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Théâtre du Radeau Onzième - Festival d'automne à Paris

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SommaireThéâtreTarjei Vesaas, Frank Wedekind, Robert Garnier,Peter Handke, Serge Daney, Marina Tsvetaeva, JohnCheever, Joseph Conrad, Tchekhov et Ibsen,Spregelburd et Tennessee Williams, Dostoïevski…Le « texte », majoritairement classique, qu’il aitété initialement dramatique ou qu’il soit tiré deromans, qu’il ait ou non fait l’objet d’adaptation,tient cet automne une place sensible dans leprogramme théâtre. Le déploiement <strong>du</strong> sens n’a pasdit son dernier mot, capable de cohabiter avec unemême audace formelle avec des créations quipuisent à des sources plus documentaires etpolitiques (La Venus Hottentote de Robyn Orlin, lescréations de la jeune compagnie mexicaineLagartijas Tiradas al Sol, Berlin) ouautobiographiques (Steven Cohen), musicales etreligieuses (Gólgota Picnic de Rodrigo García,Onzième <strong>du</strong> Théâtre <strong>du</strong> <strong>Radeau</strong>), hypnotiques (JorisLacoste).On saluera le retour de François Tanguy, trop peuprésent sur les scènes parisiennes ces dernièresannées, et de Richard Maxwell, l’échappéethéâtrale de Robyn Orlyn, les nouvelles venues quesont Bérangère Jannelle et Romina Paula. Quelquesreprises incontournables : Claude Régy à laMénagerie de Verre et Nicolas Bouchaud dirigé parEric Didry pour faire à nouveau briller toutel’intelligence de Serge Daney au théâtre <strong>du</strong> Rond-Point.Transversal, le programme Buenos Aires / <strong>Paris</strong>,permettra de mesurer toute la vitalité de la scènecontemporaine argentine.En ouverture <strong>du</strong> <strong>Festival</strong>, Christophe Marthalerprésentera musicalement, au théâtre de la Ville, leseffets <strong>du</strong> réchauffement climatique sur la culture etl’environnement Inuit - premier spectacle théâtraljamais pro<strong>du</strong>it par le Grœnland.C’est à Robert Wilson, Lou Reed et à l’immensecomédienne <strong>du</strong> Berliner Ensemble qu’est AngelaWinkler, rôle-titre <strong>du</strong> Lulu de Wedekind, quereviennent l’honneur de clore cette rapideprésentation.Claude Régy (Reprise)Brume de dieu de Tarjei VesaasLa Ménagerie de Verre15 septembre au 22 octobrePages 5 à 10Christoph Marthaler±0Théâtre de la Ville16 au 24 septembrePages 11 à 13Daniel VeroneseLes enfants se sont endormisd’après La Mouette d’Anton TchekhovThéâtre de la Bastille21 septembre au 2 octobrePages 15 à 18Daniel VeroneseLe développement de la civilisation àvenird’après Une maison de poupéed’Henrik IbsenThéâtre de la Bastille27 septembre au 2 octobrePage 19Richard MaxwellNeutral HeroCentre Pompidou21 au 25 septembreThéâtre de l’Agora – Evry28 septembrePages 21 à 24Lagartijas tiradas al solEl Rumor del incendioMaison des Arts Créteil4 au 8 octobreAsalto al agua transparenteL’apostrophe – Théâtre des Arts-Cergy11 et 12 octobrePages 25 à 27Bérangère JannelleVivre dans le feuLes Abbesses5 au 15 octobrePages 29 à 31Claudio Tolcachir / Timbre 4Tercer Cuerpo (l’histoire d’une tentative absurde)Maison des Arts Créteil11 au 15 octobrePages 33 à 36Dossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 3


Fernandez Fierro / ConcertMaison des Arts Créteil15 octobrePage 33Marcial Di Fonzo Bo / Élise VigierL’Entêtement de Rafael SpregelburdMaison des Arts Créteil12 au 15 octobreTGP - CDN de Saint-Denis14 novembre au 4 décembreThéâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines9 au 14 décembrePages 37 à 40Berlin (Reprise)TagfishLe CENTQUATRE14 au 23 octobrePages 41 à 44Robert Wilson / Lou ReedBerliner EnsembleLulu de Frank WedekindThéâtre de la Ville4 au 13 novembrePages 45 à 49Paroles d’acteurs / Valérie DrevilleLa Troade de Robert GarnierADAMI / Théâtre de l’Aquarium7 au 11 novembrePages 51 à 54Compagnie De KOEOutrage au public de Peter HandkeThéâtre de la Bastille8 au 18 novembrePages 55 à 58Joris LacosteLe vrai spectacleThéâtre de Gennevilliers9 au 19 novembrePages 59 à 63Collectif Les PossédésRodolphe DanaBullet Park d’après John CheeverLa Scène Watteau16 et 17 novembreThéâtre de la Bastille21 novembre au 22 décembrePages 65 à 68Robyn Orlin…have you hugged, kissed andrespected your brown Venus today ?Théâtre Romain Rolland-Villejuif19 novembreThéâtre des Bergeries-Noisy-le-Sec22 novembreLe CENTQUATRE26 et 27 novembreThéâtre de la Ville30 novembre au 3 décembreL’apostrophe – Théâtre des Louvrais-Pontoise16 décembrePages 69 à 72Théâtre <strong>du</strong> <strong>Radeau</strong>OnzièmeThéâtre de Gennevilliers25 novembre au 14 décembrePages 73 à 76Nicolas Bouchaud / Éric Didry(Reprise)La Loi <strong>du</strong> marcheur (entretien avec Serge Daney)Théâtre <strong>du</strong> Rond-Point29 novembre au 31 décembrePages 77 à 81Guy CassiersCoeur ténébreux de Josse De Pauwd’après Au Cœur des ténèbres deJoseph ConradThéâtre de la Ville6 au 11 décembrePages 83 à 86Romina Paula / El SilencioEl tiempo todo enterod’après La Ménagerie de Verrede Tennessee WilliamsThéâtre <strong>du</strong> Rond-Point6 au 24 décembrePages 87 à 90Rodrigo GarcíaGólgota picnicThéâtre <strong>du</strong> Rond-Point8 au 17 décembrePages 91 à 95Dossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 4


RepriseClaude RégyBrume de dieuDe Tarjei VesaasExtrait de Les Oiseaux de Tarjei VesaasTra<strong>du</strong>ction <strong>du</strong> norvégien, Régis BoyerMise en scène, Claude RégyAssistant mise en scène, Alexandre BarryScénographie, Sallahdyn KhatirSon, Philippe CachiaLumière, Rémi GodfroyAvec Laurent Cazanave<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>La Ménagerie de VerreParfois à travers la brume c’est une autrequalité de lumière.C’est là, entre ombre et lumière, entreaveuglement et plus grande connaissance, quese situe l’esprit de cette créature ambigüe queVesaas nomme Mattis dans son livre LesOiseaux.Mattis et son mur de brouillard, c’est le centre<strong>du</strong> spectacle. Si l’on admet qu’unesurestimation de la raison, propre à notretemps et à nos régions, con<strong>du</strong>it finalement àun amenuisement de l’être, alors il fautchercher ailleurs, aux confins <strong>du</strong> nonconscient,une connaissance d’un autre ordrequi ouvrira notre conscience à une autredimension de l’être.S’inventera, peut-être, une luminosité quin’exclue pas l’ombre. La littérature <strong>du</strong> nord estnourrie – nous sommes en Norvège – d’unemythologie ancienne où vie et mort, parole etmutisme, sagesse et folie, nuit et jour, ont desfrontières très peu visibles. De ces terres sansrepères la poésie seule peut faire entendre deséchos.Tarjei Vesaas écrit une lumière inconnue,hésitante, pleine de soubresauts. Elle tire saforce de son origine : le noir.Elle irradie depuis le centre de sa pure naïveté.On prend conscience d’avoir été longtempsaveugle à ce qu’on croit deviner maintenantdans l’insécurité d’une vision tremblante.Claude Régy (avril 2010)Jeudi 15 septembre au samedi 22 octobre20h30, relâche dimanche12€ et 15€Abonnement 12€Durée : 1h30Contacts presse :<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort, Christine Delterme01 53 45 17 13Création Les Ateliers Contemporains / Copro<strong>du</strong>ction ThéâtreNational de Bretagne – Rennes ; <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> /Coréalisation La Ménagerie de Verre (<strong>Paris</strong>) ; <strong>Festival</strong> d’Automne à<strong>Paris</strong> / Avec le soutien <strong>du</strong> CENTQUATRE – <strong>Paris</strong> /Les Ateliers Contemporains sont une compagnie subventionnée parle ministère de la Culture et de la Communication –Direction générale de la création artistique.Ce projet bénéficie <strong>du</strong> Programme Culture de l’UnionEuopéenneLa Ménagerie de Verre01 43 38 33 44Ateliers Contemporains / Claude RégyNathalie Gasser06 07 78 06 10Dossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 5


Claude RégyBiographieNé en 1923.Adolescent, la lecture de Dostoïevski « agit en lui,comme un coup de hache qui brise une mer gelée ».Après des études de sciences politiques, il étudie l’artdramatique auprès de Charles Dullin, puis de TaniaBalachova. En 1952, sa première mise en scène est lacréation en France de DOÑA ROSITA de García Lorca. Trèsvite, il s’éloigne <strong>du</strong> réalisme et <strong>du</strong> naturalismepsychologiques, autant qu’il renonce à la simplification<strong>du</strong> théâtre dit « politique ». Aux antipodes <strong>du</strong>divertissement, il choisit de s’aventurer vers d’autresespaces de représentation, d’autres espaces de vie : desespaces per<strong>du</strong>s.Ce sont des écritures dramatiques contemporaines —textes qu’il fait découvrir le plus souvent — qui leguident vers des expériences limites où s’effondrent lescertitudes sur la nature <strong>du</strong> réel.Claude Régy a créé en France des pièces de HaroldPinter, Marguerite Duras, Nathalie Sarraute, EdwardBond, Peter Handke, Botho Strauss, MauriceMaeterlinck, Gregory Motton, David Harrower, JonFosse, Sarah Kane.Il a dirigé Philippe Noiret, Michel Piccoli, DelphineSeyrig, Michel Bouquet, Jean Rochefort, MadeleineRenaud, Pierre Dux, Maria Casarès, Alain Cuny, PierreBrasseur, Michael Lonsdale, Jeanne Moreau, GérardDepardieu, Bulle Ogier, Christine Boisson, ValérieDréville, Isabelle Huppert…Au-delà <strong>du</strong> théâtre, qui selon lui ne commence qu’ens’éloignant <strong>du</strong> spectacle, Claude Régy écrit un longpoème, fragile et libre, dans la vastitude et le silence,irradié par le noyau incandescent de l’écriture.Découvreur d'écritures contemporaines, étrangères etfrançaises, Claude Régy est un des premiers à avoir misen scène des œuvres de Marguerite Duras (1960),Nathalie Sarraute (1972), Harold Pinter (1965), JamesSaunders (1966), Tom Stoppard (1967), Edward Bond(1971), David Storey (1972), Peter Handke (1973), BothoStrauss (1980), Wallace Stevens (1987), Victor Slavkine(1991), Gregory Motton (1992), Charles Reznikoff (1998),Jon Fosse (1999), David Harrower (2000), Arne Lygre(2007).Il a également travaillé à la Comédie Française : Ivanovd'Anton Tchekhov en 1985, Huis clos de Jean-Paul Sartreen 1990. Il a mis en scène des opéras : Passaggio deLuciano Berio (1985), Les Maîtres-chanteurs deNuremberg de Wagner (1990) au Théâtre <strong>du</strong> Châtelet,Jeanne d'Arc au bûcher de Paul Claudel et ArthurHonegger (1991) à l'Opéra de <strong>Paris</strong>-Bastille.En 1995 Paroles <strong>du</strong> Sage (L'Ecclésiaste retra<strong>du</strong>it de laBible par le linguiste Henri Meschonnic).En 1997 La Mort de Tintagiles de Maurice Maeterlinck.Puis création de Holocauste <strong>du</strong> poète américain CharlesReznikoff, au Théâtre National de la Colline et entournée <strong>du</strong>rant toute l’année 1998.Saison 1999/2000, deux créations successives auThéâtre Nanterre Amandiers : Quelqu’un va venir <strong>du</strong>Norvégien Jon Fosse (<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>) et Descouteaux dans les poules <strong>du</strong> jeune Ecossais DavidHarrower.Janvier 2001, création de Melancholia - théâtre, extraits<strong>du</strong> roman de Jon Fosse Melancholia I (Théâtre Nationalde la Colline à <strong>Paris</strong>, puis tournée à Caen, Rennes etBelfort).La même année au Kunsten<strong>Festival</strong>desArts, créationd’une œuvre musicale, Carnet d’un disparu de LéosJanacek, d'abord à Bruxelles, puis au <strong>Festival</strong>International d’Art Lyrique d’Aix-en-Provence, auThéâtre Nanterre Amandiers / Théâtre&Musique et auCarré Saint-Vincent d’Orléans.Le dernier texte de Sarah Kane, 4.48 Psychose est crééen octobre 2002, avec Isabelle Huppert, au Théâtre desBouffes <strong>du</strong> Nord, avant de tourner à Caen, Gérone,Genève, Lorient, Lisbonne, Anvers, Lyon, Rennes, SaoPaulo, puis en 2005 à Montpellier, Los Angeles, NewYork, Montréal, Berlin, Luxembourg et Milan.En octobre 2003 création d'une nouvelle pièce de JonFosse, Variations sur la mort, au Théâtre National de laColline.En janvier 2005 création, avec la comédienne ValérieDréville, de Comme un chant de David, 14 psaumes deDavid retra<strong>du</strong>its par Henri Meschonnic (ThéâtreNational de Bretagne - Rennes, MC2: - Grenoble, DeSingel - Anvers, puis de janvier à mars 2006, ThéâtreNational de la Colline - <strong>Paris</strong> et CDN de Normandie-Caen).En septembre 2007 création de Homme sans but <strong>du</strong>jeune écrivain norvégien Arne Lygre, à l'Odéon-Théâtrede l'Europe (ateliers Berthier), puis en tournée : Genève,Lyon, Anvers, Montréal.Ode maritime de Fernando Pessoa sera créée en juin2009 au Théâtre Vidy Lausanne puis au <strong>Festival</strong>d'Avignon en juillet, et reprise en tournée début 2010,au Théâtre National de Strasbourg puis à Lorient, <strong>Paris</strong>(Théâtre de la Ville), Toulouse, Montpellier, Villeneuved'Ascq, Belfort, Grenoble, Reims, au Japon (<strong>Festival</strong> deShizuoka, puis Kyoto) et enfin au Portugal (<strong>Festival</strong>d'Almada - Lisbonne).Il a publié plusieurs ouvrages :Espaces per<strong>du</strong>s - Plon 1991, réédition Les SolitairesIntempestifs 1998L’Ordre des morts - Les Solitaires Intempestifs 1999 (Prix<strong>du</strong> Syndicat de la critique 2000 - meilleure publicationsur le théâtre)L’État d’incertitude - Les Solitaires Intempestifs 2002Au-delà des larmes- Les Solitaires Intempestifs 2007La Mort de Tintagiles, Maurice Maeterlinck / collection«Répliques» - Babel / Actes Sud 1997Dans sa filmographie, il a réalisé :Nathalie Sarraute - Conversations avec Claude Régy —La Sept / INA 1989Plusieurs films lui ont été consacrés :Mémoire <strong>du</strong> Théâtre “Claude Régy” — INA 1997Claude Régy - le passeur — réalisation ElisabethCoronel et Arnaud de Mézamat, Abacaris films / La SeptArte 1997Claude Régy, par les abîmes — réalisation AlexandreBarry, Arte / One time 2003Claude Régy, la brûlure <strong>du</strong> monde — réalisationAlexandre Barry, Local Films 2005Claude Régy au <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> :1978 Elle est là (Centre Pompidou)1984 Passaggio (Théâtre <strong>du</strong> Châtelet)1985 Intérieur (Théâtre Gérard Philipe – CDN)1988 Le Criminel (Théâtre de la Bastille)1990 Le Cerceau (Théâtre Nanterre-Amandiers)1994 La Terrible Voix de Satan(Théâtre Gérard Philip – CDN)1999 Quelqu'un va venir(Théâtre Nanterre-Amandiers)2003 Variations sur la mort(La Colline – Théâtre National)2007 Homme sans but(Odéon – Théâtre de l’Europe)2010 Brume de Dieu (Ménagerie de Verre)Dossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 6


Entretien avec Claude RégyBrume de dieu est tiré <strong>du</strong> roman Les oiseaux del'écrivain norvégien Tarjei Vesaas. Vous avez mis enscène plusieurs textes de Jon Fosse, qui estnorvégien lui aussi. Y a-t-il dans la littératurenordique une tonalité, une lumière propre qui vousattire ?Claude Régy : Oui, petit à petit, j'ai analysépourquoi j'étais si attiré par cette littérature. Il estintéressant de lire la mythologie de ces pays : ondécouvre un monde totalement irrationnel, oùtoutes les frontières communément admisesdeviennent extrêmement floues. Pour quelqu'unqui est né en France, cette littérature offre lapossibilité de sortir de l'enfermement <strong>du</strong>rationalisme, et de pouvoir rencontrer d'autresterritoires ; des territoires qu'au nom de la raison,on n'explore pas – que l'on condamne même. EnNorvège, les frontières entre le jour et la nuit sontcomplètement bouleversées – ce sont des lumièresintermédiaires, que nous ne connaissons pas ; parexemple, cette idée de brume, où les chosesdeviennent non-claires. De plus en plus, m'intéressecette lumière qui naît de obscurité. Cettesignification particulière que seule l'énigmetra<strong>du</strong>it. J'ai beaucoup travaillé ces dernières annéesavec des éclairages « demi-sombres », où les traitsdeviennent peu lisibles, où s'installe uneinstabilité qui me semble être une ouverture versune plus grande imagination.Quand on travaille en essayant de ne pas séparerles contraires, mais de les faire vivre ensemble,quand on ne pose pas une frontière nette entre leschoses... je pense qu'on aborde un territoirenouveau, inconnu. Ce qui en résulte prend sa sourcedans les deux éléments qui l'ont fait naître – maisces éléments restant soudés, se développant l'unpar l'autre, les possibilités de variations sontinfinies. C'est un lieu de travail que je trouveparticulièrement intéressant, et qui n'est paspossible avec des écritures... plus classiques.Dans Les oiseaux, c'est tout particulièrement lafrontière entre folie et raison qui devientimpalpable... Il s'agit là aussi d'un « lieu » que votretravail ne cesse d'interroger.Claude Régy : Oui, c'est d'ailleurs quasiment lesujet de 4:48 Psychose de Sarah Kane que j'aimonté en 2002. Dans Les oiseaux cette dimensionest génialement explorée à travers le personnagede Mattis. Mattis est considéré comme undemeuré, et chez lui, le « manque d'intelligence »est compensé par un instinct d'ordre presqueanimal ; il entretient des relations avec le vol desoiseaux, leur tracé dans le ciel... Il se met aussi àanalyser les signes des pattes d'oiseaux dans laboue, il y voit un langage. Du coup il se met àdessiner lui-même des traces dans la boue, enpensant que l'oiseau pourra le comprendre. On voitapparaître à travers Mattis l'avènement d'unmonde complètement impossible – etcomplètement inexploré.Si on délaisse la frontière entre les gens« normaux » et ceux que l'on désigne comme desmalades mentaux ou des demeurés, et qu'ons'occupe de ce qui s'y déroule réellement – sansmagnifier la maladie – il est certain qu'il y a là àdécouvrir énormément, en particulier sur notrenature d'êtres humains. Même dans ce monde où leprogrès s'affiche victorieux, la connaissance dessecrets de l'être humain – de ce qu'il y a de plussecret en nous – n'a finalement pas beaucoupprogressé. Il n'y a jamais eu tant de violence,d'injustice, d'actes de cruauté injustifiables...Dans le livre Espaces per<strong>du</strong>s, vous expliquez quevous intéressent les textes qui vous permettent« d'approcher au plus près <strong>du</strong> trouble de laconscience de notre temps ». Qu'est-ce qui, dans celivre, vous paraît adresser une question à notreépoque ?Claude Régy : Je crois que c'est lié à cette sorte devanité, d'orgueil de la raison. J'ai été très heureuxde lire cette phrase chez Jung : « La surestimationde la raison a ceci de commun avec un pouvoird’Etat absolu : sous sa domination, l’indivi<strong>du</strong>dépérit ». Je crois que la recherche est là : découvrirce qui dans l'homme est difficile à dire, difficile àexprimer. Les astrophysiciens nous expliquent qu'iln'y a aucune raison de nier l'existence de ce qu'onne peut percevoir. Ces choses, ne pouvant lespercevoir, on ne peut pas non plus en parler. Entravaillant avec des comédiens je me suis aperçuque l'on pouvait explorer ces territoires. Que l'onpouvait essayer de travailler sur ce que l'on ne peutpas expliquer, que l'on ne peut pas nommer, quel'on ne peut pas clairement définir. C'est un étatd'esprit, une disponibilité – il ne faut pas vouloiraller vite, être trop actif. Il faut écouter.Cet état d'attente rappelle le titre <strong>du</strong> recueil depoèmes de Tarjei Vesaas : Être dans ce qui s'en va.Claude Régy : Oui, c'est un très beau titre. Noussommes dans le temps, et le temps s'en va ; noussommes dans la vie, et la vie s'en va. Et néanmoinsnous y sommes... Nous vivons dans le temps –phénomène que par ailleurs, nous ne pouvons pasexpliquer... Nous vivons dans la disparition même.Il y a peut-être une vie plus intense dans ce qui esten train d'évoluer, de s'écouler – que dans ce qui eststable. Vivre dans ce qui ne peut être photographiéen quelque sorte...Comment avez-vous « adapté » ce roman pour lethéâtre ? L'avez-vous « transcrit » comme une sortede monologue, laissant entendre les voixintérieures de Mattis ?Claude Régy : Il n'est pas évident de « faire parler unroman ». Par exemple, il est très difficile d'adapterCrime et châtiment ou L'Idiot de Dostoïevski. J'ai vudes adaptations théâtrales de ces œuvres – et c'estsouvent très frustrant. Donc je pense qu'il est plusjuste de prendre un extrait intégral – un extraitdans lequel on peut sentir les différentes lignes deforce <strong>du</strong> livre. C'est ce que j'ai fait pour Les Oiseaux :j'ai pris une quarantaine de pages qui forment uneunité. Je voudrais faire entendre ce passage – et lefaire entendre comme le récit lui-même. Je penseque le récit est quelque chose de fascinant – plusDossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 7


que le dialogue en fait. Il y a dans ce récit untrouble essentiel : admirer, être bouleversé, êtreému, être attiré par quelqu'un que tout le mondejuge comme un être inférieur.L'extrait a été choisi par Laurent Cazanave, lejeune acteur avec lequel je vais travailler. J'avaisfait un atelier sur Vesaas à l'école <strong>du</strong> TNB de Rennes,et j'avais proposé plusieurs extraits ; il a choisicelui-là. C'est un moment très particulier <strong>du</strong> livre :pendant une journée, Mattis vit un miracle. Desjeunes filles viennent se baigner près d'une île où ils'est retrouvé per<strong>du</strong>, parce que sa barque prenaitl'eau. Elles plaisantent avec lui – et tout en étanttrès heureux, il est inquiet : il se demande si ellessont au courant qu'il est considéré comme undemeuré ; mais elles ne savent rien de lui, ellesviennent de loin. Et donc pendant un temps –presque entre parenthèses – il échappe à cettecondamnation sociale. On voit <strong>du</strong> coup que cettecondamnation est artificielle, qu'elle vient del'extérieur. Et que lorsqu'on retire ce carcan,apparaît une efflorescence de l'être... Des traces desimplicité qui, elles-mêmes, deviennent des objetsde beauté.L'extrait choisi reste un moment de grâce, unmoment exceptionnel dans la vie de Mattis – il y ades passages beaucoup plus cruels dans le livre.C'est la raison pour laquelle j'ai appelé le spectacleBrume de Dieu. J'ai emprunté ce titre au poème dePessoa, Ode maritime. Ce titre m'a plu parce qu'iltrahit deux dimensions : la brume qui obscurcit, quirend trouble, flou – et en même temps il y a commela suggestion d'une autre réalité à travers lebrouillard. L'idée de Dieu, c'est simplement l'idéed'une autre dimension de l'être. Je ne crois passpécialement en Dieu, et je ne crois pas que Vesaasy croyait non plus. Mais il avait l'intuition d'unedimension transcendantale.Qu'est-ce qui vous intéresse dans cette forme trèsparticulière, le monologue, et comment allez-vousle traiter pour cette pièce ?Claude Régy : J'ai fait beaucoup de monologues. Odemaritime très récemment, mais aussi Holocauste ouMelancholia... J'aime beaucoup les solos ; c'est sansdoute lié à ma conviction que le récit est supérieurau théâtre. C'est une idée que l'on retrouve chezMarguerite Duras par exemple ; à la fin de sa vieelle disait qu'à une forme théâtrale elle préférait lalecture. Elle a eu une véritable dévotion pourcertains acteurs comme Madeleine Renaud, MichelLonsdale, Bulle Ogier, Delphine Seyrig – qui sontpar ailleurs des acteurs avec lesquels j'ai aussitravaillé ; néanmoins, elle a ressenti le besoind'opérer une division des voix dans India Song –entre les scènes, muettes, et les voix disant letexte. Et cette part des voix, petit à petit, elle sel'est accaparée.J'ai eu personnellement une expérience trèsparticulière, avec un écrivain, Emma Santos, quiétait une malade mentale. J'avais engagé desacteurs pour dire son texte, mais elle n'a passupporté les premières lectures – elle n'a passupporté d'entendre son écriture mise à l'extérieurd'elle-même. Du coup elle m'a demandé de faire lespectacle elle-même – ce qu'elle a fait,remarquablement. C'est un exemple frappant de cequ'il est possible de faire, quand on ne condamnepas la maladie comme non-mélangeable avec lemonde dit « normal ». Il y a une phrase dans 4:48Psychose qui parle de « l'insanité chronique dessains d'esprits ». Quand j'ai monté 4:48 Psychose,j'ai d'ailleurs été frappé de la proximité entrel'écriture de Emma Santos et certains passages deSarah Kane – qui, elle aussi, a fait le va-et-viententre l'hôpital et une activité normale.Mattis est le centre d'une sorte « d'interférence deréalités ». Comment, par la mise en scène, voulezvousrendre perceptible cette interférence, cetrouble ?Claude Régy : Pour moi, l'essentiel est dans letexte. Ce brouillage, il est dans le texte. Il fautchercher à restituer honnêtement le texte – ensachant que l'essentiel de l'écriture, c'est ce quin'est pas écrit ; que ce qui est écrit ne sert qu'àsuggérer, à nous faire entendre ce qui n'est pas écrit– cette voix muette de l'écriture dont parle JonFosse. L'essentiel est de ne pas croire que le sensest dans les mots. La langue doit au contrairerévéler un monde caché – c'est ce que disaient déjàles Hébreux : il y a le sens évident et le sens cachédes mots. Il y a aussi le sens enfoui sous le senscaché, et puis le sens suggéré, le sens forcé... Il y aune multiplicité de sens. Les écritures dont nousparlons ont conservé le privilège de pouvoir nousfaire entendre la pluralité des sens. Ce titre dontnous parlions « Être dans ce qui s'en va »... on peutl'entendre de très nombreuses manières. C'est cequi fait que le récit est en même temps « ce quel'on entend » - et autre chose. Plusieurs réalités sontrassemblées, se font sentir chacune à leur manière– et toutes ensemble.Comment travaillez-vous avec les acteurs pourpro<strong>du</strong>ire – dans le corps, la voix, la présence – cetteécoute <strong>du</strong> non-dit ?Claude Régy : Il est toujours très difficiled'expliquer comment on travaille avec les acteurs.C'est une question à laquelle tout le mondevoudrait avoir une réponse... A ce propos, Jon Fossedit : « l'essentiel de l'écriture n'est pas l'activitéd'écrire. L'essentiel, c'est d'écouter ». Il s'aventure àdire que pour un acteur, l'essentiel n'est pas defaire, mais également d'écouter. Et il pense que l'onpeut étendre cela au metteur en scène – idée que jepartage tout à fait. C'est pour cela qu'il fautcommencer, très humblement, autour de la table,par écouter le texte, la voix qui le dit – chercher larencontre de la voix et <strong>du</strong> texte. C'est à partir decette passivité, de cette écoute que l'on peutdemander à l'acteur de ressentir puis detransmettre cette sensation ; surtout, de voir lesimages que le texte crée, et d'essayer de lestransmettre.Dans un spectacle où il n'y a pas d'images, maisseulement un acteur qui parle, les spectateurspeuvent voir une richesse d'images tout à faitextraordinaire. J'en ai eu la révélation en mettanten scène L'Amante anglaise de Marguerite Duras.Dossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 8


Après avoir écrit Les Via<strong>du</strong>cs de la Seine et Oise,Duras est revenue à des dialogues qu'elle m'ademandés de mettre en scène – et il étaitimpossible de faire <strong>du</strong> théâtre avec cela ! Du coup,nous en sommes arrivés à une immobilité totale.Après la représentation, les spectateurs venaientnous voir, et nous parlaient de ce qu'ils avaient vu ;ils décrivaient les choses avec une précisionextraordinaire. On peut donc faire voir sans rienmontrer – et les spectateurs voient d'autant plusque l'on ne bloque pas leur imaginaire par desimages imposées. De Duras je suis passé ensuite àMeschonnic, dont j'ai monté des tra<strong>du</strong>ctions de laBible. Meschonnic parle dans ses textes théoriquesd'une théâtralité inhérente au langage. S'il y a unethéâtralité inhérente au langage, il faut être trèsprudent avec l'autre théâtralité – celle quis'exprime par des moyens extérieurs – visuels ousonores...Cela me rappelle un film de João César Monteiro,Blanche-Neige, adapté d'un texte de Robert Walser.Au début <strong>du</strong> tournage, il a simplement posé sa vestesur la caméra, donnant à voir <strong>du</strong> noir, et laissant auspectateur la possibilité d'écouter les imagesrévélées par les voix.Claude Régy : C'est une idée très importante. Onvoit aujourd'hui – au nom de la technologie – desspectacles se laisser envahir par la vidéo. Je n'airien contre, il peut y avoir des vidéos magnifiques.Mais quand on projette des images, c'est souventun encouragement à la paresse de l'imaginationdes spectateurs. Je cite souvent cette publicité deSony : « j'en ai rêvé, Sony l'a fait »... Sony fait tout –et prend la place <strong>du</strong> rêve. Il faut laisser auspectateur une part <strong>du</strong> travail – non pas la part <strong>du</strong>sens, l'extériorité <strong>du</strong> texte – mais ce qu'il a desecret ; leur permettre de devenir écrivains, acteurs,metteurs en scène. Peter Handke, dans une de sespremières pièces – dite « pièce parlée » – n'utiliseque des phrases qui se contredisent ; elles doiventêtre dites par plusieurs acteurs, mais en fait, c'estcomme si une seule personne parlait. Il y a dans cetexte cette phrase : « je suis venu au théâtre, j'ai vucette pièce, j'ai joué cette pièce, j'ai écrit cettepièce ». Le chemin est inverse, mais on retrouvel'idée que c'est le spectateur qui écrit le spectacle.Un aspect important de l'écriture de Vesaas est sonstyle parfois trébuchant, plein de déséquilibres...Claude Régy : Oui, on a presque l'impression qu'il nesait pas écrire. Quand on lit les différentes œuvres,on se rend compte que chaque livre a une écriture,un style différent. Comme s’il avait cherché toutesa vie sa « voix » d'écrivain. On sent comme unevolonté instinctive de trouver l'essence de ce qu'ilveut dire ; par là, il touche à l'impossibilité de dire.L'écriture – c'est pour ça qu'elle existe – n'arrivejamais à dire ce qu'elle voudrait dire. C'est de cetteimpossibilité, de ces heurts que s'échappe laspécificité d'une écriture. C'est assez proche deMattis finalement. Si ce roman est siextraordinaire, c'est qu'il devait y avoir en Vesaasune part – je ne dis pas de « demeuré » – mais unepart d'hésitations, de doutes, de répétitions, quisont le propre de ce personnage. Et comme sonécriture ne cherche pas à cacher cette difficulté – ilarrive à exprimer des choses inouïes, des choses queles écrivains habiles, ceux qui trouvent, nepourraient pas écrire. Il ne faut pas trop savoir direpour écrire...La relation ente Vesaas et Jon Fosse estintéressante : Fosse explique qu'il a commencé àécrire après avoir découvert l'œuvre de Vesaas. Il ya une parenté entre leurs écritures, dans larecherche de ces territoires troubles, entre ombre etlumière... La grande différence, c'est que Fosse estun homme cultivé, qui a fait des études, qui abeaucoup lu – alors que chez Vesaas, on sentquelque chose de très proche de la terre. On saitqu'il est né dans une famille de paysans, qu'il atravaillé avec son père très jeune – un homme rude,qui parlait peu. La culture dans ces pays estparticulièrement <strong>du</strong>re – et le jeune Vesaas étaitdestiné à reprendre la ferme. Il y a une nouvelledans son dernier livre, « La Barque le soir », quirappelle cette atmosphère : un père et son filstravaillent dans cette terre glacée, et le cheval delabour se blesse...En revanche, on sait que dans cette ferme, malgréle mutisme <strong>du</strong> père, il y avait des veillées delecture. Il n'y avait pas un soir sans que quelqu'unfasse la lecture aux autres. On sait aussi qu'à sonadolescence, Vesaas a bénéficié d'une universitépour adolescents, et qu'il a été mis en contact à cemoment là avec la littérature – les livres de KnutHamsun par exemple, dont il parle très souvent. Savocation d'écriture l'a amené à renoncer à prendrela succession de son père. Mais après avoir voyagéen Europe, il a acheté une maison tout près de laferme de son père, et il a vécu toute sa vie danscette région. Il écrit d'ailleurs dans cette langue,qu'on appelle le Nynorsk – une forme particulièrede norvégien. Je ne peux pas vraiment juger – je neparle pas norvégien – mais c'est une langue rude,avec des aspérités, difficile à manier.C'est un peu la place de l'écrivain qui estreprésentée à travers Mattis – celui qui déchiffre lelangage des oiseaux alors que le reste de la sociétéest occupé à travailler.Claude Régy : Pendant que les autres ne déchiffrentque des chiffres, oui... On sait très bien qu'en art, lerésultat immédiat ne compte pas. Souvent lesgrands artistes ont mis très longtemps à accomplirleur chemin. Si on avait jugé Varese sur son premierconcert – pendant lequel les gens rigolaient... Peutêtreque Mattis permet de révélerl'incompréhension <strong>du</strong> monde pour ce qui estvraiment important. Nos esprits – formés par l'état,la famille, les religions, l'économie – sontconditionnés pour vivre complètement à l'envers.De temps en temps, des œuvres comme celle-làremettent les choses à l'endroit, me semble-t-il.Alors même qu'elles n'ont l'air de rien... Ce queraconte l'extrait, c'est un jeune homme qui manquede se noyer dans un bateau troué, et deux jeunesfilles qui viennent se baigner en maillot de bainautour de lui ; c'est très simple, très réaliste, maisaussi plein de brèches vers une autre perception deschoses.Dossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 9


Pour revenir à la mise en scène elle-même, d'oùvient ce choix de travailler avec un jeune acteur ?Claude Régy : Il m'arrive souvent de travailler avecde jeunes acteurs, dans le cadre de stages, oud'écoles. Et parfois, ce travail débouche sur une idéede spectacle. Ça avait été le cas avec Marcial DiFonzo Bo lorsque nous avions fait Paroles <strong>du</strong> sage,tra<strong>du</strong>ction de L'Ecclésiaste par Henri Meschonnic.Nous l'avions créé à Rennes, dans un petit espacesous les gradins <strong>du</strong> TNB – puis le spectacle avait ététransporté à la Ménagerie de Verre. La salle de laMénagerie est basse de plafond, mais elle a desproportions assez magiques. C'est un endroit quej'aime beaucoup, j'ai donc décidé de faire cespectacle à la Ménagerie de Verre à <strong>Paris</strong>. Nousallons commencer à y répéter en décembre, onjouera pendant les fêtes, et jusque fin janvier, dansune jauge très restreinte. De nouveau c'est uneexpérience assez humble, et de nouveau ellecommence à Rennes. Ce qui m'intéresse, c'estd'explorer des textes littéraires, et de le faire avecde jeunes comédiens – qui ne sont pas encoregâchés par l'exercice <strong>du</strong> métier. Le travail étant cequ'il est, si un acteur ne travaille pas, il estrapidement exclu. Du coup, comment faireautrement qu'accepter de jouer <strong>du</strong> théâtreconventionnel ? Comment se maintenir dans larecherche, la difficulté ?Propos recueillis par Gilles Amalvi (2010)Le travail sur la lumière a une place très importantedans vos mises en scène. Comment allez-voustraiter cette dimension pour Brume de dieu ?Claude Régy : Pour Ode maritime, j'ai eu envied'expérimenter une qualité de lumière trèsparticulière, les LED. Les gens de théâtre l'utilisentpeu, parce qu'ils n'en ont pas vraiment l'habitude,et parce que la technique n'est pas encore tout àfait au point. Pour les spectacles prochains, jecompte continuer à expérimenter avec cettequalité de lumière-là. Ce sont des diodes – doncc'est de la lumière pure, il n'y a pas de gélatines. Onne voit pas les faisceaux, on n'arrive pas àdistinguer d'où vient la lumière – elle a l'aird'émaner de l'acteur lui-même. Dans ces bassesintensités que je fréquente volontiers, il y a unenetteté remarquable, et en même temps, une sorted'hallucination par le flou. Pour moi, le travail sur lalumière est une manière de transformer l'être. Il y aplusieurs êtres en chacun de nous, et il estimportant de les laisser apparaître – de ne pasphotographier un seul aspect, une seule image.Vous voulez en quelque sorte rendre le corps surscène à l'état de brume...Claude Régy : Voilà, en travaillant sur le corps, sur levisage. Pour parler de mon expérience précédente,j'avais pris le parti de très peu éclairer l'acteur, pourque l'imaginaire soit libre de voyager à partir <strong>du</strong>texte. Si on s'attache trop à la figure et au travailde l'acteur, on a moins d'espace pour libérerl'imaginaire. Après, il ne s'agit pas de travaillerdans l'obscurité complète. Malgré tout, l'image estimportante, le corps, le support de l'être humain –c'est à partir de là que l'on peut raconter l'histoirede tous les êtres.Dossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 10


Christoph Marthaler±0Mise en scène, Christoph MarthalerDécors et costumes, Anna ViebrockDirection musicale, Rosemary HardyCollaboration direction musicale, piano, Bendix DethleffsenCollaboration mise en scène, Gerhard AltLumière, Phoenix (Andreas Hofer)Son, Fritz RickenbacherDramaturgie, Stefanie Carp, Malte UbenaufDirection technique, Peter Riis MørkAssistante mise en scène, Sophie ZeuschnerAssistante décors et costumes,Ramallah Sarah AubrechtAvec Marc Bodnar, Raphael Clamer,Bendix Dethleffsen, Rosemary Hardy, Ueli Jäggi, Jürg Kienberger,Kassaaluq Qaavigaq, Sasha Rau, Bettina Stucky,Nukâka Coster Waldau<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Théâtre de la VilleVendredi 16 au samedi 24 septembre 20h30,Dimanche 15h,Relâche lundi22€ et 34€Abonnement 22€Infatigable Christoph Marthaler ! Après lesmontagnes suisses (pour le spectacle PlatzMangel, qui avait enchanté le <strong>Festival</strong>d’Automne à <strong>Paris</strong> de 2008), après la Courd’Honneur d’Avignon en 2010, le plusiconoclaste des artistes suisses s’en est allé,avec son équipe au grand complet (àcommencer par Anna Viebrock, en charge desdécors et des costumes), au Grœnland. C’est eneffet là-bas – « là-haut » –, dans la capitaleNuuk, et en compagnie d’artistes locaux, qu’aété fomentée cette nouvelle pro<strong>du</strong>ction quiassocie avec jubilation et intelligence unegrande sensibilité musicale et un étonnantsens <strong>du</strong> théâtre. Son titre, ±0, fait référence à latempérature qui sépare l’eau de la glace, àl’heure où le réchauffement climatique faitpeser les plus sombres menaces sur la régionarctique. Mais, comme c’était déjà le cas avecMurx den Europäer!, le spectacle qui le révélaen 1993, ce qui a avant tout intéresséChristoph Marthaler ici, c’est une expériencebiologique d’un autre type : celle qui sepro<strong>du</strong>it lorsqu’un groupe d’artistes d’Europecontinentale se trouve immergé dans unegéographie et une culture aussi radicalementautres, la manière dont ces déplacements etces échanges peuvent pro<strong>du</strong>ire un spectacle.Comment s’adapter à un environnement dontles fondations commencent à fondre ?Comment trouver un point fixe lorsque tousles repères, politiques comme physiologiques,sont en voie de mutation ? Comment oubliertout ce qu’on a appris d’un environnementétranger pour mieux s’y abandonner, et briserla glace ? Sur la plus vaste île <strong>du</strong> monde, dansdes conditions climatiques et sociales dontles extrêmes variations modèlent une tramemusicale comme toujours omniprésente,cette expédition polaire a des allures de conteinitiatique. Plus que jamais, la banquiseressemble à un immense puzzle.Durée : 2h20Spectacle en allemand, grœnlandais, françaiset anglais surtitré en françaisSpectacle créé à Nuuk le 27 avril 2011Pro<strong>du</strong>ction Unlimited Performing Arts / Nicolai VemmingCopro<strong>du</strong>ction Katuaq Nuuk ; Volksbühne am Rosa-Luxemburg-Platz;Festspillene i Bergen, Wiener Festwochen ; Royal Danish Theatre;Stockholms Stadsteater ; Kampnagel Hamburg ; London 2012 CulturalOlympics ; Théâtre de la Ville-<strong>Paris</strong> ; <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Avec le soutien <strong>du</strong> Nordic Culture Point et <strong>du</strong> Nordic Culture FundContacts presse :<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort, Christine Delterme01 53 45 17 13Théâtre de la VilleJacqueline Magnier01 48 87 84 61En partenariat avec France InterDossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 11


Christoph MarthalerBiographieNé en 1951 à Erlenbach, Christoph Marthaler,musicien de formation, intègre un orchestre commehautboïste. Il suit également l’enseignement deJacques Lecoq à <strong>Paris</strong>. Ses premiers contacts avec lemonde <strong>du</strong> théâtre se font par la musique : dix ans<strong>du</strong>rant, Marthaler compose des musiques pour desmetteurs en scène, à Hambourg, Munich, Zurich etBonn. En 1980, il réalise avec des comédiens et desmusiciens son premier projet, Indeed, à Zurich. En1989, il crée une Soirée de chansons à soldats :œuvre indéfinissable, entre performance, musiqueet théâtre. Des soldats suisses assis, quasimentimmobiles, entonnent en boucle, au bout d’un quartd'heure Die nacht ist ohne ende (La nuit est sans fin).La même année, il rencontre la scénographe etcostumière Anna Viebrock qui signera à partir de làpratiquement tous les décors et costumes de sesspectacles. Suivent les mises en scène de L'Affairede la Rue de Lourcine de Labiche (1991), Faust, unetragédie subjective, d'après le Fragment-Faust deFernando Pessoa (1992) et Prohelvetia (1992). En1992, Marthaler monte une soirée patriotique,Murx den Eurapäer ! Murx ihn ! Murx ihn ! Murx ihn !Murx inn ab ! (Bousille l'Européen...!) à la Volksbühnede Berlin et Le Faust racine carré 1+2, uneadaptation <strong>du</strong> texte de Goethe, à Hambourg. De1994 à 2000, il crée entre autres au théâtre et àl'opéra : La Tempête devant Shakespeare - le petitRien (1994), Pelléas et Mélisande de Debussy etL'Heure zéro ou l'art de servir (1995), Luisa Miller deVerdi, Pierrot Lunaire de Schönberg et Casimir etCaroline de Horváth (1996), Fidelio de Beethoven etLes Trois soeurs de Tchékhov (1997), La Vie<strong>Paris</strong>ienne d'Offenbach et Katia Kabanova deJánacek (1998), Les Spécialistes et Hôtel Belle Vue deHorváth (1999), 20th Century Blues et L'Adieu deRainald Goetz (2000).En 2000, Marthaler prend la direction <strong>du</strong>Schauspielhaus de Zurich avec la dramaturgeStefanie Carp et y met en scène notamment La Nuitdes rois de Shakespeare, La Belle Meunière deSchubert, Aux Alpes de Jelinek, La Mort de Dantonde Büchner et les projets Hôtel Peur et Groudings,une variante d'espoir. II quitte la direction <strong>du</strong>Schauspielhaus de Zurich en 2004 et travailledepuis à nouveau comme metteur en scèneindépendant.En 2006, il crée Winch Only auKunsten<strong>Festival</strong>desArts de Bruxelles. En 2007,Christoph Marthaler réactualise Les Légendes de laforêt viennoise de Ödön von Horváth encollaboration avec la décoratrice Anne Viebrock,qu’il présente au <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>. En2007, il crée à Zurich Platz Mangel. Puis, en 2009 auWiener Festwochen, toujours avec Anna Viebrock,Reisenbutzbach. Eine Dauerkolonie qui a étéprésenté au <strong>Festival</strong> d’Avignon en juillet 2009. En2010, il est artiste associé de la 64 ème édition <strong>du</strong><strong>Festival</strong> d’Avignon : il choisit –avec Anna ViebrocklaCour d’Honneur <strong>du</strong> Palais des Papes pour y créer,en juillet 2010, le spectacle Papperlapapp.Christoph Marthaler au <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> :1995 Murx den Europäer ! Murx ihn ! Murx ihn !Murx ihn ! Murx ihn ab ! Ein patriotischerAbend(Maison des Arts Créteil)2003 Die schöne Müllerin(Théâtre Nanterre-Amandiers)2007 Geschichten aus dem Wiener Wald /Légende de la Forêt Viennoise(Théâtre National de Chaillot)2008 Platz Mangel(MC93 Bobigny)Dossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 12


+ ou – zéroLes voyages de Christoph MarthalerPlus ou moins zéro degré, plus souvent moins queplus, puisque, cette fois, Christoph Marthaler,toujours en quête d’autres mondes, nous emmèneau Groenland.Christoph Marthaler est un metteur en scènevoyageur. Il a fait ses débuts hors les murs desthéâtres de Bâle car il est suisse, a promené dansles rues de la ville des spectacles avec orchestre,car il est musicien. Ce qui lui permet d’aborder lesmises en scène d’opéra (1) en toute liberté sans pourautant trahir la musique. Même si quelques uns ontpu légitimement se trouver déconcertés. ChristophMarthaler est déconcertant, c’est un fait, et sonimmense qualité.Abandonner les espaces aléatoires pour lesinstitutions ne l’empêche pas de voyager, aucontraire. À Berlin, Vienne, Gand, Madrid… Etnaturellement <strong>Paris</strong> où, depuis 1995, il est familier<strong>du</strong> <strong>Festival</strong> d’Automne.Il lui est difficile de rester longtemps au mêmeendroit. Y compris à Zurich , où en 2000 il a éténommé à la direction <strong>du</strong> Schauspielhaus, qu’il a dûabandonner avant la fin de son mandat. Il a quandmême eu le temps d’y monter une Mort de Danton,de Büchner, dernière étape sur le chemin de laguillotine, présentée également aux AteliersBerthier.Ce que, toujours, montre et raconte Marthaler, cesont les situations et réactions de personnages entransit, bloqués entre deux mondes dans un endroitneutre, hall de gare ou d’hôtel. Quelque part où ilsne devraient pas être, sans trop savoir ce qu’ils yfont, ce qui va leur arriver. D’autant que dans cesmondes là, <strong>du</strong> plus burlesque au plus tragique, toutpeut arriver. Et arrive.L’instabilité, le moment où tout va changer, voilàce qui intéresse Marthaler. Voilà pourquoi il s’estpassionné pour le Grœnland, la plus grande île <strong>du</strong>monde <strong>du</strong> côté <strong>du</strong> pôle Nord, rattachée auDanemark. Pays de glace dont l’existence mêmeest mise en doute par le réchauffement de laplanète. Alors un soir, à Copenhague, après lareprésentation d’un de ses spectacles, il raconte sonenvie de connaître cette « terre colonisée », oùd’ailleurs, aucun de ses interlocuteurs danois n’estjamais allé. On lui promet de s’en occuper, etquelques semaines plus tard il y est invité.-« Je suis d’abord allé trois ou quatre fois à Nuuk, lacapitale, pour voir, parler, organiser, décider quoifaire… Il n’y a pas de théâtre là bas, mais un centreculturel, très beau, qui accueille surtout <strong>du</strong> cinéma,des concerts, des conférences. La ville a 15.000habitants et c’est la plus peuplée, dans un payssans routes. Pour se déplacer, il y a seulement lavoie des airs, les avions, les hélicoptères, mais ilssont rares et chers. Ou le bateau mais c’estinterminable ».Quoiqu’il en soit, Marthaler se promène, contempleles icebergs glissant sur la mer, découvre uneversion exacerbée de la Suisse, les glaciers, lesespaces déserts, les villages isolés dans lesmontagnes de neige… Il est émerveillé.-« On est tellement ailleurs, dans une magieincroyable, per<strong>du</strong> dans l’immensité d’un horizonsans arbres, dans l’éblouissement <strong>du</strong> ciel. Ce que jeveux dire à travers le spectacle, c’est monenchantement. Sans didactisme, je ne suis pas undonneur de leçon. Au départ, je pense à unepro<strong>du</strong>ction modeste, locale, avec deux ou troiscomédiens qui accepteraient de me rejoindre pourpeu d’argent, pour l’expérience… Et puisnaturellement, c’est bientôt devenu quelque chosede très différent. Du Marthaler, destiné àvoyager »…Du Marthaler, c’est à dire un décor unique etmouvant, conçu par sa collaboratrice de toujoursAnna Viebrock. Inspiré une fois encore par l’un de ceslieux où l’on arrive sans rien connaître, où l’onattend de partir sans savoir quand: l’aéroport deNuuk…- «Mais le thème, c’est la force de ces gens. DesInuits, chasseurs de rennes, de bœufs musqués, dephoques, de baleines… Ils ont été convertis etbaptisés par des armées de missionnairesallemands, dont ils portent à présent les noms… Ilshabitent un pays sans perspective, une terre quipeu à peu s’efface dans l’eau. Malgré tout, ilsgardent une formidable énergie, vivent à leurrythme, mais avec ardeur… Ils savent boire et rire ».Là-bas, il a réuni des comédiens, pas forcémentprofessionnels. Si de nouvelles troupescommencent à se former, étant donné, dans cetteîle longue de 2500 kms, la difficulté des transportspour les spectacles comme pour les spectateurs, lesactivités théâtrales sont restreintes. Marthaler acependant rencontré une actrice et une chanteuse,un spectacle de lui sans musique est inconcevable.Et l’a rejoint son équipe, multi-disciplinaire etpolyglotte. Dans + ou – zéro, on parle doncallemand, anglais, français, grœnlandais (avecsurtitres). On y entend le Requiem de Brahms,Strauss, Mozart, Schubert, des chansons diverses, unchœur entrelaçant la version helvète etgrœnlandaise d’un chant sans âge ni frontière, àpropos d’une mère attendant le retour de son fils àla fenêtre, et quand enfin il arrive, pour toujourselle s’est endormle…Quelque chose qui ressemble au regard tendre etsans illusion de Marthaler sur le Grœnland,chaleureuse terre de glace.(1) notamment les Noces de Figaro ; Traviata,Wozzeck, Katia Kabanova…Colette GodardDossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 13


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Buenos Aires / <strong>Paris</strong>Daniel VeroneseLes enfantsse sont endormisd’après La Mouette d’Anton TchekhovLos hijos se han dormidoTexte et mise en scène, Daniel VeroneseAssistante mise en scène, Felicitas LunaScénographie, Alberto NegrínAvec Maria Figueras, Ana Garibaldi, Maria Onetto, CarlosPortaluppi, Osmar Nuñes, Roly Serrano, Marcelo Subiotto, ClaudioDa Passano,Fernan Mirás, Berta Gagliano<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Théâtre de la BastilleAprès Les Trois Soeurs (ou Un hombre que seahoga / Un homme qui se noie) en 2005 et OncleVania (ou Espía a una mujer que se mata /Espionne une femme qui se tue) en 2006, c’est àLa Mouette que l’Argentin Daniel Veroneseconsacre le troisième volet de ses variationssur Tchekhov : Les enfants se sont endormis.Aussi énigmatique que les précédents, ce titrelaisse planer une inquiétude. Surtout le pire.Car de ce sommeil, certains ne se réveillerontpeut-être pas. Dans un décor unique, DanielVeronese réunit dix comédiens virtuoses,fidèles pour la plupart à ses mises en scènedans le circuit des théâtres indépendants deBuenos Aires.Il construit une version « chorale » de LaMouette où tout le monde court aprèsquelqu’un d’autre, qui court après quelqu’und’autre, et ainsi de suite. « C’est en cela que lesArgentins ressemblent aux Russes… Nousvoulons tous quelque chose que nous n’avonspas », dit Veronese. Les péripéties, les rendezvousamoureux ratés s’enchaînent commedans un feuilleton télévisé. Mais aucun écranne vient s’interposer, ici, entre le public et lesacteurs.Bien au contraire, chez Veronese, tout tend àl’identification. Il modernise Tchekhov,l’adapte au rythme de l’époquecontemporaine, il condense le temps de lareprésentation, rassemble les personnagesdans un seul espace pour mieux révéler leurssolitudes. Leurs allées et venues prennentalors l’allure d’une véritable déflagration, dontnul ne sortira indemne.Mercredi 21 septembre au dimanche 2 octobre21h, dimanche 18h, relâche lundi14€ à 24€Abonnement 12€ et 16€Durée estimée : 1h20Spectacle en espagnol surtitré en françaisSpectacle créé au Théâtre San Martin(Buenos Aires) le 6 juillet 2011Diffusion, Ligne directe – Judith Martinwww.lignedirecte.netPro<strong>du</strong>ction Sebastián BlutrachPro<strong>du</strong>ction déléguée en France<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Copro<strong>du</strong>ction Teatro San Martin (Buenos Aires) ;Théâtre de la Bastille (<strong>Paris</strong>) ;<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Le Tandem <strong>Paris</strong> - Buenos Aires est mis en œuvre, à <strong>Paris</strong>, parl’Institut français, la Ville de Buenos Aires, avec le soutien <strong>du</strong>Ministère des Affaires étrangères et européennes, <strong>du</strong> Ministère dela Culture et de la Communication et la Mairie de <strong>Paris</strong>.Contacts presse :<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort, Christine Delterme01 53 45 17 13Théâtre de la BastilleIrène Gordon01 43 57 78 36Dossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 15


