12.07.2015 Views

Démocratisation en Temps de Guerre

Démocratisation en Temps de Guerre

Démocratisation en Temps de Guerre

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

DEMOCRATISATION EN TEMPS DE GUERRE :LE ROLE DES NATIONS UNIES ET DE L’UNION EUROPEENNEEN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGOpar Saïd Abass AhamedAbstractThe aim of this article is to analyse the role of the United Nations and the European Union inpromoting <strong>de</strong>mocracy and conflict resolution in the Democratic Republic of Congo. The globaland protracted crisis in the DRC has increased the implication of the international communityin or<strong>de</strong>r to assist the DRC towards <strong>de</strong>mocracy and peaceful conflict resolution. This articleanalyses the new tr<strong>en</strong>d of UN and UE interv<strong>en</strong>tions in the DRC to promote <strong>de</strong>mocracy andconflict resolution. New tools and new methodologies to promote <strong>de</strong>mocracy in war time arecrafted and used in the DRC. We conceptualize the promotion of <strong>de</strong>mocracy in time of war as anew tr<strong>en</strong>d (I). The second section will look at the crisis in the east and how the implem<strong>en</strong>tationof <strong>de</strong>mocracy focuses on human security (II). Before criticising the international community’saction to promote <strong>de</strong>mocracy in DRC (IV), we will <strong>de</strong>al with regional strategies to exit fromcrisis (III).1. INTRODUCTIONLa politique internationale d'assistance à la transition démocratique 1par les Nations Unies et l'Union europé<strong>en</strong>ne fut au cœur <strong>de</strong> l’ag<strong>en</strong>dainternational dans les années 1990. Le basculem<strong>en</strong>t politique interv<strong>en</strong>u <strong>en</strong>Europe <strong>de</strong> l'Est et l’abs<strong>en</strong>ce d’autre alternative au modèle <strong>de</strong> démocratielibérale, avai<strong>en</strong>t créé un cons<strong>en</strong>sus sur la scène internationale autour <strong>de</strong> l’idéaldémocratique. «Dans les années quatre-vingt dix, le travail lié à la promotion<strong>de</strong> la démocratie a connu une croissance expon<strong>en</strong>tielle quant aux nombresd'acteurs, aux <strong>en</strong>jeux et aux montants d'arg<strong>en</strong>t <strong>en</strong>gagés» 2 . Laur<strong>en</strong>ceWhitehead confirme ce constat : «Les dispositifs internationaux – politique ouéconomique – visant à inciter les États à acquérir le label démocratiqueconnaiss<strong>en</strong>t une véritable explosion» 3 . Un nouveau référ<strong>en</strong>tiel était né avecles trois ag<strong>en</strong>das <strong>de</strong> Boutros Ghali 4 . Face à l’optimisme <strong>de</strong>s années 1990, laSomalie, le Rwanda et la Bosnie-Herzégovine ont montré que la promotion <strong>de</strong>la démocratie <strong>en</strong> temps <strong>de</strong> guerre avait ses limites. L’action internationale,aujourd’hui <strong>en</strong> faveur <strong>de</strong> la démocratie, exige une nouvelle approche.1 GOUNELLE, M., “La démocratisation, politique publique internationale”, in MélangesHubert Thierry, Paris, Pedone, 1998, p.201-213.2 THEDE, N., Le développem<strong>en</strong>t démocratique <strong>de</strong> 1990 à 2000 : une vue d'<strong>en</strong>semble. C<strong>en</strong>treinternational <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong> la personne et du développem<strong>en</strong>t démocratique, Montréal, 2002.3 Critique internationale, n°24, Juillet 2004.4 BOUTROS-GHALI, B., Paix, Développem<strong>en</strong>t, Démocratie. Trois ag<strong>en</strong>das pour gérer laplanète. Pedone, Paris 2002.287


L’AFRIQUE DES GRANDS LACS. ANNUAIRE 2005-2006Les transitologues prés<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t la démocratisation comme unphénomène interne. Cep<strong>en</strong>dant on observe <strong>en</strong> Afrique, <strong>de</strong>puis l’Opération <strong>de</strong>sNations Unies <strong>en</strong> Namibie 5 , une préémin<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> la communautéinternationale dans la restauration <strong>de</strong> l’État démocratique 6 . Notre approchetranche avec la transitologie classique <strong>en</strong> ce s<strong>en</strong>s que nous souhaitons analyserles transitions <strong>en</strong> temps <strong>de</strong> guerre. En effet, une <strong>de</strong>s caractéristiques majeures<strong>de</strong> la transitologie est <strong>de</strong> porter sur <strong>de</strong>s aires géographiques pacifiées, Europedu sud, Amérique Latine et Europe c<strong>en</strong>trale et ori<strong>en</strong>tale… En outre, lesacteurs viol<strong>en</strong>ts ont généralem<strong>en</strong>t été exclus <strong>de</strong>s négociations. Or <strong>en</strong> Afrique,et plus particulièrem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> RDC, les mouvem<strong>en</strong>ts rebelles ayant recours à laviol<strong>en</strong>ce sont reconnus comme <strong>de</strong>s part<strong>en</strong>aires dans la négociation 7 . Lastratégie <strong>de</strong> la communauté internationale consiste à sout<strong>en</strong>ir l’intégration <strong>de</strong>sseigneurs <strong>de</strong> guerre dans un gouvernem<strong>en</strong>t d’union nationale à tout prix 8 .La problématique <strong>de</strong> ce travail est la promotion <strong>de</strong> la démocratie dansune région <strong>en</strong> proie aux conflits. Il s’agit donc <strong>de</strong> s’interroger sur la promotiondémocratique comme processus <strong>de</strong> résolution <strong>de</strong>s conflits. Nous nousinterrogeons sur la façon dont les Nations Unies et l'Union europé<strong>en</strong>neagiss<strong>en</strong>t pour faire progresser la démocratie et résoudre les conflitssimultaném<strong>en</strong>t dans un contexte <strong>de</strong> déliquesc<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> l’État. Comm<strong>en</strong>t et parquels instrum<strong>en</strong>ts cette politique <strong>de</strong> promotion <strong>de</strong> la démocratie fut-elle mise<strong>en</strong> place ? Quelles sont les ressources que mobilis<strong>en</strong>t ces institutions pourasseoir la paix et la démocratie <strong>en</strong> RDC ? Comm<strong>en</strong>t persua<strong>de</strong>r les rebelles <strong>de</strong>déposer les armes alors même que ce sont ces <strong>de</strong>rnières qui légitim<strong>en</strong>t leurprés<strong>en</strong>ce au sein du gouvernem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> transition ? Est-il possible d’insérer <strong>de</strong>sanci<strong>en</strong>s combattants qui se sont affrontés dans une armée nationale? Lesélections polaris<strong>en</strong>t les antagonismes ; pourtant elles constitu<strong>en</strong>t l’uniquepassage vers la démocratie. Comm<strong>en</strong>t garantir le respect <strong>de</strong>s résultatsélectoraux ? En Angola <strong>en</strong> 1992, l’UNITA est retournée dans le maquis suiteà <strong>de</strong>s élections sous la responsabilité <strong>de</strong> la communauté internationale. Qu’<strong>en</strong>sera-t-il <strong>de</strong>s élections <strong>de</strong> 2006 <strong>en</strong> RDC ?Nous t<strong>en</strong>terons <strong>de</strong> conceptualiser la promotion <strong>de</strong> la démocratie <strong>en</strong>temps <strong>de</strong> guerre (I). Une secon<strong>de</strong> partie portera sur les crises <strong>de</strong> Bunia etBukavu, comme révélateurs d’une approche sécuritaire <strong>de</strong> la promotion <strong>de</strong> ladémocratie (II). La notion d’opération intégrée est prés<strong>en</strong>tée comme lanouvelle doctrine du mainti<strong>en</strong> <strong>de</strong> la paix (III). Enfin, un bilan critique et une5 Groupe d’Assistance <strong>de</strong>s Nations Unies pour la pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> Transition Namibie (GANUPT),1989-1990.6 DAUDET, Y. (dir.), Les Nations Unies et la restauration <strong>de</strong> l'Etat, Paris, Pedone, 1995.7 Cf. Accord inclusif <strong>de</strong>s forces vives congolaises, signé à Sun City le 17 décembre 2002,Accord burundais signé à Arusha <strong>en</strong> le 28 août 2000 avec 19 formations politiques.8 TULL, D., DENI, M., et MEHLER, A., “The Hidd<strong>en</strong> cost of power sharing: reproducinginsurg<strong>en</strong>t viol<strong>en</strong>ce in Africa”, African Affairs, 2005, pp.376-396.288


