Le minaret cristallise les fantasmes sur l'islam - Lajme / News ...

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VOTATIONLe minaret cristalliseles fantasmes sur l’islam«La construction de minarets est interdite»: le Comité d’Egerkingen veut ajoutercette disposition à l’article 72 de la Constitution fédérale, arguant que ce symbolesubvertit la paix religieuse. Les musulmans de Suisse sont-ils la 5 e colonne d’uneinvasion intégriste ou n’aspirent-ils qu’à vivre en bons citoyens, respectueux del’Etat de droit? Face aux fantasmes, les faits, têtus et hélas pas assez entendus.L’islam de Suisse, modéré et silencieuxislam fait peur. Depuis laL’ «vague verte», les mouvementsislamistes enhardis par larévolution iranienne en 1979, etsurtout les attentats du 11 septembre2001, le souvenir de plusde 1300 ans d’incompréhensions,de rivalités théologiqueset de guerres est ravivé dans laconscience collective occidentale(mais aussi dans les autresaires de civilisation) et la hanteau point d’obérer les fructueuxéchanges passés entre le mondeislamique et l’Europe.musulmans serait incompatibleavec les valeurs démocratiquesdont l’Europe s’est fait le parangon.Vraiment?«Il y a un problème lorsque l’onparle de l’islam de façon générale»,explique Stéphane Lathion,enseignant et président duGRIS, le Groupe de recherchesur l’islam en Suisse. «On seheurte toujours à une vision abstraite,culturaliste et théoriquequi essentialise les musulmansen les considérant comme tousDÉMYSTIFIER: VOILÀ CE QUI FAIT DÉFAUTDANS LE DÉBAT AYANT TRAIT À L’ISLAM.Keystone-newsL’affiche de l’UDC a été interditepar les villes de Bâle, de Fribourg, de Lausanne,de Montreux et d’Yverdon. Motifs avancés:son caractère diffamatoire, irrespectueuxet raciste. Genève, Lucerne et Zurich ne s’y sontpas opposées, invoquant la liberté d’expression.D’autres municipalités préfèrent attendre l’avisde la Commission fédérale contre le racismeavant de trancher.PASSÉ CONFLICTUELCette réalité historique, globalementnégative, personne ne peutla nier. Sauf qu’à force de ressassercette antienne, on souffre demyopie et on reproduit la logiquestérile de l’affrontemententre des civilisations perçuescomme des blocs uniformes etimmuables. C’est la thèse du«clash des civilisations» de SamuelHuntington (1927-2008).Selon ce fameux politologueétatsunien, le monde actuels’expliquerait par un affrontemententre des ensembles continentauxdéfinis par des critèresculturels et religieux. Cette visionstructure le débat de fondsur la place de l’islam en Suisse,car elle postule que la foi despareils. Bien entendu, il faut comprendreles réactions des genslorsqu’ils voient des images violentesassociées à cette religion.Mais il faut aller au-delà d’unepremière lecture émotionnelleafin de ne pas laisser les préjugésprendre souche.»Démystifier: voilà ce qui fait défautdans le débat ayant trait àl’islam. Bien entendu, cela nerevient pas à nier le cancer intégristequi ronge le monde musulman.Ni l’angélisme ni la diabolisationne sont de bon conseil.Dressons d’abord ce constatinfaillible: cette religion n’est16 15 octobre 2009