Daniel VeroneseBiographieNé en 1955 à Buenos Aires, Daniel Veronese estauteur, metteur en scène et scénographe.Il commence sa carrière comme acteur etmarionnettiste. Membre fondateur <strong>du</strong> Periférico deObjetos, groupe phare <strong>du</strong> nouveau théâtre argentin,créé, en 1989, avec Ana Alvarado et Emilio GarcíaWehbi, il mène un travail d’expérimentation surl’intégration des acteurs et des objets dans ElHombre de Arena (1982), Máquina Hamlet (1995),Zooedipous (1998), El Suicidio. Apócrifo1 (2002) etManifiesto de niños (2005). Indépendamment <strong>du</strong>groupe, il réalise de nombreux spectacles commeauteur et metteur en scène fondant son travail surles acteurs et la recherche de synthèse dans uneéconomie des effets : Mujeres Soñaron Caballos(2001), Un hombre que se ahoga, adaptation desTrois soeurs, de Tchekhov (2004), Espía a una mujerque se mata, adaptation de Oncle Vania, deTchekhov (2006), El desarrollo de la civilizaciónvenidera, adaptation de Maison de poupée, d’Ibsenet Todos los grandes gobiernos evitaron el teatroíntimo, adaptation de Hedda Gabler, d’Ibsen (2009).En 2011, il retrouve le théâtre de Tchekhov pour latroisième fois avec la création de Les enfants sesont endormis, une version de La Mouette.La compagnieEntretien avec Daniel VeroneseVous avez écrit et mis en scène plusieurs versionsde pièces d’Ibsen et de Tchekhov. Pourquoi avezvous choisi ces deux auteurs ?Daniel Veronese : D’abord, je choisis des auteurs quime fascinent, qui écrivent mieux que moi. Ensuite,je change les titres car je propose mes propresversions des pièces. Les enfants se sont endormisn’est pas La mouette et Le développement de lacivilisation à venir n’est pas Une maison de poupée,même si mes versions suivent la même trame queles originaux. Il me semble que ces pièces ontbesoin d’être révisées pour être vues par le publicd’aujourd’hui, qui a bien changé : il est habitué à unautre rythme, il n’est pas surpris par les mêmeschoses. Et moi, j’ai besoin d’éveiller l’intérêt <strong>du</strong>spectateur tout au long de la pièce. Mais Ibsen etTchekhov sont différents l’un de l’autre. Une maisonde poupée est un drame social. Tchekhov proposequant à lui un mélange de drame social, humain,psychologique. Ibsen écrit pour son temps,Tchekhov écrit pour l’éternité. Les pièces deTchekhov sont inexplicables, insaisissables… En finde compte, elles parlent de la condition humaine.Une maison de poupée est une pièce baignée de lamorale de l’époque. J’ai voulu conserver l’essencede la lutte des sexes, qui est toujours en vigueuraujourd’hui : la situation a beau avoir changédepuis la création d’Une maison de poupée, lavolonté de l’homme s’impose toujours à celle de lafemme, il continue à y avoir quelqu’un de plus fortqui soumet quelqu’un de plus faible. Il y a certesplus de liberté – ou plus d’hypocrisie – aujourd’hui,mais le pouvoir reste entre les mains de l’homme.En revanche, je ne peux pas ré<strong>du</strong>ire La mouette à unseul sujet. Malgré le fait qu’il y ait un personnageprincipal, c’est une pièce chorale, ou <strong>du</strong> moins l’ai-jeren<strong>du</strong>e plus chorale. Ce sont dix personnages, dontquatre sont centraux : Arkadina, Nina, Treplev etTrigorine. Mais dans mes pièces, les personnagessecondaires ne sont pas vraiment secondaires.Disons que cette pièce parle de la mésententeamoureuse. En dehors de Trigorine – qui n’est pasvraiment intéressé par ce qui se passe au-delà deson corps et qui se trouve pris dans une angoisseexistentielle liée à l’art, à la création – touscourent après quelqu’un, et ce quelqu’un court à sontour après quelqu’un d’autre, et ainsi de suite. C’estun peu comme Un hombre que se ahoga espía a unamujer que se mata (Un homme qui se noie espionneune femme qui se tue), la phrase dont j’ai fait letitre de mes versions des Trois sœurs et OncleVania, une phrase que je trouvais trèstchekhovienne : pour moi, elle constitue unesynthèse de ce qu’est Tchekhov. Au bout <strong>du</strong> compte,les Russes et les Argentins, nous avons beaucoup depoints communs, par exemple le fait de ne pasrésoudre les choses par les mots mais par l’action.Nous, les Argentins, nous avons tous des grandsparentsespagnols, ou italiens surtout. Mais nousavons aussi quelque chose de russe, de rustique,d’affectivement rustique. « Nous nous reposerons »,dit Sonia à la fin d’Oncle Vania. Il y a une souffrance,une mélancolie, et c’est en cela que les ArgentinsDossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 16


essemblent aux Russes… Nous voulons tousquelque chose que nous n’avons pas.Au début de votre version de Une maison depoupée, le spectateur peut entendre une référenceà un film d’Ingmar Bergman, dans une scèneapparemment légère, comique, mais qui déterminede façon tragique ce qui va se passer dans lespectacle. Quelle est la fonction de cetteintertextualité récurrente dans vos pièces ?Daniel Veronese : Le fait d’intro<strong>du</strong>ire des textes quine correspondent pas à l’époque représentée,permet de jouer avec le temps, avec l’anachronismedes situations. C’est une façon d’attirer l’histoirevers le présent. Par ailleurs, l’humour rend tout pluscrédible et plus compréhensible. Dans les drames,je cherche toujours des espaces d’humour. Dans Ledéveloppement de la civilisation à venir, le rire aussibien que la douleur accompagnent le coupleHelmer. Nous avions vu la version télévisée desScènes de la vie conjugale et nous nous sommesappropriés le film comme un hommage à Bergman.Lorsque les personnages commentent le film, ilsrient, comme s’ils venaient de voir une comédie. Ilssont incapables d’imaginer, d’assumer que celapeut leur arriver à eux. Il s’est passé quelque chosede similaire avec Les bonnes de Genet dans maversion d’Oncle Vania (Espía a una mujer que se mata/ Espionne une femme qui se tue). J’aime faire ça,mais je ne veux pas non plus que cela devienne unerecette. Au départ, je voulais utiliser au début de lapièce un texte contemporain très connu, Enattendant Godot par exemple, je pensais à Beckett,ou à Pinter, je voulais que Serebriakov parle decette pièce et que soudain il entre dans OncleVania. Mais l’idée originale a changé quand nousavons commencé à répéter, car un jeu théâtral s’estmis en place. À présent, je ne peux pas imaginerEspía a una mujer que se mata sans Les bonnes.Dans ma version de La mouette (Les enfants se sontendormis), il s’établit un jeu avec Hamlet. Treplevrécite à sa mère des textes de Hamlet et sa mèrelui répond comme si elle était Gertrude. Quant àNina, elle devient folle, comme Ophélie. Ce quim’intéresse aussi dans Hamlet, c’est la scène descomédiens qui représentent l’empoisonnement <strong>du</strong>père, ou la scène dans laquelle la mère apparaîtavec son nouvel époux. Mon idée est d’intro<strong>du</strong>ireShakespeare à un moment ou à un autre, mais toutdoit être justifié, je ne veux pas tomber dans unsimple jeu esthétique entre les deux pièces. Monintention n’est pas de détruire La mouette, qui estune pièce que j’aime énormément. Je veux qu’il yait une réminiscence de Hamlet, mais que ça n’aillepas au-delà de ce que la pièce peut supporter. Celame permet de justifier un peu la folie de Treplev etde la mère, qui se défend en disant qu’elle n’est pasGertrude, que cet homme n’a pas tué le père. C’estla seule intertextualité.Les trois sœurs, Oncle Vania, La mouette… ou Unhombre que se ahoga (Un homme qui se noie), Espíaa una mujer que se mata (Espionne une femme quise tue), Les enfants se sont endormis… Y a-t-il unefiliation entre vos trois versions de ces pièces deTchekhov ?Daniel Veronese : Sincèrement, je sais peu dechoses à propos de Les enfants se sont endormis.Pour l’instant, j’ai juste écrit le texte, mais letravail de mise en scène n’a pas commencé. Mais jesais que cette pièce est très différente de mesautres versions de Tchekhov, Un hombre que seahoga et Espía a una mujer que se mata. C’esttoujours Tchekhov, mais les pièces sont différentes,donc les versions que j’en propose également. Lamouette a plus à voir avec Oncle Vania qu’avec Lestrois sœurs. Ce sont des pièces où les événementss’enchaînent, comme dans un feuilleton (sauf lerespect que je dois à Tchekhov). Dans un feuilleton,il se passe des choses à chaque seconde, c’est ce quicapte l’attention des gens. Je veux que lesspectateurs s’identifient et sentent que tout celapeut leur arriver.Pourtant, en termes de <strong>du</strong>rée, vos pièces n’ont rienà voir avec ces interminables feuilletons. Elles sontplutôt courtes. Est-ce là une façon de capterl’attention <strong>du</strong> public ?Daniel Veronese : Oui. Il y a quelque temps, j’ai diten plaisantant qu’au bout d’une heure et demie jeferme la porte, un point c’est tout, et la pièce finitlà où elle finit. Ça ne se passe pas exactementcomme ça, bien sûr, mais il est vrai que j’aimeconserver le nerf d’une pièce. Les pièces sont faitesde nerf et de graisse. Consciemment ou non, j’essaiede retirer tout ce qui est <strong>du</strong> domaine <strong>du</strong> paysage, del’ornement, des feuilles mortes, pour laisser la chairà vif, pour que les choses s’enchaînent de façon à ceque le public passe d’un événement à un autre sanscesser d’être attentif. J’ai besoin de dépouillerTchekhov d’une certaine construction dramatiquequi fut efficace et novatrice en son temps, mais siTchekhov écrivait aujourd’hui, il changeraitprobablement des tas de choses. Et moi, ce que jecherche, c’est une approche plus directe <strong>du</strong>spectateur.Dans quel espace allez-vous monter Les enfants sesont endormis ?Daniel Veronese : Je travaille avec desscénographies très simples et presquetélévisuelles. Mais à la télévision, n’importe quellescénographie fait bel effet, même si elle est encarton-pâte. Au théâtre, au contraire, on voit bienque c’est un mensonge, et c’est ce qui me permet depénétrer plus facilement à l’intérieur de l’âmehumaine : le spectateur voit bien que c’est <strong>du</strong>théâtre. Le dépouillement me permet deconcentrer l’attention <strong>du</strong> spectateur sur ce qu’il y ade plus élémentaire, c’est-à-dire le jeu descomédiens. J’ai monté plusieurs pièces dans unemême scénographie, que parfois on m’avait prêtée,offerte, qui avait déjà été utilisée. J’aime le faitd’habiter des espaces qui n’ont pas été conçus pourcette mise en scène en particulier. Les enfants sesont endormis est une pièce qui a besoin d’espace,j’aimerais néanmoins récupérer quelque chose detout cela. Par exemple, il y a une scène de Lamouette que j’ai éliminée : la représentationthéâtrale <strong>du</strong>rant laquelle Treplev montre à sa mèrece qu’il a écrit. La difficulté était de représenterDossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 17


l’extérieur, car dans ma pièce tout se passe àl’intérieur. Les personnages sortent, ils vont dans leparc où la représentation a lieu. Au même moment,Paulina retient le docteur, elle le harcèlelittéralement, et lorsqu’ils se décident enfin àsortir, la mère est de retour, la représentation estterminée. Nous nous rendons compte de ce qui s’estpassé à l’extérieur à cause des réactions despersonnages, mais rien ne se déroule sous les yeux<strong>du</strong> public. Tout aura lieu dans un espace unique,avec deux portes et un petit escalier, ce seracomme une maison qui a été modifiée, comme si onavait abattu un mur. À Buenos Aires, je devraim’adapter au théâtre où je vais monter lespectacle ; à <strong>Paris</strong>, je crois que ce sera plus simple.Dans la mesure où le théâtre me le permet, j’essaietoujours de faire en sorte que le public soit trèsproche de la scène, que les comédiens se trouventpresque au milieu <strong>du</strong> public, que le public soitpresque sur scène. Ainsi, il peut voir la moindreexpression <strong>du</strong> visage de l’acteur, il n’y a pas àexagérer pour qu’on entende depuis le vingtièmerang. Cela me donne beaucoup de liberté. Enfermerles personnages dans un espace unique me permetd’oublier le passage <strong>du</strong> temps. Les pièces sedéroulent comme on pense, elles correspondent àune logique qui est celle de la pensée et <strong>du</strong>sentiment.Le fait de travailler dans le circuit théâtralindépendant de Buenos Aires et dans le circuitcommercial détermine-t-il deux façons distinctes detravailler ?Daniel Veronese : Ces pièces-là sont mises en scènedans le circuit indépendant, dans de petitsthéâtres, même si Les enfants se sont endormis seracréée dans un théâtre municipal, plus grand. Mais àBuenos Aires, ce ne sont pas les espaces quidéfinissent le public. Je travaille dans le circuitcommercial quand un pro<strong>du</strong>cteur m’appelle pourque je monte telle ou telle pièce. D’abord, il fautqu’elle me plaise. Ensuite, je choisis la distribution,ou la pro<strong>du</strong>ction en parle avec moi : il faut que cesoient des comédiens avec qui j’aime travailler, descomédiens de théâtre en général. Mais je ne suispas maître de la pro<strong>du</strong>ction, ni <strong>du</strong> prix des entrées,ni <strong>du</strong> type de théâtre, ni <strong>du</strong> nombre dereprésentations par semaine, ni de la <strong>du</strong>rée <strong>du</strong>rantlaquelle le spectacle sera joué. Je suis untravailleur sous contrat. Néanmoins, je travaille ouj’essaie de travailler de la même façon, car je nesais pas m’y prendre autrement. Je ne suis pas unmetteur en scène autoritaire : dans le circuitcommercial comme dans le circuit indépendant, jetente de découvrir la pièce avec les acteurs. Lesrésultats sont différents car les acteurs auxquels onfait appel sont différents. Dans le cas <strong>du</strong> théâtrecommercial, on travaille avec des figuresreconnues, célèbres. Le pro<strong>du</strong>cteur s’inquiète <strong>du</strong>nombre de billets d’entrée qu’il va vendre. C’est unequestion que nous ne nous posons jamais dans lethéâtre indépendant. Ce qui nous unit, c’est le goût<strong>du</strong> travail et le format <strong>du</strong> théâtre que nouspratiquons. Nous ne sommes pas une compagnie carnous n’avons pas de subvention, nous n’avons pasde quoi faire vivre une compagnie. Mais il y a unevingtaine d’acteurs avec lesquels j’ai l’habitude detravailler. Dans Les enfants se sont endormis, il n’ya qu’une actrice avec qui je n’avais jamais travaillé,une actrice <strong>du</strong> théâtre indépendant, et c’est parhasard si nous n’avions jamais coïncidé jusque là ;je la considère <strong>du</strong> niveau de tous les autres. Tous lescomédiens qui travaillent dans cette pièce sontissus <strong>du</strong> théâtre indépendant, sauf un, qui avaitdéjà travaillé avec moi dans une piècecommerciale. Je n’imaginais personne d’autre pourjouer le rôle de Treplev. J’aime changer decomédiens, parfois je me dis que nous devrionsprendre des vacances car nous travaillons ensembledepuis bien longtemps, mais en fait j’ai <strong>du</strong> mal. Unefois, quelqu’un est venu voir les répétitions d’OncleVania, il était abasourdi de la confiance qui existaitentre nous, comme si nous parlions une autrelangue, car ces comédiens comprennentimmédiatement où je veux aller. Je leur demandebeaucoup, mais je crois que je sais agencer unebonne distribution. Généralement, mes spectaclesrestent longtemps à l’affiche, ils partent entournée, et les comédiens se débrouillent toutseuls, ils savent parfaitement ce qu’ils ont à faire. Ilne s’agit pas d’un travail collectif mais consensuel.Les acteurs ne sont pas obligés de faire des chosesqu’ils ne peuvent pas faire, je peux même changerla mise en scène si cela peut permettre que l’und’entre eux se sente plus à l’aise. J’ai besoin d’avoirla certitude que l’acteur s’est approprié ce que je luidemande, car une fois le spectacle créé, c’estl’acteur qui le maintient en vie.La mouette est une pièce qui se prête à parler dethéâtre…Daniel Veronese : Mon problème est que j’ai déjàbeaucoup parlé de théâtre dans Oncle Vania (Espía auna mujer que se mata ) et dans Hedda Gabler (Tousles grands gouvernements ont évité le théâtreintime). J’aime parler de théâtre, c’est un peucomme montrer une scénographie. Mais dans Lamouette, le théâtre est déjà présent en tant quethème. Dans ma version de la pièce, je donneraiplus d’importance aux relations humaines, touttournera autour <strong>du</strong> thème de l’amour – et <strong>du</strong>manque d’amour.Pendant que les enfants sont endormis, il peut sepasser le meilleur comme le pire…Daniel Veronese : Oui, il peut y avoir de latranquillité mais il peut aussi arriver un profondmalheur : les enfants se sont endormis au sens oùils ont cessé d’être vivants. Mes titres sont plutôtpoétiques, ils renvoient à des sensations, ils nedonnent pas d’explications, ils ouvrent des voies. Iln’y a pas beaucoup d’enfants chez Tchekhov. Etquand il y en a, en général, ils sont malades, ou ilsne bénéficient pas d’une enfance très généreuse.Dans La mouette, il y a aussi des enfants délaissés,comme Treplev, ou les enfants de Macha, ou lesenfants de Nina… Nina est morte en tant que filleet en tant que mère. La pièce se clôt sur unmalheur : quelqu’un se tue par amour, je crois queTreplev se tue par amour, et non parce qu’il n’a pasDossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 18


triomphé. Cette scène finale est terrible. Je vais yintro<strong>du</strong>ire une dernière rencontre entre Nina etTrigorine, que je conçois comme un être beaucoupplus méprisable que dans la pièce originale. Il entrepour demander une canne à pêche et il voit Nina,après l’avoir abandonnée, et il ne lui dit rien. Maisnous verrons bien comment résoudre cela lorsquenous commencerons à monter la pièce, car dans lefond nous travaillons dans une certaineinconscience. En fait, ce qui m’arrive, c’est que j’aibesoin que la pièce de Tchekhov explose, comme siles personnages n’en pouvaient plus. Les pièces deTchekhov semblent très contenues mais ellesrenferment quelque chose qui vous détruit. Cetteretenue peut pro<strong>du</strong>ire d’incroyables résultats quandles comédiens se lâchent. Et au théâtre, il arrive unmoment où j’ai besoin de lancer une ou deuxgrenades. C’est que d’une certaine façon le théâtrenous permet d’exorciser.Propos recueillis et tra<strong>du</strong>its parChristilla VasserotDossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 19


Buenos Aires / <strong>Paris</strong>Daniel VeroneseLe développement dela civilisation à venird’aprèsUne maison de poupée d’Henrik IbsenEl desarrollo de la civilización venideraAdaptation et mise en scène, Daniel VeroneseAssistante mise en scène, Felicitas LunaScénographie, Daniel Veronese à partirde Bundin Ingles de Ariel VaccaroAvec Mara Bestelli, Maria Figueras,Berta Gagliano, Carlos Portaluppi, Roly Serrano<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Théâtre de la BastilleEn proposant sa propre version de Une maisonde poupée, Daniel Veronese rend hommage à lapièce d’Ibsen et, comme pour mieux sel’approprier, il choisit de lui donner unnouveau titre : Le développement de lacivilisation à venir. Ibsen écrivait pour sontemps, explique l’auteur et metteur en scèneargentin, et les temps ont changé.Il opère un « court-circuit temporel », comme ille nomme, perceptible dès les premiersmoments <strong>du</strong> spectacle : Nora et son mari(désormais prénommé Jorge) commentent lesScènes de la vie conjugale, le film d’IngmarBergman qu’ils viennent de voir au cinéma. Pasun seul instant ils n’imaginent à quel pointcette discussion est prémonitoire. CommeUne maison de poupée en son temps, Ledéveloppement de la civilisation à venir sedéroule bel et bien aujourd’hui, en Argentineou ailleurs, là où le pouvoir reste concentréentre les mains de l’homme. Daniel Veronese al’art de mettre son théâtre aux prises avec lescrises et les conflits qui sont ceux <strong>du</strong> publiccontemporain. Le spectateur s’y reconnaîtra,lui qui se trouve assis au plus près descomédiens, à portée de leurs voix et de leurscorps. Ces derniers évoluent, comme souventdans les spectacles de Veronese, dans unescénographie d’occasion, qui a déjà servi etresservira peut-être encore pour d’autresmises en scène. Ils vont et viennent à toutevitesse, se bousculent, chancellent, sereprennent et claquent les portes d’un décorqui ne cherche pas à faire illusion.Mardi 27 septembre au dimanche 2 octobre19h, dimanche 16h14€ à 24€Abonnement 12€ et 16€Durée estimée : 1h15Spectacle en espagnol surtitré en françaisBiographie et entretien :Voir Les enfants se sont endormisPages 16 à 18Spectacle créé au Théâtre Camarin de las musas(Buenos Aires) en juillet 2009Diffusion, Ligne directe – Judith Martinwww.lignedirecte.netPro<strong>du</strong>ction Sebastián BlutrachAvec la collaboration de Iberescena, Proteatro,Instituto Nacional del teatroPro<strong>du</strong>ction déléguée en France <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>CoréalisationThéâtre de la Bastille (<strong>Paris</strong>) ; <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Le Tandem <strong>Paris</strong> - Buenos Aires est mis en œuvre, à <strong>Paris</strong>, parl’Institut français, la Ville de Buenos Aires, avec le soutien <strong>du</strong>Ministère des Affaires étrangères et européennes, <strong>du</strong> Ministère dela Culture et de la Communication et la Mairie de <strong>Paris</strong>Contacts presse :<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort, Christine Delterme01 53 45 17 13Théâtre de la BastilleIrène Gordon01 43 57 78 36Dossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 20


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RICHARD MAXWELLNeutral HeroTexte, mise en scène, Richard MaxwellDécors, lumière, Sascha van RielCostumes, Kaye VoyceDirecteur général, Nicholas ElliottDirecteur technique, Dirk StevensConseiller technique, Bozkurt KarasuDramaturgie, Tom KingStagiaires, O’Hagan Blades, Jerimee Bloemeke, Eric Escalante, Chet King,Tim Lash, Alex Murphy, Olivia O’Brien, Nathan TrumanAvec Lakpa Bhutia, Janet Coleman, Keith Connolly, Alex Delinois, BobFeldman, Jean Ann Garrish, Rosie Goldensohn, Paige Martin, JamesMoore, Philip Moore, Andie Springer, Andrew Weisell<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Centre PompidouMercredi 21 au dimanche 25 septembre 20h30,Dimanche 17h10€ et 14€ / Abonnement 10€Théâtre de l’Agora,Scène nationale d’Évry et de l’EssonneMercredi 28 septembre 20h10€ et 14€ / Abonnement 10€Durée : 1h40Neutral Hero, « héros neutre » : l’oxymore estd’autant plus opérant si l’on sait qu’il est letitre de la nouvelle pièce de Richard Maxwell,enfant prodige de la scène new-yorkaise, dontle théâtre ne cesse d’explorer précisémentcette idée de neutralité, d’apathie. Théâtreparadoxal que celui de cet artiste polymorphe(à la fois auteur, metteur en scène et musicien)de 42 ans, dont l’apparente inexpressivité estportée pourtant par un amour démesuré desacteurs, de tous ces indivi<strong>du</strong>s qui donnentchair aux personnages ; un théâtre quis’immisce au cœur de la préten<strong>du</strong>e « banalité »<strong>du</strong> quotidien, de l’Amérique des laissés-pourcompte.Peu présent sur les scènes françaisesdepuis Good Samaritans et Showcase(présentés en 2006 au <strong>Festival</strong> d’Automne),Richard Maxwell et les New York City Players,après un bref passage au Théâtre de l’Agora àÉvry avec Ads, reviennent avec une drôled’épopée : Neutral Hero explore le thème <strong>du</strong>héros en partant <strong>du</strong> paradigme selon lequeltous les mythes ne font que raconter la mêmehistoire et en s’inscrivant dans la minutieusetopographie d’une ville <strong>du</strong> Midwest danslaquelle Richard Maxwell a grandi. Assis sur lascène, douze protagonistes aux origines lesplus diverses (comme souvent, plusieursd’entre eux sont des « amateurs ») évoquentleur quotidien, scandé par les chansonscomposées par Richard Maxwell (selon lequelcette pièce peut être envisagée comme « unetrès longue pop-song »). Peu à peu, derrière cesgestes en apparence monotones, c’est unegeste d’un tout autre type qui en vient à sejouer sous nos yeux et faire écho à d’autres,immémoriales – celles de Gilgamesh oud’Ulysse. Tour à tour comédie musicale et sagapolitique, Neutral Hero, jouissive tentative derivaliser avec la profondeur édifiante desgrandes œuvres classiques, est la preuve parl’absurde que la neutralité est choseabsolument impossible au théâtre. Et quecelui-ci, tant qu’il est vivant, sera toujoursimpossible à neutraliser..Spectacle créé au Kunstenfestivaldesarts (Bruxelles) le 6 mai 2011Pro<strong>du</strong>ction Kunstenfestivaldesarts (Bruxelles)Pro<strong>du</strong>ction exécutive, New York City PlayersCopro<strong>du</strong>ction Wiener Festwochen ;Kampnagel (Hambourg) ; Hebbel am Ufer/HAU (Berlin) ; <strong>Festival</strong>TransAmériques (Montréal) ;De Internationale Keuze van de Rotterdamse Schouwburg ; La Bâtie-<strong>Festival</strong>de Genève ; Théâtre Garonne (Toulouse) ; Théâtre de l’Agora, Scène Nationaled’Évry et de l’Essonne ;Les Spectacles vivants– Centre Pompidou (<strong>Paris</strong>) ; <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Avec le soutien de the Greenwall FoundationRemerciements à Natalie Alvarez, Baryshnikov Arts Center, CarolineCrumpacker, Steve Cuiffo, Jim Fletcher, Greene Naftali, Steve Griesgraber,Cynthia Hedstrom, Trudy Hekman, Sibyl Kempson, Anna Kohler et JuergenSchoenstein, Claudia La Rocco, Ben Lively, Robert Lunney, Elizabeth Maxwell,Jan Maxwell, Brian Mendes, Heike Posch, Gary Prusaitis,Jay Sanders,Michael Schmelling, Scott Sherratt, Naama et Pete Simpson, Mónica de laTorre, Tory Vazquez, Willie White, Eva ZagarovaAvec le soutien de l’ONDAContacts presse :<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort, Christine Delterme01 53 45 17 13Centre Pompidou01 44 78 14 27Théâtre de l’Agora- Évry-essonne01 60 91 65 65Dossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 22


Richard MaxwellBiographieNé en 1967, Richard Maxwell vit à New York et est àla fois auteur, metteur en scène et compositeur.Il entame sa carrière professionnelle à Chicago, en1990, en obtenant une bourse pour travailler avecla Steppenwolf Theatre Company. C’est égalementdans cette ville que Richard Maxwell devientcofondateur et metteur en scène <strong>du</strong> célèbre CookCounty Theater Department. Après avoir pris part,en tant qu’auteur et metteur en scène, à la sérieBlueprint, créditée d’un Obie-Award (récompensethéâtrales off-Broadway), il poursuit sa carrière àNew-York, présentant ses pièces au SoHoPerformance Space 122, à l’Ontological Theater, àl’Independant Art, à HERE et au WilliamstownTheater <strong>Festival</strong>. Parmi ses pièces, Cowboys &Indians (co-auteur : Jim Strahs), Ute Mnos V. CrazyLiquors, Burger King, Flight Courier Service, Billings,Burlesque et Fable. Il est aujourd’hui directeur <strong>du</strong>New York City Players.Ses textes sont tra<strong>du</strong>its en six langues et sesspectacles tournent régulièrement dans denombreux pays. Sa musique est présentée danscertains de ses spectacles. Il enregistre deux Cds :Showtunes et I’m feeling So Emotional. Il réaliseaussi un court-métrage : The Darknesse of thisReading.New York City PlayersBiographieNew York City Players est une compagnie dethéâtre placée sous la direction artistique deRichard Maxwell. À travers des textes et desmusiques originales, la compagnie souhaiteengager un nouveau dialogue avec le public par lebiais de spectacles en direct ou enregistrés. Que cesoit dans le domaine <strong>du</strong> théâtre, de la musique, oude la vidéo, New York City Players efface lesidentités habituelles, susceptibles d’encombrer uneœuvre, pour partir en quête de la force de la langue,de l’histoire, de l’image et de ce qui se passe dansun espace quand des personnes y sont réunies. Lacollaboration entre performers et créateurs auxantécédents et niveaux d’expérience très diverspermet de valoriser l’indivi<strong>du</strong>alisme.New York City Players s’est pro<strong>du</strong>it dans plus devingt pays et ses spectacles ont obtenu lareconnaissance nationale et internationale : entreautres, plusieurs Obie Awards et le Prix <strong>du</strong> meilleurSpectacle au <strong>Festival</strong> Zürcher Theater Spektakel.www.kfda.be/fr/content/richard-maxwellnew-york-cityplayersneutral-heroRichard Maxwell au <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> :2000 House / Caveman(Maison des Arts Créteil)2002 Drummer Wanted(Théâtre de la Cité internationale)2006 Showcase (Hôtel)The Good Samaritans(Centre Pompidou)Dossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 23


Entretien avec Richard MaxwellNeutral Hero semble être votre spectacle le plusmusical à ce jour…Richard Maxwell : En effet. Même si ce n’est pas unopéra, s’il n’est pas chanté <strong>du</strong> début à la fin, lamusique y joue un grand rôle. On pourrait parler de« théâtre musical ». La musique se manifeste laplupart <strong>du</strong> temps sous forme de chansons, à lamanière d’une comédie musicale à l’américainepourrait-on dire. Mais elle n’obéit guère aux règlesd’un musical classique, et c’est justement l’une deschoses qui m’amusent avec Neutral Hero : casser lesrègles, notamment dans la manière dont leschansons sont exécutées. « L’emballage », laprésentation, est un aspect essentielle dans laplupart des musicals, et je ne trouve pas cela trèsintéressant. Pour moi, les chansons parlent pourelles-mêmes, elles n’ont pas besoin d’être« ven<strong>du</strong>es », ni même « emballées ». Je ne dis pasqu’elles ne font pas l’objet d’une « préparation »,mais elles ne sont pas conçues pour générer uneseule réaction émotionnelle – à l’inverse de ce quise pro<strong>du</strong>it en général dans les comédies musicales,où l’on veut que tous les spectateurs éprouvent lemême sentiment au même moment. Ce quim’intéresse surtout, c’est de laisser advenir lafonction de la chanson dans le contexte de cettepièce, et voir ce qui se passe ; laisser le public sefaire un avis, et déterminer lui-même la valeur dela chanson.Il faut songer que nous n’avons pas l’expérience descomédies musicales professionnelles. La plupartdes douze personnes présentes sur scène – parmilesquelles trois instrumentistes – n’a pas <strong>du</strong> toutl’habitude de ce genre de choses. Plusieurs d’entreelles n’ont même aucune formation théâtrale, etn’ont jamais appris à jouer. Cela fait une différence,et j’espère que les spectateurs, en voyant cela,éprouveront le sentiment qu’ils pourraient trèsbien être eux-mêmes à leur place. J’aimerais abolirla hiérarchie entre les gens qui sont sur la scène etceux qui sont dans la salle.Je compose des chansons [dans un registre countryfolk« americana », Ndlr.] depuis longtemps, maisc’est la première fois que je travaille à un spectacledans lequel la musique joue un rôle aussi important– je n’irai pas jusqu’à dire « primordial ». Avec Odeto the Man who Kneels [2007, Ndlr.] – la dernière demes pièces dans laquelle j’utilisais la musique –,j’étais déjà allé dans la direction d’un spectacle quisoit actionné par la musique. Je trouve intéressantd’envisager la musique de cette manière, commeune force motrice. Dans le travail avec les acteurs,l’une des choses dont il a été le plus question – qu’ils’agisse ou non de musique – a été le rythme ; etaussi la manière dont le silence définit le son. DansNeutral Hero, il s’agit de pro<strong>du</strong>ire une texture, et unvoyage, une progression – un terme que j’aimeaussi parce qu’il a une connotation musicale.Parfois, ce spectacle, dans lequel on trouve desréférences explicites à l’histoire musicaleaméricaine, me donne l’impression d’être une trèslongue pop-song (sourire).Quel a été le point de départ <strong>du</strong> spectacle ? Était-cejustement cette idée de travailler davantage avec lamusique ?Richard Maxwell : Je dirais que le point de départ aété l’esthétique classique – et qu’en ce sens, il estassez ironique que nous soyons arrivés là où nous ensommes (sourire)… Ce qui, au départ, m’a intéressédans l’esthétique classique, dans toute cettemusique épique <strong>du</strong> XVIIIe siècle, c’était justementde me dire que, d’une certaine manière, tout celaavait disparu. On ne fait plus d’œuvres commecelles de Beethoven, par exemple, dont on pourraitdire qu’elles représentent l’apogée de cet idéalclassique : parfaitement construites, amples,édifiantes, qui veulent élever l’auditeur – et qui yparviennent toujours, c’est justement ce qui estintéressant… C’est probabement cette musique quevous entendriez si vous allumiez la radio publiqueau moment où je vous parle. Et c’est elle, lorsqueles temps sont <strong>du</strong>rs pour la culture, que l’onpréserve : l’opéra, les orchestres, le balletcontinuent de capter beaucoup de subventions.Pour moi, cela est assez équivoque. Je veux dire quec’est une chose pour laquelle il est douteux de sebattre, si l’on songe combien elle est limitée, aufaible nombre de gens qui y ont accès : les tempsont changé, et nos valeurs avec eux, mais lesvaleurs de l’esthétique classique demeurentréservées à une certaine époque, et surtout unecertaine catégorie de gens.Je me suis demandé s’il était possible d’amenercela dans la rue, en un sens, d’en faciliter l’accès : jene parle pas de faire voir, de montrer cet art àdavantage de gens, mais de le faire. Je suis certes ladernière personne au monde à pouvoir composerune symphonie, mais justement : pourquoi ?pourquoi ne devrais-je pas être capable de faire unechose pareille ? C’est une question de latitude,d’accès,et de liberté. En un sens, ce n’est pasl’œuvre elle-même qui importe, mais plutôt cettequestion de se battre pour une certaine… grandeur...D’où est venu alors ce thème <strong>du</strong> héros, et ce titre enforme d’oxymore ?Richard Maxwell : Eh bien, parallèlement à cela, j’aicommencé à explorer l’archétype <strong>du</strong> héros tel qu’ilest formulé par le mythologue Joseph Campbelldans The Hero with a Thousand Faces [tra<strong>du</strong>it enfrançais sous le titre Les Héros sont éternels,Seghers, 1987, Ndlr.]. Et… je ne vois pas trop lerapport avec ce que je viens de vous direprécédemment, mais toujours est-il qu’enexaminant la table des matières, je me suis amuséà songer au spectacle que vous obtiendriez ensuivant cette table des matières, sans vouspréoccuper des spécificités culturelles outemporelles. Je m’imaginais en train d’essayerd’exécuter chacun de ces stades – et en un sens,c’est toujours une des forces qui guide notre travailsur Neutral Hero : exécuter chaque stade, sans lebagage culturel.Opérer cette sorte de synthèse a été très gratifiantpour moi, j’ai beaucoup appris de cela : le conceptsemble presque nous échapper, et au final, je penseDossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 24


que c’est une bonne chose. Nous avons travailléquotidiennement, en découvrant des choses chaquejour, et ce n’est qu’à la toute fin <strong>du</strong> travail derépétitions que j’ai commencé à voir à quoi lespectacle pourrait ressembler. Il y a ces douzepersonnes sur scène, qui forment un beau groupe degens, d’une belle diversité, ce texte que j’ai écrit…et en regard de cela, cette idée de neutralité mesemble si futile ! J’imagine que je devais déjà enêtre conscient avant, mais si vous regardez descorps sur scène en vous demandant ce qui fait leurneutralité, vous vous rendez compte que laneutralité est impossible sur scène. Vous pouvezl’imaginer, spéculer ; mais dès que vous placezquelqu’un – que ce soit vous, moi, ou le premierquidam venu – sur la scène, toutes vos spéculationsse trouvent balayées. Cela m’est apparu comme unvéritable défi. Et le résultat auquel je suis parvenuest révélateur : d’un côté, il admet la réalité de lasituation (nous sommes douze Américains vivant àNew York, si nous parlons, ce sera en anglais, etc. –tous ces marqueurs), et de l’autre, il pose laquestion : si c’est impossible, alors, qui sommesnous? Si la neutralité est impossible, alors, qu’estceque la neutralité ? Si tous les spectacles sontneutres, pourquoi le nôtre ne pourrait-il ne pasl’être ? Dès que l’on aborde la question, il y a cettepolarité qui se fait jour, comme avec le courantélectrique, cette histoire d’AC / DC : quand on parlede neutralité, on doit se situer entre deux pôlesopposés ; et dans cette friction, je fais quelquechose, c’est cette friction qui pro<strong>du</strong>it la matière.Autant de réflexions passionnantes, qui m’ontamené à réaliser finalement que la neutralité sereflète dans l’approche : c’est un état constant de« faire » Une suspension frustrante, sans résolution…Et tout cela – cette approche, une certaine manièrede prendre les décisions – nous a con<strong>du</strong>its à ce pointoù je suis satisfait <strong>du</strong> texte, de la musique, où jepense que cela fait sens… et où il ne reste plus qu’àle présenter aux gens.Avez-vous écrit le texte <strong>du</strong>rant le travail de plateau,ou bien avant les répétitions ?Richard Maxwell : Le texte a été écrit <strong>du</strong>rant leprocessus de répétition. Et c’est une première pourmoi. Dans mes précédents spectacles, j’avaiscoutume d’arriver avec une idée beaucoup plusclaire de ce que je voulais faire. J’ai beaucoupapprécié d’avoir ce temps dans la salle derépétition, cette possibilité de mesurer le texte.Le cadre géographique de la pièce est extrêmementprécis, puisqu'il est celui d'une petite ville <strong>du</strong>Midwest que vous connaissez précisément : s'agit-ilde Fargo, dont vous êtes originaire?Richard Maxwell : Non, mais d’une ville <strong>du</strong>Minnesota que je connais bien... J’aime cette idéed'être vraiment très précis dans la description de laville, un peu à la manière de Joyce avec Dublin. Ondit souvent que si Dublin était détruite, on pourraitla reconstruire rien qu'en reprenant les détails quifigurent dans Ulysse... J’ai essayé de mettre cela enœuvre à petite échelle, avec cette ville <strong>du</strong>Minnesota. Son nom importe peu : car si elle estcertes très spécifique, elle est aussi arbitraire, et ence sens, il pourrait s'agir de n'importe quelle ville.Ce dont il est question ici, finalement, c’est ce quise passe lorsque vous combinez le « neutre » et le« héros ». Ce titre fonctionne bien parce qu’entravaillant sur ce spectacle, j'ai réalisé que, lorsquevous assemblez ces deux termes, vous obtenez...moi (sourire) : le héros neutre, c'est moi! J’ai choiside placer l’action dans un endroit qui est peut-êtrele plus constant de ma vie, une ville dont je saisqu’elle est toujours présente avec moi, dans moninconscient (et dans ma conscience bien sûr,puisque j'y vais chaque année)... Donc, si quelqu'undemande qui est le héros neutre, la réponse est :« C'est moi, et cela se reflète dans l'écriture. » Mais ilest clair également, étant donné la manière dontc’est fait, que ce héros neutre est aussi chacun denous. Le héros neutre, c'est moi et tout le monde àla fois.Comment, en fin de compte, s’opère le lien à cetteesthétique classique dont vous parliez tout àl’heure, et qui a été au point de départ NeutralHero ?Richard Maxwell : Durant mon cours de yoga l’autrejour, le professeur a passé des œuvres de musiqueclassique que je connais bien, et cela m’a faitréfléchir, car c’est bien de cela que tout est parti.Sans être spécialiste de musique classique, je suismélomane, et musicien moi-même. J’adore écouterde la musique, écouter ce qu’elle a à me dire,surtout lorsqu’il s’agit de musique sans paroles. Cequi m’impressionne, c’est que cette musique aspireà s’adresser à un autre niveau de compréhension,qui se rapproche de la vraie profondeur. Lorsquevous n’avez que des notes pour vous exprimer, il estintéressant de voir combien vous communiquez, auplan émotionnel. Et je pense que c’est là,précisément, que j’essaie d’opérer avec NeutralHero. Pour être un spécialiste de musique, je croisque avez besoin d’être vraiment un intellectuel, ununiversitaire, ce que je ne suis pas. Il y autour decette musique, de cet idéal classique, une sorte de« pare-feu », de bouclier d’expertise, si l’on peut dire.On décrit les compositeurs de cette époque entermes de « génies ». Et je pense que tout cela créeune sorte de barrière entre des gens comme moi –qui veulent faire partie <strong>du</strong> club, avoir accès à cetteprofondeur, et qui estiment avoir le droit d’y êtreadmis – et les autres… Voilà, je pense, ce qui se jouedans la salle avec ce spectacle. On peut lire celui-cicomme une tentative d’accéder à la profondeur.Propos recueillis par David SansonDossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 25


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MexiqueLagartijas tiradas al solEl Rumor del incendioMexiqueLagartijas tiradas al solAsalto al agua transparenteCréé par Lagartijas tiradas al solCoordination & texte, Luisa Pardo, Gabino RodríguezActeurs (vidéo), Harold Torres,Cesar Ríos & Mariana VillegasRecherche iconographique et design, Juan Le<strong>du</strong>cVidéo, Yulene OlaizolaLumière, Marcela Folres, Juanpablo AvendañoAssistant, Mariana VillegasAssistant vidéo, Carlos Gamboa, Genaro RodríguezModèles, Francisco BarreiroConseiller technique pour la vidéo, Emiliano LeyvaAvec Francisco Barreiro, Luisa Pardo,Gabino Rodríguez<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Maison des Arts CréteilDu mardi 4 au samedi 8 octobre 19h3010€ à 20€Abonnement 10€ et 15€Durée : 1h30Spectacle en espagnol surtitré en françaisCréé par Lagartijas tiradas al solTexte, mise en scène et interprétation,Luisa Pardo, Gabino RodríguezImages, Juan Le<strong>du</strong>cDirecteur technique, Francisco BarreiroAssistante, Mariana Villegas<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>L’apostrophe - Théâtre des Arts / CergyMardi 11 et mercredi 12 octobre 20h305€ à 13€Abonnement 4€ à 9€Durée : 55 minutesSpectacle en espagnol surtitré en françaisManifestations organisées avec le soutien<strong>du</strong> ministère des Affaires étrangères et européennes,<strong>du</strong> ministère de la Culture et de la Communication,et de l’Institut françaisAvec le soutien de EDF Énergies Nouvelles et d’Air FrancePro<strong>du</strong>ction Lagartijas tiradas al sol (Mexico City),Teatro de la Universidad Nacional Autónoma de MéxicoCoréalisation Maison des Arts Créteil ;<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Contacts presse :<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort, Christine Delterme01 53 45 17 13Maison des Arts CréteilBODO01 44 54 02 00L’apostrophe – théâtres des Arts-CergyArnaud Vasseur 01 34 20 14 37Dossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 27


Lagartijas tiradas al solBiographieLuisa Pardo et Gabino Rodríguez forment un <strong>du</strong>o dechoc qui secoue la scène mexicaine depuis quelquesannées déjà.Nés en 1983, anciens élèves <strong>du</strong> Centro Universitario deTeatro, comédiens, auteurs et metteurs en scène, ilsfondent en 2003 la compagnie Lagartijas tiradas al sol(Lézards éten<strong>du</strong>s au soleil), conçue comme un collectif,« un espace pour penser », pour bousculer lesconventions. L’expression « théâtre engagé » n’est pasvaine pour désigner leur travail, car ces deux-làpratiquent un théâtre qui réfléchit sur le monde qui lesentoure et sur la façon de con<strong>du</strong>ire le spectateur à uneperpétuelle remise en cause des valeurs qu’il croitavoir acquises. Pour ce faire, ils sondent ettransgressent les frontières <strong>du</strong> réel et de la fiction.Après leurs spectacles Catalina (histoire, non dénuéed’humour, d’une rupture amoureuse) et Asalto al aguatransparente (réflexion sur le désastre écologique del’eau à Mexico), ils explorent dans El Rumor delincendio, au travers <strong>du</strong> portrait d’une femme,Margarita Urías Hermosillo, l’histoire des luttes arméesau Mexique. Il s’agit en fait d’un projet en trois parties :un livre (El Rumor del momento / La Rumeur <strong>du</strong>moment), une pièce de théâtre (El Rumor del incendio /La Rumeur de l’incendie) et un blog (El Rumor del oleaje/ La Rumeur de la houle). La pièce revient sur lesmouvements de guérilla dans les années 1960 et 1970,sur les engagements, sur la répression, mêlant lessources et les formes théâtrales pour composer unvéritable « documentaire scénique ». Mais ce théâtren’est pas une simple reconstitution historique : enrappelant le passé à notre mémoire, c’est notre présentque Luisa Pardo et Gabino Rodríguez n’ont de cessed’interroger.Entretien avec Luisa Pardo et GabinoRodríguezComment la compagnie Lagartijas tiradas al sol a-t-elleété fondée ?Luisa Pardo et Gabino Rodríguez : Lagartijas tiradas alsol est née en 2003 quand nous nous sommesrencontrés au Centre Universitaire de Théâtre de laUNAM (Université Nationale Autonome <strong>du</strong> Mexique),où nous suivions une formation de comédiens. Àl’époque, nous avions quelques idées sur ce que nousattendions <strong>du</strong> théâtre, sur ce que nous aurions aiméqu’il soit, mais bien souvent cela ne correspondait pasà ce que l’on nous enseignait. Nous pensions – et nouscontinuons à penser – que le théâtre au Mexique,comme dans bien d’autres endroits au monde, estbourré d’idées préconçues, de lieux communs, qu’il estbien trop révérencieux à l’égard des maîtres, de ceuxdont il se sent l’héritier. Néanmoins, nos désaccordsavec l’académie nous ont permis de nous forger uneidentité, cela nous a situés au sein d’une génération.Par ailleurs, nous avons appris des tas de choses sansnous en rendre compte sur le moment : nous avons eudes professeurs merveilleux, qui nous ont enseigné deschoses fondamentales en matière de discipline et desavoir-faire théâtral. Le temps passant, nous accordonsplus de valeur à notre bref passage dans cette école.Cela étant dit, nous y avons surtout clairement comprisquel théâtre nous ne voulions pas faire. Nous avionsbesoin de pratiquer un théâtre différent de celui quenous trouvions dans ce cadre académique. Alors, sanspartir d'un texte dramatique préalablement écrit, nousavons commencé à créer nos propres projets, nousnous sommes mis en quête d’un théâtre lié à notre vie,à nos préoccupations les plus intimes, un théâtre quinous aide à répondre aux questions que nous nousposons, à nous comprendre en tant qu’indivi<strong>du</strong>s, touten réaffirmant notre croyance en un acteur créateur,capable d’aborder la scène depuis des perspectivesdiverses et variées, capable de créer des textes, demettre en scène, de pro<strong>du</strong>ire et, surtout, d'être à lasource de son interprétation.La création d’un groupe n’est pas une mince affaire, onne peut pas l’imposer, c’est finalement un choix de viepour chacun de ses membres. Nous avons d'abordtravaillé en collaboration avec des amis, desprofessionnels que nous admirions, des étudiants, desmembres de nos familles, etc. Nous nous sommesessayés à diverses méthodes avant de décider de lesadopter de façon permanente ou pas. Des tas de genssont passés par le groupe, mais notre façon de faire n’apas fonctionné avec tout le monde. À l’heure actuelle,les membres permanents de Lagartijas tiradas al solsont Luisa Pardo et Gabino Rodríguez (les deuxmetteurs en scène), Francisco Barreiro (un comédienqui œuvre également en tant que plasticien), JuanLe<strong>du</strong>c (le graphiste de la compagnie, égalementphotographe et spécialiste des archivesiconographiques, avec qui nous collaborons depuisplusieurs années), Yulene Olaizola (cinéaste et vidéasteavec qui nous avons déjà mené à bien trois projets),Mariana Villegas (assistante, également comédienne)et Marcela Flores (responsable des éclairages sur Elrumor del incendio et à présent chargée de la directiontechnique). Mais Lagartijas tiradas al sol est commeune petite ville où les migrations sont constantes. Sapopulation fluctue d'un projet à l'autre.Dossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 28


Comment vous situez-vous dans le panorama théâtralmexicain et comment vos spectacles sont-ils reçus auMexique ?Luisa Pardo et Gabino Rodríguez : Le Mexique est, detoute l’Amérique latine, le pays qui accorde le plus desubventions au théâtre. Mais c’est un théâtre qui estpresque tout entier replié sur lui-même, il dialogue peuavec l’art contemporain, avec ce qui se passe ailleursdans le monde. C’est un théâtre qui vénère les « grandsmaîtres » et les vieux langages. Nous appartenons àune génération (au sens le plus large <strong>du</strong> terme) avidede changement, en rupture avec certaines esthétiqueset certains modèles de pro<strong>du</strong>ction. Comme d’autres,nous accordons plus d’importance au discours et à lacontinuité dans notre travail qu’aux notions de succèsou d’échec. Nous estimons que c’est par la diversité despropos et des fondements que nous forgerons unthéâtre apte à dialoguer avec la réalité, à maintenir dela tension sans renoncer à la fraîcheur. À l’intérieur decette génération, nous sommes une compagniepréoccupée par l’histoire, par la politique et par lesrapports entre la fiction et la réalité. Notre public estparticulièrement jeune. Les avis sur notre théâtre sontpartagés : nous avons beaucoup d’adeptes mais aussibeaucoup d’ennemis, il y a des gens qui détestentnotre travail.Quel est le lien entre El rumor del incendio et vosprécédentes créations : Catalina et Asalto al aguatransparente ?Luisa Pardo et Gabino Rodríguez : Ces trois spectaclespartent de la réalité, de faits précis, nommés, datés,géographiquement localisés. Asalto al aguatransparente et Catalina cherchent à faire <strong>du</strong> collectifquelque chose d’intime et de personnel. Lesévénements évoqués ont une dimension sociale, ilsvont bien au-delà de l’expérience d’un indivi<strong>du</strong>, maisl’idée qui sous-tend ces projets est que la mémoirecollective doit prendre place dans le corps dequelqu’un. Les inquiétudes qui s’expriment dans cesspectacles se situent à la croisée de l’histoire et de lapolitique ; les décisions politiques dépassent lesindivi<strong>du</strong>s qui les ont prises, au sein de sociétés quivivent et qui réfléchissent à leur propre devenir. Dansun pays comme le nôtre, il nous semble que larécupération d’une mémoire historique est d’uneimportance vitale car elle ouvre des perspectives deréflexion collective.Venons-en plus précisément à El rumor del incendio.Comment en êtes-vous arrivés à vous intéresser àl’histoire des luttes armées au Mexique ?Luisa Pardo et Gabino Rodríguez : Au départ, nousnous interrogions sur notre rôle à l’intérieur d’unesociété démocratique, nous nous posions desquestions sur notre participation au système politiquemexicain, sur notre responsabilité. Nous avonscommencé à mener des recherches sur la société civileet, peu à peu, un thème s’est imposé à nous, un thèmesur lequel nous avions déjà travaillé dans un précédentspectacle (En el mismo barco) mais que nous n’avionspas épuisé : l’utopie. Ce qui nous intéressait, c’étaitcette faculté humaine à imaginer des conditions de vieidéales. Nous étions intrigués par la façon dont leMexique était devenu ce qu’il est, à en juger par notreexpérience : des libertés démocratiques, certes, maisaussi un appareil répressif toujours latent, et desinégalités sociales, de graves problèmes en matièred’é<strong>du</strong>cation, de santé, et beaucoup de violence ; unsystème judiciaire plein de défauts mais un État quisubventionne les arts plus que dans n’importe quelautre pays d’Amérique latine. C’est un pays infinimentcontradictoire, où nous avons <strong>du</strong> mal à garder l’espoiren un avenir meilleur. L’héritage, les conquêtes et lesnaufrages.En quoi ce thème des luttes armées au Mexique est-iltoujours d’actualité ?Luisa Pardo et Gabino Rodríguez : Il existe aujourd’huiencore des mouvements armés au Mexique. Mais ils nesont plus liés à un projet de transformation <strong>du</strong> pays ; ilssont le fait de communautés spécifiques qui se battentpour leur survie. Notre théâtre n’est pas une harangue,nous n’appelons pas à prendre les armes. Nous nepensons d’ailleurs pas que cela soit de nos jours le bonchemin à prendre pour transformer la société. Il règneaujourd’hui au Mexique un climat de violence dû à cequ’il est commun de nommer la « guerre contre lenarcotrafic ». La menace armée, pour l’État, n’est plusle fait d’une idéologie mais d’une économie.L’actualité, en ce qui nous concerne, est liée à unsentiment de désaccord ; elle suppose aussi d’assumerla possibilité de commettre des erreurs. Après les« échecs » des révolutions communistes, après lesatrocités qui ont été commises, il est devenu difficilede parier sur quelque chose de différent. On accepte unsystème injuste comme le capitalisme de libre marché,tout ça pour éviter que sa remise en question ne mèneà nouveau à la « tragédie ». Mais il n’y aucune raisonlogique de penser que tous les contre-projets finirontdans un bain de sang.En quoi votre spectacle El rumor del incendio est-il un« documentaire scénique » ? Est-ce là une façon depratiquer ce « théâtre artistique et activiste » auquelvous avez déclaré aspirer ?Luisa Pardo et Gabino Rodríguez : Ce spectacle est un« documentaire scénique » dans la mesure où il abordela réalité à partir d’images issues <strong>du</strong> réel. C’est unedéfinition qui nous aide à jouer avec les faussesoppositions entre fiction et réalité, entre mensonge etvérité. La position <strong>du</strong> spectateur se modifie selonqu’on lui présente une fiction ou un documentaire.Mais ces divisions restent assez superficielles. Il y aaussi des éléments de fiction dans notre histoire, etc’est ce qui lui permet d’être dramatique ou plaisante.Notre pratique artistique est conçue comme uneaction destinée à fomenter un changement social. Unchangement dans la sphère <strong>du</strong> réel. En même temps,nous cherchons à développer un langage collectif,nous sommes en quête de formes qui puissent rendreces contenus plus accessibles, plus intéressants (plusdramatiques ?) pour le public.El rumor del incendio fait partie d’un projet en troisparties : la pièce, mais aussi un blog et un livre.Comment ces trois volets s’articulent-ils ?Luisa Pardo et Gabino Rodríguez : Le blogelrumordeloleaje.wordpress.com est une plateformequi inclut le fruit de nos recherches : des images, deschansons, des textes, etc. C’est un espace consacré aupassé. El rumor del incendio est un spectacle quiaborde le présent. Nos recherches y font l’objet d’unemise en scène, elles sont placées dans un contextediscursif, à l’intérieur d’un cadre de réflexion. Enfin, lelivre El rumor del momento est un espace que nousavons voulu ouvrir à d’autres voix, qui façonnent uneréflexion tournée vers l’avenir ; c’est un espace derencontre et nous en sommes juste les instigateurs.Le blog, dans cet espace intangible qu’est internet, estl’équivalent <strong>du</strong> passé. La mise en scène éphémère est leprésent. Le livre, cet objet volontairement concret, estle futur.Propos recueillis et tra<strong>du</strong>its par Christilla VasserotDossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 29