DEMOCRATISATION EN TEMPS DE GUERREperspective <strong>de</strong>s actions m<strong>en</strong>ées par les organisations internationales dans larégion <strong>de</strong>s grands lacs (IV) permettra <strong>de</strong> souligner les failles <strong>de</strong> la promotion<strong>de</strong> la démocratie <strong>en</strong> temps <strong>de</strong> guerre.2. CONCEPTUALISER LA PROMOTION DE LA DEMOCRATIEET LA RESOLUTION DES CONFLITS EN TEMPS DEGUERRECette première partie t<strong>en</strong>te d’analyser et <strong>de</strong> conceptualiser leprocessus par lequel les Nations Unies et l’Union europé<strong>en</strong>ne font lapromotion <strong>de</strong> la démocratie <strong>en</strong> République Démocratique du Congo (RDC).L’exemple <strong>de</strong> la RDC est pertin<strong>en</strong>t car ce pays est un conc<strong>en</strong>tré <strong>de</strong> tous lesmaux auxquels nombre d’États africains sont actuellem<strong>en</strong>t confrontés. Larésolution <strong>de</strong>s conflits et la promotion <strong>de</strong> la démocratie <strong>en</strong> temps <strong>de</strong> guerre parles organisations internationales repose sur trois élém<strong>en</strong>ts <strong>en</strong> RDC : unmandat qu’il faut interpréter sur le terrain, la sécurité qu’il faut imposer, et<strong>en</strong>fin une diplomatie <strong>de</strong> terrain qui accompagne les efforts d’<strong>en</strong>racinem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>la culture démocratique.2.1. Mandat <strong>de</strong> la communauté internationale : <strong>en</strong>tre idéal et réalitéLe mandat <strong>de</strong> l’Union europé<strong>en</strong>ne repose ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t sur troisinstrum<strong>en</strong>ts juridiques et politiques. D’abord l’Accord <strong>de</strong> part<strong>en</strong>ariat <strong>en</strong>tre lespays d’Afrique, Caraïbes et Pacifique (ACP) et l’Union europé<strong>en</strong>ne signé le23 juin 2000 à Cotonou. Le titre II porte sur la dim<strong>en</strong>sion politique dupart<strong>en</strong>ariat. L’article 8 est consacré au dialogue politique. L’article 9 porte surles élém<strong>en</strong>ts ess<strong>en</strong>tiels que sont le respect <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong> l’homme et <strong>de</strong>slibertés fondam<strong>en</strong>tales, une gestion responsable et transpar<strong>en</strong>te <strong>de</strong>s affairespubliques et l’État <strong>de</strong> droit. Le paragraphe quatre stipule que «les partiesréaffirm<strong>en</strong>t que la démocratisation, le développem<strong>en</strong>t et la protection <strong>de</strong>slibertés fondam<strong>en</strong>tales et <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong> l’homme sont interdép<strong>en</strong>dants et ser<strong>en</strong>forc<strong>en</strong>t mutuellem<strong>en</strong>t». 9 Le non respect <strong>de</strong> ces élém<strong>en</strong>ts peut <strong>en</strong>traîner larupture <strong>de</strong>s relations <strong>en</strong>tre un État ACP et l’Union. En 2003, la commission aprés<strong>en</strong>té une communication portant sur «Une Europe sûre dans un mon<strong>de</strong>meilleur. Stratégie europé<strong>en</strong>ne <strong>de</strong> sécurité». 10 Cette communication retraceles gran<strong>de</strong>s lignes du rôle <strong>de</strong> l’Union dans un mon<strong>de</strong> dominé par une m<strong>en</strong>acemultidim<strong>en</strong>sionnelle. Enfin, la stratégie <strong>de</strong> l’Union <strong>en</strong>vers l’Afrique, adoptéepar le conseil le 12 octobre 2005, définit le cadre d’action pour l’<strong>en</strong>semble <strong>de</strong>s9 Accord <strong>de</strong> part<strong>en</strong>ariat ACP-CE signé à Cotonou le 23 juin 2000.10 Une Europe sûre dans un mon<strong>de</strong> meilleur. Stratégie europé<strong>en</strong>ne <strong>de</strong> sécurité, décembre 2003,www.iss-eu.org.289


L’AFRIQUE DES GRANDS LACS. ANNUAIRE 2005-2006États membres <strong>de</strong> l’Union et <strong>de</strong> la commission europé<strong>en</strong>ne afin appuyer lesefforts déployés par l’Afrique pour atteindre les objectifs du millénaire pour ledéveloppem<strong>en</strong>t. A cela, il convi<strong>en</strong>drait d’ajouter la nouvelle déclaration ducons<strong>en</strong>sus europé<strong>en</strong> pour le développem<strong>en</strong>t, qui s’inscrit dans une perspective<strong>de</strong> coopération classique interétatique. L’<strong>en</strong>semble <strong>de</strong> ces élém<strong>en</strong>ts se trouvedans le premier pilier communautarisé. D’autres élém<strong>en</strong>ts, notamm<strong>en</strong>tl’<strong>en</strong>semble <strong>de</strong>s questions relatives aux volets sécurité et déf<strong>en</strong>se, se situe dansle second pilier portant sur la Politique étrangère et <strong>de</strong> Sécurité commune(PESC).L’action <strong>de</strong> la Communauté internationale <strong>en</strong> RDC a connu unemontée <strong>en</strong> puissance, selon l’état d’avancem<strong>en</strong>t du processus <strong>de</strong> transitionvers les élections qui symbolise la fin <strong>de</strong> l’État d’exception et le retour à unordre politique pacifié. La mise <strong>en</strong> place <strong>de</strong> l’accord global et inclusif (AGI)le 17 décembre 2002 s’est accompagnée d’une augm<strong>en</strong>tation du rôle <strong>de</strong> lacommunauté internationale dans le processus <strong>de</strong> résolution <strong>de</strong>s conflits etd’instauration <strong>de</strong> la démocratie <strong>en</strong> RDC. Le mandat <strong>de</strong> la MONUC a connu unr<strong>en</strong>forcem<strong>en</strong>t politique et militaire conséqu<strong>en</strong>t. Les accords <strong>de</strong> Pretoria ontpermis la création du Comité international d’accompagnem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la transition(CIAT) 11 , composé <strong>de</strong> diplomates étrangers <strong>en</strong> poste à Kinshasa. Son mandatest <strong>de</strong> garantir le processus <strong>de</strong> la transition, <strong>en</strong> assurant un arbitrage <strong>en</strong>tre lesdiffér<strong>en</strong>tes composantes participant à la transition. Politiquem<strong>en</strong>t cela place leCIAT <strong>en</strong> position d’arbitre <strong>en</strong> cas <strong>de</strong> cont<strong>en</strong>tieux <strong>en</strong>tre les composantes dugouvernem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> transition.Mettre <strong>en</strong> œuvre les résolutions <strong>de</strong> l’ONU contraint la MONUC àopérer constamm<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s arbitrages <strong>en</strong>tre <strong>de</strong>s objectifs très ambitieux, <strong>de</strong>sressources faibles et <strong>de</strong>s moy<strong>en</strong>s limités. Pour le Congolais ordinaire laMONUC est inefficace, car elle ne fait pas la guerre aux groupes et forcesarmées non invités. Le mandat <strong>de</strong>s représ<strong>en</strong>tants <strong>de</strong> la communautéinternationale est toujours <strong>en</strong> décalage <strong>en</strong>tre les att<strong>en</strong>tes <strong>de</strong>s populations et laréalité <strong>de</strong>s moy<strong>en</strong>s. Les responsables <strong>de</strong> la MONUC doiv<strong>en</strong>t opérer <strong>de</strong>sarbitrages <strong>en</strong>tre un mandat qui exige la protection <strong>de</strong>s personnes et le retour àla paix civile. Cela signifie arrêter tous les criminels <strong>de</strong> guerre ou bi<strong>en</strong> leslaisser <strong>en</strong> liberté et donner à la population civile le s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t d’une complicitéet d’un refus <strong>de</strong> combattre l’impunité. De sorte qu’il arrive souv<strong>en</strong>t que lacommunauté internationale doive choisir <strong>en</strong>tre la liberté <strong>de</strong> mouvem<strong>en</strong>t d’unchef <strong>de</strong> guerre, qui au <strong>de</strong>meurant reste un interlocuteur valable, ou l’arrêter etrisquer le créer le vi<strong>de</strong> ou la multiplication <strong>de</strong>s satrapies incontrôlables.11 Voir Accord global et inclusif sur la transition <strong>en</strong> République Démocratique du Congo, signéà Pretoria (République d’Afrique du Sud) le 16 décembre 2002. ANNEXE IV: De la Garantieinternationale, point n°3.290


DEMOCRATISATION EN TEMPS DE GUERRE2.2. Sécuriser et démocratiser <strong>en</strong> l’abs<strong>en</strong>ce d’ÉtatLa promotion <strong>de</strong> la démocratie <strong>en</strong> temps <strong>de</strong> guerre s’effectue dans uneperspective axée sur la sécurité humaine. Il s’agit ici d’articuler la pacificationet l’installation <strong>de</strong> la démocratie dans une perspective <strong>de</strong> la théorie kanti<strong>en</strong>ne<strong>de</strong> la paix démocratique 12 . C'est-à-dire que le retour à la paix et la démocratiesont les seules réponses aux racines <strong>de</strong>s conflits. En situation post-conflit, lapaix et la sécurité ne s’<strong>en</strong>racin<strong>en</strong>t que dans un régime pluraliste et ouvert.Dans cette perspective l’action <strong>de</strong> la communauté internationale a évolué.L’interv<strong>en</strong>tion internationale vise simultaném<strong>en</strong>t plusieurs objectifs : résoudrel’origine du conflit à la source, stabiliser et consoli<strong>de</strong>r la paix. C’est une phaseà la fois militaire et civile, la priorité étant d’éviter tout retour <strong>en</strong> arrière auconflit ouvert et <strong>de</strong> d’éliminer ou circonscrire les viol<strong>en</strong>ces contre lespopulation civiles.L’Accord global et inclusif a permis d’associer à la gestion dupouvoir les différ<strong>en</strong>tes composantes qui se sont fait la guerre, dans ungouvernem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> transition vers un processus démocratique où la logique <strong>de</strong>sarmes doit s’effacer <strong>de</strong>vant la logique <strong>de</strong>s urnes. Cep<strong>en</strong>dant dans la réalitéaucun <strong>de</strong>s acteurs <strong>de</strong> la transition ne semble pr<strong>en</strong>dre le risque d’abandonner lepouvoir pour le remettre à la volonté du peuple. L’abs<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> confiance parmiles composantes du gouvernem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> transition et l’idée répandue parmi ces<strong>de</strong>rniers «qu’on a pas fait la guerre pour perdre les élections» fait peser unrisque réel sur l’idée <strong>de</strong> consolidation démocratique. Le spectre d’un scénarioid<strong>en</strong>tique à celui <strong>de</strong> l’Angola, où Jonas Savimbi ayant perdu le verdict <strong>de</strong>surnes <strong>en</strong> septembre 1992 est retourné dans le maquis pour repr<strong>en</strong>dre la guerre,a fait pr<strong>en</strong>dre <strong>de</strong>s mesures prév<strong>en</strong>tives. Depuis décembre 2004, la MONUC acréé au sein <strong>de</strong> la division politique une unité «Joint Mission Analysis Cell»,(JMAC), qui dép<strong>en</strong>d du bureau du Représ<strong>en</strong>tant spécial du Secrétaire général.Cette cellule d’analyse et <strong>de</strong> r<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t est une innovation dans lesopérations <strong>de</strong> mainti<strong>en</strong> <strong>de</strong> la paix. Elle correspond par ailleurs auxrecommandations du rapport Brahimi 13 . L’objectif <strong>de</strong> cette cellule qui réunit<strong>de</strong>s militaires et <strong>de</strong>s civils est <strong>de</strong> prév<strong>en</strong>ir tout dérapage du processus <strong>de</strong>transition démocratique et d’écarter ou d’isoler les «spoilers». Elle utilise lesoutils militaires et politiques d’analyse classique. Les informations sur leprocessus politique, législatif et militaire sont analysées, traitées et12 GAUBATZ, K. T., “Kant, Democracy, and History”, Journal of Democracy, 1996, pp.136-150.13 Rapport du Groupe d’étu<strong>de</strong> sur les opérations <strong>de</strong> paix <strong>de</strong> l’Organisation <strong>de</strong>s Nations Unies,A/55/305 S/2000/809, plus connu sous le nom <strong>de</strong> rapport Brahimi du nom <strong>de</strong> l’anci<strong>en</strong> ministre<strong>de</strong>s Affaires étrangères <strong>de</strong> l’Algérie, et présid<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la commission d’étu<strong>de</strong> qui a produit cerapport.291


