemir, a fait couler beaucoup d’encre à ce sujet. L’auteury raconte les mots dits à son égard, quand il était très jeune, par le hautdignitaire (ban) Cornescu, l’envoyé du prince valaque Brancovan à la courde Moldavie. « J’ai de quoi parler à mon prince – aurait dit le messagersur Dimitrie Cantemir – […] c’est à dire que le fils du prince régnant(beizadeaua), bien que jeune, est entouré de livres et d’armes ; d’où onpeut deviner qu’il est bien doué pour les uns et pour les autres 5 ».Cette belle image d’un prince entouré de livres dès son jeune âge pose unseul problème : elle est créée par Cantemir qui est l’auteur de la biographiede son père. La gravure représentant plus tard Dimitrie Cantemir à samaturité, réalisée apparemment d’après son portrait d’apparat, nous montreégalement le prince, protégé d’une armure chevaleresque et à la proximitéd’une pile de livres. Le fait que le prince ait aimé à se montrer dans lacompagnie des livres est une chose réelle, l’existence d’une bibliothèqueen est une autre !Nous savons que Dimitrie Cantemir a commencé à s’instruire avecabnégation depuis son jeune âge, son père ayant aménagé pour lui seulet son maître, l’érudit grec Jérémie Cacavela, une sale de classe au palaisprincier de Iaşi. Mais le nombre de livres qui auraient pu satisfaire cebesoin demeure inconnu. En tout cas, il ne pouvait pas être important,s’agissant d’ouvrages que le père du prince, homme dépourvu d’instructionparticulière, avait ambitionné mettre la disposition de cet enseignementimprovisé. Quant à leur contenu, ces livres devaient illustrer principalementle domaine religieux, qui occupait la place essentielle dans la culture etl’instruction de cette époque.Dans le même ouvrage concernant la vie de son père, Dimitrie Cantemirévoque avec nostalgie les longues nuits d’hiver dans le palais de Iaşi, où illisait à son père des passages de l’histoire ancienne, lui traduisait les livressaints en vieux slavon et lui lisait les homélies de saint Jean Chrysostome,4Catalogue de la bibliothèque de feu M. le prince Cantemir, Paris, 1745.5Viaţa lui Constantin Cantemir. Texte traduit et établi par Radu Albala, Bucarest,Minerva, 1973, p. 116. Voir l’édition académique de ce livre : Viaţa lui ConstantinCantemir zis cel Batrîn, domnul Moldovei, éd. Dan Slusanschi et Ilies Câmpeanu,Bucarest, Ed. Academiei, 1996.


172 ŞTEFAN <strong>LE</strong>MNYle texte fondateur de la liturgie byzantine. Et, dans l’esprit de la traditiond’un pays de culture chrétienne, la Bible est le livre de chevet du foyerfamilial. Il semblerait même qu’on en ait trouvé une trace tangible dansl’ancienne bibliothèque Lénine de Moscou : un exemplaire de la Bible,traduite pour la première fois intégralement en roumain en 1688 enValachie, ayant appartenu jusqu’en 1693 au vieux Constantin, d’où elle estpassée entre les mains de Dimitrie 6 . Elle l’accompagnera tout au long de savie et demeurera une source fondamentale pour sa pensée.L’horizon livresque du jeune prince a été plus riche pendant le tempspassé avec quelques interruptions à Istanbul de 1688 à 1710. On connaîtles livres qu’il a lus et utilisés pour ses propres écrits, mais nous n’avonsidentifié rien de précis sur son éventuelle bibliothèque. Cependant, denombreux auteurs ont accrédité l’idée de l’existence de cette bibliothèque.Bon connaisseur des archives ottomanes, Mihai Maxim a écrit récemmentque son palais d’Ortaköy (Fener), aménagé par le prince peu avant sondépart, « abritait une magnifique bibliothèque et des peintures » (« wasequipped with paintings and wonderful library 7 »). Nous n’avons pas réussià savoir si cette « magnifique bibliothèque » est mentionnée quelque part,éventuellement dans les sources ottomanes ou s’il s’agit d’une suppositionde l’auteur, enfin si elle désigne la bibliothèque comme lieu spécialementaménagé ou comme simple collection de livres 8 . En tout cas, l’Histoirede l’Empire ottoman apporte cette seule précision : après son retour enMoldavie en 1710, ses « collections concernant les affaires et les mœursdes Turcs » sont restées à Constantinople, pour tomber ensuite dans lesmains de Ioan Mavrocordato 9 . Une confrontation de ce passage avec le6Lajos Demény, « Dimitrie Cantemir şi Biblia de la Bucureşti », Dacoromania,VII, 1988, p. 265‐274.7Mihai Maxim, « Dimitrie Cantemir and his time: new documents from the Turkisharchives », Revue roumaine d’histoire, 47, N° 1‐2, 2008, p. 38. A noter l’étude sur lemême sujet de Tahsin Gemil, qui ne mentionne pas cette bibliothèque : « Stiri noi dinarhivele turcesti privitoare la Dimitrie Cantemir » (« Nouvelles informations sur DimitrieCantemir trouvées dans les archives turques »), AIIA, X, 1973, Iasi, p. 436.8L’auteur de cette étude nous fait part avec amabilité d’une hypothèse intéressante :la décoration des fenêtres des pièces se trouvant à l’étage du palais de Cantemir à Istanbul,tel qu’on peut le voir dans une des gravures de son Histoire de l’Empire ottoman, seraitl'ornement spécifique aux bibliothèques de la capitale ottomane de cette époque !9Il s’agissait précisément d’un livre qu’il avait emprunté à un Grec de Philippopolis,et qui, d’après l’édition anglaise, « serait resté à Constantinople après mon départ et seraittombé, avec d'autres de mes collections sur les affaires et les agissements des Turcs, selonles échos qui me sont parvenus, dans les mains de Ion Mavrocordat, qui est maintenantinterprète à la Cour othomane” (« After my departure it remained at Constantinople,


Cantemir : bibliothèques réelles, bibliothèques imaginaires 173texte original latin fac‐similé de l’ouvrage publié par Virgil Cândeaconfirme l’information et apporte une nuance supplémentaire digned’intérêt : Dimitrie Cantemir a écrit « cum reliquis nostris collectaneisde rebus et moribus Turcarum 10 », ce qui laisse penser qu’il s’agissaitseulement de « restes » de cette supposée collection de livres. Ailleurs,il mentionne également « un livre persan qu’[il] a eu à Constantinople,contenant l’histoire des Persans depuis les origines jusqu’au Shah Ismail »,illustré de portraits des prophètes et empereurs, qui malgré leurs erreurs« de symétrie », étaient dessinés « avec beaucoup d’élégance 11 ».Nommé prince de Moldavie, Dimitrie Cantemir a quitté précipitammentla capitale ottomane pour arriver dans son palais de Iaşi (novembre 1710).Il est évident qu’il a amené avec lui ses propres travaux. Peut‐on supposerqu’il ait fait de même avec ses livres, surtout avec les plus précieux, commela Bible de son père, déjà mentionnée?Il est opportun de préciser que la possession d’une bibliothèque àl’époque n’est pas seulement le signe d’un grand intérêt pour les livres,comme c’était le cas de Dimitrie Cantemir, mais aussi d’une aisancefinancière, ce qui n’était pas son point le plus fort. Son règne de courte duréeen Moldavie, entre décembre 1710 et juillet 1711, puis l’exile précipité enRussie, après la défaite de Stănileşti ont ajouté sans doute des difficultéssupplémentaires.Si la relative tranquillité de son existence pendant cette dernière étapede sa vie et les longues heures dédiées à ses propres travaux ont pu denouveau nourrir son intérêt pour les livres, sa situation matérielle à cettepériode ne l’a pas non plus encouragé à faire des dépenses trop importantesand came, as I hear into the hands of John Mavrocordatus, who is now interpretor to theOthoman Court, with other collections of mine concerning the affairs and manners of theTurks » ( p. 105).10Dimitrie Cantemir, Creşterile şi descreşterile Imperiului otoman. Le texte originalen latin et dans sa forme finale revue par l'auteur, fac‐similé du manuscrit Lat‐124 de laBiblioteca Houghton, Harvard University, Cambridge, Mass., publié avec une introductionde Virgil Cândea, Bucureşti, Roza Vânturilor, 1999, p. 67411A la différence des Turcs, les Persans « ne sont pas si superstitieux, ils parsèmentleurs écrits de peintures. Par exemple j'ai vu à un moment donné dans un livre persanque j'ai eu à Constantinople sur l'histoire des Persans de leur origine au Shah Ismail,les portraits de tous leurs prophètes et empereurs réalisés avec beaucoup d'élégance, nerespectant pas obligatoirement une symétrie parfaite » « are not so superstitious, they paintwhole in their historical writings. Of this I saw an instance in a Persian book which I hadat Constantinople, containing the history of the Persians from the Creation to Shah Ismail,wherein the portraitures of all the prophets and emperors were drawn, through not withgreat symmetry, yet with elegance », Londres, 1735, p. 161.


174 ŞTEFAN <strong>LE</strong>MNYpour se constituer une véritable bibliothèque. Le prince avait pourtantde nombreux ouvrages qui ont été mentionnés occasionnellement par lestémoignages concernant le sort de son patrimoine après sa mort.C’est presque tout qu’on peut dire, d’une manière raisonnable, de labibliothèque personnelle de Dimitrie Cantemir.Les bibliothèques fréquentéesL’absence d’une bibliothèque privée, frustration aggravée par la passiondu prince pour les livres, était‐il une raison de plus pour lui de chercher lessecrets du savoir dans les autres bibliothèques, plus accessibles aux gensavides de lecture ?Par rapport à sa Moldavie natale, pauvre en bibliothèques, l’Empireottoman avait une belle réputation dans ce domaine. Depuis la fin duXVI e siècle, un ambassadeur marocain à Istanbul était impressionné par lenombre de bibliothèques et la diversité de leur contenu : elles comprenaient« des livres de tous les pays du monde » 12 . Un siècle après, la situation étaitplus brillante. La bibliothèque du Sérail, dont on pensait qu’elle avait reprisl’ancienne bibliothèque des empereurs byzantins, était depuis longtempsle sujet de toutes les légendes. En 1687, Pierre Girardin s’efforçait decontrecarrer le « bruit qu’a répandu la plupart des voyageurs qui ont écritsur le Levant, qu’un très grand nombre de manuscrits grecs anciens setrouvait dans le Sérail. » En réalité – suppose Girardin – cette bibliothèqueest riche en ouvrages orientaux, de nombreux livres en grec ou latin, perdusentre temps, parce que « tout est à présent à vendre à Constantinople, où iln’y a rien de plus rare et de plus estimé que l’argent 13 ». A la même époque,une autre bibliothèque, commençait à faire parler d’elle dans la capitaleottomane, la bibliothèque Köprülü, érigée en 1678, et qui, à la différencede la bibliothèque du Sérail, avait un caractère presque public pour son sontemps 14 .12Cf. Frédéric Hitzel, « Manuscrits, livres et culture livresque à Istanbul », Revuedes mondes musulmans et de la Méditerranée, 1999, N° 87‐88, p. 19. Voir également :Faruk Bilici, « Les bibliothèques vakif‐s à Istanbul au XVI e siècle, prémices des grandesbibliothèques publiques », Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, 1999, N°87‐88, p. 39‐5513Emil Jacobs, Untersuchungen zur Geschichte der Bibliothek im Serai zuKonstantinopel, Heidelberg, C. Winter, 1919 (Sitzungsberichte der HeidelbergerAkademie der Wissenschaften. Stiftung Heinrich Lanz. Phil.‐hist. Klasse, XXIV, 1919),p. 123.14İsmail Erünsal, Ottoman libraries : a survey of the history development andorganization of Ottoman foundation libraries, Department of Near Eastern languages and


Cantemir : bibliothèques réelles, bibliothèques imaginaires 175En dehors des collections conservées dans ces bibliothèques célèbres,il y en avaient d’autres, conservées à l’Académie du Patriarche deConstantinople, mais aussi dans les monastères ou dans les palais desambassadeurs étrangères.Dimitrie Cantemir en témoigne. Dans Hronicul, il estime d’une manièregénérale les « bibliothèques turques et chrétiennes » riches en livres quiconcernent « les merveilleux et grands » faits de l’histoire ottomane 15 .La fameuse bibliothèque du grand Sérail lui inspire une remarqueparticulière. Dans son Système de la religion mahométane, publié àSaint‐Pétersbourg, en 1722, il cite « la bibliothèque du palais, qui esttrès vaste même jusqu’à nos jours 16 », et rapporte l’information selonlaquelle « on dit que dans la bibliothèque du sultan » se trouvent deuxmerveilleux exemplaires de l’Al Coran. 17 Plus problématique en revancheest la possibilité que le prince ait eu accès à cette bibliothèque réservéeexclusivement aux sultans, et strictement interdite aux non musulmans.Cantemir n’a pas échappé non plus à cette règle. Néanmoins, grâce à sesamitiés et à ses relations, il a réussi à se procurer les portraits des sultansqui constituaient un précieux trésor de cette bibliothèque.Musevvir basi, le grand maître des peintres – nous dit‐il – avait lamission de peindre le portrait de chaque nouveau sultan qui montait autrône, portraits parfaitement conservée dans la « bibliothèque de sultan ».« Avec l’aide des amis, avec beaucoup d’efforts, mais aussi avec beaucoupplus de dépenses», Dimitrie Cantemir a réussi à copier bon nombre de cesportraits « peints en couleurs […] du premier jusqu’à l’actuel Achmed 18 ».literatures Harvard university, 2008, p. 43, qui apporte des précisions sur les sens du motturc „kütüphane“, bibliothèque mais aussi armoire, collections.15« Pline sînt bibliotecile şi turceşti şi creştineşti de minunate şi mari faptele lor »,apud Hronicul, II, p. 1.16A propos de Mehmed II qui, après la prise de Constantinople, a ordonné de jeter enmer les reliques de saint Jean, à l’exception de sa main, conservée dans cette bibliothèque.En russe : « бивлиотеку полатную, яҗе и до ныне зело пространна есть ». En roumain :« în biblioteca palatului, care e şi pînă acum foarte vastă », Dimitrie Cantemir, Sistemulsau întocmirea religiei muhammedane, édition par Virgil Cândea ; texte russe par AncaIrina Ionescu, Bucarest, Ed. Academiei Republicii Socialiste România, 1987, p. 238‐339(abrégé ensuite : Sistemul).17Cantemir, Sistemul, 1987, p. 542‐543 : « Se spune că în biblioteca sultanului seaflă două cărţi al Coranului, dintre care una scrisă cu cerneală, iar cealaltă avînd litereletăiate cu foarfecele din hîrtie subţire de o asemenea artă şi frumuseţe încît se crede cǎastfel de litere şi tăieturi niciodată n‐a putut şi nici azi nu poate nimeni dintre oameni să leimite ».18Cantemir, Sistemul, 1987, p. 548‐549 : « pe care am reuşit să le copiem pe toatedupă primele exemplare cu ajutorul prietenilor, cu multǎ sîrguinţă, dar şi cu mai multă


176 ŞTEFAN <strong>LE</strong>MNYCes portraits assureront par ailleurs un intérêt particulier à son ouvrageau moment de sa publication en anglais : la page de titre indiquaitexpressément la chance d’avoir comme illustration ces quelques « copiesréalisées d’après les originaux peints par le peintre du dernier sultan et qui setrouvent dans le palais du Grand Seigneur » (« copies taken from originalsin the Grand Seignor’s palace, by the late sultan’s painter » 19 ). L’auteurprécise d’ailleurs plus loin, dans l’Histoire de l’Empire ottoman, que lefameux peintre s’appelle Levnî Abdülcelil Celebi, information précieusequi fait de Cantemir un témoin important de l’activité de cet artiste, quia eu un rôle important dans la peinture ottomane à l’époque de Tulipes etqui s’est illustré également comme poète. L’intérêt des vingt‐deux copiesutilisées par Cantemir, gravées dans l’édition anglaise par Claude du Bosc,est d’autant plus grand que les originaux n’existent plus, fait étonnant vu larichesse des oeuvres de ce peintre conservées à la bibliothèque de Topkapiet même à la Bibliothèque nationale de France 20 .Occasionnellement, il évoque d’autres bibliothèques ou collectionsprivées où il a pu se procurer certains ouvrages. Dans une note de sonHistoire de l’Empire ottoman, il dit par exemple qu’il a « trouvé » unlivre écrit par Ali Effendi, auteur d’une histoire des plusieurs sultans, quil’intéressait, « dans la maison d’un Grec de Philippopolis 21 » (Plovdiv,Bulgarie).Il semblerait que le prince n’ait pas trouvé en Russie le même bonheuren matière de lectures dans les bibliothèques que celui qu’il a vécu enTurquie, au moins en ce qui concerne le sujet qui le préoccupe pendantles dernières années de sa vie : le Système de la religion mahométane,sujet de son livre paru à Saint‐Pétersbourg, en 1722. Il n’hésite pas à lesouligner : « ayant passé dans ce bienfaiteur Etat de Russie la vie de cesiècle périssable, dans la plus part du temps en paresse et ignorance, nousn’avons nullement trouvé de livres turcs ou persans, ceux‐là surtout quis’accordent avec notre travail et notre projet. Nous les avons cherchés danscheltuială ». Dans l’édition anglaise, 1735, les faits sont présentés ainsi : les portraits dessultans « for many ages have been carefully kept in the Sultanic Library, from whencewith good presents, by means of my friends at Court, I got them to be copied by theSultan’s Mesevvir or cheh painter Leuni Chelebi, and have them still by me », p. 161‐162.19Terme traduit dans l’édition française de 1743 par « la Bibliothèque duGrand‐seigneur » (vol. II, p. 184).20Gül İrepoğlu, Levni : painting poetry colour, Istanbul, Ministry of Culture, 1999;Esin Atıl, Levni and the Surname : the story of an eighteenth‐century Ottoman festival,Istanbul, Koçbank, 1999.21Londres, 1735, p. 105.


Cantemir : bibliothèques réelles, bibliothèques imaginaires 177la Bibliothèque d’État de Russie, mais, bien qu’elle soit très dotée et richeen différents ouvrages, même là‐bas, nous n’avons pas pu les trouver 22 ».La désignation de la bibliothèque sous ce nom mentionné pose problèmecar, en réalité, l’institution telle quelle est une création plus tardive. Enrevanche, cette information pourrait constituer l’indice que le noyau de lafuture institution existait bien avant : il s’agit, en occurrence, des collectionsde livres apportées par Pierre le Grand en 1714 dans la nouvelle capitale deRussie et logées au début dans le palais dit « d’été » avant la constructiond’un bâtiment destiné à une grande bibliothèque qui permettrait au peuple,selon le désir du tsar, de les « voir et d’apprendre 23 ». Cantemir a été doncparmi les premiers à pouvoir satisfaire son avidité intellectuelle dans celieu qui annonce la naissance de la première bibliothèque publique chez lesRusses.Vers une bibliothèque imaginaireBien évidemment, les bibliothèques que le prince a pu rencontrerdans son chemin devaient être plus nombreuses que celles qui ont laissédes traces dans ses écrits. On peut imaginer par exemple qu’en 1697,quand il a suivi l’armée du sultan jusqu’à sa terrible défaite de Zenta, iln’a pas échappé à la tentation de s’arrêter dans les bibliothèques richesde Transylvanie et de Hongrie qui se trouvaient sur son chemin. Maisil s’agit là d’une simple supposition : l’absence d’informations précisesnous empêchent de reconstituer la place des bibliothèques dans sa vie. Unconstat d’autant plus affligeant quand on connaît sa passion ardente pour lemonde des livres : « À tous égards – écrit‐il dans son livre le Système de lareligion mahométane –, nous sommes du nombre de ceux qui persévèrentdans leur propre instruction et dont le savoir ne se trouve pas dans le cœur,mais se cache dans des livres et des bibliothèques 24 . »22En roumain : « petrecîndu‐ne în acest stat rus binecinstitor viaţa acestui trecătorveac în cea mai mare parte în trîndăvie şi nepricepere, n‐avem deloc cărţi turceşti şipersane şi mai ales pe cele care se potrivesc cu lucrarea şi planul nostru. Le‐am căutat înBiblioteca de stat a Rusiei, dar (deşi e foarte înzestrată şi bogată în alte cărţi) nici acolonu le‐am putut găsi » (Cantemir, Sistemul, p. 278‐279). En russe : « Государственнойроссийской библиоотекке ! ».23Books in Russia and the Soviet Union : past and present, par Miranda BeavenRemnek, Wiesbaden, Harrassowitz, 1991. Valerii Leonov, Libraries in Russia : historyof the Library of the Academy of Sciences from Peter the Great to present, Munich, K.G.Saur, 2005.24« În toate privinţele sîntem din numărul celor ce stăruiesc la învăţătură şi a cărorştiinţă nu e în inimă, ci se ascunde în cărţi şi biblioteci », Cantemir, Sistemul, p. 278‐279.


178 ŞTEFAN <strong>LE</strong>MNYCe constat contraste surtout avec l’énorme érudition qui sedégage de certains de ses écrits, notamment de Hronicul vechimeia româno‐moldo‐valahilor [La Chronique de l’ancienneté desRoumano‐Moldo‐Valaques] – plus de 150 titres cités dans sa bibliographie –ou de l’Histoire de l’Empire ottoman. Nous pensons qu’il serait intéressantde reconstituer, à partir de ces ouvrages et d’autres de ses écrits, labibliothèque « imaginaire » qu’il a utilisée, sans savoir s’il s’agit de livresde sa propre bibliothèque, ou de livres des bibliothèques consultées.Toute collaboration à ce sujet apporterait des éléments intéressants à lareconstitution du portrait intellectuel du prince Dimitrie Cantemir.


Les bibliothèques Kaunitz :des catalogues et des lectures multiplesCHRISTINE <strong>LE</strong>BEAUDans son étude consacrée aux « Lectures de la noblesse dans la Francedu XVIII e siècle », Daniel Roche propose deux approches possibles pour unebibliothèque. Les livres d’un individu, tels ceux de l’académicien Dortousde Mairan, révèlent des « lectures possibles », un horizon de savoirs etde curiosité, une personnalité active ». En regard, la reconstitution de laconsommation livresque d’un groupe social laisse supposer l’existenced’une bibliothèque collective obéissant à des impératifs multiples :acquisitions par héritages divers, transmission par fidélité traditionnelle,choix des achats par hasard ou par réflexion, détermination de la curiositépar les modes intellectuelles 1 . Si l’on opte pour la deuxième perspective,se pose alors le problème de la délimitation du groupe et, s’il s’agit de lanoblesse, celui des clivages de fortune et de lieu. Peut‐on en effet comparerun gentilhomme de manoir d’ancienne famille et de médiocre fortune àun noble urbanisé des capitales provinciales, voire à un noble de robe, definance ou d’administration qui fréquente les coulisses de Versailles et lessalons parisiens ? La diversité de fortune et de résidence ne doit pas nonplus faire oublier la différence du métier et des compétences. Et dès lors, onne peut éviter la question plus large de la pertinence des catégories socialesface au développement d’une approche par groupes professionnels.L’historiographie de la noblesse habsbourgeoise insiste certes surl’unité de la noblesse, caractérisée par son ubiquité à la fois dans les pays età la Cour de Vienne ou encore dans les différentes assemblées d’État et uniepar les liens du mariage 2 . Mais il ne faut pas confondre unité structurelle1Roche Daniel, « Les lectures de la noblesse dans la France du XVIII e siècle »,dans : Ibid., Les Républicains des lettres, Paris, Fayard, 1988, p. 84‐102.2Keller Katrin, Hofdamen. Amtsträgerinnen im Wiener Hofstaat des 17.


180 CHRISTINE <strong>LE</strong>BEAUet culturelle. Si l’aristocratie habsbourgeoise est structurellement liée à lamonarchie composite, elle n’en est pas moins diverse en tant qu’incarnationdes différentes nations politique. Même en écartant la noblesse hongroisequi, sous le règne de Marie‐Thérèse, affectionne toujours le port du costumenational, l’homogénéité culturelle du groupe nobiliaire austro‐bohême neva pas sans nuance, sauf à la restreindre aux pratiques éducatives, tellesl’apprentissage du français, le passage par le Theresianum, l’académiede noblesse fondée par Marie‐Thérèse ou le grand tour et au rapport auxLumières françaises 3 . Les familles sont assurément d’ancienneté et de fortunediverses, mais surtout leurs rejetons exercent des fonctions bien différentesdans l’administration, le service diplomatique ou l’armée, car, jusqu’à la findu XVIII e siècle, la seconde noblesse n’est guère présente au sommet del’État. Or, ces carrières très diverses exigent de réelles compétences.Seule une approche plus fine permet d’intégrer l’aristocratie à uneinterrogation sur l’innovation ou le changement. La politique de réformene peut plus être analysée « d’en haut », comme si elle était strictementimpulsée par les souverains. Non seulement l’aristocratie participe etcontribue aux réformes tant que son pouvoir financier n’est pas en jeu,mais encore, comme nous avons pu le montrer, les réformes apportées ausystème financier divise la « noblesse intégrée » (Gesamtadel). La positiondu chancelier Kaunitz, deuxième ou troisième homme dans l’Etat, est ainsiemblématique de ce pouvoir aristocratique qui participe à la politique deréformes menée par Marie‐Thérèse et Joseph II.La politique menée ou proposée par le chancelier Kaunitz, tant dansle domaine extérieur qu’intérieur, a été maintes fois analysée en tant quediscours 4 . Cependant sa « culture » est renvoyée au rayon du mécénat 5Jahrhunderts, Vienne/Cologne/Weimar, Böhlau, 2005 ; Hassler Eric, Une cour sansempereur. Les chambellans de l'empereur dans l'espace résidentiel. Vienne, 1683‐1740,thèse de l’université de Paris I, 2010.3Cerman Ivo, Habsburgischer Adel und Aufklärung : Bildungsverhalten desWiener Hofadels im 18. Jahrhundert, Stuttgart, Franz Steiner Verlag, 2010.4Klueting Harm, Die Lehre von der Macht der Staaten. Das aussenpolitischeMachtproblem in der « politischen Wissenschaft » und in der praktischen Politik im 18.Jahrhundert, Berlin, Duncker & Humblot, 1986 ; Lothar Schilling, Kaunitz und dasRenversement des alliances. Studien zur aussenpolitischen Konzeption Wenzel Antons vonKaunitz, Berlin, Duncker & Humblot 1994.5Klingenstein Grete et Szabo Franz A.J. dir., Staatskanzler Wenzel Anton vonKaunitz‐Rietberg 1711‐1794. : Neue Perspektiven zu Politik und Kultur der europäischenAufklärung, Graz, Andreas Schnider Verlagsatelier, 1996.


Les bibliothèques Kaunitz : des catalogues et des lectures multiples 181ou réduite à une passion pour la distinction 6 . La biographie intellectuelleproposée par Grete Klingenstein pour la jeunesse du chancelier n’afinalement jamais été poursuivie 7 . Un catalogue de bibliothèque peut‐ilpermettre de renouer avec cette démarche ? On proposera ici une lecture aucroisement du social – le groupe des aristocrates au service de l’Empereuretdu politique – l’agence des réformes. Le choix de focale entre le groupe etl’individu s’avère ici déterminant : cerner les contours d’une communautéde lecteurs permet non seulement d’identifier un horizon commun de savoirmais aussi la formation d’un parti du livre au sommet de l’État.Le chancelier Kaunitz : un aristocrate bohême ?Le comte, puis prince (1764) Wenzel Anton de Kaunitz‐Rietberg, né àVienne le 2 février 1711 et mort dans cette même ville le 27 juin 1794, estissu d’une vieille famille noble de Bohême (remontant à 1284), installée enMoravie à Austerlitz et convertie au catholicisme au début du XVII e siècle.Fils et petit‐fils de deux vice‐chanceliers d’empire, il appartient clairementà cette « noblesse intégrée » (Gesamtadel) au service de l’empereur 8 .Si la fortune modeste de la famille fait d’abord obstacle à sa carrière,il n’en devient pas moins ministre plénipotentiaire à Turin en 1741, avantd’occuper le même poste aux Pays‐Bas autrichiens d’octobre 1744 à juin1746 en remplacement du comte de Königsegg‐Erps. Pratiquement à la têtedu gouvernement général des Pays‐Bas après le décès de la gouvernante,l’archiduchesse Marie‐Anne en décembre 1744, il doit quitter Bruxellesdès juillet 1745 en raison de l’invasion française. En juin 1746, il obtint sonremplacement à Bruxelles par le comte Charles de Batthyany. Négociateurau traité d’Aix‐la‐Chapelle en 1748, il est le premier ambassadeurautrichien à Versailles (1750‐1753) depuis l’ambassade Liechtenstein.Inquiet des progrès de la Prusse, il y prépare le « renversement desalliances » ou l’alliance franco‐autrichienne de 1756. Finalement appelépar Marie‐Thérèse au poste de chancelier de cour et d’État des Habsbourg,il occupe ce poste pendant près de quarante ans jusqu’en 1792 et est àl’origine de la création du Conseil d’État qu’il dirige à partir de 1761 9 .6Markovits Rahul, L’ »Europe française », une domination culturelle ?Conceptualiser les circulations littéraires : Kaunitz et le théâtre français à Vienne auXVIII e siècle, « Annales HSS », 2012/13.7Klingenstein Grete, Der Aufstieg des Hauses Kaunitz : Studien zur Herkunft undBildung des Staatskanzlers Wenzel Anton, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1975.8Klingenstein Grete, Leo Wilhelm von Kaunitz. Ein Beitrag zum Bild des Adeligenim 17. Jahrhundert , « Bausteine zur Geschichte Österreichs, Archiv für österreichischeGeschichte », 125, Vienne, 1966, p. 120‐137.9Pour une synthèse sur sa carrière, Szabo Franz A.J., Kaunitz and enlightenment


182 CHRISTINE <strong>LE</strong>BEAUExceptionnelle figure de la diplomatie européenne, il est aussi leprincipal ministre de l’impératrice Marie‐Thérèse, souvent en concurrenceavec l’empereur Joseph II, co‐régent à partir de 1765 et sa vision dusystème européen ne peut être distinguée de son action « dans l’interne »de l’Etat, surtout par l’intermédiaire du Conseil d’État, instance de conseilet de décision tout à la fois 10 .Grete Klingenstein a souligné la modernité de la formation du chancelier,qui, après une année à l’université de Leipzig, a fait un grand tour d’Europeet séjourné à l’académie militaire de Turin. L’itinéraire de Wenzel Kaunitzle place donc de plain‐pied dans une culture nobiliaire fondée sur le livreet cosmopolite, même si le français en est la langue véhiculaire. Son goûtpour le théâtre français est autant une façon de donner à participer à cethorizon commun que la poursuite de la diplomatie par d’autres moyens 11 .Ce cosmopolitisme ne suffit pas à cerner les contours d’une biographieintellectuelle. Wenzel Kaunitz est aussi un de ces self learner qui,familiarisé à la méthode de Wolff, peut calculer ou réduire l’incertitudesans pour autant la supprimer. Il ne s’agissait plus seulement réduire lapuissance prussienne ou d’assurer la sécurité des États héréditaires, mais dedévelopper à la fois l’économie de l’État (Staatswirtschaft) et la puissance,le pouvoir et les richesses du prince, d’accroître ses finances et l’aisancede ses sujets. Loin d’une vision mécaniste des relations internationales,Kaunitz a donc constamment actualisé ses savoirs et ses représentations surle « fort et le faible » des Etats 12 .Durant toute sa carrière, le chancelier Kaunitz a consacré un tempsimportant à la rédaction de mémoires et fourni ainsi un corpus considérableaux historiens 13 . Quelques références à Justi et à Büsching sont ainsiabsolutism 1753‐1780, Cambridge, Cambridge U.P.,1984 et pour son rôle dans legouvernent de la monarchie thérésienne, Dickson P.G.M., Finance and Governementunder Maria‐Teresia, 1740‐1780, Oxford, Oxford U.P., 1987.10Klingenstein Grete, Institutionnelle Aspekte der österreichischen Aussenpolitikim 18. Jahrhundert , Zöllner Erich éd., Diplomatie und Aussenpolitik Österreichs : elfBeiträge zur ihrer Geschichte, Vienne, österreichischer Bundesverlag, 1977 et « Kaunitzkontra Bartenstein : Zur Geschichte der Staatskanzlei in den Jahren 1749‐1753 »,Fichtenau Heinrich et Zöllner Erich éd., Beiträge zur neueren Geschichte Österreichs,Vienna/Cologne/Graz, 1974, Veröffentlichungen des Instituts für österreichischeGeschichtsforschung, p. 249‐263.11Markovits, 2012.12Klueting, 1986 : 174.13Beer Adolf éd., Denkschrifen des Fürsten Kaunitz , « Archiv für österreichischeGeschichte », XLVIIII, 1872, p. 1‐162 ; Walter Friedrich, Kaunitz’ Eintritt in die innere


Les bibliothèques Kaunitz : des catalogues et des lectures multiples 183évoquées, mais le statut ou l’usage du livre n’est jamais véritablementenvisagé 14 . Diplomate et principal ministre, il remodèle le système del’Europe. Homme du monde, collectionneur et mécène, il participe à uneculture aristocratique qu’il maîtrise et façonne. A l’instar d’un Turgot,économiste, ministre et auteur de traités de philosophie et de prosodie,il convient de ne pas séparer politique et otium. La « bibliothèque » deKaunitz peut‐elle nous aider à résoudre cette aporie ?Les bibliothèques Kaunitz.Kaunitz se fait classiquement représenter par le peintre de cour Meytensen 1755 avec l’ordre de la toison d’or. Le tableau, reproduit sous formed’estampes, donne aussi à voir le politique au travail avec une plume, deuxlivres et sans doute une carte et un globe terrestre en arrière‐plan. Commebeaucoup de nobles bohêmes ou moraves. Kaunitz possédait plusieurspalais à Vienne, ainsi qu’un château et un domaine à Austerlitz 15 . Il estpar ailleurs à l’origine de la création de la bibliothèque de la chancelleried’État à l’usage des commis. Les archives Kaunitz conservées à Brnone comportent aucun inventaire, mais une correspondance familiale,seigneuriale et politique qui atteste de liens multiples avec des agents quile pourvoient en livres et objets de luxe de toute l’Europe. Le catalogue desbibliothèques de châteaux conservées à Prague ne donne aucune mentiond’une bibliothèque Kaunitz. Le seul catalogue que nous ayons retrouvéest celui des livres conservés au château d’Austerlitz et dressé en 1959qui correspondrait aux livres entreposés dans le château de Velké Mezirící(Großmeseritsch) 16 .Le livre est évidemment un élément du mode de vie, l’instrument d’uneaffirmation sociale, tandis que les nécessités du service imposent au XVIII esiècle une « éducation au‐delà du médiocre », bien au‐delà de l’académied’équitation. Aussi le catalogue des livres de la bibliothèque d’Austerlitzcomporte‐t‐il, sur un total de 1215 objets (livres et cartes), 285 titres publiésPolitik. Ein Beitrag zur Geschichte der österreichischen Innenpolitik in den Jahren1760‐1761, « Mitteilungen des Instituts für österreichische Geschichte », XLVI, 1932, p.37‐79.14Klueting, 1986 : 183.15Wenzel Kaunitz hérite du palais Questenberg de son père et acquiert un « jardin »à Mariahilf et un domaine à Laxenburg.16Ce fonds est administré par le musée national de Prague. Cf. Fabian Bernhardéd., Handbuch der historischen Buchbestände in Deutschland, Österreich und Europa,http://134.76.163.162/fabian?Home.


184 CHRISTINE <strong>LE</strong>BEAUavant 1690 dont 100 au XVI e siècle 17 . Ces titres sont majoritairement desouvrages de grammaire, de lettres et d’histoire en latin 18 . Il n’en demeurepas moins que le catalogue se compose majoritairement d’ouvrages publiésau XVIII e siècle et principalement dans les années 1750‐1780 et près de lamoitié des ouvrages sont rédigés en français 19 . L’allemand fait cependantjeu égal avec l’italien et il faut signaler que une bonne partie des ouvragesérudits rédigés en latin sont de fait des ouvrages rédigés par des auteursallemands 20 . Les autres langues sont, pour quelques unités, l’espagnol, letchèque, le hollandais et le suédois : l’anglais n’est absent pour les titresantérieurs à 1790.« La » bibliothèque nobiliaire des Lumières se compose d’abord delivres d’histoire puis de belles‐lettres, ensuite viennent les ouvrages dedroit, de sciences et d’arts et finalement de religion 21 . Dans quelle mesurela bibliothèque d’Austerlitz se conforme‐t‐elle à ce modèle ? En suivantl’ordre du catalogue établi par Olga Peterková, la première catégorieest celle des belles‐lettres (339 titres), suivie par la religion (175), puispar la politique (122), les sciences (120) l’économie politique (120), oùle droit (82), la philosophie, plus particulièrement de la nature (75), l’artmilitaire (50), l’histoire (39) et les cartes (44) constituent les catégoriesles moins représentées. Faut‐il apprécier ces catégories en termes dedilection ? Le chancelier Kaunitz est réputé fin connaisseur des lettresfrançaises, ce qui pourrait expliquer la forte présence des belles‐lettres.Son nom est aussi associé au joséphisme et à la suppression des couventsau profit du renforcement de l’encadrement pastoral 22 . De même, la fortereprésentation des catégories politique, économie politique et droit, en dépitde la sous‐représentation de la catégorie histoire, pourrait nous autoriser àinterpréter ce catalogue comme la trace d’une bibliothèque à l’usage d’ungrand commis. On pourrait encore souligner la présence significative deslivres d’agronomie et de cérémonial qui relève également de l’activitéprofessionnelle de Wenzel Kaunitz, diplomate, mais aussi seigneur ethomme de cour. De fait, rares sont les autodidactes à la fin du XVIII esiècle : au bagage des humanités s’ajoute l’apprentissage spécialisé desarts militaires ou des disciplines juridiques et administratives. On pourrait17Peterková Olga, Lokální a inventární katalog zámecké knihovny slavkov, 1959.18315 titres en latin au total.19538 titres en français.20144 titres sont en italien contre 184 en allemand.21Roche, 1988.22Maass Ferdinand éd., Der Josephinismus. Quellen zu seiner Geschichte inÖsterreich, Vienne, Verlag Herold, 1951‐1961.


Les bibliothèques Kaunitz : des catalogues et des lectures multiples 185encore mettre l’accent sur la présence d’une dizaine de titres en tchèque quientrent dans les catégories droit, agronomie et histoire : Wenzel Kaunitzcorrespondait de fait en tchèque avec ses intendants. Pour autant, la simpleanalyse statistique ne permet pas d’affiner l’articulation entre livre etaction politique, ni même d’inférer de ce cas les horizons d’attente d’ungroupe. En ce sens, la bibliothèque du château d’Austerlitz est à la foisstructurellement proche et différente de celle du comte Hartig étudiée parClaire Madl 23 .Alors qu’elle ne comporte que quelques titres postérieurs à 1796, labibliothèque du château d’Austerlitz peut‐elle être considérée comme « la »bibliothèque du chancelier Kaunitz ? Les archives familiales renfermentégalement un carton spécialement dévolu aux « livres non reliés» 24 . Ils’agit en fait d’un ensemble de listes, propositions d’achat ou acquisitions,qui forment autant de « bibliothèques idéales », rédigées par des experts,agents, libraires, diplomates et qui témoignent d’un travail bibliographiquespécialisé. Trois ensembles sont ainsi réunis : la bibliothèque du parfaitcommis (Kanzlist) d’empire centrée sur les corpus et la pratique de droitd’empire (33 titre) ; un catalogue de livres savants –vies, anthologies,grammaires italienne, latine et hébraïque‐ proposé par l’imprimerieroyale de Parme (35 titres) ; une bibliothèque philosophique (économiepolitique, belles‐lettres, sciences et arts) compilée notamment à partirde l’Avant‐Coureur dont l’éditeur Jonval est lié à Helvétius, ainsi qu’auJournal des Savants et à la STN, dans laquelle l’Encyclopédie méthodiqueet l’Encyclopédie d’Yverdon figurent en tête. Ces notes marquent leslimites du catalogue d’Austerlitz, puisqu’une large partie de ces titres nes’y retrouvent pas. Le chancelier Kaunitz se trouve bien au centre d’unedélibération par correspondance qui lui confère une autorité « scientifique »,mais le produit de cet échange n’est pas immédiatement déposé à Austerlitz.On devrait donc en revenir à la bibliothèque de château, lieu de mémoire,de plaisir et d’ostentation plutôt de travail.La bibliothèque d’Austerlitz ou du moins le catalogue qui en a été dresséen 1959 conserve aussi sa part d’énigme qu’une brève analyse qualitativepeut cependant lever partiellement. En effet, on y retrouve trois ouvrages,le premier de Thomas Grenville, Tableaux de l’Angleterre relativement à23Madl Claire, L’écrit, le livre et la publicité. Les engagements d’un aristocrateéclairé de Bohême : Franz Anton Hartig (1758‐1797), thèse de l’École Pratique desHautes Etudes, Paris, 2007.24III Jednotlivi členove rodu 8. Vaclav Antonin Kounic, k 450, Moravský Zemský,Brno.


186 CHRISTINE <strong>LE</strong>BEAUses finances et son commerce (Londres, 1769), le second de Pompeo Neri,Relazione dello stato in cui si trova l’opera del censimento universale delDucato di Milano (Milan, 1750) et le troisième, un manuscrit qui décrit laréforme comptable introduite dans les caisses camérales de la monarchiedes Habsbourg 25 . Ces ouvrages sont en quelque sorte les marqueursde l’échange administratif autour de la réforme financière et politiqueà Vienne et en Europe 26 . Ils correspondent pour les deux derniers à desréformes supportées par le chancelier. Le premier en revanche provientde la stratégie européenne d’information mise en place par Kaunitz depuisson ambassade de Paris. L’inscription intellectuelle du prince de Kaunitzest certes déterminée socialement par son statut et sa fortune. Mais labibliothèque d’Austerlitz peut aussi se lire comme la somme d’un patronagepolitique et d’un choix intellectuel.La bibliothèque d’une communauté de lecteurs.Si une culture de l’innovation permet la pérennisation d’une dominationsociale et politique, considérer qu’il s’agit de celle de l’ensemble du grouperisquerait de conduire à un artefact. S’il y a pas d’académie impériale ouroyale dans la Monarchie des Habsbourg, on n’en crois pas moins demultiples micro‐sociétés, à l’image de l’académie des Pugni animée parPietro Verri dans les années 1760 qui rassemble à la fois les rédacteursdu périodique le Caffé et les membres du Consilio d’Economia de Milan.Aussi ne faut‐il pas sous‐estimer les rivalités et les clivages au sein dugroupe « noblesse », comme le montre la virulente opposition contre laréforme fiscale dans les années 1780. Dès lors, la bibliothèque d’Austerlitzpeut aussi être lue comme un site social au sens où l’emploie James C.Scott ou l’une des pièces qui soude une communauté de lecteurs sans pourautant préjuger des choix individuels 27 .Karl von Zinzendorf, frère du président de la chambre des comptesinstallée par Kaunitz en 1761, décrit à maintes reprises le cercle réuni àVienne dans le palais de ville du chancelier 28 . On trouve également mention25Uebersicht zur Einführung einer neuen Staatsbuchhaltung.26Lebeau Christine, Circulations internationales et savoirs d’État au XVIII e siècle,Beaurepaire Pierre‐Yves et Pourchasse Pierrick éd., Les Circulations internationales enEurope années 1680‐années 1780, Rennes, 2010, p. 169‐179.27Chartier Roger, « Communautés de lecteurs », ibid., Culture écrite et société.L’ordre des livres (XIV e ‐XVIII e siècles), Paris, Albin Michel, 1996. Sur le modèle du sitesocial, Scott James C., The art of not being governed : an anarchist history of uplandSoutheast Asia, New Haven / London, Yale UP, 2009.28Karl von Zinzendorf, Tagebuch (par la suite Tgb), nombreuses occurrences en1761 et 1762, Haus‐, Hof‐ und Staatsarchiv, Vienne.


Les bibliothèques Kaunitz : des catalogues et des lectures multiples 187d’un cercle d’été à la fois familial et professionnel, réuni l’été dans le châteaud’Austerlitz : « Austerlitz. Je trouvois dans un très grand salon où l’on dîneMe de Questenberg, de Durazzo, de Malowetz, de Clari, le duc de Braganceet Swieten arrivèrent bientôt. Le comte Philippe (Sinzendorf) et Edelsheimmontèrent à cheval. Rzewuski arriva de Vienne » 29 . Les différents ancragesdu prince du Kaunitz sont ici réunis : la famille et l’aristocratie bohême (lesQuestenberg, Malowetz et Clari), le mécénat et l’encouragement des lettreset des sciences (Giacomo Durazzo, Gottfried Van Swieten), la diplomatieimpériale et européenne (comtes de Bragance, de Durazzo, d’Edelsheim etde Rzewuski) et finalement l’administration de la Monarchie (les comtesSinzendorf et Zinzendorf).Les amis d’Austerlitz, outre la parenté morave, forme une communautéstable réunie depuis les années 1750, un « réseau fort » qui s’est élargi aufil des ans et des charges occupées par le chancelier par des liens « faibles »avec des personnalités européennes 30 . Le noyau dur rassemble, outre lediplomate et intendant de théâtre Giacomo Durazzo qui s’installe à Vienneen 1754 en devenant le directeur du théâtre de la cour avec le soutien deKaunitz 31 , Philipp de Sinzendorf, président du conseil de commerce deBasse‐Autriche et Karl von Zinzendorf, conseiller de commerce et frère duprésident de la chambre des comptes qui appartiennent tous deux au partiKaunitz installé au sommet de l’Etat.Ces pratiques amicales sont bien connues en Europe et peuvent êtreinterprétées de plusieurs façons. Mme Geoffrin en rappelle le double sens :« J’ai appris que le comte Philipp (Sinzendorf) vous avait quitté. Celam’a surpris : il était non seulement votre ami, mais il vivait dans votreintimité » 32 . Elles réunissent des aristocrates, certes parents, non pas issusde la même nation mais « étrangers », en fait représentatifs de la « noblesseintégrée » et surtout unis par les liens du patronage 33 . Comme le rappelleJacques Necker, « entre toutes les qualités qui distinguent le premier ministreà Vienne, Mgr de Kaunitz, aucune peut être ne le relève davantage que29Karl von Zinzendorf, Tgb, 29 septembre 1773.30Pour l’analyse en termes de liens faibles et forts, Granovetter Mark S., Getting ajob. A study of contacts and careers, Chicago / Londres, Univ. of Chicago Press, (2) 1995.31Durazzo Angela Valenti, I Durazzo da schiavi a dogi della Repubblica di Genova,Brescia, La Compagnia della Stampa, 2004.3227 avril 1768, dans : Flammermont Jules et Arneth Alfred von éd., Correspondancesecrète du comte de Mercy Argenteau avec Joseph II et le prince de Kaunitz, Paris, 1891,II, p. 334.33Pour reprendre les catégories proposées par Reinhard Wolfgang, Freunde undKreaturen : ‘Verflechtung’ als Konzept zur Erforschung historischer Führungsgruppen.Die römische Oligarchie um 1600, Munich, E. Vögel, 1979.


