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0 , 2 0 7U B AMSTERDAM


V O Y A G EEN& U JE JD 'JE.


V O Y A G EE NS U E D E,_CONTENANT UN ETAT DETAILLE DE SA POPULATION,DE SON AGRlCULTURE, DE SON COMMERCE , ETDE SES FINAKCES ;. S U I V Ide l'Hiftoire Jbrègée de ce Royaume & de fes diffêrentesfonnes de gouvernement, depuis Gujlave Ien 1553» jufqu'en 1786 inclufivement, fous leRègnc de Guftave III, q.c~luelhmcntfur te tróne ,ETDEQUELQUES PARTICULARITÉS REL ATIV E SA L'HISTOIRE DUD A N M E M A R C*Par un Officier Hollandois._4 I. jt H ui r E,Chcz P. F. G O S SE, Librairc & Imprimeufdc la Cour.M. D. CC. L X X X I X.


D E D I C A C E"Je dédie Pimpreffion de ces lettresau même^ami, k qui ellesfurent écrites; Je me flatte qu'ilvoudra bien les aggre'er commeun te'moignage de ma gratitude^ö3


Check ListPricing your Wedding Reception can be complicated and confusing so we have put together this pricing analysis tohelp you understand what is included in each venue’s package or individual price when planning and costing yourspecial day.InclusionsExperienced Event Manager to guide you throughout the planning of your eventPostage paid for all your wedding invitationsComplimentary one year membership of the exclusive Spa* - worth £900VIP service and special rates at other Shire Hotels for your pre-wedding weekendOption for a personalised menu tasting to help your choice of menuSpecial rates at Solent Hotel for pre-wedding family and friends eventsNo room hire for wedding breakfast suiteAir-conditioned wedding suite and guest roomsFloral table arrangementsLinen table cloths and linen napkinsRed carpet arrivalChampagne on arrival for the bride and groomInformal Toastmaster to help with proceedingsFree-flowing reception drinks for one hour from arrivalFine tableware with china, quality glassware and cutlery3 course meal followed by coffeeFree-flowing wine until the end of the main courseGlass of sparkling wine for the toastFree-flowing bottled filtered water on all tablesCommemorative cake knife and use of cake standSpecial accommodation rates for your guests for one or two night staysExecutive four-poster Suite for the Bride and Groom with complimentary ChampagneSpecial rates for Sunday Brunch with your guests the day after your weddingComplimentary 1st anniversary 1 night dinner, bed and breakfast stay with ChampagneSolent Hotel & SpaTraditional All InclusivePPPPPPPPPPPPPPPPPPPPPPPPPPPPPPPPPPPPPPPPPPPPVenue 1 Venue 2 Venue 3* Minimum numbers applyAll room dressing and flowers designed and created by Little Lillies, Sheila Hurst and Weddings by Kenmarche.


VIï'2S O M M A R ECbemins. — Pojlss — Province de Wejïrogotbie—- Golbenburg • . . 32L E T T R ECINQUIEME.pefcription de Gotbenburg. — Compagnie desJndes. —— Commerce intérieur. —— Pêché dubareng. — Fauxbourg. — Vauxbalt.Parade. ^irmée.. — Troupes levées oitde garnifon. — Dejerteurs. — Troupes répartiesou nationaies.t. . ^I< E T T R E SIXIEME.CataraSte de Trolhetta. — Edet. —~ Falkïöplng.— mRegiment da Cavalier ie de Wejlrogotbie.: . . . . 62L E T T R E S E P T I E M E.Mariejladt. — Route de Mariejladt -a Orebrö.— Province de Nericie. —— Orebrö. •— Provincede PVeftmanie. ^rhoga. Smedby-— Province de Südermannie. —— Suder-. talie. — Cbdteau de Gripsbolm. — Trosballa.Kumla. — Fitz'ia, . . faL E T T R E H U I T I Ë M E,Stockholm. — Defcriptiott de cette Capitale. —. Chdteau. — Slrfenal. — Opera. — ComédieFrancoife. — Comédie nationale. — Pavilionde la Reine Cbr-Jl;ne, -r Académie des Scien~


£s h E T T R E S.Bt_ .y^//^ des machines. — Obfervatoire. —Académie de peiqture & de feulptttre. — ^r-/$tf. • • S3L E T T R E N E U V I E M E , iQonünuation de ia defcription de Stockholm. —*Le Port> —* l'He de V^imirauté. — Galeres —«Garnifon. — Genre de vie. — Z


3 • S O M M A I R EL E T T R E T R E l Z f E M E .Sater. — Omds. ~- Saterbron. *~ ^Ivejla. —'Sabla. — Mine d'ar gent.-— Defcription &lijïoire de cette mine. — Forge. . . . 161L E T T R E Q U A T O R Z I E M E .Bnkiöping.,— JVeJïerds au ulrofen. — Chat eaui de Strömsbolm. — Haras du Roi. — Kiöping.Kongfor. —Lac HielmarnJ—-'Malmar. —Monïagnede Malmcir. — Province d' OJlrogotbie —Nordkiöpmg. —Fabrique de iaiton — Linkiöping.— Ifle flottante. — Lac JVettern. —PVadJlena & fes antiquités. . , .181L E T T R E Q U J . N Z I E M E.Province de Smolande. «, Mine d'or d'uldel-'•.fors. Wexiö. Province' de Bleking. _Carlscrona. — Port. — Cbantier. — Dok. ~Runeby. — Carsbam. — Province de Scaniet •*Cbriflianfladt. . . , '201L E T T R E S E I Z I E M E.Maglajleen. _ TJladt. - Malmoe. _ Lund. ~' Landscrona. — Jfie de Hwéen. _ Hetfiugburg.— Ram/ös. . ,t 2 4 2


n j ! LETTRES.suL E T T R EDIXSEPTIEME.PaJJage du Sund. — Chdteau de Cronenburg. —Reine Mat bilde , — Reine Dou'ariere de Dan*nemarc. _ Elfeneur. — Princejfe Louife jlugufte.— Prince Royal de Dannemarc. — Révvlutionde 1784. • - - 239- L E T T R E D I X II U I T I E M E.Paralelie entre les babitans de la Suéde & duDannemarc. , • / 2^3L E T T R EDIXNEUVIEME.Population & ^griculture de Ja Suéde £f duDannemarc. „L E T T R EVINGTIEME.CommerceNavigation, — Manufa&ures, —Fabriques, — Finances, — Revenus de la'Suéde. . * » ' 3°5LETTRE VINGT- ET UNIEME..Abrégè de 1'HiJloire de Suéde, depuis GuftaveVafa en 1523, jufqu'a la mort de CharlesXllen 1719 331LETTREVINGT- ET DEUXIEME.Continuation de 1'HiJloire de Suéde, depuis lamort de Charles XIItjufqu'a la mort de Fr 4-deric II. en 1771. . • • 3SD


XII SOMMAIRE BES LETTRES.LETTRE VINGT- ET TROISIEME.•MJloire de Guflave III, depuis 1771 iuf1786.' " * " 39iLETTRE VINGT- ET QUATRÏEME-.Hijïoire de Swuenfée. , ï 471


C is )E I F L I C A T I O I Ïde qutlgues monnoyes qui ont cours en Suéde.Commeles mots,de Kmt. de frm t. de Plote,de Dlr. &c. fe préfentent quelquefois dans eetouvrage, il ne fera pas inutile d'en donner unecourte explication.Dlr. veut dire Daalder.KmtKoppermunt-Srmt Silbermunt.Le Daler fait 4 Marcs, 32 Oere.Ces monnoyes font de cuivre Kmt. ou dVgentfrmt., celles-ci valent trois fois plus quecelles de cuivre.ün Dalder frmt. fait donc trois Daalder Kmt.Une Plote fait Daaldr. Kmt. ou '2 Daald.frmt.Les grandes fommes d'argent en Daaldr. ouDlr. frmt. fe comptent par tonr.es d'or, aulieu que celles de cuivre ou Kmt. fort compte'espar millions.1,000,000 Dlr. frmt. fe romme donc com~.munément, 10 tonnes d'or.


C Ï4)1,000,000 Dlr. Kmt.. . . un million de Dlr;Le Ryxdr. d'efpèce eft e'gal en valeur k laRyxdr. de 50 £ols argent de banque d'Am*iterdam.Le Daaldr. de 4 Marcs ou 3 a Oer. frmt. S fols'i5den. argent dfholl.Le Daaldr. de 4 Marcs ou 32 Oer Kmt. 3 fols,i5den. argent dlioll.La Plote de 2 Daaldr. frmb ....18 fols d'holl.enviro»lETTRg


V O Y A G EEN& 17 JE 3® £éLETTRE PREMIÈRE,FAHLUN ce . . t Jutilet 1785.Tl>eP uis 1 ue ' } ' cn6k t r a v e f S k S G r a n U S 0 0!a Suéde, je n'ai pu trouver un inftant poufvous donner de mes nouvelles •, au moindreféjour que je fais, j'employe tout roon tempSa voir, a examiner & a queftionner. Je noteenfuite fur mon journal ee que j'ai apprisd'intéreffast.Je proflte d'un moment de loifir pour tou3aeeufer la réception de votre lettre en dattA


du ...ii S, q l i evpus m'avez adreffëe a Cop=' pènhague; je 1'ai recue a Stockholm par lavoye,de Mr. Ie Cbmte de RJe vous écris du fond de la Dotécarlie, berceaude Guftave Vafa, du milieu de ces bravesDalécarliens, qui fofis le* ordres, de cegrand-homme fécouerent le joug, (*) fouslequel leur patrie gérniflbic depuis environdeux cents ans.Après avoir pris ma route parGothenburg,Falkiöping, Mariejladt, Orebrö, Arboga, { Qfuis arrivé è Stockholm, de ia jefuis montépi'usvers le Nord, j'ai vifite Upfal, j e m efuis ar.rété pendant quelques jours a une terre dontle propriétaire m'a mené a cetté fameufe minede Danemora, fi riche en fer de la premièreqtlalité. J'ai été voir Löffla,appartenante au Baron de Geer,un jour a confiderer lesdifférêntesdes forges qu'il y a établies.terre magnifiqueoü j'ai paffe'opérationsJ'allai enfuite ala catarade du Dahl Elbe (ou rivière deDaht,) q Ui ap r e s s^ t r epartagé'e en deuxbras , fe pré'cipite en ligne perpendiculairea travers des rochers affreux,de plus dc£o pieds de baüteur. Ce fpeétacle eft magnifiquepar f 0n écume,fon bruit & fa hauteur.De-la je fus a Gefit, port de mer dit£*~) En 1'annfe IJZJ,


UiGo\k-Botbni§ue , & après deux mois de courifes, je vins a Fahhn.Quand j'aurai vu les mines de cuivre quife trouvent ici, je me propofe de parcourircelles d'argent a Sahla: de-la je partirai pourNordkiöping , Carlfcrona , TJtadt, & faifantpinfi le tour de la Scanie, je me retrouverai aHelfmgbmrg, en y rentrant par le cóté oppoféa celui par lequel j'en fuis forti, cn commencantma tournee dans ce Royaume.Par cc que je viens de vous dire, & d'aprèsla connoiüance que vous avez de la carte dapays, vous voyez que je ne fuis pas allé aStockholm par le chemin le plus court; commemon deffein en venant en Suede, n'étoit pas deme borner a la Capitale, mais de voir tout ceque le pays contient de plus curieux, tantparrapport aux mines, que par rapport aux ouvragesimmenfes & prodigicux qu'on y conftruiten différens endroits, pour la facilitéidc. la navigation & du commerce intérieur , êcfur tout les travaux célébres de Carlfcrona,pour 1'arrangement de la flotte; je me fuis nonfeulemcnt écarté de la route ordinaire , maisje pris la réfolution de faire tout le tour d'un. pays fi intéreflant par fon local pittorefque, &par 1'adtivité, le génie, 1'hofpuaücé & la politefiede fes habitans.Vous ne fauriez vous imaginer, combien psuA 2


(43ï? en coüte pour <strong>voyage</strong>r dans ce Royaume;j'ai une voiture Ruffe aflèz légê're, & commeles chemins font excellens , quatre chevaux,(quoiqu'en général trés petits & fans apparence,)me trainent par tout; croiriez-vous bienque je ne donne pour chaque cheval que feizeïbus de Suéde, qui font envirbn quatre fous& ; demi de Hollande, par mille Suedois, (*>& le mille fait a peu prés deux lieues & demiescommunes de France.Je m'arrête dans tous les endroits qui me'ritent1'attention des curieux, au contraire jevais jour & nuit 1 , lorfque je ne rencontre rienqui m'invite a fe'journer. Les nuits qui .fontaótuellement ici auifi claires qu'en plein jour,donnent beaucoup de facilite' aux <strong>voyage</strong>urspour avancer ; comme je ne fais par un pasfans avoir la plume, & fouvent le crayon a lamain , je fuis en état de vous donner quelquesdeicriptions aifez exactes, mais le temps ne mepermattant point d'écrire de longues lettres,j'attendrai mon retour en Danemarc , pour fatisfairea votre défir ; je vous enverraialors une relation détaillée de mon <strong>voyage</strong>.Je me contenterai maintenant de vous dire,que la Suéde n'eft qu'un roe continu de graait,fur lequel il y a plus ou moins de terreC*D On C9»pte 1$ mrUes & demi Su&iois m degrf.


(5)affez mal cultivée , quoique depuis quelquesannées, on encourage beaucoup 1'agriculture;le pays eft dénué d'habitans, & en certains endroits,on paffe des deferts de vingt a trentelieues, ou i'on n'appergoit que des pauvres huttespofe'es fur la mousfe qui couvre les rochers;elles font ombrage'es par des fapins, dorstj'ai traverfe' des bois immenfes fans y trouverde la variation; j'en excepte cependant quelquesprovinces; la Sudcrmanie que j'ai parcourued'un bout k 1'autre, ainfi que la partie méridionalede 1'Uplatide font bien cultivées.On dit que la Scanie eft ce qu'il y a de plusbeau, c'eft ce qui me refte a voir, ainfi quei'Oftrogothie, dont on vante la culture. Le travaildes mines, les ouvrages qui en dépendent,1'arrangement des forges & la fagon d'yvivre, valent feules le <strong>voyage</strong>. J'ai trouvé auprèsdes mines de fer la fimplicité de 1'aged'or, & je puis vous affurer, que fi on n'yvoit que des rochers , dont les entrailles fontd'acier, les hommes qui les habitent, ont descoeurs qui n'en ont ni la dureté ni la trempe.Stockholm eft une ville trés intéreffante par rapporta fa fituation , & dont l'afpedt eft extrêmementpittorefque, on y vit comme dans toutesles capitales, le coftume de 1'habillement national,y eft plus exadt que dans d'autres villes, furtout pour les perfonnes qui frequententI A 3


( 6 JIa Cour. Le ton de la focie'te' y eft trés gai,Ja nobleffe & en général, ce qu'on y appelle labonne compagnie, y eft bien élevée ,les gens dediftindtion, les négocians, lesperfonnes aiféesy font bonne chère & font tous pre'venans póürles e'trangers; le commun n'y fait, (ainfi quedans tout lerefte de la Suéde) du pain qu'une,ou tout au plus deux fois par ari, il eft de feiglemélé avec de 1'avoine, il fe nomme Khikke-Iroë ou Kakebroë, ij eft rond & plat, de la figure& de la grandeur d'une affiette ordinaire,trouée par Ie milieu: il n'a pas répaiflèurde la largeur du petit doigt, on en volt pendreenfilés par centaines aux plafonds des maifonsde payfans. Ce pain quoiqu'excefiïvementdar, n'eft pas défagréable au goüt, on en préfenteaux tables des perfonnes les plus diftinguées,avec du pain de froment trés bon & trésblanc. Dans les temps de difette & principalementdans le nord de la Dalêcarlie, on ajoute ala farine de feigle & d'avoine, de 1'écorce debouleau bien macérée & pilée, ce qui rend cepain'fi dur, qu'il faut avoir des dents Dalécar-Jiennes pour pouvoir le macher.Fablun.Je fuis arrivé a Fablun hier dimanche matinvers les fix heures; environ vingt-quatre heuresaprès avoir quitté Gefle,; je n'ai vu danstoute cette traverfée,' que des bois & des rochers;jugez fi je fus charmé de*me trouvcr