L’AFRIQUE DES GRANDS LACS. ANNUAIRE 2005-2006redistribuées quotidi<strong>en</strong>nem<strong>en</strong>t. Il s’agit d’isoler et affaiblir toutes m<strong>en</strong>acesintérieures et extérieures qui risquerai<strong>en</strong>t <strong>de</strong> retar<strong>de</strong>r ou <strong>de</strong> faire échouer lecal<strong>en</strong>drier électoral conformém<strong>en</strong>t aux accords <strong>de</strong> Pretoria, avant le 30 juin2006. Notons qu’il n’existe pas <strong>en</strong> RDC <strong>de</strong> Jonas Savimbi, ni <strong>de</strong> John Garang,les mouvem<strong>en</strong>ts <strong>de</strong> rebelles <strong>en</strong> RDC étant ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s fabricationsétrangères. En l’abs<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> souti<strong>en</strong> extérieur, aucun <strong>de</strong>s acteurs <strong>de</strong> l’espaceprésid<strong>en</strong>tiel n’est à même <strong>de</strong> repr<strong>en</strong>dre la guerre. En cas <strong>de</strong> la défaite duprésid<strong>en</strong>t actuel, il pourrait avec sa gar<strong>de</strong> prétori<strong>en</strong>ne t<strong>en</strong>ter unedéstabilisation, mais non une guerre. En outre, la décision <strong>de</strong> l’Unioneuropé<strong>en</strong>ne 14 d’<strong>en</strong>voyer une force d’appui à la MONUC pour r<strong>en</strong>forcer lasécurité au mom<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s élections est un signal clair à <strong>de</strong>stination du Rwandaet <strong>de</strong> l’Ouganda, pour prév<strong>en</strong>ir toute manœuvre déstabilisatrice.2.3. Acteurs internationaux et diplomatie <strong>de</strong> terrain : Assurerl’irréversibilité du processusPromouvoir la démocratie <strong>en</strong> temps <strong>de</strong> guerre exige une int<strong>en</strong>seactivité diplomatique <strong>de</strong> terrain. La diplomatie <strong>de</strong> terrain vise à contrer toutest<strong>en</strong>tatives <strong>de</strong> manœuvre dilatoire du cal<strong>en</strong>drier électoral, que la classepolitique congolaise s’est <strong>en</strong>gagée à respecter. L’<strong>en</strong>voyé spécial <strong>de</strong> l’Unioneuropé<strong>en</strong>ne dans la région <strong>de</strong>s grands lacs effectue régulièrem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s tournéesdans la région afin <strong>de</strong> promouvoir la position <strong>de</strong> l’UE, dans sa volonté <strong>de</strong>stabiliser la sous-région. Aldo Ajello, qui occupe ce poste <strong>de</strong>puis 1996, définitsa mission comme «<strong>de</strong>vant offrir aux acteurs politiques d’autres alternatives àla guerre» 15 . Il dép<strong>en</strong>d directem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> Javier Solana 16 , qui lui-même s’estr<strong>en</strong>du à plusieurs reprises au Congo afin d’évaluer les progrès accompli versles élections. Le 30 avril 2005, une forte délégation europé<strong>en</strong>ne conduite parJavier Solana et Louis Michel a inauguré officiellem<strong>en</strong>t l’Unité <strong>de</strong> Policeintégrée, qui est une unité <strong>de</strong> 1008 hommes, équipés et formés par l’UE afind’assurer la sécurité et la protection <strong>de</strong>s autorités et institutions <strong>de</strong> latransition. La <strong>de</strong>rnière visite <strong>de</strong> Solana, <strong>en</strong> mars 2006, porta sur les retardsconstatés dans le processus électoral.Louis Michel, anci<strong>en</strong> ministre belge <strong>de</strong>s Affaires étrangères et actuelcommissaire europé<strong>en</strong> <strong>en</strong> charge du développem<strong>en</strong>t, a effectué plusieursvoyages <strong>en</strong> 2005 et <strong>en</strong> est déjà à <strong>de</strong>ux <strong>en</strong> 2006. Cette volonté <strong>de</strong> maint<strong>en</strong>ir auplus haut niveau un contact permanant avec les autorités congolaises témoigne<strong>de</strong> l’<strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l’Union à sout<strong>en</strong>ir financièrem<strong>en</strong>t, militairem<strong>en</strong>t et14 www.monuc.org/news.aspx?ID=10835.15 AJELLO, A., Cavalier <strong>de</strong> la Paix, Quelle politique europé<strong>en</strong>ne commune pour l’Afrique ?,Entreti<strong>en</strong>s <strong>de</strong> Pierre-Olivier Richard avec Aldo Ajello, Bruxelles, GRIP, 2000, p.134.16 Secrétaire général <strong>de</strong> l’Union europé<strong>en</strong>ne et Haut Représ<strong>en</strong>tant <strong>de</strong> la politique étrangère et <strong>de</strong>sécurité commune (PESC).292


DEMOCRATISATION EN TEMPS DE GUERREpolitiquem<strong>en</strong>t la sortie <strong>de</strong>s conflits et l’arrivée d’un nouvel ordre politiquedémocratique. Par ailleurs, la délégation <strong>de</strong> l’Union europé<strong>en</strong>ne à Kinshasa apesé <strong>de</strong> tout son poids à la mi-janvier 2006 pour que la loi électorale soitsoumise au Parlem<strong>en</strong>t et promulguée à temps.La prés<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> troupes étrangères, la division et l’occupation duCongo constituai<strong>en</strong>t une situation très difficile pour la communautéinternationale, confrontée à l’inconsistance <strong>de</strong> Kabila père. Dans ce contexte,les Nations Unies ont choisi un diplomate <strong>de</strong> carrière, Monsieur KemalMorjane. Il fut perçu comme neutre, parce que son pays d’origine, la Tunisie,n’a aucune ambition hégémonique dans la région <strong>de</strong>s grands lacs. Il aaccompli une mission délicate, qui consistait à convaincre le pouvoir politiqueet les rebelles d’appliquer les accords <strong>de</strong> Lusaka, seul cadre valable <strong>de</strong> retourà la paix. La disparition prématurée <strong>de</strong> Kabila père a relancé le dialogueintercongolais. Le Secrétaire général nomma un représ<strong>en</strong>tant spécial pourfaciliter sa mise <strong>en</strong> œuvre. Moustapha Niasse, anci<strong>en</strong> premier ministresénégalais, fut nommé pour accompagner le facilitateur Ketumile Masiré <strong>en</strong>vue du dialogue <strong>en</strong>tre toutes les composantes congolaises afin <strong>de</strong> négocier unretour à la paix définitive.En septembre 2001, Kemal Morjane fut remplacé par le CamerounaisAmos Namanga Ngongi. Anci<strong>en</strong> administrateur du Programme alim<strong>en</strong>tairemondial, Ngongi était à l’image <strong>de</strong> l’actuel SG, un pragmatique. Sa missionétait d’apporter une assistance technique au nouveau gouvernem<strong>en</strong>t congolaisdans la nouvelle volonté d’appliquer les accords <strong>de</strong> Lusaka et <strong>de</strong> trouver unesolution négociée au conflit. Il <strong>de</strong>vait ai<strong>de</strong>r les autorités congolaises àrepr<strong>en</strong>dre confiance dans la reprise du processus <strong>de</strong> négociation.L’actuel représ<strong>en</strong>tant du Secrétaire général, William Swing, est arrivé<strong>en</strong> poste <strong>en</strong> juillet 2003. Plus controversé, il est arrivé à la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong>sCongolais. La relation qu’il a su développer avec le présid<strong>en</strong>t Kabila estambiguë. En adoptant une position souple et très amicale il a su conserverl’ess<strong>en</strong>tiel, c'est-à-dire l’unité du gouvernem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> transition, mais à quelprix ? En février 2006, Swing a mis <strong>en</strong> gar<strong>de</strong> la classe politique congolaisecontre toutes manœuvres dilatoires sur le cal<strong>en</strong>drier électoral. Ce discoursmusclé a mis la classe politique congolaise <strong>de</strong>vant ses responsabilités, <strong>en</strong>rappelant régulièrem<strong>en</strong>t les <strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>ts pris et <strong>en</strong> clarifiant la stratégie et lesobjectifs <strong>de</strong> la communauté internationale qui sont l’application intégrale <strong>de</strong>sAccords <strong>de</strong> Lusaka et le respect <strong>de</strong> l’Accord global et inclusif.3. MISE EN ŒUVRE SECURITAIRE DE LA PROMOTION DELA DEMOCRATIE ET DE LA RESOLUTION DES CONFLITSDeux crises majeures ont m<strong>en</strong>acé le processus <strong>de</strong> transition <strong>en</strong> cours<strong>en</strong> RDC. Il s’agit <strong>de</strong> Bunia au printemps 2003 et <strong>de</strong> Bukavu à l’été 2004. Ces293