188 CHRISTINE <strong>LE</strong>BEAUson impartialité parfaite et cette intégrité de caractère, avec laquelle, sansacceptation de personnes, il choisit toujours pour les places qui dépendentde son suffrage, ceux qu’il juge les plus capables de son suffrage, ceux qu’ilsjugent les plus capables d’en bien remplir les devoirs » 34 . Aussi la parenté,que ce soit celle de Philipp Sinzendorf avec le grand chancelier PhilippLudwig Sinzendorf ou celle de Karl von Zinzendorf avec le président dela chambre aulique Gudaker Stahremberg, auquel le chancelier Kauntiz estlui‐même apparenté, n’est‐elle qu’un premier critère, immédiatement suivipar les compétences et le savoir professionnel : « Philipp Sinzendorf meparla longtemps de son train de vie, de son éducation chez son grand‐pèrele Grand Chancelier, de la banque, des elemens de commerce » 35 .De ce parti du livre, la correspondance conservée à Brno garde trace 36 ,mais son histoire se joue à Vienne dans les bureaux et dans les États de laMonarchie, dans les différentes instances de gouvernement des pays. Ence sens, le catalogue de la bibliothèque d’Austerlitz est la trace d’une unegrande bibliothèque aristocratique des Lumières, mais aussi la bibliothèqued’un parti de la réforme solidement installé au sommet de l’État depuis la findu XVII e siècle et le règne de Léopold I er et non seulement le passe‐tempsd’une noblesse acculturée par l’Europe française ou sous la domination dusoft power français.La question que nous voulions poser est bien celle de l’échelled’analyse d’une bibliothèque. Avons‐nous ici affaire à une bibliothèquearistocratique d’Europe centrale ou de Bohême ? ou à la bibliothèque desprinces de Kaunitz ? ou à la bibliothèque du prince de Kaunitz ? Faut‐ilprendre le groupe social mais alors comment le définir ? Dans l’espaceconsidéré, la nation vient rapidement interférer. Aussi la voie médiane noussemble‐t‐elle plus prudente, mais là encore plusieurs voies s’offrent à nouset notre propre pratique de d’historien de la monarchie nous fera préférerla communauté professionnelle mais il ne s’agit que d’un choix d’analyse,car comme le soulignait Daniel Roche après les travaux de GiovanniLevi, « l’aveu d’une personnalité sociale est fait de l’addition de multiplespersonnalités individualisées par la vie », a fortiori la bibliothèque quisuperpose opportunités commerciales et curiosités éphémères.34Necker Jacques, De l’administration des finances de la France, 1785, I, p. LIV.35Karl von Zinzendorf, Tgb, 21 Nov 1761.36Lebeau Christine, Aristocrates et grands commis à la cour de Vienne. Le modèlefrançais, Paris, CNRS éditions, 1996, chapitre III pour l’analyse de ce parti du livre.


Un grand commis bibliophile : le marquis de MéjanesRAPHAË<strong>LE</strong> MOURENC’est à la fin du XVII e siècle que naît en Europe une nouvelle idéede la bibliothèque privée : non plus la bibliothèque d’étude des famillesdes hommes de loi érudits, ou la « bibliothèque de l’honnête homme »décrite par Gabriel Naudé, mais une bibliothèque réunie pour le plaisirpar de riches nobles. En Grande‐Bretagne, aux Pays‐Bas, en France, naîtune notion nouvelle, celle du livre ancien : l’imprimerie existe en Europedepuis désormais trois siècles, et les livres les plus anciens, les incunables,les livres imprimés pendant la première moitié du XVI e siècle en lettresgothiques, n’ont plus d’utilité pour leur contenu, et, pour leur forme, on neles apprécie plus : à la bâtarde gothique, la « lettre noire », on préfère les« lettres rondes », les caractères Garamond, qui dominent le livre depuisdeux siècles 1 .Les nouvelles collections ne sont pas les bibliothèques de travail d’unsavant, même amateur, ou d’un robin, ce ne sont pas, la plupart du temps,des bibliothèques de lecteurs. Ce sont des collections dont les règles deconstitution se modifient au XVIII e siècle. Elles sont créées ou enrichiespar un petit nombre d’hommes, généralement très riches. Ces derniers nerecherchent plus des livres pour leur contenu, pour leur message, maisparce qu’ils sont rares ; ils s’attachent à des raisons que Guillaume‐FrançoisDebure, leur représentant, appelle typographiques, c’est‐à‐dire à l’objetlivre. C’est donc le moment où naissent, dans le domaine du livre imprimé,le « livre ancien » et le « livre rare » 2 .1Jean Viardot, « Livres rares et pratiques bibliophiliques », dans Histoire del’édition française, vol. 2., Le livre triomphant : 1660‐1830, sous la direction de RogerChartier et Henri‐Jean Martin, Paris, Promodis, 1984, p. 446‐467 (rééd. Paris, Fayard –Cercle de la Librairie, 1990, p. 583‐614).2Jean Viardot, « Naissance de la bibliophilie : les cabinets de livres rares », dansHistoire des bibliothèques françaises, vol. 2, Les bibliothèques sous l’Ancien Régime :


190 RAPHAË<strong>LE</strong> MOURENCes nouveaux collectionneurs réunissent des livres suivant desprincipes de constitution complexes. Ces principes ont été décrits par JeanViardot, qui avait identifié trois types de choix thématiques à partir del’étude de bibliothèques réunies entre la fin du XVII e siècle et le début duXVIII e siècle : celui des « Antiquités gauloises », le « cabinet curieux » etle « cabinet choisi ».Le trois catégories décrites par Jean Viardot correspondent à descollections de taille réduite, très choisies. Il est intéressant de regarderl’application de ces principes dans le cas de bibliothèques réunissantplusieurs milliers, voire plusieurs dizaines de milliers de livres. Lecollectionneur le plus célèbre de cette époque est le duc de La Vallière, quiréunit deux immenses collections successives. Mais d’autres collections detaille importante ont été constituées. Deux d’entre elles ont été conservéeset n’ont pas été dispersées au moment de la Révolution française : celledu marquis de Paulmy, qui se trouve aujourd’hui encore à la bibliothèquede l’Arsenal à Paris, et celle du marquis de Méjanes, qui est restée àAix‐en‐Provence depuis sa mort en 1786 et est conservée aujourd’hui dansla bibliothèque qui porte son nom.Le marquis de Méjanes a occupé de très nombreuses chargesadministratives tout au long de sa vie. Né à Arles en Provence en 1729, il aétudié au collège jésuite Louis‐Le‐Grand à Paris. En 1761, puis à nouveauen 1774, il est nommé consul d’Arles, et s’intéresse à des questions de bienpublic comme la transmission des maladies, l’inoculation et l’agriculture :il crée une Société d’agriculture à Arles, puis à Aix‐en‐Provence. Hommede l’Ancien Régime, il trouve qu’il y a trop d’écoles des Frères de la vieChrétienne et pense que les enfants de paysans ne devraient pas apprendreà écrire 3 . Il est nommé par la Ville d’Aix premier consul de la ville à partirde 1777, et s’occupe de l’administration de la Provence. En 1766 il estenvoyé par la ville d’Arles à Paris pour y représenter ses intérêts, puis ànouveau à partir de 1783 et il meurt à Paris en 1786 4 . Il a commencé trèsjeune à collectionner les livres, ce qui lui a permis d’avoir un réseau delibraires très étendu.La bibliothèque léguée par le marquis de Méjanes aux États de1530‐1789, sous la direction de Claude Jolly, Paris, Promodis‐Cercle de la librairie, 1988,p. 268‐289 (rééd. Paris, Cercle de la Librairie, 2008, p. 345‐374).3Étienne Rouard, Notice sur la bibliothèque d’Aix, dite de Méjanes ; précédée d’unessai sur l’histoire littéraire de cette ville, sur ses anciennes bibliothèques publiques, surses monuments, etc., Paris, chez Firmin Didot frères, Treuttel et Wurtz, Aix, chez Aubin,1831, p. 124‐125.4Ibid.


Un grand commis bibliophile : le marquis de Méjanes 191Provence et passée, à la Révolution, à la Nation, se compose de 80 000 livresimprimés environ, auxquels s’ajoutent les recueils de pièces et placards, aunombre d’environ 150 000, reliés en volumes contenant de 10 à 15 pièces.On y compte environ 300 incunables, et un petit nombre de manuscrits.Une chose est à peu près sûre : le marquis ne lisait pas ses livres. Sansdoute même n’a‐t‐il pas eu le temps d’ouvrir tous les livres qu’il a achetés.Mais très souvent, il a pris le temps de contrôler l’intérêt et la rareté de sesachats, et de l’indiquer sur les ouvrages eux‐mêmes : il porte le lieu d’achatet la date, ainsi que le prix ; il relève le prix qu’a pu atteindre le livre dansd’autres ventes aux enchères, et, surtout, indique si le livre qu’il a achetéest conseillé par le libraire Debure dans la Bibliographie instructive 5 . Iln’hésite pas à acheter des livres très cher : ainsi, même s’il fait de bonnesaffaires à Genève, il n’hésite pas à payer 100 livres un incunable.Ces nouveaux collectionneurs, que l’on appelle des bibliophiles,s’intéressent essentiellement aux imprimés et fort peu aux manuscrits. Oncomprend donc que la bibliothèque du marquis de Méjanes ne contient quepeu de manuscrits, ce qui différencie la bibliothèque Méjanes actuelle desautres bibliothèques patrimoniales françaises issues de la Révolution.Dans une bibliothèque d’importance, on retrouve les catégories relevéespar Jean Viardot, présentes aussi dans d’autres collections, mais trouve denombreux autres livres. Dans le cas du marquis de Méjanes, tous les livresou presque ont été choisis par le propriétaire lui‐même.On y trouve tout d’abord les antiquités gauloises : ces livres imprimés5Bibliographie instructive, ou traité de la connoissance des livres rares etsinguliers. Contenant un catalogue raisonné de la plus grande partie de ces Livresprécieux, qui ont paru successivement dans la République des Lettres, depuis l’inventionde l’imprimerie, jusques à nos jours ; avec des notes sur la différence et la rareté de leurséditions, & des remarques sur l’origine de cette rareté actuelle, & son degré plus ou moinsconsidérable : la manière de distinguer les éditions originales, d’avec les contrefaites ;avec une description typographique particulière, du composé de ces rares volumes, aumoyen de laquelle il sera aisé de reconnoître facilement les exemplaires, ou mutilés enpartie, ou absolument imparfaits, qui s’en rencontrent journellement dans le commerce,& de les distinguer surement de ceux qui seront exactement complets dans toutes leursparties. Disposé par ordre de matières & de facultés, suivant le système bibliographiquegénéralement adopté ; avec une table générale des auteurs, & un système complet debibliographie choisie, par Guillaume‐François de Bure, le Jeune, libraire de Paris,Belles lettres, tome I, à Paris, Chez Guillaume‐François Debure Le Jeune, Libraire, Quaides Augustins, 1765. Supplément à la bibliographie instructive ou catalogue des livresdu cabinet de M. Louis Jean Gaignat, ecuyer, conseiller‐secrétaire du roi honoraire,& receveur général des consignations des requêtes du palais, disposé & mis en ordrepar Guill. François de Bure le jeune, libraire de Paris, avec une table alphabétique desauteurs, 2 vol., à Paris, chez Guillaume François de Bure le jeune, 1769.


Un grand commis bibliophile : le marquis de Méjanes 193Un troisième exemplaire à reliure mosaïquée de Padeloup estaujourd’hui conservé à Waddesdon Manor, provenant de la collectionFerdinand de Rotschild 11 . D’autres livres de controverses de Méjanes,comme le fameux Teatro gesuitico, portent aussi une reliure Derome 12 . Cene sont que quelques exemples de somptueuses reliures portées par deslivres de Bruno, on pourrait en citer d’autres.Toutefois, il n’est pas toujours aisé de savoir pour quelle raison lemarquis de Méjanes a acheté tel ou tel livre, ou bien tel ou tel auteur. Onpeut prendre pour exemple le cas d’Étienne Dolet, connu à la fois pourses œuvres latines mais aussi pour avoir été éditeur et avoir été brûlé pourathéisme à la fin des années 1540. J’ai contrôlé si on trouvait des œuvresde Dolet chez les bibliophiles français du XVIII e siècle, pour essayer decomprendre si ses livres étaient collectionnés, et, s’ils l’étaient, si c’étaiten raison de la rareté de ces ouvrages, brûlés avec lui, ou pour l’intérêt deleur contenu, par exemple pour les Commentaires de la langue latine. Celivre est à la fois une œuvre importante pour l’histoire de l’érudition, et untrès bel in‐folio édité par Sébastien Gryphe 13 . Le résultat est assez mitigé :Dolet n’a été réellement collectionné que par deux bibliophiles, Méjanes etMel de Saint‐Céran ; il est complètement absent de nombre de collections 14 .Le marquis de Méjanes achetait ses livres auprès de ses libraires attitrés,les David d’Aix 15 ; il en achetait aussi chez d’autres libraires aixois et desfin du XVIII e siècle, Paris, D. Morgand & Ch. Fatout, 1880, planche XIX, disponible surhttp://fr.wikisource.org/wiki/La_Reliure_française.11Voir sur cet exemplaire le catalogue de Giles Barber de la collection Waddesdon,à paraître.12Francisco De La Piedad, Teatro jesuitico, apologetico discurso, con saludables, yseguras dotrinas, necessarias a los principes y señores de la tierra, impreso en Cuimbranpor Guillermo Cendrat, 1654. Méjanes Res. O.1 57 : J.‐M. Chatelain, op. cit., notice30, disponible à l’adresse http://www.citedulivre‐aix.com/Typo3/fileadmin/documents/Expositions/marquis/30.htm. Voir aussi http://www.flickr.com/photos/59557300@N02/5473326949/in/photostream.13Commentariorum linguae latinae tomus primus, Stephano Doleto gallo Aurelioautore, Lugduni apud Seb. Gryphium, 1536, cum privilegio ad quadriennium, 2° ;Commentariorum linguae latinae tomus secundus, Stephano Doleto Gallo Aurelio autore,Lugduni, apud Seb. Gryphium, 1538, cum privilegio ad quadriennium, 2°.14Voir Raphaële Mouren, « Étienne Dolet chez les bibliophiles du XVIII e siècle», dans Étienne Dolet 1509‐2009, éd. Michèle Clément, Genève, Droz, 2012 (Cahiersd’Humanisme et Renaissance, 98), p. 417‐438.15Sur l’intérêt des imprimeurs‐libraires David, et plus particulièrement Joseph IIDavid, pour le marché bibliophilique, voir Gilles Eboli, Livres et lecteurs en Provenceau XVIII e siècle : autour des David, imprimeurs‐libraires à Aix, Méolans Revel, AtelierPerrousseaux‐Centre de conservation du livre, 2008 (Kitab Tabulae), p. 182‐191.


194 RAPHAË<strong>LE</strong> MOURENlibraires installés partout en France. Mais, comme tout le monde, il achetaitde nombreux livres dans les ventes aux enchères parisiennes et lyonnaises.Les libraires parisiens jouent un rôle essentiel dans le développementde la bibliophilie. Les premières collections bibliophiliques, réunies à la findu XVII e siècle, sont vendues par ces libraires. Ces derniers, pour pouvoirmettre en vente les collections, en publient le catalogue. Ils développent unsystème de classement de ces livres, permettant d’offrir une visibilité de lacollection pour les acheteurs potentiels, qu’ils perfectionnent peu à peu :c’est ce qu’on appelle le classement des libraires parisiens, qui fut plustard popularisé par Jacques‐Charles Brunet et son Manuel du libraire. Lemarquis de Méjanes se procure les catalogues imprimés : il en possède unecollection très importante, où on retrouve les plus grandes ventes du temps :celles du duc de La Vallière, de Girardot de Préfond, de Mel de Saint‐Ceran,du comte d’Hoym… 16 Ces catalogues sont parfois annotés, on y porte le prixde vente des livres, ce qui permet aux collectionneurs d’évaluer l’intérêtqu’on pu rencontrer les livres chez les autres collectionneurs. Le marquisde Méjanes dispose aussi d’un exemplaire de la Bibliographie instructivede Guillaume‐François Debure, sorte de vademecum du bibliophile quipermet au collectionneur de savoir quels livres sont considérés commerares et dignes d’entrer dans leur bibliothèque, ainsi que son complément,le catalogue de la vente de la bibliothèque Gaignat. Cet exemplaire porteen note les indications de prix atteints par les livres dans les diverses ventesaux enchères. Ces prix ont été portés par l’auteur, Debure lui‐même, qui estaussi un libraire et représente les intérêts du marquis à Paris 17 .Le marquis étudie de près les catalogues de vente et fait lui‐même desrelevés des volumes qu’il souhaite acheter, relevés qu’il envoie en suite à16Deuxième vente La Vallière : Catalogue des livres de la bibliotheque de feu M. leDuc de La Valliere. Premiere partie contenant les Manuscrits, les premieres Editions, lesLivres imprimés sur velin et sur grand papier, les Livres rares, et précieux par leur belleconservation, les Livres d’Estampes, etc. dont la vente se fera dans les premiers jours dumois de Décembre 1783. par Guillaume de Bure, Paris, Guillaume de Bure, fils aîné, 1783.Catalogue des livres du cabinet de Mr. G… D… P…, par Guillaume‐Franç. De Bure, lejeune, à Paris, chez Guil. Fr. De Bure, le jeune, libraire ; Quai des Augustins, au coin de larue Pavée, à l’Image Saint Germain, 1777. Catalogue des livres rares et précieux de M.***disposé et mis en ordre par Guillaume de Bure, fils aîné, Paris, Guillaume de Bure, fils aîné,1780. Catalogus librorum bibliothecæ illustrissimi viri Caroli Henrici comitis de Hoym,olim regis Poloniæ Augusti II apud regem Christianissimum legati extraordinarii, digestus& descriptus a Gabriele Martin, bibliopal Parisiensi, cum indice auctorum alphabetico,Parisiis, apud Gabrielem & Claudium Martin, via Jacobæa, ad insigne Stellæ, 1738.17Guillaume François Debure, op. cit. Sur l’exemplaire annoté du marquis deMéjanes, portant un envoi signé par Debure, voir J.‐M. Chatelain, op. cit. notice 1.


Un grand commis bibliophile : le marquis de Méjanes 195son représentant dans les ventes : des listes de numéros (correspondant aunuméro porté par l’ouvrage dans le catalogue de la vente), avec la noticeabrégée du livre, parfois accompagnées de remarques.Mais le marquis est bien informé, sans doute par son réseau de libraires :il trouve en effet à Genève, chez les libraires de Tournes, héritiers des grandséditeurs lyonnais du XVI e siècle, une bibliothèque de plusieurs milliersde livres. Dans cette bibliothèque se trouvent des livres très recherchéspar les bibliophiles du temps : que ce soit les plus beaux incunables quiexistent, comme par exemple l’Etymologicon Magnum imprimé à Veniseen 1499 par Zacharias Callierges et Nicolas Vlastos 18 , mais aussi des livresd’hérétiques italiens devenus fort rares après la condamnation de leursauteurs : c’est là qu’il achète, à un prix bien inférieur à celui du marché,certains livres de Bernardino Ochino. Ces livres s’arrachent à prix d’ordans les ventes aux enchères 19 , mais le marquis de Méjanes réussit à enacheter à un prix plus que correct chez les Tournes, issus de bibliothèquedes pasteurs genevois Turretini, réfugiés d’Italie à la fin du XVI e siècleet qui, pendant presque deux siècles, ont réuni une bibliothèque riche deplusieurs milliers de volumes 20 .On trouve dans la bibliothèque du marquis de Méjanes des ouvragesprovenant de plusieurs bibliothèques privées : celles du duc de La Vallière,du comte de Lauraguais, des La Vieuville, Fevret de Fontette… Il achèteaussi des livres provenant de la bibliothèque des jésuites de Paris, dont les18Έτυμολογικὸν μέγα, πόνω δὲ καὶ δεξιότετι Ζαχαρίου καλλιέργου, τοῦ κρήτος,1499.19C’est le cas sans doute de l’édition des prêches d’Ochino par Pietro Perna, dontMéjanes achète un exemplaire ayant successivement appartenu à Fieubet de Naulac,Girardot de Préfond et Floncel, ou du catéchisme provenant de la bibliothèque du ducde La Vallière : Prediche di Bernardino Ochino da Siena, novellamente ristampate &con grande diligentia rivedute & corrette con la sua tavola nel fine, [Bâle, Pietro Pernaet Michael Isingrin, ca. 1549] ; La seconda parte delle prediche…, [Bâle, Pietro Pernaet Michael Isingrin, ca. 1549] ; La terza parte delle prediche…, [Bâle, Pietro Perna etMichael Isingrin, ca. 1551] ; La quarta parte delle prediche…, [Bâle, Pietro Perna etMichael Isingrin , ca. 1555] ; La quinta parte delle prediche…, Bâle, [Pietro Perna],1562. Méjanes Rés. D. 130. Il catechismo, o vero institutione christiana di M. BernardinoOchino da Siena, in forma di Dialogo, interlocutori, il ministro, et illuminato, non maipiu per l’adietro stampato, In Basilea [Pietro Perna], 1561. Méjanes Rés. D. 304. J.‐M.Chatelain, op. cit., notices 37, 38.20Prediche di Bernardino Ochino da Siena. Si me persequuti sunt, & vospersequentur, [Genève, Jean Girard], 1542. Méjanes Rés. S. 92.. Sermones de fideBernardini Ochini Senensis, [Genève, Jean Girard], 1544. Méjanes Rés. S. 90. J.‐M.Chatelain, op. cit., notices 35, 36. L’étude et l’édition de cette bibliothèque sont en cours.


196 RAPHAË<strong>LE</strong> MOURENlivres sont reconnaissables au double phi entrelacé estampé à chaud surle dos ; les jésuites avaient été bannis de France en 1763 et leurs collègesfermés.Le marquis achète aussi bien des livres trouvés chez un obscur libraireque des exemplaires ayant appartenu à des bibliothèques importantes, etportant une reliure prestigieuse comme celles des livres de Nicolas Fabride Peiresc. Les livres du marquis ont souvent des reliures courantes, maisde bonne facture, en particulier des veaux blonds glacés, ornés d’une triplebordure estampée à chaud. Il conserve aussi des livres dans leur reliured’attente en papier dominoté ou en papier à tapisser. Il a dans sa collectionun assez bon nombre de reliures anciennes, provenant de collectionsremontant au XVI e siècle comme celle de Benoît Le Court 21 , mais surtoutdes reliures plus récentes, souvent courantes, parfois somptueuses.Mais des collections choisies de romans gothiques ou de livreshérétiques ne suffisent pas à constituer une bibliothèque de 80 000volumes. En dehors de ce « cabinet choisi », de quoi se compose‐t‐elle ? Ilest difficile d’en maîtriser le contenu, mais quelques sondages donnent debonnes informations.– sur le 16 e siècle : qu’en est‐il, par exemple, de l’histoire du livresavant, de la production humaniste ? Tout d’abord, il faut mettre de côtéles livres provenant de bibliothèques prestigieuses, comme par exempleles Variarum lectionum libri de Piero Vettori, recouvertes d’une reliurecaractéristique de la bibliothèque de Nicolas Fabri de Peiresc, ou l’éditiondes lettres latines du même Vettori, portant au plat l’écureuil de Fouquet 22 .Il n’en reste pas moins que l’on trouve chez Méjanes la meilleure éditionparue au XVI e siècle de la Poétique d’Aristote 23 . Il achète nombre de21Voir J.‐M. Chatelain, op. cit., chapitre « Amateurs d’autrefois », qui a réuni deslivres provenant des bibliothèques de Jean Grolier, Jean Ballesdens, Étienne Baluze,Claude de Beaune, ainsi que d’autres reliures anciennes à la provenance partiellementidentifiée.22Petri Victorii variarum lectionum libri XXXVIII, ad Alexandrum FarnesiumS.R.E. Cardinalem Libri XXV, ad Ferdinandum Medicem S.R.E. Cardinalem libri XIII,Quorum librorum ueteribus editionibus addita sunt quaedam pauca uariata, Florentiae,apud Iunctas, 1582. Méjanes F. 75. Petri Victorii epistolarum libri X, orationes XIIII etliber de laudibus Joannae Austriacae..., Florentiae, apud Iunctas, 1586. Méjanes Res. Q.159.23Petri Victorii commentarii, in primum librum Aristotelis de Arte Poetarum.Positis ante singulas declarationes Græcis uocibus auctoris : iisdemque ad uerbum Latineexpressis. Accessit rerum et uerborum memorabilium index locupletissimus, Florentiae, inofficina Iuntarum [apud haeredes Bernardi Iuntae], Bernardi filiorum, 1560. Méjanes F.2738.


Un grand commis bibliophile : le marquis de Méjanes 197livres imprimés par les plus grands imprimeurs libraires : on a déjà citéun grand in folio de Sébastien Gryphe, mais bien entendu on trouve enbonne position aussi bien les livres d’Aldo Manuzio que ceux de Robert etHenri Estienne. Le marquis de Méjanes achète aussi des livres imprimésdans d’autres pays et dans d’autres langues, sans pour autant rechercherparticulièrement le livre exotique. En particulier, il possède les œuvres desprincipaux auteurs italiens de la fin du Moyen Âge et de l’Humanisme,Dante, Pétrarque, Boccace, Bembo, Aretino, Tasso…Signe de la reconnaissance de la qualité de cette bibliothèque, celle‐cifut très rapidement, après la mort du marquis, confié par son nouveaupropriétaire, les États de Provence, à un bibliothécaire professionnel :l’abbé Rive, l’ancien bibliothécaire du duc de La Vallière, connu pourson opposition farouche aux bibliothèques bibliophiles et son mauvaiscaractère, fut le premier bibliothécaire à qui fut confiée cette collection. Ilne s’en occupa absolument pas et mourut peu de temps après.


« Une place de bibliothécaire auprès d’un héroslégislateur ne doit pas être facile à remplir ».Naissance et formation des bibliothèques particulièresde Napoléon I erCHAR<strong>LE</strong>S‐ÉLOI VIALIntroduction générale : Napoléon au coeur d’un réseau de bibliothèquesDe nombreuses études récentes sur l’administration de la Maison del’Empereur Napoléon I er ont profondément renouvelé la connaissancedu fonctionnement de la Cour impériale, du quotidien de Napoléon etde son entourage 1 . Plusieurs concepts ont ainsi été mis en avant afin debien interpréter les archives de la sous‐série O 2 des Archives nationalesde Paris, où sont conservés les documents administratifs laissés par laCour du Premier Empire. Parmi eux, on trouve celui de la mise en réseau,particulièrement important pour comprendre l’organisation et la gestiondes palais impériaux des Tuileries, de Malmaison, de Saint‐Cloud, deRambouillet, de Fontainebleau, de Trianon et de Compiègne, légués parl’Ancien Régime, restaurés et remeublés sous le Premier Empire, quiétaient tous situés dans la région parisienne et où Napoléon vécut entre1800 et 1815. En effet, même si Napoléon changeait de lieu d’habitationselon les saisons, et s’éloignait fréquemment de la France pour menerses campagnes militaires, ses palais restaient malgré tout occupés toutel’année par certains services délocalisés de la Cour, dirigés à partir d’uneadministration centrale installée dans la capitale. Par exemple, le Grandveneur avait ses bureaux à Paris, mais entretenait des gardes‐forestiers1Par exemple : <strong>LE</strong>NTZ, Thierry, Nouvelle histoire du Premier Empire, Paris,Fayard, 1999‐2010, 5 t. ; BRANDA, Pierre, Les hommes de Napoléon, 1804‐1815, Paris,Fayard, 2011 ; VIAL, Charles‐Éloi, Les chasses impériales de Napoléon I er , thèse pour lediplôme d'archiviste paléographe, Paris, École nationale des chartes, 2011, 3 vol.


Une place de bibliothécaire auprès d’un héros législateur... 199autour des palais impériaux. Le Grand aumônier disposait de chapelainsà demeure, le Grand maréchal du palais dirigeait le concierge du palais etses subordonnés, le Grand écuyer laissait en permanence une partie de sesécuries sur place, et l’Intendant des bâtiments employait un architecte pourchaque résidence. Et enfin, le bibliothécaire de l’Empereur, installé à Paris,avait sous sa responsabilité des employés installés dans les palais, où desmilliers de volumes avaient été disposés à l’usage de Napoléon.On peut ainsi envisager le fonctionnement de la Cour impériale commecelui d’un réseau. Cette idée évoque, en quelque sorte, l’organisationactuelle des bibliothèques de certains établissements universitairesfrançais qui se partagent entre différents sites, ou encore les bibliothèquesmunicipales des grandes villes, comme Paris ou Lyon, comportant demultiples bibliothèques dirigées depuis une administration centrale.De nombreux historiens ont évoqué l’histoire des bibliothèques deNapoléon I er , en se basant sur les témoignages des proches de l’Empereur, eten centrant leurs travaux sur ses lectures et leur influence sur ses décisionsou son comportement 2 . Il est pourtant possible de proposer une autre grilled’interprétation, plus centrée sur l’administration. Les bibliothèques deNapoléon I er , réparties dans les différents palais impériaux, peuvent, àl’instar des autres institutions de la Cour, être également envisagés commeun réseau maillant toute l’Île‐de‐France. L’histoire de la constitution de ceréseau de bibliothèques au service de la Cour peut être évoquée à partir denombreuses sources.Les nombreux biographes du grand Empereur ont souvent convoquéles témoignages de son bibliothécaire, Antoine‐Alexandre Barbier, et deson archiviste, le baron Fain, pour le mettre en scène dans son intérieur,dans le cadre de son travail de bureau, où les livres étaient omniprésents,mais les sources archivistiques concernant les bibliothèques particulièresde Napoléon n’ont été mises au jour et utilisées que récemment : uneexposition au château de la Malmaison en 1992 étudia ainsi pour la premièrefois les archives comptables, et une exposition au château de Fontainebleauen 1997 permit d’éditer un inventaire conservé à la Bibliothèque nationale 3 .2Voir : GUILLOIS, Antoine, Napoléon, l'homme, le politique, l'orateur, d'aprèssa correspondance et ses œuvres, Paris, Librairie Académique Perrin, 1889, 2 t. ;MOURAVIT, Gustave, Napoléon bibliophile, recherches spéciales de psychologienapoléonienne, Paris, Lecampion, 1905.3BENOÎT, Jérémie [dir.], Livres précieux du Musée de la Malmaison, cataloguede l'exposition organisée au âchteau de Malmaison du 27 mai au 15 septembre 1992,Paris, R. M. N. éditions, 1992 ; VÉRON‐DENISE, Danièle, Des livres pour l'exil : labibliothèque de Napoléon I er à l'île d'Elbe, catalogue de l'exposition organisée au château


200 CHAR<strong>LE</strong>S-ÉLOI VIA<strong>LE</strong>n plus de ces sources, un important ensemble de documents estrécemment reparu : les archives du Grand chambellan de Napoléon,vendues et dispersées en 2007, contenaient plusieurs dossiers relatifs auxbibliothèques impériales, qui ont heureusement été microfilmés par lesArchives nationales avant de partir pour les États‐Unis. Ce qu’ils révèlent,c’est la mise en place de l’administration des bibliothèques de souverainau début du XIX e siècle. Celles‐ci ne naquirent pas sous le Consulat, ouau début de l’Empire, même si Napoléon se fit constituer à partir de 1800différentes bibliothèques, au palais des Tuileries, centre du gouvernement, àla Malmaison, résidence préférée de Joséphine, ou à Saint‐Cloud, résidenced’été, et qu’il donna l’ordre d’organiser différentes bibliothèques, pour lesministères, le Conseil d’État, et le Tribunat. C’est plusieurs années après lamise en place de l’Empire que des bibliothèques furent réellement installéesau sein de la cour impériale.L’histoire purement institutionnelle des bibliothèques de Napoléon sedécline dont en deux temps : une période de gestation, allant de 1804 à1807, puis une seconde période, entre septembre 1807 et octobre 1810,qui est celle de la formation des bibliothèques impériales. Les perspectivesouvertes par l’évocation de ces quelques années sont particulièrementlarges : le devenir des bibliothèques constituées pour Napoléon traversetout le XIX e siècle, et joua un rôle essentiel dans le quotidien de la Courjusqu’à la chute du Second Empire, ce qui montre la valeur du travailaccompli en quelques années. L’histoire d’Antoine‐Alexandre Barbierau service de Napoléon montre qu’il était difficile, pour le paraphraser,d’être le « bibliothécaire d’un héros législateur » 4 , mais aussi qu’un bonbibliothécaire peut arriver à exécuter l’impossible, fut‐ce pour un Empereurau caractère souvent difficile et n’hésitant pas à jeter les livres au feu.I/ Gestation, hésitations et tribulationsIntroduction : des bibliothèques revenues d’ÉgypteSous le Consulat et au début de l’Empire, le bibliothécaire de Bonapartefut Louis‐Madeleine Ripault, ancien bibliothécaire de l’Institut d’Égypte,que le tout nouveau Premier Consul avait voulu reprendre à son serviceà son retour en France, en juillet 1800. Il aménagea les bibliothèques desTrois Consuls au palais des Tuileries, la bibliothèque de la Malmaison ende Fontainebleau du 5 novembre 1997 au 9 février 1998, Fontainebleau, musée nationaldu château de Fontainebleau, 1997.4Lettre de Barbier à Fain, Paris, 10 septembre 1807, citée par BARBIER, Louis,« Les bibliothécaires de Napoléon », in Le livre, revue du monde littéraire, a. 4, 1883, p. 3.


Une place de bibliothécaire auprès d’un héros législateur... 2011800, puis celle de Saint‐Cloud en 1803. Par la suite, Ripault se retrouvadans l’obligation d’aménager des bibliothèques dans les palais attribués àNapoléon après la proclamation de l’Empire : Rambouillet, Fontainebleau,Compiègne et Trianon.A) Ripault et les bibliothèques du début de l’EmpireC’est là que l’histoire des bibliothèques impériales se grippe quelquepeu : en 1806, Napoléon donna à Ripault l’ordre d’aménager deuxbibliothèques au palais de Fontainebleau, l’une destinée à son propre usage,et une seconde à l’usage de la Cour, et d’installer à Rambouillet une petitebibliothèque donnant sur le jardin.Sur ces entrefaites, l’Empereur partit en campagne en septembre 1806,laissant ses subordonnés sans direction ferme. À ce moment, Ripaultsemble avoir peu à peu sombré dans un état dépressif : il jalousait l’abbéDenina, ancien bibliothécaire de Frédéric II de Prusse, que Napoléon avaitnommé bibliothécaire honoraire l’année précédente, et à qui il prodigua uneretraite dorée. Vexé, il se laissa progressivement absorber par ses travauxlittéraires, se déchargeant du soin de choisir des nouveautés littéraires pourNapoléon sur son ami Charles Pougens (1755‐1833), philologue et membrede l’Institut 5 . La tâche d’aménager ces bibliothèques se révéla d’autant pluspénible que, depuis la Pologne où il s’était installé, Napoléon lui réclamaitsans cesse des livres nouveaux pour l’occuper, et qu’il expédiait des ordrestoujours plus ambitieux à Paris : il ordonna la restauration complète dupalais des Tuileries, imposa deux déménagements successifs du dépôt oùRipault stockait ses ouvrages, à proximité des appartements impériaux aupalais des Tuileries. Ripault fut obligé de voir ses livres transportés par« 120 grenadiers faisant la chaîne » 6 , et il perdit son logement de fonctiondans l’affaire. Peu après, Napoléon demanda encore le déménagement dela bibliothèque de Saint‐Cloud.À ce moment, excédé devant ces travaux, Ripault perdit patience et seretira dans sa maison de campagne près d’Orléans, abandonnant son posteau milieu de l’année 1807. Son dernier acte fut de louer une maison rue duBac pour installer son dépôt, définitivement chassé de l’enceinte du palais,en laissant le soin du déménagement à son secrétaire 7 .5LOTTIN, Denis, Recherches historiques sur la ville d'Orléans, du 1 er janvier 1789au 10 mai 1800, dédiées à ses concitoyens, et offertes à ce titre à MM. Les maire, adjoints,et conseillers municipaux de la ville d'Orléans, Orléans, Alexandre Jacob, 1840, p. 172.6RABANT, Anne‐Marie, « Barbier et la bibliothèque du Conseil d'État » in Bulletind'informations de l’Association des bibliothécaires français, n o 57, 4 e trimestre 1967, p.246.7Paris, Archives nationales, 741 Mi, dossier 5, pièce 10, « état de la location d'une


202 CHAR<strong>LE</strong>S-ÉLOI VIALB) La reprise en main par NapoléonSur ces entrefaites, Napoléon revint en France, après 10 moisd’absence, une campagne victorieuse et un nouveau traité d’alliance signéà Tilsit avec l’Empire russe, ce qui lui permit de se consacrer pleinementaux affaires intérieures. Génie administratif, Napoléon était aussi le pirefauteur de trouble de son administration, ses exigences démesurées faisantsouffler un vent de panique parmi ses collaborateurs. Comme de juste,à son retour, Napoléon débordait d’idées, et malmena particulièrementson bibliothécaire par intérim, Bézanger, qui fut mis à rude épreuve : enquelques jours, il fut obligé de prendre la diligence d’Orléans pour allerfaire signer des documents à Ripault, d’amener des livres à Rambouilletavant l’arrivée de Napoléon, de déménager la bibliothèque de Saint‐Cloudd’un étage, d’en rédiger le catalogue « sept nuits de suite » sur un ordre« pressé » du Grand maréchal, et de planifier le déménagement du dépôtcentral 8 . Un seul homme n’y suffisait pas, d’autant plus que Napoléonavait d’autres idées derrière la tête, et de grands projets politiques : àl’intérieur de France, il supprima le Tribunat, une des deux chambresde l’Empire. En politique extérieure, il maria son frère Jérôme à la filledu roi de Wurtemberg, et le proclama roi de Westphalie. Cet événementdevait s’accompagner d’un grand voyage de Cour, à Rambouillet, puis àFontainebleau. Mais Napoléon s’aperçut, à sa grande stupéfaction, queses ordres n’avaient pas été exécutés : les rayonnages des bibliothèquesdes deux palais étaient vides et les pluies automnales arrivaient. Napoléonentrevit le risque que ses invités de marque s’ennuient. Et, de fait, lacorrespondance de la reine de Westphalie, tout juste mariée, montre que lescourtisans trouvèrent le temps long dans le vieux château de Rambouillet,où les hommes passaient leur temps à chasser en laissant les dames à leursbroderies. Dans une de ses lettres, elle compare même le château à une« prison » 9 . Napoléon commença par faire transporter, en hâte, quelquespartie de maison sise rue du Bac n o 32, où le dépôt des bibliothèques de S. M. est placé,laquelle location arrêtée au mois de juin 1807 pour ordres de S. E. M gr le Grand Maréchaldu Palais et de S. A. S. le prince de Bénévent Grand chambellan et par an de la sommede deux mille quatre cent francs. Pour les six derniers mois de l'année dernière est due lasomme de 1 200 fr. », signé par Barbier, s. d. [janvier 1808].8Arch. nat., 741 Mi, dossier 5, pièce 12, « état de dépenses faites pour le servicedes bibliothèques de S. M. l'Empereur et Roi par M. Bézanger, attaché aux ditesbibliothèques », Paris, 2 novembre 1807.9BONAPARTE, Catherine, Briefwechsel der Königin und des Königs Jérome vonWestphalen, sowie des Kaisers Napoleon I mit dem Köning Friedrich von Wurttemberg,édités par August von Schlossberger, Stuttgart, W. Kohlammer, 1886, vol. 1, p. 61, lettrede Catherine au roi de Wurtemberg, Rambouillet, 13 septembre 1807.


Une place de bibliothécaire auprès d’un héros législateur... 203caisses de livres à Rambouillet. De là, il perdit patience, et dicta plusieurslettres essentielles, dont la conséquence fut de faire littéralement voler enéclats le cadre des bibliothèques impériales tel qu’il existait alors. Le 27août 1807, Napoléon réclama tout d’abord pour sa bibliothèque un« chef en tout. Ce chef sera mon bibliothécaire à moi. Il emportera à labibliothèque les livres nouveaux qu’il m’aura mis sous les yeux. Et ensuitecela m’évitera d’avoir bibliothèque sur bibliothèque.[...] Il faudrait pourles bibliothèques une forte administration, un homme d’administrationqui eût sous ses ordres le nombre d’hommes convenable » 10 .C) Un nouveau bibliothécaireLe 12 septembre, Napoléon finit par prendre une grande décision : ilrenvoya Ripault et nomma à sa place Barbier 11 , ancien ecclésiastique,bibliographe et grande figure de la bibliothéconomie de l’époque dela Révolution, toujours connu pour son Dictionnaire des anonymes etpseudonymes, paru en 1806. Il fut sans conteste le « vrai » bibliothécairede l’Empereur. Selon le baron Fain, secrétaire‐archiviste de Napoléon, « onlui devait les premières bibliothèques qui avaient été tirées du chaos. LeDirectoire exécutif lui avait confié le soin de former la sienne ; il en avait crééd’autres. Son Dictionnaire des anonymes et des pseudonymes venait de lemettre au premier rang de nos bibliographes ; enfin, il était bibliothécaire duConseil d’État » 12 . En somme, c’était l’homme de la situation, le seul capablede trouver rapidement des livres inattendus ou rares. Son travail au Conseild’État avait été remarqué par Napoléon 13 , qui lui avait confié en 1806 le soinde rédiger un projet de bibliothèque pour les Enfants de France 14 .10BONAPARTE, Napoléon, Correspondance publiée par ordre de Napoléon III,Paris, Plon, 1863‐1869, t. VII, p. 554‐555, lettre 13082 de Napoléon à Cretet, ministre del'Intérieur, Saint‐Cloud, 27 août 1807.11La copie du décret de nomination de Barbier, daté du 9 septembre 1807 au palaisimpérial de Rambouillet, signée par Napoléon, par le ministre d'État Maret, et par le Grandchambellan Charles‐Maurice de Talleyrand, est donnée dans BARBIER, Louis, « Lesbibliothécaires de Napoléon », in Le livre, revue du monde littéraire, a. 4, 1883, p. 4.12FAIN, Agathon, Mémoires du baron Fain, Paris, Plon, 1908, p. 66‐67.13Devant une liste de candidats au poste de bibliothécaire du Conseil d'État qu'onlui présentait, Bonaparte aurait réclamé Barbier en disant : « Je ne vois pas là le nom d'unhomme que je trouve toujours à la bibliothèque, et de qui, de quelque livre, de quelquerenseignement que j'aie besoin, ne le fait jamais attendre un instant : qu'on l'appelle, c'estlui que je nomme ». Voir : RABANT, Anne‐Marie, « Barbier et la bibliothèque du Conseild'État » in Bulletin d'informations de l’Association des bibliothécaires français, n o 57, 4 etrimestre 1967, p. 243.14Paris, Bibliothèque nationale de France, département des manuscrits, ms. N. A. F.1391, fol. 16‐17, lettre de Barbier à Daru, minute, 9 juin 1806.


204 CHAR<strong>LE</strong>S-ÉLOI VIALConclusion : Une situation d’urgenceÀ peine nommé, Barbier reçut des instructions précises :« Comme Sa Majesté se rend incessamment à son palais de Fontainebleau,il est plus pressant que vous preniez connaissance de cette bibliothèque.Outre la bibliothèque du Cabinet de Sa Majesté, qui est pleine etcomplète, on a construit dans ce palais, pour le service de Sa Majesté,de ses ministre et de la Maison, une grande bibliothèque. Sa Majesté ya destiné les livres de l’ancienne bibliothèque du Conseil d’État ; elledésire que vous les fassiez partir et arranger de suite ; elle désire aussique vous envoyiez au même endroit les livres de la bibliothèque duTribunat ». 15Chateaubriand disait de Napoléon qu’il avait fait échanger à JosephBonaparte et à Murat les trônes de Naples et d’Espagne comme deux conscritsqui ont changé de shako, mais il fit de même avec ses bibliothèques : dans unvéritable chassé croisé, la bibliothèque du Tribunat devait passer au Conseild’État, et celle du Conseil d’État devait être transférée à Fontainebleau, aprèsun tri préalable. Barbier, qui avait rédigé le catalogue de la bibliothèque duConseil d’État, imprimé en 1803, était le seul connaissant suffisammentbien les collections pour mener à bien ce travail.Probablement à la grande satisfaction de Napoléon, Barbier fut trèsefficace. Dans l’urgence, il para au plus pressé : éviter que les courtisanss’ennuient. Réagissant rapidement à sa nomination du 12 septembre,Barbier commença par assurer l’encaissement et le déménagement deslivres à Fontainebleau, du 14 septembre au 31 octobre, en se faisant aiderd’un vacataire, de quatre commis et trois hommes de peine, au cours de15 convois 16 depuis Paris. La magnifique bibliothèque aménagée pour les15Lettre de Duroc, Grand maréchal du palais, à Barbier, Rambouillet, 12 septembre1807, citée par BARBIER, Louis, « Les bibliothécaires de Napoléon », in Le livre, revuedu monde littéraire, a. 4, 1883, p. 5.16Arch. nat., 741 Mi, dossier 5 : « 1 er état de la dépense occasionné par l'encaissementà Paris et le transport au palais impérial de Fontainebleau des livres composant lesbibliothèques du Conseil d'État et du Tribunat à dater du 14 septembre 1807 jusqu'au30 du même mois inclusivement. Le tout exécuté par je, bibliothécaire de Sa Majestél'Empereur et Roi, en vertu d'une lettre de S. Excellence M. le Grand maréchal du Palais,datée de Rambouillet le 12 septembre 1807. Payé au S r Godefroy, pour 3 jours à Paris : 36[fr.] ; pour 14 journées à Fontainebleau : 240 [fr.] ; 4 commis, 4 hommes de peine, pour3 voyages. Au layeteur pour fourniture de 29 caisses ferrées et le ferrement de vieillescaisses. Au menuisier qui raccommode les caisses après chaque voyage, pour le transportdes anciennes caisses aux galeries du Louvre où les livres sont déposés et le chargement


Une place de bibliothécaire auprès d’un héros législateur... 205courtisans dans l’ancienne chapelle Saint‐Saturnin, construite sous FrançoisI er , fut ainsi pleine de livres avant la fin du séjour de la Cour.II/ Les bibliothèques impériales : une renaissanceIntroduction : des bibliothèques en ébullitionPeu après cette première réussite, il fallut faire le bilan de l’administrationprécédente et remettre un peu d’ordre dans les bibliothèques : les livresavaient été déménagés en catastrophe, et devaient être inventoriés. Ledéménagement du dépôt des Tuileries vers la rue du Bac devait aussi êtremené à bien, ce qui occupa la fin de l’année.Au palais des Tuileries, centre du gouvernement de l’Empire, le cabinetde travail de Napoléon fut définitivement aménagé au début de 1808 17 ,en même temps qu’un arrière‐cabinet où des corps de bibliothèque et deslivres furent placés en février 18 . Ce premier réaménagement n’était qu’uncoup d’essai. À partir de 1808, toutes les bibliothèques furent en ébullition.Napoléon ordonna peu après l’aménagement de deux nouvellesbibliothèques au palais de Compiègne, avec une idée bien précise en tête :comme il s’agissait du lieu d’exil choisi pour Charles IV, roi détrônéd’Espagne, il fallait de quoi l’occuper, mais aussi matérialiser la présencede l’Empereur : l’ébéniste Jacob fut ainsi chargé d’aménager la plus bellebibliothèque possible pour servir de bureau à Napoléon, tandis qu’une autrebibliothèque fut aménagée pour les invités.Fin 1809, Napoléon décida aussi de s’installer à Trianon, dont il fitun palais de campagne et où il donna des ordres afin qu’on lui établîtune bibliothèque 19 , dont le devis fut approuvé quelques mois plus tard,des différentes voitures. Pour voyage extraordinaire à Paris le retour et l'auberge avantque j'eusse obtenu une chambre dans le palais de Fontainebleau : 41 [fr.]. Pour différentspaquets de livres reçus par la diligence. Total : 1733, 65 fr. ». Paris, 2 novembre 1807,signé Barbier. ; « second état de la dépense occasionnée par l'encaissement à Paris et letransport au palais impérial de Fontainebleau des livres composant les bibliothèques duConseil d'État et du Tribunat à dater du 1 er octobre jusqu'au 31 dudit inclusivement », pour1 884, 30 francs, signé par Barbier le 2 novembre 1807 ».17FONKENELL, Guillaume, Le Palais des Tuileries, Paris, Honoré Clair, Cité del'architecture et du Patrimoine, 2010, p. 150 à 152.18Bib. nat., dépt. des manuscrits, ms. N. A. F. 1391, fol. 138, lettre de Duroc, Grandmaréchal du Palais, à Barbier, Paris, 17 février 1808.19Arch. nat., O 2 516, dossier 4, pièce 2 et 3, lettre de Duroc à Daru, Paris, 25décembre 1809, et liste des travaux demandés par l'Empereur.