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Bérangère JannelleVivre dans le feuAdaptation et mise en scène, Bérangère JannelleTexte, libre adaptation <strong>du</strong> recueil Vivre dans le feu,Confessions de Marina Tsvetaeva(présentation Tzvetan Todorov, tra<strong>du</strong>ctionNadine Dubourvieux - Éditions Robert Laffont)et des poèmes de Marina Tsvetaeva in Le Ciel brûle(tra<strong>du</strong>ction, Pierre Leon -Éditions Gallimard)Collaboration artistique, Olivier DuboisScénographie, Stéphane PauvretLumière, Anne VaglioSon, Jean-Damien RatelCostumes, Valérie RanchouxCoiffure, Joëlle DominiqueDirection technique et régie lumière,Marc LabourguigneRégie son, Isabelle FuchsConstruction éléments de décors,Atelier <strong>du</strong> Grand T et Atelier DevineauAvec Natacha Régnier<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Les AbbessesMercredi 5 au samedi 15 octobre 20h30,Dimanche 15h, relâche lundiTémoin privilégié de la révolution russe, lapoétesse Marina Tsvetaeva, dont la carrièretragique a longtemps été maintenue dansl’ombre de la littérature internationale, estl’auteure de carnets poétiques qui lui ont faitgagner l’admiration d’écrivains de la carrurede Rainer Maria Rilke ou Boris Pasternak.Incandescence : ainsi l’essayiste TzvetanTodorov qualifiait-il l’une des écritures lesplus intempestives de la littérature <strong>du</strong> XXesiècle, hantée par la musique de FrédéricChopin et le symbolisme russe. Avec Vivredans le feu, adaptation libre des carnets deMarina Tsvetaeva, Bérangère Jannellecontribue aujourd’hui à la réhabilitation decette œuvre anticonformiste en confiant unpremier grand rôle sur la scène théâtralefrançaise à l’actrice Natacha Régnier. Metteureen scène de théâtre et d’opéra, précédemmentassistante de Klaus Michaël Grüber, StéphaneBraunschweig ou Arthur Nauzyciel, mais aussiauteure d’un long-métrage documentaireautour de Pylade de Pier Paolo Pasolini,Bérangère Jannelle s’est à la fois distinguéepar son travail sur le répertoire – Amor! ou lesCid de Corneille, Ajax, Amphitryon – et sareconnaissance d’écritures poétiques fortes.Si les serres de Cherbourg, les anciens bainsromains de Strasbourg ou la base de sousmarins de Lorient ont su prêter leur « pouvoirmythologique » à ses mises en scène <strong>du</strong>Décameron de Boccace, des Antigones oud’Arborescences, Vivre dans le feu restera dansl’enceinte close <strong>du</strong> théâtre, écrin d’un voyagepoétique que Bérangère Jannelle décritcomme une rencontre entre l’actrice et lapoétesse, «une expérience de conversationextrême et de jeu pur, hors de toutnaturalisme biographique ».14€ et 25€Abonnement 14€Durée : 1h30Spectacle créé au CDDB-Theâtre de Lorient le 13 janvier 2011Pro<strong>du</strong>ction, administration, diffusion, Béatrice Hornassistée de Florence Douaze-BonnetPro<strong>du</strong>ction Cie La Ricotta – Bérangère JannellePro<strong>du</strong>ction déléguée Le Fanal –Scène nationale de Saint-NazaireCopro<strong>du</strong>ction CDDB – Théâtre de Lorient,Centre Dramatique National ;Espace Malraux – Scène nationale de Chambéry et de la Savoie ; Équinoxscène nationale de Châteauroux ; TnBA – Théâtre national de Bordeaux enAquitaine ; Théâtre de l’Ouest <strong>Paris</strong>ien (Boulogne- Billancourt) ;Le Grand T – Scène conventionnée Loire-Atlantique ;Théâtre de la Ville-<strong>Paris</strong>; <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>La Ricotta –Bérangère Jannelle a été accueillie en résidence de création auThéâtre de la Ville-<strong>Paris</strong>, au CENTQUATRE – établissement artistique de laVille de <strong>Paris</strong> et au CDDB – Théâtre de Lorient, Centre Dramatique National.La Ricotta est compagnie associée au Fanal – Scène nationale de Saint-Nazaire.Remerciements à Maroussia, Chantal,Marie Raymond et Fançoise Lebeau,à la Compagnie d’Octobre-Catherine Diverrès,Chat borgne Théâtre-Jean Yves Ruf, CompagnieSIRENES, Compagnie Claude Buchwald,Maison <strong>du</strong> théâtre de la danse (Epinay sur Scène),Séverine Chavrier, Centre ChorégraphiqueNational de Caen / Basse-NormandieContacts presse :<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort, Christine Delterme01 53 45 17 13Théâtre de la VilleJacqueline Magnier01 48 87 84 61Dossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 31


Bérangère JannelleBiographieNantes-Angers et à l’Opéra de Rennes. Il sera reprisen mars 2012 à l’Opéra de Limoges.Née à <strong>Paris</strong> en 1977, Bérangère Jannelle commenceà faire <strong>du</strong> théâtre dans la cour <strong>du</strong> lycée. Plus tard,elle entre en hypokhâgne et en khâgne. Elle faitses humanités. A partir de 1998, elle entre sur lesplateaux de théâtre comme dans les ateliers despeintres et apprend dans les salles. Elle devientassistante à la mise en scène de metteurs en scèneinternationaux comme Stéphane Braunschweig,Carlo Cecchi, Eric Vigner et Arthur Nauzyciel. Puis,elle noue avec Klaus Michaël Grüber des liensartistiques déterminants pour elle. A partir de cesaventures artistiques, elle réunit une équiped’acteurs et de collaborateurs. Parmi eux,Stéphane Pauvret (scénographe et plasticien),Christian Dubet et Anne Vaglio (éclairagistes), Jean-Damien Ratel (créateur son), puis plus tardLaurence Chalou (costumes) et Olivier Dubois(danseur et chorégraphe). Comment, à l’endroit <strong>du</strong>sensible, le théâtre articule l’indivi<strong>du</strong> et le citoyen? Comment le théâtre qui explore la mémoiredésordonnée des corps, des langues, des territoiresintimes et collectifs, bouleverse lesreprésentations préétablies que l’on a de soi et del’autre, et agite ainsi sensiblement la vie publique? Voilà les questions poétiques et politiques quiguident son parcours théâtral fondé sur latransmission de textes poétiques puissants, d’hieret d’aujourd’hui, dramatiques ou pas : Boccacio,Defœ, Sophocle, Corneille, Emmanuel Carrère, PierPaolo Pasolini, Molière, aujourd’hui MarinaTsvetaeva, demain Fausto Paravidino et AllenGinsberg. De tels ponts l’amènent à dépasser lesfrontières et développer des liens forts entre laFrance et l’étranger favorisant la circulationd’interprètes et d’œuvres d’un pays à l’autre. Ainsi,le Décaméron créé en Italie et en France avec unetroupe bilingue. O Adversario d’après le récitd’Emmanuel Carrère créé à Sao Paulo et Sans-Terretourné dans l’Etat de Sao Paulo à l’occasion de laVilla Medicis Hors-les-Murs qui lui est attribuée en2006. C’est avec ce même désir de confronter sonprocessus de création aux « territoires <strong>du</strong> réel »qu’elle alterne les créations en salle et lescréations hors-les-murs <strong>du</strong> théâtre dans des lieuxqui suscitent des mythologies. Ainsi, elle crée sonpremier spectacle, Décaméron, dans la base desous-marins de Lorient, sur la place de la Kalsa àPalerme, puis dans les anciens bains romains àStrasbourg. Les Antigones sur un ancien carreau demines à Forbach. Arborescences s’improvise dansles serres de Cherbourg. Ces expériencesd’immersion sont aussi un engagement àrenouveler ses recherches sur la mise en jeu del’autre. La recherche filmique s’associe alors à larecherche théâtrale. C’est ainsi qu’après plusieurscourts-métrages, elle coréalise avec StéphanePauvret, Sans-Terre, un premier long-métragedocumentaire, autour de Pylade de Pasolini.Parallèlement, elle poursuit un travail de mise enscène lyrique et crée la Périchole d’Offenbach enjanvier 2009 à l’Opéra de Lille, puis à l’Opéra deBérangère Jannelle au <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> :2000 Décaméron,d’après l’œuvre de Boccace(La Ferme <strong>du</strong> Buisson)Natacha RégnierBiographieNée en avril 1974 à Bruxelles, Natacha Régnier seforme à l’Institut National Supérieur des Arts <strong>du</strong>Spectacle. Elle quitte ensuite la Belgique pour laFrance où elle tourne pour Pascal Bonitzer dans lefilm Encore (1996). Elle connait ensuite uneascension fulgurante quand elle reçoit en 1998 àCannes le prix d’interprétation féminine pour La vierêvée des anges d’Erick Zonca puis le Prix del’actrice européenne de l’année et le César <strong>du</strong>meilleur espoir féminin.Elle enchaîne alors les tournages à l’occasiondesquels elle soutient souvent des premiers rôles.Natacha Régnier alterne premiers films et œuvresde réalisateurs confirmés. Affichant uneprédilection pour les univers très personnels, ceuxde l'homme de théâtre Luc Bondy, <strong>du</strong> poète EugeneGreen (Le pont des arts, 2004) ou de l'actrice JaneBirkin (Boxes, 2007), elle collabore avec ChantalAkerman et Lucas Belvaux (La Raison <strong>du</strong> plus faible,2006). Natacha Régnier apparaît également dansles trois longs métrages d’Emmanuel Bourdieu Vertparadis (2003), Les Amitiés maléfiques (2006) etIntrusions (2008). Elle joue également sous ladirection de Giacomo Campiotti, François Ozon etAnne Fontaine. Au théâtre, elle joue en Belgiquedans différents spectacles (notamment dans Letroisième jour sous la direction d’A. Pauwells).Son interprétation dans Vivre dans le feu estl’occasion d’un premier grand rôle au théâtre enFrance.www.laricotta.frDossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 32


Bérangère JannelleL’InsoumisePoète, elle a révolutionné l’écriture. Femme, elle apassionnément vécu sa liberté. En MarinaTsvetaeva, Bérengère Jannelle a rencontrél’engagement total.Dans le feu, ainsi a vécu Marina Tsvetaeva, poèterusse, née en 1892 / 1891, qui a connu deux guerres,une révolution, l’exil, nombre de passionsamoureuses et littéraires, et s’est suicidée, seuledans Moscou assiégée en 1941. Grande admiratricede l’auteur, Bérengère Jannelle découvre lapersonne, avec Vivre dans le feu, livre quirassemble une multitude de documents inédits,poèmes, récits, lettres, extraits de journal intime,retrouvés par la fille de Tsvetaeva, sélectionnés etprésentés par Tzvetan Todorov (éditions RobertLaffont, tra<strong>du</strong>ction de Nadine Dubourvieux).« Un vrai coup de foudre. J’ai rencontré une œuvreinclassable, au-delà de la poésie, de l’écritureintimiste ; un métissage d’autobiographie et depensée. Un territoire de création à part entière,dont le mot d’ordre ne serait pas vivre « et » écrire,mais vivre-écrire, écrire les battements <strong>du</strong> cœur.« Cet engagement envers et contre tout, cetterecherche d’absolu dans l’art comme dans la vie,me concernent profondément. Tsvetaeva a vécu lebouleversement de la révolution communiste, lesidéaux des premiers temps. C’est aussi ce qui merapproche d’elle. Sous des formes et des écrituresdiverses, mon travail se base d’abord sur lesrapports <strong>du</strong> pouvoir / <strong>du</strong> politique et de l’intime.Elle, en tant que poète, est une vraierévolutionnaire. En tant que personne, dans sonutopique recherche d’amour absolu, de contactfusionnel avec le monde, elle se trouve en phaseavec l’idéal communiste, qu’elle va refuserlorsqu’il devient une idéologie au service d’unparti qui impose sa ligne. Hyper subjective, elleest bien trop attachée à la liberté, toutes leslibertés, toutes les différences, et d’ailleurs, ellemême,jamais ne s’érige en modèle.« Russe, mais aussi et surtout apatride, elle passela majorité de sa vie en exil, en Allemagne, àPrague, en France – elle écrit directement enfrançais – porte une étrange admiration àNapoléon, est venue exprès à <strong>Paris</strong> voir SarahBernhardt jouer L’Aiglon, fascinée par l’ambiguïtéde l’actrice prenant le rôle d’un jeune homme…« Je me sens proche de ce que Tsvetaeva écrit àpropos de l’identité féminine, qu’elle revendique,tout en s’affirmant « poète » au-delà des genres.Elle écrit comme elle vit, vit comme elle écrit,avec des points de suspension / des tirets, despoints d’exclamation. Elle se place délibérément<strong>du</strong> côté de l’excès, de la totale indépendance, et setrouve donc en contradiction avec les idéologiesde son époque.« Entraînée dans un perpétuel mouvement, loin dechez elle, de son enfance, souvent se pose en ellela question <strong>du</strong> retour… Et puis, quand elle retourneen Russie, elle veut croire à des retrouvailles, maisarrive dans un pays de rejets. Les dernières pagesde son journal entre le Havre et Moscou, parle del’horizon… Et l’on sent bien que ce voyage sera ledernier. Son suicide demeure énigmatique, elle n’arien laissé. Je crois qu’elle ne se sent plus russe,qu’elle ne trouve plus sa place, ni aucunereconnaissance autour d’elle. Son fils est loin, safille au goulag, son mari en prison. La solitudel’enferme, l’étouffe, elle parle beaucoup de mort :« Ma tombe / cendre sera plus chaude que leurvie ». Et aussi : « Je ne resterai pas dans votremonde de compromis. Et encore « Je ne serai plusde ce siècle-là. » Elle dit d’une certaine façonqu’elle ne sera plus de ce siècle-là parce qu’elle s’yoppose. Pour moi, son suicide est presque un actede résistance.« On n’a jamais fini de la découvrir. Comme Kafka,elle appartient à la catégorie de ceux auxquelsune vérité unique ne suffit pas. Sinon celle de lamort. Dans la prison de l’isolement, c’est ce qu’ellechoisit. L’artiste a besoin de quelqu’un, présent ounon, à qui s’adresser.« J’avais besoin de donner une existence théâtraleà ses mots, de porter sur scène ce monologue enquelque sorte « percé » » dans la mesure où il estcomposé de fragments, et donc de trous. Il suit letrajet de Tsvetaeva, depuis l’enfance jusqu’à lamaturité, en même temps que l’évolution de sonécriture. Pour y parvenir, j’avais besoin de l’âmesœur, et j’ai finalement rencontré Natacha Régnier,actrice intense, qui ne cherche pas à incarner, quijoue à être et ne pas être Tsvetaeva.« À partir des extraits que j’ai choisis, nous avonstravaillé ensemble, avec, comme principal souci denous adresser à des spectateurs ne connaissant pasforcément la femme et son œuvre. Nous leurparlons d’un être exceptionnel, figure del’insoumission. Elle ouvre des brèches, ébranle lescertitudes, refuse tout compromis, affronte jusqu’àla mort les risques de ses choix.Si elle a peu connu le bonheur, elle a connu la joie.Ce sont des choses différentes.« Dans un espace épuré, très blanc, Natacha Régnierva et vient, seule avec une table couverte depapiers qui progressivement se désordonnent,créent un paysage de plus en plus chaotique,naufragé, où viennent échouer des formesmétaphoriques. Ainsi, un rocher noir – image deTsvetaeva qui se définit « <strong>du</strong>re comme un roc » –fabriqué dans ce charbon qu’elle a si souvent,péniblement, trimballé pour se chauffer. Cecharbon fait pour brûler, se consumer. Elle vit dansle feu. »Colette GodardDossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 33


Dossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 34


Buenos Aires / <strong>Paris</strong>Claudio TolcachirTimbre 4Tercer Cuerpo(l’hisoire d’une tentative absurde)Texte et mise en scène, Claudio TolcachirAssistante mise en scène, Melissa HermidaScénographie, Claudio Tolcachir,Gonzalo Cordoba EstevezLumière, Omar PossematoTra<strong>du</strong>ction, Leticia ScavinoAvec Magdalena Grondona, Melisa Hermida, HernànGrinstein, José María Marcos, Daniela Pal<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Maison des Arts CréteilMardi 11 au samedi 15 octobre,Mardi et jeudi 20h30,Mercredi et vendredi 19h30, samedi 19hClaudio Tolcachir aime raconter des histoires.Dans Tercer Cuerpo, elles sont simples enapparence, mais elles dévoilent peu à peu ladouleur abritée par ces personnages pris dansl’histoire d’une tentative absurde. Cettetentative, c’est celle qui les tient en vie, malgréles échecs, jour après jour. C’est « uneinvitation permanente à se jeter dans l’abîme,en tenant par la main quelqu’un qui estprobablement dans la même situation ».L’auteur et metteur en scène argentin définitainsi son espace de travail, de création etd’expérimentation : Timbre 4. Mais cettephrase pourrait tout aussi bien s’appliquer àTercer Cuerpo. Dans un espace où se mêlentdifférents lieux – une administration donttout le monde, sauf ses employés, sembleavoir oublié l’existence, mais aussi un bar, unrestaurant, une maison, un cabinet médical –cinq indivi<strong>du</strong>s s’affairent, se croisent, seheurtent, peinent à communiquer, à secomprendre. Chaque indivi<strong>du</strong> est un mystèreque les autres tentent de percer, chaque vieest une énigme à résoudre. Le spectateur estpris au jeu des comédiens, sur qui reposel’essentiel <strong>du</strong> spectacle, et des personnagesqui vont et viennent, qui se retrouvent danscet espace en dehors <strong>du</strong> monde, et qui malgréleur envie de vivre « ne sont pas armés pour lavie ». Alors ils nous con<strong>du</strong>isent dans lesméandres de leurs mensonges, de leursfrustrations, de leurs solitudes, de leurshontes mais aussi de leurs désirs. La pièce,peu à peu, nous donne à entendre les non-dits,distille une lumière subtile et ténue sur leszones d’ombre que chacun tente de préserver.10€ à 20€Abonnement 10€ et 15€Durée : 1h10Spectacle en espagnol surtitré en françaisSamedi 15 octobre 22h30À l’issue de la représentation de Tercer Cuerpo,concert de l’orchestre argentin de bandonéonFernández Fierro10€ à 20€ / Abonnement 10€ et 15€Créé en 2001 et composé par onze musiciens et unchanteur, l’Orchestre typique Fernández Fierrobouleverse la scène <strong>du</strong> tango : coopérative, FernándezFierro édite ses disques de façon indépendante etadministre son propre club, le CAFF. En 2002, le groupeenregistre son premier disque: Envasado en orígen.Suivent ensuite Destrucción Masiva (2003), Vivo enEuropa (2005), le DVD Tango Antipánico (2005) et Muchamierda (2006). Leur dernier disque Fernández Fierro(2009) est unanimement reconnu par la presse.Représentant en France,Ligne directe – Judith Martin / www.lignedirecte.netPro<strong>du</strong>ction Maxime Seugé et Jonathan Zak – Compagnie Timbre 4, BuenosAires (Argentine) Pro<strong>du</strong>ction déléguée en FranceThéâtre Garonne (Toulouse)Copro<strong>du</strong>ction Théâtre Timbre 4 (Argentine) ; <strong>Festival</strong> international SantiagoTeatro a Mil (Chili)Coréalisation Maison des Arts Créteil ; <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Avec le soutien de Fondo Nacional de las Artes et ProteatroAvec le soutien de HenPhil Pillsbury FundThe Minneapolis Foundation & King’s FountainLe Tandem <strong>Paris</strong> - Buenos Aires est mis en œuvre, à <strong>Paris</strong>, par l’Institutfrançais, la Ville de Buenos Aires, avec le soutien <strong>du</strong> Ministère des Affairesétrangères et européennes, <strong>du</strong> Ministère de la Culture et de laCommunication et la Mairie de <strong>Paris</strong>.Contacts presse :<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort, Christine Delterme01 53 45 17 13Maison des Arts CréteilBODO01 44 54 02 00Dossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 35


Claudio TolcachirBiographieActeur, metteur en scène, pédagogue etdirecteur de Timbre 4, Claudio Tolcachir est néen 1975, à Buenos Aires.Il suit une formation d’acteur auprèsd’Alejandra Boero, Juan Carlos Gené etVerónica Oddó. En 1994, il reçoit le prix Clarínde la révélation comme meilleur acteur dansLisístrata de Aristophane, mis en scène parE<strong>du</strong>ardo Riva et Rita Armani. Il travailleensuite avec de nombreux metteurs en scènedont Agustín Alezzo, Norma Aleandro, CarlosGandolfo et Daniel Veronese (dans uneversion des Trois sœurs de Tchekhov, Unhombre que se ahoga, en 2006). Au cinéma, il ajoué dans Buenos Aires me mata de BedaDocampo Feijóo, Mentirosas Piadosas deDiego Sabanés. Comme metteur en scène, ildirige Arlequino d’Enrique Pinti en 1997 ;Palabras para Federico sur des textes deGarcía Lorca, 1998 ; Chau Misterix de MauricioKartun, en 1998 ; Orfeo y Eurídice de JeanAnouilh en 2000 et 2001 et Jamón del DiabloCabaré une version de 300 millones de RobertoArlt, de 2002 à 2004. En 2009 il reçoit le prixClarín de la meilleure mise en scène pourAgosto de Tracy Letts. En 2005, ClaudioTolcachir écrit et met en scène son premiertexte, Le cas de la famille Coleman ( La Omisiónde la familia Coleman ), qui rencontreimmédiatement un grand succès public etremporte de très nombreux prix. Ce spectaclene cesse depuis de tourner en Argentine et àl’étranger. En 2008, il crée sa seconde pièceTercer Cuerpo – L’histoire d’une tentativeabsurde, copro<strong>du</strong>ite par le festival Santiago aMil (Chili). Elle a tourné depuis dans denombreux pays. En 2010, sa troisième pièce, ElViento en un violin, est créée en France à laMaison des Arts de Créteil et est présentée, enmême temps que Le cas de la famille Coleman,lors de la 39 ème édition <strong>du</strong> <strong>Festival</strong> d’Automneà <strong>Paris</strong>.Timbre 4BiographieTimbre 4 est une maison. Et la maison est uneécole. Et l’école est un théâtre. Et aussi unecompagnie. Ou en sens inverse : Timbre 4 estune compagnie qui a installé son théâtre quiest aussi une école dans une « casa chorizo »(une « maison saucisse »). Au coeur de Boedo,un des quartiers typiques de Buenos Aireschanté dans des tangos célèbres, derrière uneétroite porte verte, après avoir appuyé sur lasonnette 4 (Timbre 4), on pénètre dans unlarge couloir à ciel ouvert caractéristiqued’une « casa chorizo ». Au fond : le théâtre,l’école et la compagnie. La compagnie est néeen 1999, créée par un groupe d’acteursd’origines et de formations diverses. En 2001,ce groupe a souhaité ouvrir un espace pourmener à bien leurs recherches, leursentraînements et représentations. Ces jeunesacteurs soucieux de trouver un lieu derecherche et de poursuivre leur croissance decréateurs ont ainsi commencé à réaliser unrêve. Un rêve dans lequel ils décideraient queltype de théâtre ils feraient, comment, avec quiet où.Ainsi naquit Timbre 4, la compagnie et lethéâtre que dirige Claudio Tolcachir. Dès ledébut, comme aujourd’hui, 10 ans après,Timbre 4 est un espace de travail quifonctionne comme salle de théâtre et qui,pendant la semaine, reçoit 300 élèves quis’entraînent et se forment en tant qu’acteurs.De nombreux groupes et spectacles <strong>du</strong> circuitindépendant de Buenos Aires sont issus decette école. L’école s’engage à apporter uneformation personnalisée et spécifique quivise à l’interdisciplinarité. Il n’y a pas delimites d’âge ni d’expériences préalablesrequises cependant l’engagement et ladiscipline sont reconnus comme marques dela maison.En 2010, Timbre 4 s’agrandit en ouvrant unnouvel espace, mitoyen au théâtre actuel : unesalle principale de 200 places, et des espacesde cours et de répétitions.Timbre 4 est une salle <strong>du</strong> circuit indépendantdont les nouvelles capacités d’accueil luipermettront de s’autofinancer en présentantsix représentations par semaine.www.timbre4.comClaudio Tolcachir / Timbre4 au <strong>Festival</strong> d’Automne à<strong>Paris</strong> :2010 La Omisión de la familia Coleman (Théâtre<strong>du</strong> Rond-Point)2010 El viento en un violin(Maison des Arts Créteil)Dossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 36


Entretien avec Claudio TolcachirQue signifie pour vous le fait de travailler dans unespace comme Timbre 4, qui est à la fois une maison,une école et un théâtre ?Claudio Tolcachir : Timbre 4, c’est le nid. C’est lebouillon de culture idéal pour mener à bienl’expérience. C’est cet espace qui provoque et quiprotège en même temps. Mais Timbre 4, par-dessustout, ce sont des gens, des personnes différentes quidéversent là leur désir et qui lui donnent son élan. C’estune invitation permanente à se jeter dans l’abîme, entenant par la main quelqu’un qui est probablementdans la même situation.Dans Tercer cuerpo, l’espace scénique représenteaussi bien les bureaux d’une administration qu’unemaison, un bar, un restaurant ou un cabinet médical ;la scène réunit plusieurs lieux en un seul. Est-ce que cesont les particularités de l’espace Timbre 4 quidéterminent cette esthétique ?Claudio Tolcachir : Quand j’écris une pièce, je n’ai pasla moindre idée de la façon dont je vais la monter. Jeme force même à ne pas penser aux éventuellessolutions de mise en scène, afin de pouvoir écrire entoute liberté, sans limites. Ensuite, j’essaie de trouverla façon la plus appropriée pour raconter l’histoire queje veux raconter. Dans le cas de Tercer cuerpo, jetrouvais le texte très cinématographique, à cause de lasimultanéité des espaces et des temps. La logiqueaurait voulu que je joue avec différents espacesscéniques en m’appuyant sur des effets de lumière etde son pour bien différencier les scènes. Mais,forcément, c’était une solution quelque peu forcée, quimanquait de créativité. Alors nous avons décidé deprendre la chose à rebours, d’enfermer la pièce dans unespace plus ré<strong>du</strong>it et de nous passer des effetstechniques : rien que le jeu des acteurs et le texte. J’aiune foi absolue dans le pouvoir de la relation entrel’acteur et le spectateur. Les grands acteurs peuventconvier le spectateur à n’importe quel voyage théâtral,ils l’invitent à construire dans sa tête les espaces lesplus merveilleux qu’on pourra jamais construire.Quand la pièce est jouée en dehors de Timbre 4,adaptez-vous la scénographie ? Cherchez-voustoujours à recréer cette proximité entre la scène et lepublic qui caractérise Tercer cuerpo ?Claudio Tolcachir : La proximité des gens est toujoursprofitable étant donné le type de théâtre que nouspratiquons. Nous cherchons toujours à ré<strong>du</strong>ire ladistance avec les spectateurs. Mais il est aussi trèsexcitant de changer de maison et de mettre nosspectacles à l’épreuve de nouveaux espaces.Qu’avez-vous cherché à représenter de la sociétéargentine dans cette pièce ?Claudio Tolcachir : Je n’ai jamais cherché, dans aucunde mes spectacles, à représenter quoi que ce soit dequi que ce soit. Je raconte une histoire qui m’émeut etqui transperce mon âme de part en part. Bienévidemment, ces histoires naissent de l’air que jerespire. Mais bien heureusement, les lecturespostérieures appartiennent au spectateur.Vos spectacles suggèrent plus qu’ils ne disentclairement les choses. Dans Tercer cuerpo,notamment, chaque tentative d’explication tournecourt. Était-ce là votre intention première au momentd’écrire la pièce ?Claudio Tolcachir : Tercer cuerpo garde le mystère surla fin de l’histoire, c’est un point essentiel de la pièce.L’une des raisons est d’ordre dramaturgique : il s’agitd’histoires simples racontées de façon fragmentée.L’autre raison tient au fait qu’une part essentielle deces personnages est leur mensonge, la douleur qu’ilsrenferment et qui leur fait honte. Dévoiler peu à peuces mystères fait partie <strong>du</strong> jeu, tant pour lespersonnages que pour le spectateur.Est-ce là ce qui permet à vos personnages d’êtreenten<strong>du</strong>s et compris ailleurs qu’en Argentine ?Claudio Tolcachir : Ce sont des personnages urbains,qui passent la moitié de leur vie à traîner leursfrustrations, mais ils éprouvent également unimmense désir de se sentir vivants. Je crois que cet étatne connaît pas de frontières, il est aujourd’hui lepropre <strong>du</strong> genre humain.Pouvez-vous nous en dire plus sur ce titre : Tercercuerpo ?Claudio Tolcachir : Tercer cuerpo peut être comprisdans un sens littéral, car c’est ainsi qu’est nommé lelieu où ils travaillent : le troisième bloc à l’intérieurd’un bâtiment rempli de bureaux. Mais l’expressionrenvoie aussi à l’image d’un corps manquant : objet dedésir, incomplétude. Quant au sous-titre de la pièce,L’histoire d’une tentative absurde, il rend compte de ceque ces personnages ont de positif : coûte que coûte ilsessaient, ils échouent et ils essayent à nouveau.Quelle importance accordez-vous à l’humour dansvotre écriture ?Claudio Tolcachir : Je crois que l’humour est uninstrument salutaire afin de pouvoir creuser tout aufond de la douleur. Quand j’écris, j’essaie de placer cespersonnages, qui vivent une tragédie, dans dessituations inconfortables, qui nous empêchent deressentir de la compassion à leur égard. Et pourtant,nous percevons à quel point ce qu’ils vivent estpathétique. Ce fil ténu qui fait que l’on rit en serrantles dents de pitié, c’est ce que j’apprécie le plus en tantque spectateur.Vous avez suivi une formation de comédien. Que vousa-t-elle apporté ? Jouez-vous encore aujourd’hui ?Claudio Tolcachir : J’ai principalement été un comédienet, aujourd’hui encore, jouer est pour moi un plaisir etun besoin. En outre, la possibilité d’interagir avecdifférents metteurs en scène, au cours d’expériencesbonnes ou mauvaises, et la recherche permanente quel’on mène en tant qu’acteur, tout cela ouvredélicatement de nouvelles voies, qui peuvent êtreutiles à chaque comédien. Par ailleurs, en tantqu’auteur, j’ai l’impression de réaliser un long travaild’improvisation avec les personnages dans mon proprecorps et dans mon esprit, pour ensuite les coucher surle papier.À quel moment et pour quelles raisons avez-vousdécidé de passer à l’écriture et à la mise en scène ?Claudio Tolcachir : Dès l’instant où j’ai découvert lethéâtre, j’en suis tombé amoureux. J’étais tout petit àl’époque et j’ai ressenti le besoin de connaître tous leséléments qui composent ce monde merveilleux. Je suispassé par tous les lieux sur scène et en dehors de lascène. Mais j’en voulais toujours plus. Dans le fond,c’est toujours la même aventure : découvrirl’immensité de la création et les secrets techniquesque le théâtre déploie à chaque nouveau projet. Et puisbien sûr, la création d’un monde, d’univers personnelsest une expérience trop stimulante pour qu’on la laissede côté.Dossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 37


Quels rapports entretenez-vous avec les autresdramaturges et metteurs en scène argentins ?Claudio Tolcachir : Tout au long de ma formation, j’aiété ébloui par de grands dramaturges : ArmandoDiscépolo, Roberto Arlt, puis Griselda Gambaro,Roberto Cossa et, plus directement, Mauricio Kartun etDaniel Veronese. J’ai eu le privilège de connaîtrepersonnellement ces deux derniers et de partager aveceux des expériences de travail qui ont définitivementmarqué ma façon de travailler.Comment travaillez-vous, justement, au sein de votrecompagnie ? À quel moment le processus d’écrituredébute-t-il ? Quel est le degré d’intervention descomédiens dans l’écriture de vos pièces et dans vosmises en scène ?Claudio Tolcachir : Cela ne se passe jamais deux fois dela même façon et c’est très bien comme ça : il fautlaisser la pièce exiger de nous la façon de travailler quilui est nécessaire. Voilà pourquoi, à mon avis, il vautmieux ne pas s’attacher bêtement à une techniqueunique et singulière. J’aime quand les acteursconstruisent peu à peu, couche après couche, presquesans s’en rendre compte, en accumulant les pensées etles univers <strong>du</strong> personnage. Dans l’idéal, je ne montrejamais à un comédien comment il doit jouer, même sicela peut arriver, car cela l’aidera éventuellement àcomprendre. Je crois qu’il est importantd’accompagner l’acteur dans son jeu, en douceur,jusqu’à ce qu’il trouve l’univers <strong>du</strong> personnage. Il estessentiel de créer un espace d’expérimentation etd’erreur, et cela s’applique aussi à l’écriture <strong>du</strong> texte. Ilfaut envisager plusieurs options et, peu à peu, faire deschoix, parvenir à une partition minutieuse quiencadrera le spectacle.Quel lien y a-t-il entre Tercer cuerpo et les deux autresspectacles que vous avez créés : Le cas de la familleColeman et El viento en un violín ?Claudio Tolcachir : Ils nous présentent tous trois desindivi<strong>du</strong>s incomplets, hors <strong>du</strong> monde, qui ont uneénorme envie de vivre mais qui ne sont pas armés pourla vie. C’est là que commencent toutes ces histoires.Ensuite, pour chacune de ces pièces, la forme estdifférente, qu’il s’agisse <strong>du</strong> mode de récit ou del’utilisation de l’espace. J’aime explorer les différentesformes <strong>du</strong> récit théâtral, afin de mettre à l’épreuve lespréjugés qui peuvent être les nôtres. Toutes ces pièces,enfin, avancent le long de cette lisière pathétiqueentre la douleur et l’humour.Propos recueillis et tra<strong>du</strong>its parChristilla VasserotDossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 38


Buenos Aires / <strong>Paris</strong>Marcial Di Fonzo BoElise VigierL’entêtementDe Rafael SpregelburdMise en scène, Marcial Di Fonzo Bo et Élise VigierTra<strong>du</strong>ction, Guillermo Pisani, Marcial Di Fonzo BoDramaturgie, Guillermo PisaniScénographie et lumière, Yves BernardMusique, Étienne BonhommeCostumes, Pierre CanitrotPerruques et maquillages, Cécile KretschmarAvec Judith Chemla, Jonathan Cohen,Marcial Di Fonzo Bo, Sol Espeche,Pierre Maillet, Felix Pons, Clément Sibony<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Maison des Arts CréteilDu mercredi 12 au samedi 15 octobre, mercredi et vendredi21h, samedi 20h30, relâche jeudi10€ à 20€ / Abonnement : 10€ et 15€TGP – CDN de Saint-DenisDu lundi 14 novembre au dimanche 4 décembre 20h,Samedi 18h30, dimanche 16h30, relâche mardi et mercredi11€ à 22€ / Abonnement : 9€ et 13€Théâtre de St-Quentin-en-Yvelines Scène nationaleDu vendredi 9 au mercredi 14 décembre 20h30 , relâchedimanche et lundi16€ à 21€ / Abonnement : 12€Durée estimée : 2h15Spectacle en espagnol et en français / surtitré en françaisPro<strong>du</strong>ction déléguée Théâtre des Lucioles (Rennes) Copro<strong>du</strong>ction <strong>Festival</strong>d’Avignon 2011 ;Théâtre de Nîmes ; l’Hippodrome-scène nationale de Douai ; Théâtre <strong>du</strong> Beauvaisis(Beauvais) ; Le Maillon-Théâtre de Strasbourg-scène européenne ; <strong>Festival</strong> delleColline Torinesi CARTA BIANCA programme Alcotra coopération France-Italie ;Institut français de Barcelone ; Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines scènenationale ; TGP-CDN de Saint-Denis ; Maison des Arts Créteil ;<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> Avec le soutien <strong>du</strong> <strong>Festival</strong> GREC de Barcelone 2011, <strong>du</strong>CENTQUATRE – <strong>Paris</strong> et de HighCoLe Théâtre des Lucioles est soutenupar la Direction Régionale des Affaires Culturelles de Bretagne, le Conseil Régionalde Bretagne, le Conseil Général d’Ille-et-Vilaine et la ville de Rennes.L’Archeéditeur est agent théâtral<strong>du</strong> texte représenté. L’Entêtement est publiéchez l’Arche Éditeur.Avec le soutien de l’AdamiLes lecteurs français connaissent peu, àl’heure actuelle, l’aventure littéraire danslaquelle s’est plongé, depuis 2000, le jeuneauteur, acteur, metteur en scène et pédagogueargentin Rafael Spregelburd : créer, sur la base<strong>du</strong> tableau Les Sept Péchés capitaux <strong>du</strong>peintre néerlandais Jérôme Bosch, unecartographie moderne, loufoque et érudite dela morale.Ainsi, il aura fallu attendre la doubleentreprise de tra<strong>du</strong>ction et de mise en scène<strong>du</strong> Théâtre des Lucioles pour prendre lamesure de la langue baroque <strong>du</strong> dramaturgeargentin, dopée aux référencescinématographiques les plus bariolées. Oncomprend le pouvoir de sé<strong>du</strong>ction de cegargantuesque projet sur les acteurs etmetteurs en scène Marcial Di Fonzo Bo etÉlise Vigier, eux qui aiment tant lesimmersions <strong>du</strong>rables dans l’univers d’unauteur.Après avoir redonné à Copi sa démesureflamboyante dans six projets de mises enscène différents, les Lucioles se sont doncamusées des vertigineuses démultiplicationsde personnages qu’autorisent La Connerie(mis en scène en 2008), La Panique ou LaParanoïa (mis en scène en 2009).L’Entêtement, dernier volet de l’« Héptalogie »de Spregelburd, s’ancre dans les derniersjours de la guerre civile espagnole, enadoptant (comme il est peu coutume de lefaire) le point de vue des dirigeants fascistes.Fin mars 1939, près de Valencia, lecommissaire franquiste Planc caresse le rêved’inventer une langue neuve, qui permettrait àtous les hommes de « s’accorder ». Épopéelinguistique et polyglotte (la distribution estfranco-espagnole), L’Entêtement interrogeainsi le point de bascule entre une utopiehumaniste et l’avènement d’une penséetotalitaire <strong>du</strong> langage et <strong>du</strong> monde.Contacts presse :<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort, Christine Delterme01 53 45 17 13Maison des Arts CréteilBODO01 44 54 02 00TGP – CDN de Saint Denis01 48 13 70 00Nathalie Gasser 06 07 78 06 10Théâtre de Saint-Quentin-en-YvelinesVéronique Cartier01 30 96 99 35Dossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 39


Marcial Di Fonzo BoBiographieNé en 1968 à Buenos Aires, il s’installe à <strong>Paris</strong> en 1987.Au sein <strong>du</strong> collectif d’acteurs le Théâtre des Lucioles, ilmet en scène de nombreuses pièces, s’attachant à desauteurs contemporains tels Copi, Leslie Kaplan,Rodrigo García ou Rafael Spregelburd. Commecomédien, il est dirigé par de nombreux metteurs enscène, entre autres, Claude Régy, Matthias Langhoff,Rodrigo García, Olivier Py, Jean-Baptiste Sastre, LucBondy ou Christophe Honoré. En 1995, il reçoit le prixde la révélation théâtrale <strong>du</strong> syndicat de la critiquepour son interprétation <strong>du</strong> rôle titre de Richard III misen scène par Matthias Langhoff. En 2004, le mêmesyndicat de la critique lui décerne le prix <strong>du</strong> meilleuracteur pour Muñequita ou jurons de mourir avec gloirede Alejandro Tantanian mise en scène par MatthiasLanghoff. Au cinéma, il a tourné avec Claude Mourieras,Emilie Deleuze, Christophe Honoré, Stéphane Guisti,François Favrat, Maïwenn et Woody Allen. En 2008, ilentame une collaboration de longue haleine avecl’auteur argentin Rafael Spregelburd. Il met en scènecette année-là, de concert avec Elise Vigier, la sixièmepièce d’une heptalogie : La Estúpidez. En 2009, il met enscène avec Elise Vigier La Paranoïa et avec PierreMaillet et La Panique avec les étudiants comédiens <strong>du</strong>Théâtre des Teintureries de Lausanne. En 2010, il coécritavec la chanteuse Claire Diterzi Rosa la Rouge.Pour le festival d'Automne 2010, il signe la mise enscène de Push up de Roland Schimmelpfenning dans lecadre de Paroles d'Acteurs et il met en scène au PetitThéâtre de <strong>Paris</strong> La Mère de Florian Zeller avec entreautres, Catherine Hiegel qui reçoit pour ce rôle leMolière 2011 de la meilleure interprète.Marcial Di Fonzo Bo et Elise Vigier au <strong>Festival</strong> d’Automneà <strong>Paris</strong> :2006 Loretta Strong / Le Frigo(Théâtre de la Ville)2006 La Tour de la Défense (MC93 Bobigny)2010 Parole d’acteurs/Push Up (le CENTQUATRE)Elise VigierBiographieAu sein <strong>du</strong> collectif des Lucioles, elle met en scène desauteurs contemporains et est interprète pour PierreMaillet, Bruno Geslin, Marcial Di Fonzo Bo etFrédérique Loliée. En 1998, elle co-met en scène avecMarcial Di Fonzo Bo et Pierre Maillet Copi, un portrait.En 2001 elle met en scène L’Inondation de l’auteurrusse Evgueni Zamiatine, adapté au théâtre par LeslieKaplan. En 2002, elle co-met en scène et interprète avecFrédérique Loliée Duetto1 à partir de textes de RodrigoGarcía et Leslie Kaplan. En 2005, elle collabore à la miseen scène de La tour de la Défense de Copi avec MarcialDi Fonzo Bo. Cette même année, elle écrit le scénariode La mort d’une voiture, un moyen-métrage qu’elleréalise avec Bruno Geslin. Ce court-métrage estsélectionné au festival de Brest et reçoit le prix dequalité <strong>du</strong> CNC et le prix <strong>du</strong> jury <strong>du</strong> festival de Lunel. En2006, Elise Vigier met en scène avec Marcial Di FonzoBo les trois pièces de Copi : Loretta Strong, Les pouletsn’ont pas de chaise, Le frigo. La création a lieu auThéâtre de la Ville dans le cadre <strong>du</strong> <strong>Festival</strong> d’Automneà <strong>Paris</strong> et au <strong>Festival</strong> d’Avignon. En mars 2007, elle metégalement en scène au Théâtre National de Chaillotavec Marcial Di Fonzo Bo La Estúpidez (La Connerie) deRafael Spregelburd. En 2008, elle joue et met en scèneavec Frédérique Loliée Duetto 5 ou Toute ma vie j’ai étéune femme de Leslie Kaplan et des extraits de textes deRodrigo García. En 2009, elle met en scène - toujoursavec Marcial Di Fonzo Bo et joue dans La Paranoïa deRafael Spregelburd. En 2011, elle met en scène et joueavec Frédérique Loliée Louise, elle est folle de LeslieKaplan. Le spectacle, créé en avant-première au 104 à<strong>Paris</strong>, se joue en mars 2011 à la Maison de la Poésie à<strong>Paris</strong> puis au Nouveau Théâtre d’Angers et au TeatroStabile à Naples dans une version italienne en avril2011.Rafael SpregelburdBiographieNé en 1970, Rafael Spregelburd est l’un desreprésentants les plus brillants d’une nouvellegénération de dramaturges argentins extrêmementinventive, qui a commencé à créer dans les années <strong>du</strong>retour à la démocratie, après la dictature militaire de1976-1983 (citons entre autres Javier Daulte, AlejandroTantanian, Daniel Veronese et Federico León).Il est d’abord boursier <strong>du</strong> théâtre Beckett de Barcelone,où il donne des séminaires avec le dramaturgeespagnol José Sanchis Sinisterra. Il est ensuite boursier<strong>du</strong> British Council et <strong>du</strong> Royal Court Theatre deLondres, puis auteur en résidence <strong>du</strong> DeutschesShauspielhaus de Hambourg. Auteur et metteur enscène invité de la Schaubuhne de Berlin, il est aussimetteur en scène invité <strong>du</strong> Theaterhaus de Stuttgart et<strong>du</strong> Kammerspiele de Munich, auteur commissionné parla Franfkurter Position en 2008 et Fellow de laAkademie Schloss Solitude de Stuttgart. Invité à denombreux festivals internationaux, Rafael Spregelburdobtient plus d’une trentaine de prix argentins etinternationaux, parmi lesquels : Tirso de Molina, Casade las Américas, Dramaturgie de la Ville de BuenosAires, Argentores, Maria Guerrero, Florencio Sanchez,Trinidad Guevara, journal Clarin ou encore, Konex.Rafael Spregelburd dépasse, dans sa pratiqueartistique, la division <strong>du</strong> travail qui structuretraditionnellement l’activité théâtrale : à la fois auteur,metteur en scène, comédien, tra<strong>du</strong>cteur et pédagogue,son écriture se nourrit des différents savoirs quiaccompagnent son activité créatrice.Il se forme en tant qu’acteur et dramaturge avec ledramaturge Mauricio Kartun et les metteurs en scèneDaniel Marcove et Ricardo Bartis. À partir de 1995, ilcommence à mettre en scène ses propres textes et,occasionnellement, des adaptations d’autres auteurs(Carver ou Pinter, par exemple). Ses tra<strong>du</strong>ctionsd’Harold Pinter, Steven Berkoff, Sarah Kane, WallaceShawn, Reto Finger et Marius von Mayenburg fontsouvent l’objet de mises en scène.Il vit et travaille principalement dans sa ville natale deBuenos Aires. Vers la fin des années 90, son œuvre,tra<strong>du</strong>ite en plusieurs langues, commence à se faireconnaître au-delà de l’Argentine, principalement enAmérique Latine et en Europe, en particulier enAllemagne, en Espagne et en Angleterre.En 1994, il crée (avec la comédienne Andrea Garrote) lacompagnie El Patrón Vazquez, pour laquelle il écritplusieurs textes, dont La Estúpidez et La Paranoïa. Toutau long de ses plus de trente pièces, écrites dès ledébut des années 90, Spregelburd n’a cessé de menerune exploration formelle aussi féconde et virtuose quethéâtralement efficace. Celle-ci est particulièrementévidente dans son Heptalogie, ensemble de sept piècesinspirées de la Table des Sept Péchés Capitaux deJérôme Bosch. Au cinéma, Rafael Spregelburd tournedans L'homme d'à côté, film argentin de Mariano Cohnet Gaston Duprat.Dossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 40


Entretien avec Marcial Di Fonzo BoL’Heptalogie de Rafael Spregelburd, vaste projetd’écriture que le dramaturge argentin amorce en 2000,est une sorte de « cartographie de la morale » quis’inspire <strong>du</strong> tableau de Jérôme Bosch, La table des septpéchés capitaux. Qu’est-ce que raconte L’entêtement,dernier volet de cette Heptalogie que vous mettezaujourd’hui en scène, avec Elise Vigier ?Marcial Di Fonzo Bo : Le précédent volet del’Heptalogie que nous avons mis en scène en 2009, LaParanoïa, plaçait l’action dans le futur, dans un universde science fiction. À l’inverse, L’Entêtement se dérouleprès de Valence, en Catalogne, à la fin <strong>du</strong> mois de mars1939, soit quelques jours avant la fin de la guerre civileespagnole. La pièce est structurée en trois actes, quiproposent autant de points de vue simultanés sur unmême épisode historique. Les trois actes se déroulentle même jour, à la même heure, entre 17h et 18h15,mais dans des endroits différents. Le premier acteinstalle l’action dans le salon de la maison de JaumePlanc, commissaire fasciste en zone républicaine.Rafael Spregelburd prend ici le contrepied de la façondont est ordinairement traitée la guerre civileespagnole par la littérature ou le cinéma. Au lieud’épouser le point de vue des héros révolutionnaires,des brigades internationales, comme il est coutume dele faire, il propose de considérer le point de vue desfascistes. Le deuxième acte débute également à 17h,mais place l’action dans la chambre attenante ausalon. Le troisième acte, lui, prend place devant lamaison. Il s’agit donc de montrer trois façonsdifférentes de s’approprier une même histoire.Dans L’entêtement, le commissaire Planc a pour projetd’inventer une langue – le katak – qui parviendrait àabolir les frontières culturelles et à unir les peuples.On repense à cette langue sans mémoire, qu’inventeGeorge Orwell dans 1984, cette « novlangue » quipermet, elle, d’asservir… De quelle façon RafaelSpregelburd présente t-il ce projet linguistique ?Marcial Di Fonzo Bo : Le commissaire Planc poursuitdeux utopies qui peuvent paraître contradictoires :d’un côté, même temporairement au service de laRépublique, il est fasciste, et espère la restauration del’ordre et de la religion ; de l’autre (Planc parle de celacomme d’une « seconde casquette »), il travaille eneffet à ce projet linguistique qui permettrait, selon lui,d’unir les peuples. C’est un projet profondémenthumaniste. Ce qui est très beau dans la réflexion deSpregelburd, c’est qu’il interroge l’endroit où un projethumaniste peut rejoindre une idéologie fasciste. C’estle point de bascule qui l’intéresse, sans jamaisrésoudre les contradictions qu’il pose. Il y a, dans lapièce, un passage très évocateur à ce sujet: untra<strong>du</strong>cteur russe est envoyé par Staline en Catalognepour acheter à Planc le dictionnaire qui contient laméthode de cette nouvelle langue. Lorsque lecommissaire réalise que son invention peut servir lesintérêts <strong>du</strong> stalinisme, les idéaux de ces « athées » (laquestion religieuse est centrale dans la pièce), ildétruira son œuvre.Il faut savoir que l’ensemble de l’Heptalogie esttravaillé par une réflexion sur les fonctions <strong>du</strong> langage.Rafael est un linguiste passionné : il est polyglotte,tra<strong>du</strong>cteur de l’anglais, maîtrise l’allemand, un peu lefrançais maintenant, et a appris l’esperanto. DansL’entêtement, il explore donc particulièrement lafonction politique <strong>du</strong> langage. De quelle façon unelangue peut-elle servir les idéaux d’une nation, etdiffuser une culture ? Abolir les frontières culturelles etlinguistiques, est-ce un gage de rencontre oud’asservissement ? Ces questions restent en sous-texte,car le théâtre de Spregelburd n’est pas frontalementpolitique, dans le sens où ce n’est pas un « théâtre àthèse » comme peut l’être celui d’Edward Bond…La distribution de L’entêtement sera bilingueespagnol / français…Marcial Di Fonzo Bo : Elle sera même trilingue (catalan,castillan, français). À Valence, on parle le valencien etnon le catalan. Ce sont deux langues très proches, maisnon semblables en tous points. Elles furent toutesdeux interdites pendant la dictature franquiste, lecastillan s’imposant comme langue officielle del’Espagne pendant près de quarante ans. Bien que lamise en scène soit pensée pour un public français (c’estune pro<strong>du</strong>ction française), nous sommes en traind’imaginer une version qui viendrait donc mélanger leslangues. Il a été primordial de savoir, dès le début <strong>du</strong>projet, que l’on allait garder le valencien. On auraitbeaucoup per<strong>du</strong> à vouloir tout égaliser, tout tra<strong>du</strong>ireen français, les différences de langues étant un enjeupolitique en Espagne, toujours d’actualité d’ailleurs.Ce choix nous permet aussi d’installer immédiatementun tableau historique. Nous travaillons dans un décorassez abstrait (nous nous sommes beaucoup inspirés<strong>du</strong> plasticien catalan Tapiès), avec des costumesd’époque. Entendre cet espagnol-là plongeinstantanément dans une autre époque. Nous avonsainsi commencé à complexifier la pièce en imaginantque la tra<strong>du</strong>ction puisse faire l’objet d’un traitementesthétique particulier.Qu’entendez vous par là ?Marcial Di Fonzo Bo : Rafael Spregelburd exploitebeaucoup de ressorts humoristiques. Le problème,c’est qu’un trait d’humour est parfois difficilementtra<strong>du</strong>isible d’une langue à l’autre. Il peut aussi perdreen puissance en passant de l’oral à l’écrit (via les soustitres).Il est clair que le passage d’une langue à l’autre,sera prétexte aux quiproquos comiques.Les précédents volets de l’Heptalogie fourmillaient deréférences cinématographiques. Qu’est-ce que le cadrehistorique de la guerre d’Espagne permet, cette fois, àl’auteur?Marcial Di Fonzo Bo : Spregelburd a mis en scène destextes de Raymond Carver, qui ont eux-mêmes étébeaucoup exploités par le cinéma, comme Short-cuts,de Robert Altman, par exemple, film très évoqué dansLa Estúpidez (La Connerie). C’est un auteurextrêmement cinéphile. La Paranoïa multipliait lesréférences aux différents genres cinématographiques,de la science-fiction au film noir en passant par Lynchet Almodóvar. Encore une fois, L’entêtement est unepièce très cinématographique. Dans la façon dont ledrame est montré, et dont les sentiments la traversent,on est <strong>du</strong> côté <strong>du</strong> grand cinéma classique, avec DouglasSirk ou dans le cinéma d’action américain.Cependant, L’entêtement a surtout incité Spregelburdà revisiter des dramaturgies passées. Ce sont surtoutles réminiscences littéraires qui fourmillent. Le texteévoque le théâtre romantique de Federico GarcíaLorca. Il a aussi un fort parfum tchékhovien. Les finsconnaisseurs de Tchekhov retrouveront sûrement, defaçon fugitive, des personnages comme ceux des Troissœurs ou de La Cerisaie. Ce ne sont que de petits clinsd’yeux, mais qui révèlent bien ce dont s’est servil’auteur pour créer cette fresque historique. RafaelSpregelburd a tenté de retrouver une langue un peudésuète, surannée, un parlé d’autrefois. En français,nous avons opté pour une langue plutôt littéraire. Il y aaussi beaucoup de ruptures de tons etd’anachronismes comiques. Il est rare, d’ailleurs, detrouver autant d’humour lorsque l’on traite de laguerre civile espagnole…Dossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 41


Pour l’acteur, c’est un plaisir total, d’autant que l’on esttous amenés à endosser plusieurs rôles, commesouvent dans le théâtre de Spregelburd. Un acteur dethéâtre contemporain n’a pas souvent le loisir de jouerdeux, trois, voire cinq personnages dans une mêmepièce. Son théâtre, en cela, est réellement une machineà jouer. Cela vient <strong>du</strong> fait qu’il est lui-même acteur, etqu’il a un vrai plaisir <strong>du</strong> jeu. Il dit d’ailleurs que, dansses pièces, les « acteurs sont surexploités ». Ce sont despièces foisonnantes, avec multiples situationsrocambolesques.L’Heptalogie est un projet que Spregelburd a étalé surdix ans. L’entêtement est le quatrième volet de cetteHeptalogie que vous montez, après La Connerie (2008),La Panique (2009) et La Paranoïa (2009). Vous semblezpartager avec l’auteur le goût pour les aventuresprolongées…Marcial Di Fonzo Bo : C’est effectivement le quatrièmevolet que nous mettons en scène, Elise Vigier et moimême.Mais c’est le dernier volet que RafaelSpregelburd a écrit, en 2008. Ce sont des pièces trèsdifférentes, toutes ambitieuses. La Connerie a étéécrite juste après la grande crise économiqueargentine de 2001, qui a quasiment provoqué la chute<strong>du</strong> système capitaliste tel qu’il pouvait s’organiseralors. C’est à partir de cet épisode que Spregelburd adécidé d’écrire des pièces démesurées (quant à laforme, aux références cinématographiques etlittéraires, ou au nombre de personnages) en affirmantque la mesure n’intéressait plus personne.Et il est de coutume, au Théâtre des Lucioles, deprendre le temps d’explorer l’univers d’un auteur, eneffet. Ce fut le cas avec Copi, avec Rainer WernerFassbinder, ou avec Leslie Kaplan. Il y a cette envie dene pas se contenter d’une seule pièce, mais de tournerautour d’une œuvre, de croiser une dramaturgie, d’allerdécouvrir la conception profonde <strong>du</strong> théâtre qui soustendles textes. Ensuite, Rafael Spregelburd est nonseulement auteur, mais aussi metteur en scène, acteur,pédagogue. Ces multiples activités imprègnent lestextes parce qu’il écrit depuis le plateau, en faisant desallers-retours entre écriture et mise en scène. Nousnous sentons proches de cette façon de travailler :nous sommes nous-mêmes acteurs, passés à la mise enscène dans le prolongement direct de ce travaild’acteurs. Il y a donc une grande proximité dans lafaçon de penser cette articulation entre texte littéraireet projet scénique.Comment expliquez-vous que Rafael Spregelburd soitlongtemps resté inconnu en France?Marcial Di Fonzo Bo : Cela fait déjà longtemps qu’il esttra<strong>du</strong>it dans diverses langues, et que ses textes sontjoués dans les maisons de théâtre européennes lesplus prestigieuses. En France, il est effectivement restétout à fait inconnu ces dix dernières années. Celas’explique, en partie, par le fait qu’il fut jusqu’alors trèsmal tra<strong>du</strong>it. C’est pour cette raison que GuillermoPisani, Elise Vigier et moi-même avons décidé deretra<strong>du</strong>ire son œuvre. Rafael s’était même dit que sontravail n’intéresserait jamais personne en France. Jepense aussi que le milieu <strong>du</strong> théâtre contemporain, enFrance, est souvent défiant, suspicieux envers lesauteurs qui travaillent le registre comique, comme si lerire ne pouvait pas être politique. Aujourd’hui, l’œuvrede Spregelburd est représentée par la prestigieusemaison d’édition L’Arche. Quelques jeunes compagniesfrançaises commencent à s’intéresser à son écriture.J’espère aussi que, nous qui avons la chance deprésenter notre travail dans des festivalsinternationaux comme le <strong>Festival</strong> d’Automne ou le<strong>Festival</strong> d’Avignon, contribuons à sa reconnaissance enFrance.Propos recueillis pas Eve BeauvalletVous dites que Rafael Spregelburd écrit « depuis leplateau ». Comment cette proximité avec la scène serépercute-t-elle dans le texte ?Marcial Di Fonzo Bo : Disons que c’est un « théâtre desituation », que l’auteur a conscience des situationsthéâtrales que le texte va pouvoir générer sur scène.Généralement, les pièces de Spregelburd connaissentplusieurs versions. La réalité <strong>du</strong> travail en Argentinefait qu’il est courant de voir les acteurs travaillersimultanément pour la télévision, le cinéma, oudifférents projets de théâtre. Ils ne sont pas tout letemps disponibles pour un projet unique et il estimpossible de connaître exactement le calendrier de lacréation ! Dans la mesure où la période de répétitionpeut s’étaler sur une année, il est possible pour unauteur comme Rafael de réajuster le texte à mesureque la création avance. La tradition théâtrale françaiseenvisage davantage le texte comme un objet littéraireen soi, qui contient la totalité <strong>du</strong> projet théâtral, bienen amont de la mise en scène.Dossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 42