L’AFRIQUE DES GRANDS LACS. ANNUAIRE 2005-2006<strong>de</strong>ux crises ont radicalem<strong>en</strong>t modifié l’approche <strong>de</strong> la communautéinternationale <strong>en</strong> RDC <strong>en</strong> terme <strong>de</strong> sécurité (A). La réforme <strong>de</strong>s forces <strong>de</strong>sécurité républicaines est un élém<strong>en</strong>t clef du dispositif <strong>de</strong> résolution <strong>de</strong>sconflits et <strong>de</strong> démocratisation (B). R<strong>en</strong>forcer l’État pour <strong>en</strong>raciner ladémocratie (C) est une composante ess<strong>en</strong>tielle <strong>de</strong> la nouvelle doctrine <strong>de</strong>l’interv<strong>en</strong>tionnisme international 17 .3.1. Sécurité humaine et démocratisationLa grave crise <strong>de</strong> l’Ituri au printemps 2003 m<strong>en</strong>açait le processus <strong>de</strong>démocratisation <strong>en</strong> RDC et risquait d’anéantir les efforts <strong>de</strong> stabilisation et <strong>de</strong>retour à une paix durable. La province <strong>de</strong> l’Ituri est peuplée d’<strong>en</strong>viron 4,5millions d’habitants. Les groupes ethniques L<strong>en</strong>du et Héma s’affront<strong>en</strong>tautour d’un conflit lié à la terre. La crise s’est <strong>en</strong>v<strong>en</strong>imée à partir <strong>de</strong> 1999,avec l’implication <strong>de</strong>s pays voisins dans divers trafics d’armes et <strong>de</strong> matièrespremières. Un cycle <strong>de</strong> massacres et <strong>de</strong> représailles a culminé au printemps2003 avec la prise <strong>de</strong> Bunia, chef-lieu du district, par les hommes <strong>de</strong> l’Union<strong>de</strong>s patriotes congolais (UPC) <strong>de</strong> Thomas Lubanga sout<strong>en</strong>u par les Rwandaisqui ont chassé les L<strong>en</strong>du sout<strong>en</strong>us par les Ougandais. Les Ougandais quitt<strong>en</strong>tBunia au printemps 2003, et plong<strong>en</strong>t la ville dans un chaos. La résolution1424 du 30 mai 2003 «autorise les États membres qui particip<strong>en</strong>t à la foremultinationale intérimaire d’urg<strong>en</strong>ce à pr<strong>en</strong>dre toutes les mesures nécessairesà l’exécution <strong>de</strong> leur mandat» 18 . Cette résolution consacre le passage auchapitre 7 <strong>de</strong> la Charte <strong>de</strong>s NU et la volonté politique <strong>de</strong> ram<strong>en</strong>er la sécurité etla stabilité dans ce district dont la situation risquait d’embraser l’<strong>en</strong>semble <strong>de</strong>la RDC et <strong>de</strong> déboucher sur un génoci<strong>de</strong>.L’Union europé<strong>en</strong>ne, avec la France aux comman<strong>de</strong>s, a m<strong>en</strong>é cettemission dont l’autorisation <strong>de</strong> déploiem<strong>en</strong>t porta sur trois mois, du 12 juin au1 er septembre 2003 19 . Composé <strong>de</strong> 1500 hommes <strong>de</strong>s forces spécialesfrançaises et <strong>de</strong> conting<strong>en</strong>ts africains, Artémis avait pour mandat <strong>de</strong> stabiliserla ville <strong>de</strong> Bunia et <strong>de</strong> sécuriser l’aéroport afin <strong>de</strong> permettre le travail <strong>de</strong>shumanitaires et éviter les massacres <strong>de</strong> masse <strong>en</strong>tre les groupes ethniquesL<strong>en</strong>du et Héma 20 .La résolution 1493, adoptée par le Conseil <strong>de</strong> sécurité le 28 juillet2003, place la MONUC sous le chapitre 7. La MONUC dispose d’un mandatsoli<strong>de</strong> et large pour imposer la paix. Le 1 er octobre 2004, la résolution 156517 VIRCOULON, T., “Ambiguïtés <strong>de</strong> l’interv<strong>en</strong>tion internationale <strong>en</strong> République Démocratiquedu Congo”, Politique Africaine, n°98, pp.79-95.18 Résolution 1484 (2003), S/RES/1484.19 Décision du Conseil, 2003/432/CFSP.20 BGAYOKO, N., “L’Opération Artémis, un tournant pour la politique europé<strong>en</strong>ne <strong>de</strong>déf<strong>en</strong>se ?”, Afrique Contemporaine, n°209, printemps 2004. pp.10-116.294


DEMOCRATISATION EN TEMPS DE GUERREautorise l’augm<strong>en</strong>tation <strong>de</strong>s effectifs à 5900 personnes avec <strong>de</strong>s moy<strong>en</strong>saéri<strong>en</strong>s adéquats. Un comman<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t à l’Est est créé avec quartier général àKisangani. Sur le terrain cette division assure la coordination <strong>de</strong>s troisbriga<strong>de</strong>s 21 <strong>de</strong> l’Ituri, du Nord et Sud Kivu.3.2. Assurer la réforme <strong>de</strong>s forces <strong>de</strong> sécurité républicaines pourgarantir la paix et la démocratieLe premier point du titre VI <strong>de</strong> l’Accord global et inclusif porte sur laformation d’une armée nationale incluant l’<strong>en</strong>semble <strong>de</strong>s composantes quisont parties pr<strong>en</strong>antes à l’Accord. Bi<strong>en</strong> que n’ayant pas mandat pour réformerle secteur <strong>de</strong> la sécurité <strong>en</strong> RDC, c’est la MONUC qui a initialem<strong>en</strong>t élaboréun schéma, pour garantir la sécurité <strong>de</strong>s chefs <strong>de</strong> guerre qui ont accepté <strong>de</strong>retourner à Kinshasa après l’Accord <strong>de</strong> Pretoria 22 .L’Union europé<strong>en</strong>ne a lancé <strong>de</strong>ux initiatives majeures dans ledomaine <strong>de</strong> la sécurité. Le premier porte sur la formation <strong>de</strong> la Polic<strong>en</strong>ationale congolaise. A la suite <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> du gouvernem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la RDC <strong>de</strong>la mise <strong>en</strong> place d’une Unité <strong>de</strong> police intégrée (UPI), l’UE a lancé la Missioneuropé<strong>en</strong>ne <strong>de</strong> police-Kinshasa (MEUP-Kinshasa). La mission EUPOL étantune mission <strong>de</strong> formation et d’équipem<strong>en</strong>t militaire, est du ressort du secondpilier, c'est-à-dire <strong>de</strong> la Politique étrangère et <strong>de</strong> sécurité commune (PESC).Elle relève du Conseil europé<strong>en</strong>. L’Action commune 2004/847/PESC <strong>de</strong>décembre 2004 créa la première mission <strong>de</strong> police <strong>de</strong> l’UE <strong>en</strong> Afrique. Sur leterrain la mission dép<strong>en</strong>d directem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l’<strong>en</strong>voyé spécial, l’ambassa<strong>de</strong>urAldo Ajello. Une fois formée, l’objectif <strong>de</strong> cette UPI est d’assurer la sécuritéet la protection <strong>de</strong>s hautes autorités et institutions <strong>de</strong> la transition. La sélection<strong>de</strong>s candidats à la formation <strong>de</strong>vait pr<strong>en</strong>dre <strong>en</strong> considération une répartitionéquilibrée <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong> chaque faction <strong>de</strong>s ex-belligérants. Cetterépartition équilibrée concernait les hommes <strong>de</strong> troupe et les officiers.Précisons que 70 % <strong>de</strong>s policiers sont <strong>de</strong> l’Est 23 . En prés<strong>en</strong>ce d’une volontépolitique et <strong>de</strong>s moy<strong>en</strong>s financiers disponibles, le brassage <strong>de</strong>s ex-belligérantsest tout à fait possible. Le budget total <strong>de</strong> la formation s’élève à 10 millions21 La Briga<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’Ituri qui succéda à l’opération Artemis, compr<strong>en</strong>d un bataillon bangladais <strong>de</strong>950 militaires, un bataillon marocain <strong>de</strong> 750 militaires, un bataillon népalais <strong>de</strong> 950 hommes et<strong>en</strong>fin un bataillon pakistanais <strong>de</strong> 950 militaires. La briga<strong>de</strong> du Nord-Kivu basée à Goma estcomposée <strong>de</strong> 2700 militaires indi<strong>en</strong>s. La Briga<strong>de</strong> du Sud-Kivu est composée <strong>de</strong> 2700 militairespakistanais.22 A la veille <strong>de</strong> la mise <strong>en</strong> place du gouvernem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> transition, les chefs rebelles avai<strong>en</strong>t leursquartiers généraux à Goma pour le RCD, Gbadolite pour le MLC et le gouvernem<strong>en</strong>t àKinshasa.23 Entreti<strong>en</strong> avec le porte parole d’EUSEC, M. François Xavier Delestre, le 27 février 2006 àKinshasa.295


L’AFRIQUE DES GRANDS LACS. ANNUAIRE 2005-2006d’euros 24 . Le programme porta sur un <strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t général <strong>de</strong> contrôle et <strong>de</strong>sécurité <strong>de</strong>s lieux publics. Des modules relatifs aux respects <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong>l’homme complèt<strong>en</strong>t la formation. L’Union a financé la base logistique <strong>de</strong>l’UPI à l’échangeur <strong>de</strong> Limete, qui fonctionne <strong>en</strong> co-location avec lesconseillers techniques et observateurs <strong>de</strong> la EUPOL. EUPOL compr<strong>en</strong>d dupersonnel <strong>de</strong> l’UE et <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux nations invitées que sont le Canada et laTurquie. En novembre 2005, la mission fut prolongée jusqu’au 31 décembre2006.L’UE a <strong>en</strong>gagé une Mission europé<strong>en</strong>ne militaire (EUSEC) <strong>de</strong> conseilsur la réforme du secteur <strong>de</strong> la sécurité <strong>en</strong> RDC. Elle fut lancée le 2 mai 2005.Les objectifs assignés sont d’ai<strong>de</strong>r à l’intégration <strong>de</strong> l’armée congolaise avantles élections et <strong>de</strong> faire disparaître la logique <strong>de</strong>s composantes. En outre elleébauche une maquette <strong>de</strong> la future armée intégrée. Pour ce faire, elle doitcompléter le rec<strong>en</strong>sem<strong>en</strong>t et fournir un chiffre réel du nombre <strong>de</strong> soldats ausein <strong>de</strong>s Forces armées congolaises. A la signature <strong>de</strong>s Accords <strong>de</strong> Lusaka,chaque groupe belligérant avait <strong>en</strong> effet avancé un chiffre <strong>de</strong> ses effectifssupérieur à la réalité afin <strong>de</strong> se prés<strong>en</strong>ter à la table <strong>de</strong>s négociations <strong>en</strong>position <strong>de</strong> force. Par ailleurs, <strong>en</strong> l’abs<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> limite d’âge et <strong>de</strong> retraite,comme <strong>de</strong> système <strong>de</strong> p<strong>en</strong>sion, les morts, les infirmes et les soldats inaptescontinu<strong>en</strong>t à être comptabilisés. Selon le rec<strong>en</strong>sem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> cours, l’effectif <strong>de</strong>l’Armée <strong>de</strong> terre est estimé à 100 000 hommes 25 . EUSEC propose un système<strong>de</strong> paiem<strong>en</strong>t c<strong>en</strong>tralisé avec carte d’id<strong>en</strong>tité biométrique pour chaque militaire.Actuellem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>viron 6 à 8 millions <strong>de</strong> dollars US sont décaissés pour la sol<strong>de</strong><strong>de</strong>s soldats. Environ 50 % <strong>de</strong> cette somme n’arrive pas aux <strong>de</strong>stinataires.L’action <strong>de</strong>s NU porte sur la formation <strong>de</strong> la police congolaise pourl’<strong>en</strong>semble du territoire. La composante police civile <strong>de</strong> la MONUC(CIVIPOL) lança une mission d’évaluation <strong>de</strong>s forces <strong>de</strong> police congolaises.Un plan <strong>de</strong> formation <strong>de</strong> formateurs fut lancé <strong>en</strong> Province ori<strong>en</strong>tale à partir <strong>de</strong>2003. Des moy<strong>en</strong>s pédagogiques et logistiques très sophistiqués fur<strong>en</strong>t mis àla disposition <strong>de</strong>s policiers. La réhabilitation <strong>de</strong>s c<strong>en</strong>tres d’instruction estégalem<strong>en</strong>t assurée par la MONUC. La formation fut ét<strong>en</strong>due aux officiers <strong>de</strong>police judiciaire. Elle insiste sur le rôle <strong>de</strong> la police nationale dans leprocessus <strong>de</strong> transition et <strong>de</strong> réconciliation. Par la suite, la formation futét<strong>en</strong>due à l’<strong>en</strong>semble <strong>de</strong>s unités <strong>de</strong> police congolaise. Par ailleurs plusieursunités <strong>de</strong> la MONUC, telles que l’unité droits <strong>de</strong> l’homme, État <strong>de</strong> droit,g<strong>en</strong>re, ou VIH/SIDA, organis<strong>en</strong>t avec CIVIPOL <strong>de</strong>s formations thématiques à<strong>de</strong>stination <strong>de</strong> la police congolaise.24 www.eu.ue.int/uedocs/cmsUpload/Dossierupi_EUPOL_Mars_2006.pdf.25 Selon le Général Pierre-Michel Joana, chef <strong>de</strong> l’EUSEC, www.monuc.org.296