206 CHAR<strong>LE</strong>S-ÉLOI VIALen mars 20 , et où les livres furent installés à partir de l’été 1810 et jusqu’àl’année suivante 21 .A) La mise en place du réseauPeu après sa prise de fonction, Barbier rendit un rapport sur lesbibliothèques impériales, dont il tira un règlement, approuvé par Napoléonle 21 avril 1808. Il engagea ensuite des vacataires destinés à l’aider danssa tâche. La production documentaire de cette époque, et particulièrementles mémoires de remboursement de trajet des employés des bibliothèques,permettent de reconstituer l’activité des aides‐bibliothécaires impériauxentre Paris, Fontainebleau, Compiègne, et Rambouillet.Le premier, aide engagé par Barbier, un ancien libraire du nom deGaudefroy fut occupé à partir de juin 1808 à choisir dans la bibliothèquedu Tribunat les ouvrages dignes de l’Empereur 22 .Le propre neveu de Barbier, Barbier jeune, fut employé à la même tâchedu 25 juillet au 13 août, puis plaça les livres à Fontainebleau du 24 août au16 septembre. Les 17 et 18 septembre, il choisit au Tribunat des brochuresà faire relier, qu’il plaça ensuite dans le cabinet de Compiègne jusqu’au 30septembre 23 , avant d’en rédiger le catalogue jusqu’au 25 octobre 1808, puisde de rédiger celui du cabinet des cartes des Tuileries et de la bibliothèquede voyage avant le départ de Napoléon pour la campagne d’Espagne 24 . Dansle même temps, à Fontainebleau, du 29 août au 30 septembre, Gaudefroys’occupait de« choisir des livres dans la grande bibliothèque de ce palais pourcompléter et réorganiser celles des deux cabinets de Sa Majesté qu’à enfaire le classement sur les tablettes et à commencer le catalogue de tousles articles ajoutés dans les dits deux cabinets conformément au cadre etau premier catalogue que j’en ai dressé et qui a été mis au net » 25 .20Arch. nat., O 2 243, dossier II « février 1810 », lettre de Costaz à Trepsat, 23 février1810.21Arch. nat., 741 Mi, dossier 5, pièces 158 et 159 : « état des avances faites par M.Barbier... », Paris, 29 août 1811.22Arch. nat., 741 MI, dossier 6, mémoire de paiement de Gaudefroy, Paris, 27 juin1808.23Arch. nat., 741 Mi, dossier 5, mémoire de paiement de Barbier jeune, Compiègne,30 septembre 1808.24Arch. nat., 741 Mi, dossier 5, pièces 53 et 55, mémoires de paiement signés« Barbier jeune », Compiègne, 25 octobre 1808 et Paris, 31 décembre 1808.25Arch. nat., 741 Mi, dossier 5, pièces 54, mémoire de paiement de Gaudefroy,Fontainebleau, 1 er octobre 1808.


Une place de bibliothécaire auprès d’un héros législateur... 207Du 1 er au 6 novembre, il revint à Fontainebleau pour rédiger une copiedu catalogue. Du 25 octobre au 30 novembre, Barbier jeune s’occupaitquant à lui à« faire la table des catalogues de la bibliothèque de Compiègne, àchoisir à la bibliothèque du Tribunat les articles à remplacer dans lagrande bibliothèque de Fontainebleau et enfin à transcrire le cataloguedes livres qui composent le cabinet de S. M. sur un volume de formatportatif depuis le 25 octobre jusqu’au 30 novembre 1808 » 26 .Barbier supervisait tout ce travail. C’est lui qui se chargeait d’établirles cadres de classement auquel les employés se conformaient. Il vint aussien inspection 27 , malgré sa phobie des voyages 28 . Les mémoires de paiementrévèlent qu’il ne se chargeait que des livraisons de livres dans les résidencesles plus proches de Paris 29 , s’en remettant aux employés pour les autres.B) Le ménage administratifEn février 1809, le relieur Martin se plaignit pour un mémoire depaiement non réglé 30 . Après avoir rejeté la faute sur Ripault, qui tenait malses registres, et sur le chambellan Rémusat, qui avait négligé de signer ledocument, Barbier mena une enquête interne. Un autre rapport, adresséau nouveau Grand chambellan, permit à Barbier de rédiger un secondrèglement, qui établissait le poste de conservateur des bibliothèques deFontainebleau, et renvoyait Bézanger, comme « ayant donné de justes sujetsde mécontentement » 31 . À sa place, Barbier proposa son neveu, dans unrapport faisant le point sur l’état des bibliothèques 32 . Le travail de rédaction26Arch. nat., 741 MI, dossier 6, mémoires de paiement de Gaudefroy, Paris, 28novembre 1808, et de Barbier jeune, Paris, 30 novembre 1808.27Arch. nat., 741 Mi, « état des avances faites par M. Barbier, bibliothécaire deSa Majesté », Paris, 31 octobre 1808 : on t retrouve des voyages à Compiègne et àFontainebleau.28Homme d'habitudes, Barbier ne supportait pas de voir son quotidien bouleversé.Voir : RIBERETTE, Pierre, « Charles Rémard, poète et bibliothécaire (1766‐1828) » inBulletin d'informations de l’Association des bibliothécaires français, n o 54, 1 er trim. 1967,p. 31.29Saint‐Cloud, Malmaison, Rambouillet, selon un mémoire de paiement. On peutsans doute y rajouter Trianon. Voir : Arch. nat., 741 Mi, « état des avances faites par M.Barbier, bibliothécaire de Sa Majesté », Paris, 31 octobre 1808.30Arch. nat., 741 Mi, dossier 2, rapport de Barbier au comte de Montesquiou, Paris,28 février 1809, minute.31Arch. nat., 741 Mi, dossier 2, « projet de règlement relatif aux bibliothèques de S.M. », s. d. [mars 1809].32Arch. nat., 741 Mi, dossier 2, rapport de Barbier au comte de Montesquiou, Paris,15 février 1809, minute.


208 CHAR<strong>LE</strong>S-ÉLOI VIALdes catalogues reprit, en commençant par une « minute sur cartes » 33 , puispar un inventaire du dépôt de la rue du Bac, à partir d’avril. Retardé par sesautres tâches, Barbier jeune mit plus d’un an à achever ce travail. En 1807,son quotidien au service des bibliothèques de l’Empereur se répartissaitentre ces différentes tâches :« 1 o : Le timbrage des nouveautés et des libres offerts en hommage, leurintercallation bulletinées à fur et à mesure de leur entrée au dépôt ;2 o : Le terme du registre des reliures ;3 o : La vérification et la préparation du visa des mémoires de dépenses ;4 o : Les soins que demandent le Moniteur, le Bulletin des Lois et lesautres journaux pour les tenir au complet dans les palais impériaux etdans le dépôt ;5 o : L’état des livres envoyés à Fontainebleau et à Compiègne pour lecomplément des cabinets ;6 o : Le placement et les catalogues des livres du nouveau cabinet desTuileries ;7 o : Un voyage à Fontainebleau au mois de septembre pour préparer etfaire approprier les livres du cabinet ;8 o : Enfin le départ des livres envoyés à S. M. l’Empereur lorsqu’Elle esten voyage ». 34Ce gros travail de déménagement et de catalogage rétrospectif del’ensemble des collections, prit deux ans à l’équipe de Barbier et nes’acheva qu’en 1810. Il s’accompagna d’une mise au pas administrative.En effet, Barbier imposa un effort de rigueur dans la tenue des registreset la gestion des budgets, et rendit obligatoire l’application des normes degestion mises en place par Napoléon.Selon l’usage comptable de la Maison de l’Empereur, chaque achat étaiteffectué sur un budget précis, et donnait lieu à la rédaction d’un mémoirede paiement, visé par le prestataire, et la hiérarchie. Dans la théorie, unmémoire de paiement pour un achat de livres aurait donc dû être signésuccessivement par le libraire, le bibliothécaire de l’Empereur, le Grandchambellan, Talleyrand, l’Intendant de la Maison de l’Empereur, Daru, etle Trésorier, Estève. Dans la pratique, ces personnages importants se firentsuppléer pour la signature des documents comptables : Talleyrand se fitremplacer par un chambellan, Rémusat et Daru par un chef de bureau 35 .33Arch. nat., 741 Mi, dossier 2, lettre de Barbier au comte de Montesquiou, Paris, 3juillet 1809, minute.34Arch. nat., 741 Mi, dossier 2, rapport de Barbier jeune au comte de Montesquiou,Paris, le 31 décembre 1809, minute.35Les cartons O 2 47 et 48 aux Archives nationales conservent la majorité de ces


Une place de bibliothécaire auprès d’un héros législateur... 209Ce système mis en place, les bibliothèques entrèrent dans une période destabilité administrative et humaine, et prirent leur visage définitif jusqu’audépart de Barbier, qui fut congédié par Louis XVIII en 1822.C) Barbier, au service de Napoléon ?Il faut dire un mot d’une des autres réussites de Barbier : la gestiondes bibliothèques de campagne de l’Empereur. Napoléon avait l’habituded’emmener avec lui des livres, mis en caisse. Dans ce cas, Barbier mena àbien sa mission, mais son tour de force fut surtout de calmer l’impatience deNapoléon. Ce dernier se plaignait souvent de la mauvaise qualité des livresqui étaient placés dans ses caisses, comme lors de la campagne de 1809 36 .En juin 1809, depuis Vienne occupée par les troupes françaises, il fit écrireà Barbier qu’il désirait porter le nombre de volumes de sa bibliothèque devoyage à 3 000, tous en in‐18, « comme la collection in‐18 du Dauphin » 37 .Napoléon prévoyait que les « trois mille volumes seroient placés dans trentecaisses ayant trois rangs, chaque rang contenant trente‐trois volumes », et ilcomptait diviser les ouvrages en cinq catégories :« 1 o : Chronologie et Histoire universelle ;2 o : Histoire ancienne par les originaux, et Histoire ancienne par lesmodernes ;3 o : Histoire du Bas‐Empire, par les originaux, et Histoire du Bas‐Empire,par les modernes ;4 o : Histoire générale et particulière, comme l’essai de Voltaire, etc. ;5 o : Histoire moderne des États de l’Europe, de France, d’Italie, etc. » 38Napoléon prévoyait d’établir une seconde bibliothèque de mêmemémoires de paiement, concernant les achats de livres et d'estampes neufs et anciens, lesfrais de reliure et ceux liés aux souscriptions, ainsi que quelques quittances de paiementpour la fin de l'Empire, que les intéressés devaient conserver, mais qu'ils n'eurentprobablement pas le temps de chercher.36BONAPARTE, Napoléon, Correspondance publiée par ordre de Napoléon III,Paris, Plon, 1863‐1869, t. XIX, p. 5, lettre n o 15209 à Barbier, Schœnbrunn, 14 mai 1809.37Napoléon pensait ici à la collection imprimée par Didot à la demande de Louis XVIpour l'éducation de son fils. Ces ouvrages « ad usum delphini » étaient tous imprimés enin‐18. Le comte d'Artois, frère de Louis XVI, se fit également constituer une collection enin‐18 qui comportait 64 volumes. On voit donc que la démarche de Napoléon s'inscrivaitdans une continuité avec les habitudes bibliophiliques des princes de la fin de l'AncienRégime. Voir : Galerie historique des contemporains, ou nouvelle biographie, Bruxelles,Auguste Wahlen, 1818, t. 4, p. 203, art. Didot (François‐Ambroise).38Lettre de Méneval à Barbier, Schœnbrunn, 12 juin 1809, citée par BARBIER,Louis, « Napoléon et ses bibliothèques », in Bulletin du bibliophile et du bibliothécaire, n o5, mai 1842, p. 264.


210 CHAR<strong>LE</strong>S-ÉLOI VIALimportance pour l’histoire naturelle, les voyages et la littérature. À terme,il aurait pu emmener, dans ses déplacements, plus de 6 000 volumes, soitplus que ce dont il disposait aux Tuileries.Sur l’ordre de Napoléon 39 , Barbier, assisté de Jacques‐Claude Beugnot,historien et homme politique, fut chargé de réunir une commission quirédigea en quelques mois un catalogue de 3 444 ouvrages répartis encinq catégories formant une « bibliothèque napoléonienne » imprimée en« volumes in‐12 de 5 à 600 pages d’épaisseur » 40 .Barbier rendit en novembre 1809 un rapport sur l’établissement decette bibliothèque portative : il exposa le plus respectueusement possible àl’Empereur qu’il était impossible de suivre le plan projeté, en raison du manquede travaux dans certains domaines. Il proposa de diviser la bibliothèque entrois sections, d’histoire civile, militaire et religieuse. Plus inquiétant pourNapoléon, Barbier esquissa le montant d’une telle bibliothèque : l’impressionde 3 000 volumes en in‐18, à 50 exemplaires chacun, reliés en veau, devaitcoûter 4 080 000 francs. Pour 355 000 francs de plus, il proposait de les relieren maroquin. Il comptait encore un million pour la réalisation des cartes,10 000 francs pour des caisses en acajou. Avec l’aide de 120 compositeurs,25 hommes de lettres, un imprimeur, il espérait imprimer un volume et demipar jour, soit 500 volumes par an, et donc produire les 3 000 volumes en sixans. 41 Ce projet démesuré doit presque être considéré comme de l’ironie de lapart de Barbier, qui se doutait que jamais une telle dépense ne serait envisagéepar Napoléon, qui voyait tout à l’économie et à court terme. Mais ce cettefaçon, il réussit à mettre un frein aux ambitions démesurées de Napoléon, enlui faisant comprendre que les bibliothèques ne fonctionnent pas au son dutambour, mais qu’elles ont besoin de temps pour s’élaborer.39Napoléon avait ordonné « qu'un certain nombre d'hommes de lettres, gens de goût,fussent chargés de revoir ces éditions, de les corriger, d'en supprimer tout ce qui est inutilecomme notes d'éditeurs, tout texte grec ou latin ; ne conserver que la traduction française.Quelques ouvrages seulement italiens, dont il n'y aurait pas de traduction, pourraientêtre conservés en italien ». Voir : GUILLOIS, Antoine, Napoléon, l'homme, le politique,l'orateur, d'après sa correspondance et ses œuvres, Paris, Librairie Académique Perrin,1889, t. 2, p. 490.40La commission regroupait, outre Beugnot, Delambre, Cuvier, Defait [?], Dacier,Nougarède et Barbier. La répartition des ouvrages était de 132 titres pour la théologie,144 pour la jurisprudence, 606 pour les sciences et arts, 654 pour les belles‐lettres,1 938 pour l'histoire, soit 3 344 titres. Voir : Arch. nat., 40 AP 24, « projet de bibliothèquenapoléonienne », 1809.41BARBIER, Louis, « Napoléon et ses bibliothèques », in Bulletin du bibliophile etdu bibliothécaire, n o 5, mai 1842, p. 263‐273.


Une place de bibliothécaire auprès d’un héros législateur... 211Conclusion : le bilan après trois annéesEn 1810, Napoléon ne fit pas la guerre, il se remaria et eut le temps devisiter chacun de ses palais : il alla à Trianon, à Rambouillet, à Compiègnepour la première fois, puis enfin à Fontainebleau. Dans chacun d’eux, iltrouva une bibliothèque parfaitement aménagée, prête à l’accueillir, avecun catalogue sur son bureau. En octobre 1810, à Fontainebleau, Barbier eutla joie de le haranguer lors de l’inauguration de la grande bibliothèque deFontainebleau. En véritable homme du Premier Empire, et probablementà la grande satisfaction de Napoléon, il plaçait la bibliothèque du châteausous deux auspices : l’héritage de la librairie des rois de France, en faisantde Napoléon le continuateur de l’oeuvre de ses prédécesseurs, et celui desLumières, avec la mise à la disposition des courtisans d’une bibliothèqueencyclopédique, issue de l’esprit des Lumières 42 . Ainsi, à partir de 1810,Barbier put sans doute se reposer quelques temps.Conclusion générale : l’œuvre de Barbier au XIX e siècleEn guise de conclusion, il est possible de tracer quelques perspectivesmontrant que l’œuvre de Barbier fut durable. Après 1811, Barbier se fitassister de deux bibliothécaires destinés à assurer le bon fonctionnement duréseau. À Fontainebleau, ce fut Charles Rémard, poète licencieux et sans lesou, mais qui avait manifesté le souci de la bonne conservation des livres,qu’il était prêt à protéger de la poussière et de l’humidité pourvu qu’onle protège, lui, de ses créanciers. À Compiègne, ce fut Gaspard Escuyer,imprimeur‐libraire, connu comme historien local. Barbier visita ces deuxemployés tous les ans, en leur amenant des caisses de livres.À la fin de l’Empire, le travail des bibliothèques continua comme si derien n’était, ou presque : il fallut reconstituer la bibliothèque de campagneque Napoléon perdit en Russie et s’accommoder de quelques coupes dansle budget.En 1814, en pleine campagne de France, Barbier se chargeait encore delivrer des romans à Marie‐Louise. Ce n’est qu’au moment de l’abdication deNapoléon que les choses semblèrent se gâter quelque peu : la bibliothèquede Compiègne fut bombardée, celles des Tuileries, de Saint‐Cloud et deRambouillet furent pillées, et Napoléon emmena une partie de celle deFontainebleau en exil. Cela fut vite réparé. Barbier s’empressa de faire sasoumission à Louis XVIII, et lui resta fidèle, mis à part le bref intervalle des42Bib. nat., dépt. des manuscrits, ms. N. A. F. 21608, fol. 1 à 4, discours de Barbierà Napoléon, 10 octobre 1810.


212 CHAR<strong>LE</strong>S-ÉLOI VIALCent‐Jours. Le Roi accepta de conserver l’aigle impériale sur les reliures,après s’être fait expliquer par Barbier que cela aurait coûté trop cher de toutesles refaire. Il accorda, dans les premières années de la Restauration, dessuppléments de budget afin de reconstituer les pertes de livres 43 . En 1818,un grand inventaire permit de mettre à jour tous les catalogues 44 . Barbier neprit sa retraite qu’en 1822. À cette date, les bibliothèques continuèrent defonctionner de la même façon, et la bibliothèque du Louvre, dont Napoléonavait esquissé le projet, qui rassemblait les livres des collections royales etceux du Conseil d’État, ouvrit en 1818 et connut un essor rapide, jusqu’àdevenir une des plus belles bibliothèques de France sous le Second Empire.Les bibliothèques des palais furent utilisées jusqu’en 1870 par tous lessouverains français, ainsi que par leur entourage, et les catalogues dresséssous le Premier Empire furent complétés, surchargés, et progressivementremplacés sous la Monarchie de Juillet. Napoléon III fit réaménager labibliothèque des invités du château de Compiègne, et fit déménager cellede Fontainebleau dans la Galerie de Diane.Néanmoins, toutes les belles choses ont une fin : en 1870, les Tuileries,la bibliothèque du Louvre et celle de Saint‐Cloud furent brûlées. Peu après,le restant des bibliothèques de Rambouillet et de Trianon furent installéesà l’Élysée, où on peut encore les voir sur les photographies officielles denos présidents.La bibliothèque de Compiègne, qui avait prêté des livres de 1813jusqu’en 1876 fut dispersée entre plusieurs institutions, dont la bibliothèqueSainte‐Geneviève, la bibliothèque Mazarine et la Bibliothèque nationale deFrance,Seule survivante des bibliothèques créées par Barbier sous l’Empire,la bibliothèque de Fontainebleau est toujours en place. Lointain héritagede la volonté de Napoléon de disposer d’une bibliothèque de prêt dans sespalais, elle continua à prêter des livres jusqu’en 1924, et témoigne, encoreaujourd’hui, de la réussite de Barbier, qui mit en place, en moins de troisans, un réseau de bibliothèques utilisé par les souverains français duranttout le XIX e siècle.43Arch. nat., O 3 561, ordonnances 235 du 10 mars 1818 et 288 du 16 octobre, portantchacune ouverture d'un supplément de 6 000 francs pour le budget des bibliothèques.44Arch. nat., O 3 562, ordonnance 269 du 4 juillet 1818 portant ouverture d'unsupplément de crédit pour le paiement du travail des inventaires des bibliothèques.


Une place de bibliothécaire auprès d’un héros législateur... 213Bibliographie sélective :BARBIER, Louis, « Napoléon et ses bibliothèques », in Bulletin du bibliophile etdu bibliothécaire, n o 5, mai 1842, p. 263.______, « Les bibliothécaires de Napoléon », in Le livre, revue du monde littéraire,a. 4, 1883, p. 5.BRANDA, Pierre, Les hommes de Napoléon, 1804‐1815, Paris, Fayard, 2011.BONAPARTE, Napoléon, Correspondance publiée par ordre de Napoléon III,Paris, Plon, 1863‐1869, XXXII vol.FAIN, Agathon, Mémoires du baron Fain, Paris, Plon, 1908.FONKENELL, Guillaume, Le Palais des Tuileries, Paris, Honoré Clair, Cité del’architecture et du Patrimoine, 2010.GUILLOIS, Antoine, Napoléon, l’homme, le politique, l’orateur, d’après sacorrespondance et ses œuvres, Paris, Librairie Académique Perrin, 1889, 2 t.<strong>LE</strong>NTZ, Thierry, Nouvelle histoire du Premier Empire, Paris, Fayard, 1999‐2010,5 t.MOURAVIT, Gustave, Napoléon bibliophile, recherches spéciales de psychologienapoléonienne, Paris, Lecampion, 1905.RABANT, Anne‐Marie, « Barbier et la bibliothèque du Conseil d’État » inBulletin d’informations de l’Association des bibliothécaires français, n o 57,4 e trimestre 1967, p. 243.RIBERETTE, Pierre, « Charles Rémard, poète et bibliothécaire (1766‐1828) » inBulletin d’informations de l’Association des bibliothécaires français, n o 54,1 er trim. 1967, p. 31.


Les éditions de Jean Baptiste Bodonidans les bibliothèques des nobles d’Europeau XIX ème siècleANDREA DE PASQUA<strong>LE</strong>La présence d’éditions bodoniennes caractérise la majorité desbibliothèques des nobles et des grands bourgeois entre le XVIIIème etle XIX ème siècle. Le succès de la production éditoriale de l’imprimeurJean‐Baptiste Bodoni fut immense. Dans toute l’Europe, les riches se sontlivrés à une concurrence féroce afin de réunir la collection la plus complètede ces éditions. Bodoni même n’hésitait pas à offrir aux puissants seschef‐d’œuvres dans l’espoir d’obtenir faveurs et gratifications.Cette mode se poursuivit durant tout le XIX ème siècle, ne concernantpas seulement les bibliophiles, mais aussi les bibliothèques publiques,lesquelles constituèrent souvent des fonds spécifiques, la plupart du temps,grâce à l’acquisition de livres qui faisaient partie à l’origine de collectionsparticulières.On remarque, chez les acquéreurs, une certaine propension à l’espoirutopique de posséder la totalité de la production éditoriale de Bodoni.À Parme Angelo Pezzana, bibliothécaire de la Bibliothèque de Parme,animé du vif désir de reconstruire les annales de l’imprimerie de Bodoni etd’enrichir la Bibliothèque de nouvelles éditions, ne se limita pas seulementà recueillir la totalité des éditions imprimées, mais aussi toutes les émissionspossibles de ces mêmes éditions.Nous savons que Bodoni produisait des éditions d’une même œuvredans des formats différents, parfois avec des variations de caractères etd’interlignes, à tel point que, selon Pezzana, dans une entrevue donnéeà un certain Formenti, «per formare una collezione intiera delle edizionibodoniane io non reputo necessario di acquistare un esemplare di ciascunaedizione in ciascuna carta diversa, o in altra materia: bensì reputo che


Les éditions de Jean Baptiste Bodoni dans les bibliothèques des nobles... 215debba aversi un esemplare in ciascun sesto dell’opera stessa, quando vi èdiversità di edizione, non già quando la stessa composizione di stampa siapplica a carta piegata in sesto diverso, o a carta del sesto medesimo, ma diminore o maggiore dimensione, vale a dire in 4° grande, o in 4° piccolo, infoglio grande, o in piccolo» 1 .A cela il faut également ajouter les émissions sur parchemin et sur soiequi, étant donné leur extrême rareté, sont un rêve pour ces bibliophiles quià partir des années 1820 pouvaient consulter les catalogues relatifs à cetype d’émissions rédigés par Joseph Basile Bernard Van Praet et publiésentre 1824 et 1828 2 . Dans ces années‐là, les libraires, comme les frères DeBure, signalaient avec emphase dans les catalogues de ventes, l’existencede volumes imprimés sur ces supports particuliers dans le but d’attirer lacuriosité des bibliophiles.Les principales collections d’éditions bodoniennes au début du XIX èmesiècleDès les premières années suivant la mort de Bodoni et d’aprèsle témoignage du biographe Giuseppe De Lama, «Undici CollezioniBodoniane gioverà forse qui riferire tra le più complete d’Italia, e sono. 1.°Le due offerte da Bodoni a S. A. il Principe Eugenio ed al già Re di NapoliGioachino. 2.° Quelle regalate da esso alla Città di Saluzzo, ai SignoriVincenzo Jacobacci e Gaetano Ziliani, ed a me, le quali la Vedova ha dipoiaccresciute delle cose mancanti. 3.° Quella che il Sig. Franc. Rosaspinacedette al suddetto Re. 4° Quella del defunto Sig. Aloat Piemontese,Pagatore sotto il Governo Francese delle Imp. Dogane di questi Ducati,l’unica in cui quasi tutte si trovino le edizioni che furono tirate in cartad’Anonnay. 5.° Quella della pubblica Libreria Parmense, ampliata di moltoper le cure dell’attuale egregio suo Bibliotecario Sig. Angelo Pezzana. 6.°Per ultimo le due Raccolte più delle precedenti copiose in foglietti volanti,l’una posseduta dal Sig. Antonio Pasini, l’altra lasciata dal Sig. FrancescoBaroni Segretario della Contabilità. Queste Collezioni formate dal Sig.Giuseppe Delmastro Torinese a cui Bodoni aveva affidata la cura de’ suoi1A. De Pasquale, Angelo Pezzana, direttore della Biblioteca Parmense, e laricostruzione degli annali bodoniani, «Il bibliotecario», III serie, gennaio‐agosto 2010, n.1/22, pp. 173‐188.2J. B. Van Praet, Catalogue des livres imprimés sur vélin, qui se trouvent dans laBibliothèque du Roi, Paris, chez de Bure frères, 1822‐1828, 6 vol. Catalogue des livresimprimés sur vélin, qui se trouvent dans des Bibliothèques tant publiques que particulières,Paris, chez de Bure frères, 1824‐1828, 4 vol.


216 ANDREA DE PASQUA<strong>LE</strong>magazzini, tanto più sono pregevoli in quanto che diverse edizioni di essesono esaurite interamente» 3 .A partir des années 1820, la majorité de ces collections, furentdispersées. On croit, en effet, que «quelle di Jacobacci, del Pasini, delBaroni e del medesimo De Lama, morti che furono, vennero date via allaspicciolata, ed i semplici fogli, ond’erano le più copiose, laceri o compria peso da rivenduglioli. E mi fa credere, ed è da credere, noto essendo atutti lo spregio che suolsi mai sempre fare in Francia delle glorie italiane[…] che anche le due, o tre che fossero, passate in Francia, quasi a manieradi vilipendio venissero per minuto malamente vendute. Delle due del ReMurat, una delle quali ebbe ad appartener prima a quel infaticabile incisore,che fu Francesco Rosaspina, e di quella dal Bodoni donata alla città diSaluzzo, ben avventurata sua patria, cercatone io novelle, ne ebbi, chefinito di vivere il Bodoni, non fu più mai pensato né di compirle, né diaccrescerle. Quella del Ziliani, che per quanto mi si assicura, forse nontoccava dei quattro quinti delle opere più comuni pel tempo in cui venneformata, ed era altresì molto difettosa di fogli volanti, fu pero non è unpezzo venduta» 4 .Le même sort fut réservé aux autres collections de Aloat et de Baronidont la bibliothèque fut vendue par sa veuve Maddalena Provinciali en1817 5 . Le recueil de Jacobacci était encore complète en 1819, lorsqueAngelo Pezzana, directeur de la Bibliothèque de Parme, essaie d’en acheterquelques ouvrages 6 .Nous ne savons également que peu de choses de la bibliothèque duvice‐roi Eugène de Beauharnais (1781‐1824) qui invita Bodoni à s’établirà Milan pour diriger la très riche Imprimerie Nationale qui fut en partievendue en 1935 7 . Dans cette collection se trouvait une copie de l’Oratio3G. De Lama, Vita del cavaliere Giambattista Bodoni italiano e catalogocronologico delle sue edizioni, Parma, dalla Stamperia Ducale, 1816, vol. II, pp. [XI‐XII].4A. Mortara, Catalogo cronologico della collezione bodoniana la più ricca diquante mai furono e sono, Parma, dalla tipografia e litografia di G. Ferrari e figli, 1879,pp. V‐VI.5La collezione delle edizioni bodoniane di proprieta del fu sig. Francesco Baroni[...], [Parma, il 20 marzo 1817]. Il s’agit de l’appel d’offre.6A. De Pasquale, Angelo Pezzana, cit.7Bibliothèque Eugène de Beauharnais. Bibliothèque des Ducs de Leuchtenberg.Vente aux enchères le 23 et 24 mai 1935 à Zurich, Basel, Braus‐Riggenbach Vorm.Henning Oppermann; Milano, Ulrico Hoepli libreria antiquaria, [1935]; La Biblioteca diEugenio de Beauharnais vicerè d’Italia. Parte II Scienza letteratura storia viaggi artecostumi legislazione militaria napoleonica legature. Esposizione: dal 12 al 19 novembre.Vendita all’asta: 20‐21‐22 novembre alle ore 21,15 nelle sale della Libreria antiquaria


Les éditions de Jean Baptiste Bodoni dans les bibliothèques des nobles... 217Dominica que le bibliothécaire de Parme, Angelo Pezzana, réussit à obtenirgrâce au maréchal Pérignon en 1808. Ce dernier la demanda à Beauharnaisqui en avait acheté tous les exemplaires 8 ainsi qu’une des deux copies del’Iliade imprimées sur parchemin. Cette dernière fut achetée aux enchèresà Berlin en 1929 par le Ministero dell’Educazione Nazionale d’Italie,sur suggestion du directeur Antonio Boselli, et donnée, par la suite, à laBiblioteca Palatina de Parme 9 .En revanche, la collection du roi Gioacchino Murat (1767‐1815), quiavait acquis celle du graveur Francesco Rosaspina (1762‐1841), fut enpartie donnée par le roi à la Bibliothèque Royale de Naples (aujourd’huiBiblioteca Nazionale) 10 . Est également connue, dans le sud de l’Italie, lacollection du marquis Francesco Taccone di Sitizano (1763‐1818) qui aété vendue en 1812 à Murat afin d’ouvrir une bibliothèque publique quiprendra le nom de Biblioteca Gioacchina. Cette bibliothèque se trouvaitdans l’ancien couvent de Sainte Marie de Monteoliveto à Naples. Ce n’estque lorsque le roi Ferdinand IV de Bourbon rentre à Naples, le 4 décembre1816, qu’elle sera fusionée avec la Bibliothèque Universitaire 11 .En Italie, on signale encore la bibliothèque du marquis GiovanniBattista Costabili‐Contarini de Ferrare (1756‐1841) qui contenait troiséditions sur parchemin (comme le texte de l’inscription du Palais Trivelli àReggio indiquant que Napoléon y avait habité entre le 10 novembre 1796et le 9 janvier 1797) et deux sur soie (le Manuel d’Épictète en grec et leTryphiodore en grec) 12 , toutes les trois à la Biblioteca Palatina de ParmeHoepli Milano […], Milano, Libreria antiquaria Ulrico Hoepli; Libreria Braus‐Riggenbachdi Basilea, 1935.8A. Ciavarella, Catalogo del Museo Bodoniano di Parma, Parma, ArtegraficaSilva, 1968 (réimpr. anast., ibid., 2005), p. 25.9A. De Pasquale, La fucina dei caratteri di Giambattista Bodoni, Parma, Mup,2010, p. 33.10M. Fittipaldi, La collezione bodoniana della Biblioteca Nazionale di Napoli, inBodoni. Pubblicazione d’arte grafica edita in occasione delle manifestazioni parmensi[Celebrazioni centenarie Bodoni‐Paganini‐Parmigianino: Parma, maggio‐ottobre 1940],Parma, Fresching, 1940‐1941, pp. 135‐41.11G. Zappella, La Collezione Bodoniana della Biblioteca Universitaria di Napoli,Massa Lubrense, La Massese, 1978.12Catalogo della prima parte della Biblioteca appartenuta al sig. march. Costabilidi Ferrara composta da libri rari e preziosi in diveso genere manoscritti, libri impressiin pergamena, quattrocentisti, Aldi, Elzeviri e opuscoli. La vendita avrà luogo in Parigiil giovedì 18 febbraio 1858 e giorni seguenti, a 7 ore precise della sera Casa Silvestre,strada – Bons‐Enfants, 28 Sala del 1.° Piano, Bologna, presso Marsigli e Rocchi e GaetanoRomagnoli libraj a Bologna; presso J. Demichelis libraio a Parigi, 1858 (avec un autrefaux‐titre en français). Son arrière‐neveu et heritier Giovanni, en difficultés financiaires,


218 ANDREA DE PASQUA<strong>LE</strong>car achetées par Pezzana après qu’elles fussent restées invendues à l’issuede leur mise aux enchères.Hors des frontières de l’Italie, les collections d’éditions bodoniennesdeviennent très nombreuses. Un des bibliophiles reputé pour posséderun certain nombre d’éditions rares sur parchemin est le comte JustinMcCarthy‐Reagh (1744‐1811), établi à Toulouse et proprietaire d’uneextraordinaire collection mise en vente en 1817 par les frères De Bure 13 . Ils’agit des premières expérimentations de Bodoni, que l’on date des années1780, en particulier l’Anacreon de 1784, le premier Manuel de caractères etla série des caractères grecs de 1788, qui furent achetés par Angelo Pezzanapour la Bibliothèque de Parme, le Pindemonte de 1789 et le Visconti de lamême année.En Espagne, nous connaissons la bibliothèque du grand mécène deBodoni, José Nicolás de Azara (1730‐1804), restée en partie à Rome 14 ,et celle de la maison royale d’Espagne, en particulier celle de l’InfantLouis Antonio (1727‐1785), maintenant à la Biblioteca Réal de Madrid 15 .En Angleterre, grâce aux liaisons de Bodoni avec les libraires anglaiscomme James Edwards 16 , plusieurs étaient les collections d’éditionsbodoniennes: la plus celèbre appartenait à George John Spencer, comted’Althorp (1758‐1834) 17 et elle etait soigné par le bibliothécaire Tommasofut obligé vendre la bibliothèque à Paris, Bologne et Rome; le catalogue fut redigé par lechanoine Giuseppe Antonelli (qui ne signe pas). Sur les éditions de Bodoni sur parcheminet sur soie voi A. De Pasquale, Le edizioni bodoniane su pergamena, «Crisopoli. Bollettinodel Museo Bodoniano di Parma», 14 (2011‐2012), en cours d’impression.13Catalogue de livres rares et precieux, d'editions du 15. siecle, de livres imprimessur velin, et de manuscits avec des miniatures, ... provenant de la vente de feu m. le comtede Mac‐Carthy‐Reagh, a vendre aux prix marques a chaque article, A Paris, chez De Burefreres, libraires du Roi et de la Biblioteque du Roi rue Serpente, n. 7, 1817 (de l'imprimeriede Crapelet).14Bibliotheca excellentissimi D.D. Nicolai Josephi de Azara ordine alphabeticodescripta ab H.P.D. Francisci Iturri et D. Salvatore Ferrán aestimata a Mariano deMarini, Romae, apud Aloysum Perego Salvioni, 1806; G. Sánchez Espinosa, La bibliotecade José Nicolás de Azara, Madrid, Calcografía Nacional Real Academia de Bellas Artesde San Fernando, 1997.15Je remercie Mme Maria Luisa Lopez‐Vidriero pour la signalation.16R. Edwards, James Edwards, Giambattista Bodoni, and the Castle of Otranto.Some Unpublished Letters, «Publishing History», XVIII, 1985, pp. 5‐48; M. Cotone,Giambattista Bodoni nelle lettere dei suoi corrispondenti inglesi, «Bollettino del MuseoBodoniano di Parma», 7, 1993, pp. 109‐23.17Bibliotheca spenceriana; or a descriptive catalogue of the books printed in thefifteenth century, and of many valuable first editions in the library of George John EarlSpencer ... by ... Thomas Frognall Dibdin. Vol 1., London, printed for the author, by W.Bulmer and Co. Shakspeare Press. And published by Longman, Hurst, Rees, & Co.; T.


Les éditions de Jean Baptiste Bodoni dans les bibliothèques des nobles... 219De Ocheda, piémontais et amis de Bodoni 18 . Cette bibliothèque, dont uncatalogue témoigne de l’existence de trois exemplaires sur parchemin 19 ,fut acquise par le riche marchand John Rylands et leguée par sa femmeEnriqueta Augustina à la John Rylands Library de Manchester.Enfin, pour l’Autriche, nous citerons la collection du duc Albert‐Casimirde Saxe‐Teschen (1738‐1822), celèbre collectionneur d’œuvres d’art etfondateur de la Bibliothèque Albertine, vendue aux enchères en 1930 20 .Le cas particulier de la bibliothèque du Duc d’AbrantèsLa bibliothèque comprenant la plus riche concentration d’éditionsimprimées sur parchemin et sur soie fut sûrement celle du duc Jean‐AndocheJunot d’Abrantès (1771‐1813).Junot, après une brillante carrière militaire au service de Napoléon,arrive à Parme le 25 janvier 1806 sur ordre de l’empereur pour assumerla charge de gouverneur général des Duchés, officiellement «perchè visedasse la sommossa dei Montanari di Val di Tolla nello Stato Piacentino»,mais en réalité, l’empereur veut l’éloigner de Paris à cause de scandalesfinanciers.Il y restera presque un an. En 1807, il est réintegré, bien que pour peude temps, avec la charge de gouverneur militaire de Paris.Avant d’arriver à Parme, Junot connaissait Bodoni depuis longtempset collectionnait déjà ses éditions. Le mois de son arrivée à Parme, ilnomma l’imprimeur «adjoint» au maire, comte Stefano Sanvitale, avec leconte Bianchi et le lieutenant‐colonnel Fedolfi. La grande admiration queJunot porte à Bodoni est évidente lorsque l’on sait qu’il invita l’imprimeurà participer, avec ses meilleures éditions, à l’exposition des produits del’industrie nationale qui se tenant à Paris le mois suivant.Payne; White & Cochrane; John Murray; and J. & A. Arch; 1814 (Printed by WilliamBulmer and Co., Shakspeare press, Cleveland row, St. James's, London ).18A. Boselli, G. B. Bodoni e il bibliotecario della «Spenceriana» (con 5 lettereinedite), «Gutenberg‐Jahrbuch», XIII, 1938, pp. 194‐20119Bibliotheca spenceriana; or a descriptive catalogue of the books printed in thefifteenth century, and of many valuable first editions in the library of George John EarlSpencer ... by ... Thomas Frognall Dibdin. Vol 1., London, printed for the author, by W.Bulmer and Co. Shakspeare Press. And published by Longman, Hurst, Rees, & Co.; T.Payne; White & Cochrane; John Murray; and J. & A. Arch; 1814 (Printed by WilliamBulmer and Co., Shakspeare press, Cleveland row, St. James's, London ).20Collection de beaux‐livres ayant appartenu au duc Albert de Saxe‐Teschen.Classiques grecs et latins – classiques français et italiens ecc. Vendita all’asta di giovedì3 aprile 1930, Milano, Libreria antiquaria Ulrico Hoepli, 1930.


220 ANDREA DE PASQUA<strong>LE</strong>Bodoni, après une première incertitude, accepta la proposition, grâceaussi à l’insistance du préfet du Département du Taro, le bar (baron?)Nardon. Il choisit 14 des éditions les plus représentatives dans son catalogue.«Allora il generale Junot commise al suo bibliotecario in Parigi di prenderenella sua libreria i quattordici indicati esemplari (alcuni de’ quali eranoimpressi su pergamena) e di esporsi al concorso, in vigilando perché daicuriosi non si sciupassero così belle edizioni» 21 .Il est probable qu’à cette occasion, les livres furent completés parune feuille ayant la fonction d’un ex‐libris que l’on retrouve dans tousles exemplaires, et qui porte l’inscription: «De la bibliothèque du colonelgénéral des Hussards Junot grand‐officier de l’Empire, I.er aide‐de‐campde l’Empereur Napoléon I.er grand‐cordon de la Légion d’honneur,grand‐croix de l’Ordre du Christ, commandeur de l’Ordre royal de laCouronne de fer, gouverneur général des Etats de Parme, Plaisance etGuastalla. 1806».Nous avons donc le témoignage de l’existence à Paris, dejà en 1805,dans la maison Junot, d’une très riche bibliothèque personnelle, comprenantde nombreuses séries d’éditions bodoniennes et des exemplaires uniquesimprimés sur des supports spéciaux.La bibliothèque fut malheureusement dispersée à la mort, tragique, deson propriétaire et nous ne savons que très peu du destin de ces livres etdes éditions bodoniennes en particulier. Il a été récemment retrouvé, dansles fonds de la Bibliothèque Palatine de Parme, le catalogue de vente auxenchères de la collection, qui permet de se rendre compte du nombre et del’importance des éditions bodoniennes qui y etaient conservées 22 .Le catalogue indique le nom du propriétaire comme «feu S. Excel.Mgr. Le Duc d’Abrantès», titre que Junot obtint après son glorieux exploitespagnol lorsque, après le pillage de la petite ville d’Abrantès sur lefleuve Tage, il réussit à réunir les forces nécessaires pour conquérir, débutdécembre 1807, la ville de Lisbonne.La page de titre contient les informations sur la vente qui, dansl’exemplaire de la Bibliothèque Palatine, sont ultérieurement precisées par21G. De Lama, Vita, cit., vol. I, p. 176, note 46.22Catalogue des livres rare set précieux de la bibliothèque de feu S. Exccel. Mgr. leDuc d’Abrantès, grand‐officier de l’Empire […] dont la vente se fera le Ier février 1814,et jours suivans, à six heures precise du soir, en son hôtel, rue des Champs‐Elysées, n.° 8.Les Adjudications seront faites par MM. Les Commissaires‐Priseurs Fournier, demeurantrue l’Evêque‐Saint‐Honoré, n°. 15; Guyot, demeurant rue du Théâtre‐Français, Sedistribue gratis a Paris, chez Renard, libraire, rue Caumartin, n.° 12; Fayolle, libraire, rueSaint‐Honoré, n.° 284, près de l’eglise de Saint‐Roch, 1813.


Les éditions de Jean Baptiste Bodoni dans les bibliothèques des nobles... 221une note manuscrite. Si le catalogue informe que «la vente se fera le 1.erfévrier 1814, et jours suivants, à six heures précises du soir, en son hôtel,rue des Champs‐Elysées, n°. 8», une correction faite à la main modifie ladate prévue en «mars 1815 au avril». Le même catalogue informe que «LesAdjudications seront faites par MM. Les Commissaires‐Priseurs Fournier,demeurant rue l’Evêque‐Saint‐Honoré, n°. 15; Guyot, demeurant rue duThéâtre‐Français».Grâce à l’introduction du catalogue, on sait que le Duc «avait conçule projet de former une des plus belles bibliothèques que puisse avoir unparticulier riche, animé de l’amour des sciences et des lettres» et que sacollection «avait réuni les éditions les plus correctes et les plus élégantesdes auteurs les plus estimés, soit dans notre littérature, soit dans celles denations étrangères, mais particulièrement dans la langue italienne». Eneffet elle contenait des éditions des imprimeurs les plus celèbres d’Europecomme Didot, Bodoni et Ibarra et une grande quantité d’exemplairesimprimés sur parchemin, des éditions illustrées et parées de reliures faitespar les principaux relieurs parisiens de l’époque, comme Bozerian, Bradelet Rosa.Le fonds Bodoni comprenait une cinquantaine d’éditions environ,ce qui correspond à moins de 5% de la production bodonienne, mais ilcomprenait des exemplaires uniques très soigneusement reliés et souventconservés dans des étuis en cuir.Lors de la vente de 1814, aucun exemplaire ne fut acquis par Pezzanapour la Bibliothèque de Parme, celle‐ci n’ayant pas encore les ressourcesfinancières dont elle disposera dans les années suivantes. Par contre, ilsuivit de près les mouvements des livres qui l’interessaient, dans le butde compléter la collection de la Bibliothèque en essayant d’acquérir lesexemplaires qui figuraient à l’Exposition napoléonienne, ceux‐là même quiconférèrent à Bodoni la gloire universelle.Quelques livres hérités du bibliophile Jérôme Mignon et vendus en 1849,furent acquis par Pezzana. 23 Sur le catalogue que possède la BibliothèquePalatine de Parme, on note que les exemplaires des Stanze de Politien sursoie (avec reliure de Bozerian) et sur parchemin, que le catalogue indique23Catalogue de la bibliothèque de feu M. Jérôme Bignon composée d’un choixconsidérable de livres rares, curieux et singuliers manuscrits et imprimés dont unepartie su peau vélin de grands ouvrages a figures et d'une collection d'autographesde personnages célèbres dont la vente aura lieu le 8 Janvier 1849 et jours stivante asix heures du soir en son domicile, quai Conti, 15. Par le ministère de M° Grandidier,commissarie‐priseur rue de Valois Sant‐Honoré, 6. Chimont, libraire expert de la Chambredes commissaires‐priseurs rue Christine, 9.