(7 )dans une viüe affez peuplée, puifqu'on y compte7000 habitans.Après m'être un peu repofé, je fus préfenterma lettre de recommandation a Monfr. Haldin,Fiscal des Mines, il me regut de la facondu monde la plus polie, m'oifrit fa table pourtout le temps de mon fe'jour, je 1'aeccptai fanscomplimens.ftère,Mr. Haldin, fon époufc, fonfecre'taire du Roi, chevalier de 1'ordrepolaire, quelques officiers du régiment de Dalêcarlie& trois jeunes dames furent les convivesque j'y trouvai, 1'ony parloit Frangois, a 1'exceptiondes jeunes dames qui étoieht joïfës, &qui me parurent fort gaies & trés vives; cequi me fit d'autant plus regretter de ne pouvoirjouïr de leur converfation. Après le diner Mr.Haldin avec quelques officiers ,mc propofèrentun tour de promenade dans la ville & aux environs.La plupart des habitans de Fablunfont des mineurs & des forgerons, les maifonsfont baties en bois, comme dans tout le refbde la Suéde , il y en a quelqucs-unes de batiesen pieires & en briques-; cclle du gouverneurde la province, du furintendant des mines, du fifcal des mines, & de deux ou trois autresprincipaux officiers des mines: la maifonde ville & deux grandes églifes font de mêmeen pierrès, deux rues font pavées, le refte eftcouvert de fchories de cuivre pilé 6c battu».A 4


jC § 5'Après avoir parcouru la ville, nous fömes auKopparberg oü font les mines, j'y vis les différentesentrees ou puits, au fond de deuxgrandes excavations, dont 1'une fe nomme lagrande mine, & 1'autre qui eft plus petite,Louïfe Ulrique; de tous ces puits fortoit uneépaiiTefumée, occafionnée par les feux de charbonsde bois, allumés au fond des mines , opérationqui fe fait tous les dimanches, pendantque les ouvriers n'y font pas, pour amollir lemmérai qu'on fépare outre cela du roe, en lefaifant éclater tous les jours par le moyen de lapoudre a canon.Notre promenadefinie, nous' retournémeschez Mr. Haldin, oü ily avoit nombreufe com-Pagme, le the', les parties de jeu & le fouperfe fuccede'rent, il fut trés gai & la converfationfort ammée; ayant eu le bonheur de me trouvera cöte' d'une dame qui parloit trés bonFrangois, je paiTai une fojrée fort agréableQuoique trés fatigue', j eme fuis levé trés matin,pour avoir leplaifirde vous écrire. A 1'inftantje compte retournera uKopparberg ficuéèundemi quart de lieue de la ville, pour yvoir lam i n ede cuivre; mon intention eft d'ydefcendre & d'y faire une petitepromenadefouterrawe a plus de mille pieds fous terre fiJ emends ce qu'on dit aux Antipodes, j evcus^ferai P ö r, J e n e f u i s p a sdefcendu dansT


mine de fer k Dannemora, quoiqu'elle n'eft pasfi profonde que celle-ci, paree que les fceauxdans lefquels on eft oblige' de fe placer, fontun peu effrayans, & que je ne me fentpis pasde vocation pour <strong>voyage</strong>r ainfi par les airs,d'autantplus que du haut de l'échafaudage, oüj'étois huche' au bord de 1'excavation, qui a unquart de lieue d'ouverture & trois a quatrecents pieds de profondeur, je pouvois voir diftindlement,ce qui fe paflbit au fond de la mine.Dans celle que je fuis fur le point d'allervifiter, on defcend par des échelles, & je ne lescrains pas: il eft vrai qu'elles ne font pas toutesauffi intéreffantes que celle de la tour de 'sGravefandepeut 1'être quelquefois. Je vous prie defaire mille compïimens ace joli Ange, qui merapella dans eet inftant 1'échelle de Jacob; j'efpèrequ'elle fe porte bien , veut-elle toujoursrefter comme les anges ? c'eft dommage, ilfaudroit qu'elle fongeat férieufement a perpétuerune race de créatures auffi jolies qu'elle.Si dans ce tróu oü je compte m'abimer tout-a-1'heure, je rencontre quelque Gnome, je le luienverrai, ils font faits pour fervir les Sylphides;Anges & Sylphides, font a peu prés demême nature : mais j'oublie que j~ fuis a Fablun,qui dans ce moment n'eft pas le féjour desAnges ni des Sylphides, il reffemble plutót aun féjour de Cyclopes. Cette ville par fa fitua-A S


.don au pied de la montagne; ou fe tfoüve1'entree de la mine, eft fujette au défagrémentdetre fouvent remplie par la We, qui endefcend lorfqu'on y fait fubir au minerai la premièreopération du grillage; au moment oü j evous. écris, la fumée eft fi forte, quetoute laville paroït enveloppée d'un brouïllard e'pais,&qui re'pand une odeur de fouffre infupportable.les habitans qui y fentaccoutumés, difent qu'elleles préferve de la piquüre des moucherons,donton rencontre, partoute la Suéde, unequantitéinnombrable, ils prétendent auffi que lesmaifons de bois, s'imprègnant de ces matiéresfulphureufes, en durent infiniment plus longtemps.Comme Monfr. Haldin m'attend pour memener k\ amine, je fuis obligé de finir, ainfiie me hdte de vous dire que je fuis &c.


C ii )LETTRESECONDE..HELSINGBURG cs...M . . -SeptembrevM*le Matin.Tandis qu'une tempête terrible m'empêchede palier en Danemarc, & que probablementje me trouverai arrêfé ici au moins pour vingtquatre heures, je vais employer ce temps avous écrire, j'efpcre que vous aurez reeu malettre de Fahlun, que je vous dépêchai unmoment avant de partir pour le centre de laterre, <strong>voyage</strong> que j'ai heureufement exécutea la lueur de quelques fagots de coupeauxde bois de Sapin : Klaas Klim, fameux <strong>voyage</strong>urfous-terre, n'a pu voir quelque chofe deplus merveilleux.Pendant les quatre heures que j'errai dansles entrailles du Kopparberg, & que tantöt lelong' de degrès, tantöt par le moyen d'échelles,je defcendois de galerie .én galerie, mone'tonnement n'a fait que redoubler a chaquepas; d'abord je defcendis par un degre enZig-zag, aflez commode dans une excavationde deux mille pas ,-peut-être de circonference,& de trois cents pieds de profondeur;Witte deFablun.


C 12 5parconféquent Vous jugez bien, quece fut a hclarté du Soleil. Parvenu au fond de cetteexcavatien, je vis dans un coin une hutte batieen bois, de üx a fept pieds de haut, k laporte de laquelle fe tenoient deux fi gures amoitié nues, noires comme de 1'encre: je lespris pour deux pages dePluton, elles tenoientchacune a la main un fagot de Sapin allumé.Dans cette hutte eft une des entrees de lamine fouterraine, la plus commode des quatrequi fe trouvent au fond de 1'excavation. Chaqueentrée ou puits, porte le nom d'un Princeou de quelque grand jSeigneur Suédois; aumoment que je parus a'la porte de eet antre,onme préfenta,de même qu'amon domeftique,nn habillement tout noir, fait comme celui desHeiducs, je 1'endofTai; c'eft une précautionqu'on fait prendre aux curieux, pour conferverfcurs habits, qui f egdteroient aux paiTagese'troits qu'on rencontre dans les galeries; celugubre attirail, joint a une priére que firentmes guides, pour demander la bénédidtion divine& fon affiftance pour nous faire reftortirheureufement du fond de la mine, intimiderenttellement mon domeftique, qui étoit un jeuneFnfon, qu'il ne vouloit ni mettre 1'habit deScaramouche, ni encore moins defcendre lescontes effrayans, qu'en defcendant le premierdegre, mes guides nous avoient faits, de ro-


C 13 5ctiers qui s'étoient de'tachés, d'eau qui foudainavoic rempli la mine, de vapeurs peftilentiellesqui avoient e'touffe'es des ouvriers,d'e'chelons qui s'étoient cafle's, les prie'res,qu'il avoit vu faire k tous les ouvriers, quis'apprètoiënt a defcendre fous terre, 1'avoientfi fort incimidé, qu'au moment de defcendrelui même, le cosur lui manqua, & ce ne fut'qu'a force de lui reprocher fa poltronnerie, que.je parvins a le perfuader d'endofler le lugubrecoftume, & pale comme la mort, il mefuivit.Pour abre'ger, je vous dirai que tantót a traversde corridors foutenus par des charpentes,tantót par delTous des voütes qui fe foutenoientelles mêmes, j'arrivai a des vaftes falies, dontla foible lumière des fagots ne pouvoient atteindre,ni a la hauteur, ni aux extrémite's.Dans quelques unes de ces falies, il y a des forges,oü 1'on raccommode & fabrique difierensoutils dont on fe fert dans la mine; il yfaifoit une chaleurfi exceffive, que ceux qui ytravailloient, e'toient nuds comme la main,. n'ayant pas même la feuille de figuier. D'autresfalies fervent de magazin, foit pour la poudredont on fait 1'ufage que je vous indiquerai,foit pour des cordes & autres uftenfiles ne'cesfairesau travail qu'on y fait; les Communicationsa ces diflerentes falies, font les .corridors


C 14 )dont j'ai déja parlé. Dans chaque galerie, ontrouve de ces falies, les galeries fe communiquentpar des degrés ou par des echelles;il y a même des trous qui vont en ligncperpendiculaire, fans interruption, depuis lafuperiicie extérieure jufqu'a la galerie la plusprofonde: eiles fervent a donner de 1'air, &a defcendre des fardeaux, dans des tonneaux,par le moyen de poulies qui font dans un mouvementcontinuel durant le temps du travailjce font des chevaux qui au haut de la montagnemettent ces poulies en mouvement; cestonneaux font attachés a des chaines de'fer,les cordes étast fujettes, a être bientót rongéespar les vapenrs vitrioliques & cuivreufes,qui s'élevent du fond des mines, les chainesde fer même n'y réfiftent point a la longue,& c'eft a caufe de cela, qu'on fe fert fouventde cordes faïtes de poil de vache ou defoyesdecochon. C'eft auffi par cette raifon &afin d'éviter des malheurs, qu'il eft abfolumentdéfendu aux ouvriers de monter ou defcendredans les tonneaux, ils font obligés d'entrer& de fortir de la mine le long des echelles. Ces .trous dont je viens de parler, joints aux feux 'des forges fouterraines fead'autres caufesphyfiques, excitent jufques dans les galeriesles plus profondes , des tirans d'air, qui en certamsendroits font fi exceffifs, qu'ils reiTembJent


(k)i desvents de tempête. Ces tirans d'air y font &$>folument ne'eefTaires pour nettoyer &rendrerefpirable1'air qui y circule,fi celan'étoiupoinr,1'air y feroit fi peftilentiel, qui perfonne n'y pourroitvivre pendant un quart d'heure. Les corridorsdont j'ai fait mentiori, font quelquefoishauts de cinq' a fix pieds & quelquefoiss'abaiffent fi fort, qu'on eft obligé de s'accroupirpour y paffer. C'eft dans ces endroitsfur tout, que les tirans d'air font les plus violens& même dangereux, par ce qu'il arrivéfouvent qu'en fortant d'un endroit, oü eft placéeune forge dont la chaleur exceffive vous amis tout en eau, un de ces tirans d'air quitoujours font d'un froid a glacer ) vous fontgeler la fueur fur le corps.Les voütes qui ne font pas foutenues par Iaeharpente, donnent en plufieurs endroits unfpedtacle fingnlier, par la quantitë de vitriolqui en dégoute & qui, en fe criftallifant, fofmedes prifmes de figures différentes. Imaginez-voüsdes pointes fakes de fucre candi,qui pendent par milliers du haut de ces voütes,longuesde huit, dix, doüze, vingt piedsdu plus beau verd • 1'effet de la re'verberatiohde la lumière dans ces facettes , & fur le miiieraidont les parois font rcmplis, eft plusfacilea concevoir qu'a décrire.Dans une galérie a plus dé fept cents pieds


fous terre, on diflbut Ie vitrio!, &onlefaitfortirde la mine par le moyen d'un ouvragehydraulique qui eft trés curieux. Des chevauxmettent en mouvement 1'eau d'unefource abondantequi fe trouve a cette profondeur, cetteeau diflbut le vitsïol & enfuite le précipite parle moyen d'une auge, oü il yadu vieuxfer ; dans une autre, cette ope'ration, & tout1'ouvrage qu'elle demande, eft trés fingulière jvingt quatre chevaux qui doivent fe releverde fix en fix heures ainfi que les hommes, pareeque ce travail va jour & nuit, logent danscette galerie , ils y ont leurs e'cüries; leürsmangeoires font taillés dans le roe ; quand unefois ces animaux y font entrés, ils n'en fortentjamais qu'une fois par an pour une efpècede revue; on les y fait entrer & fortir parle moyen de poulies & de fufpenfoirs, a traversles trous oü font les échelles, de la même faconqu'on hiffè chez-nous les chevaux dansles vaifleaux.La curiofité me fit defcendre jufqu'a la profondeurd'environ onze cents pieds fous terre,oü eft la derniére galerie, &oü fe fait la principaleexploitation de cuivre. Malgré le froidexceffif que j'y reiTentis, je vis encore deshommes travailler tout nuds: le rude travailauquel ils font aflujettis pour hacher le roe ,& en détacher les parties oü il fe trouve da


C-17 )minerai, fait que tandis 'que les curieux bienhabillés & bien couverts gelent de froid, eux'malgré leur nudité font couverts de fueur;1'obfcurité de ces fouterrains, les feux qu'onvoit de diftance en diftance & qui repandentau loin une fombre lueur; ces gens nuds, noirscomme le minerai qu'ils manient, au milieu desetincelles qui fontpartis de leurs coups de marteau,le bruit épouvantable de leur travail &des rouës hydrauliques , joint aux horriblesfigures que de temps en temps je rencontroisla torche en main, me firent douter ft je n'étoisreëllement pas defcendu au tartare; mais toutcela n'eft rien en comparaifon de ce qui m'arrivalorfque je fus parvenu a 1'endroit le plusprofond, la fe trouve une efpèce de falie dontles voutes font foutenuës par des piliers taillésdans le roe & entourés de bancs de la mêmetrempe; mes deux conducteurs me demanderentfi je ne voulois pas m'affeoir un inftantpour me délafTer, & entendre en même tempspour m'amufer une petite mufique dónt 1'effetme furprendroit, — qwlle efpè:e de mufiquedémandai-je? e'efi l'ètrange bruitmeréponiirent.ils que font les rocbers dans ces Jouterrainslorfqu'on les fait fauter pour faciliter le trawilde la hacbe. — Comme j'aime affez"ce qui eft extraordinaire , & que je comprisque mes guides ne s'expoferoient a aucun dan«


C I* )ger, j'y confentis a condition qu'ils refteroientauprès de moi ; ils m'en donnerentleur parole, d'autant plus que cette falie eft1'unique endroit oü 1'on ne rifque rien, 1'un d'euxme quitta pour donnerfes ordres Screvintdansle moment fe rafleoir a cöté de nous, un quartd'heure après grelottant de froid & ennuyéd'attendre, je dis que fi cela duroit trop long-:temps, je renongois a Iamufique, jen'euspasachevé ma phrafe qu'un coup part, tel queje n'en entendis jamais de cette force; ce coupétoit accompagne' d'une lumière qui éclaira lesfouterains pour un inftant auffi loin que mavuë püt s'étendre, & foudain nous laifiadansla plus parfaite obfcurité, car la preffion de1'air par ce coup terrible avoit éteint nos torches;cette obfcurité ne fut interrompuë quepar de nouveaux coups qui partoient de droite& de gauche , accompagnés chaque fois d'éclatsde lumière qui ne duroient qu'un inftant,les echos repetoient ces coups par des roule--mens épouvantables, les voutes fous les quellesnous étions craquoient, la terre & lesbancs fur les-quels nous étions affis trembloient& fe remuoient, ajoutés a cela 1'idéede me trouver a onze cent trente fix pieds fousterre, la vuë de mes guides, demon domeftique& de moi même habillés de noir, que lestfclats de lumière occafionnés par la poudre


C 19 >me faifbient voir de temps en temps, enfin lachute des e'clats de rc-cher que cette poudrefaifoit fauter & 1'odeur de la fumée, tout celaenfemble m'excufera, fi je vous avoue toutuniment que le peu de toupet que j'ai s'en dreffa.Cette mufique harraonieufe dura environune demie heure, & nous laifïa tout a coupdans un filence parfait, qui joint a la profondeobfcurité & a 1'étouffement que je refientispar la fumée de la poudre avoit quelquechofe d'effrayant; cette operation fe repêtetous les jours régulierement a midi, pendantle répas des ouvriers, aux-quels la falie oüje me trouvai & plufieurs niches creuféesdans le roe fervent d'azile pour fe mettrehors d'atteinte des éclats.On eft d'autantplusobligéd'employer la poudrea cette exploitation, que le roe y eft trésdur, & que malgré cette précaution on n'yavance que peu de toifes par année, un demes guides alla a tatons rallumer fon fagotpour nous éclairer dans la continuation denotre promenade, nous nous en rétournamespar un autre chemin que celui par lequel nousétions venus, & qui étoit plus court environde moitié; on me fit entrer dans une petitefalie taillée dans le roe d'oü pendoient duhaut de la voute quatre luftres avec des bou-B 3


C 20 )gies allumées, une table quarrée au milieu& des bancs garnis de couffins l'entouroient,une cloifon de bois revêtoit ie roe a cinqpieds de hauteur; cette falie fert au confeildes mines, lorfqu'il s'aflèmble, ce qui arrivéune couple de fois par an, a cöte' eft unecuifine & une cave taillée dans le roe, pourla commodite' de ceux qui compofent le confeil& pour celle des e'trangers qui veulent ydiner; j'y trouvai une petite collation queMr. Haldin y avoit fait porter ; je vous avouëqu'elle vint fort a propos.Vous ne pouvez vous imaginer quel effetfit fur moi la première vuë des rayons du foleil,& la première afpiration de 1'air extérieurd'autant plus qu'il faifoit une chaleurexceffive & le plus beau temps du monde,je fus fur le point de me trouver raai en fortantde ces antres profonds, oü la chaleur, lesvents, le froid, rhumidité, la fecherefie fefuccedent tour a tour a des points extraordinaires;après m'être repofé un inftant a 1'entréede la hutte dont je vous ai parlé au commencementde cette lettre , je regagnai lehaut de la montagne d'oü je fus a la maifonde l'infpe&eur , j'y retrouvai Mr. & M ai .Haldin avec quelques mefiieurs & quelquesdames qui m'avoient accompagnées jufques


ïa; on m'y préfenta un livre dans lequel onme pria de placer mon nom, mon caracte're& quelque chofe en vers ou en profe en fouyenance-,j'y e'crivis fur le champ ceci:Si 1'afpeóT: merveillcux de ce noir fouterrainRappelle de Pluton le tenèbreux Empire,De Venus a fon tour le pouvoir fouverainD'amour fait exciter 1'agréable délire.Par 1'agrément fi peu communEc la beauté des Dame* de Fablun.Ceci pafia pour un impromptu; je vousavouë cependant que je le fis a loifir; j'avoisouï parler a, Stokholm de cette coütume & jem'arrangeai en confequence d'autant plus volontiersque les dames avec qui je paflTai lajourne'e chez Mr. Haldin , étoient extréme?ment jolies, vives & me parurent trés aimables;je me trouvai fi prodigieufement fatiguéde ma promenade fouteraine, que ie fus directemGnta mon auberge me coucher, aprèsavoir cependant encore vifite' tous les ouvragesexterieurs & furtout le mechanifme despompes, qui fait fortir jour & nuit les eauxde la mine qui fans cette précaution feroitbientöt inonde'e.TJne eau courante formée par un lac qui fetrouve fur la montagne, & qui eft conduitepar un aqueduc met en mouvement une chaincB 3


( « )de cinq mille pieds de long; cette chaine eft' compofe'e de barres de bois de fapin oü 1'onfait entrer le moins de fer que poffible ü caufedes vapeurs vitrioliques & cuivreufes, elle eftdoublé & puife 1'eau du refervoir dans laqüelle la machine hydraulique (dont j'ai faitmention) Ia fait monter du fond de la mine;cette eau s'écoule enfuite par un fecond aquetduc au bas de la montagne dans une rivierequi paffe par la ville. Le mechanifme pour1'e'coulement des eaux eft a peu prés de mêmequ'a Dannemora oü eft la mine de fer, exceptéque la rouë qui fait mouvoir le tout a quatrepieds de diametre deplus qu'a Dannemora.oüelle n'a que quarante quatre pieds de Diamètre;tandis que celle ci en a quarante huit, & qu'icion a pratiqué une clochette qui fe fait entendrecontinuellemeut lorfque la machine eften mouvement & qui ceffe dabord qu'il yaquelque chofe de detraque', c'eft le fxgnal quiavertit ceux qui font prépofe's a veiller a 1'entretiende cette machine hydraulique; ils fonta deux & jour & nuit d'un bout de 1'annéek 1'autre, un des deux doit fe trouver dans uneefpècede gue'rite fabriqueé vers le milieu de lachaine & a portee d'entendre la clochette;c'eft lui auffi qui doit graiffer a tout momentles rouës , les poulies, les effieux &c. avec1'aide de douze hommes, qüi fe relevenr.