VOTATION<strong>Le</strong> <strong>minaret</strong> <strong>cristallise</strong><strong>les</strong> <strong>fantasmes</strong> <strong>sur</strong> l’islam«La construction de <strong>minaret</strong>s est interdite»: le Comité d’Egerkingen veut ajoutercette disposition à l’article 72 de la Constitution fédérale, arguant que ce symbo<strong>les</strong>ubvertit la paix religieuse. <strong>Le</strong>s musulmans de Suisse sont-ils la 5 e colonne d’uneinvasion intégriste ou n’aspirent-ils qu’à vivre en bons citoyens, respectueux del’Etat de droit? Face aux <strong>fantasmes</strong>, <strong>les</strong> faits, têtus et hélas pas assez entendus.L’islam de Suisse, modéré et silencieuxislam fait peur. Depuis laL’ «vague verte», <strong>les</strong> mouvementsislamistes enhardis par larévolution iranienne en 1979, et<strong>sur</strong>tout <strong>les</strong> attentats du 11 septembre2001, le souvenir de plusde 1300 ans d’incompréhensions,de rivalités théologiqueset de guerres est ravivé dans laconscience collective occidentale(mais aussi dans <strong>les</strong> autresaires de civilisation) et la hanteau point d’obérer <strong>les</strong> fructueuxéchanges passés entre le mondeislamique et l’Europe.musulmans serait incompatibleavec <strong>les</strong> valeurs démocratiquesdont l’Europe s’est fait le parangon.Vraiment?«Il y a un problème lorsque l’onparle de l’islam de façon générale»,explique Stéphane Lathion,enseignant et président duGRIS, le Groupe de recherche<strong>sur</strong> l’islam en Suisse. «On seheurte toujours à une vision abstraite,culturaliste et théoriquequi essentialise <strong>les</strong> musulmansen <strong>les</strong> considérant comme tousDÉMYSTIFIER: VOILÀ CE QUI FAIT DÉFAUTDANS LE DÉBAT AYANT TRAIT À L’ISLAM.Keystone-newsL’affiche de l’UDC a été interditepar <strong>les</strong> vil<strong>les</strong> de Bâle, de Fribourg, de Lausanne,de Montreux et d’Yverdon. Motifs avancés:son caractère diffamatoire, irrespectueuxet raciste. Genève, Lucerne et Zurich ne s’y sontpas opposées, invoquant la liberté d’expression.D’autres municipalités préfèrent attendre l’avisde la Commission fédérale contre le racismeavant de trancher.PASSÉ CONFLICTUELCette réalité historique, globalementnégative, personne ne peutla nier. Sauf qu’à force de ressassercette antienne, on souffre demyopie et on reproduit la logiquestérile de l’affrontemententre des civilisations perçuescomme des blocs uniformes etimmuab<strong>les</strong>. C’est la thèse du«clash des civilisations» de SamuelHuntington (1927-2008).Selon ce fameux politologueétatsunien, le monde actuels’expliquerait par un affrontemententre des ensemb<strong>les</strong> continentauxdéfinis par des critèresculturels et religieux. Cette visionstructure le débat de fond<strong>sur</strong> la place de l’islam en Suisse,car elle postule que la foi despareils. Bien entendu, il faut comprendre<strong>les</strong> réactions des genslorsqu’ils voient des images violentesassociées à cette religion.Mais il faut aller au-delà d’unepremière lecture émotionnelleafin de ne pas laisser <strong>les</strong> préjugésprendre souche.»Démystifier: voilà ce qui fait défautdans le débat ayant trait àl’islam. Bien entendu, cela nerevient pas à nier le cancer intégristequi ronge le monde musulman.Ni l’angélisme ni la diabolisationne sont de bon conseil.Dressons d’abord ce constatinfaillible: cette religion n’est16 15 octobre 2009


pas un bloc homogène qui avanceraitd’un seul tenant, hier àla pointe du cimeterre, aujourd’huide façon larvée, à la conquêtedu continent des héritiersde Char<strong>les</strong> Martel, le roi de Francequi stoppa l’avancée musulmaneà Poitiers en l’an 732.MYOPIE INTELLECTUELLEQui sont en effet <strong>les</strong> musulmansde Suisse? Des Arabes sunnitesintégristes, des terroristes enpuissance, des agents voilésd’un «complot islamique mondial»?Ces clichés indisposentBashkim Iseni, spécialiste de ladiaspora balkanique en Suisse:«La majorité des musulmanssont des Européens originairesdes Balkans (voir encadré p. 20),notamment des albanophones,qui pratiquent un islam confinéà la sphère privée. Ils ne considèrentpas la religion commele vecteur primordial de leuridentité». Autrement dit, c’estl’exact contraire du portraitrobotdu musulman barbu quisuscite au mieux le soupçon, aupire la crainte et le rejet.