222 ANDREA DE PASQUA<strong>LE</strong>comme ayant appartenues au maréchal Junot, ont été marqués sur le côté.Pezzana réussit à les acheter en 1848‐1849 hors enchères 24 .Un deuxième et important lot de livres de Junot fut sûrement acquisaux enchères par le libraire et bibliographe Antoine‐Augustin Renouard(1765‐1853), dont la bibliothèque fut vendue en 1854. Dans le cataloguede vente 25 nous apprenons que les livres sur parchemin de Bodoni étaienttrès nombreux et que plusieurs appartenaient à la bibliothèque de Junot.Il s’agit en particulier des éditions de l’Aminta de Tasse in‐4° (1789), deCallimaque in‐folio (1792), de Pastor fido de Guarini in‐folio (1793), duManuel d’Épictète in‐8° petit (1793), de l’Anacreon avec la traduction dePagnini in‐8° (1793), du Virgile in‐folio (1793), de The Seasons de Thomsonin‐folio (1794), de la trilogie de Catulle, Tibulle e Propèrce (1794), de LaReligion vengée de Bernis in‐folio (1795).Pezzana acheta des livres à cette occasion comme on peut le constatergrâce au catalogue de vente de la Bibliothèque de Parme, qui, une fois deplus, contient des marques en correspondance des éditions bodoniennes,celles sur parchemin plus particulièrement. Il fit l’achat de l’Aminta duTasse 26 , The Seasons de Thomson 27 et successivement du Callimaqueobtenu à Paris en 1858 28 .Une autre copie sur parchemin, le Pastor Fido de Guarini quiappartenait à Junot, fut acheté par le libraire turinois Pezzi ainsi que d’autresexemplaires par le duc de Toscane.Les exemplaires de la Britannia, Lathmon, Villa Bromhamensis,Poemata de Trevor, vicomte d’Hampden et des Amori de Savioli qui étaientà Junot sont mentionnés en 1842 dans le catalogue de la bibliothèque deThomas Grenville (1755‐1846) 29 .24Parme, Museo Bodoniano, Coll. Bod. 113 3° e 2° es., le premier avec ex‐libris deJunot.25Catalogue d’une précieuse collection de livres, manuscrits, autographes, dessinset gravures composant la bibliothèque de feu M. Antoine‐Augustin Renouard, ancientlibraire, ancient maire du XIe arrondissement, don’t la vente aura lieu le lundi 20novembre et les trente jours suivants, à 7 heures precise du soir, rue des bons‐enfants, 28,maison Silvestre. Les adjudications seront faites par Me Boulouze, commissaire priseu,rue de Richelieu, 69, Paris, chez L. Potier, libraire, quai Malaquais, 9, et a la libraire JulesRenoaurd et cie, rue de Tournon, 6. Londres, chez Barthès et Lowel, 1854.26Parme, Museo Bodoniano, Coll. Bod. 206 3° es.27Parme, Museo Bodoniano, Coll. Bod. 217 1° es., avec ex libris de Junot.28Parme, Museo Bodoniano, Coll. Bod. 171 2° es., avec ex libris de Junot eRenouard.29Bibliotheca Grenvilliana; or bibliographical notices of rare an curious books,forming part of the Library of the Right Hon. Thomas Grenville: by John Thomas Payne


Les éditions de Jean Baptiste Bodoni dans les bibliothèques des nobles... 223Les collections de la moitié à la fin du XIX ème siècleDans les années 1830‐50 on assiste, en parallèle des acquisitions deprécédentes bibliothèques privées désormais dispersées, à la formation denouvelles collections.Dans les bibliothèques des maisons Royales, on cite la grande collectiondes Ducs de Bourbon‐Parme. Cette collection etait devenue très riche àLucques, ou les Ducs ont été déplacés pendant le royaume de Marie Louise,duchesse de Parme, grâce aux intérêts culturels du duc Charles‐Louis et deson bibliothécaire, le chanoine Pera. Il s’agit d’un fonds très important qui aété formé en 1837 et qui maintenant se trouve à la Bibliothèque Palatine deParme depuis 1865 après l’Unification de l’Italie. Pera le décrit: «Sebbenein ogni classe veduta sin qui, ed in quelle di cui son per discorrervi, visiano da osservare di belle impressioni antiche e moderne, poichè ve nene ha parecchie del secolo decimo quinto e dei seguenti fino al nostro;chi di quest’arte che tanto bene e tanto male ha prodotto nel mondo ben siconosce, potrà trattenersi con molto piacere ad ammirare le nitide, elegantie veramente magnifiche edizioni del cavaliere Gio. Battista Bodoni, onoredi Saluzzo sua patria e dell’Italia tutta. Questa collezione cotanto lodata dachi ha l’occhio adatto a poterne gustare il bello, sta completissima in questaR. Palatina, in guisa che vi sono ancora le impressioni fatte in semplicefoglio, come sonetti, canzoni, viglietti d’invito, ed altro. Era ben giusto chenon mancasse nella libreria di un Principe, successore di quel magnanimoMecenate, che dette al Bodoni quei mezzi, senza dei quali non sarebbegiammai asceso a tant’onore» 30 .Le Grand‐duc de Toscane Ferdinando III di Lorena (1769‐1824) tenteégalement de se constituer une belle collection de bodoniennes grâce àl’achat, en 1814, de la bibliothèque du bibliophile Gaetano Poggiali(1753‐1814) qui contenait une dixaine d’exemplaires sur vélin et deux sursoie 31 . A la même periode, à Milan, se formait la collection du marquisand Henry Foss, [primière part], London, printed by William Nicol, Shakespeare press,Pall Mall, 1842, p. 300 e 641. Grenville, militaire, travaillait aussi à la Bibliothèque duBritish Museum Il avait mis ensemble une bibliothèque de 20.000 volumes, en participantà nombreus ventes aux enchères (comme, par esemple, la bibliothèque du comte McCarthy), dans laquel il y avait incunables et curiosités typographiques, éditions desclassiques (surtout Homère et Ariosto), livres des voyages et 88 éditions sur parchemin.30A. De Pasquale, Libri a corte. Le biblioteche dei duchi di Parma conservate nellaBiblioteca Palatina, Parma, Mup, 2011, p. 46.31Une parti edu catalogue de cette collection est en G. Poggiali, Serie de' testi dilingua stampati, che si citano nel vocabolario degli accademici della Crusca, posseduta


224 ANDREA DE PASQUA<strong>LE</strong>Gian Giacomo Trivulzio (1774‐1831), qui, à partir de 1806, commencaune grande campagne d’achat d’éditions rares, manuscrits et livres anciens,achetés par la Mairie de Milan en 1935, où l’on trouve de nombreusesémissions bodoniennes sur parchemin.La collection la plus riche formée au XIX ème siècle, composée de 900livres environ, fut celle du chevalier Anton Enrico Mortara (1793‐1860)de Casalmaggiore, près de Crémone, définie dans son catalogue de 1857(la même chose fut répetée dans la réimpression de 1879), «collezionebodoniana la più ricca di quante mai furono e sono», qui fut acquis parAlessandro Giuseppe Spinelli, sous‐bibliothécaire de la Biblioteca Estensede Modène, lequel la donna en 1886 à la Biblioteca Nazionale Braidensede Milan 32 .La deuxième, par importance, fournie de plus de 1200 exemplairesenviron, fut celle du libraire turinois Federico Pezzi, qui a été vendueà la Mairie de Turin en 1859 pour le prix de 10.000 francs 33 . Pour cettecollection, il avait acheté, au moins en partie, les bodoniennes du comteCarlo Giacinto Cassotti di Chiusano (1769‐1831). Sa bibliothèque qui,selon le témoignage de Paroletti en 1826, «offre les collections complètesdes Bodoni», fut mise aux enchères en 1832 34 et elle containait les éditionsde Bodoni appartenantes au marquis Gian Antonio Turinetti de Priero, quiavait hébergé Bodoni et sa femme lors de son voyage à Turin 35 .Mortara dans les années Cinquante signalait: «La meglio certo dipresente, per ciò che ne so io, sono quelle della Reale Biblioteca Parmense,che vedendosi furare le mosse da altri, e, che più estranei, s’è da un po’di tempo risentita, e non lascia, venendogliene a mano l’acconcio, e diaggiungerla, e l’altra posseduta dal coltissimo e cortesissimo amico mioDottor Vincenzo Monici, Giudice nel Tribunale di 1. a Istanza in Parma,che, comperata quella della Ziliani, recò a tal punto la propria, cuimai non giunsero le precedenti di privata proprietà. Dalle vendite poisopraccennate, il Cav. Olivieri di Parma, caldissimo bibliofilo che era, eda Gaetano Poggiali […], Livorno, presso Tommaso Masi e comp., 1813, 2 vol.32A. Mortara, Catalogo cronologico, cit. Le catalogue a eté dejà imprimé àCasalmaggiore, Bizzarri, 1857. Sur cette collection: C. Giunchedi, dans La Braidense. Lacultura del libro e delle biblioteche nella società dell’immagine, Milano, Fondazione L.Berlusconi; Firenze, Artificio, 1991, pp. 130‐139.33D. Monge, Genesi, sviluppo e composizione della raccolta bodoniana dellaBiblioteca Civica di Torino, «Bibliofilia subalpina», 2004, pp. 79‐108.34A. De Pasquale, Notitiae librorum.Biblioteche private a Torino tra Rinascimentoe Restaurazione, Savigliano, L’Artistica, 2007, pp. 33‐34.35F. Malaguzzi, Alla mezz’aquila bicipite d’argento, Torino, Centro studipiemontesi, 1999, pp. 55, 57.


Les éditions de Jean Baptiste Bodoni dans les bibliothèques des nobles... 225che tanti acquistava libri, se buoni, quanti gleine venivano profferti, ebbe araccozzarne moltissimi anche de’ Bodoniani; ma con dispiacenza generale,e singolarmente mia, che il trovai sempre gentilissimo e prestante, rapitoalla sprovvista fanno due anni, non potè mettere in atti l’intendimento piùvolte manifestatomi di ordinarne una speciale Collezione. I Figliuoli dilui poscia a trarsi d’ogni impaccio nel partimento della redità, quantunqueeducati agli studj, e lasciati nell’agio dei beni del mondo, facendo migliorcapitale dell’oro, che delle solerti e nobili cure paterne, come suole il piùaccadere in simili casi, vendettero l’intera Libreria a quell’orrevolissimoe colto signore, che è il Conte Apolinare Rocca Saporiti, Marchese dellaSforzesca di Milano, il quale assennatamente affidatone l’ordinamentoall’Ajo de’ suoi amabilissimi e studiosissimi figlioletti, l’egregio filologoAbate Razzolini, mio dilettissimo, ci reca a sperare, che non andrà guari,che anche la splendidissima Capitale Lombarda vanterà una novellainsigne Biblioteca privata, che in fra le varie sue Collezioni quella eziandiorifulgerà delle Edizioni Bodoniane da vincere la gara colle più pregevoli dame ricordate» 36 .Mais la collection du marquis Rocca Saporiti fut également venduequelques années après. D’après une note manuscrite dans le catalogueMortara de la Biblioteca Nazionale de Milan, on sait que celle‐ci fut achetéepar «il librajo Vergani di Milano nel 1882. Il Vergani stesso comprò laRaccolta del Brigola, librajo di Milano nel 1878. Della Raccolta Olivieri fustampato il catalogo, ma non se conosce che una copia e l’ha il d.° Vergani».Durant ces années‐là, naissait également la bibliothèque du baronSalomone De Parente de Trieste qui en 1881 publiait un catalogue 37 où l’onpeut lire: «La mia collezione non è tuttavia completa, ma sono pochissimele opere, opuscoli e fogli volanti che le mancano, e per una raccolta diprivata proprietà non la reputo senza pregio», «la quale se dall’una partedifetta di qualcune stampe che si trovano in una o nell’altra delle sopraddetteraccolte, ne contiene in vece delle altre che in quelle non esistono».Cette dernière collection d’éditions bodoniennes est à la fois la36A. Mortara, Catalogo cronologico, cit., p. VI.37Catalogo cronologico della collezione bodoniana del barone Salomone DeParente, Trieste, tipografia del Lloyd Austro‐Ungarico, 1881. Citation de la préface. Ladédicace du catalogue de la collection Mortara (A. Mortara, Catalogo cronologico, cit.)est dédié à de Parente. Le de Parente dit aussi que «L'amico del mio genitore e mio,l'illustre avvocato cavaliere dottor Domenico de Rossetti, ammiratore come fu sempre delcelebre Bodoni, al quale attestò pubblicamente la sua ammirazione nel sonetto stampatoa Parma presso Rossi e Ubaldi, mi animava a continuare la mia raccolta bodoniana. [...] Ilcavaliere Antonenrico Mortara m'incoraggiò pure a continuare la mia collezione, come siscorge dal catalogo della sua Bodoniana ch'ebbe la bontà di dedicarmi».


226 ANDREA DE PASQUA<strong>LE</strong>plus récente, la plus grande et la plus complète. A partir de cette date,collectionner les éditions bodoniennes est une mode qui se fait de plusen plus rare. Il en existe encore quelques cas en Italie pendant la périodefasciste, Bodoni assumant alors le rôle de l’imprimeur «italianissimo» 38 ,jusqu’à disparaître, pratiquement après la deuxième Guerre mondiale.38A. De Pasquale, Bertieri e Bodoni: metamorfosi di un giudizio, in Nova exantiquis. Raffaello Bertieri e il Risorgimento grafico, a cura di A. De Pasquale, M. Dradi,M. Chiabrando, G. Grizzanti, Milano, Biblioteca Nazionale Braidense, 2011, pp. 20‐27.


Les bibliothèques de la noblesse brésilienneau XIX ème siècle: l’inventaire duMarquis de Monte AlegreMARISA MIDORI DEAECTO *Pendant plus de deux siècles les éditions françaises ont attisé les espritsdes gens de lettres et ont siégé les bibliothèques des hommes illustres.Cette communion entre les formes de pensée et l’univers éditorial a crééun environnement accueillant pour les professionnels du livre d’originefrançaise, voire pour la formation des bibliothèques bien fournies deséditions françaises.Pendant le 17 ème et le 18 ème siècles les bibliothèques les plus richesappartenaient aux ordres religieux. On voit un mouvement envers lalaïcisation de la lecture et des espaces de lecture à la fin du 18 ème siècle.En effet, les premières bibliothèques publiques apparaissent tout au débutdu 19 ème siècle, d’abord suivant un projet personnel des gens des lettresqui franchissent leurs collections, ensuite, d’après le projet de l’Étatdans le sens de bien surveiller et discipliner les pratiques de lecture. Labibliothèque publique devient un projet de civilisation dans le contextede l’Indépendance du Brésil (1822). C’est dans ce cadre que l’on voitl’apparition des certaines institutions de lecture dans les municipalités, etl’ouverture de la Bibliothèque nationale, au Rio de Janeiro, en 1811 1 .Rappelons que l’histoire du livre brésilien débute au fait à partir de1808, plus précisément après le décret signé par le Régent d. João, le 13mai, qui a donné origine à la Presse Royale. Même si le gouvernement*(marisamidori@usp.br) PhD Histoire. Professeur à l’Université de São Paulo.Auteur, parmi d’autres titres, de O Império dos Livros. Instituições e Práticas de Leiturasna São Paulo Oitocentista. São Paulo: Edusp, Fapesp, 2011.1CARVALHO, G. Biblioteca Nacional (1807‐1990), Rio de Janeiro, IrradiaçãoCultural, 1994.


228 MARISA MIDORI DEAECTOmaintenait le monopole sur l’impression de tous les documents officiels,ne laissant pas de répondre aux demandes externes, il n’a pas trop tardépour que les nouveaux typographes‐libraires s’installent au Rio de Janeiroet dans d’autres villes du Brésil.Après 1822 le nombre d’établissements libraires s’est considérablementrépandu, ce qui rend indéniable l’intervention auspicieuse de d. Pedro I.C’était sous les honneurs et bons offices de l’empereur qu’a débarqué àla Cour en 1824 le typographe‐libraire Pierre Plancher. Bonapartiste,il se trouvait persécuté par la censure d’une France restaurée par lesBourbons. A la Cour, il a fondé le journal O Spectador Brazileiro et, peude temps plus tard, en 1827, le Jornal do Commercio. Il a commercialisédes éditions de contenu politique imprimées à Paris ; parmi celles‐ci, lesécrits de Benjamin Constant. Il a innové dans l’usage de la lithographie,ayant comme illustrateur et lithographe Hercule de Florence, pareillementbonapartiste et émigré qui, dès 1825, intégra la mission Langsdorff.Illustration 1 22Alégorie de D. Pedro I, L’Empéreur du Brésil, 25 Mars 1824. FondationBibliothèque Nationale (FBN‐Rio de Janeiro). apud SCHWARCZ, L. M.; AZEVEDO, P.C. de; COSTA, A. M. da, A longa viagem da biblioteca dos reis. Do terremoto de Lisboaà Independência do Brasil. São Paulo: Companhia das Letras, 2002, p. 386.


Les bibliothèques de la noblesse brésilienne au XIXème siècle... 229Dans le Second Règne (1850‐1889) le cadre socioéconomique de la jeunenation devenait prometteur. Les séditions provinciales avaient été étouffées,les finances publiques contrôlées et un nouveau cycle agro‐exportateur,la culture du café, commençait à donner le ton des temps nouveaux. Lemarché éditorial suit cette vague modernisatrice. Néanmoins, si l’éditiondu livre indiquait une plus grande professionnalisation de ses agents, iln’est pas encore possible d’envisager un mouvement de nationalisation 3 .A ce moment‐là, une partie significative des livres circulant dans notrelittérature était imprimée en Europe, sans compter le taux élevé d’auteursen langue étrangère, spécialement en français.Une géographie de la diffusion des éditions françaises en Europe et enAmérique confirme l’optimisme exprimé dans d’autres secteurs. En 1861,ces pays ont été les plus grands importateurs de livres français: l’Italie, laRussie, le Royaume‐Uni, l’Allemagne, la Suisse et la Belgique 4 . Pourtant,rien n’équivalait au commerce de livres d’outre mer. Les plus grands centresconsommateurs de livres français se situaient dans le continent américain 5 .En premier lieu, les États‐Unis, fait qui soulève l’hypothèse selon laquellele marché éditorial britannique n’a pas représenté une menace au français.Après, l’Argentine et le Brésil. Il est vrai que les statistiques présentent desvariations tout au long du siècle, mais ce que l’on observe est une longueconjoncture du domaine des éditions françaises dans le continent américain,renforçant ainsi, une fois de plus, les racines intellectuelles fondées dansl’Illuminisme et dans la Révolution Française 6 .3Dans ce demi‐siècle, Paula Brito fut une exception, mais il n’a pas réussi à dépasserl’espace d’une génération avec son entreprise graphique‐éditoriale. Cf. DEAECTO, M. et.al., Paula Brito, Editor, Poeta e Artífice das Letras, São Paulo: Edusp; ComArte, 2010.4Donnée curieuse puisque la Belgique est un important centre producteur delittérature francophone, y inclus de contrefaçons. En ce qui concerne le comportementdu lecteur de cabinets de lecture à Bruxelles, il n’y a pas de doutes par rapport à sonpenchant vers les écrivains français: « Les lecteurs belges lisent Zola, Ohnet, Loti, Daudet,Bourget et leurs imitateurs. Les livres de leurs pays? Ils ne les ouvraient même pas ».<strong>LE</strong>MMONIER, Camille, La vie belge, Paris, Fasquelle, 1907, p. 267.5La participation des marchés en Afrique et en Asie est insignifiante.6<strong>LE</strong>SCA, Ch., La librairie française en Amérique Latine, « Comité Parlementaired’Action à l’Étranger. La deuxième semaine de l’Amérique Latine. Congrès tenu à Parisdu 22 au 28 novembre », Paris: Comité Parlementaire d’Action à l’Étranger, 1917. pp.369‐373. Voir encore: BARBIER, F., Le commerce international de la librairie françaiseau XIXe.s. (1815‐1913), « Revue d’histoire moderne et contemporaine, 1981, tome XXVIII,pp. 94‐117 ; GODECHOT, O. ; MARSEIL<strong>LE</strong>, J., « Les exportations de livres français auXIX e siècle », Le commerce de la librairie en France au XIX e siècle (1798‐1914), Sous ladirection de J.‐Y. Mollier, Paris, IMEC; Édition de la Maison des Sciences de l’Homme,1997, pp.373‐382.


230 MARISA MIDORI DEAECTOParmi les professionnels français qui ont inscrit leurs noms dansl’histoire du livre au Brésil, deux méritent notre attention: BaptisteLouis Garnier et Anatole Louis Garraux. Le premier s’est installé à Riode Janeiro, l’autre, à São Paulo. Chacun a su profiter, à sa manière, despotentialités des deux capitales. De certaine façon, ils semblent avoir suivide près l’exemple d’un autre géant de leur temps, Pierre Larousse, dontl’inscription imprimée dans l’ex‐libris ne laisse pas de doute sur le destinde l’édition française: « Je sème à tout vent ».Les bibliothèques de la noblesse dans le cadre d’une jeune nationEn un seul mot, l’Indépendance du Brésil a recrée dans les nouvellesstructures de la jeune nation le modèle monarchique de l’Ancien Régime,toute en confiant l’État à D. Pedro I, fils de D. João VI, roi de la maisonportugaise de Bragança. Ainsi, l’étude portant sur les bibliothèques de lanoblesse brésilienne du 19 ème siècle doit considérer les caractères particuliersde notre formation nationale :1) on parle d’un segment social, plus que d’une classe dont le titrene joue qu’un rôle symbolique dans un milieu socio‐politique où l’élitebrésilienne dispute l’espace avec les familles traditionnelles d’origineportugaise ;2) le modèle bibliothéconomique des collections privées suivent dansune certaine mesure celui de la Bibliothèque nationale, ancienneBibliothèque royale au Portugal, dont le fond a été déménagé à l’époque dela fuite de la Cour de Lisbonne devant l’invasion des troupes de Napoléon,en 1808. Ce ne serait‐ce que parce que cette bibliothèque renvoie à descollections très importantes de la noblesse portugaise du 18 ème siècle,notamment, le fond du Comte de la Barca;4) en outre, les mouvements des Lumièresont touché les nouvelles collections, detelle sorte que l’on trouve, à côté des fondsrarissimes des éditions qui ont fait date dansl’histoire du livre de l’Époque Moderne,d’autres qui ont renforcé les liens des savantsbrésiliens avec les mouvements intellectuelsobservés en Europe au 18 ème siècle.Illustration 2 77Ex‐Libris du Comte de la Barca. apud SCHWARCZ, L. M.; AZEVEDO, P. C.de; COSTA, A. M. da, A longa viagem da biblioteca dos reis. Do terremoto de Lisboa àIndependência do Brasil. São Paulo: Companhia das Letras, 2002, p.428.


Les bibliothèques de la noblesse brésilienne au XIXème siècle... 231Ces premiers constats nous permettent d’appréhender la présence desbibliothèques privées, toutes riches en belles éditions européennes, dans lecadre des études portant sur le concept des transferts culturels. Sinon unconcept, au moins une « orientation méthodologique », selon les mots deMichel Espagne, bien que l’auteur l’ait créé dans le contexte des relationsculturelles entre la France et l’Allemagne des 18 ème et 19 ème siècles 8 . Entout cas, l’auteur souligne un aspect fort important de la concentration deslivres étrangers dans les bibliothèques des savants, voire, des universités :c’est la concentration des savoirs et tout un système d’assimilation de laproduction étrangère qu’elle impose. En plus, il s’agit de comprendre lerôle que ce corpus joue dans une certaine aire culturelle, un pays, certes,mais serait ce‐t‐il possible d’y penser à partir des domaines plus flous, unerégion, une ville, un village, ou dans des aires plus étroites, une cité, unecommunauté …Ainsi, conclue l’auteur :«Toute insertion dans une bibliothèque, pour ne pas parler destraductions, le rend disponible pour la culture d’accueil dont il peut devenirune nouvelle pierre de construction. Il est à la fois un élément étrangeret un élément adopté, et cette double nature invite tout particulièrementà associer l’histoire du livre à une approche méthodologique en termesde transferts culturels. Il ne semble pas y avoir de raison pour que lesobservations que peut susciter l’exemple franco‐allemand ne soient pasextensibles à d’autres situations nationales » 9 .José da Costa Carvalho: un gentilhomme, ami de la loi et des lettresJosé da Costa Carvalho est né à Salvador en 1796. Il est diplômé enDroit à l’Université de Coimbra, en 1819. Tout de suite il a été nommé jugede la ville de São Paulo. Aussi, il ouvre un établissement commercial dansle centre ville, 34, rue de Ouvidor. Il a épousé Mme. de Barros Leite, laveuve de Brigadeiro Luiz Antonio, à cette époque‐là, la plus grande fortunequi a connu la petite ville de São Paulo 10 .Comme homme publique, il a composé la Régence Trina Permanente(17/6/1831 au 18/7/1833), nommé directeur de l’École de Droit8ESPAGNE, M. Transferts culturels et histoire du livre, “Histoire et Civilisationdu Livre – Revue Internationale”, v.5, 2009, pp.201‐218.9ESPAGNE, M. Transferts culturels et histoire du livre, “Histoire et Civilisationdu Livre – Revue Internationale”, v.5, 2009, p.216.10cf. VIVEIROS, M. L. de A., Os caminhos da riqueza dos paulistanos na primeirametade do oitocentos, Thèse de Doctorat, Universidade de São Paulo, 2003.


232 MARISA MIDORI DEAECTO(1835‐1836), et président de la province de São Paulo dans la courte périodeJanvier‐Août 1842, lorsque la révolte libérale éclata dans la ville. Il est dûà la promulgation de la loi d’avril 1850, rédigée par notre personnage, quela traite négrière a été abolie au Brésil. En 1854, il a reçu les ordres duMarquis de Monte Alegre. Il est décédé à São Paulo en 1860 11 .De ces histoires brèves que nous présentent ses biographes, noussommes amenés à imaginer que d’après la trajectoire du Marquis de MonteAlegre il est possible de reconstituer les moments clés de l’histoire politiquebrésilienne dans son premier demi‐siècle. Cependant, la présente étudepropose un regard sur la carrière de Costa Carvalho en tant que journaliste,celle que se confond avec les origines de la presse dans la ville de SãoPaulo.Costa Carvalho a inauguré, le 7 Avril 1827, le journal O FarolPaulistano, la première feuille imprimée à São Paulo. Le quotidien sortaittous les mercredis, au prix de 80 reis. Il était composé sur une seule feuille, àquatre pages, avec des colonnes fixes. Sur la première page, l’auteur parlaitde questions internes de la ville et de la province, souvent en citant desdocuments officiels. Comme annonce l’auteur dans la feuille inaugurale :« Notre but est celui de découvrir les intérêts particuliers de cetteprovince, tout en fixant notre regard sur les recettes publiques (...) Nousallons publier les actes administratifs les plus importants, ceux qui ferontobjet de nos réflexions impartiales » 12 .Les notices étrangères occupaient une petite colonne du journal. A côtéde cette colonne, on trouve des notes, commentaires, critiques, réflexions etdes reproductions d’articles de journaux concernant la politique nationale etde la Cour de Rio de Janeiro. La dernière page était consacrée à la publicitéet au « Loisir ».Cette dernière section présente des caractères fort curieux. On y trouvedes anecdotes, des transcriptions des passages littéraires, des réflexions decaractère moral dont les sujets revenaient invariablement à des questionssur la liberté, le droit des nations, la démocratie, enfin, les principespréconisés un peu partout d’après les vents révolutionnaires de 1789.Quelques passages sont publiés avec le but manifeste d’une parabole,comme si l’auteur, enfin, le rédacteur en chef comprenait bien sa fonctionpédagogique dans un milieu majoritairement illettré. On notera au passageci‐dessous que l’auteur invite le lecteur (et auditeurs) à une «conversation»à propos d’un sujet quelconque qu’il a « entendu » parler:11cf. AMARAL, A. B. do, Dicionário de história de São Paulo, São Paulo, Governodo Estado, 1980.12O Farol Paulistano (7/2/1827), p.2. Dorénavant signalé avec les initiales FP.


Les bibliothèques de la noblesse brésilienne au XIXème siècle... 233« Il y a bien des jours, j’ai entendu une histoire qui ne cesse de susciterun certain intérêt chez moi. Le Sage, Français de grande sagacité, c’est luiqui l’a raconté, et malgré le dégoût que cette histoire persistait de me fairesentir, je vous assure son exactitude. Quoi qu’il en soit, j’ai apprécié cettehistoire (...) »13.Illustration 4 : Frontispice du premier numéro de Farol PaulistanoCe faisant, l’écrivain semblait incarner non seulement le rôle de faiseurd’opinion dans le sens politique du terme, mais d’une sorte de démiurge,13FP, 7/3/1827, p.4.


234 MARISA MIDORI DEAECTOou passeur culturel en amenant son public à connaître, sinon, à valoriser lalittérature étrangère. Voire, à introjecter ses divises morales. L’instrumentprincipal, les livres. Effectivement, le Marquis possédait une bellebibliothèque, collection notable parmi d’autres moins importantes trouvéesdans les inventaires après décès de la ville de São Paulo, dans la période1800‐1850. Éditions françaises pour la plupart.D’ailleurs, la littérature produite dans le siècle des Lumières a étéreprésentée par ses différentes générations.De la « Génération de la Régence (1720) » 14 : Montesquieu et ses Lettrespersanes, 2 v., en français. En tant que la «Génération de l’Encyclopédie(1750)» se trouve représentée par Voltaire, Œuvres complètes, 14 v., enfrançais ; et Rousseau, dans quatre éditions différentes: Nouvelle Héloïse,6 v., en français, Héloïse, 4 v., traduites en espagnol et deux éditionsdifférentes des Œuvres, en français.De la «Génération de Louis XVI » on a identifié Choderlos de Laclos,Gilbert, Dellille, Raynal, Le Catéchisme Universel et La Jurisprudence, deMably, Œuvres complètes, 12 v.À la «génération de la Révolution française (1790) » appartiennentChateaubriand, Le Génie du christianisme, 9 v., cité en portugais, maissans aucune indication sûre de la langue ; et Madame de Staël, Oeuvresde Littérature, 2 v., et les œuvres originales complètes, 17 v., citée enportugais. Sur Les Considérations sur la Révolution française, de 1818,édition préparée par le duc de Bruglier et le baron de Staël, il il importede remarquer son succès éclatant, a eu un impact remarquable, 60.000exemplaires vendus à la sortie, écrit Jacques Godechot. Ensuite, le texte aété inséré dans la première édition de Œuvres complètes, publiée en 1820,sous la direction de Bruglier. Dans la bibliothèque de la Faculté de Droitde la ville de São Paulo, institution fondée en 1827, on trouve une éditionde ses œuvres complètes en français, organisée par Staël‐Holstein [Paris:Firmin‐Didot Frères, 1844] 15 . À São Paulo, son nom figurait dans lespremiers articles de la Revista da Sociedade Filomática à côté de Schilleret de Goethe, et le dramaturge Paul Eiró la cite comme épigraphe dans unde ses drames.Retournons à la Bibliothèque du Marquis de Monte Alegre. La sectiondes œuvres historiques é composée par 52 titres. Parmi les titres avec lalangue indiquée, 61,5% sont en français et 19,2% en portugais, cela veutdire que les œuvres d’auteurs anglais et italiens, ainsi que des traductions14Les références aux générations ont été prises de SAULNIER, V.‐L., La littératuredu siècle philosophique, Paris, PUF, 1958.15cf. STAËL, Mme. de., Considérations sur la Révolution Française. Oeuvreprésentée et annotée par Jacques Godechot. Paris, Tallandier, 1983, p.32.


Les bibliothèques de la noblesse brésilienne au XIXème siècle... 235de textes anciens inclus viennent majoritairement en langue française.L’intérêt de l’Antiquité demeure irréprochable : 25% de la collection estdestiné aux livres de l’histoire ancienne. Le reste se fait peu à peu distribuéen titres d’Histoire Moderne et Contemporaine. Avec une seule remarque:les limites chronologiques disent très peu du contenu du fond, où l’unité dela nation emporte sur la division chronologique.Ainsi sont les titres suivants: Histoire de France, de Bysson (6 v.);Résume de l’histoire de l’Anglaterre, por Bodin (1 v.); Histoire del’Anglaterre, de Hume, tradução francesa (21 v.); Beautés de l’histoirede l’Italie, de M. Giraud (2 v.); Histoire des républiques italiennes, deSismondi (16v.); Histoire florentine, de Machiavel (2 v.); História dePortugal Restaurado, de dom Luis de Meneses (4 v.); Resumo de Históriado Brasil, de Bellegarde (1 v.).Dans ce domaine, il est également possible de regrouper les récitsbiographiques, des histoires de grands hommes ou «destins collectifs»,comme écrit Braudel: Victoire et conquistes de Français (28 v.); Biographiede tous les ministres (10 v.); Vie des hommes illustres (12 v.); Histoire desFrançais, de Sismondi (15 v); Louis XIV, sa cour et ses regents (4 v.);Biographies des contemporains (20 v.).Trois œuvres, parmi lesquelles deux interprétations les plus importantesde la Révolution française à l’époque: Des moyens de gouvernement etd’opposition dans l’état actuel de la France, de Guizot 16 , Histoire de laRévolution française, de A. Thiers 17 , et l’oeuvre de Lacretelle, le Jeune, Leprécis historique de la Révolution Française (1801‐1806).Sur François Guizot et Adolphe Thiers nous pouvons dire que leursbiographies remontent à des événements majeurs de l’histoire politiqueaprès la Révolution. Ses œuvres ont été écrites dans le début des années1820, après la chute du ministère de Descazes, lorsque l’État a promul’expulsion des militants libéraux. Selon Hobsbawm:« C’est alors que l’école historique de la restauration, Guizot, Thiers,Mignet et d’autres sont venus à la lumière, bien que, lorsque l’actionest devenue possible, certains ont choisi de rester dans leurs études. Cesjeunes historiens ont été engagés à l’élaboration d’une théorie pour faire larévolution bourgeoise. En 1830, ils l’ont mise en place » 18 .16Première édition: Paris, Ladvocat, octobre 1821, in‐8°.17Première édition: Paris, Lecointe et Durey; impr. de Cosson, 1823‐1827, in‐8º Letitre Histoire de la Révolution française n’apparait qu’après la troisième édition.18HOBSBAWM, E., Ecos da Marselhesa. Dois séculos revêem a RevoluçãoFrancesa. Tradução de Maria Célia Paoli. 2 a . reimpressão. São Paulo, Companhia dasLetras, 2001, p.43


236 MARISA MIDORI DEAECTOIl est bien évident que la collection du Marquis ne se détient pas sur cesdomaines, à savoir, l’Histoire et la Politique. Elle est plus large, telle queles collections des savants de ce siècle particulièrement doué à la culture del’imprimé. La limite de cette exposition ne nous permet pas d’y aller plusloin. En tout cas, il nous semble utile de présenter un cadre quantitatif, età la mesure du possible qualitatif de l’ensemble de la collection. C’est cequ’on voit dans le graphique ci‐dessous :Graphique : Vue d’ensemble de la Bibliothèque du Marquis de MonteAlegre, d’après les actifs de l’inventaire post mortem (1838)Dites‐moi ce que vous lisezEst‐ce possible d’entrer dans l’âme d’un homme à travers ses livres ?La connaissance d’une bibliothèque nous permet, au moins, d’établir leprofil intellectuel de son propriétaire. Bien sûr, ce profil devient encoreplus complet à la mesure que l’on compare, et que l’on croise les référencesbibliographiques avec les écrits et les idées de notre personnage. Les articlespubliés par José da Costa Carvalho dans son libelle, n’expriment‐ils lemême système d’intérêt que l’on remarque dans une partie importante desa bibliothèque ?D’abord, il vaut mieux situer la nature de l’inventaire post mortem surlequel se couche la liste des livres.


Les bibliothèques de la noblesse brésilienne au XIXème siècle... 237En effet, cette liste fait partie d’un ensemble plus large, celui del’inventaire post mortem de Mme Leite de Barros, daté 1838. Comme on aindiqué plus haut, elle se remaria avec notre Marquis après le décès de sonpremier époux, Brigadeiro Luiz Antonio, en 1819. Les premières étudesportant sur la liste de livres de cet inventaire l’ont pris comme de propriétéde Mme Leite de Barros, voire, de son premier mari. Cependant, si l’onexamine la collection, au moins la partie la plus expressive, on est censéconclure que les dates de certaines éditions et la thématique prédominanteconstituent des indices concrets sur le réel propriétaire des livres. Or, lesouvrages sur la Révolution françaises, datés des années 1820/30 ne pouvaientguère appartenir au Brigadeiro et il est certain qu’elles n’éveillaient aucunl’intérêt d’une vieille aristocrate qui n’a laissé aucune trace de son caractèreintellectuel dans la ville. En plus, les éditions juridiques concernent moinsune dame aristocratique, ou un militaire qu’un savant diplômé à Coimbra.On arrive jusqu’à dire que de la génération des Lumières José daCosta Carvalho a hérité la confiance sur l’imprimée comme un véhiculetransformateur du status quo. Le quotidien O Farol Paulistano a joué lerôle de pamphlet politique lorsque la situation demandait d’une prise deposition. Sa devise se résumait en deux mots forts: liberté et égalité.C’est ce qu’on lit dans un article de 1827, en réponse à la politiqueautoritaire de D. Pedro I :« Paulistes honorés ! Le Rédacteur en chef de cette feuille ne se laissepas faire par l’ambition et le goût mesquin de retirer de son travail à peineses revenus. Je vous suis reconnaissant, avec le sentiment et la missiond’être utile à mon pays, tout en conduisant votre opinion envers la libertédes lois ; avide d’être libre, et de vous voir libres et heureux, je vous invite,je vous prie, je vous incite au nom de la Patrie, à votre honneur et à celuide vos épouses et de vos enfants, que vous les enseigniez la valeur de laliberté (...) » 19 .À son tour, l’égalité était l’équivalent du modèle de la monarchieconstitutionnelle. Le Farol Paulistano se fait une ligne de force contre ledespotisme de D. Pedro I. En plus, le journal devient plus qu’une armede lutte contre le roi, car cette lutte, on l’a vu, prévoyait la formation desesprits critiques. Voilà sa fonction majeure.Lecteur probable de Machiavel, Montesquieu, Rousseau, Voltaire,Thiers, Guizot, si l’on compte, enfin, les références bibliographiques desa collection, le Marquis a réussit faire un groupe expressif des partisansdu libéralisme d’État. Un seu événement illustre bien la force de l’opinionà cette époque. Au milieu des débats acharnés qui ont marqué la fin du19FP, (27/02/1827), p.1.


238 MARISA MIDORI DEAECTOPremier Empire, Libero Badaro, un journaliste italien qui jouait avec leMarquis un rôle important dans la vie politique de la ville, a été victimed’un tir mortel en Novembre 1830. D’un coup, il s’est transformé en martyrde la cause libéral.Compte tenu de cette situation, nous pouvons en déduire que lejournalisme politique pratiqué à São Paulo a commencé timidement et avecun certain retard par rapport aux autres villes, mais il a réussi atteindrerapidement et efficacement le seuil de la politique nationale. Ce n’est passeulement parce qu’il a créé la figure du martyr de la liberté, mais parcequ’il a créé les bases d’un libéralisme modéré, qui est devenu un succèsdurant la période de la Régence. En plus, parce qu’il a formé l’opinion àsa faveur.La lecture du Farol Paulistano met en évidence un écrivain si soucieuxde créer un environnement politique similaire à celui des libéraux enFrance. Il faut dire qu’à São Paulo les partisans du libéralisme ont célébréla victoire du duc d’Orléans sur Charles X (le dernier des Bourbons àgouverner la France), en 1830. On parle d’une petite communauté avec ses20.000 à cette époque. Ainsi, l’étude portant sur la bibliothèque du Marquisde Monte Alegre vis‐à‐vis des écrits de militance publiés dans son libellerévèle les approches possibles entre l’histoire du livre et celle des idéespolitiques. Comme l’indique le rédacteur en chef du Farol Paulistano, sousla forme d’épigraphe (il convient de noter, en bon français):La liberté est une enclume qui usera tous les marteaux.


Śrī Bhavānrao Panta‐Pratinidhi (1868‐1951),Chief of Aundh:Founder and Patron of Institutions and LibrariesSHREENAND L. BAPAT“I met this remarkable human being as a young girl and have a vividrecollection of his enthusiasm for Surya Namaskar. 1 What an uprightman he was –in every sense of the word. His ardent nationalism andhis concern for the health and welfare of the people stood out in sharpcontrast to the attitude and behaviour of majority of Maharajas andRajas 2 who not only abjectly supported the British but were even moreharsh and unimaginative in their dealings with the mass movement forindependence and human rights.”— Indira Gandhi, Prime Minister of India 3In pre‐independence India, Aundh was a Princely State ruled by a noblehouse entitled Pratinidhi – i.e. representative of Chatrapati, the sovereignruler of Satārā – situated in Maharashtra. Now a small town having apopulation around ten thousand, it is situated 42 km to the South‐east ofthe city of Sātārā. The town of Aundh and scattered areas in its vicinitywere given as fiefs to the various men of the house of the Pratinidhi‐sbearing the honorific sub‐title Pant. The first among them was TryambakKṛṣṇa Kulakarṇī who got the fief in the last decade of the 17 th century1Sūrya‐namaskāra is a special type of physical exercise performed as acomplete salutation to Sūrya, the Sun God, with a combination of 10 or 12 postures ofYoga. Bhavānrao, because of his own beneficial experience of the exercise, becameits propagator after his age of 45.2Mahārāja and Rājā: rulers of the large and small princely states existing in thepre‐independence India.3From the Foreword, dated January 05, 1974, to A Moment in Time by AppāPANT.


240 BAPAT L. SHREENANDCE from the Chatrapati. His son, Paraśurāmabhāū, a brave fighter, madesome additions to this property by his valourous fights during the difficultsituation of the Chatrapati owing to the Mughal invasion under EmperorAurangzeb. Śrīpatarāo, the son of Paraśurāmabhāū and his grandson bearingthe identical name have made some mark history [PANT‐PRATINIDHI,1946: II, 1‐128], except whom, it is only our hero who shines brightly asthe Excellent Prince of the Aundh State.Bhavānrāo alias Bāḷāsāheb Pant‐Pratinidhi was not the eldest son ofthe ruler Śrīnivāsarāo. He happened to become the ruler due to the deathof his elder brother Paraśurāmabhāū and the ineligibility of his nephewGopāḷakṛṣṇa Paraśurāma. He had at his disposal a state with an area of1295 square kilometers scattered mostly in the eastern part of the SātārāDistrict of the present state of Maharashtra [TUPE, 2000: 1‐80].The new king was an ardent lover of tradition and art, a painter himself;and a visionary aware of the scientific and technological trends of thenew world. He had in his court painters like Baṇḍobā, Dattobā, Rāmbhāūand Sadāśiva Citārī (Sadashiv Chitari); Ābālāl Rahimān; Koṭyāḷkar andSātavaḷekar; and sculptors like the Pātharvaṭ‐s trained by himself. Aspecial mention must be made of Nārāyaṇarāo Pooram, who later becamethe pioneer of the art movement in western Maharashtra. The king himselfused to paint and had had a painted through his artists the Rāmāyaṇa andcopied paintings from Ajanta and sculptures from Ellora. 4Bhavānrao had an ill health up to years of his age and had to undergomedical care and operations on several disorders. In his childhood itselfhe was introduced to the Sūrya‐namaskāra‐s but did not practice themdue to ‘lethargy’. A miraculous change in his health was brought theexercise after 45. He also began doing traditional ophthalmic exercises,which, according to him completely cured his hyper‐metropia. He usedto perform daily 108 to 500 namaskāra‐s and jog to a hill on which issituated the temple of Goddess Yamāī, the family deity of the king.Bhavānrāo became a propagator of exercises 5 , so much so that a farcicalplay by a leading Marathi playwright Pralhād Keshav Atre, that meant toshow all kinds of extremities including passion for exercise, was namedSāṣṭāṅga‐namaskāra. 6 Bhavānrāo made physical training compulsory to4PANT‐PRATINIDHI, 1946: II, 173‐249 and 437‐498. To this there is amplecorroborative evidence for this in the form of paintings and publications. (SeeBibliography below.)5Ibid. pp. 367‐3814. To this there is ample corroborative evidence for this inthe form of publications. (See Bibliography below.)6Sāṣṭāṅga‐namaskāra is a type of salutation performed with the full body thatis meant to express complete surrender.


Śrī Bhavānrao Panta‐Pratinidhi (1868‐1951) ... 241all students – boys ad girls – a step that was far ahead of his contemporaries. 7The Sunday Referee, a Weekly in London, had published some false anddefamatory matter regarding this compulsion of Sūrya‐namaskāra‐s andBhavānrāo’s character. Bhavānrāo’s son, Appāsāheb was in England atthat time for education in Law. With the permission from his father hefiled a suit against the Weekly and entered as witnesses the names of LordWillingdon, formerly Governor of the Bombay Presidency and GovernorGeneral of India, and other high officials of the British Indian Governmentwho were well‐acquainted. The Sunday Referee submitted an unconditionalapology and paid a compensation of £ 2000. This amount was used fornothing else but propagation of Sūrya‐namaskāra‐s through full‐timeworkers. 8Bhavānrāo also encouraged indigenous sports like wrestling, Kabaḍḍī,etc. He used to affirm in his public speeches that he wants his subjects to besharp at brain and strong at body. 9Bhavānrāo was a magnetic orator and used to perform Kīrtana‐s 10 basedon mythical stories as well as historical. He thought that it to be a grandmedium of social reformation. He used to perform Kīrtana‐s regularly onthe death anniversary of his father Śrīnivāsarāo [PANT Appā, 1986: 5‐6].However, it seems he did not encourage music to the scale he activelysupported painting and plastic art.The Aundh State, during the tenure of Bhavānrāo, had become aharbinger of manufacturing industry. Industrialists like the Kirloskars, theOgales and others had established factories at Kuṇḍal (now Kirloskarwaḍī)and Ogalewāḍī. Modern agricultural implements were produced for thefirst time in India by the Kirloskars and glass products of Ogales werefamous all over the country. Several other workshops, manufacturingwooden articles, iron implements, and other commodities, were encouragedby him. In this way Bhavānrāo consciously encouraged industrialists witha view to combining the Gāndhian Svadeśī 11 cottage industry with essential7Ibid. pp. 377‐378.8Ibid. p. 377, and PANT Appā, 1986: 1‐2. This incident took place sometimein 1935. The exact date could not be determined.9TUPE, 2000: 323‐360 and MADGULKAR, 1977: 22‐25.10A Kīrtana includes a combination of prayers to God (and deities) and narrationof mythical stories leading to message of good conduct, etc. This requires a magneticoratory lyrics, music and action, and thus multidimensional artist can perform agood Kīrtana. During the movement of Indian reformation and independence, it wasemployed as a medium by many a performer.11Svadeśī = use of indigenous products was an important part of the Indianfreedom struggle initiated by Lokamānya Ṭiḷak and carried forward by Mahātmā


242 BAPAT L. SHREENANDmodern industry. He had established vocational training schools in his stateand had made that training compulsory to all school‐children, includinghis own children. He used to visit schools and preach future establishmentof industrial units and used to assure children of capital to start such units.Several small‐scale workshops in the state are a result of this encouragementreceived from the ruler [PANT‐PRATINIDHI, 1946: II, 316ff, etc.].Democracy in the form of elected Grāma‐paṁcāyat‐s (VillageCouncils) and State Council was brought in by the King in 1939 byenactment of the Constitution of the Aundh State. This he did with thecounsel of Mahatmā Gāndhī. It was one and the only experiment ofdemocracy in any of the Indian Princely states [PANT Appā, 1986: 38‐64;and the Constitution of the Aundh State (Act I of 1939) appended to it].A fervent synthesizer of traditional Indian knowledge and new Westerneducation, Bhavānrāo was a graduate from the Deccan College, Pune 12 ,and a student of Sir R. G. Bhāṇḍārkar. He gave fitting gurudakṣiṇā 13for what he had learnt from him. When the students of Sir Bhāṇḍārkarundertook to establish the Bhandarkar Oriental Research Institute tomark his eightieth birthday, Bhavānrāo was pleased to become a Patronof the Institute by paying a sum of two thousand rupees. 14 He took keeninterest in the establishment and development of the Institute. Right at itsinception the Institute was equipped with the collection of about seventeenthousand valuable manuscripts possessed by the Government of BombayPresidency as also with the collection of over two thousand valuable bookson Orientology donated to it by Sir Bhāṇḍārkar. Bhavānrāo discussed withSir Bhāṇḍārkar the idea of making a critical edition of the Mahābhārata,the greatest epic of the world. 15 In the meeting of the General Body of theGāndhī. The Lokamānya expected the rise of indigenous heavy, medium andsmall‐scale industrialization, while the Mahātmā led the movement predominantlyon the lines of cottage industry and encouraged charkhā – the domestic spinningmachine.12PANT‐PRATINIDHI, 1946: II, 438. This is a College established in 1821 as atraditional school and was converted into a college in 1869. It was the second collegein the Bombay Presidency, the first out of Bombay (now Mumbai), the capital city ofthe Province.13A voluntary fee paid by the ancient Indian student to his Guru, the preacher.14RBORI 1918‐19, p. 24. It may be noted that the prescribed fees for thePatronship stood at Rs. 1000.15RWC, pp. 55 ff. and PANT‐PRATINIDHI, 1946: II, 445 ff. Mahābhārata, anepic, traditionally believed to contain a hundred thousand verses (about eighty‐ninethousand of them accepted in the constituted text of the critical edition) is composed


Śrī Bhavānrao Panta‐Pratinidhi (1868‐1951) ... 243Institute held on 6th July 1918, Bhavānrāo proposed the critical edition,which would be financially supported by him with the donation of a hundredthousand rupees from his own purse. He also declared that studied paintingswould be executed by him, printed and delivered to the Institute for inclusionin the publication. With some hesitation the scheme was accepted and underthe Editorship firstly of N. B. Uṭgīkar and then the General Editorship ofV. S. Sukṭhaṇkar, the work took its course. When in it seems that the grantreceived from Bhavānrāo would no longer suffice to finish the work owingto prices rising due to the first world war and the great recession of 1929, hemade successful efforts for procurement of grants from the Governmentsof Bombay, Calcutta and Madras Presidencies; the Imperial Governmentof India, Burma; and the Princely States of India ruled by his colleagues.However, the largest amount of six to eight thousand rupees per annum stillused to come from him. 16 In another move to help the Institute, he seemsto have purchased back the previously donated original paintings with thepromise that copies of the same will be printed by him and supplied to theInstitute free of cost as per their requirement and that the copyright of thesame would still remain with the Institute! 17Bhavānrāo also had a penchant for curios. He collected hundreds ofsculptures, paintings and other art objects, and created the Śrī BhavānīCitra Padārtha āṇi Purāṇavastu‐saṁgrahālaya (Śrī Bhavānī Museumof Paintings, Artifacts and Other Materials) in 1938. After the death ofBhavānrāo, the Museum was handed over to the Director of Archeologyand Museums, Government of Bombay State, by Appā Pant, the son ofBhavānrāo in 1952. The Museum has been extended by the Governmentduring the last decade with addition of artifacts to display. The collection ofpaintings of Rājā Ravi Varmā, and those based on the epic Kirātārjunīya ofBhāravi 18 , paintings on the Rāgamālā 19 , and those based on various Purāṇicbetween the 4 th century BCE and the 4 th century CE. This epic of the Great War foughtbetween the Dhārtarāṣṭra‐s and the Pāṇḍava‐s is four times larger than the next twoof the world literature, Iliad and Odyssey. Its complete manuscripts containing fromsixty thousand verses to a hundred and fifty thousand verses written in nine ancientscripts, are spread all over India and abroad.16From the various schedules attached to RBORI‐s 1919‐20 and following yearsand PANT‐PRATINIDHI, 1946: II, 457‐458.17Whereabouts of these original paintings or their blocks are unknown atpresent.18Bhāravi was a Sanskrit poet of the fifth century CE.19Rāgamālā is the series of Rāga‐s – tunes – of the Indian music. Such paintingswere commissioned by the rulers and rich houses during the medieval period.