DEMOCRATISATION EN TEMPS DE GUERRE3.3. Reconstruire l’État pour <strong>en</strong>raciner la démocratieL’État est le premier <strong>de</strong>stinataire <strong>de</strong> l’action internationale <strong>de</strong>promotion <strong>de</strong> la démocratie. On se retrouve ici dans la même configurationque l’État à l’époque <strong>de</strong>s indép<strong>en</strong>dances. L’État <strong>de</strong>vait se construire et assurerla cohésion <strong>de</strong> la communauté politique, tout <strong>en</strong> déployant son autorité surtoute l’ét<strong>en</strong>due <strong>de</strong> son territoire. Dans un État <strong>en</strong> faillite, les institutionspubliques sont à la fois objet et instrum<strong>en</strong>t <strong>de</strong> la démocratisation <strong>de</strong> la sociétépolitique convalesc<strong>en</strong>te. Nous sout<strong>en</strong>ons avec le professeur M. Gounelle 26qu’il ne peut y avoir <strong>de</strong> démocratie sans État. Pour <strong>de</strong>s raisons idéologiquesl’État fut décrié par les Programmes d’ajustem<strong>en</strong>t structurel dans les années1980. Aujourd’hui il est clair qu’<strong>en</strong> l’abs<strong>en</strong>ce d’un État part<strong>en</strong>aire, l’actioninternationale sera vaine. Le redressem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l’État poursuit l’idée qu’il fautrecréer un cadre juridique et administratif, permettant le fonctionnem<strong>en</strong>tharmonieux <strong>de</strong>s institutions politiques et le respect <strong>de</strong>s libertés fondam<strong>en</strong>tales.Yves Dau<strong>de</strong>t 27 qualifie ce phénomène <strong>de</strong> restauration <strong>de</strong> l’État, alors qued’autres parl<strong>en</strong>t <strong>de</strong> State building 28 .L’Union europé<strong>en</strong>ne privilégie la reconstruction et le fonctionnem<strong>en</strong>t<strong>de</strong>s institutions judiciaires et le retour <strong>de</strong> l’État dans ses fonctions régali<strong>en</strong>nes.Le Programme d’Appui à la Justice, lancé à la suite d’un audit du systèmejudiciaire <strong>en</strong> 2002, porta sur un montant <strong>de</strong> 28 millions € dans trois provincespilote : Kinshasa, le Bas-Congo et le Bandudu. L’Union europé<strong>en</strong>ne a sout<strong>en</strong>ul’ONG Réseau <strong>de</strong>s citoy<strong>en</strong>s (Citiz<strong>en</strong>s’ Network) pour la formation et laremise à niveau <strong>de</strong>s magistrats du siège. Cette ONG <strong>de</strong>vait sout<strong>en</strong>ir la mise àjour <strong>de</strong> la docum<strong>en</strong>tation juridique. Suite à l’opération Artémis, <strong>en</strong> Ituri,l’Union europé<strong>en</strong>ne et la coopération française ont signé avec legouvernem<strong>en</strong>t congolais un protocole d’accord portant sur la restauration <strong>de</strong>la justice pénale à Bunia. Une première tranche <strong>de</strong> 585 000€ fut versée. Celaporta sur la rénovation du tribunal <strong>de</strong> Gran<strong>de</strong> Instance, le parquet et la prisonc<strong>en</strong>trale dont l’administration est assurée par un financem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l’UE. Ceprojet fut prorogé d’un an <strong>en</strong> juillet 2004, pour un montant <strong>de</strong> 881 596 €. Il fut<strong>en</strong> outre élargi à la juridiction militaire afin <strong>de</strong> faire <strong>de</strong> l’Ituri un district test<strong>en</strong> matière d’administration d’une justice effici<strong>en</strong>te et transpar<strong>en</strong>te. Un autreaspect ess<strong>en</strong>tiel <strong>de</strong> ce projet porta sur le souti<strong>en</strong> <strong>de</strong>s ONG dans las<strong>en</strong>sibilisation <strong>de</strong> la population à la justice et la déf<strong>en</strong>se <strong>de</strong>s plus démunis faceà l’arbitraire <strong>de</strong>s autorités étatiques.26 GOUNELLE, M., “La démocratisation politique publique internationale”, op. cit.27 DAUDET, Y. (dir.), Les Nations Unies et la restauration <strong>de</strong> l'Etat, Paris, Pedone, 1995.28 POULIGNY, B. et POUYE, R., “Le State building au secours <strong>de</strong> la sécurité internationale ?”,Ramsès, Paris, Dunod, 2003.297


L’AFRIQUE DES GRANDS LACS. ANNUAIRE 2005-2006L’action <strong>de</strong> la MONUC <strong>en</strong> la matière est vaste et diffuse. Elles’appuie sur l’<strong>en</strong>semble <strong>de</strong>s ag<strong>en</strong>ces <strong>de</strong>s Nations Unies <strong>en</strong> RDC pour éviterles doublons. Depuis avril 2004, il existe au sein <strong>de</strong> la MONUC une unité État<strong>de</strong> droit. Auparavant cette fonction était assumée par l’unité Droits <strong>de</strong>l’homme. Des hauts responsables <strong>de</strong> la MONUC s’interrog<strong>en</strong>t sur lapertin<strong>en</strong>ce d’une unité Etat <strong>de</strong> droit dans une Opération <strong>de</strong> mainti<strong>en</strong> <strong>de</strong> la paix(OMP), dont la mission première est la pacification d’urg<strong>en</strong>ce et lastabilisation. Cette unité connaît <strong>de</strong>s difficultés <strong>de</strong> visibilité et <strong>de</strong> clarification<strong>de</strong> ses objectifs. Son mandat est vague, son plan opérationnel inexistant,même si le Représ<strong>en</strong>tant spécial du Secrétaire général est convaincu <strong>de</strong> sonutilité. En dépit <strong>de</strong>s difficultés réelles auxquelles est confrontée cette unité,<strong>de</strong>s initiatives <strong>en</strong>vers la justice et les forces <strong>de</strong> sécurité ont vu le jour. Uncadre <strong>de</strong> concertation est créé afin <strong>de</strong> permettre <strong>de</strong>s réunions hebdomadaires<strong>en</strong>tre la MONUC, l’UE et le ministère <strong>de</strong> la Justice afin <strong>de</strong> coordonner <strong>de</strong>sactions portant sur l’État <strong>de</strong> droit.4. VERS UNE NOUVELLE APPROCHE DE LA RESOLUTIONDES CONFLITS ET DE LA PROMOTION DE LADEMOCRATIELa communauté internationale <strong>en</strong> RDC expérim<strong>en</strong>te un certainnombre d’outils nouveaux afin <strong>de</strong> faire face à la faillite <strong>de</strong> l’État, auxnouvelles guerres hybri<strong>de</strong>s et à une conflictualité <strong>de</strong> basse int<strong>en</strong>sitémultidim<strong>en</strong>sionnelle. La Mission intégrée, nouvelle génération d’OMP,permet aux NU <strong>de</strong> faire face à ces nouveau défis (1). La notion <strong>de</strong> cal<strong>en</strong>drierélectoral, lequel a toujours été considéré comme la phase ultime <strong>de</strong> la sortie <strong>de</strong>crises, connaît une évolution (2). Enfin, l’action <strong>de</strong> la communautéinternationale est p<strong>en</strong>sée <strong>en</strong> RDC dans une perspective régionale, <strong>de</strong> façon àrésoudre définitivem<strong>en</strong>t la conflictualité qui déstabilise la sous-région (3).4.1. La mission intégrée : une nouvelle doctrine du mainti<strong>en</strong> <strong>de</strong> la paixLa notion <strong>de</strong> mission intégrée est apparue récemm<strong>en</strong>t dans levocabulaire onusi<strong>en</strong>, suite au rapport Brahimi 29 . Le ministère norvégi<strong>en</strong> <strong>de</strong>sAffaires étrangères <strong>en</strong> part<strong>en</strong>ariat avec le Départem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> mainti<strong>en</strong> <strong>de</strong> la paix<strong>de</strong>s NU a organisé au printemps 2005 une réunion <strong>de</strong> réflexion autour <strong>de</strong> lanotion d’opération intégrée 30 . L’objectif principal <strong>de</strong> cette opération intégréeest <strong>de</strong> coordonner l’<strong>en</strong>semble <strong>de</strong>s ag<strong>en</strong>ces onusi<strong>en</strong>nes 31 sur le terrain afin29 Rapport du Groupe d’étu<strong>de</strong> sur les opérations <strong>de</strong> paix <strong>de</strong> l’Organisation <strong>de</strong>s Nations Unies,A/55/305 S/2000/809, op. cit.30 Integrated Mission, www.nupi.no.31 Sont concernées par la coordination, le PNUD, OCHA, PAM, HCR, FAO, UNICEF.298