«L’extrémisme religieux ne correspondpas à l’écrasante majoritédes pratiquants quotidiensde l’islam», ajoute Hugues Hiltpold,conseiller national radicalgenevois, très attentif aux questionsde laïcité et de paix religieuse.Ueli <strong>Le</strong>uenberger, présidentdes Verts suisses et anciendirecteur de l’Université populairealbanaise (UPA) à Genève,renchérit: «L’islam en Suisse necorrespond pas à l’image quel’on en a. Des gens entretiennentavec cette religion un rapportquasi pathologique qui confineau déni de réalité. Il est évidentque l’islam balkanique est attachéà la modernité. <strong>Le</strong> problème,c’est qu’on ne veut pas voircette population immigrée ni sarelation tout à fait paisible avecsa religion».OUVERTURE BALKANIQUEBashkim Iseni précise: «C’estun islam qui vient de loin. Laprésence des Turcs dans <strong>les</strong> Balkansdurant cinq sièc<strong>les</strong> a jouéun rôle fondamental dans sonélaboration. <strong>Le</strong>s Ottomans ontofficialisé le rite hanéfite, leplus libéral des quatre éco<strong>les</strong>juridiques de l’islam, qui prônel’accomodement avec la réalitéétablie. De fait, l’islam balkaniques’est façonné dans un espritd’ouverture et de syncrétisme.<strong>Le</strong> soufisme, la voie mystique,s’y est aussi beaucoup dévelop-pé. De même que l’islam bektashi,jugé hétérodoxe, voire hérétiquepar d’autres musulmans,qui a joué un rôle important».<strong>Le</strong>s drames du 20 e siècle ont aussicompté. «A la chute de l’Empireottoman, <strong>les</strong> musulmans dusud-est européen sont devenus(suite p.18)Construiteen 1978, lamosquée duPetit-Saconnexà Genève estla seule deSuisse romandea être dotéed’un <strong>minaret</strong>.Keystone-a15 octobre 200917


VOTATIONdes minorités politiques qui sesont adaptées au nouvel ordredes nations. Sous le communisme,la laïcisation, très pousséeen ex-Yougoslavie, qui magnifiaitla figure du scientifique etde l’ouvrier plutôt que l’imam,et l’athéisme d’Etat de l’Albanieanti-religieuse d’Enver Hodjaont rétrogradé la question de lafoi dans la sphère intime.»Depuis très longtemps déjà,l’approche du fait religieux parun musulman d’origine balkaniqueest donc similaire à celled’un citoyen de confession catholiqueou protestante. «<strong>Le</strong>s contradictionsinternes à l’islam balkaniquereflètent son esprit dediversité et de tolérance. La foiy est vue comme la partie d’untout, conforme aux valeurs démocratiqueset humanistes.» EnSuisse, l’islam majoritaire estdonc déjà «euro-compatible»avec l’héritage du Vieux-Continent.N’en déplaise à cel<strong>les</strong> etceux qui croient que cette religiony est par nature rétive. «L’islamde Suisse existe déjà. Sonproblème, c’est qu’il est celuide la majorité silencieuse», préciseBashkim Iseni. Une allusionau problème de la représentativitédes musulmans, qui nese reconnaissent pas forcémentdans <strong>les</strong> figures institutionnel<strong>les</strong>et médiatiques qui parlent enleur nom.VERS LA RÉFORMEDE L’ISLAMLa constitution de cet islam moderneest aussi d’origine extraeuropéenne,note Ahmed Benani.Ce politologue et enseignantlausannois pointe le processuscapital du «passage à l’Ouest del’islam. <strong>Le</strong>s musulmans arabophonesétablis en Europe sont interpelléspar la réalité dans la-«La démographie musulmane en recul»Trois questions à Patrick Haenni, chargé de recherche à l’Institut Religioscope.DRL’Europe doit-elle craindre l’«invasion musulmane»?