244 BAPAT L. SHREENANDand historical stories and personalities, have been added to the display. Avariety of schools of painting – Rajput, Pahari, Deccan, Bijapur – seem tobe represented here. The eighteen galleries of the Museum are arranged asfollows:(1) 17 portraits of Panta‐Pratinidhi‐s(2) 11 paintings of the court painter Koṭyāḷkar(3) Western style paintings(4) Copies of 33 paintings of Ajanta(5) Tibetan artifacts collected by Appā Pant(6) Paintings of the Bengal school(7) Paintings of great Indian artists(8) Western paintings(9) Paintings of Rājā Ravi Varmā(10) Metal artifacts(11) Ivory artifacts(12) Portraits of various personsMiniatures on the mezzanine floor(13) Sandalwood artifacts(14) Paintings by Indian painters(15) Paintings by Western painters(16) General art(17) Paintings of Western painters(18) Paintings of Western painters 20The King consciously established in 1910, in the vicinity of theMuseum, a Library of books collected from all‐over the world. 21 It seemsthat the Library was meant to collect especially the books and journals onArt. The Library was visited by a number of art‐loving Governors and highofficials and was remarked to be the best private collection of art‐books. 22The Library holds books on subject most ancient and most modern, from20The Museum also contains a collection of 3671 manuscripts – mostly inSanskrit – stored in 198 bundles. Since rather than texts, manuscripts are considered tobe antiquities, they are stored in the Museum and not in the Library described below.21It is astonishing that no biographical sources of Bhavānrāo refer to thisLibrary. The only exception is a passing reference occurring in his autobiography –Ātmacaritra (Vol. II, p. 341, lines 15‐21). The Library has thus remained unknown topeople, so much so that none of my numerous friends who have visited the Museumknow the Library.22Now the collection is in frozen state and no significant addition seems to haveoccurred to the Library during the last several years.


Śrī Bhavānrao Panta‐Pratinidhi (1868‐1951) ... 245history of ancient world to nuclear physics. 23 The Library was handed over tothe Government of Bombay Presidency in 1955. At present it holds around16000 volumes, out of which 12526 have been collected by Bhavānrāoduring his life. A four‐volume accession register of the books is maintainedat the Library. 24 Reportedly this register shall soon be automated. From hissurvey of the Register the present has listed the subjects of the Library asfollows:(1) Sciences:Basic and Applied Physics:Main‐stream Physics, Nuclear Physics, AstronomyElectricityEngineering: Mechanical and civil, aeronauticElectronics: Radio and televisionBasic and Applied ChemistryLife and Health Sciences:Medicine: Neuropathy, Sexology, Sex EducationNaturopathy, Photo‐healing,Physical trainingVoice trainingDietetics: Vegetarian and non‐vegetarian 25National health,Radiography,PsychologyMathematicsGeology(2) Industry and Commerce:Various Industries such as: Leather, Bakery, Soap and candle, Glass,Perfumery, Dying, JewelleryAgriculture including Forestry, Animal Husbandry23It is remarkable that books on nuclear physics, that were imported fromWestern countries, entered the Library in 1945 immediately after the US nuclearassault on Hiroshima and Nagasaki.24The Register is divided into columns: Sr. No.; Title; Author; Price; Numberand Date of Communication (with which, and the authority from whom received);Date of receipt; No. of copies received; Remarks (mostly indicating the reason andthe authority for removing the book from the Library).25It must be remembered here that the King and his family were strictlyvegetarians.


246 BAPAT L. SHREENANDMotor‐drivingWatch‐repairingVocational training(3) History: Ancient, Medieval and Modern:Europe, especially England;United StatesWorld War I and IIAsia, especially Persia (Iran) and BabylonIndia: Freedom struggle, Constitutional history, traveloguesMaharashtra, especially Maratha period(4) Language and Literature:Ancient and medieval Sanskrit literatureRegional languages: Marathi, Gujarati literatureGrammars of various languagesModern travelogues(5) Art:Fine Arts: Painting and Sculpture: Materials and techniquesPerforming Arts: Music and Theatre(6) Miscellaneous Subjects:Encyclopaedia: Britannica, Americana, etc.Gazetteers: Imperial and ProvincialReports of the Archaeological Survey of IndiaVolumes of National GeographicParentingCavalrySocial ReformsGandhian ThoughtBhavānrāo Pant‐Pratinidhi played a major role in the establishmentand the business of various institutions and libraries in his own territoryas well as the one he did not rule. In this behalf he undeniably stood outin sharp contrast to the majority of his contemporary Mahārāja‐s andRājā‐s.


Śrī Bhavānrao Panta‐Pratinidhi (1868‐1951) ... 247Bibliography 26Annual Report(s) of the Bhandarkar Oriental Research Institute, Pune, 1918 to1950 (AR)KIRLOSKAR, Jeevan (ed.). Śrīmant Rājesāheb Bhavanrāo Paṇḍit Pantpratinidhī,Aundh, Smṛtigrantha (Marathi). Śrīmant Bhavanrāo PantpratinidhīJanmaśatābdī Smārak Samiti, Pune, 1968.MĀḌGUḶKAR, G. D. (Ga. Di.) Maṁtaralele Divas. Sadhana Press, Pune, 1977.MĀḌGUḶKAR, G. D. (Ga. Di.) Tīḷ āṇi Tāndūḷ. Viśvamohinī Prakāśan, Pune,1977.NATESA SHASTRI, S. M. and Bhawanrao Shriniwasrao PANT.Kumārasampavam: The Kumārasaṁbhava of Kālidāsa. Kartiyan Press,Madras, 1913.PANT, Appa. An Unusual Raja: Mahatma Gandhi and the Aundh Experiment.Sangam Books, Hyderabad, 1989.PANT, Appa. A Moment in Time. Orient Longman, Mumbai, 1974.PANT, Appā. Mulakhāvegaḷā Rājā. Mansanman Prakashan, Pune, 1986.PANT, Bhavānrāo Śrīnivasrāo (author and publisher). Ajaṇṭhā LeṇyātīlŚilpakalā āṇi Citrakalā. Aundh, 1930.PANT, Bhavānrāo Śrīnivasrāo. Das Sonnengebet: Yoga Übungen für Jedermann.Günther, Stuttgart, 1955.PANT, Bhavānrāo Śrīnivasrāo. Kīrtanasumanahāra. Śaṅkara Nārāyaṇa Jośī,Pune, 1929.PANT, Bhavānrāo Śrīnivasrāo (author and publisher). NetrabalasaṁvardhakVyāyām, Aundh, 1930.PANT, Bhavānrāo Śrīnivasrāo (author and publisher). The PictureRāmāyaṇa, Aundh, 1916.PANT, Bhavānrāo Śrīnivasrāo (author and publisher). Sūryanamaskār: AnAncient Indian Exercise, Aundh, 1930.PANT, Bhavānrāo Śrīnivasrāo. Sūryanamaskāras for Health, Efficiency andLongetivity, R. K. Kirloskar, Aundh, 1929.PANT, Bhavānrāo Śrīnivasrāo. Sūryanamaskāra (Hindi), Śrīpād DāmodarSātavaḷekar, Pardi,1973.PANT, Bhavānrāo Śrīnivasrāo (author and publisher). The Ten‐point Way toHealth: Sūryanamaskāra, Aundh, 1938.PANT, Bhavānrāo Śrīnivasrāo (author and publisher). Verūḷ (Ellora),Aundh, 1928.26The Bibliography includes books that have no bearing on this topic but areauthored / published by Bhavānrāo as also those that contain various aspects of hislife.


248 BAPAT L. SHREENANDPANT‐PRATINIDHI, Bhavānrāo Śrīnivasrāo (author and publisher). Ātmacaritra(2 Volumes), G. K. Kulkarni, Aundh, 1946.PANT, Bhawanrao Shriniwasrao and RANADE, Ramachandra Dattatreya.Ellora: A Handbook, D. B. Taraporewala Sons and Co., Bombay, 1929.PANT, Nalinī. Ek Pravāsa: Ek Śodh, Orient Longman Ltd., Mumbai, 1975.PAṬAVARDHAN, V. A. (Vi. A.) Dakṣiṇ Mahārāṣṭrātīl SaṁsthānāṁcyāVilīnīkaraṇācī Kathā, Pune, 1966.(Annual) Report of the Bhandarkar Oriental Research Institute, Pune. (RBORI)Report of the Working Committee of the Bhandarkar Oriental Research Institute,Poona City, from 6th July 1915 to 10th September 1918. (RWC)ROTHERMUND, Indira. The Aundh Experiment: A Gandhian Grass‐rootDemocracy, Somaiya, Bombay, 1983.TADPATRIKAR, Shriniwas Narayan. Shri Bhavanrao Silver Jubilee Volume:A Publication of the Universal Appreciation of Twenty‐five Years’ MostProgressive and Successful Rule of Shrimant Bhavanrao alias BalasahebPant Pratinidhi, Ruler of Aundh. Silver Jubilee Committee, Aundh, 1934.TUPE, Bapurao. Socio‐economic Study of Aundh State (1854 to 1948)(Unpublished Doctoral Dissertation submitted for Doctorate in Historyto the Shivaji University, Kolhapur, under the guidance of Dr. A.M. Sutar of the R. T. Patil Kanya Mahavidyalaya, Ichalkaranji, Dist.Kolhapur).


ÉTUDES D’HISTOIRE DU <strong>LIVRE</strong>*STUDIES OF BOOK HISTORY


Livres des bibliothèques médiévales roumaines,conservés dans la Bibliothèquedu Saint Synode de BucarestPOLICARP CHIŢU<strong>LE</strong>SCUBerceau de la spiritualité, de la culture et de la civilisation roumaine,l’Église Orthodoxe a créée et mis en évidence, les valeurs et les activitésqui sont issues de la beauté intérieure de l’homme, celle‐ci, ayant commesource la foi et la méditation.Pour conséquent, c’est moyennant l’aide substantielle de l’Église queles Roumains ont bénéficié de l’union en tant que nation, utilisant la mêmelangue, des écoles de musique ou des calligraphes et copistes remarquables,des ateliers où sont nés, de véritables chefs‐d’œuvre d’architecture, depeinture et d’art, en général.Après avoir renoncé à l’utilisation du slavon dans les services divins,s’est née une nouvelle langue roumaine, premièrement liturgique, qui s’estdéveloppée comme langue littéraire. Dans cette direction, ont contribué :l’hymnographie religieuse, la littérature patristique, hagiographique ethomilétique, toutes fondées sur la tradition des vieilles sources chrétiennes.C’est ainsi que les évêques et les servants de l’Église se sont identifiésaux intérêts du peuple dont ils ont conservé la beauté et l’intégrité.Il faut souligner qu’au sein de l’Église ont paru chez nous, les premièresimprimeries. Leur publications ont été envoyées partout dans l’OrientChrétien et non seulement, pour aider les confrères orthodoxes, oppriméspar les Ottomans, en leur offrant généreusement une nourriture spirituelletrès importante: des outils typographiques et surtout des livres dans leurpropre langue. Des étrangers érrants de l’ancienne ville de Constantinopleou du vieux Byzance, ont été souvent à l’abri dans les maisons accueillantesde chez nous où ils ont eu la possibilité de mettre en valeur et de cultiver,leur talent créateur.


252 POLICARP CHIŢU<strong>LE</strong>SCUIl est par conséquent tout à fait naturel de retrouver les premièresbibliothèques roumaines au sein des monastères, les moines étant lespremiers gens instruits des Roumains. 1Mes propos veulent contribuer à la reconstitution des anciennescollections des livres, pour mettre en évidence l’horizon culturel et lespréoccupations des intellectuels de jadis.La Bibliothèque du Saint Synode localisée dans le Monastère Antim,à Bucarest, continue la vieille tradition de conservation des livres anciens,roumains et étrangers, qui sont un véritable trésor. Leur étude, a faitdécouvrir sur plusieurs exemplaires, la signature des plus renomméset passionnés collectionneurs de livre de chez nous: l’écuyer tranchantConstantin Cantacuzino, le prince Nicolae Mavrocordat, le métropoliteNeofit de Crète, sans oublier aussi le nom des métropolites de la Valachie,Teodosie et Antim Ivireanul, dont les efforts, dans le même domaine, sontconsignés sur les feuilles des volumes.Il y a aussi des chercheurs tel: Marta Anineanu, Mihail Carataşu, C.Dima‐Drăgan etc., qui pour certaines raisons, n’ont pas pu révéler desdétails qu’il est temps maintenant d’éclaircir.Au début, la Bibliothèque du Saint Synode servait aux évêques del’Église Orthodoxe Roumaine, qui, faute d’un espace convenable, utilisaitplusieurs locations pour ses séances de travail. En 1877, pour fonder laBibliothèque du Saint Synode, quelque centaine de livres ont été apportésdu monastère Hurezi par l’archidiacre Gherasim Saffirin. En 1912, lesautorités supérieures de l’Église ont reçu un siège, spécialement bâti (lePalais du Saint Synode) au sein du monastère Antim. C’est à l’initiative dubrave patriarche Justinian Marina (qui a conduit l’Église Roumaine entre1948‐1977)) que la bibliothèque a été réorganisée, durant les travaux deréaménagement du palais, en 1959. Grâce à lui, beaucoup de spécialistesde grande valeur, pourchassés pour leurs idéal de liberté, par le régimecommuniste, et sans moyens d’existence, y ont trouvé un emploi debibliothécaire où leurs compétences soient mises en valeur et appréciées.En ajoutant les collections de la bibliothèque du monastère « Tousles Saints » (Antim), celle de la Faculté de Théologie de Bucarest (ycompris les quatre bibliothèques du « Séminaire Central de Bucarest1V. VĂTĂŞIANU: “L’histoire de l’art du Moyen‐Age dans les Pays Roumains »Bucarest 1959 (qui renferme une riche présentation de la création artistique développéeautour des monastères roumains) apud. Barbu Teodorescu « La culture de la Métropoliede l’Hongrovalachie, Erudits, typographes… dans la revue l’Église Orthodoxe Roumaine,1959, no. 7‐10, p. 827.


Livres des bibliothèques médiévales roumaines... 253et celle du « Séminaire Nifon ») la Bibliothèque du Saint Synode s’estsubstantiellement enrichie 2 .L’ancienne bibliothèque de la Métropole de l’HongrovalachieIl y a des opinions différentes concernant la naissance de la bibliothèquede la Métropole, dont la Bibliothèque du Saint Synode hérite partiellementses livres. On suppose, même si un document attestant cela n’existe pas,qu’il y a eu auprès de chaque monastère des livres nécessaires au bondéroulement des services divins. Les écrits des Saints‐Pères de l’Église ontété copiés et imprimés dans les typographies des monastères « à l’usage dela communauté », comment indiquent les notes trouvées sur des manuscrits.Les ouvrages ainsi imprimés, ont été conservés avec des manuscrits qu’ona trouvés dans les monastères> Bistriţa de Vâlcea et Hurezi ou biendans les Évêchés de Râmnic et de Buzău. Les plus anciennes collectionsde manuscrits et de livres de la Valachie, sont celles appartenants auxmonastères : Radu‐Vodă, Antim, Cernica, Ghighiu, Curtea de Argeş,Dălhăuţi, Poiana Mărului, Cozia, etc.On a affirmé jusqu’à présent que était vraisemblablement antérieureau XVIII ème siècle 3 ; on a souligné également, que cette bibliothèque avaitété créée a l’initiative du métropolite Neofit de Crète (selon ses propresdires 4 qui avait même fait bâtir une pièce spéciale 5 à cet effet. Le prélaty a apporté ses propres livres, mais aussi ceux que Constantin, le fils deNicolae Mavrocordat, lui avait mis en gage.La Bibliothèque du Saint Synode possède 17 volumes (de l’anciennebibliothèque de la Métropole) qui contiennent les notes du métropoliteTeodosie (1668‐1672, 1679‐1708) dont quelques‐unes sont faites avant1701 6 , ainsi, on peut affirmer que ses origines remontent beaucoup plus2En 1836, La Bibliothèque Nationale du Saint‐ Sava a reçu une partie de vieuxlivres appartenant à la bibliothèque de la Métropole et, en 1868, une autre partie est offerteau Séminaire Central de Bucarest, les deux Séminaires (Central et Nifon) étant supprimésen 1948, leurs livres et manuscrits ont été déposés à la Bibliothèque de la Faculté deThéologie pour y rester, jusqu’en 1959.3Marta Anineanu « De l’histoire de la bibliographie roumaine ». Le cataloguesystématique de la bibliothèque de la Métropole de Bucarest de 1836” in: Études etrecherches de bibliologie, I, 1955, Maison d’édition de l’Académie RSR, p. 1134Ibidem, p. 1145On suppose qu’il s’agit de la pièce aux murs épais en brique, située sur le côté del’ouest de la chapelle de la Résidence du patriarche (restaurée par N. Mavrocordat)6Marta Anineanu cite, sans avoir vu, pourtant les notes de Teodosie de 1700 et1701 sur les volumes « Les vies des saints », imprimés en Lavra Pecerska, Kiev en 1689et 1700, op. cit. p. 113


254 POLICARP CHIŢU<strong>LE</strong>SCUloin dans le passé. Voilà ce que le métropolite Teodosie écrivait sur unMénée slavon du mois de juillet, imprimé à Moscou en 1646: « Ce livreappelé Ménée a été acheté par le métropolite Teodosie avec 3 zlotes et a étéoffert à la Sainte Cathédrale Métropolitaine, le 18 février 7193 (1685) pourqu’on s’en souvienne de lui ». 7De même, sur 2 volumes des Vies des Saints imprimés à Kiev en 1689et 1700, on trouve ces mots: « Ce livre saint, appelé La vie des Saints estoffert à la Sainte Cathédrale Métropolitaine de la Valachie de Bucarest, parle vénérable Ioan Mazepa hatman d’Ukraine en son souvenir». Cela s’estpassé durant le temps du métropolite de la Valachie qui jète l’anathème surtoute personne qui va oser le soustraire, en 7209 (1701). À la différencedu premier volume, dans celui paru en 1700, le nom du donateur est IoanMatei, grand hatman. On retrouve la même note, qui date de 7209 (1701)sur un Horologion (Polustav) de 1682, paru à Pecerska et sur un autrevolume intitulé: Le livre de notre Père, Basile le Grand, l’archevêque dela Cesarée de Capadoce, paru à Ostrog, en 1594.Sur un Ménée du mois d’octobre paru à Buzău, en 1698, on retrouvesur plusieurs pages, le texte suivant: « Ce Ménée a été offert au SaintMonastère Iezerul 8 , dont la patronne est la Sainte Vierge, par le métropoliteTeodosie, pour qu’il soit à l’usage de l’église. Celui qui osera le soustraireva être maudit! L’année 7207 (1699) ».Il en résulte que le prélat achetait, offrait et recevait des livres entant que donations des personnes marquantes de son temps. Il avait aussiune bibliothèque personnelle, en dehors des livres utilisés dans l’église,bibliothèque héritée après sa mort, par la Métropole.Mais il y a d’autres volumes qui ont également appartenu à la bibliothèquede la Métropole, institution qui a continué à exister ininterrompu, depuis sanaissance. Voilà, seulement, quelques exemples:• D. Hieronymi, Operum Quartus Tomus, Basileae, 1565 (on a gardéseulement, la moitié de la couverture en bois, sur laquelle on voitécrit, en roumain: « appartenant à la Cathédrale Métropolitaine »)• Ménée du mois juillet en grec, Venise, 1684: «ce Ménée appartientà la Sainte Cathédrale Métropolitaine».7Sur chaque Ménée slavon (il y en a douze) imprimés à Moscou en 1691, lemétropolite écrit dans une belle langue roumaine: « Ces douze Ménée ont été achetés parle très Saint kir Teodosie, le métropolite de l’Hongrovalachie pour qu’ils soient à l’usagede la Sainte Cathédrale Métropolitaine de Târgovişte; que celui qui ose les soustraire,soit maudit à jamais! L’année 7201 (1693), 15 août. » Les volumes se sont conservésjusqu’aujourd’hui dans un très bon état, ils sont reliés en cuir marron, ayant des fleursdorées sur les tranches.8Du département Vâlcea.


Livres des bibliothèques médiévales roumaines... 255• Les « Merveilles de la Sainte Vierge », Novgorod, 1700 : «De labibliothèque de la Sainte Cathédrale Métropolitaine».• Octoèchos slavon (Osmoglasnic), Venise, 1764: «appartient auconfesseur Misaila, de la Cathédrale Métropolitaine, Bucarest,1788, le 25 mars».• Euhologion, Moscou, 1769: «de la bibliothèque de la SainteCathédrale Métropolitaine de l’Hongrovalachie»; on remarque quela langue utilisée dans ces vieux livres est surtout, le slavon.C’est le Saint Métropolite Dosoftei, (avec ses éditions des « Liturgies »1679, 1683) et le Saint Antim Ivireanul (avec l’« Euchologe» de Râmnic,1706 et le « Missel », de Târgovişte, 1713) qui vont utiliser le roumainen tant que langue liturgique. Récemment découverts et étudiés dans laBibliothèque du Saint Synode, les livres qui ont appartenu au SaintAntim Ivireanul ont une grande importance pour nos recherches. On neconnaissait qu’un seul volume appartenant à l’érudit métropolite. Il s’agitde « Capitole îndemnătoare – Chapitre qui conseillent » Bucarest, 1691,ouvrage sur lequel Antim Ivireanul avait écrit en grec : « Appartenant,comme les autres, à l’hiéromoine Antim Ivireanul, typographe. Antimos. 9On a identifié la signature du prélat sur quatre « ménées » grecquespubliées à Venise en février et juin 1678, en janvier 1682 et en décembre1685. À l’usage d’Antim, l’évêque de Râmnic, écrit celui‐ci dans la partieinférieure de la feuille de titre, ce qui prouve qu’il a écrit entre 1705 et1708, durant son épiscopat à Râmnic 10 .Le ménée de juin (1678) a sur la feuille de début, la note suivante,en grec: « Chiril l’hiéromoine, prêtre (proestos) du monastère Tous lesSaints», le 2 juillet 1765. Sur la partie postérieure de l’ouvrage on trouveces mots, en roumain: « Chiril, l’hiéromoine, prêtre du monastère Tous lesSaints, fils du défunt prêtre Moise ot Sfeti Nicolae de Şelari, 1765 ». Uneautre écriture, note en bas, l’année 1805. Dans les feuilles de ce volume ona trouvé un obituaire (diptique) avec l’en‐tête « La Paroisse Antim » quidate de la période d’entre les deux guerres mondiales.Le Ménée de février (1678) a sur la partie postérieure, une note engrec,: « Moi, Toma, fidèle à Dieu, à la Sainte Vierge et à tous les Saints ».La même écriture ajoute en bas, une malédiction de 1709 contre celui quivoudrait soustraire le livre. Il y a aussi un « Mihail » qui signe en roumain,9Découvert et publié par L. Bacâru en : « Considérations sur la bibliothèqued’Antim Ivireanul à partir d’un ex‐libris autographe en «Valeurs bibliophiles du PatrimoineCulturel National , I, Râmnicu‐Vâlcea, 1980, p. 21910Voir l’analyse des ex‐libris du Saint Antim chez Aurelian Sacerdoţeanu : « AntimIvireanul, archiviste, bibliothécaire, typographe dans la revue Glasul Bisericii 1963, no.9‐10, p. 875


256 POLICARP CHIŢU<strong>LE</strong>SCUen 1731 ; voyons, aussi, quelques signatures (de 1894 et 1927 ) laissées pardes élèves du « Séminaire Nifon » où les volumes ont passé quelque temps.Sur la couverture d’un Ménée de décembre (1685) il y a en roumain, lesmots suivants: « Le chancelier Nicolae Grecul, le neveu de l’higoumène,l’archimandrite du monastère Antim, décembre, l’année 1790.À la fin du livre, Nicolaos Gramatikos jetait l’anathème sur tous ceuxqui auraient osé faire détourner le livre de monastère Tous les Saints. Sur ladernière feuille du ménée, sur l’emblème de la renommée maison d’éditionde Nikolaos Glykis, il y a aussi une signature de 1795.En revanche, dans le Ménée de janvier 1682 il n’y a aucune note, saufcelle de Saint Antim.La présence de ces livres en grec « à l’usage du Saint‐Antim »s’explique par le fait que leur propriétaire connaissait très bien le grec, deConstantinople où il avait deposé les vœux, parait‐il, avant son arrivée enValachie. Il est possible qu’il les ait achetés durant son épiscopat à Râmnicou qu’il les ait prêtés à Mitrofan, l’évêque de Buzău, avant 1698, pour lesfaire imprimer en roumain. Nous pouvons supposer aussi, que saint Antimait aidé le chancelier Radu Greceanu « de metre du grec en roumain »certains passages trouvés dans les élégants Ménées commandés en 1698,par le voïvode Constantin Brâncoveanu.De tout façon, ces livres, les seuls découverts jusqu’à présent ayantla signature du Saint Antim, en tant que titulaire de l’évêché de Râmnic,parlent d’une collection importante apportée par le prélat à Bucarest etofferte plus tard, à son monastère. Ils y sont restés, même après sa mort,selon les notes trouvées sur les feuilles, car étant des livres de culte, ceux‐cin’ont pas été convoités par les pillards, préoccupés du gaspillage et de lamise en vente, des bien du métropolite assassiné en 1716.Quant au monastère de « Tous les Saints », celui‐ci a reçu le nom de sonfondateur, même de son vivant, tandis que les Ménées ont été utilisés par lesélèves du « Séminaire Nifon »pour apprendre le grec, s’exerçant parfois, lessignatures sur leurs feuilles. Ce qui est certain ce sont les préoccupationsdu Saint Antim pour les livres grecs et roumains de la bibliothèque fondéepar lui‐même et dont la manière d’organiser, il nous parle dans le XVIII èmechapitre de son Testament ( Diata ).La bibliothèque de la famille CantacuzinoConstantin Cantacuzino, le père de l’érudit écuyer tranchant (stolnic)ayant le même nom, avait fait construire quelques bâtiments auprès de safondation, le monastère Mărgineni, de Prahova. C’est dans cet endroit qu’il


Livres des bibliothèques médiévales roumaines... 257conservait un véritable trésor: des livres rares et de vieux manuscrits engrec et latin.Constantin Cantacuzino le père, était arrivé en Valachie durant lerègne de Radu Mihnea (1611‐1616) après avoir étudié a Constatinople etdans quelques grandes écoles de l’Europe de la Renaissance. Élevé parle voïvode Matei Basarab, au rang de « postelnic » pour sa culture et sonesprit pratique, malheureusement, il sera tué en 1663, sous l’ordre d’unautre prince régnant, Grigorie Ghica, pour l’accusation de trahison.Rentré des études de Padova, Constantin Cantacuzino le fils, vaenrichir la bibliothèque de Mărgineni par des livres, achetés en Italie,ou reçus des amis de l’étranger ; on connaît également, qu’il a achetédes livres rares des soldats qui avaient participé au siège de Camenitza(1672), de Vienne (1683) ou des soldats d’Emeric Tököly qui avaient pilléles maisons des nobles de Transylvanie. L’utilisation de ses livres parpersonnes qui aimaient la culture est prouvée par une note de 1696, trouvéesur la Grammaire de Meletie Smotriţchi, parue à Moscou en 1648. La noteappartient à l’évêque Damaschin de Râmnic, l’enseignant des enfants duConstantin Cantacuzino le fils.On sait aussi, l’aide du Constantin Cantacuzino le fils, accordé auxérudits de Valachie (pour la traduction de la Bible de Bucarest, parueen 1688) et aux frères Greceanu, pour la traduction des Perles de SaintJean Chrysostome [Mărgăritare], Bucarest, 1691, et de la Confessionorthodoxe [Pravoslavnica mărturisire] Buzău, 1691, en utilisant pourcela, des documents de sa propre bibliothèque. Après sa mort, les livres deConstantin Cantacuzino le fils, ont été pris par le prince régnant NicolaeMavrocordat qui a mis son propre « ex‐libris » à la place de celui de C.Cantacuzino et les a donné partiellement, au monastère de Văcăreşti, safondation. D’autres, ont été retrouvés dans la bibliothèque de la Métropole,ou bien dans celle du Séminaire Central, d’où, des exemplaires, ayantl’ex‐libris du Constantin Cantacuzino le fils, sont été abrités aujourd’hui,par la bibliothèque du Saint Synode.Sur la partie inférieure de la feuille du titre de l’ouvrage : Sur lesprincipes calvins et les questions de Chiril Lucaris, signé par MeletieSirigul, paru en grec, à Bucarest en 1690 (BRV vol. I, 90, p. 298) il ya deux notes, toujours en grec: l’une, plus ancienne et décolorée dontl’écriture tremblée appartient sans doute, à une vieille personne, ex‐librisKonstantinou Kantakouzinou et une autre, qui est identique à l’écriture duConstantin Cantacuzino le fils.Sur la feuille du titre de l’ouvrage : Tou en aghiis patros imon AthanasiouArhiepiscopou Alexandrias. Ta evriskomena apanda qui contient les


258 POLICARP CHIŢU<strong>LE</strong>SCUœuvres complètes du Saint Athanase le Grand (Paris, 1627) on trouve enlatin: Ex‐libris Constantini C(antacuzeni) . La note a été ensuite couverte etsur la feuille suivante, il y a une note en grec, appartenant au prince NicolaeMavrocordat : Offert à l’honorable monastère de la Très Sainte‐Trinitéde Văcăreşti, par le très vénérable prince régnant « ighemonos » de toutel’Hongrovalachie, kiriou kir, Jω Nicolae Alexandru, prince régnant.L’année 1723, le mois de juin.On a retrouvé la signature du Constantin Cantacuzino le fils, sur lafeuille de titre de l’ouvrage : Sancti Gregorii Nazianzeni CognomentoTheologi opera (« Les œuvres du Saint Grégoire le Théologien ») paruà Paris, en 1609. Sur la 19 ème page du livre Theodoritos, episkopou Kirou,Ermeineia is to Asma ton Asmaton , Venise 1639, Constantin Cantacuzino lefils a écrit avec encre noir, en grec : ex‐libris Konstantinou Kantakouzinouet sur la 18 ème page une autre main a ajouté : offert par le même noble àMihail Macri de Joannina.Il est possible aussi qu’un membre de la famille de Cantacuzino asigné Ex‐libris Constandinus sur la feuille de titre du livre : AristophanesEustrati, Comodie endeka, Venise, 1538.Les efforts pour identifier les volumes de la bibliothèque du Monastèrede Mărgineni, bâti par les Cantacuzins, ont mis au jour des centainesd’ouvrages signés et non‐signés par les membres de cette famille. Apartir de la 1837, les livres 11 appartenant à la bibliothèque de Mărgineni(une grand partie) ont été dirigés, par les officiels, vers la bibliothèque del’Ecole Centrale de Craiova (l’ex‐collège « Nicolae Bălcescu », le collège« Carol I » d’aujourd’hui. Les chercheurs ont découvert d’autres exemplairesà la Bibliothèque de l’Académie Roumaine et aussi, à l’étranger.Livres de la Bibliothèque de Nicolae Mavrocordat (1715‐1716;1719‐1730)Après avoir régné plusieurs fois en Moldavie et Valachie, NicolaeMavrocordat s’est imposé surtout, par les mesures d’émancipation prisesdurant sur dernier règne en Valachie. Ses préoccupations savantes se sontmanifestées, non seulement, par des fondations des monastères et ouvrages11Les exemplaires des familles Cantacuzino et Mavrocordat qui se trouvent dans labibliothèque de Craiova ont été signalés par le professeur I. Popescu‐Teiuşan dans l’étude« L’ancienne bibliothèque du Collège populaire « Nicolae Bălcescu » de Craiova » paruen « Études et recherches documentaires et bibliologiques », n 0 2, 1964, pg. 183‐196,ayant à la fin, la liste des livres. Il faut revoir également l’étude de C. Dima‐Drăgan“Bibliothèques humanistes roumaines » paru à Bucarest, 1974 qui contient toutes les datesconnues jusqu'à nous, concernant les bibliothèques des Cantacuzins et des Mavrocordats.


Livres des bibliothèques médiévales roumaines... 259originaux, mais aussi par sa passion d’amasser des livres et des manuscrits,dont les feuilles gardent des notes de lecture très intéressantes. Aussi, sabibliothèque, comprenant des livres et des manuscrits achetés à grossessommes d’argent à Constatinople, Mont Athos ou à l’Orient, est‐elle restéecélèbre dans l’Europe, toute entière. Même le roi de France désirait lesobtenir par échange avec les siens, ou tout simplement, par reproductionmanuscrite. Cette bibliothèque s’est également enrichie grâce aux effortsde Constantin, le fils de N. Mavrocordat.L’une du plus importants réalisations de N. Mavrocordat, c’est lemajestueux « Monastère de la Très‐Sainte Trinité » de Văcăreşti, le plusgrand ensemble monastique du Sud‐Est de l’Europe, jusqu’en 1986,lorsqu’il a été anéanti. Grâce à l’importance de son fondateur, le métropoliteDaniil de la Valachie, accompagné d’un grand nombre de prélats, fera laconsécration de l’église, où, conformément aux désirs de N. Mavrocordat,un grand nombre de pauvres devait être nourri.N. Mavrocordat a aussi cédé beaucoup de livres à la bibliothèque dumonastère de Văcăreşti, livres enregistrés en 1723 « lors de la donationinaugurale du fondateur », le monastère étant achevé en septembre 1722 12 .Après la mort de Nicolae Mavrocordat la bibliothèque du monastère aété confiée au métropolite de l’Hongrovalachie, Neofit de Crète ; celui‐ciavait rendu, une fois, à Constantin, le fils de Nicolae Mavrocordat, unesomme importante d’argent. Puis, Constantin a payé sa dette avec uncertain nombre de livres en s’ajoutant ainsi à la bibliothèque de Neofit,puis, léguée elle aussi, à la Métropole de la Valachie. 13Dans la bibliothèque du Saint Synode il y a beaucoup de livres ayantla signature du prince régnant, en tant que donateur, au monastère deVăcăreşti :• Ploutarhou Haironeos, Peri pedon agoghis. Plutarchi deliberis educandis commentarius. À la page 13 il y a une note engrec: … offerts avec les autres, au Saint Monastère Princier de laTrès‐Sainte Trinité de Văcăreşti, par le très honorable et très sageprince régnant de toute l’Hongrovalachie, kiriou kir, Io AlexandruNicolae Voievod, 1723, le mois de juin.• On retrouve le même texte sur les volumes suivantes :• Symbolarum in Mathaeum tomus alter quo contientur Catena12C. Dima‐Drăgan « Bibliothèques humanistes roumaines », Bucarest, 1974, pg. 5913Cf. Mihail Carataşu, “Des nouvelles concernant la bibliothèque de la Métropolede Bucarest pendant le XVIII ème siècle » dans : « Études et recherches en bibliologie »1974, Maison d’Édition d’Académie Roumaine », p. 133


260 POLICARP CHIŢU<strong>LE</strong>SCUPatrum Graecorum triginta collectore Niceta Episcopo Serrarum,(Tolosae, 1697). Ici, la dédicace a été couverte par un propriétairepostérieur, d’une encre qui s’est décolorée à cause du temps, cequi fait que sa lecture soit possible. Le deuxième tome garde sur latranche, des cotes de classement (de bibliothèque).• Testamenti Veteris Biblia Sacra sive libri canonici priscae iudeorumecclesiae a Deo Traditi (Geneva 1630). On ajoute à ceux‐ci, levolume mentionné concernant les livres de C. Cantacuzino et deuxautres ouvrages de la bibliothèque personnelle de N. Mavrocordat :• De religione gentilium errorumquae apud eos causis authoreEdoardo Barone Herbert de Cherbury, (Amsterdam, 1700).• Hugo Grotius, De veritate Religionis Christianae, (Hagae‐Comitum,1718) avec la mention : Ex‐Libris Joannis Maurocordatti m.On a trouvée dans la bibliothèque du Saint Synode plusieurs volumesayant au milieu de la feuille de titre, un « ex‐libris » d’une écriture menue,discrète : joannis n. (8 volumes), jωαννυ sκαρλατου(2 volumes) ou joan.scarlatti (2 volumes). L’écriture en est différente ce qui fait penser a deuxpersonnes dont la signature est semblable. 14Pour la formule latine « Joannis » et huit variantes de celle‐ci, C.Dima Drăgan identifie un seul signataire, c’est‐à‐dire le grand chambellan(intendant) Ioan Scarlat 15 (Ianache), le gendre de N. Mavrocordat quipossédait lui aussi, une bibliothèque tout à fait personnelle. 16Pendant sa jeunesse, le même chercheur, affirme que le prince régnantsignait tout simplement „Ex‐libris Ioan. Scarlatti M.” (Scarlatti étant lenom de la famille de sa grand‐mère). Mais la signature Scarlatti paraîtmême en 1726 lorsque le voïvode n’était plus jeune. 17 Par conséquent, onsuppose qu’il a signé quelque fois « Joannis N. » (Ioan signifiant élu parDieu pour régner).Bien qu’on ait consulté les volumes indiqués par C. Dima Drăgande la bibliothèque de l’Académie Roumaine, on ne peut pas s’expliquerl’omission de chercheur qui ne tient pas compte de « n » ajouté à Ioannis etqui peut‐être, l’abréviation de « Nicolai ».Il y a un autre volume : I Palhea Diathiki kata tous evdomikonda Vetus14Ibidem, pp. 60‐6115Ibidem, pp. 61‐6216Les livres du grand chambellan ont été tout d’abord déposés à Văcăreşti, pourarriver finalement à la Bibliothèque du Séminaire Théologique Central.17C’est ainsi qu’il signe sur le volume « Oeuvres » de N. Machiavelli, I ère partie,Haya, 1726 apud. « Livres anciens en Roumanie », Buc., 1962, fig. 38


Livres des bibliothèques médiévales roumaines... 261Testamentum Graecum ex versione Septuaginta interpretum‐ (Londini,1653) sur lequel on a trouvé une note en grec : ek ton tou joannouskarlatou; l’ex‐libris 18 ne ressemble pas du tout aux autres, on soupçonnequ’il appartient au gendre de Nicolae Mavrocordat. C’est toujours lui quia signée, peut‐être, sur la feuille de titre de l’ouvrage Bibliotheca PatrumApostolicorum Graeca‐Latina Lipsiae, 1699 : jωαννυ. En utilisant uneautre encre, quelqu’un d’autre a encadré plus tard le nom par « και θοδε”et« Scarlat » d’où « celui‐ci appartient également à Ioan Scarlat ».Il y a par conséquent deux signatures qui rassemblement: l’une, surles livres pris par le gendre de Nicolae Mavrocordat et sur lesquels il estpossible que celui‐ci ait modifié l’ex‐libris du prince; une autre, sur leslivres gardés par le prince‐règnant qui a signée plus simple : « joannis n.»avec un symbole soussignée au nom (la lettre « m »). Cette signaturen’appartient pas nécessairement à la période de la jeunesse du prince.Voilà les volumes dont «ex‐libris» nous les avons reproduit exactement :• Philippi A. Limborch, De Veritate religionis christianae, Goudae,1687: ex‐Libris joannis n. (on a ajouté un sc.[arlat] sur la lettre« n »)• Ek tou ktisiou Agatharhidou, Memnonos, [Paris],1552, Ex officinaHenrici Stephani Parisiensi typographi: ex‐libris joan: scarlatti(avec un « m » soussigné)• S. Clementis Epistolae Duae ad Corinthios, Londra, 1687: ex‐librisjoannis. n. (avec un « m » soussigné)• Genesis Mosis Prophetae liber primus, Amsterdam, 1710: ex‐librisjoannis n: (avec un symbole soussigné indéchiffrable « m ?»)• Mosis prophetae libri quator: Exodus, Leviticus, Numeri etDeuteronomium, Amsterdam, 1710: ex‐libris joannis n. avec unsymbole soussigné indéchiffrable « m ?»)• Illustrium Christi Martyrum Lecti triumphi, vetustis graecorummonumentis consignanti, Paris, 1660: ex‐libris joan: scarlati, avecun symbole soussigné (qui semble effacé); il est possible qu’ils’agisse de la signature de jeunesse du voïvode.• Sacrorum bibliorum vulgatae editionis Concordantiae, Antuerpiae,1718: ex‐libris joannis n.: (avec un signe « m » soussigné)• Themistokleos, Epistolae graece et latinae, Lipsiae, 1710: ex‐LibrisJoannis n.• Origenous, Peri evhis syntagma, [Paris, 1602] ex‐Libris joannis n(avec un « m » soussigné au nom)18C. Dima‐Drăgan ne connaît pas cet ex‐libris appartenant au grand chambellan,voir son œuvre rappelé., p. 62


262 POLICARP CHIŢU<strong>LE</strong>SCU• Petr. Frid. Arpe., Theatrum fathi sive notitia scriptorum deProvidentia, Fortuna et fato, Rotterdam, 1712: ex‐Libris Joannisn. (avec un « m » soussigné au nom)La destinée de la riche bibliothèque des Mavrocordats a été tragique:une grande partie a été gaspillée et mise en vente à Constantinople pourcertains dettes, après la mort de Nicolae, tandis que des autres parties(celles trouvées à Bucarest, dans le monastère de Văcăreşti) sont restéesdans le soin de Constantin.Livres de la bibliothèque du métropolite de l’Hongrovalachie, Neofitde Crète (1738‐1754)Né dans l’île de Crète, ce prélat devient, grâce à sa culture et à sesvastes connaissances scientifiques, l’enseignant d’Alexandru, le fils duprince régnant, Constantin Mavrocordat.C’est toujours lui (on l’a déjà dit) qui s’est occupé de l’organisationd’un établissement spécial pour la Bibliothèque Métropolitaine qu’il vaenrichir par des dons personnels ou provenant des Mavrocordats.Les catalogues de cette bibliothèque, organisés selon la grande diversitédes livres et des manuscrits et gardées jusqu’à nos jours, mettent en évidencela passion de l’érudit métropolite pour les livres. Dans son testament 19 de20 février 1748, le prélat retrace l’histoire des moments les plus importantsdans l’organisation et l’enrichissement de cette bibliothèque. On a retrouvéun catalogue partiel 20 qui appartient à la bibliothèque, catalogue rédigé versla moitié du XVIII ème siècle et qui contient à peu‐près 200 titres. Il y a desouvrages très connus de littérature, de philosophie et de théologie, en grec,latin, turc et roumain. Dans la Bibliothèque du Saint Synode, il y a des livres del’ancienne bibliothèque Métropolitaine, avec l’ex‐libris du métropolite Neofit,accompagné d’une malédiction contre tous ceux qui voudraient les soustraire :• Emin. Card. Caesaris Baronii, Compendium annaliumecclesiasticorum, Prague, 1736.• R.P. Jacobi Tirini Antuerpiani E Societate Jesu, In SacramScriptura commentarius, Venise, 1738.19Mihail Carataşu « Nouvelles concernant la Bibliothèque de la Métropole deBucarest pendant le XVIII ème siècle » dans : « Études et recherches en bibliologie » 1974,p. 13320La Bibliothèque de l’Académie Roumaine, Ms. rom. 2106, « Registre dedocumentes, lettres, diverses notes et comptes appartenant au métropolite Neofit Ide l’Hongrovalachie » apud. (G. Ştrempel, « Le catalogue des manuscrits roumains »,Bucarest, 1983, p. 171)


Livres des bibliothèques médiévales roumaines... 263• Canones SS Apostolorum Conciliorum Generalium etprovincialium: Sanctorum Patrum Epistoliae canonicae, Paris,1620, l’ex‐libris est signé en 1742 ; le volume contient plusieursobservations marginales qui appartient au métropolite. On observeson sceau en noire de fumée avec la crosse, la croix et la mitred’évêque, encadrées par ses initiales: N(eo)F(it), M(étropolite)U(n)g(rovlahiei). 7247 (1739).• Varinos, To mega Lexicon, Venise, 1712 avec ex‐libris signé en 8juin, 1739.• Calmet, Dictionnaire historique, critique, chronologique,géographique et littéral de la Bible, t. I, II, Paris, 1722• Abraham Tromii, Concordantiae Graecae versionis vulgo dictaeLXX interpretum, t. II, Amsterdam, 1718.• Ioannes, arhiep. Konstantinoupoleos tou Hrisostomou, Taevriskomena panda, t. II, Venise, 1734, sur lequel il y a une note ennéo‐grec : Offert par le Très‐Saint Métropolite de l’Hongrovalachie,Kiriou Kir Neofit, au très honorable monastère de la Métropole,ayant les patrons, ceux égaux aux apôtres, Constantin le Grandet Hélène.ConclusionsLe fond des livres anciens (roumains et étrangers) de la Bibliothèque duSaint Synode provient, dans la plupart des cas, de l’ancienne bibliothèquede la Métropole, dont le trajet a été assez compliqué. Malgré l’absencedes ex‐libris, on suppose facilement que ses livres ont appartenu auxintellectuels de grande valeur, selon leurs reliures élégantes et leurs sujets.On remarque ainsi la présence en trois exemplaires du Lexicon de VarinusFavorinus (Venise, 1712) financé par le prince martyre, Saint ConstantinBrâncoveanu, du Lexicon de Suidas de 1725, de l’œuvre de DimitrieCantemir : La dispute (la guerre) du sage avec le monde, paru à Iaşi en1698 (il s’agit d’un exemplaire très rare, qui fait partie d’un tirage retiré)ou bien de l’œuvre du Saint Siméon de Thessalonique, paru à Iaşi en 1683,ou de l’Histoire des Patriarches de Jérusalem paru en 1715 (dont nouspossédons trois exemplaires).Le changement des propriétaires des livres a eu comme conséquencele changement des ex‐libris, ce qui a rendu d’autant plus difficile notretravaille.Ce sont les livres de théologie, surtout de patristique, avec des textesoriginaux en grec et latin, appartenant aux plus importants Pères de l’Église,qui prédominent les anciennes collections de la bibliothèque.