( n )Quoiqu'on ne tire de cette mine que du cuivreelle renferme cependant tant de fer que le géometrede la mine ne fauroit faire aucun ufagede la bouflble pour dreffer les cartes de fesouvrages.Après m'être répofé pendant une coupled'heures"& avoir diné encore chez M. Haldin,je fus voir les difie'rentes ope'rations par lesquellesle cuivre doit paffer avant que de minéraiil de'vienne cuivre brut; elles fe réduifentaux fuivantes.i°. On le grille pour en faire fortir le fouffre& fe'parer la pierre brute, c'eft-a-dire qu'onplace alternativement 1'une fur 1'autre,unecouche de mine'raï & une couche de bois deSapin, jufqu'a une hauteur déterminée, puison met le feu au bois.fur la montagne même,Cette ope'ration fe fait& lorfque le ventdonne fur la ville, elle y caufe une fumée, &une odeur infuportable a ceux qui n'y font pasaccoutumés.2°. On le pile au moyen de grands marteauxqu'une rouë mife en mouvement par1'eau fait mouvoir.3°. On le fond dans des fourneaux a reverbere.4°. On le grille pour la feconde fois pouren faire fortir toute matière héterogene &furtout le fouffre qui peut s'y trouver encore.B 4


C H >5 e . On Ie refond pour la a e. fois, puison le fait couler après qu'on a laiiTé écou-(Ier les fchories par un trou pratiqué au hautdu fourneau, tandis que le metal qui refteau fond fort par un trou menage' dans lapartie baiTe du fourneau dans des formes defable, auxquelles on donne la figure de nosplus grandes briques, on s'en f erta batirdes maifons, des murailles & c. ;c'eft uneffaiqu'on a fait depuis quelques années, mais onn'eft pas bien afïuré que les maifons baties decette maniere peuvent refifter pendant longtempsa 1'intemperie de 1'air; on fait la mêmechofe a Danncmora avec la fchorie du fer.Lorsque le minerai eft reduit en gatea'ux decuivre brut par les opérations que je viens dedecrire; on 1'envoye a Jvefta bourgaq Uatrenulles de Fablun, oüon 1'affine; la a force de1'affiner on en tire quelquefois de 1'argent, &même, mais trés rarement, de Tor. J'ai vuune medaille d'argent frappée en me'moire dece que le feu Roi, la Reine, & i eR 0ia c-tuel, alors Prince royal vinrent voir cette mineen 1758 ;On m'y montra un ducat fabriqué de eet orqui coutoit quatre fois f avaleur; on en tiréauffi par la volatilifationTouge en poudre.une belle couleurJe fuis oblige'definir, mon hote m'avcrtit


os)que le diner m'attend; la tempête dure encoreavec la même violence, & depuis quatre heures, que je fuis occupé a fouiller dans monjournal & a vous écrire, elle n'eft pas du toucdiminue'e, de mes fenêtres je vois le Sund furieufementagite', les vaiiïeaux dont j'en appergoisun grand nombre a la rade vont haut& bas, fe panehent, a droit & a gauche , cequi joint a la vuë d'Elfeneur, du chateau deCronenburg & des cötes du Dannemarc formeun tableau magnifique ; mais d'une autre cótéle vent qui hurle & fait cliqueter les vitres dema miférable auberge me donne 1'agréableperfpedive d'y refter encore longtemps avantd'ofer rifquer le paflage, d'autant plus qu'ileft trés dangereux, lorsque la mer eft agitée,le courant qui s'y précipite y amoncele desvagues dont la vuë feule fait trembler; adieuje fuis &c.B 5


C 35}LETTRE TROISIEME.LM . . ;HELSINBÜRG ce... Septembre 1785.aprèsdiné.a pluye qui eft venuë fe joindre au ventm'empêchant de me promener dans la Ville &dans fes environs, je vai continuer a vousdonner encore quelques détails au fujet de lamine de cuivre de Fablun; On m'a communiquéun mémoire fur ce fujet dont je voustranscrirai les principaux articles:„ Cette mine eft la plus ancienne de toutes„ celles de cuivre qui fe trouvent en Suede;„ fes privileges dattent du 13. f lecle, & lui't, ont été accordés par les Rois WaUemar &„ Magnus Ladulos; depuis 1581. l egouver-„ nement s'eft particulierement appliqué k» 1'encouragement de 1'exploitation des mines„ & a gratifié en particulier celles de Fablun„ de toutes fortes de franchifes, même du„ droit d'Azyle, pour des délits qui ne font„ par de la première efpèce.„ Elle s'exploite par une focieté ( Gewetk-„fcbaft) formée de 1200 Aftions, cette fo-„ cieté ou compagnie vend le minerai aufi-


( n )„ tót qu'it eft forti des entrailles de la terre„ aux entrepreneurs des forges, & elle eft„ oblige'e de payer a la couronne un einquie-„ me de fon profit; les terres fituées aux environs,de la mine font oblige'es d'y four-„ nir une certaine quantite' de charbons, fui-Mvant la grandeur ou le produit de chaque„ terrain pour un prix fixé pas le Roi.wLe minerai qu'on tire des différentes mi-„ nes du Kopparberg, n'eft pas également ri-„ che, il y en a qui donne 20 a 30 pour centn de cuivre, tandis que celui d'une autre„ efpèce ne donne qu'un a deux pour cent.„ Autrefois ces mines étoient beaucoup plus„ riches qu'elles ne le font actuellement, puis-„ qu'au milieu du fiecle dernier elles fournif-„ foient jufqu'a 20331 Schifp. de cuivre, au„ lieu qu'elles n'out fournies pendant le cou-„ rant de ce fiecle, une année comportant„ l'autre, que 4 a 6 mille Schifp., cela vient„ en partie de ce qu'autrefois on dirigeoit„ mal les excavations, & que par la plufieursvoutes font tombées & ont remplies & cou-„ vertes de décombres les veincs les plus ri-„ ches qu'on n'a pas pu deblayer encore.„ Pendant quelques années 1'exportation du„ cuivre fut entierement de'fendue, enfin on„ la permit avec des reftrictions & pour une„ certaine quantite i on encouragea par des


( 2* }j, fortes primes toutes les manufadlures inté-;„ rieures de cuivre & principalement les fa-„ briques de laiton, afin de diminuer auffi„ d'une maniere plus utile 1'exportation duM cuivre non manufacturé.„ Cette mine occupe fouvertt dans fon in-„ térieur jufqu'a 12 cent ouvriers ".Outre les mines de cuivre, de fer & d'ar-"gent repandues dans ce royaume il fe trouveauffi une mine d'or a Adelfors enSmolande, on1'exploite uniquement pour faire gagner de1'argent a quelques ouvriers dans 1'efpoir qu'unjour elle rapportera plus qu'elle ne fait aftuellement,puis qu'a peine on peut en retirerles fraix.Celle d'Argent a Sahla eft d'un plus grandrapport, cependant elle n'égale pas celle defer a Dannemora, qui eft l ePerou de la Suéde,& qui eft d'un rapport beaucoup plus confiderableencore que la mine de cuivre; leprincipal négoce des Suédois eft fondé fur fesproduits. Si dans ce royaume la terre n'étoftpas plus fertile dans fon intérieur qu'elle 1'efta 1'extérieur, i e shabitans n'en pourroientfubfifter.J'ai vu prefque toutes les Provinces; ee n'eftpar tout que roe de deux efpeces de^ranit,rougedtre & gris, j'en excepte lamjlmanmë,la partie feptentriocale de la Sudermaniï,la


( *9 )meridionale de VUplande, l'OJlrogothie & $Scank; cette dcrniere province femporte pourla fertilité aulli bien que pour la culture & lapopulation.Malgre' le nonibre de fes habitanselle ne confume par la moitié des bleds quüelleproduit, ce qui lui donne la facilite' d'en fairecommerce avec leurs voifins.Les provinces de Weftrogothïê, de Nericib',de Gafiricxe & de Dakcarlië, la partie feptentrionalede VUplande, la méridionale de laSudermannië ne font que des rochers afFreux &des déferts immenfes ou des bois de Sapinsde 30 a 40 lieuës de long infpirent la plusnoire melancholie , une infinité d'endroitsdans les montagnes portent des marqués nonéquivoques de quelque terrible révolution, quedans les temps antérieurs & des fiecles reculésla Suede a fubi, des rochers énormes entaiTésles uns fur les autres a une hauteurétonnante, & dans des efpaces confidérablesreveillent 1'idée de la guerre des Titans, maisfont en même temps une preuve incontefbbled'un bouleverfement génëral, dont plufieursnaturaliftes s'accordent k trouver des indicesfur toute la furface de notre globe. Je croisque dans aucun pays au monde, il n'cn peutexifter autant- ni d'auffi hideux qu'en Suéde.II m'eft arrivé de <strong>voyage</strong>r quelquefois pendantvingt- quatre heures de fuite a travers


C 30 )des bois & des rochers, ou je n'ai a la lettrevu d'autre habitation que celle des Chiwgoors,Cce font des payfans maitres de pofte). LesCbivcrgoors font établis a deux lieues, quelquefoisa trois, fouvent méme a quatre dediftance les uns des autres, & n'ont outreleur cabane de bois qu'une couple de cabanespour leur bétaii ou pour leur bied, & un quarréde terre fort petit pour y femer du houblon;ils ne connoiiTent que peu ou point delegumes, & ne mangent que du pain détrempedans du lait ou dans de peau, & avec celails font gaïs & contents, ainfi que leurs femmes& leurs enfans. Ces gens font d'unebonhommie & d'une honnêtete' dont on voitpeu d'exemple; malgré leur exceffive pauvrete' 'ils ne comprennent pas qu'il puiffe exifter unétat plus heureux que le leur. Ils font robuftes& fains, furtout en üakcarlie,auncertain age, ordinairement après 40 ans ilslaiflent croïtre leur barbe, ce qui joint a 1'idéede leur fimplicite' & frugalité leur donne un airrefpeétable.La tempête qui commence a baiffer mefait efpérer que demain matin, je pourrai pafferè Eljeneur, pour aller diner a Droningaard,terre a deux milles de Coppenbague,appartenante a mes amis de C D'abordque je ferai un peu délafle de mes fatigues,


i Si >je me hajterai de vous envoyer les extraits demes journeaux, & vpus ferai part de tout cedont j'ai pu m'inftruire dans un <strong>voyage</strong>, quej'ai entrepris avec un vif inte'rêt, & pendantlequel j'ai joui d'une infinite' d'agre'mens.Je vai profiter du temps qui paroit vouloirfe calmer pour voir le local & les environsde Helfingburg, oü comme partout ailleursje fuis &c.


C S2 )LETTRE QUATRIEME.DRCNINSAAIID ce . .. Septembre 1785.M . . .J^uiïï a&if & turbulent qu'a éte' mon genrede vie depuis quelques mois, auffi parfaite eftma tranquilité adtuelle; je jouïs au fein de 1'amitie'de tout ce que la campagne peut offrirdeplus agréable- Une nature belle & variée,un logement commode , une focie'te' gaye &fans gêne & un temps délicieux fait ici la bafede mon bien ëtre, un bois magnifique oü bondiffentdes Cerfs & des biches, rempli de promenadesintëreiTantes, un grand lac, unvafte jardin a 1'Angloife, un hermitage, desbofquets garnis de belles fleurs, des ruifleauxqui fuyent, des cafcades qui murmurent, lesvuës des cötes oppofées du lac, qui s'éle'venten collines bien cultive'es oü paiiTent des nombreuxtroupeaux, couvertes de villages, dechateaux, de maifons de campagne offrent unevariété continuelle de plaifirs champêtres quim'ont bientót remis des fatiques de mon <strong>voyage</strong>.Votre correfpondance y ajoute un doubléplaifir,


(33 )plaifir, les nou velles que vous me donne's de'tout ce que j'ai laiffé de cher & d'intéreflant'dans ma patrie me font pafier des momensbien agre'ables.Puifque vous fouhaitez que je continuë avous faire part de ce que j'ai vu en Sue'de,je ferai de mon mieux pour vous fatisfaire.Afin de mittre quelqu'ordre dans mes réla-"tions, je commencerai par mon entre'e a Helfmgburgpremière ville de Suéde oü 1'on abor-'de en arrivant du Danemarc par Elfeneur;'mon journal fera mon guide, je vous raconteraitout uniment ce que j'ai vü, & vous feraipart de ce que j'ai appris des Sue'dois mênies,au fujet da ce qui eft re'latif aux différensobjets fur lefquels j'ai voulu m'inftruire.J'ai eu 1'avantage d'avoir e'te' muni d'excellentesaddreffcs, & d'avoir trouve' des gens qui'm'ont paru en état de me donner des ideesjuftes, & qui m'ont fournis quelques memoirestrés détaille's. Je n'ai fans doute pas fejournéaflez lóngtemps dans ce royaume, pour memettre au fait de bien des chofes dont j'autrois pu mieux m'inftruire, fi j'y e'tois refte'plus lóngtemps.Je partis d'Elfeneur vendredi 6 May aprèsavoir 'dinë chcz Mesfrs; Fenvoyk & Godin,riches negotians pour lesquels on m'avok donne'une lettre de recommandation & qui meC


C 34 )procurerent les commodite's néceflaires pourpalier le detroit qui fepare la Stude du Dannemarc;(*) ce detroit a environ un mille delargeur- entre Elfeneur & Helfingburg ; jefis le trajet en une demie heure, par le p'.usbeau temps du monde.Rien de plus commode & de plus promptque rembarquement a Elfeneur,& rien deplus incommode & de plus lent que le debarquementa Helfingburg,oü il n'y a point dequai & oü une voiture, toute demonte'e qu'elleeft, rifque toujours de fe brifer ou de tombera la mer, pour peu qu'elle foit agite'e ouqu'il faffe du vent.On ne peut dépeindre le charmantcoupd'oeil dont on jouit a mefure qu'on s'e'loignedes cótes du Danemarc; Elfeneur, le chateaude Cronenburg, les hauteurs couronnées debois qui fe trouvent derrière ce chateau, fontun eflet trés agréable, ajoute's-y la rade toujourscouverte de vaiffeaus de touteefpèce& la cöte Danoife qui s'e'tend au loin charge'ede maifons de campagne , de villages & debois.L'arrive'e a Helfingburg eft afiez intereflante,& quoique la cöte oü 1'on arrivén'eft pas fi belle que celle que 1'on quitte,cependant elle fait plaifir par le pittorefque{*) Lq fund ou Oere-fund,


v( 35 5de fes fituations. Une vieille tour refpe&ablepar fon antiquité, domine du haut d'une montagnela ville de Helfingburg, fitue'e entre elle& le Sund.Cette ville contient tout au plus douze cent Helfingjurghabitans, dont une grandepartie vit du produit •stilsde la pêche & des travaux de la campagne; d'étape.le grand paffage des deux royaumes & le voifinagede Ramlös, fameux pour fes eaux minerales,oü la plus grande partie de la nobleffede' Scanie fe raüemble dans la faifon', quicommence a la mi-Juillet, rend cette villeaffez floriffante, ainfi que quelques manufactures;un efcadron d'hufards y tient^garnifon.A fept heures du foir ma voiture e'tantremonte'e & pre'te, je me mis en route pourGotbenburg, (*) oü j'arrivai le dimanche aufoir vers les huk heures, précifement deuxfois vingt-quatre heures après être parti deHelfingburg, allant nuit& jour, & ne m'arrëttantque dans quelques petites villes qui apeine en meritent le nom pour voir leur local& leur fituation, telles que Engelholm en Scanie,Labolm, Halmjladt, Falkenberg, Warberg,Kongsbacka, toutes dans la Hallande,province fitue'e le long de la mer du nord, oi) On compte communement de Helfingburg a Gothenburg, 2i mille Suédoife, ou 50 lieues de Francs.C 2


ProvincedeHalland.•


C 37 )que dans le fond elles ne font que des miferablesbourgs.Halmftad contient environ deux mille habitans,elle poifede une manufaclure de drap &le faumon qu'on y pêche eft trés renomme';c'eft la feule de ces villes, qui foit entouréede murailles, & qui ait des portes; auffi eftelle honore'e du beau nom de capitalc; unecompagnie d'hufards du même regimentquecelui de Helfingburg y tient gamifon; auprèsde Warberg,oü fe trouve auffi une comp.d'hufards, eft une fortereffe qui de'fend 1'entre'ed'une efpéce de port, oü de petits;vaifleauxtrouvent un abri affuré; les habitans de eetendroit vont a la pêche du harang & autrespoiflbns de la mer du nord.On m'alTura quece port avoit eu autrefois affez de profondeurpour recevoir les plus gros navires; mais quepetit a petit cette profondeur étoit diminue'eau point qu'il ne peut contenir adtuellementque quelques pinques. Ce fait joint a plufieursautres pareils fur toutes les cótes de laSuéde,pourroit contribuer'a e'tayer le fentiment deplufieurs favans & obfervatcurs qui prétendentavoir des preuves de 1'abaiffement de la Baltique& de 1'Otean a 1'entour de cc royaume.Je compte vo*s en parler plus en détail dansla fuite.A Labolm,, oü je vis les trjftes reftes d'uneC 3Halmfladvilletécape.Warberg,;villed'étape-Laliolm.