RepriseBerlinTagfishConcept et recherches,Berlin (Bart Baele et Yves Degryse)Personnages, Hans-Jürgen Best, Christoph Finger, Rolf Heyer, WolfgangKintscher, Kaspar Kraemer, Thomas Rempen, Kostas Mitsalis, et le ChoeurConsolidationCoordination générale, Natalie Schrauwen / Photographie, Bart BaeleInterviews, Yves Degryse / Montage, Bart Baele, Geert De VleesschauwerBande son et mixage, Peter Van LaerhovenPrise de son, Tom De With, Maarten Moesen, Dimitry De Cock, Bas deCaluwéScénographie et coordination technique, Linde RaedscheldersSystème vidéo et chaises, Manu Siebens, Fisheye / Costumes, Kristin vander Weken et Kim Troubleyn / Assistant post-pro<strong>du</strong>ction, Frank LanssenLogistique et catering, Kim TroubleynConstruction <strong>du</strong> décor, ateliers de Schauspielhaus Essen, Théâtre royal de laMonnaie, Babs Boey, Anne HeymanSoutien technique, Lilith Tremmery, Jeroen Wuyts / Assistance techniquesystème chaises, Herman Venderickx, Dajo Peeters, Joris FestjensTranscription dialogues, Annika Serong, Anne Habermann, Peter HassaersStage logisitique, Kate Olsen / Sous titrages, Sabrina Apitz<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>LE CENTQUATREDans le cadre <strong>du</strong> <strong>Festival</strong> TEMPS D’IMAGES 2011Vendredi 14 au dimanche 23 octobre20h30Samedi 17h et 20h30Dimanche 17hRelâche lundi15€ et 20€Abonnement 12€Spectacle en anglais et allemand surtitré enfrançaisDurée : 1h10Diffusion, pro<strong>du</strong>ction France, Fanny Bordier / Administrationgénérale, Kurt Lannoye – Pro<strong>du</strong>ction Berlin / Copro<strong>du</strong>ction Theaterder Welt (Mülheim) ; STUK (Leuven) ; <strong>Festival</strong> TEMPS D'IMAGES 2010/ La Ferme <strong>du</strong> Buisson - Scène Nationale de Marne-la-Vallée ;Wiener Festwochen (Vienne) / Réalisation Le CENTQUATRE – <strong>Paris</strong> /Avec le soutien <strong>du</strong> gouvernement flamand / Berlin est artiste enrésidence au Kunstencentrum STUK (Leuven) / Berlin est artisteassocié au CENTQUATRE – <strong>Paris</strong> / Remerciements à Pact Zollverein /En association avec le Land de Rhénanie <strong>du</strong> Nord-Westphalie / Le<strong>Festival</strong> TEMPS D’IMAGES est proposé par ARTE, La Ferme <strong>du</strong>Buisson et Le CENTQUATRE.Berlin vient d’Anvers, et ses pièces neressemblent à rien de connu. Ce collectifformé en 2003 associe les compétences de sesmembres pour proposer un théâtre hybride,entre performance documentaire etinstallation vidéo. Un théâtre qui a d’abord,avec le cycle « Holocène », ausculté les villesde la planète – des villes aussi diverses queJérusalem, Moscou, Iqaluit ou Bonanza –, pourles lire, en jouant avec brio de l’art <strong>du</strong>montage, comme autant de palimpsestesrévélateurs <strong>du</strong> monde d’aujourd’hui. Tagfishinaugure un tournant dans la démarche deBerlin, et marque le début d’un nouveau cycle,« Horror Vacui ». Cette pièce, dont le titre estemprunté au vocabulaire <strong>du</strong> poker (désignantun joueur qui, tout en connaissantparfaitement les règles, ne prend aucunrisque, devenant ainsi particulièrementvulnérable), a pour cadre la Ruhr, et plusparticulièrement le Zollverein, unegigantesque infrastructure in<strong>du</strong>strielleminière <strong>du</strong> XIXe siècle aujourd’hui classée auPatrimoine mondial et reconvertie en uncentre culturel symbolisant le renouveau decette région – un site qui suscite aujourd’huiles convoitises d’un cheikh saoudien. Tagfishrépond à un choix formel inédit : une manièrede vidéo-conférence fictive entre sixpersonnages réels, tous associés aufaramineux projet immobilier qui est en jeu,dont le collectif a patiemment recueilli lestémoignages. Au travers d’une réflexion surles friches et les terrains vagues – ces zonesmarginales <strong>du</strong> globe en voie de réaffectationforcenée –, Berlin continue de décrypter notremonde contemporain – sa peur <strong>du</strong> vide, sapeur <strong>du</strong> risque – toujours sur le fil entre leréel et la fiction.Tagfish a été présenté <strong>du</strong> 8 au 11 octobre 2010à la Ferme <strong>du</strong> Buisson dans le cadre <strong>du</strong><strong>Festival</strong> TEMPS d’IMAGES 2010 et <strong>du</strong> <strong>Festival</strong>d’Automne à <strong>Paris</strong> 2010.Contacts presse :<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort, Christine Delterme01 53 45 17 13LE CENTQUATRE2 e BUREAUMartial Hobeniche01 42 33 93 18Dossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 43


BerlinBiographieArtistes : Bart Baele & Yves DegryseBerlin a commencé la série Holocène en 2003. Lepoint de depart de chaque projet de Holocène esttoujours situé dans une ville ou une région,quelque part sur la planète.Berlin fait une recherche profonde, puis sélectionneun moyen ou une combinaison de médias sur labase de cette étude.Berlin travaille avec beaucoup d’autres personnesdans les domaines artistiques et universitaires, cequi entraine une série de portraits de villesintrigantes. Berlin aime exécuter ses pro<strong>du</strong>ctionsdans des circuits variés : théâtres, espacesd’exposition, festivals, sites spéciaux…Le nombre de projets n’est pas défini, mais le cyclese terminera à Berlin pour la création d’un projetde fiction-documentaire avec les différentshabitants des anciennes villes <strong>du</strong> cycle.Après Jérusalem, Iqaluit, Bonanza et Moscow, Berlinprésente Tagfish, le premier épisode <strong>du</strong> nouveaucycle Horror Vacui.Berlin au <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> :2009 Moscow (La Ferme <strong>du</strong> Buisson)Iqaluit (Fondation Cartier pour l’ArtContemporain)Bonanza (Théâtre de la Citéinternationale)2010 Tagfish (La Ferme <strong>du</strong> Buisson)Entretien avec Yves Degryseet Bart Baele / BerlinTagfish est le premier volet d’un nouveau cycle, HorrorVacui…Yves Degryse : Nous n’avons pas arrêté le cycleHolocène – nous avons déjà d’autres projets deportraits de villes –, mais avec ce projet, nous avonsdécidé d’en commencer un nouveau. L’idée d’HorrorVacui, son point de départ, c’est de mener desrecherches sur de petites situations, ou des personnes,à l’intérieur des villes. Nous recueillons lestémoignages des personnes impliquées dans cessituations, et à chaque fois, il s’agit de créer unerencontre, autour d’une table, entre ces protagonistes– sept pour Tagfish, mais leur nombre pourra varier enfonction des projets. Nous les montrons, sur plusieursécrans, comme s’ils communiquaient les uns avec lesautres, alors qu’en réalité, ils ne se sont pas rencontrés– nous les avons filmés séparément, dans leurenvironnement respectif… Chaque pièce d’Horror Vacuiaura cette forme d’une rencontre factice autour d’unetable de réunion.Pourquoi ce titre d’Horror Vacui (« la peur <strong>du</strong> vide »),et d’où vous est venue l’idée de ce cycle? S’agissait-ilpour vous de revenir à un type de situation plus« dramaturgique » ?Bart Baele : L’idée de ce cycle nous est venue alors quenous nous trouvions en Allemagne. C’est là que nousavons enten<strong>du</strong> parler de cette histoire, de ce cheikhsaoudien et de son projet hôtelier pour le Zollverein,représentant un investissement potentiel de 120millions d’euros, impliquant un grand nombre depersonnes : un investissement qui fait parti d’un projetplus vaste de « village créatif » dont l’hôtel est l’un deséléments. Le Zollverein est une ancienne mine decharbon située dans la Ruhr : elle est classée aupatrimoine mondial de l’Unesco, mais comme un site« en développement »: c’est-à-dire que l’on a le droit,sous certaines conditions, de continuer à y bâtir, à ladifférence <strong>du</strong> patrimoine mondial « classique ». L’idéede ce projet immobilier remonte à 2002 ; les choses sesont accélérées vers 2005-2006 et aujourd’hui, noussommes arrivés au moment de la décision finale, quidevrait intervenir avant la première de Tagfish.Tout dépend des négociations entre le Land deRhénanie-<strong>du</strong>-Nord – Westphalie et le cheikh. C’est unesorte de « package »: s’il construit l’hôtel, il est obligéde financer également la construction d’une école, surle même site. Les négociations en cours concernentdonc les modalités et l’ampleur de l’investissement, lestarifs de location, etc.Yves Degryse : Pour nous, cette situation – un anciensite in<strong>du</strong>striel ayant cessé son activité, un ensemble debâtiments et de gens pour lesquels il faut chercher unenouvelle affectation – est une très bonne transcriptionde ce qui se passe aujourd’hui : c’est un bon exempledes possibilités, et en même temps des difficultés qu’ily a à trouver ces nouvelles destinations.Cette « peur <strong>du</strong> vide » est-elle selon vous propre aumonde d’aujourd’hui, où l’on a <strong>du</strong> mal à tolérer lesespaces vides, vacants?Yves Degryse : Dans ce cas précis, on peut en effet voirles choses comme ça. Mais on peut songer aussi à lapeur <strong>du</strong> silence, par exemple. Cela variera en fonctiondes pièces, et des spectateurs.Comment avez-vous choisi les personnes que vousavez interviewées et filmées ?Yves Degryse : Pour ce projet, nous avons adopté uneDossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 44


nouvelle méthode d’entretien, et c’est là toute ladifficulté. D’habitude, notamment pour les piècesd’Holocène, nous réalisons des entretiens avec ungrand nombre de personnes – une vingtaine environ –,que nous interrogeons pendant une heure. PourTagfish, nous avons choisi sept personnes, que nousavons questionnées pendant une dizaine d’heureschacune, à différents moments. L’accord que nousavons passé avec elles était de pouvoir les rencontrer àplusieurs reprises, sur une période de quatre ou cinqmois. Nous avons organisé les choses en trois temps :d’abord, nous leur posions des questions générales surle projet, afin de réunir des informations ; ensuite,nous leur demandions de commenter des extraitsd’entretiens filmés avec d’autres « experts » ; enfin,venait ce que nous appelons le temps des « questionsdélicates » ou ennuyeuses, fondées sur des sourceslittéraires, des questionnaires existant dans lalittérature – en l’occurrence, pour Tagfish, chez MaxFrisch, Pablo Neruda et Socrate…Bart Baele : Nous cherchons à réunir sept personnesautour de la table, que l’on pourrait appeler les« personnages principaux »: l’architecte <strong>du</strong> projet, lemédiateur chargé des négociations entre le Land et lecheikh, un journaliste qui suit l’affaire depuis cinq anset qui est très critique à son égard, le cheick lui-même…Vous avez pu vous entretenir avec lui ?Bart Baele : En fait, le sujet principal de Tagfish, c’estl’attente d’une solution. C’est pourquoi nous avonsatten<strong>du</strong> le dernier moment pour le contacter : nousvenons de lui envoyer notre demande [cet entretienavec le collectif Berlin a été réalisé en avril 2010, Ndlr.],et nous attendons de savoir s’il sera possible del’interroger. Nous touchons au but. Mais si cela ne sefait pas, ce ne sera pas catastrophique, car cetteattente <strong>du</strong> cheikh est justement au cœur de la pièce :viendra-t-il, ou non ? Un peu à la manière <strong>du</strong> Godot deSamuel Beckett. Tous ces gens sont suspen<strong>du</strong>s à sadécision : va-t-il ou non réaliser le projet ? S’il acceptenotre demande, nous allons bien sûr modifier lemontage de la pièce pour y intégrer cet entretien ; maisle propos restera le même.Yves Degryse : Nous comptons également réaliserplusieurs courts entretiens avec différentes personnes– des gens de l’Unesco, d’anciens mineurs qui onttravaillé sur le site, ou encore des gens qui étaient, audépart, en charge <strong>du</strong> développement <strong>du</strong> projet –, quiformeront un peu comme des guest appearances ausein de cette réunion.Les personnes que vous avez rencontrées se sont-ellesmontrées coopératives, ont-elles joué le jeu – ne l’ontellespas trouvé quelque peu étrange ?…Yves Degryse : Si, bien sûr, au début, c’était pour ellesune situation un peu étrange. Ces gens n’ont pasl’habitude de répondre à tant de questions sur unmême sujet. Mais je dirais surtout qu’ils sont surprisque nous revenions à chaque fois. Et de notre côté,nous sommes toujours surpris qu’ils acceptent unenouvelle rencontre. Je pense que notre projet leur plaît.L’urbaniste que nous avons interrogé, par exemple,nous a même confié que c’était pour lui une expérienceextraordinaire : le fait de devoir répondre, tous lesmois, à des questions qu’on ne lui pose jamais lui avaitouvert de nouvelles perspectives, et permis d’élargir saréflexion… Même si cela reste pour eux un peu abstrait,les gens se montrent curieux, et désireux de parler –dans une certaine mesure, bien enten<strong>du</strong>. Car c’est unprojet politiquement sensible, et il y a donc des limites: certaines personnes n’ont pas voulu s’exprimerdevant la caméra – ou alors, ont tenu pendantl’entretien des propos différents de ce qu’elles nousavaient dit avant.Certains n’ont-ils pas commencé à «jouer la comédie»,à endosser une sorte de rôle ?Yves Degryse : Si, certains sont même de très bonscomédiens (sourire). Je veux dire qu’ils sont tousconscients de la présence de la caméra : ce sont desgens qui savent comment se comporter devant lacaméra, ou devant la presse, car cela fait partie de leurmétier. De fait, certains sont clairement restés dans cerôle, tandis que d’autres avaient davantage consciencede faire partie d’une performance, de sortir <strong>du</strong> schémaclassique : ceux-ci étaient plus prêts à s’ouvrir, à jouerle jeu en un sens.Pourquoi avoir choisi, pour Horror Vacui, ce dispositifformel – ce débat factice reconstitué sur plusieursécrans?Bart Baele : Tout est parti de notre pièce Moscou : il ya, dans celle-ci, une très courte scène <strong>du</strong>rant laquelleles écrans s’animent en même temps, comme si lesprotagonistes discutaient entre eux. En l’occurrence, ils’agissait d’une coïncidence, mais cela nous a con<strong>du</strong>itsà nous demander ce qui se pro<strong>du</strong>irait si nousconstruisions une sorte de cadre donnant l’impressionque les gens communiquent entre eux, sans que ce soitle cas dans la réalité.Yves Degryse : C’est d’ailleurs ce que dit l’un desprotagonistes que nous avons interrogés dans Tagfish :dans ce projet, il y a tellement de parties impliquées, ettellement d’opinions différentes – c’est un processusdémocratique, dans lequel personne ne prend leleadership, ce qui rend les choses difficiles – qu’il n’ajamais été possible de réunir tout le monde autourd’une table. Cela tra<strong>du</strong>it bien notre propos : interrogeret filmer les personnes séparément permet d’allerbeaucoup plus au fond des choses, de laisser à chacunle temps et l’espace de bien exprimer ses idées.Comme si l’art devait, en quelque sorte, prendre lerelais <strong>du</strong> politique, ou <strong>du</strong> moins rendre possible ce quele réel empêche… Aviez-vous déjà, avant de débuterles entretiens, une idée précise <strong>du</strong> montage, de ce quevous alliez chercher à montrer ?Yves Degryse : Nous avions une idée <strong>du</strong> dispositif – dela disposition des gens autour de la table, toutsimplement pour savoir comment nous devions lesfilmer. Mais en-dehors de cet aspect pratique, le débatdépendait beaucoup des protagonistes. Bien sûr, nousnous étions beaucoup documentés avant, nous savionsquelles questions poser, et en un sens, nous avons déjàune idée de la manière dont nous voulons dépasser lecôté local pour donner au projet une résonanceuniverselle. Car c’est bien cette idée, déjà présentedans les portraits de villes d’Holocène, qui est au cœurde ce nouveau cycle : bien qu’il s’agisse de questionslocales, nous devons pouvoir le montrer n’importe où,cela doit être quelque chose d’universel. Exactementcomme un bon texte de théâtre.Pourquoi ce titre de Tagfish, un terme emprunté auvocabulaire <strong>du</strong> poker ?Yves Degryse : Au poker, un Tagfish est un joueur trèsconstant, sage, qui ne prend aucun risque, et dont lejeu devient dès lors très prévisible : pour les autres, ilest un « poisson » facile à attraper… Nous avonsrapidement constaté que dans cette affaire, personnene voulait prendre de risque. Or, c’est une idéeuniverselle : il faut prendre un risque, ou <strong>du</strong> moinsavoir une intention claire, pour faire bouger les choses.Bart Baele : Récemment, nous discutions avecl’urbaniste, qui doit prendre sa retraite dans quelquesannées : nous lui avons demandé si, avec l’âge, ildevenait pour lui plus facile de répondre à toutes cesquestions que nous lui posions. Il nous a répon<strong>du</strong> queoui, tout simplement parce que dans la mesure où ilDossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 45


devait bientôt partir, il n’avait plus besoin de penser àsa réélection. Cette réaction en dit long sur lecomportement des gens, et sur les raisons de cecomportement.Horror Vacui serait donc une sorte d’étude decaractères contemporains…Yves Degryse : Ou de situations, oui. Les projets <strong>du</strong>cycle Holocène sont beaucoup plus « larges » : nousallons dans une ville, nous recueillons énormémentd’informations en vrac, et nous en faisons une sorte depuzzle. Avec Horror Vacui, c’est l’inverse : tout partd’une situation ou d’une personne précises, et celaouvre à des idées universelles.Vous avez tous deux une formation théâtrale : en quelsens les formes singulières que vous pro<strong>du</strong>isez serattachent-elles au théâtre ?Yves Degryse : Bart et moi nous connaissons depuisque nous avons 14 ans. J’ai étudié dans une écoled’acteurs à Anvers, et Bart a appris les lumières et ledesign sonore à Amsterdam. Après nos études, nousnous sommes revus, nous avons parlé de ce qui nousplaisait dans notre pratique, de ce qui nous plaisaitmoins. Et nous avons décidé – c’est un choix personnel,non un jugement général sur ce qui se pro<strong>du</strong>it parailleurs – de rester libres de choisir, pour chaqueprojet, quelle discipline et quel médium nous voulionsutiliser. D’adapter notre manière de travailler à chaqueprojet spécifique. Au début, c’était un problème : lesgens voulaient vraiment savoir s’il s’agissait dethéâtre, d’installation, de cinéma… À présent que nousavons plusieurs pièces à notre actif, cela devient moinsimportant, mais quoi qu’il en soit, il ne nous intéressepas vraiment de définir ce que nous faisons. C’estquelque chose de très naturel pour nous. Cela dit, laplupart <strong>du</strong> temps, ce sont des questions que l’on sepose surtout avant de voir notre travail : en sortant dela pièce, elles n’ont plus lieu d’être, les chosessemblent plus claires .Propos recueillis par David Sanson (2010)Dossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 46


Robert WilsonLou ReedBerliner EnsembleLulude Frank WedekindMise en scène et lumière, Robert WilsonMusique et chants, Lou ReedCostumes, Jacques ReynaudCollaboration mise en scène, Ann-Christin RommenCompilation des textes et dramaturgie, Jutta FerbersCollaboration décors, Serge von ArxCollaboration costumes, Yashi TabassomiDirection musicale, Stefan RagerLumière, Ulrich EhAvec Ulrich Brandhoff, Alexander Ebeert,Anke Engelsmann, Markus Gertken, Ruth Glöss,Jürgen Holtz, Boris Jacoby, Alexander Lang,Marko Schmidt, Sabin Tambrea, Jörg Thieme,Georgios Tsivanoglou, Angela WinkleretStefan Rager (batterie, insertions musicales), Ulrich Maiß(clavier, violoncelle), Dominic Bouffard (guitare), FriedrichPravicini (bugle, violoncelle, harmonica),Andreas Walter (basse), Joe Bauer (bruitage)Compagnon de route <strong>du</strong> <strong>Festival</strong> d’Automnedepuis la toute première édition, RobertWilson retrouve aujourd’hui les comédiens<strong>du</strong> Berliner Ensemble – le théâtre fondé parBertolt Brecht à Berlin en 1949. Un an aprèsleur inoubliable lecture de L’Opéra dequat’sous, ils revisitent ensemble un autremonument de l’Allemagne expressionnisteavec Lulu, mythique pièce de Frank Wedekindqui inspira un film à G. W. Pabst et un opéra àAlban Berg. L’ouvrage de Bertolt Brecht et KurtWeill avait montré combien cet universesthétique, tout en contrastes exacerbés,entre crudité et sophistication, sied aumetteur en scène américain, comme à cettetroupe de comédiens virtuoses.Emmenés par la grande Angela Winkler,épaulés par quelques familiers de l’univers deRobert Wilson – le costumier JacquesReynaud, le musicien Lou Reed (avec lacomplicité de qui il avait déjà signé en 1996 lemémorable Time Rocker, et, en 2000, lespectacle POEtry) –, ceux-ci se plongent corpset âme dans cette «tragédie monstre » qui estaussi une œuvre-fleuve : Lulu est en effet laréunion de deux pièces – L’Esprit de la terre etLa Boîte de Pandore – dont le préten<strong>du</strong> «amoralisme » valut à leur auteur, à l’orée <strong>du</strong>XXe siècle, des démêlés avec la censure. Maisderrière la scandaleuse, irrésistible et délétèreascension de cette femme ô combien fatale, ily a l’une des grandes tragédies modernes, etune ode étourdissante à la liberté.En ayant le courage d’ouvrir cette « boîte dePandore » contenant tous les maux del’humanité, Lulu s’impose, selon les mots deKarl Kraus, comme « une somnambule del’amour, celle en qui tous les privilèges de lafemme ont été transformés en vices par unmonde imbu de ses idées sociales ».<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Théâtre de la VilleVendredi 4 au dimanche 13 novembre 19h30,dimanche 15h,Relâche dimanche 6 et jeudi 10 novembre22€ et 34€Abonnement 22€Durée estimée : 3hSpectacle en allemand et en anglais surtitré en françaisSpectacle créé au Berliner Ensemble le 12 avril2011Coréalisation Théâtre de la Ville-<strong>Paris</strong> ; <strong>Festival</strong> d’Automne à PariSCe projet bénéficie <strong>du</strong> soutien <strong>du</strong> Programme Culture del’Union Européenne.Contacts presse :<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort, Christine Delterme01 53 45 17 13Théâtre de la VilleJacqueline Magnier01 48 87 84 61Dossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 47


Robert WilsonBiographieLe New York Times a décrit Robert Wilson comme« une figure majeure dans le monde <strong>du</strong> théâtreexpérimental ». Son travail scénique intègre unelarge variété de moyens artistiques, combinant lemouvement, la danse, la peinture, les lumières,l’esthétique <strong>du</strong> mobilier, la sculpture, la musiqueet le texte, ces éléments se fondant en unensemble parfaitement unifié. Ses imagesvisuelles sont à la fois d’une grande forceesthétique et émotionnelle et ses pro<strong>du</strong>ctions ontconnu un accueil enthousiaste de la critique et <strong>du</strong>public dans le monde entier.Né à Waco (Texas), Robert Wilson fait ses études àl’Université <strong>du</strong> Texas et au New York City’s PrattInstitute. Dans les années 60, il est reconnucomme l’une des figures de proue de l’avant-gardethéâtrale de Manhattan. En collaboration avec lafondation Byrd Hoffman School of Byrds, il crée desspectacles tels Le Regard <strong>du</strong> sourd (1970) et TheLife and Time of Joseph Staline (1973). En 1976, sonopéra Einstein on the Beach, sur la musique dePhilip Glass, reçoit la consécration mondiale etfait basculer la perception conventionnelle del’opéra. Robert Wilson a réalisé dans le mondeentier (<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>, BerlinerEnsemble, Schaubühne de Berlin, Thalia Theater deHambourg, <strong>Festival</strong> de Salzbourg, BrooklynAcademy of Music) la mise en scène d’œuvresoriginales comme d’ouvrages <strong>du</strong> répertoiretraditionnel. À la Schaubühne, il crée DeathDestruction and Detroit (1979) et Death Destructionand Detroit II (1987), au Thalia Theatre, il présenteThe Black Rider (1991) et Alice (1992). Dans ledomaine de l’opéra, il met en scène Parsifal àHambourg (1991), Houston (1992) et Los Angeles(2005), La Flûte enchantée (1991), Madame Butterfly(1993), Pelléas et Mélisande (1997) à l’Opéranational de <strong>Paris</strong>, Lohengrin au Metropolitan Operade New York (1998, 2006).Parmi ses dernières pro<strong>du</strong>ctions, citons I La Galigo(basée sur le folklore épique d’Indonésie), créée auMuziektheater d’Amsterdam en 2004 et présentéeen 2005 au Lincoln Center de New York et LesFables de La Fontaine à la Comédie-Française. Ilcontinue à superviser la reprise de ses pluscélèbres pro<strong>du</strong>ctions, telles The Black Rider àLondres, San Francisco, Sydney et Los Angeles, LaTentation de Saint Antoine à New York et Barcelone,Erwartung à Berlin, Madame Butterfly au Bolchoï deMoscou, la Tétralogie au Théâtre <strong>du</strong> Châtelet.En 2010, Robert Wilson met notamment en scèneKrapp’s Last Tape qu’il tourne à Séoul, à Rome et àLodz, ainsi que la pièce de Samuel Beckett Happydays (Oh les beaux jours), présentée en France auThéâtre de l’Athénée. Le spectacle The ThreepennyOpera (L’Opéra de quat’sous), programmé au<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> en 2009, poursuit satournée mondiale. En 2010, Robert Wilson signeégalement KOOL : dancing in my mind ; film qu’ilréalise en hommage à la danseuse SuzushiHanayagi. Théâtrale, l’oeuvre de Robert Wilson estaussi ancrée dans les Beaux-Arts (peinture,sculpture, dessin et photographie). Ses réalisationsdans ce domaine ont été exposées dans les grandsmusées et galeries <strong>du</strong> monde entier. Le CentreGeorges Pompidou et le Boston Museum of FineArts ont présenté des rétrospectives Robert Wilson.Il a réalisé des installations pour le StedelijkMuseum d’Amsterdam, le Boymans Van BeuningenMuseum à Rotterdam, le London’s Clink StreetVaults, MASS MoCA et les musées Guggenheim deNew York et Bilbao. Son travail sur les œuvresd’Isamu Noguchi et de Giorgio Armani a étéprésenté au Noguchi Garden Museum de New Yorket à Rome. Chaque été, Robert Wilson dirige uneacadémie d’été au Watermill Center à Long Island,centre expérimental d’art pluridisciplinaire dédiéà la création collective, qui réunit professionnelsconfirmés et jeunes artistes.Il a reçu de nombreux prix dont un Obie Award pourla mise en scène, le Golden Lion pour la sculpture àla Biennale de Venise 1993, le Dorothy and LilianGish Prize, le Premio Europa Award de TaorminaArte, deux Guggenheim Fellowship Awards, leRockfeller Foundation Fellowship Award, uneNomination pour le Prix Pulitzer, le NationalDesign Award for Lifetime Achievement. RobertWilson est membre de la American Academy of Artsand Letters et Commandeur dans l’Ordre des Artset des Lettres.Robert Wilson au <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> :1972 Ouverture (Musée Galliera)1974 A Letter for Queen Victoria, opéra. Musiqued’Alan Lloyd (Théâtre des Variétés)1976 Einstein on the Beach avec Philip Glass(Opéra Comique)1979 Edison (Théâtre de <strong>Paris</strong>)1983 The Civil War, A Tree is Best Measured When Itis Down (Théâtre de la Ville)1984 Medea, opéra. Musique de Gavin Bryars(Théâtre des Champs-Élysées)1986 Alcestis (MC 93)1987 Hamletmachine(Théâtre de Nanterre-Amandiers)1991 Exposition Mr Bogangles’ Memory(Centre Pompidou)1992 Einstein on the Beach, avec Philip Glass.Chorégraphie Lucinda Childs (MC93)Lights and Lights(Théâtre de Gennevilliers)1993 Orlando (Odéon-Théâtre de l’Europe)1994 Une Femme douce (MC 93)1995 Hamlet, a Monolog (MC 93)1997 La Maladie de la mort (MC 93)2006 Quartett (Odéon – Théâtre de l’Europe)2009 L’Opéra de quat’sous(Théâtre de la Ville)Dossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 48


Berliner EnsembleBiographieTroupe fondée par Bertolt Brecht et Helene Weigelen 1949, après la création de Mère Courage, leBerliner Ensemble s’installe en 1954 à son siègeactuel, le Theater am Schiffbauerdamm. Sesuccèderont à sa tête après la mort de BertoldBrecht en 1956, Helene Weigel, Ruth Berghaus,Manfred Wekwerth, puis une direction collective(Matthias Langhoff, Fritz Marquardt, Heiner Müller,Peter Palitzsch et Peter Zadek). C’est en 1999 queClaus Peymann après avoir dirigé leSchauspielhaus de Bocheum et le Burgtheater deVienne, prend la direction <strong>du</strong> Berliner Ensemble. Ilmettra d’abord l’accent sur la création de textescontemporains et de classiques revisités, parmilesquels Richard II de Shakespeare. Il monteensuite plusieurs pièces de Bertold Brecht et invitede nombreux metteurs en scène à travailler avecla troupe, tels que Robert Wilson, Peter Stein ouencore Luc Bondy. Le théâtre contemporainallemand occupe aujourd’hui une place centrale auBerliner Ensemble, avec des pièces d’ElfriedeJelinek, Peter Handke et Albert Ostermaier.www.theatredelaville-paris.comEntretien avec Robert WilsonComment en êtes-vous venu à travailler sur Lulu ?Avez-vous déjà mis en scène l’opéra qu’Alban Berg atiré de cette pièce ?Robert Wilson : Cela fait des années que je voulaismettre en scène cette pièce. J’ai toujours étéfasciné par le film de Pabst avec Louise Brooks, etj’ai vu beaucoup de mises en scène, qui ne m’ontjamais convaincu. De même, j’ai très souventpensé à porter à la scène l’opéra de Berg, maisl’opportunité ne s’en est encore jamais présentée…Depuis pas mal de temps, Lou Reed et moi parlionsde refaire quelque chose ensemble. Et je me suisdit que cette pièce pourrait très bien se prêter à samusique et à ses mots. Aussi, lorsque le BerlinerEnsemble m’a demandé de leur proposer un projetaprès celui que j’avais fait sur les Sonnets deShakespeare, j’ai pensé que Lulu pourraitconstituer un bon complément aux autres de mescréations qui font partie <strong>du</strong> répertoire del’ensemble, L’Opéra de quat’sous et Léonce et Lena.Lorsque vous mettez en scène une pièce aussifameuse, vous intéressez-vous à ce que d’autresmetteurs en scène en ont fait ?Robert Wilson : Je ne fais jamais de recherchesconcernant les autres pro<strong>du</strong>ctions. J’ai d’abordréfléchi à la période à laquelle la pièce avait étéécrite. J’avais en tête une image de SarahBernhardt, j’essayais de m’imaginer à quoi elleaurait pu ressembler dans ce rôle.Ce drame de Wedekind, que représente-t-il pourvous ?Robert Wilson : Un autre monde – un monde qui estirréel. Contrairement à ce que l’on pense souvent,Wedekind considérait cette œuvre comme quelquechose de plastique, et non de naturaliste.Votre version s’ouvre de manière inhabituelle : parla mort de Lulu…Robert Wilson : Mon théâtre est un théâtre formel,et le fait de commencer par sa mort permettait deregarder les événements avec distance, demanière formaliste. Grâce à cela, je pouvaismélanger librement les époques, en phase avecnotre façon de penser. Faire en sorte que lesévénements de la vie de Lulu soient quelque chosequi aurait pu se passer hier, quelque chose quipourrait se passer demain, ou aujourd’hui. Untemps qui suscite les plus libres associations, etnon un temps chronologique. Traversant toute lapièce, il y a une ligne que l’on pourrait dire <strong>du</strong>temps « naturel », et cette ligne de temps naturelest interrompue par des moments-clés, le plussouvent liés à sa mort, qui sont des moments detemps surnaturel.Votre vision de Lulu semble très sombre, plusencline à souligner la dimension sordide de la piècede Wedekind que son érotisme…Robert Wilson : Je ne suis pas tout à fait d’accord.Cette pièce, pour moi, c’est à la fois la lumière etl’obscurité. L’une ne peut exister sans l’autre. ElleDossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 49


est interprétée de manière mélodramatique : làencore, il s’agit d’un outil formel qui permet detenir les émotions à distance. Ce que j’aime avecle mélodrame, c’est que même les moments lesplus sombres peuvent être joués de manièrelumineuse. Quand quelqu’un se déshabille, il va desoi que l’on pense à quelque chose de sexuel, maisun prêtre dans sa robe, ou une nonne dans sonhabit, peuvent être tout aussi sexy et érotiques àleur façon. Si Gypsy Rose Lee, la célèbre stripteaseuse,était grande, c’est précisément parcequ’elle n’ôtait pas tous ses vêtements. Il luisuffisait de retirer un seul de ses longs gants pourque ce soit sexy et troublant.Qui est Lulu selon vous ? Et pourquoi ce choixd’Angela Winkler pour tenir le rôle, bien qu’elle soitbeaucoup plus âgée que l’héroïne de Wedekind ?Robert Wilson : Lulu peut être chacun d’entre nous.J’ai choisi Angela Winkler parce que j’aime sa voix,j’aime la regarder. Elle est particulièrement douéepour pro<strong>du</strong>ire le son le plus doux, ce qui est lachose la plus difficile à faire au théâtre. Je pensequ’elle était le complément idéal au rockanguleux de Lou Reed. Et elle fait partie des raresacteurs à connaître le pouvoir <strong>du</strong> silence. Dans lamesure où mon travail est formel, je ne vois aucunproblème à ce que quelqu’un d’âgé joue le rôle dequelqu’un de jeune, qu’un homme interprète unefemme, ou inversement. J’ai demandé à MariannaHoppe de jouer Lear lorsqu’elle avait 80 ans. Il y alongtemps, j’ai vu le Roi Lear de Klaus MichaelGrüber, avec Bernhard Minetti dans le rôle-titre etDavid Bennett dans le rôle <strong>du</strong> fou. À l’époque, jem’étais dit qu’il aurait été intéressant de fairejouer Lear par David, et le fou par Minetti.La littérature allemande <strong>du</strong> début <strong>du</strong> XXe siècle etl’univers expressionniste semblent vous inspirerparticulièrement – si l’on songe par exemple àvotre mise en scène de L’Opéra de quat’sous deKurt Weill. Dans quelle mesure diriez-vous que cemouvement – comme plus tard le Bauhaus d’OskarSchlemmer – a pu influencer votre sens del’architecture et votre conception <strong>du</strong> mouvement ?Robert Wilson : Je viens de la même école. Là oùtout mouvement est considéré comme de la danse,qu’il soit pro<strong>du</strong>it avec les yeux ou avec les doigts,que l’on marche ou que l’on se contente de resterdebout. Où les éléments visuels sont envisagésd’une manière architecturale, et non comme unedécoration scénique. Les expressionnistes, lethéâtre <strong>du</strong> Bauhaus ou les films muets mettaientlibrement en scène un monde non naturaliste,conscients que le fait même d’être en scène étaitdéjà quelque chose d’artificiel, non quelque chosede naturel. C’est quand on s’imagine jouernaturellement en scène que cela semble le plusartificiel, c’est un mensonge.Pour chaque création, vous commencez toujourspar élaborer un « carnet visuel » (visual book) danslequel vous consignez les éléments ayant trait auxlumières, aux gestes, etc. Comment procédez-vouspour ce faire – et dans le cas de Lulu, à quoi cecarnet ressemblait-il, quels en étaient les élémentsclés? Par exemple, comment avez-vous eu l’idée dece merveilleux paysage de la partie « parisienne »de la pièce, avec les lustres et les cyprès ?Robert Wilson : Pour être honnête, je ne suis pasvraiment sûr de la façon dont une idée me vient. Jefais une chose, puis une autre, et ensuite je regardede quelle manière celle-ci peut être reliée à cellelà,ou non. J’ajoute ensuite un autre élément, etencore un autre, puis j’en soustrais un. Ce n’est pasun processus intellectuel, mais une manière defaire l’expérience d’une œuvre. Cela se passe à unniveau qui n’est pas celui de l’intellect. Une foisprécisé cela, je dirais que je pars habituellementd’un diagramme qui m’aide à clairement visualiserl’ensemble. Dans le cas de Lulu, j’ai pensé à uneligne interrompue par différentes boîtes noires,d’abord une petite, puis une plus grande, latroisième encore plus grande, et ainsi de suite,jusqu’à ce qu’à la fin, l’espace tout entier soit noir,et puis après tout blanc. Ces boîtes noires étaientdes références à la scène de la mort de Lulu. Laligne elle-même était un flash-back, un souvenir desa vie. Dans certains cas, elle symbolise les lignesdes autres personnages, comme si la pièce sedéroulait dans sa tête.Dans votre travail, tous les éléments – la musique,les lumières, etc. – viennent-ils en même temps ?Sinon, par quoi commencez-vous habituellement ?Robert Wilson : Cela commence toujours par lalumière, c’est elle qui crée l’espace, puis tous leséléments trouvent leur place. Souvent, je travailleensuite avec tous les éléments ensemble, mais ilm’arrive de les traiter séparément.Comment avez-vous travaillé avec Lou Reed – etcomment avez-vous en particulier déterminé lesendroits où il devait y avoir des chansons et de lamusique ?Robert Wilson : Environ huit mois avant, j’ai réaliséun plan de l’œuvre « muet », dans lequel j’avaisébauché toute l’action de la pièce. En y travaillant,j’ai utilisé les musiques de Lou préexistantes : uneballade, quelque chose de tranquille, quelquechose de fort, un morceau lent, un autre rapide – etj’ai ensuite suggéré les endroits où il pouvait yavoir des chansons, et quels types de chansons,ainsi qu’une construction spatiotemporelle. C’est àpartir de cela que Lou a écrit la musique.Votre première collaboration avec le BerlinerEnsemble remonte à 1998, avec la création <strong>du</strong> Volau-dessus de l’océan de Brecht. Mais vous aviezauparavant noué une amitié solide avec HeinerMüller, qui en fut l’un des intendants de 1992 à samort en 1995. Que représente ce théâtre pourvous ?Robert Wilson : En 1969, Stefan Brecht [fils deBertolt Brecht et de l’actrice Helene Weigel, Ndlr.]était venu voir ma pièce The King of Spain auAnderson Theater de New York. Il n’y avait quedeux représentations. À la suite de cela, ilm’écrivit une lettre pour me dire qu’il avait aimécette pro<strong>du</strong>ction et qu’il souhaitait me rencontrer.Il me signalait qu’une pro<strong>du</strong>ction de L’Opéra dequat’sous, avec Barbara Harris, était présentée àDossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 50


Broadway, et que, mécontent de la mise en scène,il envisageait de l’annuler. Son idée était que jem’intègre au projet pour le mettre en scène. Je luirépondis que je ne me sentais pas qualifié. Je neconnaissais pas le théâtre, et encore moins lethéâtre musical. Deux semaines <strong>du</strong>rant, il essayade me convaincre, mais je déclinais sa propositionà chaque fois. En 1971, lorsque ma première pièce,Le Regard <strong>du</strong> sourd, fut pro<strong>du</strong>ite en France, StefanBrecht y tenait un rôle. J’ai rencontré sa mère, quise trouvait à <strong>Paris</strong> pour y jouer Mère Courage. Ellem’invita à venir voir le Berliner Ensemble, et àvenir l’y voir jouer. Quelques mois plus tard, jerecevais une invitation à me rendre à Berlin pour ymettre en scène un opéra. J’y suis parti undimanche, j’ai rencontré le directeur de l’opéra, etle même soir, j’allais à Berlin-Est, au BerlinerEnsemble, pour voir Helene Weigel, comme ellem’y avait invité. Lorsque je suis arrivé au guichet,on m’apprit qu’elle était morte deux jours plus tôt.Ce soir-là, je suis allé pour la première voir auBerliner Ensemble, voir une pièce de Seán O’Casey.Lorsque Heiner Müller eut 60 ans, il me demanda sije voulais bien venir parler à l’Akademie derKünste de Berlin pour cet anniversaire. Lelendemain, il m’emmena au Berliner Ensemblepour y assister à une réunion de pro<strong>du</strong>ction. C’étaitpour moi quelque chose de très étrange et de trèsaustère. Les acteurs, les décorateurs, l’équipe depro<strong>du</strong>ction étaient assis tout autour d’une piècedéserte, et chacun exprimait ses pensées, c’étaittrès formel. Quelques années plus tard, à la chute<strong>du</strong> Mur, on demanda à Heiner Müller de devenir ledirecteur artistique <strong>du</strong> Berliner Ensemble, et il meproposa d’en prendre la codirection avec lui. J’aidécliné. Plus tard encore, le Berliner Ensemble acopro<strong>du</strong>it ma pro<strong>du</strong>ction de La Mort de Danton au<strong>Festival</strong> de Salzbourg. Lorsque Claus Peymann estdevenu intendant, il a donné ma pro<strong>du</strong>ction deWoyzeck, avec la musique de Tom Waits, pour dixreprésentations. Il m’a ensuite invité à mettre enscène quelque chose dans son théâtre, et j’ai choisiLe Vol au-dessus de l’océan, la pièce radiophoniquede Brecht. Ont suivi Léonce et Lena, Un conted’hiver, L’Opéra de quat’sous, les Sonnets deShakespeare, et aujourd’hui Lulu.En quoi votre travail avec le Berliner Ensemblediffère-t-il de vos expériences passées ?Robert Wilson : Je pense que le Berliner Ensembleest un ensemble au vrai sens <strong>du</strong> terme. J’ai une trèsbonne relation avec tous les départements – latechnique, la dramaturgie, le maquillage, lescostumes – et avec Claus Peymann en tant quepro<strong>du</strong>cteur, et nous menons un vrai travaild’équipe. Et bien que Claus Peymann soit lui-mêmemetteur en scène, avec un style et une esthétiquepropres, il m’a toujours beaucoup soutenu, et jen’ai jamais senti de sa part aucune pression pourme faire dévier de ma ligne esthétique. Cela fait10 ans que je travaille là-bas, je connais lescomédiens et ils me connaissent, et c’est sur scèneque cela se vérifie : les choses sont très différenteslorsqu’un metteur en scène invité ne connaît pasvraiment les acteurs. Je ne suis pas quelqu’un detechnique, mais mon travail, lui, l’est beaucoup. Jesuis dépendant <strong>du</strong> service technique, et pour moi,les techniciens – le déplacement de tel élémentde décor sur scène, les changements de plateau –sont aussi importants que les acteurs. Ils meconnaissent, je les connais, nous nous respectonset nous soutenons mutuellement.Le terme de « distanciation » revêt une pertinencesingulière dans le cas de votre travail, y comprisavec cette Lulu. Dans quelle mesure l’influence deBrecht est-elle importante pour vous ?Robert Wilson : Lorsque j’ai rencontré Stefan Brechtpour la première fois, en 1969, il m’a dit que jeserais le metteur en scène idéal pour le théâtre deson père. À cette époque, j’ignorais tout <strong>du</strong> théâtrede Brecht. Mais il m’a dit qu’il sentait qu’à certainségards, nous étions très proches, et à d’autres trèsdifférents. Presque dix ans plus tard, lorsque j’airencontré Heiner Müller et qu’il m’a dit :« Evidemment, vous avez été influencé par BertoltBrecht », je lui ai répon<strong>du</strong> que je connaissais trèsmal l’œuvre de Brecht et ses conceptions <strong>du</strong>théâtre. À présent que j’en sais plus, je vois bienqu’il y a indéniablement des similarités dans nosmanières de concevoir la scène. Brecht parlais d’unthéâtre épique, dans lequel tous les éléments sontégalement importants. Je crois beaucoup en unthéâtre de ce genre. Depuis le tout début, monthéâtre a toujours été formel, ménageant unecertaine distance entre les acteurs et ce qu’ilsdisent et font, et une certaine réserve, unedistance entre les acteurs et le public – uneréserve qui permet au public de venir à eux sansqu’ils aient trop à insister. On est ici très proche <strong>du</strong>théâtre de l’aliénation de Brecht. Mais si on décritsouvent son travail comme politique, je ne l’aijamais envisagé comme tel. Je le considéreraisplutôt comme philosophique. Je pense que lapolitique et la religion divisent les hommes, etn’ont pas leur place au théâtre. C’est pourquoi j’aichoisi, dans mon propre travail, de ne pas faire dethéâtre politique et de ne pas mettre la religionen scène. Même si je n’ai rien contre les gens quifont ce genre de choses.Vous avez déclaré ne pas vouloir faire un « théâtrede l’interprétation » : dans ce cas, commentdéfiniriez-vous votre théâtre, et pourquoi faireappel à des interprètes aussi marquants qu’IsabelleHuppert ou Angela Winkler ? Qu’est-ce qu’ils vousapportent, et comment concevez-vous lesmouvements que vous leur demandez d’exécuter ?Robert Wilson : Je ne pense pas qu’il nous faille, surscène, donner des réponses, mais plutôt poser desquestions. Dans mes mises en scène, IsabelleHuppert comme Angela Winkler sont trèsformelles. Isabelle Huppert possède une capacitéd’abstraction sidérante. Elle est capabled’exécuter des gestes totalement dépourvus designification – et accepter cela comme uneexpérience. Je laisse les acteurs libres de penser cequ’ils veulent. Je leur demande seulement de nepas insister pour que le public pense la mêmechose qu’eux. Je leur demande d’aborder l’œuvreDossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 51


avec un esprit ouvert, en demandant ce qu’elle est,et non en affirmant ce qu’elle est.Propos recueillis par David SansonDossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 52


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Valérie DrévilleParoles d’acteursLa Troade de Robert GarnierMise en scène, Valérie DrévilleCollaboration artistique, Philippe DucouAvec : Marie-France Alvarez, Juliette Lamboley,Charlotte Victoire Legrain, Eva Leimbergerova,Géraldine Martineau, Alexandre Desane, Raphaël Goldman,Karim Leklou, Sidi-Ali Limam, Vincent Menjou-Cortès<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Adami / Théâtre de l’AquariumJulie Brochen, Jean-Pierre Vincent ou JoëlJouanneau ont en commun d’avoir chacunexpérimenté le dispositif « Paroles d’acteurs». Rien d’étonnant pour ces metteurs enscène, qu’on sait attachés à transmettre lamémoire théâtrale : « Paroles d’acteurs » –pro<strong>du</strong>it par l’Association Artistique del’ADAMI depuis seize éditions, dont sixprésentées dans le cadre <strong>du</strong> <strong>Festival</strong>d’Automne – encourage en effet les activitésde transmission en suscitant la rencontreentre des « maîtres de théâtre » et de jeunesacteurs issus <strong>du</strong> champ cinématographique.L’an passé, ces acteurs, sélectionnés par «Talents Cannes », avaient pu découvrir lalangue <strong>du</strong> dramaturge allemand RolandSchimmelpfennig, l’initiative revenant àMarcial Di Fonzo Bo, fondateur <strong>du</strong> Théâtre desLucioles. À la comédienne Valérie Dréville detransmettre, pour cette 16e édition, unepensée <strong>du</strong> théâtre qu’elle s’est forgée auprèsdes plus grands maîtres contemporains.Marquée par sa formation puis son parcoursd’actrice chez Antoine Vitez, interprèteinoubliable des mises en scène de Luc Bondyou Alain Françon, témoin <strong>du</strong> dynamisme del’école russe qu’incarne Anatoli Vassiliev,Valérie Dréville propose de s’immerger dansl’œuvre <strong>du</strong> dramaturge français RobertGarnier. La Troade, rédigée en 1579, relate leclimat de persécution qui suit la chute deTroie. Centrée sur la figure endeuilléed’Hécube, cette tragédie baroqued’inspiration grecque témoigne <strong>du</strong> fanatismereligieux qui déchire le XVIe siècle comme <strong>du</strong>raffinement d’une langue française tout justenaissante.Lundi 7 au vendredi 11 novembre 20h30,Vendredi 16h10€ et 15€Abonnement 10€Contacts presse :<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort, Christine Delterme01 53 45 17 13Copro<strong>du</strong>ction Association Artistique de l’Adami<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>En collaboration avec le Théâtre de l’AquariumThéâtre de l’AquariumMonique Dupont06 19 15 04 72Dossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 54


Valérie DrevilleBiographieNée en 1962, Valérie Dréville se forme à l’EcoleNationale de Chaillot dans la classe d’AntoineVitez, qui la dirige notamment dans Electre deSophocle, dans Le Soulier de satin de Paul Claudel,dans La vie de Galilée de Bertolt Brecht et dans LaCélestine de Fernando de Rojas. Elle entre ensuiteau Conservatoire National Supérieur d’ArtDramatique où elle suit les cours de GérardDesarthe, Daniel Mesguich et Claude Régy. Elledécouvre avec ce dernier les univers des auteursGregory Motton (La Terrible Voix de Satan), Jon Foss(Quelqu’un va venir et Variations sur la mort) ouMaurice Maeterlinck (La Mort de Tintagiles).Nommée par Antoine Vitez, elle entre à la ComédieFrançaise en 1989. Elle y fait une rencontredéterminante, qui marque à jamais son parcours decomédienne : celle <strong>du</strong> metteur en scène russeAnatoli Vassiliev pour qui elle joue dans Balmasqué de Mikhail Lermontov puis, en 2002, dansMédée-Matériau de Heiner Müller. Conquise par laméthode issue de Stanislavski, elle apprend lalangue d’Anatoli Vassiliev et se rend à Moscou poursuivre des cours dans son école. En 1993, ellequitte la Comédie Française, retrouve sonindépendance et travaille avec assi<strong>du</strong>ité authéâtre comme au cinéma. Dirigée par de grandsmetteurs en scène, tels que Luc Bondy (Phèdre, deRacine en 1998), Alain Françon (Pièces de guerre en1994 et Chaise en 2006, deux pièces d’EdwardBond), Aurélien Recoing (Tête d’Or de Paul Claudel,en 1988), Bruno Bayen, Jean-Pierre Vincent ou JulieBrochen, elle joue au cinéma sous la direction desplus grands. Ainsi, pour Jean-Luc Godard dansPrénom Carmen, pour Alain Resnais dans La vie estun roman, pour Arnaud Desplechin dans Lasentinelle ou pour Michel Deville dans La maladiede Sachs. En 2008, Valérie Dréville est artisteassociée au <strong>Festival</strong> d’Avignon, avec RoméoCastellucci. A cette occasion, elle met en scènePartage de midi de Paul Claudel, pièce présentéedans la carrière de Boulbon. Elle revient en 2010 au<strong>Festival</strong> d’Avignon pour Délire à deux, de Ionescodans une mise en scène de Christophe Feutrier. En2011, elle joue dans la mise en scène de CéliePauthe, Le Long vaoyage <strong>du</strong> jour et de la nuit, qui sejoue au Théâtre National de la Colline, à laComédie de Reims puis à La Criée.Philippe DucouBiographiePhilippe Ducou a débuté comme danseurinterprètedans les années 80 grâce à TrudyKressel, Françoise et Dominique Dupuy, lesprofesseurs de ses débuts. Il obtient le diplôme deprofesseur de danse en 1992. Interprète auprès denombreux chorégraphes comme AlexandreWitzmann Anaya (Sphinx, 1990), Martin Kravitz(Cauchemar Hands, 1991 ; Langues sacrées, 1992 ;Comtes et Confessions, 1993), Luc Petton (Trio,1996), Susanne Linke (Lulu de Wedekind, mise enscène de Stephan Märki, rôle dansé de Jackl’éventreur), Urs Dietrich (à Bremen, il danse dansDoremilatitodt, Moment Mal et Raum), RégineChopinot (La danse <strong>du</strong> temps, 2000), Laura de Nercy,Bruno Dizien et Maria Vittoria Campiglio... ildéveloppe une activité de danseur et dechorégraphe et ce, particulièrement en Allemagne.Il participe ainsi à des pièces de théâtre auDeutsches Nationaltheater de Weimar (parexemple, pour les mises en scène de StephanMärki : Werther, de Goethe en 2003 ou Wilhelm Tellde Schiller en 2004). De même, il écrit plusieurssoli qu’il regroupe dans une soirée intituléeRegard, regard (2004), des <strong>du</strong>os avec différentsdanseurs en France et en Allemagne tels queVariations für 2 Tänzer und 2 Boxen avec HansFrederwess (2000), Sous le silence, Et si jem’occupais de toi maintenant avec Paola Piccolo(2002 et 2004), Die Zahl der Liebe ist Drei avec lacomédienne Claudia Meyer (2003) et des pièces degroupe : Variation für Cage (1999), Bienvenue inDeutchland (2003). En France, il crée le Théâtre <strong>du</strong>Murmure en 2004, puis chorégraphie et interprèteLucius dans Titus Andronicus de WilliamShakespeare, mis en scène de Simon Abkarian auThéâtre National de Chaillot (2003). Il chorégraphieensuite un <strong>du</strong>o dansé pour Mlle Julie -mise en scènede Jacques Falguière-, <strong>du</strong>o qu’il interprète avec lecomédien Georges Bigot (2005- 2006). De même, ilsigne une soirée sur le thème « féminin – masculin» constituée de deux soli et d’un <strong>du</strong>o avec PaolaPiccolo, et il crée -avec trois danseurs- une série depetites formes destinée à de petits espacesintitulée Les Danses de poche. Invité au Costa Ricaen 2007, il retravaille cette même année avecClaudia Meyer pour Bérénice de Jean Racine àWeimar et avec Christophe Feutrier, metteur enscène d’Un jour sans des frères Presniakov. En 2008,il collabore à la création de Partage de Midi de PaulClaudel mis en scène par Gaël Baron, NicolasBouchaud, Charlotte Clamens, Valérie Dréville etJean-François Sivadier au <strong>Festival</strong> d’Avignon et à lapièce de Simon Abkarian Pénélope, ô Pénélope. Ilretrouve Valérie Dréville et Christophe Feutrierpour la création de Délire à deux d'Eugène Ionescoprésenté au Théâtre Vidy-Lausanne et au <strong>Festival</strong>d' Avignon 2010Au cours de la saison 2009 - 2010, ilcrée un solo de danse et de théâtre à partir deHamlet machine de Heiner Müller, prévu pour fin2011. Philippe Ducou est aussi invité dans diversesstructures pour y donner stages et master-class enDossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 55