264 POLICARP CHIŢU<strong>LE</strong>SCUOn remarque, également, la présence des ouvrages en italien (desouvrages religieux ou scientifiques, en spécial de physique) apportés,sûrement, de l’Italie par les Cantacuzins. La plupart de ces livres anciensont été imprimés au XVII ème siècle, mais il y en a plusieurs, qui datent duXVI ème ou du XVIII ème siècle. Quelque’uns ont le sceau en noir de fumée,de l’Académie du Saint Sava ou de belles marques de propriété commecelle appartenant à Colegii Societas Jesu de Cameneci Podoliae qui setrouve sur le livre : Philippi Diez Lusitani ord. min. reg. Observantiae,tomus tertius, Venise, 1603. On a trouvé plusieurs volumes mentionnés parLegrand, dans sa Bibliographie Hellénique, comme très rares.Dans la Bibliothèque du Saint Synode il y a beaucoup de livresmentionnés dans les catalogues et listes spéciales par des chercheursroumains, mais puisque les dates minimales de ces catalogues anciensconcernant l’édition, manquent, on ne peut pas préciser le nom de lapersonnalité à laquelle ces livres ont appartenu.Les catalogues de grandes bibliothèques roumaines du Moyen Âgeseront sans doute enrichis par de nouveaux titres, au fur et à mesure qu’onva achever la recherche dans d’autres bibliothèques ecclésiastiques du pays.


Protecting the books: chains, cursesIOANA COSTAThe medieval bibliophile could possess codices by quite a few resources:copying by his own hand, ordering to be copied by a professional, receivingas a donation, purchasing or stealing them. This is why the image of a libercatenatus is as remote as possible from entailing a closed or prohibitedculture: it is actually a symbol of highly praised texts, treasured togetherwith most precious possessions, protected by all means, against all possiblethieves – those consumed by passion for goods or love for books.The standard value of a book (either papyrus scroll, or parchmentcodex, or paper book – both manuscript and printed) varied in time. Theancient scrolls hardly could be associated with high value, unlike the latercodices. Nevertheless, the scrolls could have certain elements that madethem valuable objects: there were different sorts of papyrus and ink (the redink was precious, just as purple clothes were) and some special ornaments,mostly the cornua (made of precious metals or ivory), umbilici (preciouswood) and the cover (using costly purple), paenula, vide Martial, 3.2.7‐11(Cedro nunc licet ambules perunctus/ et frontis gemino decens honore/pictis luxurieris umbilicis,/ et te purpura delicate uelet,/ et cocco rubeatsuperbus index). The opposite example, of a text that lacks all the ornament,belongs to Ovid’s Tristia 1.1, a poem addressed to his own liber (this isactually a letter, a literary letter, unlike Martial’s libellus, a little collectionof texts); it is not wrapped in a donum‐like cloth, it has no ornaments, withsolid reason, as Ovid abundantly explained: it is incultus (“unadorned”, v.3), it is not dyed with purple, the colour of joy and luxury (nec te purpureouelent uaccinia fucco, v. 5), its title is not written in red ink (nec titulusminio, v. 7), its paper is not tinged with oil of cedar (nec cedro charta, v.7); the scroll of the letter does not have precious rods (candida nec nigracornua fronte geras, v. 8); its paper is not carefully prepared (nec fragili


266 IOANA COSTAgeminate poliantur pumice frontes, v. 11). Its appearance is well suited tothe status of its “father”: he is an exul (v. 3), so that the letter is wearing thesame mourning clothes as its author.These are two fictional testimonies on ancient scrolls, objects thatreached our times only in fragmentary forms and mostly unadorned. Wecertainly know more about codices, chiefly medieval codices. It is possibleto list the elements which generate the value of a book/codex, beginning,as seems proper (though slightly off topic here), with its non‐materialcontent and continuing with materials: on what is the text written, withwhat (instruments, ink, paint), the cost of borrowing some (allegedly good)exemplars, the involvement of the scriba – meaning his skills and the timespent on writing it. Martial mentions (2.1.5) a liber written in one hour(haec una peragit librarius hora, “the copier finishes it in one hour”),information that is in harmony with Cicero’s complaint (Ad Quintum,3.5) on mistakes in the copies (libri mendosi). The length of time a scribaspends writing is given by his ability, the type of writing (calligraphy orsimple writing) and the ornaments (illumination mostly) he is supposed toaccomplish. There is a list of duration records in Grămadă, 1928: 142‐4.• Vat. Lat. 1622, codex parchment, XIV c., 266x180, 95 folios; M. AnnaeiLucani De bello ciuili libri I‐X, with scholiae; initials in red and blueink. Folio 94v: explicit liber Lucani, Deo gratias amen. quem scripsi inXV diebus ego Petrus.• Urb. Lat. 505, codex paper, year 1421, 286x205, XVII+225 folios.Folio 209r: inceptum die Martis XV Iulii et finitum die XXII Septembriseodem die.• Vat. Lat. 430, codex parchment, year 1462, S. Augustini De ciuitate Deilibri I‐XXII, 372x229; 259 folios. One miniature; initials in red, blueand golden ink. Folio 258v: Expletus die XVII Iunii MCCCCXLI, quiinceptus fuerat die XXII Martii precedentis, Deo gratias. Amen.• Vat. Lat. 10213, codex paper, years 1469‐1470, Miscellanea medica,304x211, 581 p. Page 420: ...incepte scribi in uigilia Sancti Martini1469 et finite die 6 o Ianuarii, 3° hora noctis 1470.• Vat. Lat. 1, Biblia sacra, codex parchment, year 1454, 372x260, II+511folios. Folio 483v: explicit liber iste Biblie sacram omnem scripturamcontinens. Quam ego Alexander Valerio quondam Domini natalis deconfinio Sancti Raphaelis sub anno Domini nostri Ihesu Christi M oquadringentesimo quinquagesimo quarto, uigesimo sexto iunii adlaudem sancte et indiuidue trimitatis utilitatemque legentium et causabene dispensandi tempus meum fideli stilo quantum ualui manu propria


Protecting the books: chains, curses 267compleui totam et roboraui, et cetera. Amen. Folio 520r: Deo gratias,amen. Anno Domini MCCCCLIII o , die uigesimo Augusti. (483v‐520r:June, 26th‐August, 20th).The value is increased by correcting the text, in various forms: the textmight be emended by the scriba himself (iste liber est magistri IohannisSunberger per eum comparatus et correctus), by a different person, aspecialised scholar, or by any reader, as we find in a request of a scribe:o frater, quisquis legerit, ora pro me, emenda eum prudenter et noli memaledicere, si Dominum nostrum Ihesum Christum abeas protectorum.• Pal. Lat. 206, X c.. Folio 183v: poem ad lectorem de emendando codice:Sic ubi corrector meus hesit, corrige lector.Falsa refelle, tene sobria, neutra caue.Pluris amor ueri sit quam male sensa tueri;Regnet et in dubiis indubitata fides.The bibliophile could fulfil his need of possessing a book not onlylegitimately (by copying it by his own hand, by paying a scribe, receivingit as a gift/donation or buying it), but also unlawfully: stealing or buyinga stolen book. Some books include notes regarding stealing: a manuscriptstolen per manus sacrilegas (Vat. Lat. 600, XIV c., note from XV c., folio158v), but eventually returned to his rightful owner; similar: post XXXumannum hic liber a me repertus est, fuerat enim furatus e domo anno domini1473, ego inueni anno 1513, die Februarii, MARFUS; the note is repeateddifferently by the end of the codex: hic liber furatus fuit pedagogo meoanno Xristi MCCCCLXXIII, quem ego post casu inueni apud MercuriumBybliopolam anno Xristi MDXIII, die III a Februarii. The correct selling ofa book is sometimes testified by two or more witnesses, even in a bookshop(taberna libraria).Being a valuable object, the book was occasionally inscribed as such,with an explicit mark of its price, subsequent to the name of the scribe, if hewas proud enough to insert his own name, vide Grămadă, 1928: 160‐171.• Vat. Lat. 103, XII c. Folio 113v: Salomon scripsit.• Vat. Lat. 1476, year 1454. Folio 125v: qui me scribebat, Laurentiusnomen habebat.• Vat. Lat. 487, XV c. Folio 120v: Finito libro/ Sit laus et gloria Christo.Amen./ Qui me scribebat/ Iohannes nomen habebat.• Vat. Lat. 199, year 1454. Folio 287v: Finit foeliciter per me ArnoldumUfer de Zautboemel sub anno Domini MCCCCLIIII o , die XX mensisNovembris.• Vat. Lat. 362, year 1459. Folio 488r: Expliciunt epistolae gloriosissimi


Protecting the books: chains, curses 269not the character depicted, but the spectator, the public: needless to say, thisis not a scroll written on both sides as in Ezekiel 2.10 or the Revelation 5.1.The chains are safe means of keeping the books in a precise place.Mostly the public libraries used to protect the books by chaining them tolecterns, such as the Biblioteca Laurentiana, hosting the most prestigiouscollection of manuscripts (both Latin and Greek) in Italy. The fate ofthis library is paradigmatic: the initial collection comprised the codicesbelonging to Cosimo the Elder, his friend Niccolò Niccoli (also collector ofancient manuscripts) and Cosimo’s son, Piero, and grandson, Lorenzo theMagnificent; following the ups and downs of the Medici family, the librarywas confiscated by the republican government, absorbed in the library ofSan Marco, recovered by the second son of Lorenzo the Magnificent (PopeLeo X) and transferred to Rome, returned to Florence due to Pope ClementVII (Giulio de Medici) and finally was housed in a building designed byMichelangelo. The books were chained to the reading seat, being kept inthe lecterns, that displayed outside lists showing the books to be foundin that particular seat. These books, after wandering for decades, are stillpresent at the end of their chains (each on a pluteus).A different way of protecting books, even migrant books, with adisturbed history, is the insertion of a curse against robbery. In the historicalregions of Romania the book stealing was a reality during the XVI c. Therewere the usual acts of robbery, committed either by foreigners or nativesthat simply included books among other valuable objects, without anyregard toward its cultural price, calculating solely the obvious price, ofmaterials.On the other side, stealing some books (both manuscripts and printed)that did not display precious elements discloses a certain awareness of thevalue detained by this object, endowed with multiform intrinsic attributes.The value of the book was multiplied by the position it held in the church,its functions and symbolism. No matter the language, even vernacular,the book was valuable; latter on, its topic, though getting farther than theliturgical purpose, did not prevent it for being stolen and eventually sold.Even during the times when printing devices managed to produce enoughbooks, the object remained rather expensive – during the XVII and XVIIIc. Tomes given as a reward by the kings or noblemen certainly augmentedthe prestige of the book. As much as a book is acquired with difficulty,there are quarrels around it, even feuds and warfare between villages orparishes; and, beyond doubt, there are thieves that want to get hands on it.Consequently, the medieval man got this new sort of fear: his booksbeing robbed. Before taking into account the material value, we should


270 IOANA COSTAacknowledge a parallel between books and letters from the standpoint oftheir protection: both the author of a letter and an owner of a book experiencefear over his letter/book being lost; a letter is valuable mostly on the basisof its content, so that the author manages to protect his message by certainmeans: writing the letter in a predetermined code (e.g. Cicero, Att., 1.13.4;2.19.5; 2.20.5; 7.13.5; 7.13a.1), or in a different language (the Greeklanguage, in Cicero, Att., 2.19.,4; 6.1 passim; 6.4.3), or using mythologicalnames and circumlocutions (Cicero, Att., 1.12.1; 2.12.2; 2.14.1); to be surethat the information reaches the addressee, the author sent it twice, in twodifferent letters (Cicero, Att., 7.1.6); sometimes the letter was completedonly by getting the orally transmitted message: this is the case of a mute,silent letter, whose role was solely to accompany the real informationsource, that was the tabellarius (Cicero Att., 16.13.3).Fighting his own fears, the man that possessed books began to protectthem fiercely. From an individual protection, directed toward a potentialthief of a book, it got to a new custom, a real institution, that is theanticipatory curse inserted in the book itself, by its scribe or printer. Thisis not a generic curse, worded by the priest against any sort of thieves,but is a written curse, by the end of the book, meant to consolidate therelationship between the volume and its possessor. The mutation is not atall simple, as the word spoken in the church might seem overwhelming;nevertheless, the written word acquired a perennial force. The notes thatare found in the books are the perfect example: the family Bible is used forwriting the crucial events of the family, transferred to a higher level, eternallevel. A curse directed against a person who would destroy the relationshipbetween the book and its owner is an assurance that the relationship wouldbe preserved.There are some generic rules regarding writing the curses. Who isallowed to write in a book: not any literate persons of a community mayinsert a note. Who is allowed to curse a book thief: its owner, either thepresent one (the real, actual owner) or a potential one that would legitimatelypossess the book. The curse is directed against those who could eventuallychange the fate of the book, mostly its place and possessor.Among the persons that are supposed to become thieves are the monks,representing a vivid threat over the monastery libraries. For stealing abook, a monk is cursed without forgiveness (eternal punishment), willnever receive blessings or is threatened with a fatal intervention of VirginMary in the Day of Judgement. The only way to escape these tremendouspunishments is to return the book. Some manuscripts hosted by the Libraryof the Romanian Academy (BAR) attest terrible curses:


Protecting the books: chains, curses 271• BAR 958: să rămâie supt neertat canon şi neblagosloveniia MaiciiDomnului şi a prea‐fericitului părintelui nostrum stareţului Paisie.• BAR 2959: iară di‐a îndrăzni cineva să o scoată din mănăstire, unuiaca aceluia să‐i fie pârâşe Maica Precista la straşnica giudecată.• BAR 1574/ 1608: întoarcerea iar la obşte/ sobor..Most of the imprecations are directed against the thieves that do notbelong to the church. They are “tempted” to steal by evil spirits and are tobe perpetual punished by Virgin Mary (who will never love them again),the Son, the 318 Saints from Nicaea (Nichiia), the earthquake of Cain, Basilthe Great or other specific saint, connected to the church or monastery. Thewording of a curse is amplified by synonymic chains: anatema, blestem,afurisenie, proclet, treclet etc., meant to horrify the potential thief. Cautiouspersons may even add some curses against those that might want to erasethe curses.• BAR 5708: blestemul Maicii Domnului.• BAR 2195: să n‐aibă parte de dragostea Maicăi Precistii la înfricoşataşi dreapta judecată a Fiiului Său şi să fie înstreinat de Sfinţiia Sa.• BAR 3020: să‐l găsească cutremurul lui Cain şi să fie supt blestemulsfinţilor părinţi de la câte şapte săboarăle.• BAR 3094: blestemul Domnului nostru Isus Hristos şi a preacorateisale maice şi a sfântului ierarh Vasilie cel Mare.• BAR 2324: Iar cine va îndrăzni şi va fura‐o să fie catherisit de 318sfinţi părinţi de la soborul Nicheiia.• BAR 4834: Şi oricine s‐ar ispiti ca să mi‐o ia, să fie afurisit de mine,păcătosul duhovnic.• BAR 4468: Iar carele să va întâmpla să o fure, să fie afurisit de Domnulnostru Iisus Hristos şi de 318 sfinţi părinţi de [la] săborul Nichei şi detoate sfintele săboară şi să aibă pârâş la dreapta judecată pre mareleşi luminătorul Grigorie Decapolitul.Are not no be forgiven those who forget to return a borrowed book:• BAR 46: Acest Hronograf, luându‐l cineva să citească pe dânsul, de nul‐ar da înapoi, să fie blăstămat de Domnul Dumnezeu şi de preacurataa sa Maică; cutremurul lui Cain să‐l cuprinză şi înger nemilostiv săaibă în zilele vieţii lui de driapta lui şi locul lui să fii cu Iuda. Şi de minesă fii neertat în veci. Constantin Veisa.Deleting a curse deserves a special curse (Mazilu, p. 279):• Iar cine ar cuteza să şteargă acest zapis, chiar să tăgăduiască, tot săfie afurisit şi trecleat şi procleat şi neiertat în veci.


272 IOANA COSTAA special sort of stealing books occurs during the military campaigns.The troops are known to plunder whatever they think is valuable orwhatever they like; the books are precious but, endowed with correct notes,might return to their legitimate owner. Vide De imitatione Christi (p. 280:Thomas a Kempis; translated from Latin to Slavonic and printed in 1647,at Monastery Dealu); Evangheliar (p. 281); or Codices Palatini, that weremassively robbed (as war spoils) and travelled from Heidelberg to Vatican,to Paris, to Vatican, to Heidelberg, continuously diminished in number.• Iară de se va întâmpla răutate sau răzmeriţă, precum s‐au întâmplat premulte locuri, de s‐au pustiit ţări şi cetăţi şi sate şi oraşe, întâmplându‐sevreme ca aceea, biserica să o poată da de pomană [Cazania luiVarlaam], precum şi s‐au dat întâi […]. De s‐ar întâmpla şi răzmeriţăşi va fi această biserică şi înturnând oamenii tot să o dea înapoi laaceastă biserică.• Udrişte Năsturel către mitropolitul Varlaam al Moldovei (G. Mihăilă,Literatura română veche, Editura Tineretului, Bucureşti, 1969, p.277‐279): Cartea aceasta, purtând frumosul titlu Despre imitarea luiHristos şi prevrednică fiind a se numi cu toată dreptatea şi cu adevărataur, de multă vreme ca să zic aşa din anii copilăriei mele, aruncată şiprăfuită în casa noastră, ca un lucru ce, în adevăr, nu era de nevoienimănui, a fost luată de noi, din vremea aceea, adică din vremeanăvălirii neamului sarmaţilor în ţara noastră, când, după luptă /iulie1616, Drăcşani/, fiind bătut şi biruit acel neam de oştile voastre şi alenoastre şi ale agarenilor, a fost prinsă, vai, mama cu copiii săi a aceleipreaslăvite şi prealuminate case a Movileştilor. De atunci mi‐aducaminte că a fost folosită de ai noştri care au fost acolo şi au adus‐oîmpreună cu alte cărţi şi lucruri – o, preasfinte cap la păstorilor!Intriguing chapters: identified thieves.• Mazilu, p. 281: Am întrebat ba de unul şi de altul, cu multă strădanie amgăsit‐o, de am scos‐o din robia tătarilor./ Această carte ucitelnă estea noastră găsită în steagul tătarilor cându au prădat Ţara Moldoveipână la Siretu […] şi am dat doi lei de am legat‐o fiindu stricată deacea pradă.• Mazilu, p. 281: Acest Letopisăţu au fost al meu şi l‐au furat dumnealuiIordache Balş, vornic. Şi ori cine l‐ar găsi, citind pricina aceasta şi numi l‐ar spune, să fie afurisitu şi cel ce‐l ţine şi nu va să mi‐l dè. Căcimi s‐au furat acest cinstit Letopisăţu într‐o dzi luni, fiindcă vinisă şidumnealui la casa mè şi, măcar că l‐am aflat, dar n‐am îndrăznit a‐idzice dumnealui, fiind boeru mari şi bătrân, numai citind aice doarăs‐ar umili şi mi l‐ar da. O să trimet să mi‐l dè…


Protecting the books: chains, curses 273We can hardly consider these just some common thieves. They areirremediable bibliophiles that have no limits to their love for book, evensomebody else’s books. Some of them are famous (Boccaccio), some areconsidered absolved because they set aside books from a lethal fate; similarto famous art objects: the Elgin marbles, not stained by modern pollution,the Pergamon altar, the bust of Nefertiti. Tacitus was largely passed overby the Humanists of the 14th and 15th centuries, who preferred the smoothstyle of Cicero and the patriotic history of Livy; he began to regain someof his old literary importance only when Giovanni Boccaccio brought themanuscript of the Annals 11‐16 and the Histories out of Monte Cassino toFlorence, in the 1360s or 1370s. The Annals only survive in single copiesof two halves of the works, one from Fulda and one from Cassino.Some of the books are recovered. There are notes on exchanging stolenbooks with various items. Recovering books on a ransom basis was practisedeither regarding the invading troops or the autochthonous burglars that usedto take advantage of times of confusion and turbulences. The prices theyused to ask were determined both by the auxiliary materials (silver, evengold, precious stones, ivory) and the status of the persons wishing to regainpossession over the books. One example: The grand logothete Ioan Golâipaid 1200 aspri for a Tetraevangelia robbed by the Tatars that devastatedMoldavia in 1575, after killing John III the Terrible (Mazilu, p. 284). Thebooks, that have been expensive for a long time (in the Romanian world),could be sold by auction whenever their rightful owners grew poor. Thebibliophiles used to visit the auctions in order to enlarge their own libraries.• BAR 3574: Şi cine ar îndrăzni a o înstrăina cu nedreptul, precum i s‐aumai întâmplat în anul 1865, unde cu anevoie s‐au aflat la anul 1866,luna iulie 8/20, precum am mai zis, cine o va înstrăina, să fie neertatîn vecul acesta şi în cel viitoriu […] de mine cel mai păcătos întreieromonahii sf. Monastiri Dragomirna, 1866, 4/16 septembrie. IerofteiEşanu, ieromonah. 1866, septembrie în 6/18 zile.The books donated to a church were meant to intermediate between manand God. The gift was officially marked by precise formulae. Nevertheless,as the donator was perfectly aware that his gift could be stolen, the text ofthe donation formula was enriched with curses against its potential thieves.• BAR 4130: Cade‐să a să şti că această carte este cumpărată de el[Trifu Onu] pă seama biséricii de la Păuşa. Şi cine o va sminti de labisérica din Păuşa, să fie afurisit şi anathema, cu toată casa lui.Some of these donations are posthumous, such as the one made byDionisie, copyist in Săhăstria Pocrovul, with detailed curses against robbers.• BAR 2110: Iară cine o ar popri după moartea mea, blăstămat va fi de


274 IOANA COSTAnu o a da unde‐i menită şi oricine din stăpâni, domni, vlădică, potrupop,preut, ctitori, oameni vlădiceşti, sau oricine, dieci, mireni, de or călcaporunca mè, blăstămat şi anathema va rămâne; şi atunci să să irate,când l‐oi ierta eu, de va fi mănăstirea sub pravoslavie.In the manuscripts collection of the Romanian Academy, the cursesmeant to protect the books from being stolen are numerous, but in differentproportion according to book history. Just as the book production grows,with printed books less and less expensive, this sort of protecting booksdiminishes. It is less a real curse than a convention and this is the final steptoward vanishing.The essence: the synod of Nίcaia, with 318 saints. In time, the oldpatterns faded and there are only some relics: e.g. those who gathered inNicaia (not 318: 319; 313; 370; or a round number: 300; or worse: 120; 33;7 synods in Nicaia); the twelve patriarchs seem to be mentioned under thesurprising title of the twelve bishops (arhierei).• BAR 196: Acest Leatopiseţ [cantacuzinesc] iaste al manii Mătăsar.[…] Cene s‐ar ispiti a‐l fura să fie afurisit şi lăpădat dă 318 sfinţipărinţi dăn Nichie şi dă alte sfinţi săboară. Amin. Octombrie 13 dni,leat 7227 [1718]. Az Manea Mătăsar.• BAR 4279: Cine o ar fura, să fie afurisit de părinţii ce s‐au adunatla Nichie şi să i se versă maţăle ca lui Arie şi să aibă parte cu Iudaşi cu Irod şi cu faraon şi cu cei ce vor crede în Antihrist şi cu bogatulnemilostiv. Şi cine o [va] afla să o ţie să aibă parte […]; cine o ar aflaşi nu o va da, să aibă parte cu Arie, cu jidovii şi cu păgânii.• BAR 3116: Şi cine a fura‐o să fie în burduhu dracului şi să fie afurisitde 12 arhierei.Mazilu (p. 296‐7) lists characteristics of curses on books, beside theweakening due to lesser knowledge of the pattern, nevertheless some special,unique curses: the punishment of an extended pilgrimage; the absence ofblessing, with many variants; reassignment of some Christian terms, in asimplified use as labels; curses on reverse, seeming to be blessings (due toignorance or high sense of humour). The religious curse (Mazilu p. 298)is degraded to general punishment, lacking the precise details (the thieveshall be among all the robbers listed in this book), to simple swearing (săfie al dracului) extended from thief to a borrower that forgets to return thebook; the judicial power is sometimes invoked.• BAR 4867: Să să ştie că această sfântă carte este a Petrii Trâsorianulşi cine o va fura să fie bloagocestiti şi moliftiţi şi blagorodiţi şi cu milamilostivului Dumnezeu.


Protecting the books: chains, curses 275• BAR 1327. iar cine să va ispiti să o fure să fie afurisitu de trei sutăsfinţi părinţi de la Nichiia.• BAR 1204: iar cel ce s‐ar ispiti ca să o fure să fie afurisit de cei treisute sfinţi părinţi de la Nicheia.• BAR 5199. Şi cini s‐ar ispiti să‐l furi să fie afurisit de tri sute de sfinţipărinţi.• BAR 3678: şi cine o va ascunde să fie afurisitu de treizeci şi trei desfinţi şi de patruzeci de mucenici, să‐l ucigă, să nu rămâe sufletu delocu.• BAR 3667: şi cine o va fura‐o să fie afurisit şi supt [osânda] celorşapte soboară ale Nechei.• BAR 4717: Cine o va găsi să mintă că este a lui, să nu fure, că se vatrage la pedeapsă care o va fura.• BAR 1301: Iar carele ar înstreina‐o să fie numărat în ceata tâlhariloracelora ce pomeneşte în cartea aceasta.• BAR 4982: şi cine o va fura‐o să fie al dracului.• Bar 3539: Să fie afurisitu cine o va fura cartea aceasta şi anatima, şi dăi‐a da‐o cuiva şi eu oi uita şi el nu mi‐o aduci, să fie al dracului.• BAR 4443: Cine o va înstreina, judecată cu mine va avea. Aşa. Amin![…] acela să‐I fie dobânda puşcăriia, să‐l mănânce mişeliia, să‐lraniiască în cap cheliia.The soft modern variant of these curses is the explicit copyright ruleswe can read on each book, coming directly from the judicial power invokedin the degraded curses against thieves.BibliographyBIANU, 1907 – Ioan Bianu, Catalogul manuscriptelor româneşti, T. I,1‐300, Bucureşti, Editura Academiei Române, 1907.BIANU, 1913 – Ioan Bianu, Remus Caracaş, Catalogul manuscriptelorromâneşti, T. II, 301‐728, Bucureşti, Editura Academiei Române,1913.BIANU, 1931 – Ioan Bianu, Gheorghe Nicolăiasa, Catalogul manuscriptelorromâneşti, T. III, 729‐1061, Craiova, Editura Academiei Române,1931.


276 IOANA COSTAEIDINOW, 2012 – Esther Eidinow, Claire Taylor, Lead‐Letter Days:Writing, Communication and Crisis in the Ancient Greek World, in“Classical Quarterly” 60.1. 2010, 30‐62.GRĂMADĂ, 1928 – Nicolae Grămadă, Contribuţii la istoria cărţii şi ascrisului în evul mediu, cu 33 figuri în text, Cernăuţi, Institutul deArte Grafice şi Editura „Glasul Bucovinei”, 1928.MAZILU, 2001 – Dan Horia Mazilu, O istorie a blestemului, Iaşi: Polirom,2001.POSTER, 1992 – Carol Poster, Linda C. Mitchell (ed.). Letter‐WritingManuals and Instruction from Antiquity to the Present. Historicaland Bibliographic Studies. Studies in Rhetoric/Communication,Columbia, SC, University of South Carolina Press, 2007.SAL<strong>LE</strong>S, 1992 – Catherine Salles, Lire à Rome, Paris, Belles Lettres, 1992.SIMONESCU, 1994 – Dan Simonescu, Gheorghe Buluţă, Scurtă istorie acărţii româneşti, [Bucureşti], Editura Demiurg, 1994.ŞTREMPEL, 1967 – Gabriel Ştrempel, Florica Moisil, Lileta Stoianovici,Catalogul manuscriptelor româneşti, T. IV, 1062‐1380, Bucureşti,Editura Academiei R.S.R., 1967.ŞTREMPEL, 1978; 1983; 1987; 1992 – Gabriel Ştrempel, Catalogulmanuscriselor româneşti, Bucureşti, Editura Ştiinţifică şiEnciclopedică, t. I 1‐1600, 1978; t. II 1601‐3100, 1983; t. III3101‐4413, 1987; t. IV 4414‐5920, Editura Ştiinţifică, 1992.


The British Museum Library and Romania: thebeginnings of a Romanian collectionGRBA MI<strong>LA</strong>NPrevious research into Romanian books held in the British MuseumLibraryThe earliest identified evidence of a scholarly interest in the BritishMuseum Library (BML) 1 Romanian collection items is found in a typescriptnote. The note is pasted on the marbled front papers of a Romanian 1574manuscript Gospel 2 held in the British Library. The content of the note isas follows: “The text of Matthew is printed by Moses Gaster” “La VersioneRumena del Vangelo di Matteo” in Archivio Glotto‐Logico Italiano, xii,1890‐92, pp. 197‐254. He shows that this MS. (which is dated in thecolophon 1574) is copied from the printed edition published by the deaconCoresi at Braşov in 1561. Only two copies of the printed edition are knownto exist, one in Budapest and one (imperfect) in Bucharest; cf. Bianu andHodos, Bibliografia românească veche, i, 1898‐1903, pp. 43‐46, andM. Rogues, L’Evangheliare roumain de Coresi, Romania xxxvi (1907),1Before the creation of the British Library in 1973, the national library was part ofthe British Museum and the term the British Museum Library in this article refers to theperiod when the museum and library departments were housed in the same building, from1753 to 1973. From 1973 the British Library still operated as an independent institution inthe British Museum building. A new British Library building at St Pancras in London wasopened in 1997. For more information about the British Library’s departments see: [http://en.wikipedia.org/wiki/British_Library, accessed 17 February 2012]; and its history: [http://www.bl.uk/aboutus/quickinfo/facts/history/index.html, accessed 17 February 2012]2Tetraevanghel (Gospels) British Library shelfmark Harley 6311.B. For the 1574Romanian Gospel see the entry in: A Catalogue of the Harleian Manuscripts in the BritishMuseum, vol. III. Printed by Command of HM King George III, 1808.


278 MI<strong>LA</strong>N GRBA429‐434. According to Gaster it is the oldest dated Roumanian MS.”Moses Gaster (Bucharest, 1856 – London, 1939), scholar and rabbi of theSephardic congregation in London, examined this codex while working onhis study and chrestomathy of Romanian language and literature publishedin Leipzig and Bucharest in 1891. 3 In 1915 the foundation of the School ofSlavonic and East European Studies (SSEES) at King’s College, Londonprovided an institutional basis for Romanian studies in Britain. Teachers,lecturers and professors of this School showed an active interest in theRomanian manuscripts and printed books held in the BML. Marcu Beza,a Romanian diplomat in London, teacher of Romanian and then lecturerat SSEES, published in 1938 a survey of manuscripts and books in theBML relating to the history of Romania. 4 Eric Tappe, the first professorof Romanian studies at the University of London (1974), researched3GASTER, Moses, Chrestomatie Română: Chrestomathie Roumaine. Textesimprimés et manuscrits du XVIme au XIXme siècle; spécimens dialectales ["sic"] et delittérature populaire, accompagnés d’une introduction [in Roumanian and French] d’unegrammaire et d’un glossaire roumain‐français, Leipzig: F. A. Brockhaus; Bucuresci:Socecu & Co., 1891. Chrestomatie Română. Texte tipărite şi manuscrise [sec. XVI‐XIX],dialectale şi populare cu o introducere, gramatică şi un glosar româno‐francez. Vol. I.Introducere, gramatică, texte [1550‐1710]. Vol. II. Texte [1710‐1830], dialectologie,literatură populară, glosar, Vol. I., pp. xxviii; 9‐10. Gaster played an important role asa scholar and collector of Hebrew, Yiddish and Samaritan and old Romanian manuscriptand printed material. Gaster’s library was divided between British (BML, SSEES and JohnRylands Library in Manchester) and Romanian institutions in his life time and after hisdeath. The British Museum Library acquired a major portion of his Hebrew manuscriptsin 1925. The Romanian Academy acquired Gaster’s collection of Romanian manuscriptsin 1936. SSEES acquired his collection of Romanian printed books, about 3500 titles, in1952. Gaster’s role and the history of his library have already been researched and for thatreason he is not discussed in this article. More about Gaster’s life in Romania and Britain,his contacts and dealings with the BML and his library, see DE<strong>LE</strong>TANT, D. “A Survey ofthe Gaster books in the School of Slavonic and East European Studies”, Solanus: Bulletinof the Slavonic and East European Group of SCONUL, ed. J. E. O. Screen, 1975, no. 10,pp. 14‐23.; <strong>LE</strong>VI, T. The Gaster papers: a collection of letters, documents, etc., of the lateHahan Dr Moses Gaster (1856‐1939). London: [University College, London Library],1976; GASTER, M. Memoirs. Edited and collated by Bertha Gaster. London: Privatelyprinted, 1990; GASTER, M. “The Story of my library”, Edited by Brad Sabin Hill. TheBritish Library Journal, 1995, no. 21:1, pp. 16‐22; The Gaster Collection of Romanianprinted books: held in the Library of the School of Slavonic and East European Studies,University College London. [Preface by Brad Sabin Hill]. London: University of London,School of Slavonic and East European Studies, 1995; GASTER, M. Memorii (fragmente):corespondenţă. Ediţie îngrijită de Victor Eskenasy. Bucureşti: Editura Hasefer, 1998.4BEZA, M. “Vechi legături cu Anglia”, Memoriile secţiunii literare, 8 (1936‐38),pp. 253‐261.


The British Museum Library and Romania: the beginnings... 279Romanian books held in the BML in great detail. Tappe identified a veryrare book by Vasile Alecsandri (1821‐1890), poet, dramatist and the firstcollector of Romanian folk songs, in the BML. This was a copy of Teatruromânesc. Repertoriul dramatic 5 (Romanian theatre) held in the BMLwhich has a manuscript annotation in Alecsandri’s hand on the title pageof the book: Au Musée britanique de Londres. V. Aléxandri. Alecsandripublished this book in 1852 in Cyrillic characters which included some ofthe Roman letters with diacritics. 6 French translations in Alecsandri’s handof the title page and the table of contents are inserted as flyleaves in thebook. Alecsandri’s letter, dated 18 March 1853, which was addressed tothe Principal Librarian 7 is inserted in front of the Alecsandri’s manuscripttitle page. In 1973 Tappe published Alecsandri’s letter in the Frenchoriginal and in Romanian translation together with a facsimile of the titlepage and the letter. 8 In the letter which accompanied his donation to theBML, Alecsandri explained that in 1852 he had sent to the BML the firstpart of his Romanian folk ballads 9 and that he hoped the library wouldcomplete this edition with the second part which was in the process ofprinting. 10 Alecsandri wrote that the BML would do him an honour inaccepting his book “Romanian theatre” for the collection which “Mr Parkerwould bring [it] in on his behalf”. 11 Alecsandri then finished his letter byexpressing thanks for the letter of acknowledgment which he received inAugust 1852 concerning his previous gift to the BML. 12 On the verso ofAlecsandri’s letter, Tappe also discovered an autograph annotation written5A<strong>LE</strong>CSANDRI, Vasile. Teatru românesc. Repertoriul dramatic, Tomul I. Iaşi:Tipografia francezo‐română, 1852.6The so‐called transitional alphabet which replaced Romanian Cyrillic alphabetand was in use for a short period before the official introduction of Romanian Romanalphabet in the early 1860s.7Sir Henry Ellis, Principal Librarian 1828‐56 (knighted 1833).8TAPPE, E. “Vasile Alecsandri la British Museum”, Manuscriptum 2 (1973), pp.157‐158.9Balade: adunate şi îndreptate de V. Alecsandri, cu o notă privitoare la ediţie de T.Codrescu. Partea I. Iaşi: Tipografia Buciumului Român, 1852. BL shelfmark 11585.d.2.10The BML acquired volume II by purchase in 1865. Volume II has thesame shelfmark as volume I (Partea I, see note 9). The copy has a British Museumpurchase acquisition stamp of 6 April 1865. The copy’s title page has a stamp:“K.K.BUCHER‐REVISIONS‐COMISSION”.11Tappe assumed that the person mentioned in the letter as Mr Parker could havebeen J[ohn]. W[illiam]. Parker (1792‐1870) or his son J. W. Parker (1820‐1860), as bothwere publishers and printers. See TAPPE, 1973: 158.12The gift was a copy of his Balade. See note no. 9.


280 MI<strong>LA</strong>N GRBAin pencil in the hand of the English poet Coventry Patmore 13 which reads:“For Mr Prevost to catalogue from C. K. Patmore”. 14 Tappe’s contributionreveals that Patmore worked in the BML from 1846 to 1862 and continues:Este agreabil gîndul că scrisoarea lui Alecsandri poartă adnotareaunui remarcabil poet englez al timpului. 15 Dennis Deletant, Professor ofRomanian Studies at SSEES, University College London, was anotherBritish academic who undertook research into the Romanian manuscriptsand books held in the BML. 16 On the other hand, Romanian scholarshipproduced several studies of Romanian sources and collections outside thecountry, some of which examined the BML Romanian collection items. 17Romanian manuscripts and early printed books in British and Irish holdingsare fully described in two collaborative catalogues: A Union catalogue ofCyrillic manuscripts in British and Irish collections, the Anne Penningtoncatalogue compiled by Ralph Cleminson, (London: School of Slavonic andEast European Studies, 1988) 18 ; and Cyrillic books printed before 1701in British and Irish Collections: a union catalogue compiled by Ralph13Coventry Kersey Deighton Patmore (1823‐1896), poet and essayist.14See note no. 5. The British Library (BL) shelfmark 11755.f.15.15TAPPE, 1973: 158. A fact that Tappe took the trouble to investigate the years ofPatmore’s service in the BML gives proof of his close interest in the Romanian collectionsin the BML. His sources, though, in the BML or from elsewhere, misdated the final year(1862 instead of 1865) of Patmore’s service in the BML. Coventry Patmore was anassistant in the Printed Books Department from 1846 to 1865. The person to whom Patmorepassed on Alecsandri’s book for cataloguing was Louis Augustin Prevost (1796‐1858),a supernumerary assistant in the Printed Books Department in 1838,and 1843‐58. See:HARRIS, P. R. A history of the British Museum Library, 1753‐1973. London: BritishLibrary, 1998, pp. 161; 124.16For his research into the Romanian collection see D. Deletant, “LicitaţieLondoneza. O copie dupa Didahiile lui Ivireanul”, Manuscriptum, 2(15), (1974), pp.162‐163. D. Deletant, “Un manuscris al lui Mihail Moxa diu Muzeul Britanic”, Revista deIstorie si Teorie Literará 24 (1975), pp. 255‐262.17BREAZU M, NICU<strong>LE</strong>SCU E. Documente privind istoria României din colecţiibritanice. Bucureşti: Consiliul Culturii şi Educaţiei Socialiste, 1982; CONSTANTINESCUR. Manuscrise de origine românească din colecţii străine. Bucureşti: Direcţia Generalăa Arhivelor Statului din Republica Socialistă România, 1986; CÂNDEA V. Mărturiiromâneşti peste hotare. Bucureşti: Editura Enciclopedică, 1991.18This catalogue gives details of seven Romanian manuscripts, including theirprovenance and the literature about them. The oldest manuscript is dated to 1574, threeto the 17 th century, one to the 18 th century and two to the 19 th century. The manuscriptsare held in the British Library in London, Bodleian Library in Oxford and John RylandsLibrary in Manchester. See the catalogue entries 107, 86, 178, 154, 138, 136 and 90. Two16 th century Gospels written in Bulgarian Church Slavonic originated in Moldavia. See thecatalogue entries 66 and 74.


The British Museum Library and Romania: the beginnings... 281Cleminson... [et al.], (London: British Library, 2000). 19 One of the veryrare Romanian early printed books held in the British Library, Bucoavnă,printed in Alba Iulia in 1699, has recently been identified as probably theonly one still in existence. 20Provenance of the earliest Romanian books in the BMLThe first books printed in Romania were for use in Orthodox Churchservices, a Missal (1508), an Octoechos (cycle of prayers – 1510) andthe Gospels (1512), all printed for the princes of Wallachia by the monkMacarie. The 1512 Gospels (Evangheliar slavonesc) 21 in Church Slavonicwere printed in a press which is thought to have been located in a monasteryin or near Târgovişte, the seat of Prince Neagoe Basarab (1481‐1521) the19This catalogue gives a description of 18 copies of 16 Romanian Cyrillic booksin the British collections: three 16 th century books (printed in 1512, 1562 and 1569); and15 books printed in the 17 th century (in 1640, 1644, 1648 (two copies held), 1652, 1678,1680, 1682, 1683, 1688 (two copies held), 1698 (two books held), 1699 and 1700). Eightcopies are held in the British Library in London. See catalogue entries 3, 25, 91, 112,34, 161, 167 and 171. Five copies are in the Cambridge University Library, see entries96, 105, 138, 140 and 142. Two copies are in the Bodleian Library, see entries 105 and147. Two copies are in the School of Slavonic and East European Library, see entries17and 162 to 165. One copy is held in the London Library, see entry 147. A history ofthe British collections and collecting is provided in the introduction to the catalogueand each entry provides a description, references and the provenance of the books. Thebibliography and indices of places, presses and printers are supplied in the catalogue.Since the publication of this catalogue, the British Library has acquired by purchase in2004 a very rare first edition (1683) of Dosoftei, Metropolitan of Moldavia’s Parimiileconsisting of translations into Romanian of biblical passages intended for reading inchurch. This book was one of a number of titles printed at his own printing press in Iaşi,housed in a building, still extant, now named “Dosoftei’s House”. Parimiile Preste An.Cu posluşania Smertitului Dosotei mitropolitulî. 1st ed. Iaşi: În tiparniţa ţărâi: Dosoftei,1683. BL shelfmark RB.23.a.34128. The BL had also acquired another two early printedRomanian books which are currently in process and without shelfmarks. These are: Şaptetaine a besearecii. Tipărită cu învăţătura şi cu toată cheltuiala Măriei sale Ioan VasilieVoievoda. În târg în Iaşi: În Tipariul cel Domnesc, 1644; and Sfânta şi dumnezeiascaLiturghie a Sfântului Ioan Zlatoust, a Marelui Vasilie şi a Sfântului Grigorie. În SfântaEpiscopie de la Buzău: În Tipografia Domnească, Mitrofan, Episcopul de Buzău, 1702.20GRBA M, SHORE P. “A recently identified seventeenth century Romaniancatechism in the British Library”, The Valahian Journal of Historical Studies 13 (2010)7‐10. See Bucoavnă ce are în sine deprinderea învăţăturii copiilor la carte. În Bălgrad: ÎnSfânta Mitropolie, de Mihai Iştvanovici Tipograful, 1699;BL shelfmark 1568/3864.21Četvoroblagověstie. Povelěnie... Basaraba Velikago Voevody. Târgovište: InokìMakarie, 1512. BL shelfmark C.25.l.1.


282 MI<strong>LA</strong>N GRBAruler (Voivode) of Wallachia from 1512. The British Library copy is fromthe British Museum foundation collection of Sir Hans Sloane (1660‐1753),who bequeathed his vast collection to the nation for a token sum in 1753.Another great foundation collection purchased for the nation in 1753 is theHarleian collection of manuscripts. 22 From the Harleian collection therecame to the BML the 1574 Romanian Gospel (Tetraevanghel) mentionedabove.Some early printed Romanian books came from the collection ofFrederick North, fifth earl of Guilford (1766‐1827), the patron of an Ionianuniversity and philhellene. 23 Dimitrie Cantemir (1673‐1723), a prolificRomanian man of letters, and twice prince of Moldavia in 1693 and in1710‐1711, printed in Romanian Cyrillic and in Greek a philosophicaltreatise Divanul sau gâlceava (The Divan or The Wise Man’s Parleywith the World) in Iaşi in 1698. 24 This was the first secular work writtenin Romanian. The British Library copy was also acquired by the BritishMuseum in the first half of the 19 th century from the library of FrederickNorth Earl of Guilford. 25 From the Earl of Guilford’s collection is the BlajBible of 1795 26 which is a revision of the Bucharest Bible of 1688, the firstcomplete Romanian translation of the Bible. Blaj was the seat of the Uniate22The collection of Robert Harley, first Earl of Oxford and Mortimer (1661‐1724)and his son Edward Harley, second Earl of Oxford and Mortimer (1689‐1741). See W.A. Speck, ‘Harley, Robert, first earl of Oxford and Mortimer (1661‐1724)’, OxfordDictionary of National Biography, Oxford University Press, 2004; online edn, Oct 2007[http://www.oxforddnb.com/view/article/12344, accessed 5 March 2012]; David Stoker,‘Harley, Edward, second earl of Oxford and Mortimer (1689‐1741)’, Oxford Dictionaryof National Biography, Oxford University Press, 2004; online edn, Jan. 2010 [http://www.oxforddnb.com/view/article/12337, accessed 5 March 2012]23See M. C. Curthoys, ‘North, Frederick, fifth earl of Guilford (1766‐1827)’, OxfordDictionary of National Biography, Oxford University Press, 2004; online edn, May 2009[http://www.oxforddnb.com/view/article/20305, accessed 5 March 2012]. The collectionof Frederick North was a large collection of printed books and manuscripts which wassold in seven sales between 1828 and 1835.24Divanul sau gâlceava înţeleptului cu lumea sau giudeţul sufletului cu trupul. ÎnIaşi: S‐au tipărit prin osteneala smeriţilor şi mai micilor Atanasie ieromonahul şi Dionisiemonahul, Moldoveanii, 1698. BL shelfmark C.118.g.2.25Identified by the British Museum stamp in the book, which was in use before1834. See C<strong>LE</strong>MINSON, 2000: xxxviii.26Biblia adecă Dumnezeiasca Scriptură a legii vechi şi a ceii noao toate care s‐autălmăcit de pre limba elinească pre înţelesul limbii rumâneşti. Acum întâi s‐au tipăritrumâneaşte... Cu blagoslovenia Măriii sale Prea luminatului şi Prea sfinţitului DomnuluiDomn Ioan Bob Vlădicul Făgăraşului. În Blaj: La Mitropolie, 1795. BL shelfmark C.66.i.5.British Museum acquisition stamp indicates the purchase date as 18 October 1844.