Kongsfeacka.( S8 )incendie qui avoic brulé la moitié de la villepeu de femaines avant mon arrivée, je fis larencontre d'un Colonel Suédois nomme' Wrongel, qui ainfi que moi fut obligé d'attendredes chevaux.II me conta qu'i! avoit fervi enFrance, dans la guerre de i7 4 4, qusia v o i taidè a prendre Bergen op Zoom, &q u'iia v oitparticulierement dans la ville, fait une trésample connoiiTance avec la bravoure Hollandoife;a la paix il alla faire un <strong>voyage</strong> en Hollande,qu'il " prit tellement en" affeclion ,qu'il n'ëtoit jamais plus content, que lorfqu'iljouiiïbit du bonheur de rencontrer un Hollandois.^Pour me témoigner 1'amitié qu'il portoita ma patrie, il me fit partager quelquesunes de fes provifions, & nous bümes enfemblea la ;profperité d'un pays , oü il vouloitquoiqu'agé de plus de 60 ans, abfolument retournerquelque jour.II me donna des inftru&ionspour mon <strong>voyage</strong> dont je me fuisparfaitement bien trouve'.A Kongs-backa (montagne du Roi)q uin'eft qu'un petit hameau ou 1'on cliange dechevaux a 2 milles de Gothenburg, je rencontraile General Duriel, gouverneur de cetteville, & de toute la Province de PTeJibrogotbie,dont elle eft la capitale: il alloit faire la revuede quelques régiments en garnifon en Scanïè,enqualité d'infpe&eur.Je me préfentai a Son


( 59 )Èscellenee qui me recut trés poliment, me ditqu'il étoitfaché que jevenois dans fon gouvernementdans un moment, oü il ne pouvoit pasen faire les honneurs, & me donna une récommandationpour le comte de Saltze, commandantde Gothcnburg.Pendant toute cette route , les próviftonsdont mes amis de C . . . avoient eu 1'attentionde fournir mon biffac a mon départ deDroningaard , me vinrent fort a proposm'empêcherent de m'appercevoir, que je <strong>voyage</strong>oisdans un pays, oü pour toute nourriture,on ne peut trouver dans les endroits oü 1'oneft oblige' de s'arrêter pour changer de chevaux,que du pain de 1'efpèce que je vous aidecrit dans ma lettre de Fahlun, & du laitqui y eft afTez bon.&Je trouvai dans cetteroute ainfi que par tout le refte de la Suédedes auberges déteftables.Comme toutes lesmaifons font baties de bois, qu'on ne les lavejamais, & qu'en été les chaleurs y font trésfortes, elles fourmillent de vermine de touteefpèce; fi 1'on veut dormir, on eft obligé defe coucher fur un grabat fans rideaux, (cardans les auberges de ce royaume on ne connoitpointce luxe) & la on efta ia merci d'unequantité effroyable de coufins dont la piquureeft des plus vives, fans compter le nombreprodigieux d'autres infeétes qui peuplent cesC 4Auberges.


Pofles.C 4° J: ' P° u r m'en préferver plus ou? r a b a t Sins je pris un matelat avec moi, mais cetot une précaution prefqu'inutile.Chemin»• . Si les Hts & la che're dans les auberges fontdéteftables,en revange les chemins font engeneral exceüens par toute l aSuéde.Ceuxtant vantés de 1'Angleterre ne font pas meilleurs;il n'ya q u e queiq ues endroits dans lesmontagnes oü ils font un peu rabotteux, maisces endroits font rares.Le fond de ces cheminseft par tout de rocvïf, excepté en Scameoü 1'on trouve beaucoup de fable. Par deffusle roe on met des couches de gravierbien battu & fi compadte, qu'on n'y appercoitpas la moindre tracé d'orniere, ajoute's a celaqu'üs font fi largcs , que quatre voitures Feuventaifement y pasfer de front dans les endroitsles plus étroits; je parle au refte desgrandes routes qu'on nomme royales, car celles de traverfe ne font pas toujours fi bonnesC ), avec 1'avantage des bons chemins ona l.agrement d'y <strong>voyage</strong>r vite &abon marche';quoiqueles chevaux y foient excefiivenientpetits ils font forts & vont comme le ventSi 1'ordre qui eft etabli en Suéde p o u rque les <strong>voyage</strong>urs foient bien fervis aux pof!tes eft agréabie aux étrangers qui vifitentc efi


C4i )royaume & aux difierens particuliers qui fontobligés de fe tranfporter d'un endroit a unautre: ce même ordre eft trés onereux auxpayfans, & trés prejudiciable k l'agriculture;vous en jugerés par le detail que je vaisvous en faire. Dans toutes les grandes routes& même dans celles de traverfe, on ae'tabli des maifons de pofte {Cbiverhous') quifont en même temps des efpèces d'auberges(Gaft-vry-hous*) un certain nombre de pa'ifansfont attachés a chaque maifon de pofte& doivent a tour de röle y envoyer un valet& quelquefois deux , avec un , deux ,trois, quatre, ou pluS de chevaux, chacunfuivant 1'étenduë de fon défrichement ou de facultivation qui doivent y refter pendant 24h., alors ils font relevés par d'autres; s'il furvientquelque <strong>voyage</strong>ur , ils font payés dekur peine & de leur temps, fi non ils perdent1'un & 1'autre. Vous. comprenés aifementque ces coivées font trés onéreufes,& qu'elles ne peuvent s'exécqter qu'au détrimentdes terres & de leur culture, aufiïn'eft elle" pas exécutée a la rigueur, principalementdans le temps de la moilïbn. Sion ne prend pas foin, d'envoyer un hommea cheral quelques heures d'avance on rifquefouvent d'attendre lóngtemps avant d'avoirdes relais; lorfque j'ai eu la précaution deC 5


C 42 Jfaire partir un Voorboode, (c'eft ainfi qu'onle nomme,) trois ou quatre heures avant. que je me miffe en chemin, je n'ai jamaisattendu un inftant: chaque maïtre de pofteOb'veO qui d'ordinaire eft un payfan luimême,& qui doit fournir auffi des chevaux afon tour, a fous luiu nefpèce d'Infpedteuri {Hall-Karl') , celui - ci doit d'abord aprèsJ'arrivée du <strong>voyage</strong>ur, s'informer du nombrede chevaux qu'il doit avoir, les luichercher &les faire atteller; un moment avant le departil eft obligé de lui préfenter un Journallok) partagé en plufieurs colonnes, oü le <strong>voyage</strong>urdoit marquer fui même fon nom, foncaraclère, le jour & 1'heure de fon arrivée,celui de fon de'part, d'oü il vient, oü il va, laquantite' de chevaux qu'il a pris; s'il a quelquesplaintes coiure la fagon dont ilae'te' traité, iltrouve une colonne dans ce Dag-bok , oü il peutmarquer de quoi il eft mécontent, en revange ilTefte une colonne ouvene pour la défenfe dumiA\ïc de pofte, qui a la fin du mois eft refponfablede fa conduite au gouverneur de la province.Des écrivains patriotiques fe font fouventélévés contre cette efpèce de corvées, ils ontrepréfentés qu'en levant fur les payfans unepetite rétribution a laquelle le pays ou la couronneajouteroit quelque chofe pour entrete-


( 43 )nir des chevaux de pofte cela contribueroitbcaucoup au bien de 1'agriculture, qui ne fauroitêtre trop encourage'c en Snéde; maisjufqu'ici le gouvernement n'a pas jugé a proposd'y avoir égard, quoique d'une autre cótéil encourage en bien des manieres 1'améliorationde 1'agriculture.Pardon de cette disgreffion, j'efpère qu'ellene vous aura pas ennuyée, je vous donne cesrefiéxions telles que je les ai entendu faire enSuéde,& comme le bon fens me les a dictéeSfur ce que j'ai vu.Dans le cours de mestoujours de même;rélations j'agiraic'eft a-dire que je vousferai les détails généraux & spplicables a toutela Suilde, a mefure que les objets fe préfenteront.J'oubliois de vous dire qu'on n'y connoitpoint les voitures publiques & que dans aucun endroiton trouve foit chariot ou chaife de pofte;celui qui veut <strong>voyage</strong>r doit avoir fa voiture oufe contenter d'une petite charette de payfan adeux ou a quatre rouës oü il eft cahotté de labonne faeon.Le nombre des <strong>voyage</strong>urs m'at'on dit n'eft pas affez grand dans ce royaumepour fubvcnir aux fraix de pareils établisfemens.A deux lieuës en déca de Gotbsnburg, onentre dans la Wefltogotbië; toute cette pro-Provincede IFeJlrogütiïè'.


C 44 >vince qui s'étend vers le Nord-eft Ie long dugrand Lac Wennern, n'eft presque compoféeque de rochers & de bois, & reffemble beaucoupau Halland, dontr je vous ai fait ladefcription.Gothenburg,vi^ J'arrivai k Gotbenburg, comme je vous ai23 d'étap, dit deux fois vingt-quatre heures après être' parti de Helfingburg a huit heures du foir.On m'arréte a la barrière, on me démande enSue'dois : n'avez vous rien contre les ordresde Sa Majefté ? S'appercevant que je n'entendofepar la langue on me fit la même queftionenallemand, je répondis que non.Qui eftMonfieur? — Un officier hollandois qui <strong>voyage</strong>pour fon plaifir. — Monfieur n'a rien? —Non rien que fon bonnet de nuit & quelquepeu de Iinge; puis pour ailurer le fait je donneun billet de fix daalders kooper munt (*)paffez Monfieur, je paffe un pont, j'arrive aune porte, un officier s'avance.Qui eft Mr.?d'oü vient Mr.? oü va Mr.? — Officier hollandois,de Coppenhague, a Stokholm, -Oü eft le paflèport Mr. — Le voila Mr. —bon Mr., on vous le renverra figné du Capi-Itaine de la grand-garde a votre auberge, ferviteurmon Officierfouëtte cocher a mon logement,bon foir Mr.; puisoü je n'eus00 Un daalder kooper munt, fait environ 3 fois d'hollande.


ien de plus preffé que de fouper & de mecoucher. Comme j'e'cois fur le point de m'abandonnerau fommeil, j'entendis tout a coupdes clarinettes, des hautbois , des cors dechalfe, une trompette; je mets la tête a Iafenêtre, j'envoye mon domeftique voir ce quec'eft: j'apprends que ce font les muficiens duregiment du comte de Saltzé, qui viennentfouhaiter la bienvenuë a l'officier hollandois,ce qui s'apelle en bon francois, mendier enmufique. Après avoir e'couté quelques marchesmilitaires, je les congédiai en leur donnantpour boire è la fanté du Prince d'Orange,j'appris a cette occafion que lorfqu'un étrangerarrivé a Gothenburg il eft d'ufage de lui donnerune ferenade; depuis, je fuis paffe'par plufieursvilles de garnifon & eet honneur ne m'aplus été rendu, je m'en fuis confolé facilementpour 1'amour de mes daalders & de mesPlottes (*). La mufique partie, je me pre'-parois a étendre fur un grabat fans rideaux desmembres disloque's par un cahotage de quarantehuit heures que j'effuyai dans mon charruffe; lorsque j'entends frapper a ma porte.On ouvre; — paroit un héros a deux fois parjour couvert de plumes, de rofettes & de rubans,ayant 1'air d'un de ceux du temps de(_*) Une Plotte vaut enyiron un florin d'hollandï,


Hetiri quatre — mm Officier, me dit il enbon francois, voici votre pajjeport figné. .Eh mon ami par quelle avanture parle tu francois,—Jefuis Frangois grace a Dieu mon Capitaine,je veux voir le monde , je fers tour atourdifférentes Puiflances; quand je m'ennuye, jedéferte & j'ai toujours du pain, ma taiile eneft garant, je fai en outre donner le coup depeigne, & fi mon fervice vous eft agréable, jeprens la liberté de vous 1'offrir; je pris le pasfeport,le remerciai de fes offres & le congédiaï.En gagnant la porte a pas lents je m'appergusd'un certain arrangement de doigts. C'eft lacoutume me dit il mon Capitainë pour. .Je t'entends mon ami! . . . voila Ahmon Capitainë! il faut abfolument que je memette auffi une fois au fervice de la hollande,ces braves hollandois — ces genereux — bonfoir mon Capitainë; puis d'une faut mon drolefranchit les dëgre's quatre a quatre, je mecouchai fur mon grabat, oü malgré la mufiquedescoufins je ne fus pas longtems a m'endormir.En attendant mon reveil, je finis en vousafiurant qu'eadormi auffi bien qu'éveille' jefuis &c.


C 47 >LETTRE CINQUIEME,DRONINGAARD ce . . . Septembre 1785.M . . ."\^ous comprenés que je n'eus rien de plusprefie' le lendemain, que de voir une ville firenomme'e par fon commerce, & qui aprèsStockholm eft la plus belle & la plus grande detout le royaume.Elle eft fitue'e au bord de la Gothe, rivierequi fort du grand Lac PTennern ( * ), & qui fejette a une grande lieue au deffous de la villedans le Schaggeraclc. Un canal qui a communicationavec la riviere la fepare en deux, &' lui donne un petit air d'autant plus hollandois,que de beaux tilleuls, plantés le long de cecanal, ombragent agre'ablement deux rangéesde maifons bien baties.parmilefquelles fe trouvecelle de la Compagnie des Indes, qui eftaffez vafte.Vous fave's qu'on y a e'tabli fous le règneprécédent une Compagnie, qui a le trafic ex-CompaniedesIn des.(3q) Le Lac Wennern eft le plus grand de tous ceuxde la Suéde; on lui donne 14 miljes de long & 7 mille*de large.


Commerceintérieur.C 48 )clufif aux Indes- Orientales; cette- compagniefut établie en 175 f par uniiche negotiant deStockholm, (Henri Koning)q ui obtint pourlui & pour fa compagnie un oftroi de 15 ansqu'il fit renouveller pour 15 autres années en1746; mais en 1753 cette compagnie, qui jufqu'alorsavoit porte le nom de focïété particulierede Koning & Comp. /p r i t c e l u i d e G ü m -pagnie Suédoife des Indes Orientales. En 17 62fon octroi fut renouvelié pour 2o ans Cene fut qu'en i 766 que la compagnie put enjouir.Les premières anne'es elle envoya des vaisfeauxaux Indes Orientales, fpécialement danse Bengale;. elle :ne fait acluellement plus quele commerce de la Chine, elle y envoye un oudeux vaifieaux chaque année & en reedt pareillementun ou deux en retour.Ordinairementen Oftobre elle fait une vente publi q u e,qui attire plufieurs marchands e'trangers.Les negotians de Gothenburg ont 1'avantageamfi que ccux de Stockholm , de pouvoir faire'circulerleurs marchandifes dans 1'intérieurdu royaume , les premiers par les éclufesd Edet & de Trolhetta, qui leur ouvre le LacWennern, & les feconds par celles d'Arboga,qm leur ouvre 1'entrée du Lac Hielmar.Outrele commerce confidérable que cette com- *Pagnie procurea Gothenburg,c e tt evillep of-


C49 3féde encor plufieurs autres branches de commercetrés riches , telles que la pêche du hareng,qu'elle ponede feule pour 1'exportation,Pendant plus d'un fiecle ce poifibn avoit parafuir les cötes de la Suéde. II y reparut vers1'an 1740 en fi grande quantite', qn'aujourd'huiil fait un des articles les plus intérefiants defon commerce. Les grands vaifleaux ne peuventpas arriver jufqu'a la ville; ils font obligésde refter a la rade, dü on les dechargedans d'autres de moindre port, qui arriventjufqu'au Fauxbourg, a peu prés auffi grand &auffi peuplé que la ville, & de-la par le moyendu canal dont j'ai parlé, les marchandifes fonttranfportées a Gothenburg, jufques devant lesmagafms oü elles doivent être dépofées; dansce même Fauxbourg, nommé Haga, il y aunchantier. Tout ce qui appartient a la marinemarchande y demeure. Entre le Fauxbourg &la ville eft un Vauxhal!, qui n'eft qu'un grandverger, au milieu duquel on a élevé une logede muficiens, qui en remplit prefque toute lacapacité; tout autour règne un rang de cellules,oü 1'on peut s'affeoir & prendre des rafraichifiemens;les Gothenbourgeois font toutauffi fiers de leur Vauxhall, que les Anglois le Vauxhall.font du leur, cependant la différence n'eft pasfufceptible de comparaifon.La Salie de Comédie, quoique petite, eft jc-D