– La démographie musulmane est mondialement en recul.Elle tend à s’aligner en très peu de temps, et selon desrythmes de décrue impressionnants, <strong>sur</strong> <strong>les</strong> taux de féconditédes pays occidentaux.Ensuite, contrairement au monde chrétien où il aura fallu ladéchristianisation (en plus de l’alphabétisation) pour rendrepossible la dénatalité, l’islam vécu ne s’oppose pas à ladécrue démographique. En Iran, ce n’est pas durant l’èremodernisatrice du shah, mais au sommet du moment révolutionnaireislamique, en 1985, que s’est amorcée la décruedémographique.Patrick Haenni, coauteurde <strong>Le</strong>s <strong>minaret</strong>s dela discorde, éclairages<strong>sur</strong> un débat suisse eteuropéen (Infolio, 111 p.).<strong>Le</strong>s représentants plus ou moins autoproclamés de l’islamen Europe reflètent-ils vraiment la sensibilité majoritairedes musulmans?– Certainement qu’ils nereprésentent que desparts congrues des populationsmusulmanes.Ce qui est plutôt un bonsigne pour qui pense entermes d’intégration. Ladifficulté des autoritésà trouver des interlocuteurset des organisationsfaîtières, l’incapacitétotale de l’Union des organisations islamiques de Franceà rétablir le calme lors du soulèvement des banlieuesen 2005 en dépit d’une fatwa (un avis juridique) allant dansce sens sont bien l’indication qu’il n’y a pas de communautémusulmane au sens d’une solidarité dans l’action politiqueet sociale.La médiatisation d’intellectuels musulmans, le besoin sécuritairede relais communautaires dans <strong>les</strong> banlieues ouencore la tentation de la quête du vote musulman ont engendréde la confusion entre représentation d’une communautéet organisation d’un culte. Empiriquement, ce quel’on peut attendre d’un leadership musulman n’est pas lareprésentation (car c’est de facto une illusion), mais l’organisationd’un culte. C’est aussi, au passage, un acte de laïcité.L’Europe est-elle une chance pour l’islam? Une occasionde faire émerger un islam libéral, pluraliste et moderne?– Il n’y a pas de grand partage entre islam d’Occident etislam des pays musulmans. Non que l’islam soit un et indivisible,mais par effet de modernisation: <strong>les</strong> grands courantsde l’islam dans ses dimensions intellectuel<strong>les</strong>, socia<strong>les</strong>et politiques sont transnationaux.L’affirmation de la foi par l’individu, la montée d’un rigorismedoctrinal en quête de religieux pur, la crise du discourstotalisant de l’islam politique, la radicalisation jihadiste<strong>sur</strong> une ligne anti-impérialiste de gauche, l’apparitionde nouveaux penseurs qui tentent d’ébranler <strong>les</strong> fondementsde l’orthodoxie doctrinale, l’émergence d’une religiositéplus douce portée <strong>sur</strong> le syncrétisme et influencéepar la culture de masse sont des tendances globa<strong>les</strong> quel’on retrouve autant en Europe que dans <strong>les</strong> pays à majoritémusulmane. ///Recueilli par Thibaut Kaeser18 15 octobre 2009