The British Museum Library and Romania: the beginnings... 283Metropolitan, the primate of the Greek‐rite Roman Catholic Church, and thisBible was printed there by Samuìl Micu‐Klein (1745‐1806), a Romaniantheologian and historian. Together with Gheorghe Şincai (1754‐1816) andPetru Maior (1761‐1821), Klein was a leading figure of the intellectualmovement for national emancipation known as the “TransylvanianSchool”. Maior was a historian of this school, which is known in Romanianhistoriography to have argued in favour of the Roman origins of theRomanian people. In 1838 the BML purchased Maior’s history printed inBudapest in 1812, History of the Origins of the Romanians in Dacia. 27The first to initiate systematic foreign acquisitions in the BML from the1840s were Sir Anthony Panizzi (1797‐1897), Keeper of the Department ofPrinted Books from 1837 to 1856, and his assistant Thomas Watts (1811‐69).Adolphus Asher (1800‐53), a bookseller from Berlin, became a majorsupplier of foreign material. Circumstantial evidence suggests that new andolder Romanian editions published aboard were acquired systematicallyfor the collection. The first critical edition of Romanian history by MihailKogălniceanu (1817‐1891), politician and historian, published in Berlinin 1837, was acquired in the BML in September 1842. 28 Gaster’s studyChrestomathie roumaine, published in Leipzig in 1891, was acquired inOctober 1891. 29 In the twenty years from 1881 to 1900, the BML acquiredabout 250 Romanian titles, half of which were published in Romanian andTransylvanian printing locations. 30 On average 12 titles were acquired ayear and six titles would have been in the Romanian language and printedin Romanian towns. The majority of books which came from Romania wereprinted in Bucharest. The subjects of the largest number of Romanian booksacquired in the BML were in social sciences, especially constitutional lawand politics, and in humanities, mainly in history, language and literature.The relatively small number of Romanian imprints in the BML acquired27Istoria pentru începutul românilor în Dachia. Întocmită de Petru Maior deDicio‐Sânmartin protopop. La Buda: În craiasca tipografie a Universităţii Ungureşti dinPeşta, 1812. BL shelfmark 804.d.3. British Museum acquisition stamp indicates the dateof purchase as 1 November 1838.28KOGĂLNICEANU M, Histoire de la Valachie, de la Moldavie et des Valaquestransdanubiens.Tome premier, Histoire de la Dacie, des Valaques transdanubiens et de laValachie, (1241‐1792). Berlin: B. Behr, 1837. BL shelfmark 1437.h.16. British Museumacquisition stamp indicates the date of purchase as 21 September 1842.29GASTER, 1891. See note 3. BL shelfmark 2285.e.7. British Museum acquisitionstamp indicates the date of purchase 12 October 1891.30See Subject index of the modern works added to the Library of the British Museumin the years 1881‐1900 [etc.] Edited by G. K. Fortescue [and others]. London: BritishMuseum. Department of Printed Books, 1902‐3. Entries for Roumania, pp. 417‐421.


284 MI<strong>LA</strong>N GRBAup to the end nineteenth century may indicate that the absence of a librarysupplier of books and periodicals in Romania had made it quite difficult forthe library to obtain Romanian books 31 .Historical context of the first cultural contacts between Romania andGreat BritainBefore the nineteenth century the British reading public had onlyvague ideas about the Romanian lands and people. People who hadaccess to British and Irish collections could acquire only fragmentaryknowledge about Romanian religion, language, history, national customsand geography. The most important sources of information about theterritories and peoples in south‐east Europe who lived in the OttomanEmpire were the British travel accounts from the eighteenth and earlynineteenth centuries. John Jackson’s Journey from India, towards Englandin the year 1797 printed in London in 1799 is one of the early accountswhich describes places and peoples in Wallachia and Transylvania, amongother countries. 32 British public and institutional awareness of southeastEurope significantly increased when the Russian powers threatened Britishinterests in the Balkans and India. The rise of nationalism in the Balkansand the Russo‐Turkish wars in the 19 th century attracted far greater publicattention to the Balkans then ever before in Britain. Tappe notices that itwas at the time of the Crimean War (1853‐56) that Romanian literaturereceived some degree of attention in Britain. 33 Vasile Alecsandri made thefirst contact with the BML in the period after the revolutions of 1848, andon the eve of the union of the principalities of Moldavia and Wallachia.31The Romanian printing, book market and the circulation of books is not discussedin this article.32JACKSON, J. Journey from India, towards England in the year 1797, by a routecommonly called over‐land, through countries not much frequented, and many of themhitherto unknown to Europeans, particularly between the rivers Euphrates and Tigris,through Curdistan, Diarbek, Armenia, and Natolia, in Asia, and through Romalia,Bulgaria, Wallachia, Transylvania, &c. in Europe. London: Printed for T. Cadell, Jun.,and W. Davies, by G. Woodfall, 1799.33TAPPE, E. Rumanian in Britain. An Inaugural Lecture delivered at The SenateHouse 10 March 1975. London: [Author], 1975, pp. 3‐4. Here Tappe discuses twoanthologies: MURRAY G. Doǐne; or, the National Songs and Legends of Roumania.London: Smith, Elder and Co, 1854. 2 nd ed. 1859. STAN<strong>LE</strong>Y H. Rouman Anthology;or, Selections of Rouman poetry, ancient and modern, being a collection of the nationalballads of Moldavia and Wallachia, and of some of the works of the modern poets, in theiroriginal language; with an appendix, containing translations of some of the poems, notes,etc. Hertford: S. Austin, 1856.


The British Museum Library and Romania: the beginnings... 285As a diplomat and politician Alecsandri represented his governmentin London and Paris. In August 1852 Alecsandri sent to the BML fromParis the first part of his collection of Romanian folk songs Balade. 34 Thefollowing year Alecsandri donated a book of his original poetry to theBML’s collection, Doǐne şi lacrimǐoare, printed in Paris in 1853. 35 Apartfrom Alecsandri’s books, two other works were given to the Romaniancollection in the BML in this period. These publications were contemporaryaccounts of the political situation in Moldavia and Wallachia after theunsuccessful revolution of 1848 and before their unification. An accountattributed to Jean Honoré Abdolonyme Ubicini (1818‐1884), a publicistwho also used the pseudonym ‘Un Serbe’ 36 was printed in Paris in 1849as Mémoire justificatif de la révolution roumaine du 11 (23) juin 1848. 37Another account donated was The Danubian Principalities: their claims toindependence considered by Karl Blind (1826‐1907), a political refugee inBritain and publicist, which was an 1857 article reprint from The EclecticReview. 38Individual scholarly efforts and increased travel accounts, 39 however,did not seem to have catered adequately to the growing public interestin and demand for information about the Romanian lands. In the prefaceof his book Roumania, past and present published after the creation of34British Library Archives. DH 53 Registers of donations, 1836‐1953. DH 53/2.Register 2 for the years 1848‐1855. This donation is recorded in the entry for August 1852as ‘Presented anonymously’. The BL copy at the shelfmark 11585.d.2. has a date‐stampindicating a donation on 8 August 1852. The page after the title page has an inscription inAlecsandri’s hand: ‘Pour la bibliotheque British Museum’.35A<strong>LE</strong>CSANDRI, V. Doǐne şi lacrimǐoare, 1842‐1852. Paris: De Soye et Bouchet,1853. BL shelfmark 11585.d.3. Alecsandri presented his book through another governmentrepresentative in London, Dimitrie Bratianu (1818‐1890), politician and diplomat, amember of the eminent Bratianu ‘political family’ that contributed to the creation ofmodern Romania. British Library Archives. DH 53/2, entry for October 1853, ‘presentedby the author through D. Bratiano’.36See Südosteuropänisches biographisches Archiv /[edited by Kramme, U. [and]Urra Muena, Ž].München:K.G. Saur Verlag,[1997]‐microfiches: 467,13‐14.37Mémoire justificatif de la révolution roumaine du 11 (23) juin 1848 / AbdolonymeUbicini. Paris: Imprimerie de Cosson,[1849?]. Three copies are held in BL 8092.e.70.;8092.e.71., and LB.31.b.21963. See DH 53/2, ‘Presented anonymously in January 1853.’38See DH 53/3, ‘Presented by the author July 1857’. BLIND, C. The DanubianPrincipalities: their claims to independence considered... Reprinted from the EclecticReview. pp. 26. London: Ward & Co., 1857. BL shelfmark 8028.b.13.39See MAWER E. B. Roumanian fairy tales and legends. London: H. K. Lewis,1881; JACKSON, H. A. A series of lectures upon Roumanian History and Literature.Lower Norwood: The “Press” Office, 1884.


286 MI<strong>LA</strong>N GRBAthe Kingdom of Romania in 1881, James Samuelson wrote: “There isno country in Europe which at present time possesses greater interest forEnglishman that does the Kingdom of Roumania, and there is none withwhose present state and past history, nay, with whose very geographicalposition, they are less familiar”. 40 As mentioned above, in 1915 a moresubstantial basis for Romanian studies in Britain was created in the newSchool of Slavonic and East European Studies at King’s College in London.One of the personalities instrumental for the establishment of SSEES wasRobert William Seton‐Watson (1879‐1951), a historian, academic andauthority on central and southeast Europe whose work was remarkable inits scope and erudition. In 1934 he produced a pioneering work, a majorstudy entitled A History of the Roumanians, from Roman times to theCompletion of Unity. 41 By the end of the First World War and its aftermatha great number of books, pamphlets, records, first‐hand accounts, journalsand newspaper articles were published which created an unprecedentedbody of knowledge and information on south‐east Europe in Britain.Romanian books and periodicals donated to the British MuseumLibrary, 1852‐1952The donations of the 1850s have been discussed to some extent above. 42After the year 1857 there followed a twenty‐year period before the newRomanian books were presented again to the BML. Starting from the year1876 onwards, almost every volume of the British Museum Department ofPrinted Books “Registry of Donations, 1836 to 1953” records Romanianentries. 43 In the volumes for the last quarter of the nineteenth century 154Romanian entries are found, or six entries a year on average. 44 In the volumes40SAMUELSON, J. Roumania, past and present... Illustrated with maps, by E.Weller, portraits... plates and numerous plans and woodcuts, by G. Pearson, etc. London:Longmans & Co., 1882.41SETON‐WATSON, R. W. A History of the Roumanians, from Roman times to theCompletion of Unity. Cambridge: University Press, 1934.42See notes 9, 34, 35, 37 and 38.43With the exception of the first book for the period 1836‐1848 and the books DH53/4‐6 covering the period 1858‐1875. I am grateful to Lynn Young, the British LibraryArchivist, for allowing me access to 60 volumes of the Register of Donations, 1836‐1953,also called Series DH 53.44The majority of manuscript volumes contain indexes but it is quite possiblethat due to spelling errors or illegible writing or my omissions not every entry has beenacknowledged as Romanian. Also one would assume that not every single donation hadbeen recorded in the register of donations. However, it can be said that the findings arerepresentative for the Romanian donations registered here.


The British Museum Library and Romania: the beginnings... 287for the years 1901 to 1953, in total 504 entries are found, or about 10 entriesa year on average. 45 An entry in the registry of donations could include anynumber of books, multi‐volumes or serial parts, ranging from one title to anumber of titles or unnumbered lists of works, so it should not be assumedthat an entry represents only one donated item. For a span of a hundredyears, from 1852 to 1952, 663 entries were found in total in the 60 volumesthat were consulted. 46 In terms of the number of titles of books, periodicalsand newspapers, it can be estimated that the number of donated titles maybe well over one thousand. The estimated number of items of multi‐volumebooks, periodicals and newspaper parts may be several thousands. TheAssistant Keepers in the Department of Printed Books did not have an easytask in recording donations. With Romanian donations it was not so much alanguage barrier, as the material presented was mainly in Roman characters.Academic series were registered by the year of publication, the numberin series, the volume number and the total number of parts in a volume.Frequently, if a donation included several works, only the number of workswould be recorded.47These donations can be traced in the collection bythe acquisition stamps which correspond to the date of the registry ofdonations. 48 In terms of formats, donations varied from multi‐part volumes topamphlets, offprints, and individual periodical and newspaper issues. Booksprinted in or outside Romania, in Romanian or in foreign languages aboutRomania or with some Romanian interest are all included in 663 entriesdiscussed in this article. The donors were overwhelmingly from Romania,or from Romanians who lived or published abroad in Romanian and inforeign languages, mainly in French. 49 Publications in English and Germanlanguages and Romanian translations from English classical writers such asShakespeare were among notable Romanian donations.45For the years 1905, 1911, 1918 and 1945 no Romanian entries were found in theregister of donations ending in February 1953.46DH 53/1‐60.47For example, one entry states: “1908‐09 Series II Tom XXXI in 3 volumes IndiciTom 21‐30, together with 17 other works of the Roumanian Academy”. See DH 53/33, 11June 1910.48The collection items have the acquisition stamps with dates of their registration,not the dates of their accession by the Department of Printed Books. Assistant Keepersused to register donations periodically according to their work schedule, and wouldnormally deal with a backlog of donations rather than on an everyday or arrival basis.49Donations were also sent to the BML from non‐European countries, one exampleis Roumanian Association of America from Cleveland, Ohio which sent its publicationRoumania Today in October 1928. See DH 53/44, 13 October 1928. BL shelfmark 10125.df.17.


288 MI<strong>LA</strong>N GRBAAll the donations can be viewed in six main groups. Donations sent fromthe Romanian Academy account for 245 entries in the register of donations,or 37% of the total. To the category of individual and anonymous donationsbelong 200 entries, or 30%. Publishers and cultural foundations represent76 entries, or 12%. Institutional donations (learned societies, institutes,associations, faculties and museums) are responsible for 68 entries or 10%.The Romanian government and its agencies and the Legation in London 50constitute 52 entries or 8%, and the British government, its agencies andthe Legation in Bucharest contribute 22 entries or 3%.The earliest recorded entry for a donation by the Romanian Academy’sis 28 May 1881, but the Academy’s Annals (Analele) had been sent to theBML twice before, in November 1880 and February 1881. 51 Once a directlink with the BML had been established, the Romanian Academy sent itspublications regularly from 1881 to 1952. The flow of Romanian Academypublications was disrupted twice during two world wars and once during thepolitical upheavals in Romania, from October 1916 to March 1920, and thenfrom July 1939 to May 1946 52 , and from May 1946 to February 1950. TheRomanian Academy sent to the BML its main serial publications, bulletinsof the Academy’s scientific sections and other academic editions publishedseparately or as offprints from the series. All individual titles in Romanianacademic serial publications were catalogued separately in the BML. 53 Themulti‐volume work Documente privitoare la istoria românilor (Documentsrelating to Romanian history) collected by Eudoxiu Hurmuzachi had beenacknowledged with 26 entries in the registry of donations, from 1877 to50Two addresses of the Romanian Legation in London were recorded in the registryof donations: ‘4 Cromwell Place SW’ and ‘3 Marble Arch W1’.51On 13 November 1880 ‘presented anonymously’; and on 12 February 1881‘Roumanian government through the Foreign Office.’ See DH 53/10.52One donation was registered in 1946: L’Oeuvre scientifique de Francisc J. Rainer.[Edited by Stefan M., Milcu] 3 vol. Bucureşti, 1945. Vol I Neurologie Vegetative; VolII Structure Functionnelle; Vol III Anthropologie Morphologie (Varia). See DH 53/54,‘Presented by the Roumanian Academy through the Secretary, Mission of the RoumanianGovernment 1 Belgrave Square London SW1 11 May 1946’.53The BML assigned shelfmark for the Romanian Academy was Ac.743; and thereare many different sub‐shelfmarks for their series still in use today: Ac.743/5.; Ac.743/6.;Ac.743/12.; Ac.743/13.; Ac.743/15. Ac.743/16.; Ac.743/17.; Ac.743/19.; Ac.743/28.;Ac.743/37.; Ac.743/39.; Ac.743/40.; Ac.743/41.; Ac.743/3.(3.); Ac.743/45.; Ac.743/48.;Ac.743/49.; Ac.743/51.(1.); Ac.743/65.; Ac.743/66.; Ac.743/67.; Ac.743/73.; Ac.743.b.;Ac.743.b/2.; Ac.743.b/3.; Ac.743.b/6.; Ac.743.b/9.; Ac.743.ba.; Ac.743.bc/2.; and so on;as well as individual shelfmarks such as for example 9135.cc.10.; 9135.v.1., etc. Officialpublication shelfmarks in the BML were prefixed with the letters S.M.


The British Museum Library and Romania: the beginnings... 2891925. 54 The first fascicle of Bogdan Petriceicu Hasdeu’s Etymologicummagnum Romaniæ (Romanian etymological dictionary) was sent by theRomanian Academy in September 1885, before the publication date (1886),and then continued by the publisher Stabilimentul Grafic Socec & Teclufrom Bucharest until May 1896. 55 The Romanian Academy official printersSocec & Teclu and their rival Carol Göbl were the largest publishers inRomania at the turn of the century. Editions which they printed in Romaniaare well represented in the BML collections not only by their academicand official imprints but also by the first editions of Romanian literature.Bibliografia românească veche 1508‐1830 (Old Romanian bibliography)by Ioan C. Bianu and Nerva Hodoş was another notable addition to theBML collection, donated by the Romanian Academy from 1904 to 1910. 56Two volumes of the works of Prince Dimitrie Cantemir Operele PrincipeluiDemetriu Cantemiru, published by the Academy in eight volumes over 25years, were donated in February 1884. 57Ion Ghica and the British Museum LibraryThe partnership and contacts between the Romanian Academy and theBML reported through the quantity of donated material increased in the54Documente privitoare la istoria românilor. Culese de Eudoxiu de Hurmuzaki.Bucuresci: Stabilimentul Grafic Socecu şi Teclu, 1887‐1942. BL shelfmark 9135.v.1. SeeDH 53/8‐41. The first volume registered in the BML was volume VII for 1750‐1818 sentby the Romanian government through the Foreign Office in November 1877 (DH 53/8,24 November 1877). The next two volumes were also sent by the Romanian government:volume VI for 1700‐1750 (was sent through the British Embassy in Paris, see DH 53/9,12 April 1879) and volume III for 1576‐1599 (DH 53/10, 12 February 1881). From July1882 the Romanian Academy continued to send other volumes in the series directly to theBML.55Etymologicum magnum Romaniæ. Dicţionarul limbeǐ istorice şi poporanea românilor, lucrat dupa dorinţa şi cu cheltuiela M. S. Regului Carol I sub auspicieleAcademiei Române de B. Petriceicu‐Hasdeu. Bucuresci: Stabilimentul Grafic Socec& Teclu, 1886‐1898. BL shelfmark 12942.h.11. Ten entries were recoded between 5September 1885 and 9 May 1896 in DH 53/14‐21.56Bibliografia românească veche 1508‐1830 de Ioan C. Bianu si Nerva Hodoş.Tom 1‐4. Bucuresci: Editiunea Academiei Române, 1903‐1944. BL shelfmark Ac.743.b/3.Five entries were recoded between 10 December 1904 and 11 June 1910 in DH 53/ 29‐33.57CANTEMIR, D. Operele Principelui Demetriu Cantemiru. Tiparite de Societateaacademică română. 8 tom. Bucuresci: Typographia Curţii F. Gobl., 1872‐1901. BLshelfmark Ac.743/21. See DH 53/12 ‘presented Tom VI, VII 1883’ by Romanian Academy23 February 1884.


290 MI<strong>LA</strong>N GRBAmid‐1880s and 1890s, and especially after the First World War. 58 This canbe said of the relationship in general between the BML and other donorsfrom Romania and elsewhere after the First World War. 59 The increasedactivity between Romania and the BML in the 1880s can be seen in the lightof the newly‐established diplomatic relations between the two countriesin 1880. In that year the Romanian minister plenipotentiary was sent toLondon. In the years 1881‐1890, the Romanian minister in Britain was IonGhica (1816‐1897), a politician and writer. Ghica was also president of theRomanian Academy several times, and he served as president in the years1884‐1887 and 1894‐1895. Tappe writes that it was Ghica “who had helpedMurray and was still a friend of Stanley”. 60 Ghica’s chief contribution to theknowledge of Rumanian language and literature in Britain was to see thatRumanian books came into the British Museum Library. Like his friendAlecsandri, who in 1853 had presented the British Museum Library with thefirst volume of his collection of folk‐ballads and also with a volume of hisearly plays, Ghica felt the importance of Rumanian books being availablethere, as one can see very clearly from the Library’s register of donationsas well as from Ghica’s correspondence with Ion Bianu, the director of theRumanina [sic] Academy Library. ‘I am intimate’ writes Ghica ‘with manypeople at the British Museum Library and can get you any informationthat may be required for the organization of your library’. 61 He then asksBianu to buy him copies of his (Ghica’s) Convorbiri economice so thathe can give them to libraries in Britain. Ghica also had dealings with thewriter of the first Rumanian grammar published in English, R. Torcianu 62 .He introduced him to the British Museum’s Keeper of Manuscripts 63 inthe hope that he might discover something of Rumanian interest”. 64 Ghicafurthermore wrote to Bianu: Mulţumeşte pentru fotografia manuscisuluilui Mihai Viteazul. Îl roagă să‐i trimită încă un examplar pentru British58According to the number of entries recorded in DH 53/1‐60.59As above.60See note: 33.61Ghica did send the information that was requested to Ioan C. Bianu (1856‐1935),philologist, bibliographer, librarian, “I‐a trimis o lucrare asupra modului de organizare aMuzeului Britanic. Cere noutăţi în legatură cu plănuitul local al Academiei.” See Catalogulcorespondenţei lui Ion Ghica. Întocmit de Nicolae Liu. Bucureşti: Biblioteca AcademieiRepublicii Populare Romîne, 1962, p. 74. Entry 158, 14 October 1885.62TORCEANU R, A Simplified Grammar of the Roumanian Language. London:Trubner, 1883.63Edward Maunde Thompson (Keeper of Manuscripts, 1878‐88; Principal Librarian,1888‐1909). See HARRIS, 1998: 279.64TAPPE, 1975: 4‐5.


The British Museum Library and Romania: the beginnings... 291Museum şi o transcriere. 65 Soon afer that Ghica sent another message toBianu: Întereabă dacă prin testamentul lui Mihai Sturdza s‐a lăsat cevaAcademiei şi dacă s‐a trimis colecţia Hurmuzachi Muzeului Britanic. 66Stuart (Reginald) Poole (1832‐1895), numismatist and keeper of coinsand medals department in the British Museum, was another contact in theBritish Museum. In January 1884 Ghica presented through Poole a numberof books, including his Convorbiri economice (Economic conversations)and Alecsandri’s complete works Opere complete. 67 While in London Ghicaused the honorary title of Prince of Samos awarded to him by the SultanAbd‐ul‐Mejid I in 1856 for services during the Crimean War. 68 In the BMLprinted catalogues his honorary title is included in the heading “GHICA,Ion, Prince of Samos”. Ghica’s presents to the BML included Romanianliterary works, current official publications and some rarities. 69 In a letter tothe president of the Romanian Academy Dimitrie A. Sturdza, Ghica drewhis attention to a manuscript held in the BML, Întreaba dacă ar interesaAcademia întocmirea unor fotografii a legăturii unui evangheliar care aaparţinut lui Alexandru cel Bun şi se afla la Muzeul Britanic. 70 In another65LIU: 1962: p.72. Entry 144, 28 April 1884.66As above. Entry 146, 11 June 1884.67GHICA I, Convorbiri economice. Bucurescǐ: Socecǔ, 1879. BL shelfmarks 8229.aaaa.10.; 8207.bbb.22.[Another copy.] A<strong>LE</strong>CSANDRI, V. Opere complete. Bucurescǐ:Socecǔ & Co., 1875‐1880. BL shelfmarks 12265.i.1.; 12264.e.3. See DH/53/12, 12January 1884.68See [http://en.wikipedia.org/wiki/Ion_Ghica, accessed 10 March 2012]; SeeDH/53/12, ‘Presented by H.E. Prince Ion Ghica through Mr R. Stuart Poole’ 12 January1884.69SHAKESPEARE, W. Viaţa şi mórtea Regeluǐ Richard III. Translated intoRomanian by Scarlat Ion Ghica. Bucuresci: Stabilimentul Grafic Socecu si Teclu, 1884. BLshelfmark 11764.g.2.; Cestiunea Dunarei. Acte şi documente. Minister Afacerilor Streine.Bucuresci: Tipografia Romanulu Carol Göbl, [1883]. BL shelfmark S.M.25/2.; S.M.25/3.[Another copy.]; HOLTZENDORFF‐VIETMANSDORF, F. Les Droits riverains dela Roumanie sur le Danube. Consultation de droit international. Leipsic: Duncker undHumbolt, 1884. BL shelfmark 6916.b.9.; Book mentioned as rarity is TOCI<strong>LE</strong>SCU,Grigore George. Biserica episcopală a Mănăstireǐ Curtea de Argeş, etc. [A history anddescription of the church with an account of the opening ceremony on its final restorationby the King and Queen of Roumania, 12 October 1886, with an inaugural ode and otherverses by V. Alecsandri. With woodcuts and heliographs.] Bucurescĭ, 1886. BL shelfmark1787.d.10.; GHICA, A. Scrisori ale lui Ion Ghica către V. Alecsandri. Bucurescĭ, 1887.BL shelfmark 10910.bbb.43.; Tractate conventiuni şi învoiri internaţionale ale Românieiactualmente în vigóre. par T. G. Djuvara... Bucurescĭ: A. Degenmann, 1888. BL shelfmark8028.g.15. See DH 53/ 13 and 15. The books were registered in June 1885, June 1887,July 1887 and October 1888 respectively.70LIU: 1962: p.329. Entry 1168, 23 November 1882.


292 MI<strong>LA</strong>N GRBAletter to Sturdza in 1884, Ghica mentioned a BML acknowledgement letteraddressed to the Queen Consort of Romania, Elisabeth, thanking her forher gifts to the library, Întreaba dacă a remis reginei Elisabeta scrisoareade la British Museum prin care i se mulţumeşte pentru trimiterea scrierilorei. 71 Ghica and his successors at the Romanian Legation in London and theRomanian Academy in Bucharest, as indeed in other Romanian learnedsocieties and cultural foundations, maintained their contacts with theBML in the twentieth century. 72 In the 1930s the Fundaţiă Regele CarolI, a cultural foundation and publishing house in Bucharest, regularly senttheir publications to the BML. This foundation mainly published primarysources and historical editions in collaboration with leading Romanianscholars, including research material that Ghica had requested for theBML. 73 Historical sources for the history of Mihai Viteazul (Michael theBrave), Prince of Wallachia 1593‐1601, the prince who united Wallachiawith Transylvania and Moldavia in a personal union in 1600, includingmaterial such as Documente privitoare la istoria lui Mihai Viteazul, editedby Petre P. Panaitescu, were sent to the BML. 7471Ditto., p. 338. Entry 1194, 12 June 1884.72Dimitrie A. Sturdza (1833‐1914), a politician and academic, found the time whileserving as prime minister to donate books to the BML. His donations are recorded inthe registry of donations as follows: CREANGĂ, G. D. Proprietatea rurală în Romania.Bucureşti: Instit. de arte grafice “C. Göbl”, 1907. BL shelmark 1888.aa.2.; Acte şi legiuiriprivitoare la chestia ţărănească. Bucureşti: Atelierele grafice Socec & co., 1907‐1908.Series 1 compiled by D.S. Sturdza‐Şcheeanu; series 2 compiled by Radu Rosetti. Bucureşti:Atelierele grafice Socec & Co., 1907‐1908. BL shelfmark X.200/1556.; STURDZA. D.A. Charles Ier roi de Roumanie: Chronique, actes, documents, publies par DemetreA. Sturdza. Bucarest: Institut d’Arts Graphiques Charles Goebl,1899. BL shelfmark1572/508.; Acte şi documente relative la istoria renascerei româniei... Publicate deGhenadie Petrescu... Dimitrie A. Sturdza... şi Dimitrie C. Sturdza. Bucuresci: Institutul dearte grafice C. Göbl, 1889‐1909. BL shelfmark Ac.743/39. “Presented by HE M DemeterStourdza the PM of Roumania Str Mercur 13 Bucharest”. In the last entry: “Presented byHE M Demeter Stourdza the PM of Roumania through Sidney Whitmen Esq. 6 RussellRoad Kensington W”. See DH 53/31, 10 October 1908.73See note 65. His letter to Ioan Bianu of 28 April 1884.74Another Harleian manuscript (see note 1) of strong Romanian interest is Life ofMichael III of Wallachia, manuscript (ff. 42) with illuminated portraits (ff. 2v and 4v) andfrontispiece, by Georgios Palamedes, copied by Demetrios Temeno in Greek in 1624. Themanuscript is bound in Romanian binding in blind‐stamped red leather after 1624. BLshelfmark Harley 5573. The types of books donated by the Fundaţia Regele Carol I are asfollows: PANAITESCU, P. P. Mihai Viteazul, Bucureşti: Fundaţia Regele Carol I, 1936;BL shelfmark 20012.h.27.; Documente privitoare la istoria lui Mihai Vreazul publicatede P. P. Panaitescu, Bucureşti: Fundaţia Regele Carol I, 1936, BL shelfmark 20003.


The British Museum Library and Romania: the beginnings... 293Some notable individual donations to the British Museum LibraryIn 1883 the Romanian Academy donated Carmen Sylva’s 75 storytranslated into Romanian as Puiu. Legendă, adding to her German worksalready in the BML collection. 76 In the following year the Queen Consortpresented to the BML 15 mainly German titles published in the 1880s.Her gifts included French and Italian editions of her poems and prose,Povestile Peleşului, which was another translation into Romanian, a bookof Romanian poetry in her own German translation, and a collection oftales, Pilgrim Sorrow, published in London in 1884 in Helen Zimmern’stranslation. 77 Nicolae Iorga (1871‐1940), the historian and politician, has 21entries recorded in the register of donations from 1900 to 1927, of which 16entries record his donation of serial issues published by the Institute which hefounded, Buletinul Institutului pentru studiul Europei sud‐ostice (Bulletinof the Institute for Southeast European Studies), recorded in the period1921‐27. 78 Dragoş Protopopescu (1892‐1948), the first professor of Englishlanguage and literature at the University of Bucharest, has three entriesin the register of donations for his poems Poemele Restriştei, 1916‐1918(1920); and two studies, Un Classique moderne. William Congreve, etc.,published in Paris (1924) and the English studies Pagini engleze (1925). 79dd.11.; Documente slavo‐române din mănăstirile muntelui Athos (1372‐1658). Publicatede Grigorie Nandriş după fotografiile şi notele lui G. Millet. Bucureşti: Fundaţia RegeleCarol I, 1936, among other works ‘presented by the Secretary, Fundaţia Regele Carol I,Secţia Istorică. Strada Wilson Nr 1 Bucureşti’. See DH 53/49‐52, 16 entries with variousdates between 9 May 1936 and 13 July 1940.75A pen‐name of Elisabeth, Queen Consort of Carol I, King of Romania. CarmenSylva’s real name was Paulina Elisabeth Ottilia Louisa (1843‐1916).76Puiu. Legendă. An offprint from the Annals. Translated into Romanian from astory in “Pelesch‐Märchen” Extrasǔ din Analele Academieǐ Române, etc. Bucuresci, 1882.See DH53/12, 31 March 1883.77Povestile Peleşului de Carmen Sylva. [A Roumanian version of “Aus CarmenSylva’s Königreich.”] [Bucharest, 1883.]. BL 12357.m.8; Jehovah... Versione metricadi A. Calvino. Roma,1883. Rumänische Dichtungen. Deutsch von Carmen Sylva.Herausgegeben und mit weiteren Beiträgen versehen von Mite Kremnitz.pp. Leipzig,1881. BL 011586.f.20. Pilgrim Sorrow. A cycle of tales.... Translated by Helen Zimmern.T. Fisher Unwin: London, 1884 [1883]. 12591.b.48. Les Pensées d’une Reine. Préfacepar L. Ulbach. Paris,1882. BL 8411.b.37.; C.41.c.24. [Another copy.] See DH 53/13,‘Presented by the Queen of Roumania through the Roumanian Legation London’ 10 May1884.78See DH 53/27‐43.79See DH 53/39 ‘Presented by the author, Academia Romana’ 12 March 1921; DH53/41 ‘Presented by the author’ 13 December 1924; DH 53/44 ‘Presented by Dr D. C.


294 MI<strong>LA</strong>N GRBAIn 1924 Protopopescu edited in English another study on the Englishdramatist William Congreve (1670‐1729), entitled A Sheaf of PoeticalScraps, based on his research at the BML. In preface to the second edition(1924), Protopopescu published a letter from another Congreve scholar,Edmund Gosse: 80 “Dear Mr. Protopopesco, I have read your article in theTimes Literary Supplement with the greatest interest. Your “Satyr againstLove” is a great discovery. It is so much better than all Congreve’s othermiscellaneous pieces that I can hardly believe my eyes and ears. Your othernotes are of hardly less importance. I congratulate you cordially. Yours verytruly Edmund GOSSE”. 81 In his letter Gosse referred to Congreve’s poem,thought to have been lost. Thanks to Protopopescu’s research this poemwas discovered and published here as he described it: “But I found it amongthe Manuscripts of the Bibliotheca Sloaneiana (Br. M. Add., 3.096)[sic],styled as A satyr against Love. By Mr. Congreve.” 82 Further examination ofProtopopescu’s books in the British Library collection has revealed that allof his 19 works in the collection were presented to the BML by the author;from his first Poemele restriştei donated in March 1921 to the last donation,his English grammar Introducere la grai şi suflet englez. Gramatica vie alimbei engleze, etc., published in 1947. On the front cover of his Englishgrammar book the author inscribed “To the British Museum Library withthe Author’s compliments 25.6.47 Bucharest”. 83 This book arrived in theBML on or before 11 October 1947, which is the date of the stamp in thebook. It appears that Protopopescu had sent a consignment of 13 books,all translations from Shakespeare’s plays and one study on English theatreProtopopescu 4 Cromwell Place SW7’ 9 March 1929 respectively.80Sir Edmund Gosse (1849‐1928), writer and librarian. Gosse started his workinglife as a junior assistant in the Department of Printed Books in the BML from 1867 to1875. In 1904 he was appointed as librarian to the House of Lords. See Ann Thwaite,‘Gosse, Sir Edmund William (1849‐1928)’, Oxford Dictionary of National Biography,Oxford University Press, 2004; online edn, May 2011 [http://www.oxforddnb.com/view/article/33481, accessed 12 March 2012]. See HARRIS, 1998: 306.81CONGREVE W. A Sheaf of Poetical Scraps. Together with A Satyr against Love,Prose Miscellanies and Letters. Edited by Dr. Dragosh Protopopesco... Second editionenlarged, etc. [Bucuresti]: Cultura Nationala, 1924, p. 6.82Ditto, p. [21]‐23; the shelfmark is given incorrectly on p. [21]. In the BL copy11633.ee.9. the incorrect shelfmark has been crossed out and the correct one inscribed inpencil as Sloane. 3996. The catalogue entry in the manuscript catalogue is “Satire againstLove. 17th cent. Imperfect BL shelfmark Sloane. 3996. f. 4 6”. On the title page the BLcopy has an inscription in Protopopescu’s hand: “donum auctoris Cernauti, oct /25”.83PROTOPOPESCU, D. Introducere la grai şi suflet englez. Gramatica vie a limbeiengleze, etc. Bucureşti, 1947. BL shelfmark 12974.aa.70.


The British Museum Library and Romania: the beginnings... 295Teatru englez 84 , published between 1940 and 1947 by various publishers.Interestingly Teatru englez published in 1943 has an identical inscriptionon the front cover to the previous one but dated “Bucharest 26.6.42.” 85 Theother donated books are not dated but have the same inscription on the frontcover. It can be assumed that the consignment had been sent to the BMLbetween June and October 1947 before the communist authorities arrestedProtopopescu in 1948. 86ConclusionThe BML Romanian collection has been built up over 160 years, sincethe mid‐1850s. The year 1852 is important for this collection in the BMLas it represents a symbolic beginning of the collection initiated with avolume of national folk songs. It could not be more appropriate that thiscollection of national songs was presented to the BML by the collectorand poet Vasile Alecsandri. The BML Romanian collection had the goodfortune that generation upon generation of Romanians made it customaryto donate books just as Alecsandri had started it. The donors of Romanianbooks were as varied a group of people as the books they donated to theBML. They had different social and cultural background, from royalty,politicians, academics and major publishers to ordinary people and smallprivate printers. Their motives were also very different. Some donors hadpolitical and cultural missions and agendas in mind, some none at all,or were simply looking for a good home for their books. In any case theassistant keepers seemed happy to have Romanian books in the library.The reason for this lay partly in the cosmopolitan nature of the library asarticulated by Panizzi and his assistants in the 1830s, and partly in thenature of the material donated. In the majority of cases donated material84PROTOPOPESCU, D. Teatru englez. Traduceri. I. Bernard Shaw, Eugen O’Neill,John M. Synge. Bucuresti: Casa Scoalelor, 1943. BL shelfmark 11783.e.14.85As above.86Only one of Protopopescu’s books in the BL does not have his donation inscriptionbut from the stamp (11 July 1925) it can be assumed that this was also a donation. SeePROTOPOPESCU, D. Caracterul de rasă al literaturei engleze. (Lecţia inaugurală acatedrei de Limba şi Literatura engleză, ţinută în Aula Universităţei din Cernăuţi în ziua 6april, 1925. Cernauţi: Institutul de Arte Grafice şi Editura "Glasul Bucovinei", 1925. BLshelfmark 011840.d.17. Some biographical sources have wrongly dated Protopopescu’sdeath to 11 April 1946 and this mistake has been carried over to recently‐published editionssuch as SASU, A. Dicţionarul biografic al literaturii române: DBLR. Piteşti: Paralela 45,2006, pp. 438‐439. Surprisingly an open archive source dates his death correctly to 1948;see [http://ro.wikipedia.org/wiki/Drago%C8%99_Protopopescu, accessed 13 March2012]


296 MI<strong>LA</strong>N GRBAwas of research value for a broad range of subjects, and, as such, welcomein the library. The BML was evidently willing to accept even modestpublications, offprints from literary and academic journals and privatelypublished pamphlets and other ephemera. Donated material was collectedin a non‐judgemental, neutral way and acknowledged in similar fashion atall times. Contentious issues and opposing ideologies did not seem to affectthe BML’s acquisition policy.Looking at the BML’s published Subject indexes of recently acquiredcontemporary books from 1881 until the 1950s, it seems that acquisitionsby purchase were equal to acquisitions by donation. With an average of12 titles a year in the nineteenth century to about 20 titles a year until the1950s, Romanian books were certainly a weak area in the BML collections.Tappe was very well informed of this fact: “It is much to be regretted thatno British libraries built up collections of Rumanian literature in the 1920’sand 1930’s. Only in history did Nicolae Iorga see to it that there was acertain supply of books”. 87 The survey of donated books in this article endswith 1952 for two reasons. The register of donations was kept until February1953 and then replaced by a series of card indexes. The other reason is thatfrom the mid‐1950s institutional donations were replaced by exchangesas a new form of acquisition from Eastern Europe. Academic institutionssuch as the Romanian Academy with an active publishing programmebegan to exchange their publications instead of presenting them. TheBML established barter exchanges with national libraries, academies anduniversity libraries in eastern European countries including Romania. Bythis arrangement the exchange partners supplied what the BML requestedand to a similar value the BML initially supplied only its own publications,although later, when the exchanges increased, British publications had tobe bought and despatched in exchange. What this exchange programmemeant for the BML’s Romanian collection in the 1960s was, in Tappe’swords, a “rapid growth”. 88 The BML Subject indexes of recently acquiredcontemporary books for the years 1961‐1970 list about 840 Romanianentries, and for the years 1971‐1975 approximately 1400 entries or 280 ayear. The exchanges with Romania lasted for 50 years until 2004, when theexchanges were discontinued in favour of purchase.The British Library holds today over 30,000 Romanian books andperiodical titles, of which approximately 1500 Romanian imprints werepublished before 1900, and more than 100,000 various items in different87TAPPE, 1975: 7.88As above, p. 8.


The British Museum Library and Romania: the beginnings... 297formats. Together with other sources in the library, this collection is thelargest reference centre in Britain for the study of Romanian culture.The central point of this article is a collection as a historical subjectand book donations as a way of generating new relationships in culturalexchanges between two nations. Donations played an important part in thehistory of the BML, especially in establishing the importance, relevanceand international character of its collections. The actions of individuals andinstitutions and the process of donating books as described in this articlewere equally relevant and significant for the history of the BML Romaniancollection, as indeed for the cultural history of the two countries. It seemshighly appropriate on this occasion to record and acknowledge this culturalexchange.References:LIU, N. Catalogul corespondenţei lui Ion Ghica. Intocmit de Nicolae Liu,Bucureşti: Biblioteca Academiei Republicii Populare Romîne, 1962.TAPPE, E. Rumanian in Britain. An Inaugural Lecture delivered at The SenateHouse 10 March 1975. London: [Author], 1975.C<strong>LE</strong>MINSON, R. A Union catalogue of Cyrillic manuscripts in British and Irishcollections, the Anne Pennington catalogue compiled by Ralph Cleminson,London: School of Slavonic and East European Studies, 1988.HARRIS, P. R. A history of the British Museum Library, 1753‐1973, London:British Library, 1998.C<strong>LE</strong>MINSON, R. Cyrillic books printed before 1701 in British and IrishCollections: a union catalogue compiled by Ralph Cleminson... [et al.],London: British Library, 2000.


« La Belgique de l’Orient ».Les relations Belgique – Roumanie à travers l’impriméau milieu du XIX e siècleJACQUES HEL<strong>LE</strong>MANSQue la Roumanie soit francophile 1 , ce n’est plus à démontrer, maiscurieusement, durant la seconde moitié du XIX e siècle, ce pays fut untemps appelée la « Belgique de l’Orient ». Cela me semblait un terrainpropice d’investigation sur la diffusion des contrefaçons belges danscette partie de l’Europe. Quelle ne fût ma surprise en découvrant, en juindernier, à la « Biblioteca Judeţeană George Bariţiu Braşov », une ébauchede constitution roumaine imprimée, apparemment à Bruxelles, en langueroumaine. Aussi ai‐je souhaité, dans le cadre de ce symposium, orienter marecherche sur les relations entre nos deux pays au milieu du XIX e siècle.Bien des choses ont été écrites sur l’importance – principalement aucours du troisième quart du XIX e siècle – des relations économiques entrela Belgique et la Roumanie. Cet article s’intéressera plus particulièrementaux influences intellectuelles entre nos deux pays : depuis les écrits desexilés roumains en Belgique jusqu’à l’inspiration belge de la premièreconstitution roumaine. C’est notamment à Bruxelles que se publient dansles années 1850 les revues révolutionnaires La République Roumaine etL’Étoile du Danube.Dans un premier temps, intéressons‐nous plus particulièrement à laconstitution roumaine et son influence belge….et maçonnique supposée.Ainsi, selon Radu Comănescu, historien de la maçonnerie roumaine, lenationalisme ethnique et politique était une valeur pleinement embrasséepar la franc‐maçonnerie roumaine, qui a préservé un aspect de la traditionmaçonnique du XVIII e siècle : le rejet des empires. Certaines valeurs1Sultana Craia ─ Francophonie et francophilie en Roumanie. Bucarest : Meronia,2006, 222 p.