Parade.La garnifon. n'eft compofée que du régimentde Saltze,-qui fait partie des troupes lévées.Armée. Vous favés que Tarmée eft compofée "dedeux différentes efpèees de troupes : Troupesïevées & Troupes natimaïes.Troupes Les Troupes Ïevées font toujours fur pied,evées. ;lles font en garnifon, dans les villes fituéesiu Sehaggerack, au Sund, a la Baltique, aui ïolfe de Finlande, dans quelques fortereiïesi ur les frontieres & en Pomeranie; la plupart• • i ont compofées de deferteurs de toutes nations;i >n y enróle de-force les vagaöonds, les domeciquesqui ont une mauvaife conduite & les ap-irentifs qui cau'fent du défordre.iC 50 )lie, la troupe eft aflez bonne, (me dlt-on)comme elle ne joue qu'en hyver, je n'ai puen juger.Ayanf. re'ndu mes devoirs a Mr. Ie Comte deSaltze, commandant de la garnifon, qui me rectitavec beaucoup de politefle, je le fuivis a laparade; il me retint enfuite a diner. L'habillementnationalne convient pas au foldat, ilmet en évidénce le moindre defaut de taille oude ftrutture; il ne peut aller qu'a des hommesfuéltes d'une taille bien proportionnée ; les panachesjeunes & bleues, les chapeaux ronds,les rubaris-en. rofette, les écharpes jaunes &bleues, les plumes .de même couleur donnentaux officiers & aux foldats un air théatral.


t 5i )Ces troupes font divife'es en 9 regimensd'infanterie y compris les gardes a pied & 1'artillerie,un regiment d'hufards, & un corpsde chevaux légers. Le regiment des gardesa pied eft compofé de deux bataillons, chaquebattaillon de huit compagnies de mousquetai-,res & une de grenadiers ; elles font toutes deico hommes, Donc:Le Regiment des gardes a piedsfbatt. 18 comp. . . • h.Le Regiment d'Artillerie 3 batt.chaque batt. 1000 h. . . 3000Trois Regiments chacun de 1200hommes 3°°°Quatre Regiments, chacun de800 hommes . . . . 3200Un corps de chaffeurs . . 400.Un Regiment d'hufards 2 efquadr..Chaque efquadr. 150 hommes . . 300. Chevaux légers 4 comp. a ^centhommes . « :r» • • 4°°12700 h.Le régiment des gardes & celui d'Artilleriefont habillés tous les deux ans; mais les au-*tres qui font lèvés ou de garnifon, ne le fontque tous les trois ans.Cet habillement ,1b fait chaque fois par entreprife,aux fraix de la couronne, le foldatD a


Delerteurs.levé a pour toute paye 32 daalders füvermunt(*) ce n'eft pas un fou de Hollande par jour,il eft vrai qu'ils font logés9habillés & nourris;on leur donne outre cela une paire de foulierspar an.Les troupes en garnifon en Pomeraniëont un peu plus de folde.Comme il n'y a point de eartel entre la Suéde& le Dannemarc, ils cnrölent réciproquementleurs déferteurs.deuxDès que le fund eft gele', on prend descötés toutes les précautions imaginablespour empêcher. cette défertion, mais malgréles foins. que 1'on prend, ils trouvent laplupart du. temps moyen de pafler. Auffi-:ót que la glacé eft aflez forte, on fait fortir3e tous les ports oü il y a garnifon tant eriDannemarc qu'en Suéde des piquets qu'on pla-i :e le long des cótes de diftance en diftanceür la glacé.Ces piquets forment des vaftes.( lemi cercles devant les endroits par oü lebldat peut s'échapper:>rune & rentrent a 1'aube du jour.Ils fortent vers laA 1'inftant[ue les portes font fermées on fait la vifite[U*il manque un homme, on tire un coup deles quartiers de deux en deux heures, & lorf-ca-C*J Ön 'daaWer filvor munt, fijt environ 9 foas ia3 [Ollande,


(53 ycanon; a ce fignal les piquets fe raprochentinfenfiblement en diminuant leur circonference& enveloppent quelquefois le pauvre deferteur,qui fans rëmiffion eft condamne' a1'efclavage; mais la plupart du temps &furtouc lorfque 1'obfcurité les favorifent ilspaflent entre les piquets & s'échappent. IIarrivé quelquefois aufli que les piquets de'fertenteux-mêmes avec-les bas-officiers qui lescommandent.;Les troupes 'nationales on Re'parties (Inge- ' rroupes«Jar.onaes,ou'daëïter') font divife'cs en 21 Regiments d'infan- ]terie plus oü moins forts, . . 230C0 h. 1 Leparties.7 Regiments de Cavalerie . 70004 Regiments de Dragons . 300033000 bom.Ce font des terres appartcnantes • a la couronne,qui doivent fournir a 1'entreticn nonfeulement de ces troupes, mais encore d'unegrande partie du clergé & des officiers civils.Ces terres (Hemman*) font divifées en Rotte*,•chaque Rotte contribue fuivant ce qui lui eftaffigné dans la répartition. Les meilleures deces terres font charge'es de 1'entretien de la cavalerie; celles d'une moindre qualité font affigne'esa 1'infanterie.Cinquante Dlr. Smt. de rente annuelle, fontD 3


( 54 >ee qu'on appelle un Rustboll ou hemman chargéd'équipper & d'entretenir un Cavalier;40 Dlr. Smt. de rente conftituent au contraireun (Haafte-hemman) ou terre chargée de1'entretien d'un cheval;' d'autres hemmansfont affecïés au payement de Ia Solde, & s'appellentFoerdels -hemman, & d'autres encorepour fervir de fupplement aux uns & aux autres& fe nomment FoerjnedUngs-hemmans.Elles doivent en general fournir & entretenirk chaque foldat une habitation compoféed'une chambre avec fon poële, d'une grange& düne étable, un petit bout de champ,p 0Urplanter des choux & du houblon avec affez defoin & de paille pour nourrir une vache & unecertaine quantite' de bois & de charbon: c'eftce qu'on nomme une Boflelle. Outre cela leSoldat recoit encore annuellement une payede 10 daalder Smt. oü ƒ4.I O^de hollande, i| daalder ,, pour un furtout &tous les trois ans une paire de fouliers & unepaire de bas.Lorfque le befoin de 1'uniforme en exige lerenouvellement, (*) i acouronne donne ledrap & les fournitures;. mais la répartitionpaye la /agon.Si un foldatdevient bas officier, l aRotte oüil entre eft obligé de le remplacer.Cf) Ce qui n'arrive' que tous les 8 ou 9 ans.


css yToute la répartition ayant pour but principal1'encouragement de 1'agriculture, il eft or- idonne'a chaque poflefleur de bostelle.i°. D'en.bien cultiver les champs.2°. De defricher annuetlement une certainequantité de terre inculte, quand il s'entrouve aux environs de te Boftellepour.un 'falaire ftipule'.3°. De cultiver s'il eft poffible un nombre.limité de perches de houblon.4°. D'augmenter annueilement .les prairiesquand cela peut fe faire.Tous les trois ans & a chaque renouvellcmentde poflefleur, des inlpeOeurs examinent.Te'tat de la Boftelle, & on rabat des gages dupoflefleur . les degats qu'il peut y avoir cauféparfa ne'gligence; quand le foldat ne trouve point,• de terres a défricher , il eft oblige' d'aidermoyennant .un falaire fixe fon höte plutótqu'un. autre, dans fes travaux champêtres.Les Boftelles des officiers font plus ou,moins grands fuivant leurs differens grades. .Le Collonel a la fienne au centre de la répar-rtition & chaque Gapitaine avec fes officiers &;fes bas officiers dans fa compagnie.La paye d'un Collonel d'Infanteiie eft de iCoo daalders Smt. d'un Collonel de Cavale-P 4 A


He 1500 : d'un Capitainë d'Infanterle 200;de Cavallerie 300.La paye du fimple Cavalier ou Dragon eftde 15, du Soldat 10 daalders Smt.Ces re'giments font en général 1'élite de lanation & font compofés de beaux hommes,parceque les Rottes qui doivent liyrer lesrecruës choififlent toujqurs des jeunes gens debelle taille robuftes & bien faits, & que d'ailleursils font a 1'aprobation des Collonels.Dans les diftri&s ou les Boftelles ne.fontpas trop éloignées les unes des autres, onles raflemble tous les dimanches par compagniesentières pour être exerce'es par leursofficiers & bas officiers. Ils ne s'aflemblentpar re'giments qu'une fois "par an au printemps,alors ils campent pendant trois femaines,chacun dans fon diftrict Tous les troisiou quatre ans, plufieurs re'giments enfembleforment des camps dans une Province, eentreordinairement de plufieurs diftricts ; lerefte de 1'anne'e ces foldats cultivate.urs, qui ;font foldats pour la vie, ne s'occupent quede travaux champêtres. Les officiers & lesbas officiers font obligés de vifiter fouvent lesboftelles de leurs foldats pour voir fi tout yeft en ordre & fi chacun entretient bien fes ha-,bits, fes armes «5c tout fon atürail militaire.


(57 )La Cavalerie n'a point de piqueurs; ce fontles bas officiers qui en font les fonótions, &. quifont obligés d'apprendre a monter a cheval auxrecrues de la compagnie; chaque cavalier quandil eft en e'tat, eft obligé de dreffer & d'exercerfon cheval.Outre les fept Regimens de Cavalerie dontj'ai parlé, il exifte un corps de Drabans acheval, en garnifon a Stockholm, fort de 150hommes, & dont chaque ma'nre a rang deCornette, entretenu aux fraix de la repartition;ils fervent d'efcorte a la familie royale.En temps de guerre les repartitions fontoblige'es de fournir certaines taxes , pour fourages,tranfports & vivres: la Couronne eftoblige'e de payer le furplus.C'eft a Charles XI, qu'on .doit 1'inftitutioade la repartition Clndelnings-lVerht). GuflaveVofa ou premier, en avoit déjaeu 1'idée, air.fique quelques-uns de fes fucceffeurs: mais GuftaveAdolphe & la Reine Chriftine fa filleayantdonnés,vendus ou hypothequés grand nombredes domaines de la Couronne a la principalenobleiTe pour la gagner ou la recompenfer,1'ouvrage de la repartition devint impoffible.Enfin Charles XI réunit par différentes compenfations,la plus grande partie de ces domaines, & en forma les boftelles des officiers,ü y joignit plufieurs autres hemmans & rottesP 5


( 5* >de repartition pour Ia Boftelle du foldat &e nt6 97tout Vlndelnings-Werket fut arrangéUn écnvain patriotique (*) pre'tend prouVer quecette repartition au lieu d'avancer les progrès de1 agricultureynuit, „parceque ces terres d'habi-" tation ou Boftellesfontpoffédéespar de Sper-„ fonnes qui ne les. regardentq u ecomme au-„ tant de degrés de leur avancement, & qui„ par conféquent ne cherchent fouvent qu'a„ en tirer tous les avantages.poffibles, quelque„ ruineuxd'ai!ieurs:qu'i! spuiffent être au fond„pourlaBoüelle." ILvoudroit, „qu'au lieu» de cette repartition, la Couronne p u t. ou„ voulut faire lever elle même ces différente*„ redevances, a la charge de fournir le nécef-„ faire a 1'entretien des intéreffés."On repond a cela :» Que-le grand foin qu'on prend de veiller„ a 1'entretien de ces Boftelles rend les&büS:,„ fort difficiles; de plus que chaque 'foldat.„ etant terrien, fe confidère comme citoyen de„ fa-patne, & contribue avec d'autant plus de„ m*ik fa défenfe, outre que cette armee'» qUI Ja force te i'etat, n'étant fur pied„ m raftimblé en Corps,q u efuivant rexigean-'„ ce des cas, ni même en régiment qu'une fois* P a r 8 0 'n e C o u t ea beaucoup pres, ceO'3 M. Faggot.


( 59 )j que «jouteroit fon entretien fur le pied des„ re'giments levés ou de garnifon, & que lesavantages qui en réfultent contrebalancent„ fuffifamment le peu de mal qui en profluéroit„ pour 1'agriculture , d'autant plus qu'il enréfulte un grand biQ póur la population,„ puifque d'abord que le foldat a cultivé une„ affez grande e'tendue de terrain, il fe marie„ & fournit de nouveaux colons pour défri-„ cher des nouvelles terres incultes. ". Le Corps de Génie eft divifé en fix brigades,qui ont leur réfidence i e . a Stockholm, 2 e . aGothenburg, 3 e - a Carlscrona, 4 e - en Scanie,5". en Finlande, & 6 e . cn Pomeranie ; chacundans fon diftrict veille aux fortifications.Chaque brigade eft compofée d'unColl. de Brigade.Matre des Logis.Lieut. Général.Capt. Mechanicien.Capt. pour.enfeigner.Lieut. Deffinatcur.• Lieut. Modeleur.Quelques Conducteurs.Tout le Corps eft commandé par deux DirecteursGénéraux ; dont un pour la Suéde &1'autre pour la Pomeranie, chacun de ces DirecteursGénéraux a un Aide de Camp. ÜnProfefleur attaché' au Corps de Genie, reüde aStockholm.


( 6o )Afin que les Militaires après avol/pafiïsune partie de leur vie dans une a&ivité labo*rieufe, puiiTent jouïr d'une retraite honorable& tranquille, on a établi en tj.fr t p a r la c o a.tnbution des participans, une eaifie de penfion,dans laquelle, c#x qui veulent y participer,font obligés de payer annuellement fispour cent de leurs appointemens: alors au boutde 25 ans de fervice, a compter de la 2o e . deleur dge, ils jouïfient leur vie durant de leurfolde ordinaire, du moment qu'ils fe retirent.L'arrangement militaire, tel que je viens devous déerire, eft admirable dans unpaïs, quine doit avoir des troupes q u e p o Ur fa défenfe.Le foldat terrienlui-méme, eft le défenfeur duterrain qu'il a défriché «Sc cultivé; 1'ennemi defon païs 1'eft de fa perfonne, ilale même intérêta la confervation du royaume dont il eftcitoyen, que ceiui qui le gouverne, celui quiIe commande & celui qui le paye, s'il fe batpour fon Roi & pour f apatrie, il fe bat auffipour fa familie & fes pofleffions.On n'a donc pü faire quelque chofe de mieuxpour la Suéde, que d'établir cette repartitionpmfque la conftitution de ce Royaume, fousquelque .ace qu'on 1'envifage, ne demande quedes defenfeurs & jamais des conquérans.Mais je ne dois pas oublier qu'avant cettedigreffion j'étois a Gothenburg; il eft tem psray revenir.


C öi )fothenurg.Cette ville n'a pour toute défenfe vers la par-


( 62 )JLÜXTRESIXIEME.M .DRONINGAARD ce ... Dcfobre 1785.Je qüittai Gothenburg a porte ouvrante, W1di... May & pris ma route direftement versle nord, & tantöt cotoyant Ia riviere de Gothele long d'une chaine de rochers dont l'afp»


C 65 ) 1de la riviere, les abimes & les gouffres qui s'y-forment, le bruit occafionne' par toutes ceschutes & par le moulin a fcie' rendent cettefcene auffi terrible que magnifique, lorfque placéfur quelques rochers qui fe trouvent au milieude ce fracas, on la conüdere dans fon enfemble.'Cette cataraéte interrompt la na--vigation qui fe fait du grand Lac Wennernpar Wennersburg, petite ville d'étape fitue'e a1'endroit oü la Gothe fort du Lac, pour allertomber au deffous de Gothenburg dans le golfede Schagger-rak. On travaille au deffus de ]Trolhetta a plufieurs éclufes confidérables &qui méritent d'être vuës. Elles faciliterontle paffage des Vaiffeaux.Dans cette route de Gothenburg a Trolhetta, Edet.je pairai par un petit village nomme Edet,fitué a cette même rivière, & oü elle formeune chute de toute fa largeur. Ne tombantque d'une trés petite hauteur elle n'eft a beaucoupprés ni fi belle, ni fi impofante, quecelle de Trolhetta. Mais ce qu'il y a de remarquabledans eet endroit, c'eft le Canalqu'on eft occupé h creufer dans le roe poury faire paffer une partie de la riviere par lemoyen d'Eclufes: fix a fept cent hommes ytravailloient. H leur faudra encore beaucoupde temps pour schever eet ouvrage qui ( ainfique les Eclufes a Trolhetta) tient au grand


Falkiöping.C H )plan pour joindre la Baltique k la mer du Nordpar une communication a travers le royaume.Ces éclufes achevées, -la navigation pourrafe faire fans interruption, depuis Carlsftadtdans le Wermeland k 1'extrêmité fcptentrionaledu Lac Wennern, jufqu'a Gothenburg,& fi on parvient un jour a furmonter toutesles difficultés qu'on rencontre pour la jonctiondu Lac fVennern avec celui d'Belmarn par Orebrö, alors comme ce dernier communiqué auLac Malern par les éclufes d'Arboga, onpourratranfporter toutes les marchandifes par unmême vaiiTeau depuis Gothenburg jufqu'a Stokholm,& par confequent de la mer du norddans la Baltique. Quoiqu'aux rives de laGothe j'aye continuellement <strong>voyage</strong>' le long &par defius quantitéde rochers arides, couvertsde moufle & par ci par la ombragés defapins & de chenes, j'ai cependant vu en plufieursendroits au pied de ces rochers des paturagesd'une extréme beauté, couverts debetail, furtout aux bord de la riviere, de mêmeque plufieurs terres bien cultivées.Après être refté a Trolhetta pendant unecouple d'heures a confidérer le fpectacle dela cataracte dont je ne pouvois me rafiafier,je rentrai dans ma voiture «Sc ayant couru pendanttoute la nuit & la journée du lendemainj'arrivai enfin a 10 heures du foir a Falkïöping'petite