Keystone-aquelle ils évoluent. Confrontés àl’altérité, certains sont déstabilisés,d’autres se replient <strong>sur</strong> euxmêmes.Mais ils ne peuvent pasfaire l’impasse <strong>sur</strong> le questionnementdu patriarcat religieux,<strong>les</strong> rapports entre hommes etfemmes, le droit des individus».Inévitable, cette adaptation à lamodernité se fait <strong>sur</strong> plusieurs«90% DES PERSONNES D’ORIGINE MUSULMANESONT NON-PRATIQUANTES, SOIT UNEVARIABLE CONFORME À LA MOYENNE SUISSEDES AUTRES RELIGIONS.»modes. Elle touche d’ailleurs lemonde musulman dans son ensemble,mondialisation oblige.«Car <strong>les</strong> mêmes mutations se répercutentdans un univers d’économieset d’idées globalisées.»«Assumer la diversité intra-religieuseet intra-communautaireest le défi, l’enjeu citoyen de cetislam européen», ajoute StéphaneLathion. «Pour cela, des ‘accomodementsraisonnab<strong>les</strong>’, quiconsistent à arriver à un ‘consensusminimum acceptable’dans le cadre de l’Etat de droit,permettraient de favoriser ledialogue social et une meilleureintégration. Cette démarchepragmatique est d’ailleurs propreà la culture politique suisse.Elle favorise des arguments rationnels– dire oui ou non à unedemande permet de fixer des limitessaines – et non une démarchede confrontation.»Ahmed Benani rappelle uneidée dans l’air, aux accents prophétiques:<strong>les</strong> «Lumières» del’islam viendront de l’Europe. Ilcite des croyants et islamologueséclairés: Mohammed Arkoun,Rachid Benzine, Abdennour Bi-dar ou Malek Chebel. Des figuresémergentes, laïques, modéréesvoire progressistes, qui démentent<strong>les</strong> craintes <strong>sur</strong> <strong>les</strong> musulmans.«Des personnalités quiremettent en question le magistèredoctrinal des Etats musulmanset des télévangélistes genreTariq Ramadan.»LAÏCS ET MODERNES«Cette réforme en Europe naîtrade la confrontation-discussionentre islam implanté et islamtransplanté, mais égalementd’une meilleure connaissancedes autres traditions religieuses(christianisme, judaïsme et bouddhiste)et, last but not least, de lasécularisation, voire de l’athéisme.Il est impératif d’intégrerdans nos réflexions et débats lamondialisation du religieux etses effets collatéraux: le métissageculturel et donc l’enrichissementde la pensée.»De son côté, l’Association suissedes musulmans pour la laïcité(suite p.20)15 octobre 2009La Berne fédéraleà l’écoutedes minoritésreligieuses. PascalCouchepin àune réunion deprière avec lacommunautémusulmane à laMaison descroyants àBerne, en septembre2008.19


VOTATIONTK(ASML) cherche à mettre en lumièrela majorité silencieuse.Son porte-parole, Henri-MaximeKhedoud: «La représentationdes musulmans n’appartient pasaux seuls religieux. Nous sommesdes citoyens laïcs et démocrates,rien à voir avec un islamdes ténèbres, des caves et dessous-sols! <strong>Le</strong>s études prouventque 90% des personnes d’originemusulmane sont non-pratiquantes,soit une variable conformeà la moyenne suisse desautres religions. Nous ne voulonspas être assimilés à desgens qui ne nous correspondentpas ni être stigmatisés en raisonde notre origine».Président de l’Union des associationsmusulmanes de Fribourg,Mohamed Ali Batbout souhaiteBashkim Iseni:«La majorité desmusulmans de Suissesont des Européensoriginaires desBalkans, notammentdes albanophones,qui pratiquent unislam confiné àla sphère privée».que cette meilleure représentationdes croyants se fasse «dansun souci d’harmonisation, pasde mise au pas. Il faut trouverune façon de rendre cette diversitéenrichissante dans l’unité.C’est autant un travail qu’unobjectif permanent. <strong>Le</strong>s recettesne sont pas compliquées: éviter<strong>les</strong> préjugés, profiter de l’autreen termes positifs, valoriser <strong>les</strong>ressources