DEMOCRATISATION EN TEMPS DE GUERREd’accroître l’efficacité et <strong>de</strong> réaliser <strong>de</strong>s économies sur les services déployésdans une région. Le concept d’opération intégrée ne r<strong>en</strong>voie plus au mainti<strong>en</strong><strong>de</strong> la paix <strong>en</strong> terme séqu<strong>en</strong>tiel. Désormais, l’<strong>en</strong>semble <strong>de</strong>s acteurs interv<strong>en</strong>antsdans les OMP est coordonné par le RSSG, <strong>en</strong> l’occurr<strong>en</strong>ce l’ambassa<strong>de</strong>urWilliam Swing, assisté par le Représ<strong>en</strong>tant spécial adjoint Ross Mountain. Ce<strong>de</strong>rnier est coordinateur résid<strong>en</strong>t et coordinateur humanitaire <strong>de</strong>s ag<strong>en</strong>cesonusi<strong>en</strong>nes au Congo. Ayant un bureau au sein <strong>de</strong> la MONUC et au PNUD àKinshasa, Mountain fait le li<strong>en</strong> <strong>en</strong>tre l’action d’urg<strong>en</strong>ce et le souci <strong>de</strong> p<strong>en</strong>serl’interv<strong>en</strong>tion <strong>de</strong> la communauté internationale dans le long terme.La notion <strong>de</strong> mission intégrée impose une étroite collaboration <strong>en</strong>treles militaires et les civils. Lorsque la Briga<strong>de</strong> <strong>de</strong> la MONUC du Sud-Kivu asout<strong>en</strong>u les FARDC pour l’opération «South S<strong>en</strong>tinel», il y eut unecoordination totale <strong>en</strong>tre les différ<strong>en</strong>ts acteurs onusi<strong>en</strong>s. Du 22 février au 5mars 2006, les FARDC, appuyées par la MONUC, ont repris le contrôle <strong>de</strong>slocalités <strong>de</strong> Ekingi, Manga et Chibiroro, se situant au nord du Parc naturel <strong>de</strong>Kahuzi Biega, à l’ouest <strong>de</strong> Bunyakiri 32 . Ces localités abritai<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s bases <strong>de</strong>scombattants Hutu <strong>de</strong>s Forces démocratiques pour la libération du Rwanda(FDLR). Avant <strong>de</strong> lancer cette opération une réunion <strong>de</strong> concertation avec lesag<strong>en</strong>ces humanitaire du système <strong>de</strong>s NU a permis d’emménager <strong>de</strong>s zonesd’évacuation pour les civils et a permis égalem<strong>en</strong>t aux ag<strong>en</strong>ces humanitairesd’interv<strong>en</strong>ir pour prév<strong>en</strong>ir la détérioration <strong>de</strong> la situation humanitaire <strong>de</strong>scivils vivant dans les localités concernées par l’opération. Des couloirshumanitaires fur<strong>en</strong>t aménagés dans le plan <strong>de</strong>s opérations et sécurisés par labriga<strong>de</strong> pakistanaise du Sud-Kivu pour assister les civils fuyant les opérations<strong>de</strong> combats.4.2. Rep<strong>en</strong>ser le cal<strong>en</strong>drier électoral dans une perspective à longtermeL’interv<strong>en</strong>tion <strong>de</strong> la communauté internationale dans les pays <strong>en</strong>conflit est très souv<strong>en</strong>t axée sur le processus électoral comme ultime clef duretour à l’ordre constitutionnel. L’accord global et inclusif <strong>de</strong> Pretoriaprévoyait dans son titre 2.4 «l'organisation d'élections libres et transpar<strong>en</strong>tesà tous les niveaux permettant la mise <strong>en</strong> place d'un régime constitutionneldémocratique». Initialem<strong>en</strong>t la pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> transition <strong>de</strong>vait porter sur unepério<strong>de</strong> <strong>de</strong> vingt-quatre mois, avec une possibilité <strong>de</strong> la proroger <strong>de</strong> six moisr<strong>en</strong>ouvelables une fois (article 196 <strong>de</strong> la constitution <strong>de</strong> transition). Cecal<strong>en</strong>drier fut modifié conformém<strong>en</strong>t à la constitution <strong>de</strong> transition, afin <strong>de</strong>régler les questions logistiques et surtout politiques et sécuritaires à l’est <strong>de</strong> laRépublique.32 Entreti<strong>en</strong> réalisé le 14 mars 2006 avec la porte-parole <strong>de</strong> la MONUC à Bukavu.299


L’AFRIQUE DES GRANDS LACS. ANNUAIRE 2005-2006La Commission électorale indép<strong>en</strong>dante (CEI) est une <strong>de</strong>s cinqinstitutions d’appui à la démocratie prévues par l’Accord global et inclusif(titre 5, <strong>de</strong>s Institutions <strong>de</strong> la transition) et la constitution <strong>de</strong> la transition (art.154). Elle est présidée par l’Abbé Appolinaire Malu Malu <strong>de</strong> la société civile.Elle a vu le jour effectivem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> juin 2004. Le délabrem<strong>en</strong>t du systèmeadministratif, l’abs<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> listes électorales et l’<strong>en</strong>clavem<strong>en</strong>t du paysr<strong>en</strong>dai<strong>en</strong>t l’organisation <strong>de</strong> ces premières élections <strong>de</strong>puis près <strong>de</strong> 40 ans quasiimpossibles. La communauté internationale a créé un Projet d’appui auprocessus électoral (APEC), géré par le PNUD, avec l’appui <strong>de</strong> la Divisionélectorale <strong>de</strong> la MONUC. Un fonds commun dédié aux élections fut créé. Cefonds est alim<strong>en</strong>té par plusieurs pays occid<strong>en</strong>taux, dont le plus gros bailleurest à ce jour l’Union europé<strong>en</strong>ne avec 14 millions d’euros.Pour établir les listes électorales, la CEI a ouvert <strong>de</strong>s sectionsélectorales dans toutes les provinces. Entre le 20 juin et le 15 décembre 2005,25 millions d’électeurs fur<strong>en</strong>t <strong>en</strong>registrés sur une population électoraleestimée à 28 millions. L’optimisation <strong>de</strong>s moy<strong>en</strong>s technologiquesultramo<strong>de</strong>rnes a contraint à un rec<strong>en</strong>sem<strong>en</strong>t séqu<strong>en</strong>tiel, province par province.9119 c<strong>en</strong>tres fur<strong>en</strong>t ouverts. L’organisation <strong>de</strong>s élections nécessita laformation <strong>de</strong> milliers <strong>de</strong> formateurs.La MONUC assura un appui logistique déterminant pour ledéploiem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l’<strong>en</strong>semble du matériel électoral, par l’utilisationd’hélicoptères et la sécurisation <strong>de</strong> l’acheminem<strong>en</strong>t du matériel <strong>de</strong> vote dans<strong>de</strong>s lieux d’accès difficile. La Résolution 1493 adoptée le 28 juillet 2003 parle Conseil <strong>de</strong> Sécurité «<strong>en</strong>courage la MONUC, <strong>en</strong> coordination avec lesautres organismes <strong>de</strong>s Nations Unies, les donateurs et les organisations nongouvernem<strong>en</strong>tales, à apporter son assistance, durant la pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> transition,à la préparation et à la t<strong>en</strong>ue <strong>de</strong>s élections sur l’<strong>en</strong>semble du territoire <strong>de</strong> laRépublique Démocratique du Congo…». 334.3. Résolution <strong>de</strong>s conflits, promotion <strong>de</strong> la démocratie et dynamiquerégionaleLa dynamique <strong>en</strong> cours <strong>en</strong> RDC s’inscrit résolum<strong>en</strong>t dans uneperspective post-conflit. Elle ne sera viable que si une stratégie régionaleglobale et réaliste répond au défi <strong>de</strong> la sécurité dans la région <strong>de</strong>s grands lacs.Les conflits qui ravag<strong>en</strong>t la RDC résult<strong>en</strong>t d’interactions complexestransfrontalières. Ils sont le plus souv<strong>en</strong>t m<strong>en</strong>és par <strong>de</strong>s forces irrégulièresdissid<strong>en</strong>tes ou par <strong>de</strong>s forces régulières à la poursuites <strong>de</strong> groupes armés ayantétablis leurs bases arrières ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t à l’est <strong>de</strong> la RDC. La conflictualitéperman<strong>en</strong>te <strong>de</strong> cette région s’explique <strong>en</strong> partie par l’exist<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> milliers <strong>de</strong>33 Résolution 1493, adoptée par le Conseil <strong>de</strong> sécurité le 28 juillet 2003.300


DEMOCRATISATION EN TEMPS DE GUERREmilitaires survivants <strong>de</strong>s armées vaincues, <strong>de</strong>v<strong>en</strong>us <strong>de</strong> véritables merc<strong>en</strong>aireset louant leurs services aux plus offrant. Les conflits <strong>de</strong>s grands lacs n’ont ri<strong>en</strong>d’archaïque ni <strong>de</strong> tribal. Il s’agit au contraire <strong>de</strong> conflits contemporains etrationnels, obéissant à une logique <strong>de</strong> l’histoire locale 34 . Deux initiativessout<strong>en</strong>ues par la communauté internationale t<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t d’apporter une réponse àl’instabilité régionale. Le Programme multi-pays pour le désarmem<strong>en</strong>t, ladémobilisation et la réintégration (PMDDR) 35 et la Confér<strong>en</strong>ce internationalesur la région <strong>de</strong>s grands lacs 36 veul<strong>en</strong>t contribuer au retour à la paix et lastabilité <strong>de</strong> manière globale.Le PMDDR crée un cadre institutionnel et financier <strong>de</strong>vant définirune stratégie globale portant sur les activités <strong>de</strong> désarmem<strong>en</strong>t, ladémobilisation et la réintégration <strong>de</strong>s anci<strong>en</strong>s militaires pour la région <strong>de</strong>sgrands lacs. Les pays <strong>de</strong>stinataires sont l’Angola, le Burundi, la RépubliqueC<strong>en</strong>trafricaine, le Congo, la RDC, la Namibie, l’Ouganda, le Rwanda et leZimbabwe. Le PMDDR comporte quatre volets : les programmes nationaux ;les projets spéciaux ; les activités régionales ; et <strong>en</strong>fin la gestion duprogramme. Ce plan définit les stratégies que le Programme national <strong>de</strong>désarmem<strong>en</strong>t, démobilisation et réinsertion (PNDDR) est chargé <strong>de</strong> mettre <strong>en</strong>œuvre <strong>en</strong> RDC. Le PNDDR poursuit un double objectif : la réorganisation <strong>de</strong>la nouvelle armée nationale et la réinsertion <strong>de</strong>s ex-combattants dans lescommunautés d’origine sans mettre <strong>en</strong> cause l’équilibre <strong>de</strong> ses <strong>de</strong>rnières.Le 18 décembre 2004, trois décrets promulgués par le Présid<strong>en</strong>tKabila mettai<strong>en</strong>t <strong>en</strong> place le PNDDR. Ces décrets institutionnalis<strong>en</strong>t unComité interministériel chargé <strong>de</strong> la conception et <strong>de</strong> l’ori<strong>en</strong>tation <strong>en</strong> matière<strong>de</strong> DDR. Une Commission nationale <strong>de</strong> démobilisation et réinsertion(CONADER) est chargée <strong>de</strong> la coordination et exécution du PNDDR danstoutes ses phases. Il convi<strong>en</strong>t <strong>de</strong> souligner que cet effort <strong>de</strong> réinsertion <strong>de</strong>sanci<strong>en</strong>s belligérants congolais est complété par un programme similaire mis<strong>en</strong> œuvre par la MONUC, à <strong>de</strong>stination <strong>de</strong>s groupes armés étrangers prés<strong>en</strong>ts<strong>en</strong> RDC et non signataires <strong>de</strong>s Accords <strong>de</strong> Lusaka. Conformém<strong>en</strong>t à l’Accord<strong>de</strong> paix <strong>de</strong> Lusaka 37 et à la résolution 1376 38 du Conseil <strong>de</strong> sécurité, il étaitassigné à la MONUC la mission <strong>de</strong> DDR <strong>de</strong>s forces étrangères <strong>en</strong> RDC.L’instauration <strong>de</strong> la sécurisation humaine s’accompagne <strong>de</strong> la créationd’un cadre régional <strong>de</strong> coopération et <strong>de</strong> dialogue politique avec l’<strong>en</strong>semble<strong>de</strong>s pays <strong>de</strong>s grands lacs. La confér<strong>en</strong>ce internationale sur la région <strong>de</strong>s grands34 BATISTELLA, Dario, “Les facteurs <strong>de</strong> conflits : vers <strong>de</strong> nouveau types <strong>de</strong> conflits”, Cahiersfrançais, n°290, mars-avril 1999.35 www.mdrp.org.36 www.icglr.org.37 Accord <strong>de</strong> Lusaka du 10 juillet 1999, annexe A, chapitre 9 .1. Journal officiel <strong>de</strong> la RDC,recueil <strong>de</strong> textes pour le dialogue intercongolais, Kinshasa, n° spécial mai 2001.38 Résolution 1376, S/ RES adopté par le Conseil <strong>de</strong> Sécurité, le 9 novembre 2001.301