« La Belgique de l’Orient ». Les relations Belgique – Roumanie... 299maçonniques se situent dès lors à la base de l’État moderne roumain. Àla lueur des archives, Radu Comănescu évoque notamment le fait que lerite écossais primitif de Namur existait au XIX e siècle au sein du SuprêmeConseil de Roumanie. Il semblerait que ce rite n’aurait été pratiqué qu’enRoumanie et en Belgique, ce qui constituerait en quelque sorte le pontconstitutionnel maçonnique. Par ailleurs, historiquement, la plus connuedes loges roumaines est la septième : « Steaua Dunării » ou « Étoile duDanube », créée à Bruxelles en 1850, par les « frères Farmazons », qui s’yétaient réfugiés après l’échec de la révolution roumaine de 1848. Avantleur départ, cette loge fonctionnait clandestinement. Les réfugiés firentparaître à Bruxelles un journal éponyme. Nous évoquerons cela dans lasuite de l’exposé.À une époque où les empires connaissaient encore la monarchieabsolue, le texte constitutionnel belge du 7 février 1831 provoqua uneavancée tant sur le plan des droits et libertés que sur celui du subtilagencement d’un système monarchique avec le principe de la souveraineténationale. Rapidement, des émigrés européens affluèrent pour trouver asiledans la nouvelle démocratie et cette effervescence favorisa sans nul doutel’émergence de nouvelles aspirations. La Constitution de 1831 devient unexemple pour la bourgeoisie libérale. C’est ainsi que durant le XIX e siècle,la Loi fondamentale belge servit de modèle à plusieurs États, comme laGrèce (1843), le Danemark (1849) mais aussi la Roumanie (1866) et plustard la Bulgarie (1879). Il va sans dire qu’il ne s’agit point d’un simplecalque de la Constitution belge mais d’une longue maturation entaméedepuis le début du siècle. En effet, l’histoire parlementaire de la Roumaniecommence en 1831, lorsqu’en Valachie est adopté un acte à caractèreconstitutionnel dénommé « Règlement organique », appliqué, une annéeplus tard, en Moldavie également. Les Règlements organiques ont jeté lesfondements du parlementarisme dans les Principautés roumaines.Au temps où la Belgique devenait État indépendant, les pays roumainscommençaient à entrer plus avant dans la vie européenne, à changer enpartie leur mentalité et à s’adapter aux transformations imposées par lestemps nouveaux. Jusqu’en 1848 les éléments plus modérés qui désiraientdes réformes plus libérales, mais dans la forme monarchique, ont étéattirés vers la Belgique. Les idées acquises sur la Belgique, par rapport auxrevendications politiques et sociales, ont sûrement contribué à la formationdes idéaux de la génération de 1848. Dans les demandes formulées enMoldavie, en mars 1848, et dans la Constitution élaborée en juin de lamême année en Valachie, il y a des points qui révèlent des traces profondesde l’influence belge. Mihail Kogălniceanu (1817‐1891) fait part des


300 JACQUES HEL<strong>LE</strong>MANSaspirations du parti national dans son manifeste 2 qu’il publie en août 1848 :« une Roumanie unie, gouvernée par un monarque responsable, avec uneConstitution libérale, démocratique, sous le contrôle d’un parlement,librement élu par l’assemblée des citoyens contribuables, tous égauxdans leurs droits et dans leurs devoirs et un Prince (Domn) choisi parmitoutes les classes de la société » 3 .Après le fiasco des révolutions en Moldavie, en Transylvanie et enValachie, bon nombre de révolutionnaires roumains viennent s’établiren France. À la suite du coup d’État de Napoléon III, quelques‐uns desexilés roumains se dirigèrent vers la Belgique, terre de liberté, pluspropice à leurs idées trop avancées pour le nouveau régime de la France.Immédiatement après l’instauration du Second Empire en France, lesémigrants révolutionnaires roumains trouvent donc asile à Bruxelles ety créent un centre de propagande pour la cause roumaine (« Republicaromână »). Des figures éminentes de révolutionnaires roumains, tels queConstantin Alexandru Rosetti (1816‐1885), Cezar Bolliac (1813‐1881) etbien d’autres, ont vécu à Bruxelles au cours de leur émigration. C’est làqu’ils ont notamment publié les revues La République roumaine et L’Étoiledu Danube. La République roumaine, qui avait initialement paru à Paris en1851, fut suivie, en 1853, d’un second numéro à Bruxelles.L’Étoile du Danube, à savoir « Steaua Dunării» a été publiéeinitialement à Iaşi, mais ultérieurement sa rédaction a été établie à Bruxellescar elle ne pouvait plus paraître en Moldavie à cause de la censure. Interditeà Iaşi, elle reparut, rédigée en français, à Bruxelles du 4 décembre 1856au 1 er mai 1858 avec pour objectif de faire connaître la politique nationale(autonomie et union des Principautés) 4 . Sa diffusion occidentale en a étéfacilitée. Inspirée et dirigée par Mihail Kogălniceanu (1817‐1891), cettefeuille libérale fut rédigée par Nicolae Ionescu (1820‐ ?) qui se montrecomme l’un des plus ardents promoteurs de l’union de la Moldavie et dela Valachie. Ce journal de 4 pages in folio (46 cm) publié chaque jeudisortait des presses de Guyot et Stapleaux fils, sise rue de Schaerbeek 12à Bruxelles 5 . Un seul numéro subsiste à la Bibliothèque royale Albert I er .2[Mihail Kogălniceanu] ─ Dorinţele partidei naţionale din Moldova, août 1848.3Andrei Radulescu ─ L’influence belge sur le droit roumain. In : Studia Politica:Romanian Political Science Review, vol. VIII, no. 1, 2008, p. 1924Nicola Fotino et Lucretia Baluta‐Kiss ─ 100 ans depuis l’établissement desrelations diplomatiques roumano‐belges. In : « Studia diplomatica », vol. 33, 1980, n° 3,p. 3285Charles Hen ─ Journal de l’imprimerie et de la librairie en Belgique, 3 eannée, 31 décembre 1856, n° 15, p. 254, item 1786 : « L’'Étoile du Danube, 1 ère année,


« La Belgique de l’Orient ». Les relations Belgique – Roumanie... 301Il est conservé dans le fonds des spécimens dit Mertens 6 . Le n° 3 du 18décembre 1856, signé D[umitru] B[rătianu] relate la semaine politique,la correspondance régulière dans les principautés (principalement laMoldavie), les actes officiels et la presse européenne sur les principautés(dont la circulaire turque). Une Correspondance de L’Étoile du Danuberéapparait à Iaşi à partir de 1859 7 .Venons‐en à cette fameuse constitution roumaine ConstituţiuneaRomâniei reintegrată, sau schiţă pentru o constituţiune în România(Bruxelles, 1857) dont le texte est signé Emanoil Kinezu, écrit habituellementChinezu et parfois Quinezu 8 . L’ouvrage en question constitue un projetde Loi fondamentale à l’intention d’un public roumain incité au débatconstitutionnel par le Traité de Paris du 30 mars 1856. Il aurait semble‐t‐ilété imprimé en 1857 à Bruxelles, chez Guyot & Stapleaux Fils. L’ouvragese présente comme un petit volume in‐8 de 124 pages dont j’ai retrouvéun exemplaire à la Bibliothèque départementale de Braşov. Un autreexemplaire se trouve dans une collection privée de Bucarest et porte surla première page une dédicace autographe de l’auteur à Vasile Maniu :« omagiu D. B. Maniu de autor, Em. Chinezu ».Fils d’un magistrat aisé de Craiova 9 , Emanoil Chinezu naquit en 1817.hebdomadaire, Bruxelles, rue de Schaerbeek 12, abonnement pour la Belgique, 6 francs,pour les principautés, 12 francs » // 4 e année, juin 1857, n° 6, p. 94, item 555 : « L’'Étoiledu Danube, in folio, 1857, 1 ère année, ce journal paraît deux fois par semaine, Bruxelles,rue de Schaerbeek 12, abonnement pour la Belgique, 12 francs, pour les principautés, 24francs » // « 5 e année, 1858, p. 6, item 67 : « L’'Étoile du Danube, in folio, 1858, 2 e année,ce journal paraît une fois par semaine, Bruxelles, rue de Schaerbeek 12, abonnement pourla Belgique, 12 francs, pour les principautés, 24 francs ».Arthur J. Vermeersch ─ Répertoire de la presse bruxelloise (1789‐1914).Tome 1 : lettres A‐K. Bruxelles, 1968. – (Cahiers du Centre interuniversitaire d’histoirecontemporaine, n° 42), p. 253.6KBR : FS XLVIII 3134 D7UGent – Universiteitsbibliotheek, BIB. J.000584, 1(1859) 4,58Daniel Barbu ─ La Cité des Ro(u)mains : Un projet roumain de constitutionimprimé à Bruxelles en 1857. In : « Studia Politica: Romanian Political Science Review »,vol. VIII, n° 1, 2008, p. 192‐194.Voir aussi : cosmin lucian gherghe ─ The 1857 Constitution Project. In : « Revistade Ştiinţe Politice », 6, 2005, p. 64‐69.9Cosmin Lucian Gherghe ─ Emanoil Chinezu. Personalitate remarcabilă aCraiovei secolului al XIX‐lea. In : « Arhivele Olteniei », 16, 2002, p. 80‐82.Voir aussi : Emanoil Chinezu şi Conferinţa de la Paris, martie 1856, In : « Oltenia.Studii şi Comunicări, seria Arheologie‐Istorie », XIV, 2002‐2003, p. 62‐65 // EmanoilChinezu, reprezentant de seamă al liberalismului românesc. În : « Revista de ŞtiinţePolitice », 2004, 4, p. 54‐70.


302 JACQUES HEL<strong>LE</strong>MANSIl étudie l’histoire et le droit à Bucarest et à Paris 10 . Rentré de Paris en1848, il se met au service du gouvernement révolutionnaire. Il part ensuiteen exil, en France et en Italie. Revenu au pays, il rédige en avril 1857 àCraiova, avec Petre Opran, un manifeste, Les Doléances des Roumains, où,tout en affirmant la primauté du principe de l’égalité devant la loi, il posecomme objectif politique de la modernisation roumaine la conciliationentre le travail et la propriété dans le milieu rural 11 . Deux ans plus tard,en août 1859, bien que député, il est arrêté par le gouvernement modéréen tant que membre d’un groupe radical, qui comptait aussi ConstantinAlexandru Rosetti (1816-1885) et Nicolae T. Orăşanu (1833‐1890), pouravoir travaillé à la « réalisation du rêve absurde d’une république socialeet égalitaire » 12 . Emanoil Chinezu sera avocat à Craiova de 1864 jusqu’àsa mort en 1878. Plusieurs fois député, il sera aussi brièvement maire de saville et président du conseil départemental de Dolj.Daniel Barbu et Cosmin Lucian Gherghe nous révèlent l’un lepersonnage, l’autre l’ouvrage. J’émets pour ma part quelques doutes quantau lieu d’impression de celui‐ci. D’une part, je n’ai pas trouvé l’ouvrageen Belgique et d’autre part, l’adresse bibliographique est pour le moinsinterpellante puisqu’elle est libellée comme suit : « Imprimerie de GlyotStafluaux et Fils rue de Schaerbeek » (page de couverture) et « Imprimeriede E. Glyot & Stafluaux Fils, rue de Schaerbeek 12 » (page de titre) en lieuet place de l’intitulé courant, à savoir « Imprimerie de E. Guyot, succ. deStapleaux ». Eugène Guyot reprit en effet en 1856 la maison Stapleaux,elle‐même constituée par la fusion en association des imprimeries Baleroy,Wodon, Meline Cans & Cie, Wahlen & Cie, De Mat et Tallois, toutesissues de l’époque de la contrefaçon. Comme on l’a vu précédemment,Eugène Guyot était depuis décembre 1856 l’imprimeur du journal L’Étoiledu Danube et en 1857 de la monographie intitulée Protestation contre leslistes électorales pour le divan ad hoc adressée par les Patriotes Moldavesaux Membres de la Commission internationale siégeant à Buccarest [sic].On pourrait très bien imaginer, que pour des raisons de censure, ce projetde constitution ait été imprimé sous une fausse adresse. Cette hypothèsepeut paraître vraisemblable compte tenu de l’impression par Eugène Guyot10Cosmin Lucian Gherghe ─ Contribuţia lui Emanoil Chinezu la dezvoltareadreptului românesc, In: « Revista de Ştiinţe Politice », 2007, 14, p. 78.11Cosmin Lucian Gherghe ─ Contribuţia lui Emanoil Chinezu la redactareaprogramului unionist craiovean, În: « Analele Universităţii din Craiova », seria Istorie,2002, 8, p. 141‐147.12Apostol Stan & Mircea Iosa ─ Liberalismul politic în România. Bucureşti:Editura Enciclopedică, 1996, p. 86.


« La Belgique de l’Orient ». Les relations Belgique – Roumanie... 303d’autres écrits d’exilés moldaves, mais ce ne sont pour l’instant que dessuppositions. Des recherches complémentaires seront entreprises.Le désir de connaître les institutions belges s’est accru après le Traité deParis de mars 1856. Rappelons pour mémoire, la traduction, en 1857, de laConstitution belge, la loi électorale et la loi de l’organisation judiciaire parTeodor Veisa à Iaşi en Moldavie13. Dans l’application du Traité, qui entendaitapporter des relations plus harmonieuses entre les grandes puissances dansle sud‐est européen après la Guerre de Crimée, les Roumains de Valachieet de Moldavie, provinces sous suzeraineté ottomane, étaient invités àréorganiser leur régime politique. Leurs propositions seront partiellemententérinées et largement développées par la Convention conclue à Parisen août 1858 par la France, la Grande‐Bretagne, la Russie, la Turquie,l’Autriche, la Prusse et le Royaume de Sardaigne. Les grandes puissancesse réunirent à Paris et fixèrent le nouveau statut des Principautés : ellesformaient désormais « les Principautés Unies de Valachie et de Moldavie »chacune avec un prince autochtone, un gouvernement et une assembléeélue ; la Porte restait suzeraine et devait approuver l’élection du princechoisi.La Loge « L’Étoile du Danube », active à Galaţi, Iaşi et Bucarest, auraitcontribué à la création de l’Etat roumain actuel :« Les Maçons roumains, conseillés par leurs Frères français délégués poursurveiller les élections, firent mine d’accepter l’offre des sept puissanceset les Parlements des deux principautés procédèrent à l’élection duprince régnant. Le 5 janvier 1859, l’élection eut lieu en Moldavie.À cette époque le Vénérable de la Loge L’Étoile du Danube, était lecolonel Alexandre Ion Cuza, inconnu des autres Boyards non Maçonset des masses populaires et dont nous ne voyons apparaître le nom dansaucune action politique, ou nationale, avant son élection. Toutefois, lesBoyards réunis, élurent à l’unanimité cet officier comme prince régnantde Moldavie. Afin que l’union puisse se faire en la personne du princerégnant, le mot d’ordre fut passé en Valachie et le 24 janvier 1859, àBucarest, les Boyards valaques élurent également comme prince régnant13Teodor veisa ─ Constituţia, legea electorală şi organizarea judecătorească aBelgiei. Iaşi, 1857.Voir aussi : Constantin C. Angelescu ─ A Forgotten Moldavian Lawyer: TeodorVeisa, 1938 // Patrick Renaud (Centre interuniversitaire d'études hongroises) ─ Lessituations de plurilinguisme en Europe comme objet de l'histoire, Paris, Harmattan, 2010,p. 140 // Nicola Fotino et Lucretia Baluta‐Kiss ─ 100 ans depuis l’établissement desrelations diplomatiques roumano‐belges. În : « Studia diplomatica », vol. 33, 1980, n° 3,p. 329‐330.


304 JACQUES HEL<strong>LE</strong>MANSle colonel Alexandre Ion Cuza. Les deux principautés, ainsi réuniessous le même sceptre, prirent le nom de Roumanie, toujours vassalede la Turquie. Cette élection souleva des cris d’indignation en Autricheet en Russie. À cette époque, la France jouait le premier rôle dans lapolitique internationale et le gouvernement de Napoléon III reconnutla validité de cette élection. Le gouvernement britannique fit de même.Le gouvernement turc, ne voulant pas déplaire à ses alliés, et à forcede présents assez élevés donnés à tous les dirigeants turcs, accepta àson tour. La Prusse suivit. Autriche et Russie durent se résigner. Ainsi,l’union des deux principautés roumaines devint un fait accompli etofficiellement reconnu » 14 .Le colonel Alexandru Ioan Cuza (1820‐1873) devint de facto princedes deux principautés. En septembre 1859 les puissances garantes desPrincipautés reconnurent la double élection pour la durée de la vie deCuza 15 . L’Union fut formellement déclarée trois ans plus tard, le 5 février1862 et le nouveau pays reçut le nom de Roumanie avec Bucarest pourcapitale.Philippe de Belgique, comte de Flandre (1837‐1905) fut approché enpremier lieu pour devenir le premier chef de la Roumanie Indépendante. Cen’est qu’après son refus que, sur les indications de Napoléon III, Charlesde Hohenzollern‐Sigmaringen (1839‐1914) fut proclamé roi de la nouvelleRoumanie le 26 mars 1866.En 1866, l’expression « Belgique de l’Orient » est bien connue.Même si elle n’est pas toujours utilisée comme telle explicitement, elle estporteuse d’un sens largement accepté. Le sens politique de l’expressiondate des années cinquante du XIX e siècle, lorsque les partisans roumainset occidentaux de l’union de la Moldavie et de la Valachie soutenaientl’idée de la création d’un État constitutionnel selon le modèle belge, dontle monarque appartiendrait à une famille régnante européenne avec unstatut de neutralité dans les relations internationales et qui serait placé sousla garantie collective des grandes puissances européennes. Cette idée adéclenché toute une série de démarches diplomatiques constantes dans lesgrandes villes d’Europe. Une telle « Belgique de l’Orient » semble avoirété imaginée par Dumitru Brătianu (1818‐1892) en 1855 et publiée dansun article du Journal des débats en 1857, prélevée et commentée dans14Daniel Ligou ─ Dictionnaire universel de la Franc‐maçonnerie : hommesillustres, pays, rites, symboles. Paris : Éditions de Navarre et Éditions du Prisme, 1974,vol. 2, p. 114615Alexandru Ioan Cuza fut déchu le 22 février 1866.


« La Belgique de l’Orient ». Les relations Belgique – Roumanie... 305Le Constitutionnel, L’Indépendance Belge, Le Messager du Midi et biend’autres journaux de l’époque.On rencontre aussi, dès 1849, la formule « Belgique du Danube »dans la bouche du diplomate français Pierre‐Eugène Poujade (1815‐1885),consul de France à Bucarest entre 1849 et 1854. Il y fait référence dansses mémoires 16 . En 1855, Élias‐Georges‐Soulange‐Oliva Regnault(1801‐1868) mentionne dans son Histoire politique et sociale desPrincipautés danubiennes une « Belgique orientale » 17 . Dans l’article defond du premier numéro de L’Étoile du Danube, paru à Bruxelles le 4décembre 1856, on écrit sur la Belgique : « que les Roumains du Danubese plaisent à la considérer comme le modèle de leur organisation future » etqu’elle était « l’asile de la libre discussion et de la publicité libre ». Dans cemême article, on dit des Principautés qu’elles sont « la Belgique orientale ».Sans oublier toutefois la connotation maçonnique de l’antonomase, lestéréotype politique de la « Belgique de l’Orient » aboutit au moment del’adoption de la Constitution roumaine de 1866 et entre dans la consciencepublique comme une imitation fidèle de la Constitution belge de 1831 alorsconsidérée comme la plus libérale d’Europe.16Eugène Poujade ─ Chrétiens et Turcs: scènes et souvenirs de la vie politique,militaire et religieuse en Orient. Paris : à la librairie académique Didier et Cie, 1859, p. II& 351.17Élias Regnault ─ Histoire politique et sociale des Principautés danubiennes.Paris : Paulin et Le Chevalier, 1855, p. 535‐536.


Livre roumain d’instruction […] traduit du slavonen roumain par Varlaam, le métropolite de Moldavie –L’histoire d’un livreRADU ŞTEFAN VERGATTIEn 1643 paraissait à Iaşi Carte românească de învăţătură. Dumenecilepreste an şi la praznice împărăteşti şi la svenţi mari cu dzisa şi toatăcheltuiala lui Vasilie, voievodul şi Domnul Ţării Moldovei din multescripturi tălmăcită din limba slovenească pre limba românească deVarlaam Mitropolitul de Ţara Moldovei 1 – Le Livre roumain d’instruction.Tous les dimanches de l’année et les fêtes importantes et les grandssaints à la charge de Vasile, le voïévode et le prince de Moldavie, traduità partir de nombreux Évangiles en slavon dans la langue roumaine parVarlaam, le Métropolite de Moldavie. C’était un livre imprimé en roumain,une véritable performance du métropolite, car on était encore au débutde « l’épanouissement de la langue littéraire roumaine » 2 , Varlaam étant« notre premier conteur » 3 . Les caractères utilisés n’étaient pas nouveaux,Varlaam utilisant la même police slavonne utilisée couramment parl’Église orthodoxe 4 . L’ouvrage a été un grand progrès dans la direction1Le texte original qui porte ce titre a été récemment publié, en 2011, par la maisond’édition Roza Vânturilor, à Bucarest. Stela Toma a établit le texte et a rédigé le glossairepubliés dans le second volume, le professeur Dan Zamfirescu étant l’auteur de la préfaceet de l’étude introductive. Cette étude qui constitue en fait le premier volume de l’éditionest à présent sous presse. Je remercie le professeur Dan Zamfirescu d’avoir mis à madisposition son texte, encore inédit.2Cf. Florica Dimitrescu, Varlaam. Un pionier al artei scrisului, in Dinamicalexicului românesc, Bucureşti, 1994, p. 81.3Cf. Nicolae Manolescu, Istoria critică a literaturii române, Bucureşti, 1990, p. 34.4Il a utilisé l’alphabet slavon pour assurer une plus grande diffusion au texte parmiles fidèles orthodoxes et en même temps pour en faciliter l’impression, les caractèresrespectifs se trouvant dans l’imprimerie de la Moldavie à Iasi par les soins du métropolitede Kiev, Petru Movilă.


Livre roumain d’instruction […] traduit du slavon en roumain par Varlaam... 307de la modernisation de la composition en roumain. Imprimer ce texte enroumain, la langue comprise et parlée par le peuple, c’est s’inscrire dans letroisième cycle de l’humanisme européen 5 , qui était en train de se propagerdan les territoires habités par les Roumains, dans l’Europe de Sud‐est 6 . Parcet ouvrage, Varlaam ouvre la voie à l’usage de la langue vernaculaire dansla littérature et dans la pratique du sermon. D’ailleurs, dans la préface ilindique explicitement qu’il veut être compris de tous les Roumains, clercs etlaïques 7 . Le moment qu’il choisit pour imprimer ses sermons a été spécial :au moment où la langue littéraire roumaine était en train de s’émanciperdes canons rigides imposés par l’Église. C’est justement pour faire ressortirle caractère ethnique roumain que l’ouvrage n’a pas été intitulé Cazanie,terme d’origine slave désignant un sermon, un prêche, largement utilisépar l’Église en Pologne et en Ukraine, territoires avoisinant la Moldavie etqui correspondait tout à fait au contenu du livre de Varlaam. Par ce titre lemétropolite de Moldavie aurait mis en circulation son ouvrage, roumain,sous un nom étranger à son peuple. Il aurait donc mis en cause son intentionexposée dans la préface, ce qui était inconcevable.Varlaam s’était formé Dans le centre culturel de du monastère Secu 8 .C’est là qu’il avait appris le slavon, l’ukrainien, le russe, le grec médiéval,des notions de latin ; c’est là aussi qu’il perfectionna son roumain. Il fautremarquer que toutes ces connaissances se sont gravées dans son esprit etdans son âme à un moment où l’Église orthodoxe roumaine était animéed’un courant pro‐roumain. Ainsi, le 23 septembre 1632, lorsqu’il a été éluet intronisé par le voïévode Miron Barnovschi (1632‐1634), Varlaam faisaitfigure d’humaniste et de clerc érudit. Il faisait la transition du moine quitravaillait et écrivait enfermé dans sa cellule vers l’humaniste préoccupéà utiliser la langue vernaculaire que les gens du commun comprenaient et5Cf. R. Şt. Vergatti, Din problematica Umanismului românesc, Bucureşti, 2007,passim.6Ibidem, p. 22.7« Car [...] comme les gens ne comprenaient plus le sens des Saintes Écritures, ona essayé de les rendre plus intelligibles pour eux et on en est venu à les traduire chacundans sa langue pour que tout un chacun puisse les comprendre, s’instruire et attester lesfais merveilleux de Dieu. Surtout notre langue roumaine qui ne possède pas un livrerédigée dans son langage (c’est nous qui soulignons) est obligée de consulter le livrerédigé dans une autre langue. Et aussi à cause de l’absence de maîtres et de savoir. Il y enavait qui étudiaient mais aujourd’hui personne ne s’instruit plus. » – Varlaam, Smeritularhiepiscop Varlaam şi mitropolitul de Ţara Moldovei, cuvânt cătră cetitoriu, in idem, op.cit., vol. II, 2011, p. 6.8Pour la biographie de Varlaam, v. aussi Dicţionarul literaturii române de la originipână la 1900, Bucureşti, 1979, p. 882‐884 ; Fl. Dimitrescu, op. cit., p. 73‐74.


308 RADU ŞTEFAN VERGATTIparlaient. J’ai mis en relation l’Église et ce courant humaniste vu que lorsqueVarlaam écrivait et publiait son ouvrage l’impulsion donnée par la Réformed’utiliser dans les ouvrages à caractère religieux les langues vernaculairess’était affaiblie. Les Roumains avaient même manifesté une réactioncontre la Réforme. N’oublions pas que cet ouvrage de Varlaam faisaitpartie d’un cycle de livres anti‐Réforme 9 : en 1640 Pravila de la Govora(Le Nomocanon de Govora), ouvrage du moine Mihail Moxa, signé par lemétropolite Théophile de l’Ungrovlachie 10 ; en 1642 Mărturisirea Ortodoxă(La Confession orthodoxe), de Petru Movila, le métropolite de Kiev 11 , etc.Ce qui compte c’est que pour l’Église Orthodoxe Roumaine et pour tousles Roumains Le Livre roumain d’instruction de Varlaam a eu une grandeimportance. Le livre a circulé tout d’abord sous sa forme imprimée, ensuitedans des copies manuscrites. Son succès est simple à expliquer : les genscomprenaient le texte et pouvaient s’en servir. Le professeur Dan Zamfirescua pu démontrer se fondant sur une analyse minutieuse que le livre dumétropolite Varlaam a circulé grâce notamment au Kyriacodromion impriméen 1699 à Alba‐Iulia, qui connaîtra à son tour une diffusion très grande parmiles communautés de Roumains vivant à l’intérieur de l’arc des Carpates 12 .Au XIX e siècle, en 1894, on a publié un tiers du Livre roumaind’instruction, voire 25 sur les 75 sermons du texte original 13 . L’utilisation9Varlaam était lui‐même d’ailleurs un militant anti‐Réforme, conscient de sesactions anti‐orthodoxes ; je m’appuie sur le fait qu’en 1645 le métropolite Varlaam afait imprimer au Monastère de Dealu un ouvrage polémique anti‐calviniste, Le Livre quis’appelle la Réponse contre le Catéchisme calviniste, auquel répond durement Scutulcatihizmuşului, cu răspuns den Scriptura Svântă (Le Bouclier du catéchisme, avec uneréponse tirée de la Sainte Écriture), imprimé à Alba‐Iulia (1656).10Ion Bianu, Nerva Hodoş, Bibliografia românească veche, t. I, Bucureşti, 1903, p.109‐112.11Cf. Al. Iablonski, Akademia Kiewska‐Mohilanska, Krakow, 1901, passim ; P.P. Panaitescu, L'influence de l'œuvre de Pierre Mogila, archevêque de Kiev, dans lesPrincipautés roumaines, Paris, 1926, passim ; idem, Petru Movilă şi românii, extrait deBiserica Ortodoxă Română, 1942, no 9‐10 ; le plaidoyer du métropolite de Kiev en faveurde l’utilisation du roumain dans les églises orthodoxes de Moldavie et de Valachie estappuyé par ses actions : en 1645, à l’occasion du mariage de la fille du voïévode deMoldavie Vasile Lupu avec le prince Janus Radziwil qu’il officie, le métropolite PetruMovilă prononce l’homélie en roumain et en polonais.12Cf. Dan Zamfirescu, Studiu introductiv..., in Varlaam, vol. I, p. 374‐425 (souspresse) ; en ce qui concerne la circulation du Livre roumain d’instruction en Transylvanieet non seulement, v. aussi Fl. Dudaş, Cazania lui Varlaam în Transilvania, Oradea, 2005,passim.13Cazaniile lui Varlaam, Ed. Socec – Casa Şcoalelor, Bucureşti, 1894 ; ibidem, IIeédition, 1903.


Livre roumain d’instruction […] traduit du slavon en roumain par Varlaam... 309par l’éditeur de l’alphabet latin et de la belle langue roumaine dans laquelles’est exprimé Varlaam 14 ont assuré un succès rapide au livre. Comme lepremier tirage s’est épuisé très rapidement, en 1903 on a réimprimé cetteédition 15 . Le livre a été lu par un public nombreux, même si le titre choisipar les éditeurs en 1894, Cazania, ne respectait pas la volonté de Varlaam.Ce n’est qu’en 1943 que le philologue Jacques Byck a publié un nouveautexte, plus respectueux des rigueurs scientifiques 16 . À cause de l’origineethnique de l’éditeur le livre n’a pas pu être mis en circulation 17 .Avec beaucoup de courage en 1944, dans la ville de Cluj, qui se trouvaità l’époque sous occupation hongroise, le prêtre martyr Florea Mureşanu apublié les illustrations du Livre roumain d’instruction 18 , accompagnées dutexte de la préface et de quelques pages de texte. Le livre acquiert de lasorte une complexité et une valeur spéciale grâce à l’introduction écritepar Nicolae Colan et surtout à une étude sur la vie et l’œuvre de Varlaam.Malheureusement, ce livre n’a pas pu être diffusé non plus à cause de lasituation trouble à la fin de la Seconde Guerre mondiale.C’est également en 1944 que paraît à Timişoara une autre édition desillustrations qui accompagnent l’œuvre de Varlaam, établie par le professeurAtanasie Popa, qui reproduisait avec acuité et précision l’illustrationintégrale du livre imprimé au XVII e siècle 19 .En 1991 parut à Chişinău une nouvelle édition de l’œuvre de Varlaam 20 .14Nicolae Iorga, Istoria literaturii religioase a românilor până la 1688, Bucureşti,1904, p. 145‐153, 157‐165.15Ibidem.16Cazania, 1643, Fundaţia Regală pentru Literatură şi Artă, Bucureşti, 1943.17Dans la première forme de cette édition, celle de 1943, le nom de l’éditeurn’apparaissait même pas. Environ 800 exemplaires, soit plus de la moitié du tirage, sontrestés dans les entrepôts de la maison d’édition Fundaţiile Regale ; en 1966 ces 800exemplaires ont été mis en vente dans les librairies. Dans l’Avant‐propos ajouté à cesexemplaires on fournissait les informations nécessaires sur l’édition.18Florea Mureşanu, Cazania lui Varlaam, 1643/1943. Prezentare în imagini,E.A.R.N., 1944, éditeur le professeur Dr Emil Haţieganu, Kolozsvár (Cluj), 1944.19Varlaam Mitropolitul Moldovei. Cazania. Iaşi 1643. Prezentare grafică deProf. Atanasie Popa, Timişoara, 1944 ; les illustrations étaient accompagnées d’un texteexplicatif ; l’étude introductive d’A. Popa.20Cartea românească de învăţătură, rédigé avec l’alphabet latin, transcrit d’aprèsl’exemplaire conservé à Chişinău, a paru dans une édition qui regroupait plusieursouvrages de Varlaam : Răspunsul împotriva catehismului calvinesc (Réponse contre lecatéchisme calviniste), Predoslovie la traducerea Scării Sfântului Ioan Sinaitul (Préfaceà la traduction de l’échelle de Saint Jean Climaque) de 1618 et un corpus de documentsémanant du métropolite Varlaam – Varlaam, Opere, par les soins de Manole Neagu,Editura Hyperion, Chişinău, 1991, 620 pages.


310 RADU ŞTEFAN VERGATTIMalheureusement, à cause d’une mauvaise diffusion, cette fois non plus letexte de Varlaam n’est parvenu dans les librairies de Roumanie.Cette année, 2011, une nouvelle édition critique du texte de Varlaamest parue, que l’on doit à Mme Stela Toma, érudit philologue, auteur del’édition du texte et du glossaire, et au professeur Dan Zamfirescu, auteur dela préface et d’une très docte étude introductive 21 . Dans cette étude l’auteurse propose d’identifier les sources utilisées par l’auteur du Livre roumaind’instruction, mais aussi d’en déchiffrer le caractère et l’esprit.Le Livre roumain d’instruction de Varlaam est, comme le titrel’indique, un recueil de 75 sermons, destinés à guider le comportement detous les jours des fidèles et lors des fêtes religieuses, surtout le dimanche.Les sermons destinés à être prononcés pendant l’office dans l’intervalleallant du Dimanche de Saint Thomas et jusqu’à la fête de la Décollation deSaint Jean Baptiste sont particulièrement éloquents.Les philologues ont conclu que la première source de Varlaam a étéla littérature homilétique 22 . Le professeur Dan Zamfirescu s’est penché surla question, analysant les sources et démontrant que l’ouvrage intitulé parAlbert Erhardt 23 l’Homiliaire du Patriarcat de Constantinople, œuvre de cinqpatriarches, Jean IX Agapètos (1111‐1134), Germanos II (1222?‐1240), JeanXIII Glykis (1316‐1329), Jean XIV Kalekas (1334‐1347), Philothée Kokkinos(1353‐1354 ; 1364‐1374), est la première source utilisée par Varlaam 24 .La deuxième source principale est l’Évangile oralisé de KirillTrankvillion‐Stavroveckij, imprimée vers 1619 25 .Enfin, la troisième et dernière source principale a été identifiée par feuPandele Olteanu 26 ; il s’agit des ouvrages de Damascène le Stoudite 27 .Ce fut également le professeur Dan Zamfirescu qui a mis en valeurl’utilisation de l’œuvre de Damascène le Stoudite. À ces sources se sont21V. n. 1.22Dan Zamfirescu, op. cit., passim ; Fl. Dimitrescu, op. cit., p. 73‐74.23Albert Erhard, Überlieferung und Bestand der hagiographischen und homiletischenLiteratur der griechischen kirche von Anfagen bis zum Ende des 16 Jahrhunderts, t. III,Leipzig, 1941, fasc. 4, p. 559‐598.24Cf. Dan Zamfirescu, op. cit., p. 11 et les s.25Ibidem, p. 30‐45 ; v. aussi les opinions de Dan Horia Mazilu, Recitind literaturaromână veche, vol. 2, Bucureşti, 1998, p. 349.26Cf. Pandele Olteanu, Izvoare, originale şi modele bizantino‐slave, în operelemitropolitului Varlaam, in Biserica Ortodoxă Română, 1970, no 1‐2, janvier‐février,p. 113‐151 ; idem, Metoda filologiei comparate în studierea izvoarelor şi identificăriiversiunii neogreceşti a operei Scara tradusă de mitropolitul Varlaam, in MitropoliaOlteniei, 1970, no 5‐6, mai‐juin, p. 543‐566.27Ibidem.


Livre roumain d’instruction […] traduit du slavon en roumain par Varlaam... 311ajoutées d’autres, moins importantes dans l’ensemble de l’œuvre deVarlaam, dont Mucenicia lui Ioan cel Nou (Le martyr de saint Jean leNouveau), Viaţa Sfintei Paraschiva (La Vie de Sainte Parascheva), etc.La méthode utilisée par Varlaam pour la rédaction de son livre neprocède pas de la simple traduction et de la compilation 28 , formes detravail largement utilisées au moyen âge. Varlaam est allé plus loin. Ona pu démontrer dans la dernière édition de son ouvrage 29 qu’il a dépasséde beaucoup ce type d’approche. Varlaam a profondément travaillé sessources, les adaptant à la situation des Roumains auxquels il s’adressait.Un seul exemple suffit pour notre démonstration. Dans l’ouvrage deStavroveckij dans lequel Varlaam a puisé on retrouve plusieurs paragraphesviolemment antisémites, ce qui était naturel car, en tant qu’Ukrainien, cetauteur s’élevait contre les percepteurs et usuriers juifs qui opprimaient lepeuple. Rappelons‐nous que l’hetman Bogdan Khmelnitsky, qui a vécu àpeu près à la même époque que Stavroveckij, a perpétré des massacresatroces contre les Juifs. Dans son recueil de sermons Varlaam a remplacéles paroles de Stavroveckij ou les a éliminés de son texte, car les Roumainsavaient d’autres types de relations avec les Juifs, qui ne pouvaient pasnourrir des attitudes antisémites.Pour conclure, je peux affirmer que Varlaam est l’auteur d’un ouvragequi s’est imposé pour avoir été écrit en roumain 30 . On y retrouve desexpressions et des mots qui ont contribué à la formation de la languelittéraire roumaine. De même, dans l’élaboration de cet ouvrage qui n’apas été une simple traduction ou une compilation, comme c’était souventle cas au moyen âge, l’auteur a tenu compte de l’essence de l’esprit dupeuple roumain ; il s’agit donc d’une adaptation créative sinon de quelquechose de plus complexe encore. Varlaam faisait ainsi la transition de la vieérémitique vers l’activité propre à l’intellectuel humaniste, qui menait unevie active au milieu de la communauté à laquelle il appartenait.28Le point de vue conformément auquel le texte de Varlaam n’est pas original a étésoutenu par Pandele Olteanu (cf. Pandele Olteanu, op. cit., in Biserica Ortodoxă Română,1970, p. 113‐151 ; idem, Mitropolia Olteniei, 1970) ; il a été combattu de manièreargumentée, pertinente et concluante par Dan Zamfirescu, op. cit., passim ; v. aussi Fl.Dimitrescu, op. cit., p. 81‐82.29Dan Zamfirescu, op. cit., passim.30Ibidem ; Fl. Dimitrescu, op. cit., p. 82, montre que opus mahnus de Varlaam « estextrêmement précieuse vu que, diffusée sur tout le territoire roumain, elle est devenue àson tour un modèle fréquemment imité, contribuant de la sorte à l’utilisation d’une languelittéraire artistiquement structurée ».


LISTE DES AUTEURS


Oleg AlexandrovUniversity of Veliko Tarnovo “St. Cyril and St. Methodius”, Bulgariaoleg_alexandrov@abv.bgHermina G.B. AnghelescuSchool of Library & Information Science, Wayne State University, Michigan,USAag7662@wayne.eduPaul AuchterlonieUniversity of Exeter, UKJ.P.C.Auchterlonie@exeter.ac.ukRadu BaltasiuDépartement Chaire UNESCO d’Étude des Échanges Interculturels etInterreligieux, Université de Bucarest, Roumanieradu.baltasiu@gmail.comShreenand L. BapatBhandarkar Oriental Research Institute, Bhandarkar Road, Pune 411004, Indiashreenand@rediffmail.comFrédéric BarbierCNRS (IHMC/ENS Ulm), École pratique des hautes études (Conférenced’Histoire et civilisation du livre. Revue internationale (Genève, Librairie Droz),Paris, Francefrederic.barbier@ens.frRadia BernaouiENSV d’Alger, Algérieradbernaoui@hotmail.comAlecsandra BotoşăneanuDépartement Chaire UNESCO d’Étude des Échanges Interculturels etInterreligieux, Université de Bucarest, Roumaniealecsa.b@hotmail.com


316 Symposium International Le livre. La Roumanie. L’Europe. 2011, 4 ème éditionJacques BouchardCentre d’Études Néo-helléniques de l’Université de Montréal, Canadajacques.iacchos@gmail.comTănase BujduveanuCollège « Carol I », Constanţa, Roumaniebujduveanu@yahoo.comOvidiana Raluca BulumacDépartement Chaire UNESCO d’Étude des Échanges Interculturels etInterreligieux, Université de Bucarest, Roumanieovidiana.bulumac@gmail.comCharles BurnettThe Warburg Institute, University of London, UKCharles.Burnett@sas.ac.ukPolicarp ChiţulescuBibliothèque du Saint Synode-Patriarcat Roumain, Bucarest, Roumanieperepolycarpe@yahoo.comLilian CiachirDépartement-Chaire UNESCO d’Étude des Échanges Interculturels etInterreligieux, Université de Bucarest, Roumaniel.ciachir@interculturel.orglilianciachir@gmail.comIoana CostaDepartment of Classical Philology, University of Bucharest, Romaniaioanacosta@yahoo.comMarisa Midori DeaectoUniversidade de São Paulo - Escola de Comunicações e Artes - Depto. deJornalismo e Editoração, Av. Prof. Lúcio Martins Rodrigues, 443 - bl. A, SãoPaulo (SP) - Brasil - 05508-900marisamidori@yahoo.comPeter DelevUniversity of Sofia “St. Kliment Ohridski”, Sofia, Bulgariapeter.delev@yahoo.com


Symposium International Le livre. La Roumanie. L’Europe. 2011, 4 ème édition 317Eka DughashviliNational Centre of Manuscripts, Tbilisi, Georgiaeka_dughashvili@hotmail.comLionel DujolMédiathèques du Pays de Romans – Romans sur Isère, Francelionel.dujol@pays-romans.orgAdrian DumitruBibliothèque Métropolitaine de Bucarest, Roumanieseleukosnikator@yahoo.comDanijel DzinnoMacquarie University, Sydney, Australiadanijel.dzino@mq.edu.auBenoît EpronÉcole nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques(enssib) et Laboratoire ELICO, Université de Lyon, 17-21, Boulevard du 11novembre 1918, 69623 Villeurbanne Cedexbenoit.epron@enssib.frIoana FeodorovInstitut d’Études Sud-est Européennes de l’Académie Roumaine, Bucarest,Roumaniefeodorov_i@yahoo.comSerge FrantsouzoffInstitut des Manuscrits Orientaux, Académie des Sciences de Russie, St.Pétersbourgserge.frantsouzoff@yahoo.frMilan GrbaBritish Library, London, UKmilan.grba@bl.ukMarianne HartzellHartzell-Mika Consulting, Michigan, USAmarianne@hartzell-mikaconsulting.com


318 Symposium International Le livre. La Roumanie. L’Europe. 2011, 4 ème éditionMohamed HassounÉcole nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques(Enssib), 17-21, Boulevard du 11 novembre 1918, 69623 Villeurbanne Cedexmohamed.hassoun@enssib.frMartin HauserDépartement-Chaire UNESCO d’Étude des Échanges Interculturels etInterreligieux, Université de Bucarest, Roumaniemartin.hauser@unifr.chJacques HellemansUniversité Libre de Bruxelles, Archives et Bibliothèques, 50 avenue F.D.Roosevelt - CP 181, 1050 Bruxellesjhellema@ulb.ac.beDoina Hendre BiroBibliothèque Batthyaneum, Filiale de la Bibliothèque Nationale de Roumanie, 1,Rue Gabriel Bethlen, 2500, Alba Iulia, Roumaniedoina.hendrebiro@bibnat.roCristina IonBibliothèque nationale de France, Quai François Mauriac, 75706 Paris Cedex13, Francecristina.ion@bnf.frConstantin IordanInstitut d’Études Sud-est Européennes de l’Académie Roumaine, Bucarest,Roumanieiordanissee@gmail.comJaroslava KašparováBibliothèque du Musée National de Prague, République Tchèquejaroslava_kasparova@nm.czConstantina KatsarisUniversity of Leicester, UKck82@leicester.ac.ukNino KavtariaNational Center of Manuscripts, Tbilisi, Georgianino_kav@yahoo.com


Symposium International Le livre. La Roumanie. L’Europe. 2011, 4 ème édition 319Stoyanka KenderovaBibliothèque Nationale « Sts Cyrille et Méthode », Sofia, Bulgariekenderovastoyanka@yahoo.frLeonard KniffelAmerican Library Association, Chicago, USAlkniffel@ala.orgChristine LebeauUniversité de Paris I Panthéon-Sorbonne, Francechristine.lebeau@univ-paris1.frDoïna LemnyMusée National d’Art Moderne, Centre Georges Pompidou, Paris, FranceDoina.Lemny@centrepompidou.frStefan LemnyBibliothèque nationale de France, Quai François Mauriac, 75706 Paris Cedex13, Francehttp://www.bnf.fr/stefan.lemny@bnf.frKatherine LowUniversity of Oxford, UKkatie.low@magd.ox.ac.ukFlorin MarinescuInstitut de Recherches Néo-helléniques, Athènes, Grèceflorinmar@ymail.comIvaylo MarkovInstitute of Ethnology and Folklore Studies – Ethnographic Museum, Sofia,Bulgariaivo.d.mark@gmail.comJoseph J. MikaSchool of Library & Information Science, Wayne State University, Michigan,USAaa2500@wayne.edu


320 Symposium International Le livre. La Roumanie. L’Europe. 2011, 4 ème éditionMarielle de MiribelInspectrice des bibliothèques à la Ville de Paris, Francemarielle.demiribel@paris.frIstvan MonokÉcole des Hautes Études Eszterházy, Eger, Université de Szeged, Hongriemonok@bibl.u-szeged.huRaphaële MourenUniversité de Lyon – École nationale supérieure des sciences de l’informationet des bibliothèques, Centre Guillaume Budé, Université Paris-Sorbonne/Écolepratique des hautes études, IF<strong>LA</strong> Rare Books and Manuscripts Sectionraphaele.mouren@enssib.frNicoleta Georgiana NegoiDépartement-Chaire UNESCO d’Étude des Échanges Interculturels etInterreligieux, Université de Bucarest, Roumanienicoleta.negoi@gmail.comMichel NetzerBibliothèque nationale de France, Quai François Mauriac, 75706 Paris Cedex13, Francemichel.netzer@bnf.frNina OlteanDépartement Chaire UNESCO d’Étude des Échanges Interculturels etInterreligieux, Université de Bucarest, Roumanienoltean@gmail.comIoan-Maria OrosMusée d’Art de Sălaj, Zalău, Roumanieioan_maria_oros@yahoo.frIrene OwensSchool of Library and Information Science, North Carolina Central University,USAiowens@nccu.edu


Symposium International Le livre. La Roumanie. L’Europe. 2011, 4 ème édition 321Rodica PaléologueBibliothèque nationale de France, Quai François Mauriac 75706 Paris Cedex 13,Francerodica.paleologue@bnf.frConstantin PanchenkoMoscow State University, Institute of Asian and African Countries, Russiaconst969@gmail.comMaria Gabriela ParissakiResearch Centre for Greek and Roman Antiquity, Athens, Greecegparis@eie.grAndrea de PasqualeBiblioteca Palatina e del Museo Bodoniano, strada alla Pilotta 3, 43100 Parma,Italiaandrea.depasquale@beniculturali.itApostolos PatelakisInstitute for Balkan Studies, Thessaloniki, Greecepatelakisapostolos@yahoo.comRadu G. PăunCNRS, Centre d’Études des Mondes Russe, Caucasien et Centre-Européen(CERCEC), 44, Rue de l’Amiral Mouchez, 75014 Paris, Franceradu.paun@cercec.cnrs.frTudor-Aurel PopBibliothèque de la Faculté de Droit, Université de Fribourg, Suissetudor.pop@unifr.chJitka RadimskaUniversité de Bohême du Sud, Institut des Langues Romanes, RépubliqueTchèquejitka.radimska@tiscali.czGeoffrey RoperBibliographical Consultant, London, UKgjr2@cam.ac.uk


322 Symposium International Le livre. La Roumanie. L’Europe. 2011, 4 ème éditionGabriel SăpunaruDépartement Chaire UNESCO d’Étude des Échanges Interculturels etInterreligieux, Université de Bucarest, Roumaniesapunaru.gabriel@gmail.comDaniel Magalhães Porto SaraivaUniversité Paris IV Sorbonne, Francedanielmpsaraiva@gmail.comRéjean SavardUniversité de Montréal, Canadarejean.savard@umontreal.caJulya SavovaUniversité des Sciences des Bibliothèques et Technologies de l’Information,Sofia, Bulgariejuliya.savova@gmail.comNicholas V. SekundaUniversity of Gdansk, Polandsekunda@ug.edu.plAna SelejanUniversité “Lucian Blaga”, Sibiu, Roumanieanaselejan05@yahoo.comNikolai SerikoffRussian Academy of Sciences, Moscow – The Wellcome Library, Londonn.serikoff@wellcome.ac.ukPascal SiegelService Commun de la Documentation – Université d’Artois, 9, rue du Temple,BP 10665, 62030 Arras Cedex, Francepascal.siegel@univ-artois.frLiliana SimeonovaInstitute of Balkan Studies & Center of Thracology, Bulgarian Academy ofSciences, Sofia, Bulgarialiliana_simeonova@hotmail.com


Symposium International Le livre. La Roumanie. L’Europe. 2011, 4 ème édition 323Mihai SpătăreluThe Ecumenical Association of Churches in Romania-AIDRommihaispatarelu@gmail.comChantal StănescuBibliothèque Publique Centrale pour la Région de Bruxelles-Capitale, Rue desRiches Claires, 24 - 1000 Bruxelles, Belgiquechantal.stanescu@brunette.brucity.beStelu ŞerbanInstitut d’Études Sud-est Européennes de l’Académie Roumaine, Bucarest,Roumaniesteluserban@yahoo.comAnna SvenbroBibliothèque nationale de France, Quai François Mauriac, 75706 Paris Cedex13, Franceanna.svenbro@bnf.frVera TchentsovaInstitut d’Histoire Universelle, Académie des Sciences de Russie, Moscou,Russiegraougraou@hotmail.comAndrei TimotinInstitut d’Études Sud-est Européennes de l’Académie Roumaine, Bucarest,Roumanieatimotin@yahoo.comEmanuela TimotinInstitut de Linguistique « Iorgu Iordan – Al. Rosetti » de l’Académie Roumaine,Bucarest, Roumanieetimotin@yahoo.comIvo TopalilovThe University of Shumen, Bulgariaitopalilov@yahoo.comKiril TopalovUniversité de Sofia « Saint Clément d’Ohrid », Sofia, Bulgarietopalov@abv.bg


324 Symposium International Le livre. La Roumanie. L’Europe. 2011, 4 ème éditionVeska Topalova« Bulgaristika » – Académie de Civilisation Balkanique – NGO, Bulgarietopalov@abv.bgRadu Ştefan VergattiUniversité « Valahia » de Târgovişte, Roumanierstvergatti@gmail.comCharles-Éloi VialUniversité Paris-IV Sorbonne, Francecharleseloi.vial@gmail.comNatacha WallezHaute École Paul-Henri Spaak, Institut d’Enseignement Supérieur Social desSciences de l’Information et de la Documentation, Bruxelles, Belgiquenatacha.wallez@gmail.comBarbro Wigell-RyynänenMinistry of Education and Culture Affairs, Helsinki, Finlandbarbro.wigell-ryynanen@minedu.fi

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