France, Italie, Grèce, Allemagne, Portugal... etdonne des week-ends pour comédiens à l’ARTA(Association de Recherche des Traditions de l’Acteur à la Cartoucherie à Vincennes et au TGP deSt Denis).Entretien avec Valérie DrevilleVous proposez aux jeunes acteurs sélectionnésdans le cadre <strong>du</strong> dispositif Paroles d’acteurs detravailler sur La Troade (1579), une tragédie deRobert Garnier. C’est une œuvre dramatique assezpeu connue… Comment la qualifieriez-vous ?Valérie Dréville : La pièce est construite sur lemodèle des Troyennes d’Euripide. C’est un auteurqui, ici, s’empare d’un thème antique –l’enlèvement des troyennes par les grecs suite à lachute de Troie - mais qui écrit en réalité sur lasituation politique de la France de son époque –celle des guerres de religions et <strong>du</strong> règne de HenriIII. Ensuite, il invente une langue nouvelle, onpourrait presque dire « avant-gardiste ». C’est unthéâtre expérimental, selon moi beaucoup moinsrigide que celui de Corneille ou de Racine, parexemple. Il écrit en alexandrin avec une rythmiquetrès particulière, accumulant les inversions,multipliant les archaïsmes. Il y a évidemment unlexique à décrypter, mais les structuressyntaxiques qu’il choisit permettent en mêmetemps une très grande liberté. Si l’on voulaitcomparer avec le champ botanique, on pourraitdire que si Racine est un jardin à la française,Garnier est de l’ordre de la forêt vierge ! C’est unelangue pleine d’aspérités, d’humour, d’humanité. Jepense qu’elle est extrêmement proche de nous, etbeaucoup plus que ce que la première lecture peutdégager. Il y a une contradiction puissante entreles archaïsmes, une certaine préciosité, et quelquechose de très universel. Chez Racine, le vocabulaireest assez restreint, on est davantage en présencede figures que de personnages, la langue estpresque abstraite. L’écriture de Robert Garnier esttrès différente, les registres sont multiples et lessituations, beaucoup plus concrètes. C’est unbonheur, pour les acteurs, de travailler dessus. Jem’en suis ren<strong>du</strong>e compte lorsque je l’ai travailléeavec les élèves de l’Ecole Régionale d’Acteur deCannes, il y a quelques temps (ce n’est pas lapremière fois que je propose cette pièce à descomédiens en cours d’apprentissage).Quelle est généralement la première réaction deces jeunes comédiens sur ce texte?Valérie Dréville : C’est d’être surpris évidemment,voire effrayé par ce style incompréhensible quinous semble a priori lointain. Plus on rentre dans lamatière, plus l’évidence de la proximité apparaît.C’est en fait cette tension entre le sentimentd’éloignement et celui de proximité quim’intéresse particulièrement. Le contexte danslequel nous allons travailler est singulier. Je n’aipas directement choisi les comédiens. Pour Parolesd’acteurs, Philippe Ducou (mon collaborateurartistique) et moi-même avons fait une sélectiond’acteurs parmi ceux qui avaient préalablementété sélectionnés dans le cadre <strong>du</strong> dispositif.Ce sont de jeunes gens qui ont tous tournés dansdes courts - métrages. Certains ont reçu uneformation théâtrale, d’autres sont vierges detoute expérience <strong>du</strong> plateau, ce qui ne lesempêche absolument pas de se plonger dans lamatière <strong>du</strong> texte. J’ai trouvé intéressant, plutôtque de leur proposer une forme voisine de leurexpérience cinématographique comme un textecontemporain, d’opter pour une œuvre plusdéroutante pour eux, avec un phrasé inédit. Lapremière chose qu’on leur demandait, c’était s’ilsconnaissaient la pièce, ce à quoi ils répondaientévidemment que non ! Ensuite, avant mêmed’avoir l’idée de jouer, la première étape était derentrer dans les mots, et l’on se rend vite compteque la langue est loin d’être aussi inabordable quecela. Elle provoque encore quelque chose en nous,comme si elle était déposée dans notre mémoirecollective.Ce qui est étonnant avec cette écriture, c’est quel’on peut jouer la même scène de différentesmanières, avec beaucoup de liberté. Il n’est pas dit,par exemple, que ce soit exclusivement unetragédie. On est face à un style un peu mouvant,incertain. On peut, à mon avis, se permettrebeaucoup de choses, des ruptures de registres, parexemple. Cela peut être un laboratoire, un terraind’expérimentation pour l’acteur.On dit des textes de Robert Garnier qu’ilsprivilégient l’éloquence contemporaine, l’artoratoire à l’action dramatique...Valérie Dréville : Il y a effectivement cettedimension, mais c’est absolument compatibleavec la présence de vraies situations théâtrales.Dans le deuxième acte, par exemple, on trouve unesituation très concrète : la guerre est finie, lesgrecs s’en vont en emportant les captives et ensacrifiant des vierges. Une femme cache sonenfant, Astyanax, dans le tombeau <strong>du</strong> père pouréviter qu’il ne soit sacrifié. C’est le filsd’Andromaque et Hector, le seul mâle troyen envie. Et Ulysse, porte-parole des grecs, vient pour luiarracher. Ça, c’est une situation théâtrale énorme !La question cruciale de la pièce se pose sans douteen ces termes : comment, par toute une série demensonges, de ruses, dans les deux campsennemis, arrive-t-on à tromper l’autre ? D’unecertaine manière, les troyens ont gagné parce queles troyennes se vengent des grecs. On ne saitjamais vraiment, finalement, qui des deuxadversaires l’a réellement emporté sur l’autre. Lanotion de jeu est d’ailleurs très présente dans LaTroade, non pas la notion de jeu d’acteur, maiscelle <strong>du</strong> jeu d’enfant, le jeu de la guerre. Larhétorique s’inscrit dans une situation trèsconcrète, beaucoup plus que ne le sont, encore unefois, les tragédies de Corneille ou de Racine.Avez-vous, vous-même, interprété cette pièce ?Valérie Dréville : Non. Je n’ai jamais joué une œuvrede Robert Garnier. J’ai découvert ce dramaturge il yDossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 56


a très longtemps. J’allais, à l’époque, dans unendroit qui s’appelait « Le quai de la gare », oùétaient réunis des gens proches de l’école deChaillot, que j’allais être amenée à intégrer. C’estla comédienne Madeleine Marion qui travaillaitbeaucoup sur Garnier.Vous êtes engagée dans une activité pédagogiqueconséquente, notamment à l’ERAC. Que pensezvous,aujourd’hui, transmettre de votre expérience<strong>du</strong> théâtre forgée chez vos trois « grands maîtres » :Antoine Vitez, Claude Régy et Anatoli Vassiliev ?Valérie Dréville : Je découvre encore aujourd’hui ceque j’en ai vraiment retiré ! Les réponses que jepeux donner seront forcément toujoursschématiques, incomplètes… Disons que j’airencontré Antoine Vitez quand j’étais toute jeuneactrice et que cette rencontre a fini par épouser laforme d’une vie, l’évolution d’une personne. Aveclui, c’était l’ouverture maximale : on peut toutjouer, on peut jouer ce que l’on n’est pas, il n’y apas d’ « emplois ». Quand on rencontre cela à 20ans, l’horizon ouvert est extrêmement large.Antoine Vitez concevait le théâtre comme le lieu de« l’exercice perpétuel ». Revendiquez-vous cetteapproche de la scène ?Valérie Dréville : Oui, certainement… Il s’est trouvéque sa disparition (1990) a créé le besoin decontinuer dans sa direction. J’étais à la ComédieFrançaise, je sentais qu’il y avait une pression trèsforte pour que je devienne « professionnelle » maisje ne m’en sentais pas les armes, j’avais encoreenvie d’apprendre. Il m’a fallu aller chercherailleurs, et j’ai eu la chance de rencontrer AnatoliVassiliev qui, d’une certaine façon, poursuit uneidée similaire. Même si le travail estsensiblement différent, j’ai retrouvé des élémentsd’enseignement d’Antoine Vitez dans l’histoire <strong>du</strong>théâtre russe. Par exemple, cette façon derevendiquer de « pouvoir tout jouer »… il l avaithérité de Tania Balachova, issue de l’école deStanislavki. C’est un continuum très fort, pour moi.Autre chose que je crois avoir apprise d’AnatoliVassiliev, c’est que tout est objectivable. Jouern’est ni une histoire de tempérament, de talent oude grâce, c’est une question de travail, de réflexionsur ce qu’est être acteur. Il y a toujours une raisonobjective, par exemple, qui fait qu’un acteur n’estparfois pas dans l’image « juste ». Il la trouve alorspar élimination, par excès. On ne peut jamaissavoir avant, on avance dans l’obscurité. Uncomédien existe lorsqu’il sait ce qu’il fait. Mêmes’il n’est pas encore à l’endroit juste, il y va, il ytravaille et il n’y a ni de quoi se désespérer, ni dequoi s’enthousiasmer à l’excès. Il faut toujoursapprendre, parce que rien n’est jamais acquis.Quant à Claude Régy, c’est tout à fait différent. Il aune telle conception <strong>du</strong> jeu, de ce qu’est la scène,qu’il a évidemment été fondamental, mais pas <strong>du</strong>tout dans le sens de cette connaissance <strong>du</strong> travailà acquérir, de différents styles à parcourir, pas dansle sens de l’exercice perpétuel et de « faire théâtrede tout » comme pouvait l’inciter Vitez ouVassiliev. Régy apporte le « défaire », ladéconstruction, le retour au vide. C’est une formede construction mais par la négation. Son théâtrenécessite l’action forte d’un metteur en scène oud’un professeur sur un acteur pour arriver au but. Cen’est pas un théâtre que l’on peut fabriquer seul.D’une certaine manière, cela doit faire partie demoi ce goût <strong>du</strong> « non-faire », mais c’est pour moi unmystère total que le théâtre de Claude Régy!Contrairement à Vassiliev, d’ailleurs, dont je voistrès concrètement la ligne d’action.Vous n’êtes pas metteur en scène…Valérie Dréville : Non, <strong>du</strong> tout. Je me placepleinement <strong>du</strong> côté <strong>du</strong> jeu, j’observe le théâtredepuis l’acteur. Cela dit, le jeu est de la mise enscène. En russe, il y a d’ailleurs deux mots pourqualifier le metteur en scène : on parle d’une partde « régisseur », d’autre part de « metteur enplace », si l’on devait tra<strong>du</strong>ire mot à mot. C’est trèscomplexe de savoir ce qui se crée pour qu’il y aitmise en scène… Quoi qu’il en soit, le travail quenous proposons avec Paroles d’acteurs n’est pas une« mise en scène ». Nous travaillons <strong>du</strong>rant troissemaines, c’est une sorte de work in progress, unatelier de travail qui donnera naissance à uneforme ouverte au public. C’est très bien, parcequ’au moins, on sait ce qu’on cherche : l’enjeu n’estpas de construire un spectacle, mais de se focalisersur un rapport à la langue, au corps.Propos recueillis par Eve BeauvalletDossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 57


Compagnie De KOEOutrage au publicde Peter HandkeMise en scène et conception, Peter Van den EedeScénographie et lumière, Matthias de KoningSon, Pol GeusensCréation culinaire, Ann Van der AuweraTechnique, Bram De Vreese, Steven BrysTra<strong>du</strong>ction en français et coaching linguistique, Martine BomAvec Gene Bervoets, Natali Broods, Sofie Palmers,Marijke Pinoy et Peter Van den EedeLes acteurs permanents de De KOE sont Natali Broods,Willem de Wolf et Peter Van den Eede.<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Théâtre de la BastilleMardi 8 au vendredi 18 novembre 21h,Relâche dimanche14€ à 24€Abonnement 12€ et 16€Durée : 1h30« La réalité, telle que la crée l’homme, estfabuleuse, mensongère et transitoire, maiselle n’en est pas moins vraie », constate DeKOE dans son manifeste. De fait, pourl’énergique collectif anversois, l’homme estavant tout un animal qui joue. Et qui ment.Proche de tg STAN, amis et collaborateurscomplices avec qui il partage une façonconviviale d’inclure la salle dans la fiction, DeKOE propose depuis 1989 de révéler toute lavérité sur le mensonge. Qu’elle se base sur unfilm (My Dinner with André à partir <strong>du</strong> film deLouis Malle), sur un essai (Du serment del’écrivain <strong>du</strong> roi et de Diderot s’inspire <strong>du</strong>Paradoxe <strong>du</strong> comédien de Diderot) – deuxpièces copro<strong>du</strong>ites avec tg STAN –, ou sur ungrand classique <strong>du</strong> théâtre (Qui a peur deVirginia Woolf ?, la comédie apocalyptique deEdward Albee), chacune de ses créationsdémantèle les rouages <strong>du</strong> jeu social etexamine les frontières entre réalité etmensonge.« Ces planches ne sont pas un monde »,écrivait Peter Handke, « elles appartiennent aumonde (…) Ce n’est pas un autre monde que levôtre ». Au vu de la similarité despréoccupations, nul ne s’étonnera de voir lecollectif De KOE adapter le brûlot culte aveclequel le dramaturge allemand avait défrayé lachronique dans les années 1960. Sa pièceOutrage au public est un saccage nihiliste etvertigineux des masques sociaux. « Lemensonge est-il, par définition, “non vrai” ? »,s’interrogent les comédiens à partir del’œuvre d’Handke. On admettra avec eux – quisavent si bien faire semblant de fairesemblant – que le mensonge est même lacondition sine qua non <strong>du</strong> fonctionnementsocial. Et que le théâtre est ce lieu où l’onapprend à ne pas en souffrir.Pro<strong>du</strong>ction De KOEPro<strong>du</strong>ction déléguée Théâtre Garonne (Toulouse)Copro<strong>du</strong>ction de la version françaiseThéâtre Garonne (Toulouse) ; Théâtre de Nîmes ; Le Parvis ScèneNationale Tarbes-Pyrénées (Tarbes) ; La Rose des Vents ScèneNationale Lille Métropole / Villeneuve d’Ascq ; Scène Nationaled’Albi ; Théâtre de la Bastille (<strong>Paris</strong>) ; <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Ce projet bénéficie <strong>du</strong> soutien <strong>du</strong> Programme Culture del’Union EuropéenneContacts presse :<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort, Christine Delterme01 53 45 17 13Théâtre de la BastilleIrène Gordon01 43 57 78 36Dossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 58


Peter Van Den EedeBiographieNé à Merchtem (Belgique) le 29 janvier 1963, PeterVan Den Eede sort diplômé <strong>du</strong> Conservatoire Doravan der Groen d’Anvers en 1987. En 1989, il crée -avec Bas Teeken - la compagnie De KOE dont il estdirecteur artistique, auteur, acteur et metteur enscène. Parmi ses principales pro<strong>du</strong>ctions retenons:Les Biologisés (1990, de KOE), Epilogue de laSolitude (1991, de KOE), Du serment de l’écrivain <strong>du</strong>roi et de Diderot, d’après Le paradoxe sur lecomédien de Denis Diderot (version française 2003,pro<strong>du</strong>ction de KOE et Tg Stan) et L’homme au crânerasé (2004, de KOE), pièce pour laquelle il estnominé aux Pays-Bas pour le prix <strong>du</strong> premier rôlemasculin / prix Louis d’Or. Il monte également Mondîner avec André, d'après le texte de WallaceShawn et André Gregory et le scénario <strong>du</strong> filmhomonyme de Louis Malle (version française 2005,pro<strong>du</strong>ction de KOE et Tg Stan), ainsi que Qui a peurde Virginia Woolf de E. Albee (version française2009, de KOE). Il joue en ce moment la trilogie LeRelèvement de L’Occident (2010-2011, de KOE).En 2003, il réalise avec le metteur en scène FrankVan Passel POES, POES, POES, un projet unique dethéâtre filmé, c’est à dire un feuilleton théâtralpour l’écran en 5 épisodes ( une copro<strong>du</strong>ctionVictoria / De KOE ). Acteur de théâtre, Peter VanDen Eede joue aussi pour le cinéma et latélévision: il tient notamment divers rôles dansdes séries télévisées comme Le Veuf de G.Simenon(1990, de Paul Cammermans), Retour àOosterdonk/Terug naar Oosterdonk (1997, de FrankVan Passel), De la chair et <strong>du</strong> sang/Van vlees enbloed (2009, de Tom Van Dijck et Michiel Devlieger)et dans quelques films comme Le Bal Masqué(1998, de Julien Vrebos) et Dirty Mind ( 2009, dePieter Van Hees). De même, il est régulièrementinvité à donner des cours au Conservatoire d’Anversou à la Toneelacademie de Maastrich .La compagnie De KOEBiographieLa compagnie De KOE a été créée en 1989 parPeter Van den Eede et Bas Teeken, diplômés <strong>du</strong>conservatoire d’Anvers, sous la direction de DoraVan der Groen. Après quelques années defonctionnement avec des subventions au coup parcoup, la compagnie a été reconnue etsubventionnée par le Ministère de la CommunautéFlamande en 1993. Depuis sa création, De KOE a eudroit à tous les adjectifs : expérimentale,exubérante, philosophique, poétique, abstraite,identifiable, fantasque, aliénante, simple,troublante...De KOE, c’est une mentalité, une philosophie :comment nous comportons-nous ensemble sur lascène, pourquoi faisons-nous <strong>du</strong> théâtre, quellessont nos motivations. Chaque représentation deDe KOE est une pièce de construction d’unrépertoire, une pérégrination, une quête demanières de vivre.Les personnages qui peuplent les représentationsde De KOE sont tristement identifiables dans leursefforts désespérés pour établir le contact etcomprendre, à travers leurs cris de chaos, de vide,de solitude, d’ennui et d’angoisse, leurs souffrancesface à leurs limites, leurs rêves jamais exaucés,bref, la souffrance de l’être. Et pourtant, forts d’unoptimisme troublant, ils ne cessent de rechercherle bonheur.Les joueurs / auteurs de De KOE sont les premiers àse déshabiller, à mettre leur âme à nu. Leurspersonnages doivent se dénuder jusqu’à l’acteur, sil’on veut que l’émotion ne s’arrête pas au niveaud’une convention. Avec une honnêteté impudente,ils montrent l’homme authentique, dans toute sabeauté et sa laideur, héros et victime de l’histoirequ’il s’invente. On ne les voit jamais tomber dansun faux sérieux. Ils savent garder une saine ironie(qui peut aller jusqu’à l’autodérision) et resterétonnants et insaisissables, car ce que respecte DeKOE par-dessus tout, c’est l’éloge de la folie. Lesdialogues témoignent de ce parler sans accent cherà Schopenhauer.Ils sont a-théâtraux et se gardent de lapsychologie de la scène. Pas de belle écriture, pasde personnages pris dans le carcan de ladramaturgie, pas d’effets de manche. Leur mission :dénoncer et envoyer au tapis tous les systèmesétablis.En termes de dramaturgie, de composition et deforme, chaque représentation s’efforce de rompreradicalement avec la précédente, ce qui metparfois à mal les règles sacrées <strong>du</strong> théâtre.Ce type de théâtre qui se cherche estnaturellement une entreprise à haut risque. Lescodes et les conventions sont bousculés, dans lebut bien précis d’en finir avec le maniérisme, lefaux sérieux, de débarrasser le théâtre de sonpseudo intellectualisme, de provoquer des petitsbouleversements, des illusions émotionnelles,d’ironiser mais aussi d’émouvoir, de détruire maisaussi de créer. Déranger. C’est exactement ce quedoit faire le théâtre s’il veut échapper à sa propremort. Il s’agit toujours pour de KOE de briserquelque chose qui s’est mortellement installé,quelque chose qui est ren<strong>du</strong> détectable par lethéâtre et qui est donc artificiel, sacré etclassique.La compagnieCréations de la compagnie De KOELes BiologisésEpilogue de la SolitudeLes 3 MagesLa Ménagerie des 3 PaumésDans la Gloire SaisonMon dîner avec André - copro<strong>du</strong>ction De KOE / Tg StanDu serment de l’écrivain <strong>du</strong> roi et de Diderot - copro<strong>du</strong>ctionDe KOE, Tg Stan et Mij DiscordiaLa Misère des jeunes WertherQuarantaineL’homme au crâne raséQui a peur de Virginia Woolf,Onomatoéee - copro<strong>du</strong>ction De KOE/Tg Stan/ Dood Paard et MijDiscordiaUtopie de l’AtomeUn Bon AnniversaireLe Relèvement de l’Occident / Blanc Rouge NoirDossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 59


Peter HandkeBiographiePeter Handke naît le 6 décembre 1942 à Griffen(Autriche), d’une mère slovène et d’un pèreallemand. Entre 1954 et 1959, il est interne aulycée de Tanzenberg. Après avoir passé lebaccalauréat en 1961, il étudie le droit à Graz. En1966, il interrompt ses études et publie sonpremier roman, Les Frelons, et la pièce Outrage auPublic, qui sera mise en scène à Francfort par ClausPeymann.Depuis lors, il rédige plus de trente récits etoeuvres de prose, dont L’Angoisse <strong>du</strong> gardien de butau moment <strong>du</strong> penalty (1969), La Courte lettre pourun long adieu (1971), La Femme gauchère (1976),Lent retour (1976), La Leçon de la Sainte-Victoire(1981), Le Chinois de la douleur (1983), LeRecommencement (1986), Mon année dans la baiede personne (2004), La Perte de l’image (2002) et LaNuit morave (2008).Ses oeuvres dramatiques sont montées par les plusgrands metteurs en scène (Peymann, Bondy, Brook) :La Chevauchée sur le lac de Constance (1970), LesGens déraisonnables sont en voie de disparition(1973), Voyage au pays sonore ou l’ Art de laquestion (1988), L’Heure où nous ne savions rien l’unde l’autre (1991), Souterrainblues (2002), et Jusqu’ àce que le Jour vous sépare (2008) jusqu’ à la grandeépopée Cependant, la tempête, qui sera en scènepour la première fois en août 2011 lors <strong>du</strong> <strong>Festival</strong>de Salzburg.Cinéaste (La femme gauchère, 1978 et L’absence,1993), il est aussi scénariste pour Claus Peymann,Wim Wenders, Benoît Jacquot, Brad Silberling.Entretien avec Peter Van den EedeEn 1966, la création d’Outrage au public, premièreœuvre théâtrale de l’auteur et réalisateurautrichien Peter Handke, fit scandale. Commentexpliquer le rejet violent de la pièce à l’époque, etque dire de son potentiel subversif aujourd’hui ?Peter Van den Eede : Le choc fut effectivementimmense pour le spectateur : on criait à l'antithéâtre,à la déconstruction nihiliste, dépouilléede toute illusion. Handke s’attaquait, avec Outrageau public, aux bases, aux fondements mêmes desrègles sociales. L’homme est un animal social quiconstruit des conventions et passe des accordspour mieux vivre en société. Il est é<strong>du</strong>qué pourrespecter ces accords et pour les transmettre.Notre comportement quotidien repose ainsi sur degrands invariants sociaux, une somme de gestes etd’actions, une mémoire collective qui nous permetd’entrer en relation avec autrui et d’être reconnu,en retour, comme un « être normal ». Nous nouscomportons généralement comme nous l’avonsappris. Cette « répétition » est, certes, un réflexeconservateur qui garantit la perpétuation de lavie. Néanmoins, en intégrant des automatismes,en ressassant inconsciemment des modèles, onprovoque parfois une perte de distance critique.Les automatismes sont évidemment trèspratiques pour marcher, faire <strong>du</strong> vélo et nager,mais peuvent devenir dangereux lorsque les idées,les contacts humains se sclérosent et se figent.Beaucoup d’actions peuvent devenir moutonnièressi elles ne sont pas remises en question. Alors, nouspouvons devenir des proies faciles pour lesmanipulations autoritaires. Comment, sinon, fairela guerre, sans la loyauté aveugle des indivi<strong>du</strong>s ?En créant Outrage au public, Handke posait, mesemble t-il, ces épineuses questions. Il rompaitaussi, et de manière radicale, avec les conventionsthéâtrales de l’époque. Une pièce sans histoire,sans intrigue, sans fil narratif, une pièce qui seraconte elle-même… Pas d’histoire pour nousaccrocher comme à un hameçon, pas d’histoireconçue pour s’évader, mais seulement la réaliténue <strong>du</strong> moment, dans l’espace. J’imagine que PeterHandke devait penser le théâtre de l’époquecomme une institution moribonde, anesthésiéepar les habitudes, ne proposant aux acteurs et auxspectateurs qu’un pâle miroir de leurs vanités.Raconter une histoire n’est jamais un but en soi,mais un moyen de toucher une matière profonde,essentielle. Peter Handke, en bouleversant lesschémas narratifs, s’est mis en quête desmatériaux de construction élémentaires <strong>du</strong> drame.En démontant chaque illusion, en décelant chaquepensée cachée, en lisant chaque soupir, en refusanttoute forme de jeu et de <strong>du</strong>perie, en bannissant laplus infime forme de mensonge, il ramenait lesacteurs et les spectateurs à la sensation brute <strong>du</strong>présent en cours. On peut imaginer à quel pointcette entreprise a pu générer une onde de choc àl’époque. Et, en effet, que signifie donc la réalitésans l’apparence ? La vérité sans le mensonge ?Lorsque ces concepts - si difficiles à analyser - neDossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 60


s’adossent plus à un mythe, à une narration claire,nous sommes per<strong>du</strong>s. Peut-on vivre sans lemensonge ? Le public était choqué. En mêmetemps, être choqué, selon moi, signifie que l’on serenferme sur soi, que l’on n’écoute et ne regardeplus vraiment. Sans doute les spectateurs del’époque y ont davantage lu une critique <strong>du</strong>théâtre qu’un acte d’accusation <strong>du</strong> théâtre <strong>du</strong>quotidien. C’est une œuvre sur les rapports entrethéâtre et vérité mais aussi sur le rapport de lasociété au mensonge. En d’autres mots, je medemande si les spectateurs ont été choqués pourles bonnes raisons.Je voudrais aussi préciser que l’Allemagne del’après-guerre, dans laquelle vivait Handke, n’estnaturellement pas comparable à l’Allemagne desannées trente. Il ne s’agit pas ici d’un problèmespécifiquement allemand, mais d’un problèmehumain.La création de De Koe dans les années 1980, commecelle <strong>du</strong> collectif tgSTAN auquel vous êtesétroitement liés, s’est elle-même faite contre unecertaine idée de l’art dramatique… Qu’est-ce qui,alors, vous semblait vain au théâtre ?Peter Van den Eede : Le rapport à la vérité et aumensonge, sans conteste. À l’époque, je trouvaisque je m’imposais d’énormes limites lorsque jejouais un rôle dans une adaptation classique. Il mesemblait que le théâtre était une sorte de jardinpublic où les enfants n’osaient pas se salir. Toutétait établi avant même qu’un spectateur entredans la salle. J’ai senti, dès le début, que c’était lecaractère live <strong>du</strong> théâtre qui m’intéressait. Jevoulais un théâtre qui ose être sauvage,imprévisible, qu’il s’agisse des personnages, de lacomposition, <strong>du</strong> jeu ou de l’interaction avec lepublic. En optant pour cette imprévisibilité, nousprenions déjà nos distances avec ce « jeupsychologique » très prégnant à l’époque. Il noussemblait qu’en montrant les artifices, en rompantavec l’impératif d’illusion, nous montrions aucontraire la vraie complexité psychologique d’unpersonnage. Dans notre théâtre, la base de notrejeu est l’hyperréalisme. C’est de là que part notreréflexion théâtrale et c’est toujours à cela qu’ellerevient.La réflexion que Peter Handke propose sur la véritéet le mensonge semble très proche de votre façonde concevoir votre pratique. Outrage au publicpourrait presque se lire comme un manifeste pourDe Koe…Peter Van den Eede : Outrage au public estnaturellement un des grands manifestes de lapensée méta-théâtrale (une pièce de théâtre quiparle de ce qu’est une pièce de théâtre). C’est unesorte de bible <strong>du</strong> théâtre pour moi, uneaccumulation virtuose de paradoxes et decontradictions. Années après années, je ne cesse delui découvrir de nouvelles dimensions. Jouer cetexte est tout aussi impossible que fantastique.On a beau répéter, au moins dix fois pendant lapièce, que ceci n’est pas une pièce, et qu’elle nesera pas jouée, en définitive…il faut bien la jouer.Nous nous efforcerons donc de ne pas jouer la pièce,mais nous aurons beau nous échiner à cela,personne ne nous croira. C’est comme un serpentqui se mord la queue. Outrage au public est un deces merveilleux démentis qui ne font queconfirmer ce qu’ils essaient de démentir.Pourquoi, alors, avoir atten<strong>du</strong> pour mettre enscène Outrage au public ? Aviez-vous déjà songé àce texte ?Peter Van den Eede : J’ai souvent été sur le point dele travailler, mais j’ai toujours reporté le moment.C’est une pièce qui demande de l’humilité, il fautapprendre à être patient avec elle, comprendrequ’il ne faut surtout pas s’empresser. Elle mefaisait peur, ça m’excitait. Je pressentais qu’il yavait une manière précise de la jouer, de trouverson essence, un type de jeu qui surprendraitbeaucoup le public. Il est important, dans ce typede « méta-théâtre », de formaliser tout ce qui estdit sur scène. J’ai travaillé dessus pour la premièrefois, il y a cinq ans, avec mes élèves. Je dois direque cela a été une expérience vraiment jouissive,pour eux comme pour moi.Quelles contraintes de jeu pose Outrage au publicpour les acteurs que vous êtes ?Peter Van den Eede : C’est un texte très riche ettrès beau. Mais comment parler cette langueinouïe ? Je ne voulais pas que le jeu - ou le non-jeu -devienne une plate illustration <strong>du</strong>texte. L’exercice aurait été superflu.L’écriture est parfois cérébrale et philosophique,récalcitrante, provocatrice, insaisissable. Le textepeut ressembler à une prière ou une litanie. Il se litaussi comme de la poésie, étranger à toute formereconnaissable de théâtre. C’est tout autant unemascarade de l’anti-théâtre qu’une ode au théâtre.Nous travaillerons très <strong>du</strong>r pour expliquer demanière aussi concrète, aussi claire et aussihédoniste possible, que ce que nous allons faire,c’est ne pas jouer. Nous ne jouerons pas la pièce deHandke. Cela prendra environ une heure et demie.Propos recueillis par Eve BeauvalletDossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 61


Joris LacosteLe vrai spectacleTexte et mise en scène, Joris LacosteDramaturgie, Rodolphe Congé et Joris LacostePerformance, Rodolphe CongéMusique, Pierre-Yves MacéLumière, Caty OliveScénographie, Nicolas CouturierDispositif sonore, Kerwin RollandAssistant mise en scène, Hugo Layan<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Théâtre de GennevilliersMercredi 9 au samedi19 novembre 20h30,Dimanche 16h,Relâche lundi11€ à 22€Abonnement 11€ et 15€Durée estimée : 1h1518 novembre 18h30 : conférence de Pascal Rousseau,historien de l’art, sur art et hypnose19 novembre 18h30 : conférence de Joris Lacostesur son travail hypnotiqueentrée libre sur réservation au 01 41 32 26 26<strong>du</strong>rée : 1h15« Qui, au théâtre, a pour habitude desommeiller confortablement sur son siègesera le spectateur privilégié de ma nouvellepièce…». C’est peu ou prou la manière dontJoris Lacoste présente Le vrai spectacle,ambitieux projet de rêverie collective ettentative de réhabilitation de l’hypnose authéâtre.Depuis 2009, cet auteur et metteur en scène,ancien co-directeur des Laboratoiresd’Aubervilliers, propose d’approcherl’hypnose en tant qu’art : quels procédés delangage favorisent l’endormissement ?Comment activer poétiquementl’imagination? Dans quelle mesure l’étatd’hypnose est-il le lieu d’une expérienceesthétique ? Un rêve peut-il être une œuvre ?On sait comment, depuis Brecht, l’hypnoseest la métaphore-repoussoir d’un théâtre del’illusion, de la manipulation, de la passivité,de l’envoûtement. La pratique hypnotiquemoderne, pourtant, loin des clichés d’antan,se conçoit bien davantage comme unecréation commune, une invitation à ouvrirdes possibles et à libérer l’imagination : unedivagation inconsciente qui est aussi,paradoxalement, une manière de s’éveiller.Dans ses premiers projets utilisant l’hypnose,la pièce radiophonique Au musée <strong>du</strong> sommeil(2009), la performance Restitution (2009),l’exposition Le cabinet d’hypnose (2010), JorisLacoste a ainsi abordé la séance d’hypnosecomme une performance pour un seulspectateur endormi, qui interprète en rêvel’histoire qui lui est racontée. Le vrai spectacleélargit le principe au théâtre et à la salle despectacle : il s’agit cette fois, en compagnie del’acteur Rodolphe Congé, de l’éclairagiste CatyOlive, <strong>du</strong> compositeur Pierre-Yves Macé, depro<strong>du</strong>ire un spectacle qui déplace la scènedans le cerveau des spectateurs. Uneexpérience quasi hallucinogène <strong>du</strong> langage,fidèle aux obsessions dramaturgiques deJoris Lacoste : montrer, en live, la fabrique desfictions et la puissance indomptable del’imaginaire.Pro<strong>du</strong>ction Échelle 1:1Copro<strong>du</strong>ction Théâtre Garonne (Toulouse) ;Le Vivat, scène conventionnée d’Armentières ; Parc de La Villette (<strong>Paris</strong>) –résidences d’artistes (2011) ; Théâtre de Gennevilliers, centre dramatiquenational de création contemporaine ;<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Avec le soutien de la DRAC Île de France, ministère de la culture et de lacommunication, pour l’aide à la pro<strong>du</strong>ction dramatiqueet avec le soutien en résidence <strong>du</strong>Théâtre Garonne à Toulouse, <strong>du</strong> Vivat, scène conventionnée d’Armentières,<strong>du</strong> Quartz, scène nationale de Brest et de la Fonderie au MansContacts presse :<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort, Christine Delterme01 53 45 17 13Théâtre de GennevilliersPhilippe Boulet06 82 28 00 47Dossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 62


Joris LacosteBiographieNé en 1973, Joris Lacoste vit et travaille à <strong>Paris</strong>.Boursier <strong>du</strong> Centre National <strong>du</strong> Livre en 1997 et2003, il écrit pour le théâtre et la radio depuis1996. Plusieurs de ses textes - publiés en Francechez Théâtre Ouvert et Inventaire / Invention - ontété tra<strong>du</strong>its en anglais, en italien, en allemand, encroate et en portugais et portés à la scènenotamment par Kinkaleri, Alain Françon, HubertColas et Ivica Buljan. Ce lauréat <strong>du</strong> programmeVilla Médicis hors les murs 2002 a été auteurassocié au Théâtre national de la Colline en 2006-2007. De 2007 à 2009, il est co-directeur desLaboratoires d'Aubervilliers et pro<strong>du</strong>it ses propresspectacles depuis 2003. Ces derniers projets - 9lyriques (spectacle créé en 2005 en collaborationavec Stéphanie Béghain, aux Laboratoiresd’Aubervilliers) et Purgatoire (spectacle présentéau Théâtre National de la Colline en 2007)travaillent à inventer des formes originalesd’écriture et de parole jouant avec les codes de lareprésentation. Empruntant aussi bien au théâtre,à la danse, aux arts visuels, à la musique, à lapoésie sonore qu’à des formes non artistiquescomme le jeu, la conférence, le discours politiqueou le sport, Joris Lacoste revendique pour sontravail une dimension de recherche que sous-ten<strong>du</strong>ne forte activité théorique. Il initie ainsi deuxprojets collectifs : le projet W (collectif derecherche entrepris avec Jeanne Revel, enrésidence aux Laboratoires d’Aubervilliers et surl’action en représentation) en 2004, etl’Encyclopédie de la parole qu’il fonde avec JérômeMauche et qu’il anime actuellement aux cotés deNicolas Rollet, Pierre-Yves Macé, Frédéric Danos,Emmanuelle Lafon, Grégory Castéra, OlivierNormand, Esther Salmona et Nicolas Fourgeaud. En2009, il a créé deux pièces : Au musée <strong>du</strong> sommeil(pièce radiophonique) à France culture et Parlementà la Fondation Cartier (repris en 2010 au Théâtre dela Bastille et en 2011 au Centre Pompidou).La CompagnieRodolphe CongéBiographieRodolphe Congé est né en 1972 et vit à <strong>Paris</strong>.Après une formation au Conservatoire Nationald'Art Dramatique, où il a joué sous la directionnotamment de Klaus Michael Grüber (Les géants dela montagne, Pirandello) et Jacques Lassalle(Nathalie Sarraute), il est interprète pour lethéâtre, le cinéma et la télévision.Il travaille au théâtre notamment sous ladirection d’Alain Françon (Café, Edward Bond,Visage de Feu, Marius Von Mayenburg, Mais aussiautre chose, Christine Angot), Stuart Seide(Moonlight, Harold Pinter), Jean-Baptiste Sastre(Tamerlan, Marlowe), Joris Lacoste (Purgatoire),Gildas Milin (Machine sans cible), FrédéricMaragnani (Barbe Bleue, Nicolas Frétel et Le casBlanche-Neige, Howard Barker), Philippe Minyana(Le couloir), et aussi d’Olivier Schneider, GillesBouillon, Bruno Sachel, Etienne Pommeret.Au cinéma, il travaille avec Siegrid Alnoy (Nosfamilles et Elle est des nôtres), François Dupeyron(La chambre des officiers), Lisa Azuelos, EricHeumann et dans plusieurs courts-métrages dirigéspar Cyril Brody, Rima Slimman, Thomas Delamarre.Cette saison, il joue dans Il faut qu’une porte soitouverte ou fermée et On ne saurait penser à tout,d'Alfred de Musset au théâtre Nanterre-Amandiers.Pierre-Yves MacéBiographiePierre-Yves Macé est né en 1980. Il vit à <strong>Paris</strong>. Ilétudie le piano et les percussions classiques auCNR de Rennes tout en s’initiant en autodidacte àla composition musicale. Son travail se situe aucroisement de la musique électroacoustique, de lacomposition contemporaine et de l'art sonore.Son premier disque, Faux-Jumeaux, paraît en 2002sur Tzadik, le label <strong>du</strong> musicien new-yorkais JohnZorn. Il collabore avec les musiciens SylvainChauveau (notamment pour le projet ON), QuentinSirjacq, That Summer, Quatuor Pli, les artistesHippolyte Hentgen, Gaëlle Boucand, ClotildeViannay, les écrivains Mathieu Larnaudie,Christophe Fiat et Philippe Vasset. Il masterise desdisques de Rainier Lericolais, Portradium, VincentEpplay et Sébastien Roux. Il participe en tantqu’artiste sonore, « collectionneur » et rédacteur auprojet de « L’Encyclopédie de la Parole », initié parJoris Lacoste aux Laboratoires d’Aubervilliersdepuis octobre 2007.Titulaire d’une maîtrise de lettres modernes etd’un DEA de musicologie, il est docteur enmusicologie à l’Université de <strong>Paris</strong> 8 (Saint-Denis).Il écrit chroniques et articles de fond pour lesrevues Mouvement, Accents (revue de l’EnsembleIntercontemporain), nonfiction.fr, la nouvelle Revued’esthétique.La compagnieDossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 63


L’Encyclopédie de la ParoleBiographieL’Encyclopédie de la parole est un projet collectifqui cherche à appréhender transversalement ladiversité des formes orales.Qu'y a t-il de commun entre de la poésie sonore,des dialogues de film, un commentaire sportif, uneconférence philosophique, un dessin animé, <strong>du</strong> rap,un message de répondeur, un jeu télévisé, unsermon religieux, une sitcom doublée en français,des discours politiques, une vente aux enchères, lebabil d'un enfant de dix-huit mois, une incantationchamanique, des déclamations théâtrales, laplaidoirie d'un avocat, des dessins animés, unepublicité, des conversations courantes ?Depuis septembre 2007, l'Encyclopédie de laparole collecte toutes sortes d'enregistrements etles assemble en fonction de phénomènesparticuliers de la parole : cadences, choralités,compressions, emphases, espacements, mélodies,répétitions, rési<strong>du</strong>s, saturations, timbres… Chacunede ces notions constitue une entrée del'Encyclopédie. Chaque entrée est dotée d'uncorpus sonore et d'un article, en consultation libresur le site web in progress de l’Encyclopédie de laparole.Lors d'ouvertures publiques, l'Encyclopédie de laparole propose par ailleurs des pièces sonores, desperformances, des conférences, des installations,des ateliers, un jeu. L’Encyclopédie de la parole estanimée par un collectif de poètes, de performeurs,d'artistes plasticiens, de musiciens, de curateurs,de metteurs en scène, de chorégraphes, deréalisateurs de cinéma ou de radio. Son slogan est :« Nous sommes tous des experts de la parole ».www.encyclopediedelaparole.orgEntretien avec Joris LacosteLe vrai spectacle n’est pas votre premier projetbasé sur l’hypnose. La pièce radiophonique Aumusée <strong>du</strong> sommeil (2009), les performances etinstallations Restitution et Le Cabinet d’hypnose(2010) exploraient déjà le potentiel artistique decette pratique. Comment l’avez-vous découverte ?Joris Lacoste : J’ai rencontré l'hypnose en 2004,alors que je préparais un autre projet intitulél’Encyclopédie de la parole (créé aux Laboratoiresd’Aubervilliers en 2007), dans lequel on collectetoutes sortes de documents sonores. C'est dans cecadre que je suis tombé sur certains disques derelaxation ou d’auto-hypnose, des enregistrementsà écouter dans son canapé et qui sont censés nousaider à arrêter de fumer, à avoir plus de charisme, àêtre moins paresseux… Il y a tout un marché.C'était bien sûr très attirant. J'ai été sé<strong>du</strong>it par laforme particulière de ces discours. La plupart sonttrès kitch. Mais certains, sans se donner <strong>du</strong> toutcomme artistiques, n'en possèdent pas moins deréelles qualités esthétiques, avec des jeux derépétitions / variations parfois très inventifs quime rappelaient les procédés poétiques de GertrudeStein ou de Christophe Tarkos. C'est ainsi que j’aicommencé à les collectionner. Mon intérêt pourl'hypnose était donc d'abord purement esthétique.Comment votre intérêt s’est-il intensifié ?Joris Lacoste : J'ai beaucoup écouté ces disques,j'adorais l'état dans lequel ils me mettaient. Etpuis, peu à peu, j'ai arrêté de fumer, je me suissenti beaucoup de charisme, j'étais beaucoupmoins paresseux… Blague à part, je me suis ren<strong>du</strong>compte que l'hypnose était quelque chose debeaucoup plus profond, de beaucoup plus riche queles clichés qu'on peut en avoir. J'ai donc entreprisdes recherches sur le sujet. J'ai parcouru l'histoirede l'hypnose depuis Mesmer, j'ai lu la littératurespécialisée dans le sujet, j'ai rencontré deschercheurs, je suis allé consulter unhypnothérapeute… Et peu à peu, j'ai entrevu unpossible usage artistique de cette pratique. J'aialors commencé à étudier les techniques del'hypnose, et d'abord sa rhétorique : il y a unensemble de règles et de figures que l'on doitmaîtriser pour in<strong>du</strong>ire l'état d’hypnose. C'est unevraie poétique. Une poétique d'autant plusintéressante à mon sens qu'elle est toutefonctionnelle : la parole vise à provoquer non pasdes effets esthétiques, mais un état physiologiquedéterminé. Elle ne vise pas la beauté, maisl'efficacité. Elle n'est belle qu'incidemment. C'estun intéressant défi d'écriture.Et c’est ainsi que vous êtes devenu hypnotiseur ?Joris Lacoste : Un jour, je me suis senti prêt àexpérimenter ma première performancehypnotique: j’ai préparé un texte, je l'ai répété, etj'ai proposé à un ami, Kenji Lefevre-Hasegawa,d'être mon spectateur. L'expérience a eu lieu chezmoi en décembre 2004. Une séance comprendtoujours deux parties : la première phase, que l'onappelle in<strong>du</strong>ction, a pour objet d'accompagner leDossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 64


spectateur dans l'état d'hypnose, notamment aumoyen des techniques rhétoriques que j'aiévoquées. La deuxième phase est celle dessuggestions proprement dites.Dans l'hypnose de music-hall, il s'agira de suggérerà la personne endormie d’effectuer des actions plusou moins extravagantes ou compromettantes.Dans l'hypnose thérapeutique, on propose aupatient des situations, des sensations ou des idéesqui vont contribuer à rééquilibrer certains de sesschémas psychiques. Je me suis, d'emblée, placédans une optique différente. Ce qui m'intéressait,c'était de raconter des histoires. Je voulais voircomment la parole agit sous hypnose, comment letexte pro<strong>du</strong>it des effets particuliers chez celui quile reçoit. Je lui ai donc raconté un récit à ladeuxième personne, un récit dont il était lepersonnage principal : « Tu entres là, tu fais ceci, tuvois cela »…Qu’est ce qui, lors de cette première expérienced’hypnose, vous a persuadé <strong>du</strong> potentiel artistiquede la pratique ?Joris Lacoste : Ce qui m'a d’abord plu, c'est lathéâtralité <strong>du</strong> dispositif hypnotique : il y aquelqu'un qui parle et quelqu'un qui écoute.L'hypnotiseur est dans la situation de l'acteur quiagit, l'hypnotisé dans celle <strong>du</strong> spectateur quiperçoit. Avec, certes, cette particularité qu'il n'y aqu'un spectateur, et que ce spectateur estendormi… Mais c'est une situation très belle ettrès étrange que de parler à quelqu'un qui dort. Caron sait bien que la personne ne dort pas vraiment,ce sommeil est un sommeil particulier dans lequeltout ce qu'on dit est perçu et va pro<strong>du</strong>ire dansl’imagination de la personne des images, dessensations, des perceptions. Cela confère à celuiqui parle une grande responsabilité.Mais ce qui m’a vraiment fasciné, c'est ce queKenji Lefevre-Hasegawa, une fois réveillé, m'araconté ce qu'il avait vécu. Son récit était inouï. Ilavait été totalement immergé dans l'histoire et ilme la racontait comme quelque chose qui lui étaitréellement arrivé, avec toutes sortes d’images, dedétails, de sensations très personnelles. C'étaitcomme un rêve, mais en beaucoup plus intense,plus précis, plus cohérent. Surtout, ce qui étaitpassionnant, c'était d'observer comment sonimaginaire propre avait investi les situationsproposées. Il y avait un écart substantiel entre ceque je lui avais raconté et ce qu'il avait projetémentalement. C'est merveilleux de voir commentdes métaphores ambiguës pro<strong>du</strong>isent des imagestrès concrètes, comment par exemple l’énoncé « Tues à l’intérieur d’une chambre qui est à l’intérieurd’une idée » peut faire apparaître, contre touteattente, l’image d’un diamant. On croit souventque l’hypnose est une sorte de manipulation,comme si l’hypnotiseur pouvait contrôler l’espritde l’hypnotisé. À mon sens, il s'agit bien davantaged'une forme de collaboration entre les deux :l’histoire que je raconte est librement investie parl’imaginaire et la fantaisie de chaque spectateur.Vous en avez donc fait une pratique régulière…Joris Lacoste : À l’époque, en 2005, j’habitais à LaGénérale, un grand squat à Belleville, et c’était uncontexte idéal. J’ai transformé mon atelier encabinet d’hypnose et j’ai pris le tempsd’expérimenter auprès d’un petit groupe devolontaires différentes techniques de narration etde description. Ce n’est qu’à partir de 2009 que j’airéalisé mon premier projet utilisant l’hypnose, lapièce radiophonique Au musée <strong>du</strong> sommeil. Ontsuivi, en 2010, les performances et installationsRestitution et Le Cabinet d’hypnose.Le vrai spectacle élargit la pratique de l’hypnose àla dimension collective, puisque vous projetez deplonger les spectateurs d’une salle de théâtre dansle rêve d'un spectacle. Votre titre est assez espiègleet peut même sembler paradoxal. Le théâtre n’apas lieu sur scène…Joris Lacoste : Oui, l’idée est vraiment de pro<strong>du</strong>ireun spectacle mental : le vrai spectacle, c’est celuiqui a lieu dans votre tête. Il y a en fait deuxspectacles : le « spectacle réel », qui correspond àce qui est fait concrètement chaque soir sur scène.Et puis il y a le « vrai spectacle », qui est rêvé parchaque spectateur à partir de l’histoire racontée.L’adjectif « vrai » est tout relatif... Si ce spectacleest vrai, c’est peut-être simplement que laquestion de sa vérité ne se pose pas : car il y aautant de vrais spectacles que de spectateurs. Onpense encore trop souvent que le sens est conçupar l'artiste et placé dans l'œuvre pour êtreensuite déchiffré par le spectateur. Je crois, aucontraire, qu’il est pro<strong>du</strong>it par le spectateur àpartir de l'expérience proposée par l'œuvre. Il estdifférent pour chacun. Il ne préexiste pas. Cetteidée, l’hypnose la met en évidence de manièreparticulièrement tangible.Utiliser l’hypnose est une gageure lorsque l’on saità quel point la pratique est encore perçue commeésotérique…Joris Lacoste : J'attends le jour où l'hypnose serapratiquée par tous et ne fascinera plus personne. Ilfaut banaliser l'hypnose : quand elle sera rentréedans notre quotidien, quand tout le monde auracompris à quel point c’est une ressource simple ettrès riche, ce sera beaucoup plus simple detravailler avec, que ce soit en thérapie ou en art.Mais pour l'heure, c'est vrai que son image resteencore entachée de toutes sortes de clichés plus oumoins occultes, de fantasmes d’autorité, demanipulation ou d'influence. Les hypnotiseurs defoire contribuent beaucoup à propager cesstéréotypes en mettant en scène la dominationqu’ils exercent sur leurs sujets. Je suis bienconscient qu’il y a encore un fort soupçon desensationnalisme attaché au signifiant« hypnose ». Mais je crois qu’on peut le dissiper enétant honnête et clair, en exposant simplementaux spectateurs la nature de l'expérienceproposée. Surtout, expliquer qu'il ne s'agit pas <strong>du</strong>tout de faire de l’hypnose de foire, qu’il n’est pasquestion de leur demander de monter sur scène oude leur faire faire quoi que ce soit : il ne sera pasDossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 65


demandé autre chose au spectateur que d'êtrespectateur, c’est-à-dire regarder, écouter , imaginer.L'important, c'est de laisser le choix. Si vous nevoulez pas être hypnotisé, c'est très bien. Onn'hypnotise pas quelqu'un contre son gré. Mon butn'est pas de prouver que Le vrai spectacle peuthypnotiser tout le monde. Il faut que les gens sesentent libres de s'abandonner à la situationproposée, ou bien de rester à distance. Vous pouvezchoisir de voir ou bien le spectacle réel, ou bien levrai spectacle. Ce sont deux réceptions possibles,deux expériences esthétiques radicalementdifférentes, mais chacune doit offrir <strong>du</strong> plaisir et del’intérêt.Pourquoi avoir confié à un acteur, Rodolphe Congé,la place de l’hypnotiseur ?Joris Lacoste : Je ne demande pas à Rodolphe Congéde jouer à l’hypnotiseur. Dans Le vrai spectacle, iln’y a pas réellement d’hypnotiseur dans la mesureoù c’est le spectacle tout entier qui se donnecomme hypnotique. Ce n’est pas une performanced’hypnose de foire. Je veux utiliser tous les moyens<strong>du</strong> théâtre pour pro<strong>du</strong>ire l’hypnose : lascénographie, le son, la lumière, et bien enten<strong>du</strong>,le texte et l’acteur. La parole est l’outil privilégiéde l’hypnose. Je tenais à ce que cette parole soitportée et investie artistiquement par quelqu’undont c’est la pratique, à savoir un acteur commeRodolphe Congé.tout sauf une passivité. Il suffit d'avoirexpérimenté une fois l'hypnose pour savoir à quelpoint cela peut être un endroit de libertéextraordinaire. Je dois, en fait, ma premièreexpérience d’hypnose à Claude Régy. Il y a dix ans,j'ai assisté à sa mise en scène de Mélancholia auThéâtre de la Colline. Durant la représentation, j’aieu la sensation de m’endormir et, au réveil, jecroyais être passé à côté <strong>du</strong> spectacle. Des imagesme sont pourtant revenues et j'ai compris qu'iln'en était rien : je l'avais juste vécu d'une autrefaçon, plus intérieure, et peut-être plus intense.Considérez-vous l’hypnose comme un idéal despectacle théâtral?Joris Lacoste : Certainement pas. C'est simplementun autre type de relation qui est proposé, uneautre manière de recevoir la pièce, une autreexpérience de spectateur. Elle n'est pas meilleure,elle est juste différente. Je ne peux pas défendre Levrai spectacle comme un modèle applicable authéâtre en général. Je veux juste essayer demontrer en quoi l’hypnose peut être une occasiond'augmenter nos capacités de percevoir et d’agir,une manière de modifier notre relation au monde :c'est-à-dire un art.Propos recueillis par Eve BeauvalletQuelles fonctions auront la lumière et la musique ?Joris Lacoste : On sait combien la musique peutêtre un puissant adjuvant de l’hypnose, à conditionqu’elle soit régulière sans être complètementrépétitive. C’était donc intéressant de travailleraussi à cet endroit. J’ai ainsi demandé aucompositeur Pierre-Yves Macé de composer unepartition qui, pour le dire vite, soit tout à la foisprévisible et changeante. Quant à la lumière crééepar Caty Olive, elle doit répondre à cette épineusequestion : que signifie créer de la lumière pour desspectateurs qui ont les yeux fermés ?L’hypnose est devenue, depuis Brecht, le repoussoir<strong>du</strong> théâtre moderne. La pensée dominante veut,aujourd’hui, que l’on se méfie d’une conception« illusionniste » de la scène qui maintiendrait lespectateur dans un état de passivité, en le coupantde toute distance critique… Que dit Le vraispectacle de l’activité propre au spectateur ?Joris Lacoste : Il y a en effet cette idée bienrépan<strong>du</strong>e qu'il faut réveiller les gens, que le rôle del’art et <strong>du</strong> théâtre est de pro<strong>du</strong>ire un sursautcritique, une prise de conscience, une distance quipermette au spectateur de n’être pas <strong>du</strong>pe de lareprésentation et de poser autrement son rapportà la réalité. Très bien. Mais pourquoi un teldéplacement ne serait-il pas possible autrement,depuis une position non de distance mais aucontraire d'adhésion ou d'abandon ? De fait, noussommes nombreux à dormir plus ou moins authéâtre. Pourquoi ne pas partir de là ? Pourquoi nepas travailler, avec les moyens de l’art, depuisl’intérieur de ce sommeil ? Car cet abandon estDossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 66