L’AFRIQUE DES GRANDS LACS. ANNUAIRE 2005-2006lacs réunit les <strong>de</strong>ux Congo, la République C<strong>en</strong>tre Africaine, le Soudan,l’Uganda, le Rwanda, le Burundi, le K<strong>en</strong>ya, la Tanzanie, la Zambie etl’Angola. L’Egypte, l’Ethiopie, le Malawi, le Mozambique, le Zimbabwe, leBotswana et la Namibie sont les pays cooptés.La confér<strong>en</strong>ce porte sur quatre objectifs: la paix, la sécurité, ladémocratie et le développem<strong>en</strong>t dans la région <strong>de</strong>s grands lacs. Ibrahim Fall,<strong>en</strong>voyé spécial du Secrétaire général <strong>de</strong>s NU et Mamadou Bah, représ<strong>en</strong>tant<strong>de</strong> l’Union Africaine, assur<strong>en</strong>t le secrétariat conjoint ONU-UA. La phasepréliminaire a permis d’id<strong>en</strong>tifier les priorités, et <strong>de</strong> traduire celles-ci <strong>en</strong><strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>ts opérationnels. Les 19 et 20 novembre 2004, les chefs d’État <strong>de</strong>spays <strong>de</strong> la région <strong>de</strong>s grands lacs se sont réunis avec le Secrétaire général <strong>de</strong>sNations Unies pour adopter la déclaration <strong>de</strong> Dar-Es-Salam. Elle affirme ladétermination <strong>de</strong>s chefs d’État impliqués dans le processus <strong>de</strong> faire <strong>de</strong> larégion <strong>de</strong>s grands lacs un espace <strong>de</strong> paix et <strong>de</strong> sécurité durable. Laparticularité <strong>de</strong> cette confér<strong>en</strong>ce est d’instituer un mécanisme <strong>de</strong> concertationnationale puis régionale visant à mettre fin au retour cyclique <strong>de</strong>s crises et <strong>de</strong>sviol<strong>en</strong>ces dans la région. En ce s<strong>en</strong>s cette confér<strong>en</strong>ce s’inscrit dans un longprocessus ponctué <strong>de</strong> multiples initiatives visant à rapprocher les intérêt <strong>de</strong>spays <strong>de</strong> la région afin d’éloigner toute velléité d’agression du voisin.Différ<strong>en</strong>ts protocoles <strong>de</strong> mise <strong>en</strong> œuvre sont déjà élaborés sur le plan <strong>de</strong> lasécurité et <strong>de</strong> l’intégration économique, et est prévue la création d’un c<strong>en</strong>trerégional <strong>de</strong>stiné à promouvoir la démocratie, la bonne gouvernance, les droits<strong>de</strong> l’homme et l’éducation civique. Pour Baudouin Hamuli Kabarhuza 39 , ledéfi <strong>de</strong>s pays <strong>de</strong>s grands lacs est d’accélérer l’intégration régionale, pouraccroître la dép<strong>en</strong>dance économique.5. BILAN CRITIQUE ET PERSPECTIVES DE LA PROMOTIONDE LA DEMOCRATIE EN TEMPS DE GUERRELa caractéristique majeure <strong>de</strong> ce champ politique <strong>de</strong> la RDC est laconflictualité multidim<strong>en</strong>sionnelle et la déliquesc<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> l’État. La RDCcorrespond à la définition <strong>de</strong> W. Zartman 40 <strong>de</strong> l’État <strong>en</strong> faillite. Incapabled’assurer les fonctions classiques d’un État, il est <strong>en</strong> reconstruction, dans unelogique <strong>de</strong> sortie <strong>de</strong> conflits, après une phase <strong>de</strong> l<strong>en</strong>te désintégration. Cetteconflictualité n’a plus <strong>de</strong> frontières, ni <strong>de</strong> front. Les forces <strong>en</strong>gagées dans leconflit ne sont plus <strong>de</strong>s forces armées classiques. Il s’agit <strong>de</strong> mouvem<strong>en</strong>tsrebelles dont l’allégeance à une autorité est instable et varie <strong>en</strong> fonction <strong>de</strong>sgains financiers. Cette crise globale s’inscrit dans une dynamique <strong>de</strong>39 Coordinateur national <strong>de</strong> la Confér<strong>en</strong>ce internationale <strong>de</strong> la région <strong>de</strong>s grands lacs, <strong>en</strong>treti<strong>en</strong>réalisé le 28 février 2006 à Kinshasa.40 ZARTMAN, I. W. (ed.), Collapsed States: The Disintegration and Restoration of LegitimateAuthority, Boul<strong>de</strong>r, Colo., Lynne Ri<strong>en</strong>ner Publishers, 1995.302


DEMOCRATISATION EN TEMPS DE GUERREchangem<strong>en</strong>t amorcé par la volonté <strong>de</strong>s acteurs africains <strong>de</strong> peser sur l’espacerégional <strong>de</strong>s grands lacs.La communauté internationale, résolue à interv<strong>en</strong>ir, expérim<strong>en</strong>te <strong>en</strong>RDC <strong>de</strong>s actions pour reconstruire l’État et assurer le retour à une paixdéfinitive. Un décalage <strong>en</strong>tre les ambitions <strong>de</strong> la communauté internationale etles moy<strong>en</strong>s disponibles r<strong>en</strong>d difficile la sortie <strong>de</strong> la crise <strong>en</strong> RDC (1). Peuimporte le vainqueur <strong>de</strong>s élections présid<strong>en</strong>tielles, le gouvernem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>transition n’a montré aucune volonté pour la reconstruction (2). Concevoir lecal<strong>en</strong>drier électoral comme objectif ultime <strong>de</strong> la transition démocratique éviteles questions <strong>de</strong> fond telles que la reconstruction <strong>de</strong> la communauté nationale(3).5.1. Décalage <strong>en</strong>tre <strong>de</strong>s ambitions et <strong>de</strong>s moy<strong>en</strong>sL’idéal <strong>de</strong>s mandats et la résolution <strong>de</strong> la communauté internationalese trouv<strong>en</strong>t <strong>en</strong> contradiction avec une réalité complexe et mouvem<strong>en</strong>tée. Ilressort <strong>de</strong> ce décalage un jeu perman<strong>en</strong>t d’équilibriste <strong>en</strong>tre une action à longterme, c'est-à-dire la pér<strong>en</strong>nisation du processus démocratique, la résolution<strong>de</strong>s conflits et la consolidation d’un nouvel espace politique pacifié, et lescontraintes quotidi<strong>en</strong>nes <strong>en</strong> matière <strong>de</strong> sécurité et <strong>de</strong> protection <strong>de</strong>spopulations civiles. Les att<strong>en</strong>tes <strong>de</strong> la population dépass<strong>en</strong>t ce que peut fairela communauté internationale. Le nombre <strong>de</strong> soldats du mainti<strong>en</strong> <strong>de</strong> la paixest dérisoire, au vu <strong>de</strong> l’imm<strong>en</strong>sité du pays ; toutefois l’opération «SouthS<strong>en</strong>tinel» a montré que la Briga<strong>de</strong> du Sud-Kivu et celle <strong>de</strong> l’Ituri ontmaximisé l’utilisation du chapitre 7, dans la volonté <strong>de</strong> désarmer les milicesresponsables <strong>de</strong> l’insécurité. Cep<strong>en</strong>dant, elle n’ont aucun mandat pour faireface à l’insécurité créée par les forces armées congolaises, qui régulièrem<strong>en</strong>tse livr<strong>en</strong>t à <strong>de</strong>s actes inadmissibles.5.2. Sortie <strong>de</strong> crise et respect <strong>de</strong>s <strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> Sun CityLa transition démocratique <strong>en</strong> RDC est basée sur un accord politique.Ce <strong>de</strong>rnier repose sur <strong>de</strong>s <strong>en</strong>gagem<strong>en</strong>ts que le gouvernem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> transitions’est <strong>en</strong>gagé à exécuter. Les Accords <strong>de</strong> Lusaka et <strong>de</strong> Pretoria prévoyai<strong>en</strong>t,parmi les objectifs <strong>de</strong> la transition, la formation d’une armée nationalerestructurée et réintégrée. Or certains lea<strong>de</strong>rs politiques signataires <strong>de</strong>sAccords ont bloqué la formation d’une armée nationale intégrée. Le plan <strong>de</strong>brassage avait prévu la formation <strong>de</strong> 18 briga<strong>de</strong>s intégrées et équipées, maisaujourd’hui ce plan n’a été réalisé qu’à hauteur <strong>de</strong> 5 à 10 % 41 . En théorie il41 Entreti<strong>en</strong> avec un observateur militaire qui a <strong>de</strong>mandé l’anonymat, t<strong>en</strong>u à Kisangani lesamedi 16 mars 2006.303