culturel<strong>les</strong> de chacunet ne pas être dans une logiquede rivalité». Un travail quipeut prendre du temps et qui sefait néanmoins au jour le jour.INTÉGRATION SOCIALEBashkim Iseni: «S’ils sont touchéspar <strong>les</strong> débats <strong>sur</strong> l’islam,<strong>les</strong> musulmans balkaniques nese sentent pas concernés commeLa deuxième religion de SuisseSelon le dernier recensement fédéral, effectué en l’an 2000, l’islamest la religion de 4,3% des habitants de Suisse, soit 310’807personnes (el<strong>les</strong> seraient aujourd’hui près de 400’000). 57% desmusulmans, soit environ 180’000 personnes, viennent des Balkans,dont 110’000 d’ex-Yougoslavie (essentiellement du Kosovoet du Monténégro), 44’000 de Macédoine et 24’000 de Bosnie-Herzégovine. 20% sont d’origine turque, soit 62’000 personnes.Ceux en provenance du Maghreb et du Moyen-Orient représentent6% (environ 18’000 personnes), d’Asie 3% et d’Afrique subsaharienne2%. 36’500 musulmans (12%) sont de nationalité suisse, cequi représente 0,6% de la totalité de la population helvétique.<strong>les</strong> autres. Ils ne voient pas l’intérêtde s’engager <strong>sur</strong> la place publique.Jusqu’à la fin de la guerredu Kosovo, ils étaient pourainsi dire en attente, dans lecouloir. Mais comme cette questionnationale est réglée, ils sontdésormais dans la pièce principalede la ‘maison Suisse’, leurpays d’adoption, où ils veulentsimplement vivre, travailler etêtre heureux».«On constate ainsi l’émergenced’une nouvelle génération enSuisse et qui en maîtrise parfaitement<strong>les</strong> cultures et <strong>les</strong> langues.Tels <strong>les</strong> imams Mustafa, dela ville de Berne, ou Neziri Rejhanà Kreuzlingen (Thurgovie).»En Suisse romande, on n’observepour l’instant pas la mêmetendance. «<strong>Le</strong> vrai problème estde toute façon l’intégration socio-professionnelle»,recadreBashkim Iseni. La religion n’estjamais qu’un masque jeté <strong>sur</strong>des problématiques fondamenta<strong>les</strong>comme l’emploi et la reconnaissancesociale. Dans <strong>les</strong> années1970, certains démagoguesconsidéraient <strong>les</strong> immigrés italienscomme «inassimilab<strong>les</strong>»en raison de leur latinité et deleur catholicité...Ainsi, le débat actuel <strong>sur</strong> l’islamreproduit <strong>les</strong> peurs xénophobesd’hier en <strong>les</strong> parant d’un vernisculturaliste alimenté par unpassé de contentieux. Autrestemps, mêmes mœurs! Fait égalementregrettable: ce discoursde la méfiance face à une hypothétique«Eurabie» ravive la mémoired’un christianisme identitaire– le «nous» contre «vous»– alors que l’on vit dans une èreindividualiste et post-chrétiennemarquée par le «supermarchédes religions». <strong>Le</strong> deuil deLE DÉBAT ACTUEL SUR L’ISLAM REPRODUITLES PEURS XÉNOPHOBES D’HIER EN LESPARANT D’UN VERNIS CULTURALISTE ALIMENTÉPAR UN PASSÉ DE CONTENTIEUX.l’antique Christianitas, la chrétienté,a pourtant été fait par <strong>les</strong>chrétiens au cours du 20 e sièclegrâce notamment au concile VaticanII et à la réflexion théologiquemenée par le monde protestant.Au moment de voter le 29 novembre,il ne sera pas inutile dese souvenir de ce cruel paradoxe.Si le christianisme moderne,libéré du mythe d’unechrétienté homogène, est pluraliste,acquis à la laïcité et au dialogueinterreligieux, pourquoiglisser dans l’urne un bulletinqui résonne comme un réflexerétrograde? ///Thibaut Kaeser20 15 octobre 2009

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