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Collectif Les PossédésRodolphe DanaBullet Park d’après John Cheever*Mise en scène, Rodolphe DanaAdaptation, Rodolphe Dana, Katja HunsingerConseil à la dramaturgie, Laurent MauvignierScénographie, Julia KravtsovaLumière, Valérie SigwardAssistante mise en scène, Raluca ValloisRégie générale, Wilfried GourdinAvec David Clavel, Françoise Gazio,Katja Hunsinger, Antoine Kahan, Nadir Legrand,Christophe Paou, Marie-Hélène RoigL’aseptisation des banlieues américaines et lavie parfois lyophilisée qui en émane ontsuscité un engouement artistique certaindepuis l’avènement de la middle class audébut des années 1960.Avant les romans de John Updike ou RichardYates, avant les photographies de GregoryCrewdson et la série au succès mondialDesperate Housewives, l’auteur John Cheeveravait déjà révélé les mystifications de cetteforme particulière de l’ « American Way ofLife ».Passion électroménagère, moeurs devoisinage et autres indices d’oppressiondomestique forment ainsi la toile de fond deBullet Park (1969), quatrième roman del’auteur construit selon un mouvementdecrescendo : avec la causticité propre auxgrands auteurs américains, Cheever peint lequotidien sucré et pavillonnaire de la familleNailles… avant de craqueler le vernis <strong>du</strong>tableau pour dévoiler existences au pointmort et flottements des êtres.« La banlieue », écrivait John Cheever apropos de ce drame en huis clos, « cadre d’ungrand nombre de mes nouvelles, reflètel’agitation, le déracinement propres à la viemoderne. C’est un mode de vie qu’il a falluimproviser. Il n’y avait pas de traditions de labanlieue. Les gens ont dû apprendre à vivreensemble et à fonder une nouvelle société. »Le Collectif Les Possédés explore ainsi lesgouffres d’une société capitaliste trop policéepour tenir debout.<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>La Scène WatteauMercredi 16 et jeudi 17 novembre 20h309€ à 20€Abonnement 7€ et 13€Théâtre de la BastilleLundi 21 novembre aujeudi 22 décembre 21h,Relâche dimanche et jeudi 24 novembre14€ à 24€Abonnement 12€ et 16€Pro<strong>du</strong>ction Collectif Les PossédésCopro<strong>du</strong>ction Centre Dramatique Régional de Tours ;Théâtre Vidy-Lausanne ; Théâtre de Nîmes ;La Ferme <strong>du</strong> Buisson - Scène nationale de Marne-la-Vallée ;Théâtre Jean Lurçat - Scène nationale Aubusson ;Théâtre de la Bastille (<strong>Paris</strong>) ; <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Avec l’aide à la pro<strong>du</strong>ction d’ArcadiAvec l’aide à la création <strong>du</strong> Conseil Général de Seine-et-MarneLe Collectif Les Possédés bénéficie <strong>du</strong> soutien de la Directionrégionale des affaires culturelles d’Île-de-France, ministèrede la Culture et de la Communication.Pro<strong>du</strong>ction / Diffusion : Made In Pro<strong>du</strong>ctionsLe Collectif Les Possédés est associé à La Ferme <strong>du</strong> Buisson - Scènenationale de Marne-la-Vallée,et à la Scène nationale Aubusson.Avec le soutien de l’AdamiSpectacle créé au Théâtre Vidy-Lausanne le 2 novembre 2011*© 1969, John Cheever, tous droits réservésContacts presse :<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort, Christine Delterme01 53 45 17 13La Scène WatteauBenoît Strubbe01 48 72 94 94Théâtre de la BastilleIrène Gordon01 43 57 78 36Dossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 68


Rodolphe DanaBiographieRodolphe Dana est né à Rueil-Malmaison en 1971.Après des études à l’Ecole Florent, il devient l’undes premiers compagnons de route d’Eric Ruf et dela Compagnie d’Edvin(e) et participe à la création<strong>du</strong> Désavantage <strong>du</strong> Vent en 1997, qui sera joué auCentre Dramatique de Bretagne puis au ThéâtreGérard Philippe – Centre Dramatique National deSaint-Denis. De septembre 1998 à février 1999, iljoue dans Marion de Lorme, mis en scène d’EricVigner (Centre Dramatique de Bretagne - Théâtre deLorient, Théâtre de la Ville de <strong>Paris</strong>). En 2000, iljoue dans Le Décaméron, mis en scène parBérangère Jannelle, au CDDB –Théâtre de Lorient.Le spectacle est ensuite repris au Maillon(Strasbourg), au Teatro Garibaldi (Palerme) et à LaFerme <strong>du</strong> Buisson – Scène nationale de Marne-la-Vallée.En 2001, il co-écrit et joue dans Egophorie, auVolcan - Scène nationale <strong>du</strong> Havre. Au printemps2002, il participe en tant qu’acteur à Cave Canem.Conçu par deux danseurs : Annie Vigier et FranckApertet (Cie les Gens d’Uterpan), ce spectacle estjoué au <strong>Festival</strong> de Danse d’Uzès en 2002. Cettemême année, il fonde avec Katja Hunsinger, leCollectif Les Possédés avec lequel, en février 2004,il signe sa première mise en scène, Oncle Vania deTchekhov, crée à La Ferme <strong>du</strong> Buisson ; il y joueaussi le rôle d’Astrov. En 2004, il joue dans UneSaison Païenne, adaptée d’Une Saison en enfer deRimbaud et mise en scène par Cyril Anrep, à laComédie de Reims. En 2006, il met en scène avecLes Possédés, Le Pays Lointain de Jean-Luc Lagarce,dans lequel il tient le rôle de Louis ; création à LaFerme <strong>du</strong> Buisson. En 2007, toujours avec LesPossédés, il dirige la création de Derniers remordsavant l’oubli de Jean-Luc Lagarce au ThéâtreGaronne ; il y tient aussi le rôle de Pierre (enalternance avec David Clavel). L’été 2008, il dirigeune création collective, Hop La ! Fascinus, quiréunit trois collectifs, Le Cheptel Aleïkoum, LesOctavio et Les Possédés, une commande <strong>du</strong>Théâtre <strong>du</strong> Peuple (Bussang). En 2009, il crée auThéâtre Garonne, avec son acolyte David Clavel,Loin d’Eux, un texte de Laurent Mauvignier qu’ilinterprète seul en scène.En novembre 2009, il crée avec Les Possédés,Merlin ou la Terre dévastée de l’auteur allemandTankred Dorst ; création qu’il dirige et où ilinterprète le rôle de Merlin.La Compagnie.Rodolphe Dana au <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> :2006 Le pays lointain(La Ferme <strong>du</strong> Buisson, Théâtre 710Malakoff/ Théâtre de la Bastille/ Théâtrede l’Agora à Evry)2007 Derniers remords avant l’oubli (Théâtre dela Bastille, La Ferme <strong>du</strong> buisson, La scèneWatteau)John CheeverBiographieL’écrivain américain John Cheever est surtoutrenommé pour ses nouvelles. Il en a écrit plus dedeux cents. Le recueil The Stories Of John Cheever(1978) a obtenu le Prix Pulitzer. L’œuvre de Cheevercompte aussi cinq romans, dont The WapshotChronicle (1957), lauréat <strong>du</strong> National Book Awarden 1958.Les thèmes principaux de Cheever sont le spirituelet le vide émotionnel de la vie. Il décrit surtout lavie et les mœurs de la classe moyenne en banlieueaméricaine <strong>du</strong>rant l’après-guerre, avec un humourironique qui adoucit sa vision sombre. Son écriturese caractérise par une apparente simplicité quicache pourtant une vision complexe de l’êtrehumain. En effet, des visions classiques <strong>du</strong> bonheursont confrontées à des imperfections plus ou moinssous-jacentes, entraînant inexorablement lespersonnages dans des drames quotidiens. Cheeverutilise souvent sa famille et sa vie commematériau pour inventer ses histoires.Né à Quincy, Massachusetts, son père, propriétaired’une fabrique de chaussures, est relativementriche jusqu’à la crise de 1929 où il abandonne safamille. La mère de Cheever tient un magasin decadeaux et souffre d’alcoolisme. Cheever estprofondément bouleversé par la dégradation desrelations de ses parents. Cheever étudie à ThayerAcademy, d’où il est expulsé. Cette expérience estle noyau de sa première histoire publiée, Expulsé(1930), qui est achetée par The New Republic. Dèslors, il écrit et vend des histoires à diversmagazines. Cheever vit alors à Boston, puiss’installe à New York, où il fréquente des écrivainscomme John Dos Passos, Edward Estlin Cummings,James Agee et James Farrell.A partir de 1935, il entame une collaboration<strong>du</strong>rable avec The New Yorker. Au cours de laSeconde Guerre mondiale, Cheever sert quatre ansdans l’armée. Après la guerre, il enseigne et écritde nombreux scénarios pour la télévision sansdiscontinuer d’écrire des nouvelles.Au milieu des années 1950, Cheever commence àécrire des romans. Son roman The Waps hotChronicle (1957) est fortement autobiographique,basé sur la relation de sa mère et son père, ledéclin de sa famille et sa propre vie. En 1964,l’Académie Américaine des Arts et des Lettres luidécerne la médaille Howells pour The WapshotScandal (1964), dans lequel il décrit quelques-unsdes personnages familiers de son premier roman.De 1956 à 1957, Cheever enseigne l’écriture auBarnard College, un travail qu’il n’a jamaisbeaucoup aimé. Toutefois, il est professeur àl’Université de l’Iowa et à la prison de Sing Sing audébut des années 1970, et professeur invité encréation littéraire à l’Université de Boston (1974-75). À Boston, Cheever devient dépressif suite à desproblèmes d’alcool.Cheever meurt <strong>du</strong> cancer en 1982, à l’âge de 70 ans.Ses lettres et ses journaux publiés après sa mortont révélé la culpabilité de sa bisexualité.Dossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 69


Entretien avec Rodolphe DanaVous adaptez aujourd’hui sur scène Bullet Park, unroman de John Cheever qui épingle cette« American way of life » telle que les banlieuesaméricaines la cristallisent. La peinture de cessuburbs a suscité un engouementcinématographique et littéraire puissant depuis lesannées 1960…Rodolphe Dana : En effet. John Cheever est lepremier, au début des années 1960, à peindre cetteAmérique bien-pensante, cette middle-class sanshistoire parquée dans les banlieues pavillonnaires,où chacun à son jardin, sa voiture, et le mêmepérimètre de vie. Bullet Park est publié en 1969,pendant une période contrastée entre la menacepolitique et l’expansion économique. Laconsommation, le matérialisme, le paradis per<strong>du</strong>...Ce sont des thèmes que l’on connaît bienaujourd’hui parce que les artistes onteffectivement beaucoup travaillé sur le sujet. Jepense notamment aux photographies de GregoryCrewdson, célèbres pour révéler l’envers <strong>du</strong> rêveaméricain. On y voit des situations types <strong>du</strong> foyeraméricain : la mère et le fils attendant le retour <strong>du</strong>père, par exemple, avec une mise en scène trèstravaillée, des lumières froides, un peusurréalistes… Il y a eu les écrits d’Harold Pinter, lesfilms de Sam Mendès ou, plus récemment encore,les séries américaines Desparate Housewives, ouMad Men, des séries à succès mondial, très bienréalisées qui plus est….Sans doute la faveur progressive pour ce thèmevient-elle de la peur générée par l’exportation <strong>du</strong>modèle américain dans le monde, de sonhégémonie, avec l’explosion des nouveaux médiaset <strong>du</strong> consumérisme… On peut craindre que lagénéralisation de ce mode de vie assèche un peu lapensée, anesthésie la vie réelle...Dans Bullet Park, tout est tellement lissé,tellement normé, le couple Nailles, (lesprotagonistes <strong>du</strong> roman) aspire tellement àl’« ordinaire » que dès qu’un événement extérieursurvient chez lui, il prend immédiatement desproportions « extraordinaires ». C’est passionnantde relire John Cheever aujourd’hui parce qu’unetelle situation paraissait encore aberrante enFrance il y a quelques décennies. Aujourd’hui, on laretrouve tout à fait, par exemple, dans les environsde Marne-la-Vallée, en banlieue parisienne, où lesgens vivent avec des enceintes protégées, avec lamême superficie de pelouse. On s’habitue à tout.L’époque de Bullet Park, c’est aussi celle del’explosion de la publicité, <strong>du</strong> design, des appareilsélectroménagers… Que conservez-vous <strong>du</strong> décor,très évocateur, de ces banlieues américaines dessixties ?Rodolphe Dana : Nous n’avions pas envie deconstruire l’action autour d’une table, comme il estcoutume de le faire dès lors que l’on travaille surl’intime et la cellule familiale. Nous pensons à undécor mixte entre intérieur et extérieur, eninstallant un gazon, une sorte de terrain de golf surlequel seraient disposés le mobilier et leséléments évoqués dans le texte (un frigo, uncanapé, etc). Il faudrait un décor propret, mais quifasse légèrement « carton-pâte ». Dans le roman, lefils, Tony, dit qu’on a l’impression que la maisonest bâtie comme un jeux de cartes, et qu’il suffiraitde souffler dessus pour que tout s’effondre. Celanous permettrait également d’évoquer cette peurde l’extérieur qui définit les protagonistes, cettemenace permanente…Le diagnostic social qu’établit John Cheever estacerbe mais aussi très caustique. Commentdéfiniriez-vous le registre particulier de BulletPark ?Rodolphe Dana : Dans Merlin ou la terre dévastée –notre précédente création d’après le roman deTankred Dorst – nous avions pris plaisir, en tantqu’acteurs, à travailler un humour un peu brut,primitif. Dans Bullet Park, on navigue dans leregistre de l’absurde. L’humour est plus fin, pluslittéraire disons. C’est d’ailleurs ce qui m’a plu chezcet auteur. Cheever est moins connu en Francequ’un nouvelliste comme Raymond Carver, quis’est emparé d’un sujet similaire (ils enseignaientd’ailleurs ensemble dans l’Iowa). Mais là oùl’écriture de Carver est sèche, très noire, Cheeverparvient à tenir à distance la gravité <strong>du</strong> sujet pourlaisser naître des situations humoristiques quasisurréalistes.Les couleurs dégagées par le textesont alors très variées: poésie, étrangeté, humour…Bullet Park est une satire, mais elle n’est jamaiscynique ou malveillante. Pour ma part, j’ai souventtendance à croire qu’un registre vient en renforcerun autre, que l’on est d’autant plus ému quand lerire a pu être libéré avant. Rire, c’est accepterd’abandonner ses défenses. J’aime cettecœxistence entre tragédie et comédie et elle esttrès forte dans Bullet Park.Le comique de Bullet Park naît aussi de ce que lespersonnages cherchent la maîtrise permanented’eux-mêmes…Rodolphe Dana : Evidemment. Et le regard quepose l’auteur sur les Nailles est tendre parce qu’ilsne comprennent même pas pourquoi leur vie va sedésagréger. Ils possèdent, ils se définissent parl’acquisition de leurs biens matériels comme lesuggère l’idéal de prospérité <strong>du</strong> systèmecapitaliste d’alors. Ils tentent de faire croire que,de fait, ils contrôlent leur existence.Le texte est structuré par la question de la normeet de la marge. John Cheever qui, en tant quebisexuel, a lui-même fait l’expérience de lamarginalité, s’intéresse aux exclus de ce systèmeultra-formaté. Certains personnages de Bullet Parkont pour fonction de rappeler la force des pulsionsnaturelles, de la sauvagerie, <strong>du</strong> refoulé. Laquestion de la sexualité, par exemple, est d’autantplus présente dans le texte que les protagonistesn’en parlent jamais. Il faut taire les troublesintimes mais, à tout vouloir occulter, semble nousavertir l’auteur, on ne récolte que le chaos. C’estl’adolescent Tony, figure de la contestation del’autorité, qui va fissurer le tableau.Dossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 70


Un autre personnage est chargé de déclencherl’action de Bullet Park, c’est le voisin Paul Hammer.Quel personnage type de la littérature peut-ilévoquer ?Rodolphe Dana : Je pense davantage au cinéma, aumystérieux visiteur de Théorème, par exemple, unfilm dans lequel Pier Paolo Pasolini livrait unecritique violente de la bourgeoisie italienne. Onpense également au film de Dominik Moll Harry,un ami qui vous veut <strong>du</strong> bien.Le voisin de Bullet Park incarne l’envers <strong>du</strong> décor.C’est un personnage chargé d’accentuer la faillequ’avait déjà ouverte le fils Tony. Il a été élevé parsa grand-mère, n’a pas été reconnu par ses parentset, contrairement aux autres personnages,s’interroge sur le sens de l’existence. Le regardqu’il pose sur le couple « parfait » des Nailles estextrêmement ambigu : un mélange de fascination,d’envie et de haine. C’est un peu « Docteur Jekill etMister Hyde »… Il épouse le projet fou de crucifierle rêve américain représenté par cette famille. Ilest l’élément nouveau, donc perturbateur. Danscette banlieue aisée, les gens sont paniqués par cequi vient troubler l’ordre. L’inconnu fait peur. Cetteinquiétude perpétuelle est frappante dans unpassage où le père et le fils jouent au golf. Le soirsurvient, le père ne parvient plus à distinguer lessilhouettes et il en est terrorisé.Votre précédente création était déjà uneadaptation de roman – Merlin ou la terre dévastée<strong>du</strong> dramaturge allemand Tankred Dorst. Vous vousattelez, encore une fois, au travail de réécritureavec l’aide de Katja Hunsinger et de l’auteurLaurent Mauvignier. Comment avez vous découvertl’œuvre de John Cheever et qu’est ce qui en amotivé l’adaptation ?Rodolphe Dana : C’est mon libraire qui m’a faitdécouvrir Cheever. Je lis beaucoup, et j’aimeparticulièrement la littérature américaine.Aujourd’hui, je ne lis plus en cherchantimpérativement ce que nous pourrions mettre enscène. Toutes les fois où j’ai été trop volontairedans mes recherches, ça n’a jamais fonctionné.J’espère toujours, secrètement, qu’au détour deslectures, je tomberai sur un texte palpitant àmonter mais, désormais, je lis avant tout pour monplaisir. Je crois que pour adapter un texte, il faut sefier à sa première intuition. Pour ma part, je saisque le texte a un potentiel théâtral lorsque jeressens le besoin de le lire à haute voix. Celas’impose pour moi avec Proust, avec Duras,aujourd’hui avec Laurent Mauvignier…. Bullet Park,c’est un texte qui appelle à être dit autant qu’àêtre lu. Les scènes dialoguées chez Cheever sontsuperbement écrites, et les passages narratifsposent des problèmes passionnants pour unmetteur en scène. Par exemple, je pense à unescène qui se déroule sur un quai de métro. Il y atrois personnages, dont les deux protagonistes <strong>du</strong>livre, et une autre femme. Ils attendent, le métropasse et ils ne sont plus que deux. On comprendque la troisième personne s’est jetée sous lemétro, il ne reste plus que sa chaussure. Le passageest magnifique en roman, mais au plateau ?Comment rendre la scène vraisemblable ?Symboliser la disparition par une lumière, unbruit ?Après, au niveau de l’écriture, je considère le romancomme un matériau, et les situations, comme lesmorceaux d’un puzzle à inventer pour le théâtre.Vous avez écrit dans une note d’intention :« devenir plus fort que l’auteur, s’approprierégoïstement son œuvre ». Faut-il en dé<strong>du</strong>ire quevous n’adhérez pas à cette conception de la mise enscène sommant de « s’effacer pour mieux servirl’auteur » ?Rodolphe Dana : Avoir l’ambition de proposer unautre point de vue sur un texte, je crois que c’est lamoindre des choses. J’ai toujours été méfiant avecce genre de déclaration « servir l’auteur », parceque l’on ne saura jamais ce qu’a réellement voulul’auteur. Alors, à défaut, je préfère servir lespectacle. En plus, je crois que c’est une histoire defausse modestie. On devrait se sentir prétentieuxde créer autre chose à partir d’une œuvreexistante, mais l’art a toujours procédé comme ça !C’est un héritage français qui peut donner descomplexes. Sur ce terrain, la découverte <strong>du</strong> théâtreétranger, des metteurs en scène allemands etbelges a pu faire <strong>du</strong> bien à toute une génération. Jepense que des artistes comme les Tg Stan, De Koe,ou Thomas Ostermeier, ont décomplexé le rapportau plateau. En découvrant les metteurs en scèneargentins, également, je pense que l’on a reprisconscience qu’un acteur pouvait jouer et s’amusersur scène. Avec le collectif Les Possédés, nousavons pris plaisir à s’abolir <strong>du</strong> rapport hiérarchiqueà la création. Même si c’est moi qui apporte lesprojets, les acteurs sont impliqués à tous lesstades de la création. Aujourd’hui, nous ne sommespas les seuls à travailler de cette façon, à penserque le pouvoir créatif peut être partagé. Je ne saispas si cette envie, assez généralisée, va <strong>du</strong>rer,mais pour l’instant, elle est réjouissante.Propos recueillis par Eve BeauvalletDossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 71


Robyn Orlin... have you hugged,kissed and respectedyour brown Venus today?Mise en scène, Robyn OrlinTexte, Gilbert GatoreVidéo, Philippe Lainé assisté de Stéphanie MagnantScénographie, Alexandre de Dardel assisté de ÉmilieJouveMusique, Alessandro Cipriani et Luigi CeccarelliCostumes, Olivier Bériot / Création lumière, Laïs FoulcDramaturgie : Anisia Uzeyman ; Conseil artistique : OlivierHespel ; Avec Elisabeth Bakambamba Tambwe, AnnMasina, Dorothée Munyaneza, Angela Simpson, Du<strong>du</strong>Yende ; Régie générale, Yann Le Hérissé ;Régie vidéo, Philippe Lainé ; régie plateau : Arthur Michel ;Régie son : Antonino Chiaramonte ;Régie lumière : Stéphane Dejours ;Diffusion : Damien Valette (www.jgdv.net);Coordination : Daniela GoellerParce qu’elle avait un corps hors norme, laVénus Hottentote fut exhibée devant desspectateurs fascinés par la taille de seshanches, de ses fesses et de son sexe. SaartjeBaartman est une figure emblématique pourles Sud-Africains. En lui rendant hommage, lachorégraphe Robyn Orlin, dont le <strong>Festival</strong>d’Automne et le Théâtre de la Ville ontaccueilli l’an passé le spectacle Walking Nextto Our Shoes… avec la chorale d’Afrique <strong>du</strong> SudPhuphuma Love Minus, explore une nouvellefois notre rapport à l’autre et les préjugéstenaces qui troublent les relations entreAfricains et Occidentaux.« Ce qui m’intéresse », indique-t-elle, « c’est cequi arrive lorsque la science et le spectacle(pour ne pas dire la politique) convergentdans des manifestations préten<strong>du</strong>mentanthropologiques destinées à divertir… ».Esclave, née vers 1789 dans l’actuelle Afrique<strong>du</strong> Sud, Saartje Baartman est emmenée enEurope pour être ven<strong>du</strong>e puis prostituée.Objet sexuel, elle devient un objet d’étudepour les scientifiques et les peintres. À samort en 1815, le zoologue et chirurgienGeorges Cuvier dissèque son corps etconserve ses organes génitaux dans <strong>du</strong>formol pour asseoir ses théories surl’inégalité des races. Ce n’est pas un hasard sila pièce de Robyn Orlin est créée en France : lesquelette de la Vénus Hottentote a été exposéjusqu’en 1974 au Musée de l’Homme, à <strong>Paris</strong>.Sa dépouille ne fut ren<strong>du</strong>e à son peuple qu’en2002 après une longue bataille avec le mondescientifique français.Grâce à la présence de cinq interprètes, SaartjeBartman va se démultiplier sur le plateau faceà de jeunes acteurs français qui découvrentson histoire. L’auteur <strong>du</strong> texte de ... have youhugged, kissed and respected your brownVenus today?, l’écrivain d’origine rwandaiseGilbert Gatoré, parle d’un fantôme venu «hanter les esprits ».Les films ont été réalisés avec la participation de :Henri Alexandre, Maria Apostolakeas, AntoineBaillet, Marina Boudra, Thomas Champeau, RomainGrard, Lou Martin-Fernet, Audrey Montpied, MarionPellissier, Emmanuelle Reymond, TristanRosmor<strong>du</strong>c, Benoît Saladino, Sylvère Santin,Maxime Taffanel, élèves de l'École NationaleSupérieure d'Art Dramatique de Montpellier.Remerciements à Ariel Garcia Valdès et EvelyneCorréard.Création automne 2011Pro<strong>du</strong>ction City Theatre & Dance GroupCopro<strong>du</strong>ction Les Théâtres de la Ville de Luxembourg ; MonacoDance Forum; Stadsschouwburg Amsterdam ; King’s Fountain ;Théâtre national de Strasbourg ; Le CENTQUATRE – <strong>Paris</strong> ; Théâtrede la Ville-<strong>Paris</strong> ; <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Avec l’aide de l’École nationale supérieure d’Art Dramatique deMontpellier Résidence de création au CENTQUATRE – <strong>Paris</strong>Avec l’aide de l’Ecole nationale supérieure d’ArtDramatique de MontpellierDossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 72


<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Théâtre de la VilleMercredi 30 novembre au samedi 3 décembre 20h30,samedi 15h et 20h3014€ et 25€ / abonnement 14€Le CENTQUATRESamedi 26 et dimanche 27 novembre – 20h30Dimanche 17h14€ et 25€ / abonnement 14€Théâtre Romain Rolland-VillejuifSamedi 19 novembre 20h3012€ à 18€ / abonnement 12€Théâtre des Bergeries-Noisy-le-secMardi 22 novembre 20h3011€ à 18€ / abonnement 11€L’apostrophe –Théâtre des Louvrais / PontoiseVendredi 16 décembre 20h308€ à 19€ abonnement 5€ à 14€Durée estimée : 1h10Contacts presse :<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort, Christine Delterme01 53 45 17 13Théâtre de la VilleJacqueline Magnier01 48 87 84 61Le CENTQUATRE2 e BUREAUMartial Hobeniche01 42 33 93 18Théâtre Romain Rolland-VillejuifMaya Latrobe 01 49 58 17 15Théâtre des Bergeries-Noisy-le-secElise Hennion 01 49 42 67 17L’apostrophe –Théâtre des Louvrais /PontoiseArnaud Vasseur / 01 34 20 14 37Dossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 73


Robyn OrlinBiographieNée en 1955 à Johannesburg, Robyn Orlin a suivi lescours à la London School of Contemporary Dance de1975 à 1980, puis ceux de la School of the ArtInstitute of Chicago de 1990 à 1995, où elle obtientun master. Elle a présenté sa première performanceà Johannesburg en 1980. Surnommée en Afrique <strong>du</strong>Sud « l’irritation permanente », elle relève, à traversson œuvre, la réalité difficile et complexe de sonpays.Elle y intègre diverses expressions artistiques(texte, vidéo, arts plastiques…), afin d’explorer unecertaine théâtralité qui se reflète dans sonvocabulaire chorégraphique. On lui doit notammentNaked on a goat (1996), Orpheus… I mean Euridice… Imean the natural history of a chorus girl (1998), qui aobtenu le prix FNB Vita. Daddy, I’ve seen this piecesix times before and I still don’t know why they’rehurting each other (1999) qui a obtenu le LaurenceOlivier Award de la réalisation la plus marquante del’année et We must eat our suckers with thewrappers on, pièce sur les ravages <strong>du</strong> Sida enAfrique <strong>du</strong> Sud. C’est en co-pro<strong>du</strong>ction avec l’INA etARTE qu’elle a réalisé en octobre 2004 son premierfilm Histoires cachées, sales histoires.De septembre 2005 à la fin 2007, Robyn Orlin a étéaccueillie en résidence au Centre national de laDanse de Pantin. Elle a mis en scène L’Allegro, ilpenseroso ed il moderato de Haendel à l’Opéranational de <strong>Paris</strong>, dont la première a eu lieu le 23avril 2007. Dressed to kill… killed to dress … pour desSwenkas sud-africains, a été créée en février 2008 au<strong>Festival</strong> Dance Umbrella de Johannesburg et a étéprésentée en tournée européenne (<strong>Paris</strong>, Liège,Luxembourg, Bruxelles, Vienne …). Robyn Orlin acréé une mise en scène de Porgy & Bess à l’OpéraComique à <strong>Paris</strong> en juin 2008. Walking next to ourshoes... intoxicated by strawberries and cream, weenter continents without knocking... met en scèneles chanteurs de la chorale Phuphuma Love Minuset a été créée en février 2009 au festival DanceUmbrella de Johannesburg et reprise dans le cadre<strong>du</strong> <strong>Festival</strong> Banlieues Bleues au Théâtre GérardPhilippe de Saint Denis. En septembre 2009, RobynOrlin crée une pièce au Louvre, avec huit gardiens<strong>du</strong> musée : Babysitting Petit Louis. En 2010, elle créeun solo avec le danseur de hip-hop Ibrahim Sissoko :Call it... kissed by the sun... better still the revenge ofgeography et reprend Daddy... au festival LesHivernales à Avignon et à la Grande Halle de laVillette à <strong>Paris</strong>.Les titres et récompenses que reçoit Robyn Orlinpour son travail sont nombreux. En 1999, elleobtient le troisième prix aux Rencontreschorégraphiques de l’Afrique, et en 2000 le prix JanFabre de l’œuvre la plus subversive aux RencontresChorégraphiques Internationales de Seine-Saint-Denis. Robyn Orlin a été nommée Chevalier dansl’Ordre National <strong>du</strong> Mérite le 28 février 2009 parDenis Pietton, Ambassadeur de France àJohannesburg.La CompagnieRobyn Orlin au <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> :2001 F…(untitled)(Théâtre de la Cité Internationale)2007 Imbizo e Mazweni(Maison des Arts Créteil)2009 Babysitting Petit Louis (Musée <strong>du</strong> Louvre)2010 Walking Next to Our Shoes…(Théâtre de la Ville)Robyn Orlin au Théâtre de la Ville :2001 Daddy, I’ve seen this piece six times beforeand I still don’t know why they are hurtingeach other2002 We must eat our suckers with the wrapperon (copro<strong>du</strong>it par le Théâtre de la Ville)2002 Ski-Fi-Jenni… and the frock of the new2005 When I take off my skin and touch the skywith my nose, only then can I see littlevoices amuse themselves…2005 Hey <strong>du</strong>de… I have talent… I’m jut waitingfor God…2008 Dressed to kill… killed to dress…2010 “Call it… kissed by the sun… better still therevenge of geography…”Robyn Orlin au <strong>Festival</strong> d’Automne et au Théâtre de laVille :2010 Walking Next to Our ShoesEntretien avec Robyn OrlinPourquoi avez-vous choisi ce sujet, l’histoire deSara Baartman, la Vénus noire ?Robyn Orlin : C’est une longue histoire. La vie deSara Baartman est très connue en Afrique <strong>du</strong> Sud etfait partie de notre Histoire. Il y a cinq ans, jedevais mettre en scène Venus, une pièce de Susan-Lori Parks. Le projet ne s’est pas fait, mais j’aibeaucoup lutté avec cette pièce que je trouvaistrès américaine. Je pense vraiment que cettehistoire et ces problématiques ne doivent pas êtreoubliées. Plus généralement, Sara Baartmancatalyse, je crois, de nombreux problèmes qui sontsurvenus plus tard et ont à voir avec lecolonialisme, les femmes, l’humanité. C’estpourquoi j’ai abordé ce sujet, mais je ne suis passûre que je l’aurais fait si je vivais encore enAfrique <strong>du</strong> Sud où il a été beaucoup traité. Et parcequ’en tant que Blanche, je ne me serais pas sentielégitime. En Europe, personne ne parle de SaraBaartman, la plupart des gens ne savent même pasqui elle est. Vivre en Europe, avoir un enfant decouleur et être confrontée dans la vie quotidienneaux réactions dans la rue m’a fait prendreconscience de la difficulté d’être une personne decouleur en Europe.Est-ce que cette pièce est une manière de parler desrelations entre l’Afrique <strong>du</strong> Sud et la France ?Robyn Orlin : Oui, au final cette histoire met en jeules relations entre l’Afrique <strong>du</strong> Sud et la France. Ilserait plus juste de parler de la relation de laFrance à l’Afrique, à l’Autre. La France a uneétonnante capacité à reconnaître l’importance dela Culture et de l’Histoire, mais seulement d’unDossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 74


certain point de vue. Si on pense aux nombreuxcorps conservés dans les musées français, il estincroyable que la France ait ren<strong>du</strong> celui de SaraBaartman à l’Afrique <strong>du</strong> Sud (en 2002, ndlr) et jeremercie le gouvernement Français pour son sensde l’humanité. Cependant, Sara Baartman ne faitpas partie de l’Histoire de France et il estintéressant de se demander pourquoi : est-cesimplement une sorte d’amnésie ou de l’embarras ?Avez-vous fait des recherches historiques? Avezvousbeaucoup lu ?Robyn Orlin : Oui, nous avons tous beaucoup lu. Ilest difficile de savoir ce qui est vrai et faux. Maisnous savons que le corps de Sara Baartman a étédisséqué et conservé au Muséum d’HistoireNaturelle à <strong>Paris</strong>. C’est d’ailleurs la seule chose quenous sachions : elle a bien existé. C’est RachelHolmes (African Queen : the real story of HottentotVenus, ndlr) qui a le plus écrit sur l’histoire de SaraBaartman. J’ai consacré les deux premièressemaines de répétitions à comprendre commentles cinq interprètes ressentaient l’histoire de laVénus. J’essaie de ne pas utiliser le mot« Hottentote” »car il est très péjoratif. Mais, sivous dites seulement « Vénus », les gens vousregardent parfois bizarrement et si vous dites« Vénus Hottentote », ils comprennent : « Ah oui ! Lagrosse femme noire venue d’Afrique ! ».Avez-vous éten<strong>du</strong> vos recherches à l’histoire deszoos humains ?Robyn Orlin : Nous avons regardé deux films quiont beaucoup perturbé les cinq Vénus : Freaks etElephant man.Avec Philippe Lainé (créateur vidéo), vous avez faitune vidéo qui reprend le dispositif <strong>du</strong> zoo, le publicse sent enfermé comme des animaux dans un zoo…Robyn Orlin : Oui, la vidéo sera projetée aumoment de l’entrée <strong>du</strong> public dans la salle.Philippe Lainé et moi essayons de faire en sorteque le public n’intellectualise pas trop. Nousvoulons qu’il ressente, sans être sur scène, lesconditions dans lesquelles on enferme les gensdifférents. Les spectateurs seront peut-être encolère mais cela me convient. J’espère simplementqu’ils ne vont pas partir car je veux qu’ilsréfléchissent, je n’ai pas envie qu’ils voient un bonspectacle et aillent ensuite dîner tranquillement !Vos Vénus ne sont pas simplement des victimes,elles se moquent aussi de ceux qui les regardent.C’est important pour vous ?Robyn Orlin : Oui, absolument. J’en ai vraimentassez qu’on voie l’Afrique uniquement commel’Autre, comme un continent pauvre, incapable,victime. Cette image me rend malade et je croisque beaucoup d’Africains pensent comme moi. Jetrouve intéressant de confronter les réponsesincroyablement claires d’Angela Renee Simpson,chanteuse d’opéra, à celles des quatre autresinterprètes. Elle est américaine, et les Etats-Unissont plus évolués sur ce point de vue depuis qu’ilsont élu un président de couleur. Je ne crois pas quecela pourrait se pro<strong>du</strong>ire en Europe où l’on voitencore trop peu de présentateurs de journauxtélévisés de couleur, le chemin est très long ! Surcertains plans, l’Europe est bien plus sophistiquéeque les Etats-Unis et a des priorités différentes,mais elle n’a pas évolué sur ces questions.Comment avez vous choisi les cinq Venus ?Robyn Orlin : J’ai déjà fait des spectacles avecDu<strong>du</strong> Yende et Ann Masina. Je voulais travailleravec cinq femmes fortes et sensibles à la fois. Ellessont uniques, chacune à leur manière, c’était ceque je cherchais, je ne voulais pas de stéréotypes.Elles sont à la fois actrices, danseuses, chanteuses,elles savent tout faire…Robyn Orlin : C’est vrai. Il ne s’agit pas d’une piècechorégraphique, au sens strict <strong>du</strong> terme. D’ailleursje ne sais pas ce que cela signifie, je ne sais plus cequ’est la danse. Venus est un spectacle dont je suisl’auteur.Pourquoi cette évolution vers quelque chose deplus théâtral ?Robyn Orlin : Je crois que j’ai toujours travaillé decette manière. Ces dernières années, j’ai dirigédeux opéras, j’évolue dans la sphère de laperformance, et j’ai choisi de ne pas me limiter àtravailler avec des danseurs. Elles danseront, ellesbougeront mais ce ne sont pas des danseuses.Pensez-vous que le fait de faire monter cinqfemmes noires sur scène soit encore un actepolitique fort, ici en Europe ?Robyn Orlin : Non. Je ne crois pas. Je ne sais pas si lemot politique est juste, je ne pense pas que cettepièce soit scandaleuse. Je crois que les cinqfemmes sont vraiment heureuses de travaillerensemble : les voir est un privilège, c’est l’une desraisons pour lesquelles cette pièce est spéciale. Jedois faire très attention à ne pas les représentercomme des objets d’exotisme, j’espère que je seraiassez objective pour ne pas tomber dans ce piège.L’exotisme arrive presque naturellement quand ontraite de théâtre, de performance et de showbusiness.Est-ce que cette pièce comporte de nombreuxpièges ?Robyn Orlin : Oui, énormément. Je ne veux pas quele public se moque des Vénus, je veux qu’il rie,mais avec elles. Je ne veux pas qu’on les voiecomme des bêtes de foire parce que certainesd’entre elles sont grosses. C’est très importantpour moi de parler d’humanité, de racisme, desexisme, de misogynie, de féminisme, depolitique. Toutes ces questions sont en jeu mais aufond, le vrai sujet est : qu’est ce qu’être africain ?Avez-vous regardé avec vos interprètes le filmd’Abdellatif Kechiche, Vénus Noire ?Robyn Orlin : Oui. Les réactions étaient trèsintéressantes. Elisabeth Bakambamba a trouvé lefilm trop facile, simpliste. Angela Renee Simpson adit : « Oh, allez, arrête de te laisser traiter commeDossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 75


ça ! » et les autres étaient profondément émues ettouchées par l’histoire. Les réactions étaienttoutes différentes, c’est, je crois, la raison pourlaquelle cette pièce est si compliquée à faire. Je neveux pas raconter l’histoire de Sara Baartman, elleest disponible sur Wikipédia, je veux parler de sesramifications.Avez-vous une méthode de travail habituelle ?Robyn Orlin : Je ne travaille jamais de la mêmefaçon. C’est impossible car mes spectacles sonttrès différents. L’année prochaine par exemple jeferai une pièce avec une compagnie de danse SudAfricaine. J’ai besoin de comprendre ce que pensentet ressentent mes interprètes, je ne peux passeulement me servir d’eux, j’ai besoin de savoir quiils sont, c’est ce qui donne la matière <strong>du</strong> spectacle.Pourquoi la dimension de cabaret est-elle présentedans le spectacle ?Robyn Orlin : Le cabaret est l’une des formes quijoue naturellement avec le public, j’aime larelation légèrement incertaine qu’il instaure entrele public et les interprètes. Il ne s’agit pasvraiment de cabaret : c’est une forme quej’interroge, je ne crée pas un spectacle chanté etdansé. Je crois aussi que c’est lié aux zooshumains : il existe un lien très fort entre le zoo, lecabaret et le théâtre.Vous aimez mélanger différentes formes dans votretravail, vous avez pourtant au départ reçu uneformation classique…Robyn Orlin : Je viens d’une école de pensée danslaquelle il n’y pas une seule mais six millions demanières différentes de réaliser quelque chose.Oui, j’ai grandi en apprenant la danse classique. J’aitoujours étudié l’art à l’école et j’ai suivi des coursde danse moderne à Londres, à la London School ofContemporary Dance. Puis je me suis engagéepolitiquement et je suis rentrée en Afrique <strong>du</strong> Sud.Je suis ensuite retournée à Londres pour étudier lasociologie de la danse, que j’ai trouvée trèsacadémique, puis de nouveau en Afrique <strong>du</strong> Sud, etj’ai fait des études d’art en Amérique. J’ai reçu desformations très variées, j’ai beaucoup travaillédans le domaine <strong>du</strong> théâtre et récemment del’opéra, ce qui m’a beaucoup plu.Vous travaillez en Europe depuis une dizained’années, pourquoi ?Robyn Orlin : Parce que je vis ici. Mon mari estd’origine allemande et réalisateur, il voulaitquitter l’Afrique <strong>du</strong> Sud et rentrer en Allemagnepour travailler. Au moment où nous avons décidéde déménager, j’avais déjà commencé à travailleren France où mon travail était montré. L’Europeest devenue notre base. Je fais toujours des chosesen Afrique que je ramène en Europe car je ne peuxpas vraiment laisser l’Afrique s’éloigner.qualité en Afrique <strong>du</strong> Sud, ce qui n’a pas toujoursété le cas : par le passé, mon travail a beaucoupdérangé. Maintenant il est mieux accepté,probablement parce que je vis en Europe. Je suisdevenue l’Autre. Mais cela me convient, je m’enfiche, pourvu qu’ils voient mon travail.Pendant l’Apartheid, vous apparteniez à laminorité blanche, mais vous n’êtes pas Afrikaner…Robyn Orlin : Non, en effet. L’Afrique <strong>du</strong> Sud est trèscomplexe, je viens d’une famille très libérale et degauche, nous parlons anglais, nous n’avonsabsolument pas de sang Afrikaner, je n’appartienspas à ce groupe de gens, cela n’a jamais été monexpérience. En tant que juive de gauche pendantl’Apartheid, je ne me suis jamais intégrée.Cela a-t-il posé un problème dans votre travail, audébut ?Robyn Orlin : Oui, probablement, je travaillais àSoweto, avec des gens de couleur de plusieursraces et très différents, avec différentes races, jedisais des choses qu’on ne voulait pas entendre.Les Blancs ne voyaient pas vos spectacles?Robyn Orlin : Si, ils les voyaient et ça les mettaiten colère.Avez-vous toujours eu le sentiment d’être uneétrangère ?Robyn Orlin : Oui, je me suis toujours sentieétrangère en Afrique <strong>du</strong> Sud, et ce sera toujours lecas en Europe. J’ai fini par l’accepter. J’ai desorigines étranges : mon père est lituanien, mafamille vient d’Europe de l’Est, ils ont émigré enAfrique <strong>du</strong> Sud, où je suis née, pour fuir les Pogroms.Ce ne devait être qu’une étape vers un autre pays,l’Amérique ou le Canada, mais nous ne sommesjamais partis. Encore aujourd’hui, alors quel’Apartheid a été démantelé, je peux aller ausupermarché et entendre trois ou quatre languesque je ne comprends pas, ce sont des langues sudafricainesavec lesquelles je n’ai pas eu le droitd’être en contact, à cause de la nature del’Apartheid. Je suis africaine, je suis une africaineblanche, cela ne fait aucun doute, je ne suis pasnée en Europe, même si mes ancêtres en sontoriginaires. Je vis maintenant entre Berlin, <strong>Paris</strong> etJohannesburg, moyennant quoi mon français etmon allemand sont terribles, je n’arrive pasréellement m’approprier une langue. Je l’aiaccepté, je suis une personne <strong>du</strong> monde.Propos recueillis par Sophie JoubertEst ce que les spectacles que vous faites ici sontmontrés en Afrique <strong>du</strong> Sud ?Robyn Orlin : Oui, sauf les opéras qui sont tropchers. Le public est très mélangé, j’ai un public deDossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 76


Théâtre <strong>du</strong> <strong>Radeau</strong>OnzièmeMise en scène, scénographie, lumière,François TanguyÉlaboration sonore, François Tanguy, Éric GoudardRégie générale et régie lumière, François FauvelRégie son, Éric GoudardConstruction, décor, Frode Bjørnstad,Jean Cruchet, François Fauvel, Éric Minette,Grégory Rault, François Tanguyet l’équipe <strong>du</strong> <strong>Radeau</strong>Avec Laurence Chable, Fosco Corliano,Claudie Douet, Muriel Hélary,Vincent Joly, Cheick Kaba,Carole Paimpol, Karine Pierre,Grégory Rault, Jean Rochereau, Boris Sirdey<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Théâtre de GennevilliersVendredi 25 novembre au mercredi 14 décembre,Mardi et jeudi 19h30, mercredi et vendredi20h30,Samedi 17h et 20h30, dimanche 15h et 18h11€ à 22€Abonnement 11€ et 15€Ceux qui ont vu les créations de FrançoisTanguy et de son Théâtre <strong>du</strong> <strong>Radeau</strong> saventcombien celles-ci, tout en demeurantessentiellement, radicalement, purementthéâtrales, tiennent de la magie. Traçant sur lascène de vertigineuses perspectives, lespanneaux coulissants, comme autant decadres, leur confèrent en effet des allures delanterne magique. Mais ces pièces tiennentégalement de la peinture, si l’on considère lesoin mis à combiner par gestes inspirés etdans un même mouvement, autour de cesacteurs qu’elles traversent et qui lestransfigurent, les différentes matières àdisposition – le texte, la musique, les lumièreset la scénographie. Ou encore de lacomposition, tant le vocable de la musiqueest omniprésent dans la bouche de FrançoisTanguy. Moins ouvertement musical que lesprécédents – Les Cantates, Coda, Ricercar (cesdeux derniers spectacles ayant été présentésau <strong>Festival</strong> d’Automne) –, le titre de cettenouvelle création l’est pourtant tout autant :Onzième fait en effet référence au onzièmedes seize Quatuors à cordes de Beethoven.Son sous-titre, « Serioso », est peut-être uneindication quant à la tonalité de cette pièceoù la gravité (les grandes tragédies totalitaires<strong>du</strong> XXe siècle) côtoie néanmoins le burlesque.Une création dans laquelle textes, théâtrauxou non, dans toutes les langues (tel dialoguede Dostoïevski ou de Witkiewicz, tel fragmentde Kafka, tel monologue de Shakespeare),mêlés à la musique (de Purcell à Sibelius, deSchubert à Berio) et à ces lumières toujourssidérantes, forment une tessituresingulièrement fascinante. Une miraculeuseéchappée hors <strong>du</strong> temps fictionnalisé denotre monde contemporain, maisprofondément ancrée dans le réel, et leprésent, par la grâce <strong>du</strong> théâtre. À nouveau,François Tanguy excelle à exalter cette «profondeur enthousiaste et légère » dontparle Jean-Paul Manganaro : « La profondeurde la beauté nécessaire, face à l’éternellegrimace de l’histoire. »Administration, intendance, Marc Pérennès assisté de Pablo Bence,Pascal Bence,Leila Djedid, Franck Lejuste, Martine Minette,Maryvonne Naji, Emilien Tacheau, Claire TerradesCopro<strong>du</strong>ction Théâtre <strong>du</strong> <strong>Radeau</strong> (Le Mans) ; Théâtre National de Bretagne(Rennes) ; Association Artemps (Dijon) ; Espace Malraux, scène nationale deChambéry et de la Savoie ; Théâtre Garonne (Toulouse) ; Théâtre deGennevilliers, centre dramatique national de création contemporaine ;<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Le Théâtre <strong>du</strong> <strong>Radeau</strong> est subventionnépar la DRAC Pays de la Loire/Ministère de la Culture et de la Communication,le Conseil Régional des Pays de la Loire, le Conseil Généralde la Sarthe et la Ville <strong>du</strong> Mans et reçoit lesoutien de Le Mans Métropole, l’ONDA pourles tournées en France et de L’Institut français pour les tournéesinternationales.Avec le soutien de l’AdamiContacts presse :<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort, Christine Delterme01 53 45 17 13Théâtre de GennevilliersPhilippe Boulet06 82 28 00 47Dossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 77


Le Théâtre <strong>du</strong> <strong>Radeau</strong>BiographieEn 1982, François Tanguy devient le metteur enscène <strong>du</strong> Théâtre <strong>du</strong> <strong>Radeau</strong>, fondé au Mans en1977. Il crée, dès 1985 et aux cotés de LaurenceChable, sa compagnie de théâtre qu’il installe dansune ancienne succursale automobile qui deviendrala Fonderie, inaugurée en 1992. Avec Le songed’une nuit d’été, leur première création, lacompagnie explore l’univers de Shakespeare en sebasant, avant tout, sur le texte et l’écriture <strong>du</strong>dramaturge anglais. Les créations suivantes sefont à partir d’une réflexion globale sans utiliserles écrits : il s’agit d’explorer les idées et lessensations pour que naisse sur scène, un travailissu de cette réflexion. Depuis 1997, les spectaclesde François Tanguy ont déserté les plateaux desthéâtres et circulent sous une grande structuremobile, La Tente, ou dans des espaces pouvantcontenir le dispositif scénique. Parmi les dernièrescréations <strong>du</strong> Théâtre <strong>du</strong> <strong>Radeau</strong>, citons : Bataille <strong>du</strong>Tagliamento, en 1996 ; Orphéon - Bataille - suitelyrique, en 1998 ; Les Cantates, en 2001 ; Coda, en2004 et Ricercar en 2007.Le Théâtre <strong>du</strong> <strong>Radeau</strong> et François Tanguy au <strong>Festival</strong>d’Automne à <strong>Paris</strong> :1987 Mystère Bouffe (Théâtre de la Bastille)1989 Fragments forains (Théâtre Gérard Philipe)1991 Chant <strong>du</strong> bouc (Théâtre de la Bastille)1994 Choral (Théâtre de la Bastille)1996 Bataille de Tagliamento (Théâtre deGennevilliers)2005 Coda (Odéon – Théâtre de l’Europe)2008 Ricercar (Odéon – Théâtre de l’Europe)Onzième, par François TanguyLe désaccord est la cédille qu’il y a entre ce que l’on nesait pas dire de ce qu’on est en train de faire, et en quoice faire va rencontrer cet autre faire à la venue.Une évolution, description dans le temps <strong>du</strong> partagedes eaux et des forêts, les travaux et les jours, Frantz,Robert, et ce nous <strong>du</strong> momentréminiscences de « ressouvenir en avant » selon Sörensans doute avec Ludwigcorps à corps, corps de mots, de gestes et maux descorps, à prononcer en cas de figuresSchaffeln-pelleter-épilepsie-chuter-rebond-l’idiot à laveilleuseles moyens sans fin, en répétant sont les sans fin desrecommencements en siècles et mouvements, parfoisen silence.Onzième c’est entre dix et douze. C’est un milieu-unmitoyen-un méridien, le nombre d’un quatuor enten<strong>du</strong>en clairière avec Klaus dans les champs où sont lesherbes et les grillonsparler ou ne pas parler et se promener en compagniedes créatures« conversation sur la montagne » Paul, Scardanelli,Gherasim, Gillesl’entretien de cette conversation.théâtre tente de dire l’endroit d’où l’on regarde, le lieud’où l’on regarde et c’est, à prononcer, encore ceressaisissement d’alerte, amitié et respect.À la rencontre de François Tanguy,autour de OnzièmeEspérer interviewer François Tanguy, avoir avec luil’une de ces conversations « normées », obligées etfinalement formatées telles qu’on en peut lire àlongueur de journées (et de journaux), est toutaussi illusoire que d’attendre de ses créationsqu’elles rentrent dans les cadres, qu’elles seconforment aux canons et aux conventions quiempèsent le genre théâtral. Aller à sa rencontrerequiert le même abandon, une disponibilitécomparable à celle que sollicitent les étranges etmiraculeux objets qu’en véritable écrivain <strong>du</strong>plateau(1), il s’attache à façonner depuis près detrois décennies. Mais le résultat est à la hauteurde ce qui n’est nullement un effort, pour autantque l’on ait la souplesse d’esprit et la curiosité quis’imposent : la rencontre qui a lieu alors, d’unehumanité et d’une chaleur débordantes, placéesous le sceau <strong>du</strong> partage, est de celles que l’onn’oublie pas. Très loin des mondanités, très près <strong>du</strong>monde.« Comment on écoute »C’est ainsi qu’un beau jour, l’un des tout premiers<strong>du</strong> printemps 2011, on se retrouve au Mans, oùFrançois Tanguy a élu domicile voilà trente-quatreans, avec sa troupe <strong>du</strong> Théâtre <strong>du</strong> <strong>Radeau</strong>. Enarrivant, on a d’abord fait un bref passage à laFonderie, l’ancien et vaste garage en friche dont ila fait depuis 1985, au fil des ans, un espace de vieet de travail – l’un et l’autre ici, impérativement,se confondent – singulièrement accueillant, avecsalle de spectacle, studios de répétition oud’enregistrement, cantine, bureaux, chambresouvertes aux artistes de toutes disciplines qui ysont constamment accueillis en résidence – le toutaménagé avec goût, façon récup’ : histoire d’êtredéjà dans l’ambiance, au diapason de cettesouriante petite colonie, vivante, vibrante etmilitante fourmilière formant ville dans la ville.Puis on a rejoint François Tanguy chez lui, à lalisière <strong>du</strong> Mans, là où les lotissements, centrescommerciaux et autres plantes adventices n’ontpas encore rogné toute la ver<strong>du</strong>re. Et nous voilàdonc assis à une longue table de bois, toutefumante de café et de cigarettes, aux abords de cechapiteau, de cette « Tente » sous laquelle sontsystématiquement inaugurées les créations <strong>du</strong><strong>Radeau</strong>, environnés de chants d’oiseaux queFrançois Tanguy s’amuse à identifier. Avec nouségalement, Jean-Paul Manganaro, écrivain devenudepuis belle lurette ami et compagnon de route dela compagnie, à laquelle il a consacré de nombreuxtextes(2).Se noue peu à peu, plusieurs heures <strong>du</strong>rant, unediscussion qui serait comme une succession defulgurantes trouées dans le silence, soliloques oudialogues, phrases qui sont tantôt des sésames,tantôt des énigmes, échanges ponctués de texteslus à voix haute ou d’interrogations laissées enl’air, à mesure que les cafés, puis le déjeuner sesuccèdent. Une conversation qui serait unDossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 78