L’AFRIQUE DES GRANDS LACS. ANNUAIRE 2005-2006existe 12 briga<strong>de</strong>s sur les 18 prévues, mais les briga<strong>de</strong>s <strong>en</strong> question ne sontpas équipées. Certaines sont déployées, mais sans ravitaillem<strong>en</strong>t. Après laformation militaire les délais d’att<strong>en</strong>te sont extrêmem<strong>en</strong>t longs, d’énormesproblèmes <strong>de</strong> logistiques bloqu<strong>en</strong>t le déploiem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s soldats sortis <strong>de</strong>sc<strong>en</strong>tres <strong>de</strong> formation. La ‘paix armée’ <strong>de</strong> la transition a t<strong>en</strong>u vaille que vaillejusqu’à prés<strong>en</strong>t. La formation d’un véritable corps <strong>de</strong> déf<strong>en</strong>se intégré avec uncomman<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t vertical est un objectif assez éloigné <strong>de</strong>s réalités actuelles. Laquestion <strong>de</strong> la gouvernance n’est pas comprise dans les accords <strong>de</strong> latransition ; cep<strong>en</strong>dant, dans la mesure où une part importante du budget dugouvernem<strong>en</strong>t congolais provi<strong>en</strong>t <strong>de</strong> l’assistance <strong>de</strong> la communautéinternationale, il aurait était légitime que le CIAT exige un droit <strong>de</strong> regard surles dép<strong>en</strong>ses <strong>de</strong>s fonds alloués par la communauté internationale. Ladémission du directeur <strong>de</strong> Cabinet du présid<strong>en</strong>t <strong>en</strong> décembre 2004 suite auscandale <strong>de</strong> la disparition <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> tr<strong>en</strong>te millions <strong>de</strong> dollars <strong>de</strong>s caisses <strong>de</strong> laSociété nationale <strong>de</strong> l’électricité n’a été que <strong>de</strong> la poudre aux yeux. Laquestion <strong>de</strong> la gestion responsable <strong>de</strong>s ressources publiques est un défi majeurpour la stabilisation et le retour à la paix définitive après les élections. Lesatt<strong>en</strong>tes <strong>de</strong> la population sont telles qu’il existe un réel danger <strong>de</strong> rechute si l<strong>en</strong>ouveau gouvernem<strong>en</strong>t ne pose pas assez rapi<strong>de</strong>m<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s actes responsableset ne montre pas sa volonté d’améliorer le quotidi<strong>en</strong> d’une populationéprouvée par sept années <strong>de</strong> crises et <strong>de</strong> misère.5.3. Après les élections, comm<strong>en</strong>t vivre <strong>en</strong>semble?L’<strong>en</strong>semble <strong>de</strong> la communauté internationale semble focaliser touteson att<strong>en</strong>tion sur l’organisation et la mise <strong>en</strong> œuvre d’un cal<strong>en</strong>drier électoral,s<strong>en</strong>sé aplanir les différ<strong>en</strong>ds et gommer les antagonismes. Dans <strong>de</strong>s sociétésdivisées et ravagées par la guerre comme c’est le cas <strong>en</strong> RDC et plusparticulièrem<strong>en</strong>t à l’Est, il est quasi certain que les élections ne changerontri<strong>en</strong> au processus <strong>de</strong> reconstruction <strong>de</strong> la communauté politique. La volonté <strong>de</strong>faire une communauté est ébranlée, la fabrication du li<strong>en</strong> social est <strong>en</strong>rayée.Certes la loi <strong>de</strong> novembre 2004 règle d’un point <strong>de</strong> vue juridique et politiquela question <strong>de</strong> la nationalité <strong>en</strong> RDC. Toutefois, à l’Est elle reste une véritablem<strong>en</strong>ace à la paix.Le cal<strong>en</strong>drier électoral est <strong>de</strong>v<strong>en</strong>u la mesure, l’étalon or du retour à ladémocratie. C’est la partie la plus visible du processus <strong>de</strong> transitiondémocratique et <strong>de</strong> résolution <strong>de</strong>s conflits. Elle traduit l’exig<strong>en</strong>ce d’un scrutinlibre, honnête, transpar<strong>en</strong>t et pluriel. Il serait pertin<strong>en</strong>t <strong>de</strong> se poser la question<strong>de</strong> la signification du vote dans <strong>de</strong>s régions où les élections représ<strong>en</strong>t<strong>en</strong>t pourbeaucoup la première fois que leur avis est pris <strong>en</strong> considération.L’interv<strong>en</strong>tion <strong>de</strong> la communauté internationale dans le processus électoralporte ess<strong>en</strong>tiellem<strong>en</strong>t sur l’organisation <strong>de</strong>s opérations électorales, l’assistance304


DEMOCRATISATION EN TEMPS DE GUERREtechnique et matérielle et l’observation <strong>de</strong>s élections. Il s’opère unedichotomie <strong>en</strong>tre l’aspect technique et les conséqu<strong>en</strong>ces politiques sur unpaysage <strong>en</strong> reconstruction. Or le défi dans un pays <strong>en</strong> situation <strong>de</strong> post-conflitn’est pas tellem<strong>en</strong>t d’organiser techniquem<strong>en</strong>t un scrutin. Le véritable déficonsiste à sout<strong>en</strong>ir l’<strong>en</strong>semble <strong>de</strong>s acteurs politiques vers la reconstruction <strong>de</strong>la communauté politique. Le nouvel ordre politique ne sera stable que si latotalité <strong>de</strong>s acteurs politiques admett<strong>en</strong>t l’idée qu’il est fondam<strong>en</strong>tal <strong>de</strong>coopérer et qu’<strong>en</strong>semble on peut gagner plus dans une démarche collaborativeet cohésive 42 que <strong>de</strong> s’affronter <strong>en</strong> perman<strong>en</strong>ce. L’<strong>en</strong>jeu est donc <strong>de</strong> garantirle respect du verdict et <strong>de</strong> trouver suffisamm<strong>en</strong>t <strong>de</strong> garanties à offrir à tous lesacteurs <strong>de</strong> façon à ce que nul n’ait intérêt à retourner dans le maquis.La RDC sera-t-elle un <strong>de</strong>s premiers pays à bénéficier <strong>de</strong> l’expertise <strong>de</strong>la nouvelle Commission <strong>de</strong> consolidation <strong>de</strong> la paix 43 ? Ne serait-t-il pasjudicieux que la communauté internationale investisse dans la création d’uncons<strong>en</strong>sus, indisp<strong>en</strong>sable pour l’acceptation <strong>de</strong>s résultats <strong>de</strong>s élections ? Lapaix au quotidi<strong>en</strong> ne se fait pas <strong>en</strong>tre chefs <strong>de</strong> guerre, elle doit être mise <strong>en</strong>œuvre au niveau <strong>de</strong>s communautés ; or dans <strong>de</strong> nombreuses régions, telles leKasai, le Grand Kivu, l’Ituri, <strong>de</strong>s antagonismes profonds exist<strong>en</strong>t.6. CONCLUSIONLa crise que traverse la RDC <strong>de</strong>puis plus <strong>de</strong> 15 ans a permis à l’Unioneuropé<strong>en</strong>ne <strong>de</strong> s’affirmer comme un acteur international total 44 . Les NationsUnies ont expérim<strong>en</strong>té plusieurs outils dans leur volonté <strong>de</strong> résoudredéfinitivem<strong>en</strong>t les conflits qui déchir<strong>en</strong>t la RDC. La consolidation <strong>de</strong> la paixet <strong>de</strong> la démocratie sont les objectifs poursuivis par la communautéinternationale <strong>en</strong> RDC. Comm<strong>en</strong>t évaluer la réussite d’une transitiondémocratique ? La démocratie que ces institutions souhait<strong>en</strong>t promouvoircorrespond davantage à un idéal, une expéri<strong>en</strong>ce dont chaque nation doit êtrel’architecte. En cela la communauté internationale ne peut édicter une recetteclaire et précise. Elle n’est ni architecte ni maître d’œuvre. En réalité, ellesouti<strong>en</strong>t une volonté <strong>en</strong>dogène. Cette volonté <strong>en</strong>dogène existe-t-elle <strong>en</strong> RDC ?Les représ<strong>en</strong>tants <strong>de</strong> la communauté internationale insist<strong>en</strong>t sur le rôled’assistance qu’ils souhait<strong>en</strong>t jouer auprès <strong>de</strong>s autorités politiques <strong>de</strong> la RDC.Il est aujourd’hui admis que l’action d’accompagnem<strong>en</strong>t pour la promotion <strong>de</strong>42 WOLPE, H. and McDONALD, S., “Burundi Transition Training lea<strong>de</strong>rs for peace”, Journalof Democracy, volume 17, Number 1, January 2006.43 La Commission <strong>de</strong> consolidation <strong>de</strong> la paix fut créé le 21 décembre 2005. www.un.org.Fr<strong>en</strong>ch/peace/peacebuilding.44 PETITEVILLE, F. et HALLY, D., Union europé<strong>en</strong>ne acteurs internationales, Paris,L’Harmattan, 2005.305


L’AFRIQUE DES GRANDS LACS. ANNUAIRE 2005-2006la démocratie et la résolution <strong>de</strong>s conflits ne peut pr<strong>en</strong>dre racine que si existeune volonté réelle <strong>de</strong> se réapproprier ce processus par les acteurs nationaux.L’<strong>en</strong>jeu <strong>en</strong> RDC est la constitution d’un nouvel espace social etpolitique intégrant l’<strong>en</strong>semble <strong>de</strong> la population dans un contrat social au seinduquel chacun puisse développer pleinem<strong>en</strong>t son pot<strong>en</strong>tiel, à l’image <strong>de</strong>l’Afrique du Sud post-apartheid. Le véritable défi est celui d’un projetpolitique intégrant <strong>de</strong>s nouveaux <strong>en</strong>jeux dépassant les clivages id<strong>en</strong>titaires. Orla nouvelle constitution promulguée le 15 février 2006, par son refus <strong>de</strong>trancher un véritable état fédéral, ne semble pas ram<strong>en</strong>er les c<strong>en</strong>tres <strong>de</strong>décision auprès <strong>de</strong>s gouvernés. La communauté internationale a stabilisé leCongo, mais peut-elle redresser le Congo sans la volonté <strong>de</strong>s Congolais ?Bukavu, mai 2006306

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!