C *5>petite ville dc Wefirogothie fatigué & haraflea outrance; c'étoit une route de traverfe, j'ytrouvai des chemins trés difficiles a traversdes montagnes &des rochers les uns plus affreuxque les autres, & dont les cahotscontinuels m'empêcherent de prendre lemoindre repos dans ma voiture. Cetteroute fi fatigante me fit trouver Falkiöpingmoins affreux qu'il ne 1'eft en effct; detoutes les villes de la Sue'de, que j'ai vu c'eneft une des plus desagre'ables. Lnaginés - vousun grand cloaque fans pave', dans lequel on aalligné des baraques de bois, recouvertes deGazon, ou de moufle,.dont les portes ont quatrepieds de haut. Le Chivsrhous ou aubergeoü j'étois logé eft la maifon la moins mauvaife.Cet endroit porte le nom de ville, quoiqu'ellen'aye ni murailles ni portes. Un enclpsde génévriers pourris 1'entoure •, mais cequi lui donne le caradtére diftinctif de ville,c'eft qu'on eft ohligé de payer doublé pofteen fortant.Après avoir pris du laitage avec quelquesOeufs broués, feule nouriture que je pus yavoir, je m'étendis tout habillé enveloppé dansmon Schantz-hoper fufun lft ou plutöt un grabat;fatigué de ma courfe, je ne fus pas lóngtempsa m'endormir; mais vers les trois heuresdu matin, je fus reveille' par 1'horriblev


C 66 >bourdonnement d'une quantité effroyable decoufins, demouches &c. &c. ;mon grabatn'éroit qu'un repaire d'infectes de toute efpèce; nepouvant plus y tenir, je me le'vai &m'occupaia écrire jufqu'a 1'arrivée de mes chevauxqui me déiivrèrent bientöt de ce purgatoire. •Je pris la route te Mariejladt, fitué au grandLac Wennern, oü j'arrivai a fept heures düfoir, & la je rentrai dans la grande route royale,que je quittai a Trolhetta pour voir 1'inténeurdu pays; curiofité dont je me repentispar les défagrémens que me caufa cette routede traverfe. La route royale va de Gothenburgpar Trolhetta a Wennersburg, de l aellecotoyele Lac Wennern .jufqu'a Marieftadt, ellemène enfuite par Orebrö & Arboga a Stockholm.Cette journée fut un peu moins rude que lesprece'dentes;aquelques lieues au de-la deFalkiöping le terrain s'applanit, 1'ceil s'yp r o-mène avec plaifir au-deflus de plufieurs plainesbien cultivées, & de belles prairies fourniesde betail. Quoique cette route foit encore unchemin de traverfe, elle eft cependant affezbatuë & unie.Regiment Environ a 4 milles de Falkiöping ende CavaleriedetVeflroarnvanta un endroit nomme Khflret, oü. jedevois changer de chevaux, j'appris qu'a unedenue iieuë de lè, prés d'un village nomme'


( *7 )Bolum, campoit le régiment de Cavalerie deWejtrogotUe; je crus qu'il valoit bien la peinede me détourner un peu pour 1'allervoirj j'yarrivai vers les neuf heures du matin, & laifiantma voiture avec mon domeftique fur le grandchemin, je m'acheminai feul a pied vers unegrande plaine, oü je vis non-feulementle camp,•mais auffi le régiment occupé a manceuvrer;j'étois en uniforme, j'avois un chapeau franc,mon épée fous le bras , en bottes, mais fanséperons •, apiès avoir été pendant un quartd'beure fpeétateur de leurs manoeuvres, je visarriver au grand galop un officier qui s'arrêtaauprès de moi: Serviteur Monfieur! qui ejiMonfieur 1 Officier hollandois, qui <strong>voyage</strong>par curiofité & qui ayant appris Monfieur,que votre régiment campoit ici, eft venu levoir en paflant. Monfieur foubaite-t-il uncb evalp Je vous remercie Monfieur. —L'officier part, a fa canne je vis qu'il étoit Adjudant;un moment après il revient avec unautre officier, 1'adjudant me dit: c'eji Monfieurle Major. Je fis la révérence aMr. le Major,qui m'ofirit de même un cheval; n'ayant nichapeau convenable ni éperons, je voulusm'excufer; il infifta, puis me conduifit au Colonel,'a qui il me préfenta. Je montai a cheval& fuivis le régiment dans toutes fes manoeuvres; 1'exercice fini le Colonel m'invita a dinerE 2


C 68 )fcvee quelques officiers; je fus oblige' de m'excufer,par la raifon que j'avois 'envoye' unVoorboode, pour commander des chevaux a toutesles ftations, jufqu'a Mariejladt. Le Majorm'accompagna k ma voiture & m'y vit entrer.Ce ne fut qu'a ce moment qu'il me demandamon nom & mon grade. Je lui demandai fonnom k mon tour. II me dit qu'il fe nommoitle Baron de Clofet; il avoit e'te' trés lie', ajoutat-il,avec Monfieur de Haeften, dans le tempsque celui - ci re'fida a Stockholm , en qualite'd'Envoye' Extraordinaire de Leurs HautesPuiffances.Faites-moi la grace de me dire, dans quelfervice on poufferoit la politefie au point defaire un accueil auffi gracieux a un officier e'tranger,qu'on vefroit fe promener feul a un exercice.Ce qui me frappa le plus, fut, que toutecette poIitefTe fe fit fur mon fimple dire,que j'e'tois officier hollandois qui <strong>voyage</strong>oit parcuriofué; Ehfeigne, Capitainë, Colonel, Général,tout eft e'gal pour des gens qui fe piquentde favoir vivre.Vous êtes fans doute curieux de connoitre ceregiment & d'en apprendre quelques particularités.II eft national ou reparti, fort ie millehommes, divifés en huit Efquadrons, commela pluspart de,s autres re'gimens de Cavalerie;ïes hommes font beaux, mais mal monte's;


( 69 )fi quoiqu'en général ils ne brilloient pointpar lcur.1I manoeuvres,je leur vis cependant exécuter| aflèz bien quelques de'veloppemens de colonneI «Sc des changements dè front vu 1'e'tendue deI leur ligne.Leur grande attaque ne fut ni al-| lignée ni vive. Dans la retraite üs rangent les3 flanqueurs fur les flancs en deux lignes, oüi ;ils reftent immobiles, continuellement cccupésa tirer & a recharger leurspiftolets, tandis quele régiment fe 'retire a travers cette have deflanqueurs;au reiie il n'eft pas poffible que cestroupes nationales puiffent exercer 'auffi bienque d'autres,puisqu'cxcepté les trois femainesqu'elles caropent, ils ne viennent jamaisfous les armes & ne montent pas même unegarde.Monfieur le Major «Sc moi nous étantmutuellement recommandés a notre bon fouve-;l nir, je repris ma routé.Arnefure que j'avan-; cai vers Mariejladt, le chemin s'applaniflbit,ije vis des rochers moins hauts «Sc des précipiices moins refpeét^ibles: enfin h une couple de| lieuës de la ville le terrein eft tout plat «Sc jepaflai par une des plus belles plaines que j'ayejamais vu, couverte d'un feigle fuperbe.Pendant toute cette journée, ainfi que pendantla précédente , j'aurois été obligé de fairele jeune le plus complet, fi le biflac que mesamis de C . . . . avoient bien fournis a mondépart du Dannemarc, n'y avoit heureufementE 3


C 70 )fupplée. Dans toute cette route je ne trouvaique du Knikkebroë, du lait & quelquefois desceufs; du vin non-feulement n'y exiftepoint,mais on ignore même cè que c'eft, par ei parla on trouve de la mauvaife bierre, que lespayfans braffent eux-mêmes. Comme c'écoit letemps que les fraifes fauvages commencoient amürir, je m'en fuis nourri en grande partie; lesbois en font remplis, & quoique petites 'cllesont un parfum de'licieux. A toutes les ftationsje rencontrai des enfans, qui pour unebagatelle alloientm'en cueillir despaniers pleins.! Je fuis, &c. &c.


C 71 ).««O—==—=&== !>LETTRESEPTIEME.DRONINGAARD « . . . OStobre 1783.M . . .3£eriefiadt eft une aflèz jolie petite villefitue'e comme je vous 1'ai déja dit au Lac •Wennern. Elle doit fon exiftence a Charles IX,il lui donna le nom de Mariejladt a 1'honneurde la Reine fon Epoufe, qui s'appelloit Anne-Marie. Cette ville n'a rièn de remarquableque fa fituation, qui eft trés agre'able. J'y paffaiune bonne nuit. —- J'en répartis le lendemaindans le courant de 1'après-dinée, après enavoir examiné le local a mon aife, je prisla route d'Orebrö Capitale de la Province deNericie, qui en eft éloignée de n milles & oüj'arrivai entre quatre & cinq heures du matin.La traite de Marieftadt a Orebrö eft tresagre'able, outre qu'on refte fur le grand cheminroyal, on n'y rencontre ni montagnes,ni rochers, & fi on paffe par des quartiersde'ferts, la beauté des bois de fapins, de bou-E 4VTarietadtvil ieté tape»Route deMarieftadta Orebrö,


C 72 )leaux & de chénes dédommagent de 1'ennuidene rencontrer aucnne créature vivante. J'aifait .quelquefois une pofte entière de 2 mille& dëmie fans voir perfonne. Les bois quidans cette faifon commencent a developpertoute leur fplendear joint a la beauté' des vuesqu'offrent en plufieurs endroits des defcentesde collines, desLacs, des Rivieres,. m'ont engagesplus d'une foisa mettre pied a terrepour en jouïr plus a mon aife.A quelques milles de Mariejladt, k un petitvillage nomme Hom,on quitte leterritoirede la Province de TVeflrögothie pour entrerProvince'de Nericie.dans celle de Nericie.J ef usobligé de m*y-arreter par 1'e'tonnante inte'grite' d'un commisqui fut refifter aux appas de quelques daaldersfilbere , pour avoir le p l£ifir de dépaque,termoncoffre&monporte-rmanreau._Ce n'eft pas afiez d'être vifité avec ladermereex ?(ftitude a1'cntre'e du royaume, il f mencore lubir pareille cérémonie lorfou'on p ard une province al'autre.8 e f t P 3 S fi rCelle ci'cependant« f e que la première & ordfnaircmenton s'en rachëtteen donnant de ouoiboire aux commis, & ceiuide Howafutle feulqui aft n S 9 m m m m t d e f o i J d f o ito« le cours de mon voydge. Les J eotJansLr ;m rceRt dansloanute de marchandifes défendues , qu'il.


( 73 )font circuler dans Finterïeur du pais. Ontache de troubler ce petit commerce par unevifitc exacte a la frontière de chaque province,& fi tous les commis étoient auffi confcientieuxque celui de Hówa, les marchandsn'auroient pas beau jeu. J'appris' en fuïtequ'il avoit cru faire un bon coup. Je nefai fi ce fut a ma phyfiönomie ou a mavoiture, qu'il trouva un air de contrebande.Orebrö eft une ville affez grande, entièrementbatië en bois, comme toutes les villesDrebrö.de Suéde, les maifons y font peintes en rougebrun & couvertes de gazon; ces gazonsqui récouvrent les toits des g^andes maifonsainfi que des petites, rapellent les Jardins deSemiramis, d'autact plus que quelques unesfont proprement fauchées & garnies de plattebandes de fleurs. Ces toits de gazon'fervent a diminuer les dangers du feu; c'efta peu ' pres de même a la campagne, les maifonsde payfans y font couvertes de moufiè aulieu de gazon, le chaume y eft profcrit , il efttrop cher & trop combuftible. Avant de placerle gazon ou la moufle on étend fur la charpentedu toit des grands quarrés d'écorce debouleau, pour empêcher la pluye d'y pénétrer.Dans tout Orebrö je n'ai vu qn'une feulemaifon couverte de tuilés; c'eft un chateauantiquc bati en pierres de taille , fitué a unE 5


C 74 >ec-in de cette ville, oü demeure le gouverneurde la province de Nericie-, le long de cechateau paffe une petite riviere qui f ej ettedans le Lac Hielmar, au hord duquel la villeeft fitue'e; fur cette riviere eft un beau pont depierre, du haut duquel on jouït de la vuëd'une chute de la riviere, qui fe précipitedans toute fa largeur a quelques toifes du pontDu haut de la tour, j'eus une vuë charmante:le Lac, une belle plaine couverte de grains& de quantité de maifons de payfans , borne'ea 1'horifon par des hauteurs couronnées debois, ce qui joint aux gazons, &a u x p a r.terres des toits de la ville,. ferme un enfemblecharmant. La population de cette plainededommage le <strong>voyage</strong>ur des folitudes continuelles,qu'iladü parcourir pour y arriver.II eft facheux que de pareilles perfpectives=e fe préfentent pas plus fouvent en Suéde;pour une lieuë de païs bien cultivée, & bienPeuplée, il s'en trouve pour le moins quatre


C ns )dans ces bois il y a des étendues de deux a troislieues qui ne font point cultivees oü il ne croitd'autre herbe „ que celle que la nature y feme. Lesenvirons de Marieftadt «Sc d'Orebrö font biencultive's. A trois ou quatre lieuëü a la rondeil croit dufeigle,du froment, de 1'avoine& du lin. Jamais je ne vis de feigle «Sc plushaut «Sc plus fourni. j A 1'entour de quelquesvillages j'ai vu-de 'trés beaux pafcurages,ainfi qu'aux bords des rivferes, ce qui prouveque fi la Sué> avoit plus d'habitans , fonterrain pourroit être plus cultivé, malg.ré laquantite' enorme de rochers qu'elle contient.Je me refolus de refter toute la journe'e aOrebrö, tant pour me répofer que pour voira mon aifc un endroit qui me plut beaucouppar fa propreté & par fa fituation.Mon deflein étoit d'en répartir le lendemamde mon arrivée; en conftquence meschevaux étoient commandés; je me vis ^ oblige'd'y fejourner encore malgré moi: foit parraifon de fatigué'ou par d'autres caufes, je devinstout a coup fi malade que je ne fus pasen e'tat de partlr, heureufement que dans matrifte «Sc miferable auberge, je trouvai un hotedont je refpefterai toujours la me'moire en faveurde fa complaifance «Sc des bons foins qu'ileutpour moi, ainfi que je n'oublierai jamais1'horrible fouppe qu'il me fit apprêter: du jus


C 76 )d'Oyegarnide raifins, de corrintes, de poivre ;d'ail, de pommes, fut le reftaurant qui devoitfelonlui meguerir, &q u'n m'accomodaavec un zèle dont je lui aurai toute ma vie de1'obligation. Une bouteille de bon vin, -reftede ma proviiion de Droningaard fit une meilleureffet que le remede de mon aubergifte,une bonne rode que je me fis de ce vin, meremit au point que dans le courant de 1'après--dinée, je pus m'habiller & me promener. —De retour de ma promenade, me fentant-mieuxje demandai de 1'eau pour faire du thé; au momentque je m'occupai a le préparer, j'en.-tends frapper a ma porte. La porte s'ouvre,j evois un officier habillé a la Suédoife,écharpe bleue, plumet jsune, le petit ordrede 1'épée è la boutonniere. II vient a moid'un air jovial; j eme leve, il m'adreile laparoleen bon francois. Mr.! apprenant qu'il yavoit ici un officier Hollandois malade, je n'a'ipas voulu manquer de venir vous offrir les fervices,que tous militair es 'fe doivent réciproquement.j erepondis a cette civilité du mieuxqu'il me fut poffible.:, Vous allés boiredu thé Mr. je vois è la petite caiffe que c'eftrotre propre thé; un Hollandois n'en peut ayoirque de bon, permettés que je vous cherche compagniequi aime le bon thé. II f ort&u n m o_ment ipiès mon chevalier de 1'épée rentreavec


C 77 )deux dames jeunes & vives. Je leur offre deschaifes, je veux procéder a 1'opération de lathéjere; il m'interrorapt : // y 'fl tó bas unevieille dame en caroffe qui a la goute, & quivoudroit faire la connoiffance de Mr. VOfficierHollandois & de fon thé, comment ferons nouscela ? Je fais un bon moyen Mr., dis-je, faifonstranfporter cette table a cöte' du caroffo,•nous y boirons tous enfemble. Auffi-töt dit,auffi-tót fait; mon domeftique prend la table,le chevalier le pot a thé & le pot a lait, lesdames les taffes, moi la petite caiffe. Nousdegringolons 1'efcalier en riant comme desfous, & dans un inftant nous voila en bas,affis autour de la table, en pleine ruë, a cótédu caroffe oü étoit la bonne dame quï ce manegedivertiffait, puis nous primes du thé entourésde tous les badauts de la ville. En attendanton atteloit fix chevaux a la voiture &tout étant pret, Mr. le Lt. Collonel de Lejonankerpria les dames de fe remettre encaroffe avec une femme de chambre, tandisqu'il fe difpofoit a entrer dans fa chaife atteléede quatre chevaux, avec un homme que jefuppofai fon valet de chambre, j'appris qu'ilsVenoient de Stockholm & qu'ils alloient a leursterres; s'étant arrêtés au chiverhous,oüjelogeoispour changer de chevaux, le chiver apprita Mr. le Lt. Collonel qu'un Officier Hol-


78 )landois allant a Stockholm y logeoit, & y étoitarrêté par raifon de maladie. II fe fit d'abordmontrer ma chambre, vint me faire le complimentdont je vous ai parlé, & m'offrir fesfervices pour la capitale. La bonne Dame enreconnoiffance du thé que je lui avois procuré,m'invita a venir paffer quelques jours a fa terre, ce que je ne jugeai pss a propos d'accepter,vu lalongueur du <strong>voyage</strong> que j'avois encora faire. — Mais je profitai des reccmmandationsqu'ils m'offrirent pour quelques - unesde leurs connoiflsnces a Stockholm.Vous pouvés juger par ce qui m'arriva enallant voir le régiment de Weftrogothie «Sc parla rencontre de ce Lieutenant-Collonel avec fafamilie, de la politcffe & de 1'humeur jovialedes Suedois, dont j'aurai occtfion de vous citerencore d'autres traits. Me trouvant infinimentmieux, «5c me fentant en état de continuermon <strong>voyage</strong>, je me remis en route lelendemain de cette vifite , «Sc pour rr.enagerencore un peu mafanté, je ne fis ce jour laque 7 mille «Sc demie «Sc fus coucher a Smedby,oü 1'on m'avoit dit que je trouverois une desmeilleures auberges de la Suéde. En quit--tant Orebrö je paffai par une plaine dedeux lieues d'étendue, trés peuplée «5c bien cultivée,au bout de laquelle je rentrai dans lesbois «Sc n'en reffortis qu'a Fallingbro, premier