« partage de midi » en quelque sorte, scandée parl’inlassable amoncellement des livres (qui icipartout prolifèrent) sur la table, et au fil delaquelle, en attendant la répétition prévue l’aprèsmidi,on va tâcher d’en savoir un peu plus sur cettenouvelle création dont le titre, de nouveau – aprèsLes Cantates, Coda, Ricercar –, et malgré lesapparences, est une allusion musicale : Onzième seréfère au onzième des seize Quatuors à cordes deBeethoven, sous-titré « Serioso »… Le commerce deFrançois Tanguy en dit long sur son théâtre, sonurgence, sa nécessité, son urgente et nécessairequête de la beauté. Et lorsqu’il déclare soudain quetout est question de savoir « comment on écoute »,on serait tenté de voir là, derrière ces trois motsentre interrogation et injonction, l’enjeu même deses pièces tellement musicales, et de cettenouvelle « partition », « ce sapin de Noël qu’onappelle Onzième », comme il dit. Et l’enjeu, aussi,de toute rencontre.Des journées entières dans les artsLa conversation <strong>du</strong> capitaine <strong>du</strong> Théâtre <strong>du</strong> <strong>Radeau</strong>sinue comme un fleuve qui traverserait,modestement et sensiblement, toute la cultureoccidentale – ou alors elle déferle comme unocéan, sac et ressac d’une folle érudition, semouvant par associations d’idées comme autantde vagues et de courants. Parfois, il file unemétaphore, se laisse emporter par une imagepoétique, un jeu de mot, telle allitération ou tellehomophonie, comme on s’engagerait sur unaffluent ou se laisserait emporter par un courant.Parfois il semble parler en italiques, paraphorismes. Conversation loin des us et coutumes,à la fois économe et profonde – et profondeprécisément parce qu’elle est économe.Il parle de Dante, ses « forêts obscures » et sesdescriptions physique de la matière, puis l’instantd’après de la « cartographie de la vie » qu’il ainspirée à l’écrivain Giorgio Passerone, et encored’un Chant <strong>du</strong> même Dante apparaissant dans unfilm de Jean-Marie Straub (O somma luce, 2009). Ilévoque une conversation autour de La Mortd’Empédocle, autre film de Straub et DanièleHuillet (d’après Hölderlin), avec Klaus MichaelGrüber. Il parle de Moïse et Aaron, opéra inachevéde Schönberg (1930-32) lui aussi filmé par lesStraub en 1975 – et en mono, oui, par souci deplacer la musique au centre. « C’est la différenceentre positions et postures. Chez les Straub, il fautd’abord commencer par écouter, puis vous creusez.Parce que si vous croyez que vous allez mieuxcomprendre un objet déjà mâché avant que vousn’y soyez impliqué, ou intrigué… ». Il parle de« retenir les anciens »… Qu’ils soient sibyllins ouextralucides, les mots de François Tanguy, lorsqu’ils’enflamme au sujet des artistes qu’il admire,finissent par être profondément évocateurs de sonpropre travail, lui-même refus viscéral de touteforme prémâchée. Transcrire une discussion aveclui, c’est livrer autant de fragments d’un discoursamoureux, amoureux éper<strong>du</strong> de l’art et de laculture.En fait, on se croirait presque ici à l’une de cesséances de lecture et de discussions « à la table »par lesquelles commence immanquablementchaque nouvelle aventure créatrice <strong>du</strong> <strong>Radeau</strong>.Plus tard, Jean-Paul Manganaro nous confieracombien ces échanges liminaires entre FrançoisTanguy et ses comédiens, « ces moments oùFrançois lit des textes à voix haute, pas forcémenten vue de leur objectivation sur le plateau », sontessentiels ; et combien l’une des choses les plusdifficiles alors a trait au domaine de« l’énonciation », au sujet de laquelle « François semontre d’un rigorisme très strict ». On devine queces séances ressemblent, de près de loin, à notrerencontre d’aujourd’hui, comme l’on tâche dedeviner si, parmi toutes les références que FrançoisTanguy tisse et entrecroise avec nous, certaines seretrouveront dans Onzième – lesquelles ont puservir de matériau préparatoire à cet opus surlequel la compagnie planche depuis l’étéprécédent. En cette période sismique, alors que« les révoltes parcourent le monde au sud de laMéditerranée », on sent le metteur en scènepréoccupé, plus encore que de coutume, par laquestion de l’histoire, et par les tragédies qui ontjalonné celle <strong>du</strong> XXe siècle. On se rappelle del’émotion qu’avait suscitée au sein de la troupe, àl’été 1994, <strong>du</strong>rant les répétitions de Choral enAvignon, le siège de Sarajevo – qui avait con<strong>du</strong>itFrançois Tanguy a réclamer publiquement que laville alors assiégée par les nationalistes serbessoit décrétée « capitale culturelle de l’Europe ». Ausein <strong>du</strong> <strong>Radeau</strong>, il n’est finalement question qued’une seule chose : l’engagement.Entre réel et histoireFrançois Tanguy parle ainsi de Céline – dont il esten train de lire la biographie que lui a consacréeEmile Brami (Céline : « Je ne suis pas assez méchantpour me donner en exemple », 2003) – et d’EzraPound, évoquant une conversation entre ce dernieret Pasolini filmée par la RAI en 1963. Il dit vouloir« explorer cette espèce de faille curieuse », cette« partition » qui sépare les « caractères louches »des « caractères purs » (Hölderlin, Kafka), citantIago et Othello, Hamlet et Horatio, Céline etKafka, Euripide et Aristophane, la distance entreidol et ikon. Vouloir aller à l’encontre desstérétoypes, vomir « cette ignoble monomanieoccidentale selon laquelle les Arabes sont tout enbas », « jeter sa chaussure sur l’indignitié, sur cetteindigne représentation de la stabilité selonlaquelle “les Arabes sont là pour être des Arabes” ».Il dit que « Céline, lui, jette sa chaussure sur luimême,et se jette lui-même au besoin… ».Il parle de Deleuze, auquel il revient souvent : dela différence entre l’équivoque et l’univoque, cetteunivocité synonyme d’innocence ; la différence quisépare « il y a » et « il n’y a pas » : « Entre les deux,il y a une multitude». Entre les deux, il y al’histoire. « Le problème de Céline, c’est qu’il estentré dans l’histoire et n’a pas su s’en dépêtrer.C’est ce qui, en 2010-2011, pro<strong>du</strong>it de l’équivoque.Mais peut-être que pour l’art, l’histoire estéquivoque… ». Il parle d’« aller dans les faits », ditDossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 79


vouloir « aller dans les forets – comme on fore unpuits de pétrole –, creuser une matière, uncratère ».On en vient à Péguy, autre référence récurrente –«l’un de ceux qui, avec Zola et quelques autres, etmalgré sa dévotion à la Vierge et à sa garniture,ont déclenché le XXe siècle, cette fracture, cettefissure… ». Il insiste sur ces « points critiques del’événement » tels que l’écrivain les définit dansson essai Clio, dialogue de l’histoire et de l’âmepaïenne. Il lit quelques pages d’un autre texteintitulé « A nos amis, à nos abonnés », et on enretient des bribes, des phrases qui claquent : « Jelui donnais <strong>du</strong> réel, il recevait de l’histoire. » (Visionprémonitoire de ce storytelling qui est en train desubmerger les médias et, peu à peu, de construirele tombeau de notre époque, noyant l’actualitédans la fiction ?) Ou encore : « Il m’entendait en unlangage étranger, c’est dire qu’il ne m’entendaitpas <strong>du</strong> tout. » « Il y a des moments où il y ahistoire, d’autres où il n’y en a pas », ajouteFrançois Tanguy, avant de conclure par cettephrase tirée des « fragments narratifs » de Kafka :« Nous autres, c’est notre passé et notre avenir quinous tiennent. »Un peu plus tard, il parle de son rapport à lamusique : « La musique, c’est comme les oiseaux,la couleur des choses. C’est une flambée de geais,de corbeaux, de pies. » Il dit qu’elle estaccentuation d’un trait, vitesse en fusion, ill’oppose au langage qui ne serait « qu’une espècede sous-titrage de ce qui nous caractérise, nous,l’espèce humaine… En quoi la musique nousaffecte-t-elle – et, nous affectant, nous réaffecte-telleà cette insistance, à cette persistence ?… » Lamusique, ou le seul moyen (et le seul mystère)permettant de rendre la vie un peu plussupportable : « Nous expérimentons que noussommes éternels », dit-il, citant Deleuze à proposde Spinoza. Et à propos de Deleuze, évoquant la« répétition d’un motif », son «contrepoint», il envient à évoquer sa fameuse « ritournelle », ce chantqu’entonne pour se rassurer « l’enfant dans le noir,saisi par la peur... »« Dans Ricercar, nous avions travaillé sur desmatériaux disparates. Onzième est organisésuivant des structures littéraires différentes : ils’agit certes toujours de fragments, mais ce sontdes fragments-“blocs”, qui obéissent à une fonctiondifférente. Un dialogue de Dostoïevski parexemple, qui n’est pas fait pour le théâtre, et qui, àla lecture, provoque autre chose, pro<strong>du</strong>it undécalage : que signifie ce texte ? Dans quoi a-t-il dela consistance? Est-il allusif, élusif ? C’est uneaffaire de réacclimatation. » Il poursuit : ce quicompte, dit-il, c’est « comment ça traverse. C’est unmouvement. Dans ce que je fais, il ne s’agit surtoutpas d’ajuster une action à un propos. Maisaccessoirement, polémiquement, cela peut secogner à ce qui, dans le langage – cette forme departuriente – peut lui être le plus hostile… »Onzième, répétitionOn l’a compris, le théâtre de Tanguy se construitdans l’art, et de l’art – les grands textes, la grandemusique. Dans ces rencontres, et dans leur partage.Et surtout, dans une science aigüe <strong>du</strong> plateau. C’estce que l’on va pouvoir vérifier sur pièceslorsqu’après le café, à la suite de la troupe, onpénètre sous la fameuse Tente où Onzième serapour la première fois présenté au public, débutjuin. A l’entrée, des piles et des étagères de livres,que divers postes de régie (son, lumière, etc.), sertisd’ordinateurs portables, séparent de la scène.Celle-ci ressemble à celle des dernières spectaclesde Tanguy : elle est cet espace à la fois clos (« Qu’ils’agisse <strong>du</strong> son ou de la lumière, tout vient de laboîte », explique le metteur en scène) et démesuré,infini, sur lequel des panneaux coulissants,actionnés à la main par les acteurs, permettent deménager des perspectives sidérantes. « Au départ,nous disait François Tanguy un peu plus tôt, il y aun espace. Tous les matériaux arrivent à partird’une conjonction provisoire, que l’on met àl’essai : il n’y a pas de matière préalable. Ce quel’on cherche, ce sont des agencements – entre leson, la lumière, les volumes… – et une ouverture <strong>du</strong>sens. » A la fois bricolés et d’une beauté à couper lesouffle, ses spectacles tiennent del’enchantement, succession impalpable dedifférents tableaux qui fonctionnent comme lesplaques de verre d’une lanterne magique.Au milieu des chants d’oiseaux, et tout au long del’après-midi, on va alors assister à une fascinanteentreprise de mise en place : sur la scène creuséede lignes de fuite abyssales, parcourue desilhouettes crépusculaires elles-mêmesenveloppées comme d’un halo par une hypnotiquetrame musicale (un air de Purcell, quelquesmesures de Sibelius mises en boucle, des bribes deSchubert, de Chostakovitch, de Berio…), deuxpassages seront successivement travaillés, dontpersonne ne sait encore à quel moment de la pièceils seront raccordés.Dans le premier, un monologue joué en anglais ettiré de Richard II de Shakespeare répond auximprécations de la voix enregistrée de Mussolini ;des comédiens vaguement soldats esquissent dessaluts fascistes qui finissent par se noyer en unesarabande grotesque, rappelant les peinturesexpressionnistes de George Grosz. Dans le second,c’est cette fois un matériau non théâtral – undialogue des Frères Karamazov – qui sert de filcon<strong>du</strong>cteur à une scène où s’enchevêtrent le drameet le burlesque, fantômes tchékhoviens et ombresde films muets.Ce théâtre qui, s’il se joue de l’histoire, s’ancrepuissamment dans le réel, est à la fois mystérieuxet vivant, comme une main ten<strong>du</strong>e : on peut lesaisir et l’entendre comme on le souhaite, demultiples manières. On se rappelle alors que, lematin même, en feuilletant l’exemplaire de MillePlateaux, de Deleuze et Guattari, qui traînait sur latable, on y avait pu lire ces mots révélateurs : « Lachanson est comme l’esquisse d’un centre stable etcalme, stabilisant et calmant, au sein <strong>du</strong> chaos… »On se dit que peut-être, finalement, le théatreselon François Tanguy est une manière deritournelle. Ou peut-être pas. Il nous le disait luimêmeun peu plus tôt : « De toute façon, on aDossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 80


toujours tort. Et il faut avoir tort. Tout ce quicompte, c’est d’être juste dans l’erreur. »David Sanson1. Voir à ce sujet Bruno Tackels, François Tanguy etle Théâtre <strong>du</strong> <strong>Radeau</strong>. Ecrivains de plateau II, LesSolitaires Intempestifs, 2005.2. Regroupés dans le recueil François Tanguy et Le<strong>Radeau</strong>, paru en 2008 aux éditions P.O.L.Dossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 81


RepriseNicolas BouchaudÉric DidryLa Loi <strong>du</strong> marcheur(entretien avec Serge Daney)Un projet de et avec Nicolas Bouchaudd’après Serge Daney, Itinéraire d’un ciné-fils, un filmde Pierre-André Boutang et Dominique RabourdinMise en scène, Éric DidryCollaboration artistique, Véronique TimsitLumière, Philippe BerthoméScénographie, Élise CapdenatSon, Manuel CoursinRégie générale et lumière, Ronan Cahoreau-GallierVidéo, Romain Tanguy, Quentin VigierStagiaires, Margaux Eskenazi, Hawa Kone<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Théâtre <strong>du</strong> Rond-PointMardi 29 novembre au samedi 31 décembre20h30, dimanche 15h30,Représentation supplémentaire le dimanche18 décembre à 18h30Samedi 31 décembre 18h30Relâche lundi, dimanche 4 et 25 décembreLa Loi <strong>du</strong> marcheur prend pour point dedépart le film documentaire de 1992, de Pierre-André Boutang et Dominique Rabourdin danslequel Serge Daney, 47 ans et malade <strong>du</strong> sida, s’entretient longuement avec Régis Debray etretrace avec lui les étapes de sa vie avec etpour le cinéma : de son enfance dans le 11earrondissement de <strong>Paris</strong>, dans un milieumodeste, à sa longue contribution aux Cahiers<strong>du</strong> Cinéma ; des voyages après mai 1968 à sesannées de critique à Libération, où il acquiertune large reconnaissance publique.Cet entretien-fleuve, Nicolas Bouchaud en atout de suite vu le potentiel théâtral. Acteurunique de la pièce dans une mise en scèned’Éric Didry, il s’adresse au public de façondirecte. Théâtral, le texte l’est parce que Daneyest un conteur virtuose, s’exprimant de façonsimple et percutante, avec un sens inné de laformule. Il l’est aussi parce que cette paroleest adressée : à Régis Debray dans le film, ellel’est ici plus largement aux spectateurs,happés par un dialogue implicite avec lecritique. Au fil des deux « passeurs » que sontDaney et Bouchaud, c’est notre place despectateur qui est interrogée : quelsspectateurs sommes-nous ? Commentrecevons-nous les œuvres et comment enparlons-nous ?Au-delà d’une simple « transposition » d’untexte au théâtre, la mise en scène rendhommage au rapport de fascination que lecinéma peut susciter dans l’enfance. Un seulfilm témoigne ici pour tout le cinéma : RioBravo d’Howard Hawks, film « ami d’enfance »que Nicolas Bouchaud et Serge Daney n’ontjamais per<strong>du</strong> de vue. Le film projetés’entremêle au jeu d’acteur, et donne lieu àdes jeux multiples entre l’écran de cinéma etle plateau, inventant un « présent de théâtrepour sauver le cinéma »...14€ à 27€Abonnement 10€ et 17€Durée estimée: 1h50Contacts presse :<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort, Christine Delterme01 53 45 17 13Pro<strong>du</strong>ction déléguée Théâtre <strong>du</strong> Rond-PointLe Rond-Point des tournéesCopro<strong>du</strong>ction Théâtre National de Toulouse Midi-PyrénéesCie Italienne avec Orchestre ; <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Avec le soutien <strong>du</strong> CENTQUATRE-<strong>Paris</strong>Théâtre <strong>du</strong> Rond-PointHélène DucharneCarine Mangou01 44 95 98 47Dossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 82


Nicolas BouchaudBiographieNicolas Bouchaud est comédien depuis 1991.Il joue d’abord sous les directions d’ÉtiennePommeret, Philippe Honoré… puis rencontre Didier-Georges Gabily en 1992 avec lequel il travaillerasur plusieurs spectacles : Les Cercueils de zincd’après l’œuvre de Svetlana Alexievitch (1992),Enfonçures de Didier-Georges Gabily (1993), Gibiers<strong>du</strong> temps de Didier-Georges Gabily (1994), DomJuan / Chimères et autres bestioles de Molière etDidier-Georges Gabily (1997).C’est à partir de 1998 que Nicolas Bouchaud jouesous la direction de Jean-François Sivadier, datequi marquera le début d’une longue collaborationentre les deux hommes. Ils travaillèrent ensemblesur :Noli me tangere (1998), La Folle journée ou leMariage de Figaro de Beaumarchais (2000), La Viede Galilée de Bertolt Brecht (2003), Italienne scèneet orchestre (2004), La Mort de Danton de GeorgBüchner (2005), Le Roi Lear de Shakespeare (2007),La Dame de chez Maxim de Georges Feydeau(2009).En 2008 il joue et met en scène avec Gaël Baron,Valérie Dréville, Jean-François Sivadier etCharlotte Clamens, Partage de Midi de Paul Claudelcréé au <strong>Festival</strong> d’Avignon 2008.Éric DidryBiographieMetteur en scène, acteur, Éric Didry est l’assistantde Claude Régy de 1985 à 1990 et lecteur pour lesAteliers Contemporains. Il a été collaborateurartistique de Pascal Rambert de 1990 à 1993. Àpartir de 1993, il devient créateur de ses propresspectacles.Depuis de nombreuses années, il dirige dessessions de travail avec des acteurs. Il estintervenu à plusieurs reprises à l’École <strong>du</strong> ThéâtreNational de Strasbourg et intervientrégulièrement à l’École <strong>du</strong> Théâtre National deBretagne. Il poursuit son travail sur la parole enanimant régulièrement des ateliers de récitsimprovisés où il réunit des acteurs et des danseurs.Repères biographiques :1993, création de Boltanski / Interview d’après uneémission de France Culture Le bon plaisir deChristian Boltanski par Jean Daive au <strong>Festival</strong>Nouvelles Scènes de Dijon1998, création de Récits / Reconstitutions,spectacle de récits improvisés, Théâtre GérardPhilipe2002, création de Non ora, non qui adapté d’un récitde Erri De Luca au <strong>Festival</strong> Frictions de Dijon2005, conçoit et interprète avec Manuel Coursin LeSon des choses n°5 : Bienvenue, créé auxLaboratoires d’Aubervilliers2007, joue dans Machine sans cible créé par GildasMilin pour le <strong>Festival</strong> d’Avignon2009, création de Compositions, spectacle de récitsimprovisés, à l’issue d’une résidence à RamdamSerge DaneyBiographieNé à <strong>Paris</strong> en 1944 et y restera jusqu’à sa mort en1992.Critique de cinéma, il exerça son métier auxCahiers <strong>du</strong> Cinéma (1973-1981) puis à Libération(1981-1991) et fonda la revue Trafic (1991, éditéepar P.O.L.).Sa passion <strong>du</strong> cinéma s’ancre dans son enfance.Enfant de l’après-guerre il est naturellementacquis à la Nouvelle Vague et à sa revue LesCahiers <strong>du</strong> cinéma. Il écrit son premier article : RioBravo. Un art a<strong>du</strong>lte en 1962 lorsque Louis Skorecki,un camarade de lycée, fonde une revue intituléeVisages <strong>du</strong> cinéma. Il commence alors sacollaboration avec Les Cahiers <strong>du</strong> cinéma quipublie ses premiers entretiens réalisés auprès decinéastes aux Etats-Unis. À partir de 1968 ilentreprend de longs voyages en Afrique, en Inde,marcheur inlassable, arpenteur confrontant lagéographie aux images. De 1973 à 1981, il estrédacteur en chef des Cahiers <strong>du</strong> Cinéma alors enpleine crise tant politique qu’esthétique. En 1981il quitte la revue pour entrer au quotidienLibération et participer à la nouvelle formule <strong>du</strong>journal. Sa réflexion sur les images s’élargit alorsaux films, à la télévision (avec la chronique Lesalaire <strong>du</strong> zappeur), et aux médias en général. Ildéfend, pourfend, lutte avec humour et précisioncontre la récupération mercantile ou la disparitionprogrammée de cette culture collective <strong>du</strong> regard,donc <strong>du</strong> rapport au monde, que le cinéma, artpopulaire et sophistiqué, avait inventée un siècleplus tôt.De 1985 à 1990, il anime une émissionhebdomadaire, Microfilms, sur France Culture, où ilreçoit un invité pour parler de sujets ayant trait aucinéma. Il voyage toujours beaucoup. En 1991, ilfonde sa propre revue, Trafic, éditée par P.O.L.Itinéraire d’un ciné-fils est réalisé en 3 jours, enjanvier 1992.Il meurt <strong>du</strong> sida avant l’édition <strong>du</strong> 4ème numérode Trafic, le 12 juin 1992.Dossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 83


Entretien avec Nicolas BouchaudComment est né ce projet ?Nicolas Bouchaud : J’ai vu Itinéraire d’un ciné-fils,l’entretien de Régis Debray avec Serge Daney en1992, quand il est passé dans Océaniques. J’ai étécaptivé immédiatement. Je connaissais SergeDaney à travers ses articles dans Libération. Maisici, j’entendais une pensée se déployer. Le destind’un art, le cinéma, faisait littéralement corpsavec celui d’un homme. Sa pensée fait sentir quepenser est d’abord un plaisir. En l’écoutant, on sedit à un moment que le mot « cinéma » pourraitêtre remplacé par celui de « peinture », de« littérature », de « musique », de « théâtre ». Onfinit par entendre ce texte comme un regardétonnant et roboratif sur l’art. Et puis quelquechose me touchait plus profondément. J’avais lesentiment que Serge Daney était resté fidèle à cerapport qu’il avait eu, enfant, avec le cinéma etque je pouvais partager ça avec lui. Quelque choseme concernait et qui tournait autour de l’enfanceet de la transmission. J’entendais une voix proche,comme celle d’un ami, jamais rencontré. Je sentaisque ce « texte » existait pour être partagé.Êtes-vous cinéphile ? Quel rôle a tenu le cinémadans votre parcours d’homme de théâtre ?Nicolas Bouchaud : Le cinéma est lié à monenfance. Dans l’entretien, Serge Daney cite samère qui dit : « Oh ! On fait pas la vaisselle, on laf’ra plus tard et on va au cinéma ». Ma grand-mèreprononçait à peu près la même phrase, aussisimplement, comme s’il s’agissait d’aller faire untour en bas de la rue. Cette phrase, je la reconnaiscomme la formule d’un conte, qui fait naître ledésir de l’enfant et son attente. J’étais fils unique(comme Serge Daney) et j’ai dû penser que chaquefilm m’était offert comme un cadeau, pour moitout seul. Les films étaient comme des partenairesde jeu. Et je ne parle pas de grands films. Lorsquej’allais avec ma grand-mère au cinéma de quartier« L’univers » rue d’Alésia, on voyait plutôt deswesterns et c’était vraiment de la série Z, pas <strong>du</strong>John Ford. J’avais un rapport affectif avec lecinéma. Ensuite, j’ai étudié le cinéma comme onétudie un art, mais à travers Serge Daney c’étaitvraiment ce retour à l’enfance qui me captivait.« Quels sont les films qui ont regardé notreenfance ? » selon la très belle formule de Jean-LouisSchefer. Pour ce qui concerne la pratique <strong>du</strong>théâtre, mon amour <strong>du</strong> cinéma joue de façon tout àfait inconsciente et donc très active. Je ne saurais,ni ne voudrais mettre de mots dessus.Comment avez-vous opéré le transfert <strong>du</strong> film authéâtre ?Nicolas Bouchaud : Éric Didry, le metteur en scène<strong>du</strong> spectacle, a commencé par retranscrire la parolede Serge Daney, en prenant bien soin de ne pas luienlever son caractère d’oralité. Il a retranscrittoutes les hésitations, les contractions de mots oules phrases qui restent en suspens. Serge Daney parexemple ne fait aucun point. On s’est doncretrouvé avec un texte « écrit » assez bizarre quiressemblait un peu à une langue étrangère. Maisqui n’était pas si éloigné de ce sentimentd’étrangeté qu’on peut avoir en lisant Claudel,Shakespeare ou Racine.Nous avons décidé avec Éric et Véronique Timsit(collaboratrice artistique) de supprimer lesquestions posées par Régis Debray. Nous avonsenlevé toutes les références à la forme même d’un« entretien ». Je me retrouvais donc seul sur scènesans interlocuteur. Cela nous a poussés à être plusinventifs sur la forme théâtrale à trouver.Ensuite je pars de ce que je crois connaître <strong>du</strong>travail de l’acteur avec un texte. Comments’approprier une parole afin que cette parole puisses’énoncer et se renouveler dans le présent dechaque représentation. Comment repérer lespassages d’un texte qui sont par eux-mêmes unemise en situation, une mise en abîme del’exposition d’un acteur face à un public. Tous lesgrands écrivains <strong>du</strong> répertoire utilisent à unmoment ce truc là. De façon surprenante, on trouvedans la parole de Serge Daney beaucoup de phrasesqui sont déjà des indications très concrètes pourl’acteur. Par exemple, il dit dans le film, ens’adressant à Régis Debray : « Quand les gensviennent me voir comme aujourd’hui, ça peut pasêtre moi qui les intéresse sinon ils se seraientintéressés plus tôt, donc c’est ce que jereprésente… ». Lorsque je prononce cette phrase surle plateau, elle parle de ma propre situationd’acteur face à des gens qui sont venus m’écouter.Moi aussi je suis en train de représenter quelquechose. Je représente la parole de quelqu’un. C’estune phrase qui ramène <strong>du</strong> présent dans lareprésentation. Au théâtre, on sait qu’on partage lemême temps que le spectateur. Ça c’est un outil <strong>du</strong>théâtre que ne partage pas le cinéma. Au cinéma,on enregistre l’instant présent une fois pour toute.Au théâtre, il faut le ré-enchanter sans cesse.Avez-vous suivi l’ordre imposé par l’entretien ?Nicolas Bouchaud : On a suivi l’ordre chronologique.C’était très important. À l’époque, malade <strong>du</strong> sida,Serge Daney connaît l’imminence de sa mort. Noussommes face à quelqu’un qui éprouve la nécessitéde nous transmettre quelque chose en repassantpar plusieurs étapes de sa vie. Serge Daney neparle pas de sa propre vie pour nous l’exposer maispour élucider une part de ce qu’il a vécu. C’estproche d’une démarche analytique. C’est uneparole qui se construit à vue. Il y a des fulgurancesde la pensée qui se créent par association d’idées.En écoutant Serge Daney, une autre image mevient : c’est celle de l’Odyssée, dans le styled’Homère. L’Odyssée c’est la tentative de rentrerchez soi en ayant vécu une série d’aventuresextraordinaires. On passe par différentes étapes,par différentes stations. D’abord l’enfance, puis lacinéphilie, puis un récit de voyage, etc. Chaquetexte est comme un pays sur le chemin <strong>du</strong> retouret finit par dessiner une sorte de cartographie de laparole. L’idée de cette traversée était importante.Retraverser sa vie c’est aussi une façon derattraper son retard sur un scénario qui acommencé avant nous ; c’est la situation dansDossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 84


laquelle se trouvent James Stewart dans Autopsied’un meurtre et Cary Grant dans North byNorthwest. Peu à peu, ils s’approprient un scénarioqu’ils ne maîtrisent pas pour en faire leur histoire.Deux acteurs et deux films, formateurs pour SergeDaney.Cela crée-t-il un rapport particulier avec lespectateur ?Nicolas Bouchaud : Le rapport avec le spectateurest direct. C’est lié à la façon dont Serge Daneyconvoque notre écoute et à la façon dont il nousinclut dans sa parole. C’est le rapport à l’ « autre »qui sous-tend toute la pensée de Serge Daney.C’est pour ça qu’en l’écoutant, on se sent fortementexister. Jacques Rivette disait que Serge Daneyétait fondamentalement un homme deconversation. Il se définissait lui-même comme un« griot ». Sur le plateau, on crée une« conversation » suffisamment ouverte pour queles gens puissent voyager, cheminer à leur guise,rêver, (re) voir des choses et avoir envie de parleraussi. Ce n’est pas une conférence. Serge Daneyétait lui-même le spectateur des films des autres.Sur le plateau, je suis donc comme le miroir desspectateurs assis dans la salle.Mais Serge Daney n’était pas non plus unspectateur comme les autres. Il se définissait aussicomme un « passeur » entre les œuvres et le public.Et moi qui suis un acteur, je joue un rôle similaire.L’acteur est celui qui « passe » un texte auspectateur. « Faire la bonne passe », termeanalytique, érotique et sportif. Je crois que l’art del’acteur est intimement lié à sa vie de spectateur.Moi, je n’invente rien d’autre que ce que j’ai déjàvu, aimé, oublié, aperçu, désiré… Cela ne fait pasappel à une mémoire consciente, mais on voittoujours quel spectateur a été l’acteur.En quoi cette parole est-elle théâtrale ?Nicolas Bouchaud : Toute parole sous-ten<strong>du</strong>e parune ligne de passion forte peut créer un état de jeupour l’acteur. Lorsqu’elle est dite à haute voix, onfait le pari que cette parole est partageable avecceux qui sont venus l’écouter. Par ailleurs, j’aitoujours l’impression que les métaphores utiliséespar Serge Daney pour parler des films ont unrapport avec le théâtre. D’un point de vuedramaturgique, le texte de l’entretien contient enlui-même beaucoup de formes différentes. Lesformes hybrides pro<strong>du</strong>isent <strong>du</strong> jeu, pour moi. Lestyle de Serge Daney est un mélange des genres,une torsion <strong>du</strong> langage oral. Des emprunts sontfaits aux concepts de la psychanalyse, de lapolitique, au style de la chronique, <strong>du</strong> pamphlet,<strong>du</strong> récit et de la langue courante. Plusieurs formessont à l’œuvre et créent la vie <strong>du</strong> texte. Cette idéede forme hybride joue aussi pour l’ensemble denotre spectacle, puisqu’il s’agit de parler decinéma sur un plateau de théâtre.Comment avez-vous abordé la scénographie ?Nicolas Bouchaud : Il n’y a pas de quatrième murcar comme dit Serge Daney : « Le théâtre c’est levrai espace public ». La parole contient en ellemêmeun espace extraordinaire. L’acteur vient etparle aux gens très simplement, comme unconteur.Nous voulions qu’il y ait un rapport avec l’image.Pour créer un dialogue entre le théâtre et lecinéma, je pense qu’il faut s’appuyer sur leursdifférences. L’utilisation de l’image projetée authéâtre est une chose devenue courante, mais quiest empruntée au vocabulaire cinématographique.Pour moi ça n’a rien d’évident de projeter desimages au théâtre. Mais c’est en ayant consciencede cela qu’on peut trouver un terrain de jeu entrel’image et le plateau, à condition de regarder lesimages projetées comme quelque chose d’incongruet d’étonnant. On cherche un moyen de lesaccueillir. C’est toujours la question de l’Autre,comment lui faire une place.Elise Capdenat, la scénographe, a imaginé un objetqui ressemble à une grande page blanche posée surle plateau. Cet objet ne ressemble pas à un écran,mais il peut devenir une surface de projection.Avec Daney, la tentation aurait été de projeter desextraits de films. Mais l’idée de la présence d’unseul film s’est imposée très vite ; comme si ce filmétait à lui seul, toute l’histoire <strong>du</strong> cinéma. On achoisi Rio Bravo d’Howard Hawks. C’est un des filmspréférés de Serge Daney et c’est aussi un de mesfilms préférés. Toujours en pensant à l’enfance,c’était le rapport affectif avec l’image qui nousintéressait. On a pris Rio Bravo et on a essayé d’enfaire quelque chose qui ait <strong>du</strong> sens sur un plateau.En projetant le film, j’ai essayé d’improviser,d’inventer des séquences avec les extraits. J’aiessayé de faire partie <strong>du</strong> film, d’être dans le film,comme dans un jeu d’enfant. Je cherchais unrapport sensuel avec l’écran. Manuel Coursin aimaginé des interactions possibles entre moi et leson, le bruitage et la musique de Rio Bravo. Nousvoulions que l’image et le son aient une incidencesur le corps de l’acteur.Daney disait que le cinéma marchait sur deuxjambes, une populaire et une plus élitiste. Diriezvousla même chose <strong>du</strong> théâtre ?Nicolas Bouchaud : Il disait surtout que le cinémaétait né comme ça, sur ces deux jambes-là. Lecinéma vient aussi bien <strong>du</strong> cirque, <strong>du</strong> cabaret, quede l’avant-garde. Oui, je pense qu’on peut dire lamême chose pour le théâtre. Shakespeare est à lafois populaire et élitiste, de même qu’Euripide ouMolière… Et il y a la fameuse phrase d’AntoineVitez : « Un théâtre élitaire pour tous ». Cesaffirmations n’ont de sens que si on les replacedans leur moment historique. La cinéphilie deSerge Daney, celle des années 1950-1960, a pu fairese croiser les formes « populaires » et« artistiques ». La force de cette cinéphilie a été demettre en rapport des formes un peu mépriséescomme le western, la comédie musicale, avec unemémoire <strong>du</strong> cinéma visible grâce à laCinémathèque, créée par Henri Langlois. Telle sérieB, filmée par Fritz Lang ou Nicholas Ray, pouvaitfaire l’objet d’une appropriation multiple par despublics hétérogènes, aussi bien en haut qu’en basde la société. C’est comme cela qu’est née « laDossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 85


politique des auteurs » dont Serge Daney est le« ciné-fils », comme une forme de refus de la cultureofficielle. La culture se devait d’être une promesse,celle « de faire l’expérience des œuvres, passimplement l’apprentissage d’un savoir ». Mais « lapolitique des auteurs » n’existe plus, ni le théâtre<strong>du</strong> Globe de Shakespeare. Nous sommes dans unautre moment de l’Histoire. Aujourd’hui, je ne suispas sûr que le cinéma et le théâtre marchentencore sur leurs deux jambes. Aujourd’hui tel filmou tel spectacle se présente à nous comme marquéculturellement et esthétiquement pour tel ou telpublic. Même les acteurs finissent classifiéscomme « acteur de cinéma », « acteur de théâtresubventionné », « acteur de théâtre privé », « acteurde télévision », « acteur-performeur »…brouillard ou Rome, ville ouverte sont des momentscruciaux, à la fois dans l’histoire de l’art et dansl’histoire tout court. Ces chocs esthétiques sontinséparables d’une prise de conscience historiqueet politique. Au moment de l’entretien en janvier1992, le Front National est très haut dans lessondages. Aujourd’hui, il remonte à nouveau. Il amême quelques représentants au sein <strong>du</strong> pouvoiren place. Quand je dis dans le spectacle : « Moi j’aicru que l’humanité était gagnée, l’unité del’espèce humaine était gagnée, le racisme étaitridicule, aujourd’hui je pense que tout ça nous serareposé. », cela agit comme une piqûre de rappel.Propos recueillis par Barbara Turquier (2010)Quelle est la « loi <strong>du</strong> marcheur » ?Nicolas Bouchaud : Un jeu de mot. Une expressionque j’ai volée à Jean Douchet dans un texte où ilparle de Serge Daney. La loi <strong>du</strong> marcheur, c’estl’invention <strong>du</strong> temps : « Et moi qui suis unmarcheur, j’ai la mémoire <strong>du</strong> marcheur, je mesouviens d’un film plan par plan (…) Tout ce que j’aiécrit, c’est de l’ordre <strong>du</strong> carnet de route » dit SergeDaney. Quand on marche, on a la sensation d’untemps qui se transforme. Après quelques heures demarche, on découvre un temps à soi, pour soi. SergeDaney disait que ce que voir des films lui avaitdonné, c’était l’invention <strong>du</strong> temps. Inventer untemps à lui dans lequel il puisse vivre.Parler de l’invention <strong>du</strong> temps sur un plateau dethéâtre, c’est s’interroger sur l’art de l’acteur.Exister sur un plateau, c’est inventer une <strong>du</strong>rée àsoi, mais partageable avec d’autres. Combien detemps vais-je <strong>du</strong>rer sur un plateau de théâtre ?Combien de temps vais-je capter l’attention <strong>du</strong>spectateur ? C’est la question de la présence. Onparle souvent de la « présence des acteurs » surscène ou au cinéma. Mais dans « présence », il y a« présent ». De même que dans « représenter », il ya l’idée de « remettre au présent ». C’est bien unequestion de temps qui se pose pour l’acteur.Comment densifier le présent ? Comment faire voirou revoir un texte ? Lorsque je parle de« l’invention <strong>du</strong> temps » dans le spectacle, noussommes au cœur de notre sujet. Au point derencontre d’une pensée sur le cinéma et d’unepratique <strong>du</strong> théâtre.Avec Daney, on passe de l’atmosphère étouffantede la France des années 50 à l’esprit de Libération.Avez-vous lu ce texte comme une réflexion surl’histoire récente de la France ?Nicolas Bouchaud : Ce n’est pas tant une réflexionsur l’histoire qu’une traversée picaresque del’histoire. À la manière de Don Quichotte ou deTristram Shandy. Cette traversée historiquem’intéressait évidemment. Ce qui m’intéresse enécoutant Serge Daney, c’est la façon dont lecinéma a eu, pour lui et pour sa génération, unevaleur de témoignage. À la suite d’André Bazin,Serge Daney a pu affirmer que le cinéma était unart réaliste qui, en montrant l’inhumanité, pouvaitnous en prévenir. Hiroshima, mon amour, Nuit etDossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 86


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Guy CassiersCœur ténébreuxde Josse De Pauwd’après Au Cœur des ténèbresde Joseph ConradMise en scène, Guy CassiersDramaturgie, Erwin JansScénographie, Guy Cassiers, Enrico Bagnoli, Arjen KlerkxConception lumière, Enrico BagnoliConception son, Diederick de CockConception vidéo, Arjen KlerkxOpérateur de prises de vue, Patrick OttenCostumes, Kristin Van PasselAssistante costumes, Charlotte WillemsMaquillage et perruques Ingeborg Van EetveldeAvec Josse De Pauw<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Théâtre de la VilleMardi 6 au dimanche 11 décembre 20h30,dimanche 15h14€ et 25€Abonnement 14€Formé aux Beaux-Arts d’Anvers, Guy Cassierss’est imposé, à 50 ans, comme l’une desgrandes figures d’une scène flamande aussiriche que pluridisciplinaire : de Rouge décantéà Sous le volcan, en passant par sonmémorable « Triptyque <strong>du</strong> pouvoir » créé àAvignon (et présenté en 2008 par le <strong>Festival</strong>d’Automne et le Théâtre de la Ville), sesspectacles, qu’il qualifie de « mosaïques »,convoquent des éléments empruntés aux artsvisuels, au cinéma et à la télévision pourproposer un théâtre qui, au-delà de sasidérante beauté plastique, revêt unerésonance sensiblement contemporaine, etrésolument politique. C’est aussi un théâtred’acteurs, ainsi que vient le rappeler ce Cœurténébreux conçu avec et pour Josse De Pauw,unique (et magistral) protagoniste de cettesombre équipée. Guy Cassiers poursuit ainsison travail sur des matériaux « nondramatiques », et sur les monuments de lalittérature européenne <strong>du</strong> XXe siècle. AprèsProust, Klaus Mann, Robert Musil ou MalcolmLowry, il s’attache aujourd’hui à l’AnglaisJoseph Conrad – Cœur ténébreux est uneadaptation d’Au cœur des ténèbres, brefroman, fameux notamment pour avoir inspiréà Francis Ford Coppola son film ApocalypseNow. Il s’attaque surtout, à travers ce texte, àtout un pan de la mémoire collective belge :l’action <strong>du</strong> livre, brûlot anti-colonialiste, sedéroule en effet au Congo belge, où Marlow,jeune officier de marine marchandebritannique, est chargé de retrouver la tracede Kurtz, directeur d’un comptoir établi parune compagnie belge dans la jungle... Commetoujours chez Cassiers, l’intime et le politiquese trouvent ici étroitement mêlés : car ces «ténèbres » au cœur desquelles s’aventureMarlow sont bien enten<strong>du</strong> celles de l’âmehumaine, à laquelle Kurtz tend un miroird’une noirceur démoniaque.Durée estimée : 1h30spectacle en françaisD’après Au cœur des ténèbres de Joseph Conrad, tra<strong>du</strong>ction françaisede Jean Deurbergue © Editions Gallimardpour cette tra<strong>du</strong>ction françaisePro<strong>du</strong>ction ToneelhuisCopro<strong>du</strong>ction Théâtre de la Ville-<strong>Paris</strong><strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Ce projet bénéficie <strong>du</strong> soutien <strong>du</strong> Programme Culture del’Union EuropéenneContacts presse :<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort, Christine Delterme01 53 45 17 13Théâtre de la VilleJacqueline Magnier01 48 87 84 61Dossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 88


Guy CassiersBiographieGuy Cassiers est né à Anvers en 1960. Il entreprendd’abord des études d’arts graphiques à l’Académiedes Beaux-Arts d’Anvers. En cours de route, sesintérêts se déplacent vers les arts dramatiques,mais sa formation artistique demeurera crucialedans sa carrière d’homme de théâtre. Cassiersobserve toujours le théâtre en s’en distanciant, cequi lui permet de créer un langage plastique trèspersonnel. Dans la teneur de ses oeuvres, cetteposition d’outsider se tra<strong>du</strong>it par une préférencepour des personnages solitaires, isolés et mêmesouvent asociaux ; au niveau de la forme, elledéfinit son choix pour les textes plus littérairesque dramatiques, et son usage de la technologievisuelle. À partir de la littérature (le mot) et desnouveaux médias (l’image) il tente de redéfinir lethéâtre. Dans les années 80, Guy Cassiers monteses premiers spectacles à Anvers, dont Kaspar dePeter Handke et Daedalus, un projet avec deshandicapés. En 1987 il est nommé à la directionartistique de la maison de théâtre jeune publicOud Huis Stekelbees à Gand (plus tard rebaptiséeVictoria, puis maintenant CAMPO). Dans ladéclaration d’intention de l’OHS, on pouvait lire : «… OHS, c’est faire primer la résonance <strong>du</strong> mot sur sasignification, l’association d’idées sur l’histoire, leson sur la musique, la lumière sur l’éclairage,l’émotion sur l’idée, la <strong>du</strong>alité sur la description, lethéâtre sur la réalité ». Les spectacles de GuyCassiers sont un appel constant à la créativité dessens. Quand, cinq ans plus tard, Dirk Pauwelsreprend le flambeau de l’OHS, Cassiers continue sacarrière de metteur en scène indépendant ettravaille entre autres pour le Kaaitheater àBruxelles, tg STAN à Anvers et la Toneelschuur àHaarlem. Sa première pro<strong>du</strong>ction pour le Rotheater de Rotterdam, Angels in America, estcouronnée en 1996 par le prix <strong>du</strong> public « GoudenGids Publieksprijs » et le prix Proscenium del’association hollandaise de théâtres et salles deconcerts. Un an plus tard, il reçoit aussi le prixThersite décerné par les critiques flamands pourl’ensemble de son œuvre. En 1997, Guy Cassiersmonte Onder het Melkwoud (Au Bois Lacté) deDylan Thomas avec l’ensemble <strong>du</strong> Ro theater dontil devient directeur artistique. Cassiers découvreles potentialités que la grande scène offre à sesnarrations dramatiques et entre 1998 et 2006,édifie un langage théâtral multimédia dans cesens. Ses spectacles De Sleutel et Rotjoch (1998), DeWespenfabriek (2000), La Grande Suite (2001), LavaLounge (2002) et l’opéra The Woman Who Walkedinto Doors (2001) sont autant de preuves de savolonté d’intégrer le multimédia dans le théâtre.L’un des points culminants de cette quête est lecycle Proust en quatre volets qu’il réalise entre2002 et 2004, et pour lequel il se voit décerner lePrix amstellodamois des Arts et le WerkpreisSpielzeiteuropa des Berliner Festspiele. Cassiersprivilégie la mise en scène de romans célèbrescomme Hiroshima Mon Amour de Marguerite Durasen 1996, Anna Karenina de Tolstoï en 1999 etBezonken rood (Rouge décanté) de Jeroen Brouwersen 2004. Le spectacle par lequel il a clos sesannées de Ro theater au printemps 2006 était uneadaptation de Hersenschimmen (Chimères) deJ.Bernlef. Il met en scène au Toneelhuis Onegin,d’après le roman en vers de Pouchkine : unehistoire romantique qui dépasse son côtéanecdotique grâce à l’emploi de la technologievisuelle et se transforme en jeu théâtral avec laperception <strong>du</strong> spectateur. Quant à sa premièremise en scène en tant que directeur artistique <strong>du</strong>Toneelhuis, Mefisto for ever (2006), il la base sur unclassique de l’histoire de la littératureeuropéenne: Mephisto de Klaus Mann dans uneadaptation de Tom Lanoye. Il y traite de larelation entre l’art et la politique. Ce thème,nouveau dans la démarche de Cassiers, est àmettre en regard de son retour à sa ville natale,Anvers, marquée par une situation politiquecomplexe. Il est depuis 2006 directeur artistique<strong>du</strong> Toneelhuis, où il met en scène Mefisto for everen 2006, Wolfskers en 2007 et Atropa en 2008.Parallèlement au Triptyque <strong>du</strong> pouvoir, GuyCassiers vient d’écrire en collaboration avec lecompositeur Kris Defoort, un deuxième opéra,House of the Sleeping Beauties (2009).En 2009, il met en scène De geruchten (La Rumeur)d’après Hugo Claus, au Théâtre National deBretagne. Puis, au Théâtre de la Ville, il monte Sousle volcan de Josse de Pauw, d’après l’œuvre deMalcolm Lowry. En 2010, il met en scène lors <strong>du</strong><strong>Festival</strong> d’Avignon, De man zonder eigenschappen(L’Homme sans qualités) d’après Robert Musil.Guy Cassiers au <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> :2008 Wolfskers (Théâtre de la Ville)2008 Mefisto for ever (Théâtre de la Ville)2008 Atropa / Triptyque <strong>du</strong> pouvoir(Théâtre de la Ville)2009 Sous le volcan (Théâtre de la Ville)2009 Ismène (Théâtre de la Ville)Dossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 89


Entretien avec Guy CassiersVous aimez décidément porter à la scène les grandsromans européens <strong>du</strong> XX ème siècle…Guy Cassiers : C’est vrai. Je suis également en trainde terminer actuellement le dernier volet de matrilogie d’après L’Homme sans qualités, de RobertMusil – toujours avec Josse De Pauw, qui en a écritl’adaptation et interprète lui-même tous lespersonnages. Il s’agit <strong>du</strong> monologue d’unpersonnage, Moosbruger, emprisonné pour crimesen série, qui étrangement, présente beaucoup desimilarités avec le Kurtz <strong>du</strong> roman de Conrad(l’homme à la recherche <strong>du</strong>quel Marlowe part dansla forêt). Il est tout à fait passionnant de passerd’un personnage à l’autre…Pourquoi ce choix d’Au cœur des ténèbres, leroman de Joseph Conrad ?Guy Cassiers : L’idée d’adapter Au cœur desténèbres s’est imposée à nous immédiatementaprès que nous ayons monté Sous le volcan, d’aprèsle roman de Malcolm Lowry. Dans le roman deConrad comme dans celui de Lowry, il s’agit à lafois de pénétrer dans l’univers mental d’unpersonnage et de raconter l’histoire européenne.Car Au cœur des ténèbres ne raconte pas seulementl’histoire <strong>du</strong> Congo, mais aussi celle de l’Europe : ildit comment l’Europe s’est construite sur lacolonisation ; comment, en pensant faire œuvre decivilisation, elle en est venue à abdiquer toutesles valeurs d’entraide et de fraternité dont onpensait qu’elles étaient à la base de ce projet ; etcomment la cruauté dont nous avons fait preuveen Afrique est à l’origine de l’Europe d’aujourd’hui.Ainsi ce spectacle nous permet-il de réfléchir à laresponsabilité qui est la nôtre, Européens,aujourd’hui. Le roman de Conrad explique cela demanière très forte, et même s’il a été écrit il y aplus de cent ans, il n’a rien per<strong>du</strong> de son actualité.Car en Belgique, il a fallu <strong>du</strong> temps avant que l’onpuisse évoquer la question coloniale : ce n’est quemaintenant qu’il devient possible de parler de ceque nous avons fait dans ces années-là…En même temps, Conrad ne s’est pas contentéd’écrire un pamphlet politique sur la façon dontnous avons pillé le Congo en prétendant lui veniren aide. Il décrit également comment quelqu’unpeut perdre l’éthique et les valeurs qu’il pense êtreles siennes dès lors qu’il se retrouve dans unesituation inconnue.Comment avez-vous, Josse De Pauw et vous,travaillé à l’adaptation ?Guy Cassiers : Conrad lui-même semble nousinviter à voir dans chacun des personnages de sonroman un miroir, une facette différente deMarlowe – jusqu’à la fin, où celui-ci devient unepartie de Kurtz. C’est pourquoi, dès le début, noussavions que Josse De Pauw devrait interpréter tousles rôles : sur scène, il est Marlowe, mais surl’écran, il devient aussi, à tour de rôle, chacun desautres personnages. En un sens, on peut dire qu’ilse rencontre lui-même sur l’écran… À partir de là, ils’agissait de créer des situations dans lesquelleson n’a plus l’impression qu’il est seul. De sorte quele spectateur, à la fin <strong>du</strong> spectacle, n’ait pasl’impression d’avoir assisté à un monologue, etseulement écouté un acteur qui s’adressedirectement au public.Ce parti pris formel était toujours présent à notreesprit lorsque nous avons travaillé un texte qui, ilfaut le souligner, reste très proche de celui deConrad. Celui-ci est tellement poétique ettellement fort que Josse n’a pas eu grand-chose àréécrire : tout y était déjà. Les extraits que nousavons choisis se sont imposés presquenaturellement.Vous soulignez souvent combien vous aimez letravail avec les acteurs : on a l’impression qu’avecJosse De Pauw, vous avez noué une complicitéparticulière…Guy Cassiers : Oui. Il a une manière vraimentincroyable d’incorporer une situation, passeulement en tant qu’acteur, mais aussi <strong>du</strong> pointde vue de la compréhension de la forme, de lamanière dont il use de ces éléments pour créer unesorte de peinture en direct. Josse est égalementtrès au fait des nouvelles technologies, <strong>du</strong> travailavec la caméra. Durant les répétitions, c’estcomme si nous avions une sorte de terrain de jeupour élaborer ensemble un tableau. Il a su créernon seulement un personnage, mais aussi ununivers qui est très proche de celui de Conrad.Vous êtes plasticien de formation, et votre théâtrese distingue par sa beauté visuelle : à quel momentla scénographie intervient-elle dans votre travailsur un texte ?Guy Cassiers : Immédiatement, dès le début. Lorsdes premières rencontres avec Josse De Pauw, nosdiscussions n’ont pas seulement porté sur lecontenu, mais sur la forme, sur la base à partir delaquelle commencer à travailler. Il est d’autantplus important de connaître l’espace dans lequelon va créer le spectacle qu’en l’occurrence, il nousfallait également préparer les passages à filmer :Josse devait savoir avec quels crayons et quellescouleurs il allait pouvoir écrire, créer son tableau.En ce sens, il y a une relation entre Cœur ténébreuxet Rouge décanté, que Dirk Roofthooft jouait seulen scène : la responsabilité de l’acteur, dans unspectacle comme celui-ci, est centrale, toutl’environnement doit être le sien. Il était donc trèsimportant, avant même que Josse ne commence àécrire le texte, de connaître la situation danslaquelle celui-ci allait se dérouler. Et à chaqueétape, je devais l’aider à trouver la matièrenécessaire, le script, la “chorégraphie”correspondant à chaque scène. Avant chaquerépétition, nous savions déjà comment nousvoulions la commencer, et pourquoi – même siensuite, naturellement, nous étions libres dechanger tout ce que nous voulions. La forme, ladramaturgie et la dimension physique sont lestrois points d’un triangle dont nous avonsénormément parlé avant de commencer à répéter.Dossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 90


Apocalypse Now, le film que Francis Ford Coppola atiré d’Au cœur des ténèbres, a-t-il été pour vous unesource d’inspiration ?Guy Cassiers : Non. Bien sûr, je l’ai vu, il y alongtemps, et comme tout le monde, j’ai encoreprésentes à l’esprit les images de Marlon Brando etde Dennis Hopper. Mais je suis sûr que l’on peutoublier ces images. Le public ne trouvera aucunesimilarité d’atmosphère – la seule dimensionillustrative, sur scène, concerne les costumes et lalumière. Le film de Coppola est très explicite – etc’est la force <strong>du</strong> cinéma que de permettre cela. Letexte de Conrad est beaucoup plus implicite, etpour moi, c’est la force <strong>du</strong> théâtre que de pouvoirainsi suggérer les choses. L’horreur, au théâtre, onn’a pas besoin d’images pour la ressentir, on n’a pasbesoin de l’illustrer.après – alors qu’au départ, tout le monde sedemandait comment le théâtre allait pouvoirfonctionner ainsi, sans compagnie, et néanmoinscollectivement –, nous avons une base forte pourcréer un dialogue. »Propos recueillis par David SansonVous dites vouloir chercher, en adaptant desmatériaux non théâtraux, à élargir le répertoirethéâtral et littéraire de la Flandre. Vous diteségalement vouloir proposer aux spectateurs devotre théâtre d’Anvers, le Toneelhuis, un voyage àtravers le répertoire. Quand vous êtes arrivé auToonelhuis, vous avez commencé par monterMephisto, d’après Klaus Mann – un choixsymbolique, au moment où l’extrême-droite venaitde faire une percée spectaculaire aux électionsmunicipales. Cinq ans après, quel regard portezvoussur votre activité à la tête de ce théâtre ?Guy Cassiers : La force de l’exrême-droite n’est plusaussi importante, mais comme vous le savez, laBelgique est toujours sans gouvernement : lasituation ne s’est donc guère arrangée ! La Flandre,qui est très riche, fait preuve d’une mentalitéhorrible, et j’ai très peur pour le futur. Heart ofDarkness parle de cela aussi : le contraste entrel’ambition d’une Europe qui veut grandir et la peur,cette tentation de réagir en créant une prison pournous-mêmes. Un peu à l’image de ce que lesAméricains appellent les gated communities : on seretranche dans des maisons entourées de murs quinous empêchent de voir ce qui se passe de l’autrecôté. Le populisme grandit partout, surtout dansles médias. Et face à cela, dans une ville commeAnvers, notre Toneelhuis a une responsabilité. Maphilosophie est de me considérer comme un artisteparmi les six qui travaillent au Toneelhuis [leperformeur Benjamin Verdonck, le collectifOlympique Dramatique, l’auteur, dramaturge,metteur en scène et poète Bart Meuleman, l’auteureet actrice Abke Haring, le chorégraphe Sidi LarbiCherkaoui, Ndlr.]. Nous formons un ensembled’artistes, qui a créé comme un petit village dansle théâtre, un village dans lequel les différencesentre les uns et les autres sont très importantes.Comment trouver une manière de vivre ensemble,nous qui venons de disciplines différentes, quiavons des idées complètement différentes ?Comment faire de notre théâtre une communautéqui soit un symbole pour Anvers, aider à inventer lefutur d’une ville, à créer une situation où descultures différentes peuvent vivre ensemble ? Nouscherchons à générer une atmosphère de liberté, àcréer des ouvertures dans l’esprit des spectateurs.On n’en est pas encore là, mais au moins, cinq ansDossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 91


Buenos Aires / <strong>Paris</strong>Romina PaulaEl SilencioEl tiempo todo enteroD’après La Ménagerie de verre de Tennessee WilliamsEl tiempo todo entero / Tout le temps tout entierd’après La Ménagerie de verre de Tennessee WilliamsTexte et mise en scène, Romina PaulaEspace, Alicia Leloutre et Matías SendónLumière, Matías SendónTra<strong>du</strong>ction, Christilla VasserotAvec Esteban Bigliardi, Pilar Gamboa,Esteban Lamothe, Susana Pampín<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Théâtre <strong>du</strong> Rond-PointMardi 6 au samedi 24 décembreRelâche lundidimanche 15h30,Samedi 31 décembre 18h30Relâche lundi et dimanche 4 et 25 décembre« Un travail sur le temps et sur le silence » :telle est la proposition de l’Argentine RominaPaula, qui en 2006 fonda à Buenos Aires lacompagnie El Silencio. Ce nom en dit long sursa dernière création, El tiempo todo entero(Tout le temps tout entier) : un huis closmettant aux prises quatre personnages quisont autant de représentations de la douleur.Le premier (Lorenzo, le frère) souhaite quitterle pays, la seconde (Antonia, la sœur) refusede sortir de la maison, la troisième (Úrsula, lamère) voudrait que sa fille prenne son envol,le quatrième (Maximiliano, un ami) est peutêtrel’occasion rêvée pour l’y pousser. Commedans La Ménagerie de verre de TennesseeWilliams, dont El tiempo todo entero est trèslibrement inspiré, on manque d’air dans cesalon baigné d’une lumière qui jamais nes’éteint, où le temps semble ne pas passer.Rivée à l’écran de son ordinateur, Antonia a ungoût développé pour les histoires macabres.Lorenzo préfère se réfugier dans des lecturesqui le transportent au-delà des quatre mursde la maison familiale. Leur mère va et vient,revient toujours. Les personnages se sententà la fois d’ici et d’ailleurs. Il faut direqu’Antonia et son frère sont nés au Mexique,où leur mère s’installa un temps. De l’histoirede l’Argentine, rien n’est explicitement dit, carl’écriture de Romina Paula ouvre des voies,suggère, ne laissant jamais la porte fermée àde multiples lectures. Mais on devine lablessure, en filigrane. Et la douleur jamais nes’apaise. La clé de la pièce se trouve peut-êtredans un autoportrait de Frida Kahlo, cettefemme dont la vie et l’œuvre hantent lespersonnages et qui se représenta, la poitrinetranspercée, le cœur arraché, tombé à terre, sevidant de son sang. Car c’est bien cela que lapièce représente : un crève-cœur.14€ à 29€Abonnement 10€ et 17€Durée estimée: 1h30Spectacle en espagnol surtitré en françaisPro<strong>du</strong>ction Compagnie El SilencioPro<strong>du</strong>ction déléguée Théâtre <strong>du</strong> Rond-Point /Le Rond-Point des tournéesCopro<strong>du</strong>ction <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Cette pièce a été pro<strong>du</strong>ite grâce au Prix « S » attribué àRomina Paula en 2007.Représentant en Europe,Ligne directe – Judith Martinwww.lignedirecte.netLe Tandem <strong>Paris</strong> - Buenos Aires est mis en œuvre, à <strong>Paris</strong>, par l’Institutfrançais, la Ville de Buenos Aires,avec le soutien <strong>du</strong> Ministère des Affaires étrangères et européennes, <strong>du</strong>Ministère de la Culture et de Communication et la Mairie de <strong>Paris</strong>.Contacts presse :<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort, Christine Delterme01 53 45 17 13Théâtre <strong>du</strong> Rond-PointHélène DucharneCarine Mangou01 44 95 98 47Dossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 92


Romina PaulaBiographieLa Compagnie El silencio est constituée dès ledébut par Pilar Gamboa, Esteban Bigliardi, EstebanLamothe et Romina Paula.Née à Buenos Aires en 1979, Romina Paula estauteur, metteur en scène et actrice. Diplomée dedramaturgie de l’EMAD à Buenos Aires, elle suitparallèlement une formation d'actrice auprèsd’Alejandro Catalán, Ricardo Bartís et PompeyoAudivert. Elle joue au théâtre notamment sous ladirection de Daniel Veronese dans La niña fría,Michel Dydim dans El diván et Mariano Pensottidans La Marea. Au cinéma, elle tourne dans Lapunta del diablo de Marcelo Paván, Resfriada deGonzálo Castro, El hombre robado et Todos mientende Matías Piñeiro.En 2006, elle met en scène son premier texte dethéâtre Algo de ruido hace avec sa compagnie ElSilencio. Très remarqué lors <strong>du</strong> <strong>Festival</strong>International de Théâtre de Buenos Aires, cespectacle tourne ensuite en Argentine, au Brésil eten Espagne. Le texte est publié dans l’anthologieDramaturgias (éditions Entropía). Elle met aussi enscène la pièce Ciego de Noche, de Darja Stocker(2007), dans le cadre <strong>du</strong> Cycle Nouvelledramaturgie organisé par le Goethe Institut ; Todoslos miedos de Mariana Chaud (2008) dans le cadre<strong>du</strong> Cycle Decálogo - Indagación sur les DixCommandements.Par ailleurs, en 2008, elle est boursière <strong>du</strong> GoetheInstitut pour participer à un workshop dirigé parRenee Pollesch dans le cadre <strong>du</strong> festival BerlinerFestspiele à Berlin.Elle est lauréate de plusieurs prix pour ses textes,notamment sa pièce [chalet] qui obtient le PrixGermán Rozenmacher pour la nouvelledramaturgie en 2007. Elle a également publiéplusieurs récits et deux romans ¿Vos me querés amí? et Agosto, finaliste <strong>du</strong> Prix Página / 12 pour leNouveau Roman (éditions Entropía, 2009).Compagnie El SilencioBiographieLa Compagnie El Silencio se forme à Buenos Airesen 2006 quand ses membres Pilar Gamboa, EstebanBigliardi, Esteban Lamothe se réunissent pourrépéter la pièce de Romina Paula, Algo de ruidohace. Ils avaient déjà travaillé ensembleauparavant, dans le cadre des ateliers de jeud’acteurs d’Alejandro Catalán. Ils répétent Algo deruido hace tout au long de l’année 2006 et créentle spectacle en février 2007 à l’Espacio Callejón. Lespectacle reste à l’affiche pendant deux ans dansla salle de ce théâtre indépendant, jusqu’endécembre 2008. En 2007, la pièce est sélectionnéepour la Programmation Nationale <strong>du</strong> VI <strong>Festival</strong>International de Buenos Aires.En juillet 2008, la Compagnie fait une tournée“Itinerarte” en Espagne (San Sebastián, Santanderet Segovia). En septembre de la même année, lespectacle participe au <strong>Festival</strong> Porto Alegre emScena, au Brésil, et, en novembre, au <strong>Festival</strong> deTeatro de la ciudad de Santa Fe.Les acteurs et la metteur en scène sont nominéspour les Prix Teatro del Mundo pour leur travailrespectif dans Algo de ruido hace et, en 2007,Romina Paula reçoit le Prix ‘S’, pour la réalisationd’une nouvelle pièce. En 2008, Algo de ruido hacefait partie <strong>du</strong> programme “Formación deEspectadores”organisé par Ana Durán. En 2009, legroupe commence à répéter une autre pièce écritepar Romina Paula, El tiempo todo entero, et SusanaPampín rejoint la compagnie.En février 2010, la Compagnie El Silencio créé Eltiempo todo entero à l’Espacio Callejón. Cettepièce est un travail sur La Ménagerie de verre, deTennessee Williams.Compagnie El SilencioDossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 93


Entretien Romina PaulaPourquoi avez-vous décidé d’écrire une nouvelleversion de la pièce de Tennessee Williams, LaMénagerie de verre ?Romina Paula : J’ai travaillé sur La Ménagerie deverre quand je me suis présentée à l’EMAD (l’écoled’art dramatique de Buenos Aires). Depuis, c’est untexte qui me fascine. Je réfléchissais à la mise enscène d’une nouvelle pièce et j’ai repensé à LaMénagerie de verre. Mais les droits sont chers, alorsj’ai écrit ma propre pièce, qui dialogue avec cellede Tennessee Williams. Elle est et elle n’est pas LaMénagerie de verre. Dans Tout le temps tout entier,c’est comme si Laura (qui dans ma pièce seprénomme Antonia) prenait la parole, comme si aulieu que tout se passe dans la tête de Tom, cela sepassait dans celle de Laura. Je voulais mereprésenter l’instant exact où le cœur de Laura sebrise, au moment où son frère s’en va : une scènequi n’existe pas dans La Ménagerie de verre, ellereste implicite. Alors que dans Tout le temps toutentier, nous assistons au moment où le cœurd’Antonia se brise. Par ailleurs, La Ménagerie deverre est une pièce étrange dans la pro<strong>du</strong>ction deTennessee Williams. Il paraît que c’est sa pièce laplus autobiographique. Il a lui-même déclaré lachose suivante dans la revue <strong>Paris</strong> Review : « Jecrois que La Ménagerie de verre est née del’émotion intense que j’ai ressentie en voyant quema sœur était en train de perdre la tête ». Je neveux pas dire par là que j’accorde de l’importanceau fait qu’une pièce soit autobiographique ou non,mais il me semble que celle-ci renferme unedouleur qui lui confère toute sa puissance. J’ail’impression que dans d’autres pièces de TenesseeWilliams, dont certaines que j’apprécie toutparticulièrement, il y a toujours une certainedistance, un certain cynisme, alors que ce n’est pasle cas dans celle-ci. La Ménagerie de verre est unepièce pathétique, si l’on considère le pathétiquecomme ce qui suscite ou manifeste une viveémotion, un sentiment de douleur, de tristesse oude mélancolie. Et c’est ce qui la rend profondémentmélodramatique. Avoir entre les mains unmélodrame, jouer un mélodrame, pour les acteurset moi c’était captivant.Pourquoi ce titre : Tout le temps tout entier ?Romina Paula : Cette mise en scène est un travailsur le temps et sur le silence, bien que lespersonnages parlent beaucoup. Un autre titrepossible était Le Silence énorme, lui aussi inspiréde Tennessee Williams, de sa pièce Été et fumées :le silence entre deux personnes, ce que l’on neparvient pas à dire. Finalement, la compagnie s’estappelée El Silencio et j’ai intitulé la pièce Tout letemps tout entier. Dans cette pièce, la parole esten quelque sorte donnée à la sœur, Antonia. Loind’être un personnage faible, elle fait de sa phobieun discours, une façon de voir le monde. Lagrammaire de la pièce est celle de ce personnage,la gestion <strong>du</strong> temps est aussi la sienne. Elle passebeaucoup de temps toute seule et enfermée.L’emploi <strong>du</strong> temps d’Antonia ressemble à celuid’une personne oisive. Mais cette oisiveté ne vientpas compenser le temps de travail ; c’est un tempspresque réflexif, un temps personnel. L’action de lapièce se déroule dans ce temps mental, le tempsproposé par Antonia, un temps déconnecté detoute pro<strong>du</strong>ctivité. Par ailleurs, la mise en scène,avec sa lumière constante – presque comme celled’un poulailler –, qui ne s’éteint jamais, donne unesensation d’irréalité : on a l’impression d’un jour oud’une nuit éternelle, la perception <strong>du</strong> temps estaltérée, on ne sait plus combien de temps estpassé, depuis combien de temps nous sommes làen train d’observer ces gens.Les personnages de la pièce sont argentins mais ilsont vécu au Mexique, le frère et la sœur sont nés auMexique. Rien n’est explicitement dit, mais ondevine une blessure. Que vouliez-vous représenterde l’histoire de l’Argentine ? En quoi cespersonnages sont-ils emblématiques d’une histoirenationale ?Romina Paula :Très peu de choses sont dites à cesujet dans la pièce. On sait juste que les enfantssont nés au Mexique car leur mère, expliquent-ils,« a vécu un temps là-bas ». Dans une ancienneversion de la pièce, j’avais écrit le mot « exil »,mais j’ai ensuite préféré l’enlever, j’ai laissé toutça comme un hors champ, quelque chose qui est là,que l’on peut souligner ou pas, mais qui n’a pas unsens univoque. De nombreux Argentins, desintellectuels notamment, ont dû s’exiler dans lesannées soixante-dix, et nombre d’entre eux sontpartis au Mexique. Beaucoup sont revenus aumoment <strong>du</strong> rétablissement de la démocratie. Lapièce dialogue avec cette réalité, mais je n’avaispas envie de l’enfermer dans une référencehistorique concrète. D’ailleurs, le Mexique est pources personnages un endroit mythique, fondateur,un lieu presque forgé par leur imagination, surtoutcelle des enfants. Au début, Antonia prétend qu’ilssont mexicains, c’est ridicule, ils parlent comme deparfaits Argentins de Buenos Aires. Ils mentionnentensuite le fait qu’ils sont nés là-bas. Leur identitése confronte à leur autre nationalité, celle d’unpays qu’ils ont à peine connu, qui a nourri leurimagination. Le Mexique occupe un peu la place <strong>du</strong>père dans La Ménagerie de verre : un homme donton ne sait rien, excepté le fait qu’il est loin et qu’ilvoyage, on peut donc projeter des tas de choses surlui. Par ailleurs, la figure de Frida Kahlo est commeune référence pour Antonia, et pour sa mère peutêtreaussi, à plus d’un titre.En quoi Antonia, Lorenzo et leur ami Maximilianosont-ils représentatifs de la société argentined’aujourd’hui ?Romina Paula : Je n’oserais pas dire qu’ils sontreprésentatifs, je dirais plutôt qu’ils sontpossibles, ou reconnaissables. Ils font partie d’uneclasse moyenne qui travaille, vaguement aiséedans le cas <strong>du</strong> frère et de la sœur, un peu moinsdans le cas de Maximiliano. Tous les trois fontpreuve d’une sorte d’apathie, d’un manque decombativité. Antonia est certes porteuse d’unDossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 94


discours qui pose des questions, mais elle n’agitpas, sa combativité reste limitée, me semble-t-il.Disons qu’ils sont plutôt représentatifs de lajeunesse de la fin des années quatre-vingt-dix ou<strong>du</strong> tout début <strong>du</strong> XXIe siècle, beaucoup plus que dela jeunesse argentine d’aujourd’hui. L’Argentine aconnu en 2001 une très forte crise économique, denombreux jeunes ont émigré, en Espagne pour laplupart, pour chercher <strong>du</strong> travail, des perspectivesd’avenir. Lorenzo représente peut-être un peu cetteenvie de sauver sa peau. Aujourd’hui la plupart deces jeunes sont de retour, certains cherchent à fuirla crise en Europe, et le panorama politique del’Argentine actuelle offre quelques notes d’espoir.Les jeunes ne sont plus aussi apathiques que ceque nous avons été dans les années quatre-vingtdix.Mais gardons-nous tout de même degénéraliser, rien n’est jamais aussi tranché.Des personnages ont vécu à l’étranger, d’autressont nés à l’étranger ou leur famille est d’origineétrangère, Lorenzo veut s’en aller… S’agit-il làd’une allégorie de l’Argentine ?Romina Paula : Je ne pense pas qu’il s’agisse d’uneallégorie. C’est une donnée très concrète :l’Argentine est en partie un pays d’immigrés et, unsiècle plus tard, les petits-enfants de ces immigrésont eux-mêmes cherché à émigrer, à faire le trajet<strong>du</strong> retour, en sorte. Trois générations sontreprésentées dans la pièce : Ursula parle de sonpère hongrois qui a immigré après la PremièreGuerre Mondiale, pour tenter sa chance, commebien d’autres ; elle-même a dû s’exiler au momentde la dictature, mais elle est revenue ; ses enfantssont nés au Mexique mais ils se sentent argentins,ils ont vécu presque toute leur vie en Argentine ;Lorenzo, enfin, veut émigrer en Europe, ce quiserait une façon de boucler la boucle, de retournersur le vieux continent. Tous ces mouvements, on apu massivement les observer en Argentine, àdifférents moments et pour différentes raisons.Vous avez créé Tout le temps tout entier dansl’espace Callejón, à Buenos Aires. La scénographiea-t-elle été conçue pour cet espace en particulier ?Romina Paula : Oui, absolument. Au départ, jevoulais que ce soit un cube blanc, j’avais imaginéun espace très soigné, aseptisé, pour mettre enscène un mélodrame. Nous avons fait fabriquerl’armature des parois, il ne manquait plus qu’à lesrecouvrir de toile blanche. Mais quand j’ai vu cettestructure en fer, j’ai trouvé que cela valait le coupde la conserver telle quelle : c’est comme une cage,c’est en parfaite cohérence avec la pièce.plus influencée sont Alejandro Catalán et RicardoBartís : leur façon de pratiquer le théâtre et deréfléchir constamment sur la pratique théâtraleest pour moi une référence. Un dramaturge à monsens indispensable est Mauricio Kartun, dont j’aid’ailleurs été l’élève à l’école d’art dramatique. Etil y a aussi des auteurs-metteurs en scène dontl’œuvre m’intéresse au plus haut point : FedericoLeón, Beatriz Catani, Daniel Veronese, MarianaObersztern, Lola Arias, entre autres.Comment la compagnie El Silencio s’est-elleformée ?Romina Paula : Au départ, nous nous appelions leGrupo Primos (« Les Cousins »), puis de nouvellespersonnes nous ont rejoints, alors nous avonschangé de nom. Esteban Lamothe, EstebanBigliardi, Pilar Gamboa et moi-même – les quatrepremiers membres de la compagnie – nous étionsconnus dans le cours de théâtre d’AlejandroCatalán. Nous sommes devenus très amis, c’était ily a dix ans. Puis nous avons commencé à travaillerensemble. Bref, nous sommes liés par une amitiéqui s’est forgée autour <strong>du</strong> théâtre. Et SusanaPampín s’est jointe à nous pour jouer dans Tout letemps tout entier.Vous avez également écrit deux romans. Quelledifférence faites-vous entre l’écriture théâtrale etcelle d’un roman ?Romina Paula : Quand j’écris une pièce, je le faispour la scène, j’ai un rapport plus pratique àl’écriture théâtrale : généralement, j’écris unepièce parce que je vais la mettre en scène.L’écriture d’un roman est plus indivi<strong>du</strong>elle, il n’y apas de date butoir, je me sens plus libre, mais jetarde aussi beaucoup plus… Jusqu’à présent, j’aiécrit au rythme d’environ une pièce tous les deuxans et un roman tous les quatre ans.Propos recueillis et tra<strong>du</strong>itspar Christilla VasserotDans quels circuits vos pièces sont-elles jouées ?Romina Paula :Dans ce qu’à Buenos Aires on appellele circuit indépendant. Ce sont des salles oùtiennent cent spectateurs tout au plus. Les piècesmises en scène peuvent recevoir une subventionde l’État, mais ce sont de très petites sommes.Avez-vous été influencée par certains auteurs oumetteurs en scène en particulier ?Romina Paula : Les metteurs en scène qui m’ont leDossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 95


Buenos Aires / Ligüeria / <strong>Paris</strong>Rodrigo GarcíaGólgota picnicMise en scène, Rodrigo GarcíaPiano, Marino FormentiMusique, Joseph HaydnLes Sept Dernières Paroles <strong>du</strong> Christ sur la croixTra<strong>du</strong>ction, Christilla VasserotLumière, Carlos MarquerieVidéo, Ramón DiagoEspace sonore, Marc RomagosaCostumes, Belén MontoliúAssistant mise en scène, John RomãoRégisseur technique, Roberto CafagginiAvec Gonzalo Cunill, Núria Lloansi, Juan Loriente,Juan Navarro, Jean-Benoît Ugeux<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Théâtre <strong>du</strong> Rond-PointJeudi 8 au samedi 17 décembre 20h30Dimanche 15h,Relâche lundi14€ à 34€Abonnement 10€ et 17€Durée : 2h10Artiste hors norme, Rodrigo García a l’art de sesoustraire aux définitions dans lesquelles ontente de l’enfermer. C’est qu’il fait feu de toutbois : auteur, metteur en scène, vidéaste, iltransforme la scène en un lieu où la poésieprend le réel à bras le corps, sansménagement ni concession. Le nom de lacompagnie qu’il crée à Madrid en 1989annonce la couleur : La Carnicería Teatro (LaBoucherie Théâtre). Chacun de ses spectaclesprocède au dépeçage systématique des rituelsque la collectivité a mis en place, pour mieuxdévoiler le désarroi des indivi<strong>du</strong>s qui lacomposent. Dans sa dernière création, c’estau sommet <strong>du</strong> Golgotha qu’il nous convie,pour un pique-nique qui nous ramène auxsources de l’humanité et de l’écriture. Aucommencement de l’humanité, il y a la chute.Et au commencement de l’écriture, il y a laBible. Dans Gólgota picnic, Rodrigo Garcíarevisite les Saintes Écritures et l’«iconographie de la terreur ». Il multiplie lesimages, dédouble les perspectives, nousinvite à observer la scène de différents pointsde vue, à ne pas nous fier aux apparences, à nepas être de simples consommateurs d’art,questionnant ainsi la notion même despectacle. Pour Rodrigo García, la scène esttout sauf un espace convenu, le théâtre est unrisque permanent. Quand les comédiens setaisent, les silences prennent corps dans unecomposition musicale, Les Sept DernièresParoles <strong>du</strong> Christ sur la croix de Joseph Haydn,interprétée par le pianiste Marino Formenti. «Sautez dans le vide <strong>du</strong> silence et de la solitudeet profitez <strong>du</strong> recueillement. »Programme musique : Marino Formenti participeau concert de Olga Neuwirth Kloing! Hommage àKalus Nomi-A Songplay in Nine Fits le lundi 24octobre à l’Opéra national de <strong>Paris</strong> / PalaisGarnier.Spectacle en espagnol surtitré en françaisSpectacle créé au CDN de Madrid le 7 janvier 2011Pro<strong>du</strong>ction Centro Dramático Nacional (Madrid) ; Théâtre Garonne(Toulouse)Pro<strong>du</strong>ction déléguée Théâtre Garonne (Toulouse)Copro<strong>du</strong>ction <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Coréalisation Théâtre <strong>du</strong> Rond-Point (<strong>Paris</strong>) ;<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Ce projet bénéficie <strong>du</strong> soutien <strong>du</strong> Programme Culture de l’UnionEuropéenneContacts presse :<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort, Christine Delterme01 53 45 17 13Théâtre <strong>du</strong> Rond-PointHélène DucharneCarine Mangou01 44 95 98 47Dossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 96


Rodrigo GarcíaBiographieNé en 1964 à Buenos Aires, Rodrigo García vit ettravaille à Madrid, depuis 1986.Auteur, scénographe et metteur en scène, il crée, en1989, la compagnie La Carnicería Teatro qui réalise denombreuses mises en scène expérimentales, enrecherchant un langage personnel, éloigné <strong>du</strong> théâtretraditionnel. Ses références sont inclassables, ellestraversent les siècles sans se soucier de la chronologie :on pense à Quevedo - poète <strong>du</strong> Siècle d’Or espagnol - àBeckett, Céline, Thomas Bernhard mais aussi à Buñuelou encore au Goya de la période noire.Il refuse de s’enfermer dans un théâtre écrituniquement pour des spécialistes, et qui fonctionnepar codes et par dogmes. Son écriture s'inspire <strong>du</strong>quotidien, de la rue où il a grandi, dans cette banlieuepopulaire de Buenos Aires au milieu de copainsdestinés à devenir ouvriers ou maçons. Il rêve d’unthéâtre où n'importe qui puisse pousser la porte sanshésiter sur le seuil. Son écriture est un prolongement<strong>du</strong> réel dont il s'inspire fortement ; sa force réside dansla dimension poétique qu’il lui confère. Sespersonnages peuvent débiter des horreurs, parler enargot - la langue de Cervantès est en ce sens peut-êtreplus inventive et plus crue que le français - García évitela caricature facile et se garde de tout naturalisme. Sespersonnages se complaisent dans une déliquescencede la pensée, s’arrangent comme ils le peuvent pourexister et font semblant de croire que leur banaleexistence est des plus originales.Rodrigo García est l’auteur de nombreuses pièces qu’ilmet en scène : Acera Derecha en 1989, repris en 1996par Javier Yaguë ; Matando horas en 1991 ; Prometeo en1992 ; Notas de cocinas en 1994 ; Carnicero espanol en1995 ; El dinero en 1996 ; Protegedme de lo que deseo en1997 ; Nuevas Ofensas en 1998 ; Macbeth imagenes en1999 mis en scène par Adolfo Simon ; Reloj en 1994, prix« Ciudad de Valladolid » (dirigé par Angel Facio puisAlfonso Zurro en 1995) ; Rey Lear en 1998 (dirigé parEmilio Del Valle en 1997, Oscar Gomez en 1998 etIsabelle Germa Berman en 2001 et repris par RodrigoGarcía à la Comédie de Valence en mai 2003), Ignoranteet After Sun en 2000 ; Tu es un fils de pute en 2001 ;Fallait rester chez vous, têtes de nœud ; J’ai acheté unepelle en solde pour creuser ma tombe ; L’histoire deRonald, le clown de chez Mc Donald en août 2002 etJardinería humana, une création de 2003.Au festival d’Avignon 2007, il présente Cruda. Vuelta. Alpunto. Chamuscada. (Bleue. Saignante. A point.Carbonisée.) et Approche de l’idée de méfiance.García a également mis en scène les pièces et poèmesVino Tinto de Thomas Bernhard (1993), Tempestadd’après W.H. Auden (1993), 30 Copas de vino d’aprèsBeaudelaire (1993), Los tres cerditos de Bruce Nauman(1993), El pare d’après Heiner Müller (1995, prix de lacritique), et Hostal conchita d’après Thomas Bernhard(1995).Parmi ses dernières mises en scène : Versus en 2009,Mort et réincarnation en cow-boy et C’est comme ça etme faites pas chier. En 2009, les pièces Bleue, saignante,à point, carbonisée et C’est comme ça et me faites paschier sont tra<strong>du</strong>ites en français et publiées auxéditions Les Solitaires Intempestifs.Début 2011, Rodrigo García crée Gólgota Picnic àMadrid.Rodrigo García au <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>:2002 After Sun (Théâtre de la CitéInternationale)2003 Jardinería humana(Théâtre de la Cité Internationale)2003 Compre una pala en Ikea para cavar mitumba (Théâtre de la Cité Internationale)2007 Arrojad mis Cenizas sobre Mickey / Etbalancez mes cendres sur Mickey(Théâtre <strong>du</strong> Rond-Point)2009 Versus (Théâtre <strong>du</strong> Rond-Point)2010 C’est comme ça et me faites pas chier(Théâtre de Genevilliers)Marino FormentiBiographiePianiste et chef d’orchestre né en Italie, MarinoFormenti est l’un des interprètes les plus originaux desa génération, en particulier pour ses interprétationsde musique moderne et contemporaine et pour lesformes de concerts inhabituelles et expérimentales(The Party, Missa, Nowhere, Nothing is Real).Avec des projets comme Kurtag's Ghosts, Piano Trips etLes sept dernières paroles…, Marino Formenti révèle deremarquables nouvelles interprétations <strong>du</strong> répertoireclassique, en les situant dans un contexte de musiquecontemporaine. La collaboration avec des artistesvisuels et metteurs en scène, les concerts dans lesmusées et espaces inatten<strong>du</strong>s font partie de sonactivité artistique.Il participe aux festivals internationaux de Salzbourg,Lucarne, Edinbourg, Schleswig-Holstein, Ravinia etAspen, et joue dans les plus grandes salles de concertde Berlin, Vienne, Cologne, <strong>Paris</strong>, Tokyo, Zurich,Moscou, Rome, San Francisco, Los Angeles et New York,où il présente un cycle de trois concerts, Piano Trips,pour la série «Great Performers» <strong>du</strong> Lincoln Center.Il a joué pour des orchestres comme la ClevelandOrchestra, Munich Philharmonic, Los AngelesPhilharmonic, Gustav Mahler Chamber Orchestra et lesorchestres de radio européens, dirigés par FranzWelser-Most, Kent Nagano, Esa-Pekka Salonen, DanielHarding ou Gustavo Dudamel. Il a aussi collaboré avecdes musiciens comme Gidon Kremer, Ulrich Matthes yMaurizio Pollini.Le style de Formenti a reçu les éloges de la presseinternationale comme « hypnotisant, chamanique,inoubliable… un authentique phénomène » (LosAngeles Times) ; « un état d’émotion au-delà de touteexpérience » (The LA Weeky); « un pianiste fantastique…incroyablement émouvant » (Standard, Austria).Comme chef d’orchestre, il est l’assistant de KentNagano et Sylvain Cambreling et dirige la Musikvereinet le Konzerthaus de Vienne, la Konzerthaus de Berlin,pour le <strong>Festival</strong> Wien Modern et le <strong>Festival</strong> de Ravena.En 2009, Maurizio Pollini l’invite à diriger des concertsau Théâtre de la Scala de Milan, à la Salle Pleyel de<strong>Paris</strong> ainsi qu’ à l’Accademia di Santa Cecilia de Roma. Ildirige aussi l’Opera Der Protagonist de Kurt Weill et laversion filmée de L’Ange de feu de Prokofiev, unepro<strong>du</strong>ction acclamée par la presse européenne.Formenti travaille avec quelques-uns des plus grandscompositeurs : Helmut Lachenmann, Gyorgy Kurtag etSalvatore Sciarrino.En 2009, il reçoit le Premier Belmont de musiquecontemporaine de la Forberg-Schneider Foundation. Ilenregistre chez Kairos, col legno et BIS. Son dernierenregistrement, Kurtag's Ghosts (double CD) est paruchez Kairos.La Carnicería TeatroDossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 97


Entretien avec Rodrigo García« Sautez dans le vide <strong>du</strong> silence et de la solitude etprofitez <strong>du</strong> recueillement. » Cette phrase nepourrait-elle pas définir à elle seule Gólgota picnic ?Rodrigo García : Cette phrase exprime une idéerisquée car impopulaire. Personne ne désire lesilence ou le vide, et pourtant tout n’est que videet silence, mais ils sont camouflés.Nous en faisons tous l’expérience lorsque nousrentrons à la maison, après avoir refermé la porte àclé derrière nous, une fois que nous avons pissé,que nous nous sommes lavé les dents, que nousavons retiré nos vêtements et que nous noussommes mis au lit. Mais malgré cela, quand lelendemain on nous demande « comment vas-tu ? »,nous répondons mécaniquement : « bien ». Et nouscontinuons.Vous avez écrit à propos de vos pièces publiées queces livres étaient les « restes » ou les « dépouilles »de vos créations théâtrales. Dans le cas de Gólgotapicnic, vous commentez que le texte n’est pas« aussi abondant » que vous l’auriez voulu. Il inclutpourtant des passages que vous n’avez pas utilisésdans la mise en scène. Comment le processusd’écriture s’est-il déroulé ?Rodrigo García : L’idée de travailler sur la Bibleremonte à loin. Disons que cette écriture acommencé sans écrire, elle a commencé commetoute écriture, à partir d’expériences vécues, quej’ai récupérées par la suite. C’est par exemple lecas de la peur que Dieu m’inspirait quand j’étaisenfant. Ensuite, il faut donner forme à tout cela, etj’ai pensé qu’il serait plus élégant de parlerd’iconographie (Mantegna, Grünewald, Giotto, Vander Weyden…). Lorsque je cite ces fresques ou cestableaux peints sur des toiles ou sur <strong>du</strong> bois, je faisdes détours pour ne pas raconter ma peur de Dieuquand j’étais enfant, mon au revoir à Dieu et à lapeur de Dieu quand j’ai cessé de croire, à l’âge deseize ans (grâce à un livre de Schopenhauer). J’aitenté de me faire aider par un théologien, jevoulais avoir et j’ai eu un dialogue avec lui. Cela abien fonctionné, jusqu’à ce qu’il apprenne le titrede la pièce. Une fois que je n’ai plus pu compter surl’aide de ce théologien, j’ai eu recours àl’imagination, j’ai revisité des passages de la Biblecomme on lit une bande dessinée, et j’ai construitmon propre imaginaire biblique. Bien sûr, comparéà l’original, il est pauvre et maladroit.Vous avez déclaré, dans le prologue de l’un de voslivres, que vous vous étiez montré « plusscrupuleux avec n’importe quelle parcelle d’espacescénique qu’avec une phrase écrite ». Pourtant, vospièces semblent être le fruit d’un travail d’écriturede plus en plus soigné. Avez-vous conscience d’allertoujours plus loin dans votre questionnement <strong>du</strong>langage ?Rodrigo García : La langue espagnole est un outilpresque divin, mais elle est aussi cruelle. JorgeLuis Borges a dit qu’il n’y avait pas des milliers demétaphores valables, que l’on pourra inventertoutes les métaphores que l’on voudra mais quecelles qui sont vraiment bien venues peuvent secompter sur les doigts de la main. Il y a un abîmeentre ce qui est décoratif et la formulation juste,et pour franchir cet abîme il faut poser ses fessessur une chaise, ses doigts sur un clavier et recevoirla visite inespérée <strong>du</strong> hasard. Toute expressionbien venue est le fruit <strong>du</strong> hasard. Si mes mots sontplus profonds, c’est parce que je vois la réalité avecdes yeux qui ont vieilli. Rimbaud reste un casexceptionnel, lui n’a pas eu besoin que les annéespassent pour poser sa plume là où il fallait laposer.Comment définiriez-vous l’évolution récente devotre théâtre ?Rodrigo García : Apparemment, il s’agit d’unvoyage vers le silence et l’obscurité. Mais tantqu’il y aura une œuvre, il y aura de la musique et ily aura de la lumière.La référence à la Bible est récurrente dans votrethéâtre, et tout particulièrement dans Gólgotapicnic. Que représentent pour vous Les SaintesÉcritures ?Rodrigo García : L’imaginaire. La beauté <strong>du</strong>langage. L’utopie. Et l’extrême violence. Et,surtout, l’injustice. Toute doctrine est réprouvable,parce qu’elle s’acharne à vouloir nous sauver. S’ilfaut choisir un texte biblique, je prendsL’Ecclésiaste. Il est bourré de contradictions etn’offre pas d’issues. Il est à la fois comme le fiel etcomme le miel.Dans Gólgota picnic, nous retrouvons quelquespersonnes avec lesquelles vous avez déjà travailléà plusieurs reprises : les comédiens, mais aussiCarlos Marquerie pour la création des lumières etRamón Diago pour la création vidéo… Dans quellemesure participent-ils à l’élaboration <strong>du</strong> spectacle ?Rodrigo García : Ce sont des personnes à qui je n’aipas à expliquer quoi que ce soit. S’il arrive qu’unjour je n’aille pas à une répétition, s’ils n’ontaucune nouvelle de moi pendant une semaine, jen’ai pas besoin de leur rendre des comptes. Ilssavent que je suis « au monastère », qui peut êtreune chambre d’hôtel ou ma maison. Et puis, biensûr, il y a les comédiens. Ils sont la matière. Aveceux, il est possible de créer sans parler. Si on parlependant une répétition, tout s’effondre. On se rendà une répétition pour exécuter, pour construire, onn’y va pas pour parler. On fait les choses et le sensvient avec le temps. Avec ces personnes, la piècese remplit de sens, de sens divers et variés.J’imagine que chacun d’entre eux voit la pièce à safaçon et je ne veux pas le savoir. Je constate quecela leur convient quand je les appelle pour leprochain spectacle et qu’ils me répondent oui.Le pianiste Marino Formenti interprète sur scèneLes sept dernières paroles <strong>du</strong> Christ en croix deJoseph Haydn. Comment cette compositions’intègre-t-elle au spectacle ?Rodrigo García : La musique de Haydn était unpoint de départ, je voulais cette musique surscène, mais je ne savais pas encore comment. Jel’ai mise à la fin, après avoir essayé des tas decombinaisons. Je ne peux pas écouter Haydn etDossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 98


faire autre chose, montrer quelque chose, il ne doitrien se passer. Mais placée là où elle est, à la fin, ilse passe mille choses. Le public peut se remémorerdes moments de la pièce qu’il vient de voir ettrouver son sens grâce à la musique. Ce n’est pasune conclusion ou un épilogue, ce n’est pas unedeuxième partie de la pièce. Elle se situe dans lesentrailles de la pièce, mais elle a été déplacée carje dois faire de la poésie et ce déplacement, c’estde la poésie. Aurais-je pu faire cela avec un autreinterprète que Marino, avec un autre pianiste ?Non.L’image qui nous accueille quand nous nousrendons sur votre site Internet est celle d’unhomme en train d’ouvrir une issue de secours dansun avion. Est-ce là une métaphore de votrethéâtre ?Rodrigo García : C’est l’image de mon avenir.Disparaître dans les airs. C’est pour cette raisonque cela fait déjà deux fois (d’abord dans Etbalancez mes cendres sur Mickey et maintenantdans Gólgota picnic) que j’intègre dans un spectacledes vidéos de Nuria Lloansi en train de sauter dansle vide depuis un avion.De quelle façon votre pièce a-t-elle été reçue lors desa création en Espagne ?Rodrigo García : Mes pièces sont toujours malreçues. Une bonne partie <strong>du</strong> public est bête : ilscontinuent à remplir les théâtres, parfois justepour réprouver ce qu’ils voient. C’est naturel : nouspassons tous notre temps à réprouver les autres.Face à l’œuvre d’un artiste, ils peuvent unir leursvoix et se sentir plus forts. Normalement, ils fontça autour d’un dîner au restaurant, alors qu’ilsdevraient être en train de baiser chez eux. En cequi me concerne, le comportement de ces gensporte ses fruits : vu qu’ils paient leur billetd’entrée, ils nous permettent de gagner de l’argentpour vivre.Propos recueillis et tra<strong>du</strong>itsPar Christilla VasserotEntretien avec Marino FormentiContrairement à Kloing !, votre apparition dansGólgota picnic montre l’envers absolu de lavirtuosité.Marino Formenti : En effet, la deuxième partie <strong>du</strong>spectacle, où je joue, renonce à toute exhibition ouvisualisation de la virtuosité, et même à toutdialogue avec le public. Mais pour les deux projets,il faut un certain courage, une certaine humilitémême : ici, c’est celle de porter une musiqueré<strong>du</strong>ite à l’extrême, concentrée sur l’essentiel, quime rappelle cette remarque de Morton Feldman :« Everything more is absolutely less ». Tout excèsse repère immédiatement. Il s’agit d’une ré<strong>du</strong>ctionau sens technique – la transcription d’une grandepartition pour orchestre pour piano, et que Haydnrecommandait particulièrement – mais aussi en unsens musical : Haydn se limite uniquement auxtempos lents ! Il renonce aux effets, à ce qui estbrillant, au champagne… L’une des raisons pourlaquelle on joue rarement cette version, c’est quenotre époque est un peu fétichiste de l’original (laré<strong>du</strong>ction a été réalisée par un élève <strong>du</strong>compositeur), mais surtout, c’est très difficile de« tenir » toute cette <strong>du</strong>rée sans aucun effetextérieur.Pour moi, la musique classique est aussi lapremière musique bourgeoise, donc écrite pour desbourgeois que le compositeur est censé divertir : ilfallait un minimum d’entertainment, exactementcomme de nos jours. D’où la fameuse ironie deHaydn, ses surprises, ses clins d’œil, la proximité<strong>du</strong> style classique avec l’opera buffa etc. Rien detel dans les Sept dernières paroles, une œuvred’ailleurs très admirée par les romantiques (quin’aimaient pas toujours la veine galante etironique de Haydn), exactement comme DonGiovanni. Ici tout ce répertoire de tours et de trucs,il y renonce, au profit d’une méditation, presqueune « installation » méditative et minimaliste.C’est la ré<strong>du</strong>ction qu’il y a dans le dernier Liszt etqu’on retrouvera dans le dernier quatuor deChostakovitch, composé lui aussi uniquement demouvements lents, ou encore dans la musique deMorton Feldman.Gólgota picnic a déjà donné lieu à quelquescontroverses…Marino Formenti : Pour moi c’est un texteextraordinaire, et tout à fait autre chose qu’unspectacle blasphématoire. J’y vois une déclarationd’amour passionnée au Christ, par un homme quin’est pas croyant au sens dogmatique. Cela peutêtre perturbant pour certains catholiques que lafigure <strong>du</strong> Christ soit réinterprétée avec une telleliberté, mais la provocation n’est aucunement lebut premier ! Il y a quand même eu desprotestations à Madrid, même une question auParlement, puis des manifestations devant lethéâtre… Mais si j’avais pensé que la pièce est unepure provocation, je me serais retiré de lapro<strong>du</strong>ction.Dossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 99


Dans la seconde partie, purement musicale, lespectateur peut au fond se libérer des images de lapremière, qui s’en vont décroissant dans sonesprit…Marino Formenti : Cette partie est une sorte deréponse ex negativo à la première, sans paroles niimages. Beaucoup de gens ont pensé que c’est danscette seconde partie que la pièce atteint un autreniveau, spirituel ou supérieur, comme si lamusique « niait » la partie théâtrale. Pour moi c’estl’inverse : toute la destruction de la figure deChrist au début relève d’un amour pur, elle est laconséquence logique d’une transformationhistorique. Regardez l’histoire de la peinture.D’abord, il y les icônes byzantines : le Christ n’y estpas encore un homme. Ensuite, c’estprogressivement une humanisation, une« incarnation » à travers les siècles. Et si vouscomparez les Sept dernières paroles de Haydn avecles Passions de Bach, chez Bach, le Christ porteencore sa couronne, il dit « Je suis le Roi », et lechœur répond « Tu le dis » – et il a besoin d’undouble chœur, d’un chœur d’enfants, d’un doubleorchestre, de quatre solistes, d’un narrateur… LeChrist de Haydn n’a besoin que de quatreinstruments à cordes ou d’un pianiste. Il estmaintenant absolument homme, devenu humaincomme le personnage d’un opéra de Mozart.Rodrigo accomplit alors le dernier pas. Il dit deschoses invraisemblables, bien sûr, il compare leChrist à un terroriste, il ose des comparaisons trèsperturbantes, mais également drôle, il lui faitdire : quand on n’a que douze personnes qui voussuivent, il vaut mieux se retirer de la politique…Certes, c’est radical mais, le spectateur, qui restebouche bée, parvient aussi, à travers cetétonnement et ces chocs, à une interrogationspirituelle, à une réévaluation de la figure <strong>du</strong>Christ.Propos recueillis par Martin KalteneckerEst-ce qu’il y a un rapport entre le corps <strong>du</strong> Christen croix et le corps nu <strong>du</strong> pianiste dans la secondepartie ?Marino Formenti : On peut dire ça, bien sûr. Jouernu est en soi une chose que je peux accepter ; surscène, je suis un personnage, pas une personneprivée, et les acteurs dans la première partie sontnus très souvent eux aussi. J’ai remarqué que lanudité rend tout d’abord plus fragile, ce qui fait <strong>du</strong>bien à la musique que je joue ! Elle devient encoreplus intime, plus intérieure. Mais surtout, onoublie cela dès les premiers accords. La nudité faitsigne en même temps à la vulnérabilité, à lablessure. Après tout, le christianisme est unereligion fondée sur un sacrifice sanglant. Toute lapièce de García nous montre cela, touche cela,comme le doigt de Saint Thomas touchant lacicatrice.Logiquement, vous devriez disparaître à la fin dansle piano…Marino Formenti : En effet. J’ai dit, que le piano, ici,était un cercueil. C’est mon projet, chaque soir, dedisparaître ! Si j’y arrive, je serai un hommeheureux.Dossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 100


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Coordonnées et contacts des partenairesService de presse <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort et Christine DeltermeAssistante : Jeanne ClavelTel : 01 53 45 17 13Lieux Adresses Contacts presseLe CENTQUATRE 104 rue d’Aubervilliers / 5rue Curial75019 <strong>Paris</strong>2 e BUREAUMartial Hobeniche01 42 33 93 18Centre PompidouPlace Georges Pompidou75004 <strong>Paris</strong>01 44 78 14 27L’apostropheScène nationale deCergy-Pontoiseet <strong>du</strong> Val d’OiseMaison des Arts CréteilPlace des ArtsCergy Préfécture95000 CergyPlace Salvador Allende94000 CréteilArnaud Vasseur01 34 20 14 37Bodo01 44 54 02 00La Ménagerie de Verre12-14, rue Léchevin75011 <strong>Paris</strong>01 43 38 33 44La Scène WatteauThéâtre deNogent-sur-MarneThéâtre de l’AgoraScène nationale d’Évry etde l’EssoneThéâtre de l’AquariumPlace <strong>du</strong> Théâtre94130 Nogent-sur-MarnePlace de l’Agora91000 ÉvryLa CartoucherieRoute <strong>du</strong> champ de manœuvre75012 <strong>Paris</strong>Benoît Strubbe01 48 72 94 9401 60 91 65 65Monique Dupont06 19 15 04 72Dossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 102


Théâtre de la Bastille76 rue de la Roquette75011 <strong>Paris</strong>Irène Gordon01 43 57 78 36Théâtre des BergeriesNoisy le Sec5, rue Jean Jaurès93130 Noisy-le -SecElise Hennion01 49 42 67 17Théâtre de Gennevilliers41 rue des Grésillons92230 GennevilliersPhilippe Boulet06 82 28 00 47Théâtre Romain RollandVillejuif18, rue Eugène Varlin94800 VillejuifMaya Latrobe / Secrétaire Générale01 49 58 17 15Théâtre <strong>du</strong> Rond-Point2 bis av. F.D. Roosevelt75008 <strong>Paris</strong>Hélène Ducharne01 44 95 98 47TGP-CDNde Saint-Denis59, boulevard Jules Guesde93207 Saint-Denis cedex01 48 13 70 00Nathalie Gasser06 07 78 06 10Théâtre de Saint-Quentinen-YvelinesThéâtre de la VilleLes AbbessesPlace Georges Pompidou78054 Saint QuentinYvelines31, rue des Abbesses75018 <strong>Paris</strong>Véronique Cartier01 30 96 99 35Jacqueline Magnier01 48 87 84 61Dossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 103


FESTIVAL D’AUTOMNE À PARIS 201115 SEPTEMBRE – 31 DÉCEMBRE40 e EDITIONAvant-programmeARTS PLASTIQUESHema UpadhyayModerniznationEspace Topographie de l’art17 septembre au 30 octobreŠejla Kamerić & Anri Sala1395 Days without RedUn film d’Anri SalaLe Club Marbeuf / Cinéma4 au 9 octobreCentre Pompidou / Projection avec Orchestre7 et 8 octobreRaqs Media Collective / Reading LightEspace Oscar Niemeyer5 octobre au 4 novembreZuleikha et Manish Chaudhari /Raqs Media Collective / Seen at SecundrabaghLe CENTQUATRE6 au 9 octobreTHÉÂTREClaude RégyBrume de Dieu de Tarjei VesaasLa Ménagerie de Verre15 septembre au 22 octobreChristoph Marthaler / ±0Théâtre de la Ville16 au 24 septembreRichard Maxwell / Neutral HeroCentre Pompidou21 au 25 septembreThéâtre de l’Agora – Évry28 septembreLagartijas tiradas al solEl Rumor del incendioMaison des Arts Créteil4 au 8 octobreBérangère Jannelle / Vivre dans le feuLes Abbesses5 au 15 octobreLagartijas tiradas al solAsalto al agua transparenteL’apostrophe – Théâtre des Arts-Cergy11 et 12 octobreBerlin / TagfishLe CENTQUATRE14 au 23 octobreRobert Wilson / Lou Reed / Berliner EnsembleLulu de Frank WedekindThéâtre de la Ville4 au 13 novembreParoles d’acteurs / Valérie DrevilleLa Troade de Robert GarnierADAMI / Théâtre de l’Aquarium7 au 11 novembreDossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 104


Compagnie De KOEOutrage au public de Peter HandkeThéâtre de la Bastille8 au 18 novembreJoris Lacoste / Le vrai spectacleThéâtre de Gennevilliers9 au 19 novembreCollectif Les Possédés / Rodolphe DanaBullet Park d’après John CheeverLa Scène Watteau16 et 17 novembreThéâtre de la Bastille21 novembre au 22 décembreRobyn Orlin / …have you hugged, kissed andrespected your brown Venus today ?Théâtre Romain Rolland-Villejuif19 novembreThéâtre des Bergeries-Noisy-le-Sec22 novembreLe CENTQUATRE26 et 27 novembreThéâtre de la Ville30 novembre au 3 décembreL’apostrophe – Théâtre des Louvrais-Pontoise16 décembreThéâtre <strong>du</strong> <strong>Radeau</strong> / OnzièmeThéâtre de Gennevilliers25 novembre au 14 décembreNicolas Bouchaud / Éric DidryLa Loi <strong>du</strong> marcheur (entretien avec SergeDaney)Théâtre <strong>du</strong> Rond-Point29 novembre au 31 décembreGuy CassiersCœur ténébreux de Josse De Pauwd’après Au Cœur des ténèbres de Joseph ConradThéâtre de la Ville6 au 11 décembreBuenos Aires / <strong>Paris</strong>Daniel VeroneseLes enfants se sont endormisd’après La Mouette d’Anton TchekhovThéâtre de la Bastille21 septembre au 2 octobreDaniel VeroneseLe développement de la civilisation à venird’après Une maison de poupée d’Henrik IbsenThéâtre de la Bastille27 septembre au 2 octobreClaudio Tolcachir / Timbre 4Tercer Cuerpo (l’histoire d’une tentative absurde)Maison des Arts Créteil11 au 15 octobreMarcial Di Fonzo Bo / Élise VigierL’Entêtement de Rafael SpregelburdMaison des Arts Créteil / 12 au 15 octobreTGP - CDN de Saint-Denis14 novembre au 4 décembreThéâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines9 au 14 décembreFernandez Fierro / ConcertMaison des Arts Créteil15 octobreRomina Paula / El SilencioEl tiempo todo enterod’après La Ménagerie de verrede Tennessee WilliamsThéâtre <strong>du</strong> Rond-Point6 au 24 décembreRodrigo García / Gólgota picnicThéâtre <strong>du</strong> Rond-Point8 au 17 décembreDANSEDV8 / Lloyd Newson / Can We Talk About This?Théâtre de la Ville28 septembre au 6 octobreEx.e.r.ce et encoreThéâtre de la Cité internationale30 septembre au 2 octobreMathilde Monnier / Jean-François DurourePudique Acide / ExtasisThéâtre de la Cité internationale10 au 29 octobreBoris Charmatz / Musée de la danse / enfantThéâtre de la Ville12 au 16 octobreCecilia Bengolea / François ChaignaudSylphidesCentre Pompidou13 au 15 octobreMarco Berrettini / Si, ViaggiareThéâtre de la Bastille17 au 24 octobreSteven Cohen / The Cradle of HumankindCentre Pompidou26 au 29 octobreMeg Stuart / Philipp Gehmacher / Vladimir Millerthe fault linesLa Ménagerie de Verre4 au 9 novembreDossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 105


Cecilia Bengolea / François ChaignaudCastor et PolluxThéâtre de Gennevilliers9 au 17 novembreMeg Stuart / Damaged Goods / VIOLETCentre Pompidou16 au 19 novembre16 octobreLia Rodrigues / CréationLe CENTQUATRE17 au 20 novembreLa Ribot / PARAdistinguidasCentre Pompidou23 au 27 novembreRaimund Hoghe / Pas de deuxThéâtre de la Cité internationale24 au 29 novembreWilliam Forsythe / Ballet Royal de FlandreArtifactThéâtre National de Chaillot24 au 30 novembreWilliam Forsythe / Ballet Royal de FlandreImpressing the CzarThéâtre National de Chaillot6 au 10 décembreJérôme Bel / « Cédric Andrieux »Théâtre de la Cité internationale8 au 23 décembreThe Forsythe Company / SiderThéâtre National de Chaillot15 au 17 décembreMerce Cunningham Dance CompanySuite for Five / Quartet / XOVER15 au 18 décembreFamily Day /18 décembreRainForest / Duets / BIPED / 20 au 23 décembreThéâtre de la VilleMUSIQUEPierre Boulez / Pli selon pliSalle Pleyel27 septembreSon de Madera / Camperos de VallesMexique – Musique populairemusée <strong>du</strong> quai Branly / Théâtre Claude Lévi-Strauss8 au 16 octobreIncantations <strong>du</strong> ChiapasPolyphonies de DurangoMexiquemusée <strong>du</strong> quai Branly / Théâtre Claude Lévi-Strauss9 au 15 octobreL’Onde, Théâtre et Centre d’Art Vélizy-VillacoublayDossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 106


Paul Hindemith / Arnold SchoenbergOlga Neuwirth / Johannes BrahmsCité de la musique19 octobreRaúl HerreraMexique – Musique de salonMusée d’Orsay, Salle des fêtes22 et 23 octobreOlga NeuwirthKloing !Hommage à Klaus Nomi-A Songplay in Nine FitsOpéra national de <strong>Paris</strong> / Palais Garnier24 octobreMark Andre / Pierre ReimerOpéra national de <strong>Paris</strong> / Bastille-Amphithéâtre9 novembreIgor Stravinsky / John Cage / Pascal DusapinCité de la musique12 novembreMario Lavista / Jorge Torres SáenzHilda ParedesMexique – Musique d’aujourd’huiOpéra national de <strong>Paris</strong> / Bastille-Amphithéâtre18 novembreJohn Cage / Études australesOpéra national de <strong>Paris</strong> / Palais Garnier(Rotonde <strong>du</strong> Glacier)19 novembreJohn Cage /Œuvres vocalesThéâtre de la Ville12 décembreFausto Romitelli / Matthias PintscherOlga NeuwirthCité de la musique15 décembreCINEMAMudan Ting (Le Pavillon aux pivoines)Chen Shi-Zheng / Derek Bailey (film)Musée <strong>du</strong> Louvre / Auditorium / 1 er et 2 octobreJahnu Barua et Adoor GopalakrishnanNorth East by South WestJeu de Paume / 25 octobre au 20 décembreBéla Tarr / Rétrospective intégraleCentre Pompidou / 29 novembre au 2 janvierCharles Atlas / Merce Cunningham / OceanThéâtre de la Ville / 18 décembreCe programme est donné sous réserve de modifications.Dossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 107


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Le <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> est subventionné par :Le ministère de la Culture et de la CommunicationDirection générale de la création artistiqueSous-direction des affaires européennes et internationalesLa Ville de <strong>Paris</strong>Direction des affaires culturellesLe Conseil Régional d’Île-de-FranceLes Amis <strong>du</strong> <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Fondée en 1992, l’association accompagne la politique de création et d’ouverture internationale <strong>du</strong> <strong>Festival</strong>.Grand mécèneFondation Pierre Bergé – Yves Saint LaurentLes mécènesArteBaron Philippe de Rothschild S.A.EDF Énergies NouvellesKoryoPublicis RoyaltiesFondation Clarence WestburyFondation Crédit CoopératifHenPhil Pillsbury Fund The Minneapolis FoundationKing’s FountainMécénat Musical Société GénéralePâris MouratoglouNahed OjjehBéatrice et Christian SchlumbergerGuy de WoutersLes donateursJacqueline et André Bénard, Anne-France et Alain Demarolle, Sylvie Gautrelet, Ishtar et Jean-François Méjanes,Anne-Claire et Jean-Claude Meyer, Ariane et Denis Reyre, Aleth et Pierre Richard, Agnès et Louis Schweitzer,Nancy et Sébastien de la Selle, Muriel et Bernard Steyaert, Sylvie Winckler, Les Chalands <strong>du</strong> Pré aux ClercsAlfina, Prakriti Foundation, Safran, Société <strong>du</strong> Cherche Midi, Top CableLes donateurs de soutienJean-Pierre Barbou, Annick et Juan de Beistegui, Béatrice Bodin, Christine et Mickey Boël, Jean-FrançoisCasamayou, Irène et Bertrand Chardon, Michelle et Jean-Francis Charrey, Catherine et Robert Chatin, HervéDigne, Aimée et Jean-François Dubos, Agnès et Jean-Marie Grunelius, Bernard Monnier, Jean-Pierre Marcie-Rivière, Micheline Maus, Brigitte Métra, Annie et Pierre Moussa, Tim Newman, Bénédicte Pesle, Sydney Picasso,Nathalie et Patrick Ponsolle, Pierluigi Rotili, Didier Saco, Catherine et François Trèves, Reoven VardiPartenaires 2011La Sacem est partenaire <strong>du</strong> programme musique <strong>du</strong> <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>.L’Adami s’engage pour la diversité <strong>du</strong> spectacle vivant.L’ONDA soutient les voyages des artistes et le surtitrage des œuvres.La SACD soutient le programme Ex.e.r.ce et encore dans le cadre de son action culturelle.Ce projet a été financé avec le soutien de la Commission européenne. Cette communication n’engage que son auteuret la Commission n’est pas responsable de l’usage qui pourrait être fait des informations qui y sont contenues.L’Institut français soutient le programme Mexique <strong>du</strong> <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>.L’Ina contribue à l’enrichissement des archives audiovisuelles <strong>du</strong> <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>.Le <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> bénéficie <strong>du</strong> soutien d’Air France et <strong>du</strong> Comité Régional <strong>du</strong> Tourisme <strong>Paris</strong> Île-de-Dossier de presse Théâtre – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> 2011 – page 109


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