C 79 >endroit de la Wefttnannië, & qui n'eft qu'une Provincee Weftlanniè'.grande maifon de pofte, j'y rencontrai le}vieux Comte de Scbeffer. II y paflbit avecfon époufe «Sc une grande fuite pour fe rendredans fes terres. J'arrivai au moment qu'onétoit occupé a mettre des chevaux a fa voiture,«Sc jevoulus lui être prefente'. Je m'adreffaipour eet effet a un homme alTez gros«Sc d'une bonne phyfionomie qui me dit êtreCuifinicr de fon Excellence •, comme un cuifiniereft un homme important, je crus ne pouvoirmieux m'adreffer pour le prier de faire 1'officede chambellan, ce qu'il m'accorda debonne grace.Le Comte «Sc fon Epoufe me recurent de lafacon la plus obligeante, «Sc me dirent trés polimentque s'ils euffent éte' a Stokholm, ils auroientfaits de leur mieux pour m'y procurerde 1'agrément. Ils me demanderent oü j'alloisloger, «Sc pour qui j'avois des lettres derecommandation, je leur nommai 1'auberge qu'onm'avoit indiquée, «Sc leur fis voir les adreffesde mes lettres. Ils m'avertirent que je feroisfort mal a ce logement; ils me donnerentune adreffe pour des gens qui ne tenoient pasauberge publique, mais oü ils m'aiïuroient queje ferois trés bien. Ce Seigneur a 1'air refpectable.Vous favés que 1'année paffee il de'-manda a fe rétirer. ïl s'eft établi dans fes


C §0 )terres , oü il veut ficir tranquilement fes jourslom du mende & des affaires, qu'iladirige'esfi long temps par la fagacité de fes Confeils,avec lapprobation & la reconnoiffance du Roi& de toute h naüon, qui l eregrettent beaucoup.II étcit fort airnéa caufe de fon attachementpeur la Roi qui 1'honnoroit de fa confianceaiofi que par rapport è Ion aftivité pour tout cequi concerr.e le bien & l a p r o l p e r i t ë d u r ö y„ u,me. - li a e'té remplacé par le Comte deCreutz, ci-devant Ambafïadeur en Franc-Arboga Je m'arrétai *, Arboga capitaie de laWeffimannie,réfidence du Gouverneur & de la régercede la province, ville trés Iaide, compoféede rues étroiccs & de vilaines maifonsde bois, la plupart fort baffes. Il n'y a quecelle du Gouverneur qui foit batie en pierres.Cette ville eft fameufe par les éclufes confidérables,qui ouvrent la communication entre leLac Hielmarn & le Lac Ma'crn; ce derniers'étend jufqu'a Stokholm. Ma curiofité contentée,je me remis en route & j'arrivai de bonneheure a Smedby.Toute la Weftmannië eft trés belle, c'eftune des provinces les mieux cultivées & les piuspeuplées; il eft vrai qu'en plufieurs endroits leroe vif fe fait voir a travers la terre, & cueles bois y dominént, cependant j'y ai vu desétendues


( 8i ):;ëténdues de terrain confide'rables, oü. toute efpècede grain croic parfaitement bien, mais furtourle feigle.Les payians y font prefqu'habillës commeen Frïfe» grands chapeaux, culottes larges,iaqüette courte, le touc en noir avec des petitsparemens rouges.D'Arboga, je fis encore 3 milles jufqu'iSmedby oü je paffai la nuit.Smedby n'eft qu'une feule maifon entierement Smedby.Éblée, fort vafte, batie en pierre, & fitue'e dans;unc vallée charmante, oü 1'on jouït des plus:bcaux points de vue; c'eft la plus belle & la meil-lcureauberge que j'ai trouve' dans toute la Suéde.Le lendemain, a une demie lieuëde Smedby,jc quitcai la Weftmannië, pour entrer dans laSudermanmê , je paffai par quelques belles plai-• nes bien- cultivées , & je trouvai un affés beaupays jufqu'a Sudertalie, petite ville, fitue'e aubord du Lac Maler a quatre milles de Stokholm.Ici on rentre dans les rochers & 1'onne trouve plus qu'un pais défert, aride & incukejufqu'aux portes de la Capitale.Je me detournai d'une lieuë pour aller voirun chateau, QGripsholm) que le Roi poffèdepres de la petite ville de Manfred.Ce chateaueft fort antique & fianqué de quatretours.II eft renommé dans 1'hiftoire: ce futla oü mourut en prifon le fameux Eric XIV, filS.F *Provincede Sudermannie.SudertaliaChSreaude Grips*bolm.


( 82 )Je vins coucher a Kumla,a p rès avoir paffeTroshalia. . par la villotte de Troshalla, oüje fis une petiteKumla.de Guflave Vafa; fa fituation eft fort agre'ableau bord d'un petit Lac qui a communicationavec celui de Maler. La Cour y va paffer quelquefoisune partie du printemps; le <strong>voyage</strong> fefait alors par eau, dans des yachts extrêmementpropres & trés orne's.halte pour jouïr du fpeftacle magnifique d'unechute d'eau.Une rivière qui y paffe faitdans la diftance d'environ 3 3 4cent pasplus de mille cafcades de 2, 3, 4, jufqu'a 6pieds de hauteur,en fe précipitant avec une.rapidite' etonnante entre & par delfts des grosquartiers de rochers; un pont de fix arches quife trouve vers le miiieu de cette chute, offreaux <strong>voyage</strong>urs un fite commode, pour y jouïrd'un fpeclacle auffi agre'able que pittorefque.Kumla oü j'arrivai vers le foir, eft un petitbourg affés propre, il eft fitué fur une hauteura 5 milles de Stockholm, 1'auberge y eft trésmauvaife, jeme confolai d'un fort maigre fouperpar 1'efpoir de m'en de'dommager le lendemain.le combat que je fusCe repas fut un peu anime' parobligé de livrer a uneffain.de mouches, auffi redoutable que celuijui affaillit le pauvreGulliver a Brodignaic.[e crois qu'il ne s'en trouvent dans aucun paysd'une telle grandeur & en fi grande quantite';


I leur bourdonnernent eft affreus, -r— Un gra-| bat fans rideaux qui m'étoit deftine' me donnaI mauvaife augure pour la nuit, cependant la| fatigué me procura quelques heures de fom-I meil.I Je me remis en route k 4 heures du matin ,i afin d'arriver de bonne heure a Stokhotm. J'allaidejeuner h Südertalie, qui eft, comme jevous 1'ai de'ja dit, a 4 milles de la Capitale;j'y changeai de chevaux, «Sc je fis mes adieux. au beau pays; on y rentre dans des rochers af-,;freux, dont 1'afpecT; hideux infpire la melancholiela plus noire, le bon terrain, fa culture,fes beaux bleds, la population, tout s'éiclipfe;1'on n'y voit plus que des rochers, &i.quels rochers! hauts, efcarpe's, incultes; du] fapin, de la moufie, du genevrier font leurs| feuls ornemens, en un mot, on pafle par unipays qui reflemble plutót a 1'approche du Tarlitarequ'a celle d'une Capitale. Par ci, par lè,l entre les rochers fe trouvent des tas e'normesjide pierres entaifées, des efpaces confide'rablesij de fapins coupés a deux pieds de terre «Sc des| morceaux de troncs a moitié brulés qui repré-,j: fentent une devaftation affreufe , des miféra-I bles cabanes de pdtres, «Sc des précipices qui: font fremir. Tel eft exaftement le tableau donton jouït pendant les huit lieuës qui feparentSüdertalie du pont flottant par defius lequalF 3


C 84 )-Fi;zia.on paffe, pour entrer a Stckholm. A moitie'chemin on change de chevaux dans 1'endroit leplus pittoresque que j'ai jamais vu; ce n'eftqu'un affemblage de trois ou quatre maifons:eet endroit s'appelle Fitzia, il eft fitué au bordd'un petit lac, auquel 1'arrangement des bois& des rochers correfpond d'une facon fi fingulierequ'on re peut rien voir de plus romantique.En été les habitans de Stokholm vien- ;nent y faire des parties & y manger du poiffondont ce lac fourmille & qu'ils fe font un plaifirde pécher eux-mêmes. . . Mais avant que d'en- 'trer dans la Capitale de la Suéde, je veux finireette lettre & vous affurer que je fuis, &c.


C 85 )LETTREHUITIEME.CCPENHAGUE ce . . . Novembre 1785.M . . ., L a gréle,_la tempête, la pluyc, la neige,la gelee, labriévité des jours nous ont obli-: gés de troquer le féjour de la Campagne conitrecelui de la ville, & nous voila étsblis aI Coppenhagae pour fix .mois. Les afiemblécs,les bals, les Concerts, le fpedtacle, les par-; ities de jeu vont donc rcmplacer les p:rties depromenade, de navigation, de chaile & depêche. La vifite des bib'liothcques, des Cabinets, des atteliers & des manufadtures fuccederaa la culture des fleurs, des arbres & desplantes. Chaque chofe a fon temps & chaqueoccupation fes agréments. & fon uulité. LaCumpagne oü 1'on jouït de la nature en beau& en grand, ainfi que d'une liberté fi analcguea 1'état primitif de 1'homme, agrandit le• eerde de nos idees. Notre imagination s'éle-^ ve du terrain que nous cukivons a eet infinioü tout ce que que notre ceil débüe peut apercevoir,nous ramene | ce grand être a quinous tenons par une chaine dont les chainons,F 3


( 85 )Stokholmville d'étape.ifont bien plus fenfibles parmi les occupationschampêtres, qu'au milieu du tourbillon des plaifirs,qui n'emouftènt que trop fouvent nosfenfations a eet égafd.A la ville on e'tudieles hommes, leurs connoiffances, leur induftrie& leurs mceurs; on voit en oppofitionles faneftes effets des palïions, de'regle'es avecceux des paffions reduites a de juftes bornes,• mais trève de philofophie. — Vous êtesimpatient fans doute d'entrer avec moi a Stokholm.Dans ma derniere je fuis arrivéau pont flottant; il eft temps de le pafter.fus obligé d'y fubir une vifite aflez exacte pourvoir li je n'avois rien contre les ordonnancesdu Roi.J'étois adrefle par le Comte de Scheffer dansle quartier hollandois QDutske Biïe") précifementau cóté de la ville, oppofé a celui par1lequel j'y entrai. Je la traverfai dans toute falongueur, qui eft environ d'une lieuë; je fismon entrée par un-grand Fauxbourg oïi lesrochers & les maifons fe difputent la préeminence;d'abord je ne vis que des maifons ba«ties enbois, maisamefure que j'avancois > lesMtimens me parurent plus beaux, enfin lesmaifons de bois difparurent je n'en vis plusque de briques ou de pierre de taille, couvertesde tuiles, d'ardoifes ou de cuivre, feparéespar des rues tirées au cordeau ik tréslarges.Je


( »7 )Enfin j'arrivai au Diltske Bue, a la maifonI cü j'étois recommandé par le Comte de Schcf-\ fer. Une grande hotefie belle & fort gracieufe; me dit en mauvais allemand; que fon mari n'ettant pas au logis, elle ne favoit fi je pouvois! y refter, en attendant elle me pria d'entrer.r. On cherche le mari; il arrivé : un petit hommelaid comme un crapaud & qui m'avoit bien 1'air;j de porter le toupet invifible, rrie regarde dubas en haut, puis me mefure du haut en bas: 'Ergcbener thiener, was will der Hcrr — lekwilt togieren. Ja? aber ten habe keiii ~plats (*). Je lui témoignai combien j'en étoismortifie', d'autant plus que le Comte de Scheffer,m'avoit dit qüe je ferois chez des braves; gens, der graaf Scheffcr ? — 'fa der gtaaf'Scheffer, — ach der gute man'. Er veis ja'i nicht 9ob ich plats habe (j); j'étois fur léi point d'aller chercher fortune ailleurs lorfque •I je m'avifai da dire: der Koch von dcrii graaf'1 hatte mir auch gefaagt fjf) . . . . a ce mot -i de Koch le mari & la fenime fireht 1'un & l'auijtre une exclamation: der Koch ? ach unferIServiteur trés humble, que veut Mr. — je veux jlqger — Oui? mais je n'ai pas de place.r\~) Le Comte Scheffer? — Oui le Comte Scheffer,— •Ah 1'excellent homme! mais il ne peut lUvoir fi nou*avons de la place.Le Cuifinier du Comte m'avoit di't au0i. . . »F 4


: c.ss )jbejler freund der Koch! ja Imr ,-Jle Jollen, hierlogieren (*), &a1'inftant 1'on appelle valets,fervantes, palfreniers; 1'un prend mon portemanteau,un autre mon coffre, on me conduiten thriomphe a une grande & belle cbambre,enfin je fus trés bien logé & par la fuite tréscontent de mes hótes ; fi le Comte Scheffer favoitqu'au nom de fon Cuif nier tout s'ouvritpour moi , tandis qu'au fien tout refta clos, iltrouveroit ce refpect trés plaifant. Je conclusde la que Mr. le cuifinier & Mr. l'aubergiftes'entendoient aux depens de fon excellence.Le lendemain de mon arrivée mon premierfoin fut d'aller voir Monfieur le Baron V. . .D. . . B. .'. notre miniftre. II voulut fairechercher mon bagage & me loger chez lui, ceqne je n'acceptai point, mais je pröfitai de1'ofFre de fa ta'Me , pour le temps de mon féjourdans cette ville, lorfqueje n'étojs pas invitéailleurs. II en agit a mon égard avec unepolitefie peu commune. II me préfenta a tousles miniftres étrangers, pour la p : upart desquels j'avois des lettres de recommandatioide ceux qui réfident a Coppenhague, enfuiteil me fit voir tout ce que Stokholm renfermede plus curieux & me mena dans quelques fociétésparticulières.(*~) Le Cuifinier? Eh notre meilleur ami 2e Cuifinier?Oui Monfieur fans doute vous logerés ici.


C sp;De toutes les lettres de récommandationdont je m'étois muni, celle pour Mr. IVahrendorfgrand negotiant, me fut la plus utite.Sa fille a cpoufe'e le Comte de Rnfr.i grandEcuyer de la reine-, outre les politefl.es quej'en reeus & les connoiflances particu'ieresqu'il me procura, il me donna des adreffes &des re'commandations pour toutes les mines,les forges, & plufieurs villes, oü j'avois deffeinde m'arrêter; il me fit entre-amre faire]a connoilTance de Mr. Grill & de fon aflbciéPyll principaux mtcrefles & cxploiteursde la fameufe mine de Dcmncmora; après mondépart de Stockholm j'ailai pafier quelquesjours a leur terre.Tant de <strong>voyage</strong>urs ont d'ifïertés fur Toriginedu nom de Stockholm, & i'hiftoire du petitbaton ainfi que celle de la fondation decette capitale font fi connues , que je ne vousennuyerai point par une repetition inutile. Jene connois' rien de plus pfttorefque que la vuëdes differentes hauteurs fur lesquejlés la villeeft batie, C*) les rivier.es ou plutöt lespetits bras de mer qui forment de ces hauteursautant d'Ifles jointes par des port'sflottans , la quantité de Vaifiêaux dbnt ceseaux font couvertes, 'les points de vuë dont onf4) Les maifons au bas de ces hauteurs font batiesfur pilotis.F S


(9°yjouït du haut desquais, l'enfemble des maifons,des roes, des eaux, des arbres, fbrmentle coup d'Oeil le plus extraordinaire & leplus fingulier.Vous faye's que la Mer Baltique & le LacMaler syjolgnent par un Canal de i2 m ii -es de long, f o r r n épar Ia nature au mi-S f ;° C \ e r s & q«ü fait au centre de laville le plus beau port qu'on pnjflê imaginercouvert du c6té de la taque d'une quanSmnombrable d'ines ou plutöt de rochels qu'ón«PPelle Smeren &q u irendent cette navigaio nfouvent trés dangereufe, quoiqu'entre ceJlOesÜl^6 a f f e z ^ fond. pour les plus grand"vaiffeaux.de guerre, cependant le dangera u-queUlsy f 0n texpofésa fait tranfporter to «elamnauted eguerre a Carlfcrona oü l e p o r Ceft vafte & fon entree commode.ü n eLefregatte eft de garde devant les Scheeren maisen revange on conferve dans le port de Stockholmune flotte de cinquante galeres.Le Canal dont je viens de faire rn'ention f e.pare la ville en déux panies. La feptentrióutetNorderrnolm)eft fuue'e dans l'rj pi a n d e& ! a M e' r i d i onale(^rm,/; H) dans i aSüdcrmanie.Le chateau qui eft trés grand & quarr-' dommetoute la ville, il eft fuue'dans une Iil eiurune hauteur au milieu du Canal. C'eft eet-


(9i >te Me qui s'appelle proprement Stockholm,& qui donne fon nom a toute la ville. Ce chateaueft moderne, Tanden fut détruit par uneincendie & rebati dans les anne'es 1743. &fuivantes. C'eft un batiment aflez fingulier,trois rangs d'architedure le decorentf TordreYonique, le Cariatide, & le Corinthien. Cestrois ordres font pofe's fur un grand foubaffementbrut, fait en forme de cavernes. II eftplus grand que celui de Coppenhague 5mais dans1'interieur, il n'eft ni ü beau, ni fi magniriquementmeublé.PArfena].Je ne connois rien de fi intéreffant que1'arfcnal, par raport h la quantite prodïgieufede tropbées de toute efpèce dont il eft rempli;ceux dé la fameufe bataille de Nar va,remplilTent feuls une falie entiere; 1'dprit yeft d'abord frappé de 1'efpèce de gloire queGuftave Adolpfe, Charles Guftave, Charles XII,ont acquis a la nation en leur procurant tantde monumentsde leur bravoure, mais bientötce fentiment chimerique fait place a un autreplus reël. Le cceur faigne, en penfant quetous ces drapeaux, ces étendarts, ces tymbales, s'ils font autant de temoins de vicïoiies,le font en'même temps d'événements quiont couts des tréfors que la Suéde ne recouvreraplus, & bien pis encore du fang &des hommes dont la perte ne fera jamais re-


parée , & qui ont entrainés avec eus une dépopulationirréparable, fur tout les victoiresde Charles XII. Malgré cela je n'ai pu yvoir fans vénération la peau remplie du chevdque montoit Guftave Adolpfe lorfqu'il futtué a la battaille de Lützen. J'y vis auffi , 1'habit,le chapeau, lesgants, le fabre, le ceinturen& les bottes qu'avoit Charles XII, ] 0rfqu'uncoup meurtrier foit de 1'ennemi foitd'autre part mit fin a fa héro'ique carrière; 1'étoffede 1'habit eft fi mauvaife, que nous nela trouverions maintenant pas afiez bonne pourun Carporal. Les taches de fang au gant dela main droite & au ceinturon prouvent qu'ilporta cette main d'abord a la bleflure, puis ala garde de fon epée. Je vis dans eet arfenalun monument d'une autre efpèce & quim'infpira un fentiment d'admiration bien différent: c'eft une chaloupe bdtie a Sardam despropres mains du Czar Pierre le Grand, prifepar les Suédois lorfqu'elle étoit en cheminpour être tranfportee a Petersbourg. Ne trouvés-vouspas queTefpèce de héroïfmequi infpirace Prince lorfqu'il fut dans les pays étrangerspour rafTcmbler des materiaux propres a civiliferun peuple.farouche, a la tête duquel ilne fe fentoit que pour lui faire prendre rangdans la clafic d'êtres raifonnables, eft d'ungenre a mériter plus d'admiration, que celui


95 )qui engage les foit-difant heros a faire des conquêtes,oü ils n'e'pargnent ni les tre'fors deleur pays, ni le fang de leurs fujets.J'éprouvai un fentiment de refpect en entrantdans une falie oü tous les Rois , depuis GuftaveVafa ou Premier, e'toient repréfente's engrandeur naturelle, arme's de pied en cap,chacun fuivant le coftume de fon temps, «Scmonté fur fon cheval favori, dont on a confervé& empaillé la peau. Cette cavalcadeeft fingulière, «Sc d'autant plus intéreffantequ'on prétend que les vifages relTemblent,ayant tous éte' moulés fur les originaux , aprèsleur mort. Vous vous rapellés fansdoute d'en avoir vü une a peu prés pareille ala tour de Londres avec cette difference, queles chevaux font de bois & qu'ils ont e'téfaits en hollande.On me montra dans un autre apartementles difFérentes pieces, — comme habits , felles,mords, «Sic. qui ont fervis aux diverscouronnemens depuis des temps immemoriaux;de la vous concluërés a jufte titre quej'y vis quantite de gue'nilles & beaucoupd'antiquailles.Parmi toutes les Eglifes de Stockholm, ün'y en a point de fi belle que la Cathedraled'üpfal, dont je vous parlerai en Tonlieu, fi 1'on en excepte la chapelle du cha-


; ( 94 )teau qui eft grande & riche en marbre. .Elles font en general remplies de beaucoupde rnonuraents; les plus remarquables & ceuxqui m'ont fait le plus de plaifir font celuide Defcartes dans 1'Eglife de Sr. Claire «Sccelui du célébre general Stemboek.LesRois «Sc Ia familie royale font tous enterrésdans 1'Eglife des Chevaliers fituée dans rilledes Chevaliers (Ridderhohn) un des quartiersde la ville.Guftave Vafa repofe dansla cathedrale d'Cpfal oü on lui a erigé unfuperbe monument.La maifon de 1'Opera eft un batimentniagnifique, tout neuf «Sc pour lequel rien n'ae'té épargne', on dit la troupe trés bonne;Je n'ai pu en juger , parcequ'on ne donneaucune repréfentationen éte', a mbins dequelqu'événement extraordinaire, j'en ai entenduchanter le premier Afteur au concertPublic de Coppenhague.II fe nomme Kaften;c'eft un bel homme qui joint a une voixagre'able , du goüt & beaucoup de mufique ileft ne' en Suéde. J'ai afiWk l a C o m e d i ëFrancoife avec bien du plaifir.Le Roi faitbeaucoup de dépenfe pour avoir des bons f u-jets: le premier Acleur fe nommevous ,e> connoftrés fans doute deMonvel,réputationpar difFerentes pieces qu'ilacompofées, f afigure n'eft p a spreVenante, mais fes talens


C 95 )font oublier fa laideur. II eft en grande faveurauprès de Sa Majefte' qui 1'a nomme' fonlecteur. II a la permifiion de porter 1'habit decour, j'y vis auffi notre ancienne M ! ! ePrevot:vous vous rapellere's fans doute de lui avoirvu jouer a la Hayc avec beaucoup d'aplaudisfementle premier röle dans le tragique, aufllbien que dans le comique; ici elle fait lesröles de Meres, tandis que fon mari Mr.Baptifte joue du Violoncelle a l'Orcheftre. Si1'on ne m'avoit pas averd que c'e'toit elie, jene 1'aurois jamais rcconnuë tant elle eft devenuëgraiïe & puiffante ; cependant lorfqu'onme 1'eut dit, je me remis fa phyfionnomieprefque perdue dans un abime de graiffe. Ilsont une fille qui raflemble les talens de la Merepour la re'préfentation & ceux du Pere pourla mufique , auxquels elle joint une aptitudeextraordinaire pour la danfe; c'eft bien domageque tout cela n'eft pas, releve' par un beauvifage, car malgré qu'elle eft bien faite elleeft un monftre de laideur. Peu de tempsavant mon arrive'e Ml , eBaron, qui quita lethe'atre de la Haye, il y a environ trois ans eutle malheur de tomber en voulant e'viter un caroffe, les chevaux la foulerent tellement qu'elleen mourut quelques jours après , malheurd'autant plus terrible, qu'elle ëtoit fur le pointde faire une fortwne éclatante par des arran-


(96)gcmcns qu'elle avoit jprife avec un trés grandfcigneur.La Salie de la Comédie Francoife eft mauvaife,elle me rapella celle de notre cher Cafuariftraat.Le théatre national eft affez joli,on en dit les Acteurs bons, mais faute d'entendrela langue, je n'ai pu enjuger; la premièreActrice eft une Danoife nomméeWaUter, filie d'un fimple matelot & élevée a Coppenhaguedans la maifon d'un particulier; elleeft jolie & elle avoit nombre d'adorateurs;qu'elle fe plaifoit a tourmenter par fes capricesde different genre. On m'a raconte'une iinguliere anecdote a fon fujet.Elle nefe trouvoit pas affez payée en raifon de festalcns «Sc follicitoit une augmentation de penfion: un jour qu'elle en avoit parlée au Roiun peu plus vivement qu'a 1'ordinaire, ilicpondit d'un ton trés fee , qu'il ne lui accorderoitjamais fa requête, & qu'elle devoitfe contenter de fa paye, telle qu'elle e'toit.• Eh bien je demande donc ma demijjioni' • Vous n'aure's ni 1'un ni 1'autre. • .Oh alorsje m'échapperai & fortir-ai du pays,pour n y jamais plus' remettre les pieds. ,C'eft ce que je voudrois bien voir , il n'eftpas fi aifé,de fortir de mon royaume quand jene le veux pas. -Peu de temps après, malgréfes furveillans, elle trouva moyen d'e'chapper


(97 )per & h la derniere pofte elle e'crivit dans le•Dagbok qui Mi fut prefente' par rinfpec~teur;Sire il eft bien 'plus aifê de fortir de vótre royaumeque vous ne vous ' imaginé. Elle donnaordre d'envoyer ce Dag-bok au Roi •, cffecYLvement,pour la rarete' du faitonle luipre'fenta.Elle paffa en Dannemarc, vint excrcerfes talens a Cöppenhague oü elle étoit connuë,'&y fut trés goutée. Elle s'y feroit fixée;maisle Roi, après que fon premier depit fut paffe,lui fit des propofitions pour revenir. Aucommencement elle fit la fiere, mais enfinaprès avoir obtenue la fomme demandëe, elleretourna a Stockholm , pour y jouïr de fonthriomphe & des applaudiflemens qui 1'attendoient.Outre ces trois fpectacles, il y en aencore un quatrieme, analogue a ceuxdes boulevardsde Paris; on n'y jouë que des fcenes.détacbées, des petits Operas & des farces. IIne fubfifte qu'en e'te'; les A&eurs font tire's dela troupe Francoife , & ce font les feconds qui,y rempliflent les róles. C'eft a un coin dela ville, dans un grand Jardin, au milieu duquel eft un pavillon, oü fe donne ce fpectacle.Ce pavillon fut bati par la Reine Chriftine ;qui*>'y divertiflbit, dit-on, en fecret avec fes favoris,& comme originairement il a éte' confacréaux plaifirs, on ne veut point qu'il de-»genère de fa première inftitution. On y amu-G


C 95 >fe le public deux fois par femaine aux jours deyacance du théatre. Le beau monde fe raffemblevers le foir dans ce Jardin pour y jouïrde la promenade, lorfqu'on eft fatigué on vafe repofer au pavillon oü pour fon argent onpeut avoir des .'rafraichiflemens de toute efpèce, entendre chanter quelques airs ou voirjouer quelque fcene réjouïfiante.Academi 3 Vous favés qu'il fe trouve en Suéde unedesScien• Academie des fciences qui réfide a Stockholm ,CCS.elle fut fondée en i7 S 9, fi vous en connoiffésL>s mémoires , vous verrés qu'elle s'occupebeaucoup, de tout ce qui peut contribuer aubonheur de fa patrie, comme s'exprime 1'excellenttradufteur (*) de ces memoires,mais principalement de Tagriculture «Sc de iamechanique', deux branches de fciences d'unenéceffité abfolue dans.ce royaume. Le peu deprogrès que Tagriculture yafaite pendant desfiécles oü des guerres continuelles en depeuplantle païs ont laifiës les habitans dans uneefpèce de barbarie a eet égard , rend abfolumentnécefiaires les foins que 1'on prend pourla remettre en vigueur; déja depuis quelquesannées on en voit naitre les plus heureux effets;plufieurs particuliers encouragés par lesfeUM V K a o" e r P r ° f e < r e U r e n Mathëmatlque Sce j J


C 99 )prix que la fociètê patriotique 6? d'agrkultursdiftribue h ceux qui fe diftinguem dans cegenre concourent è en e'tendre les progrès.II n*y a qu'a voir la Salie des machines pourfe convaincre combien on a avance' dans cettecarrière.Une infinite' d'inftrumens & de machinesnouvelles, inventées ou améliore'es,dont les modèles y font depofe's, prouvent queles peines que 1'on prend a eet égard, ne fontpas infru&ueufes. Outre ces modèles d'inftrumensd'agriculture, on trouve encore danscette faliegrand nombre de modèles pourdes machines dont on fe fert au travail desmines, & dont la conftruction eft fort curieufe.Un certain Polheim, Ingénieur & Mecanicientrés habile, s'eft rendu fameux dans ceroyaume par la quantite' de belles inventionsrélatives aux travaux des mines.Un autreMécanicien, nommé Thunberg, le même quia la diredtion des prodigieux ouvrages de Carlscrona,(dont j'efpère vous parler dans la fuite)homme ïlgé de plns de 80 ans, a inventé aulïïplufieurs machines ingénieufes, tant pour lesmines que pour 1'agriculture, Thydraulique,moulins, &c.L'Obfervatoire eft un trés beau batiment,fort élevé. II eft placé a une extrêmité de la loire.ville au haut d'un rocher: il eft fourni de quan-G 2Salie desmachines»


IOO 5rite* de trés bóns inftrumens d'aftrohomle dé"toute efpèce: 1'Académie des Sciences y tientfes affemblées. :-Le Comte de Teffia fonda en i 739une Académie^peinture & de fculpture; toütes lesannées on y expofe les produdtions de ceuxqui concoUrent pour le prix. j'ya i v u p I u«fleurs ouvrages qui ayoient étë'eouronnés «Scqui m'ont paru aflez beaux; j'ai furtout admiréplufieurs pièces de fculpture, exécutéespaF un/Suédois nomrné % / , qui s'eft for^mé le govlt en étudiant a Rome les chefs d'ccuwedel'antiquité & en France ceux des modernes.Le Roi le prit avec lui 1'année dernièrepour lui donner occafion de fe perfectionner,;en revoyant une feconde fois en Italiëles- beaux reftes d'ahtiquités qui lui ontfervi de'ja pi u sd'une fois de modèle. II eftéleve d'-aa Francois, nómmé VArchevêque, quia laiüe' a Stockholm deux beaux- moreeaux ; defes ouvrages; 1'un eft la ftatue pedeftre de Git*flave Fa/a, habillé a 1'antique avec une longuebarbe; elle eft placée devant fhótel deschevaliers ou de 1'ordre.équeftre; 1'autre effune ftatue équeftre repréfentant Guftave AdoUthe, habillé a la romaine; el les font toutesdeux de bronze; j'ai vu la derrière a 1'atte-I i e r d urfculpteur, elle dolt être placée au een*


tre d'une grande place vis-k- vis du chateau;Cette place n'eft pas encore acheve'e; on e'toitoccupe' a y travailler. Un canal fur lequel eftun beau pont a plufieurs arches la fepare duchateau qui en fait une face; la maifon d'O?pera en fera la feconde, un Palais qu'on batitpour la PrincelTe Albertine, fceur du Roi vis-avisde la maifon d'Opera en fera la quatrieme.acidQuelques belles que font les deux 'ftatxiesdont je viens de parler, les cónnoifieurs admirentcependant encor pus une ftatue e'queftrèqui fe trouve ici a la Place des quatre .Palais;ainfi nomme'e parceque chaque face eft formécpar un feul Palais. Cette ftatue équeftre repré--fente Frederick V père du Roi aétuellement regnant,elle eft de bronze & modcle'e par unFrancois nomme 'Sally qu'on a fait vcriir agrands fraix pour 1'exe'cuter. — Ce fut la com-•pagnie des Indes qui la fit ériger.Parmi • les Peintres dont . fe glorifient lesSue'dois un jeune homme nomme' Vafch rcufiitaffez bien dans le genre du portrait & donneparfaitcment la refiemblance^de même qu'unvieillard dont j'ai "oublié le nom, dont on eftimebeaucoup le paftel. Mr. Rcfatine, qui a lóngtempstravaillé a Rome, eft un artifte dontles talens font au deiTus du commun. IIdonne a fes figures une grace & un colorisG 3


C 102 )charmant, & excelle furtout en draperies,j'ai vu les portraits de toute la familie royalepeints de fa main; mais il me parut qu'il n'étoitpas fi heureux dans les reiTemblances,qu'habile dans la peinture.On me montra dans un apartement du chateaule bufte de la Reine, celui du Roi, celuide la Duchefle de Sudermanïe tous trés reffemblans,& üne Venus faite d'après celle deMedecis par ce Sergel dont je vous ai parle'.La Venus acela de fingulieiv: c'eft que la têteeft le portrait d'une des plus belles femmesde la yille.Un petit tableau en mignature peint par Mr.Höyer peintre Danois orne le cabinet du Roi.II eft aflez curieux; puis qu'il repre'fente 1'entrevuequ'eut Sa Majefte' avec 1'Impératrice deRuffie enFinlande en 1783 ;la compofition& 1'ordonnance ont e'te' dirigées par le Roi luimême& tous les perfonnages,dit-on, reffemblentparfaitement.Je fuis, &c.


C i°3 )LETTRE NEUVIEME.COPPENHACUE ce ... Novembre 1785.M ..:JL'e quai qui borde le port dé Stockholm eftd'une largeur extraordinaire, il a environ unquart de lieue de long ; laquantité inombrable devaifleaux qui y font rangés cóte a cóte, lesbelles maifons «Sc un cóté du chateau qui lebordent, la vuë fur 1'ifle de 1'amirauté rendenteet endroit trés intéreflant.Cette Ifle de 1'amirauté (admiraliteits-holrrr.)qui fait partie de la ville, renferme le chantier,les loges «Sc les magafins pour les galeres,les Cafernes pour le Corps de la marine,des belles maifons, pour 1'admiral North-Anker,chef du port «Sc du chantier «Sc pour d'autresprincipauxofficiers,des magafins «Sec. toutè cótéde cette ifle eft un rocher fort élevé,au haut duqueltombe en ruine une tour antique, qui fervoitautrefois de défenfe au port; on ne la repareplus, depuis qu'on a élevé un fort a 1'entréedes fchéeren. Monfieur V... D... B... me préfentaa 1'amiral North-Anker, officier de méritea qui 1'on doit d'excellens régiemens furG 4


la marine, ainfi q u' u nouvrage trés eltiméfous le tïtre de Traité du befoin qu'on ade la marine (? -defexercice des marmiers, imprió-.e'a StokholnTen i7 7 4/ nm e p e r m i |.d evoir en détail tout ce.que 1'Admiraliteits-holmrenferme & me donna pour me conduire unOfficier qui avoit fervi dans jnqtre. marine, quiparloit hollandois & qui me procura la vuëde tout ee qu'il, y a de remarquable dans eetendroit. ales Ga!éres-fervent a la Navigadon fur le'Lac Maëler & aux fchéeren, ainfi que fur lescötes de la •Eoilabda 'Pour ofer s'en fervir ondoit être afiuré/du temps, 'car elles ne fauroientrefifter.a une haute mer,- ni a une fortetempête. .. On s'en fert principalement pour letranfport des .troupes & cé font alors les foldatsqui rament eux-mémes, puis qu'on n'apoint de chiouTmes ou degaleriens; de tempsen temps qüelquès troupes font obligées de faire1'exercice des galeres pour n'en pas perdre 1'habitude.On en confiruit actuellement après unmodèle venu de Ruffie qui pourront êtredemontées & tranfportées fur d;s vaiiTeauxde guerre pour. s'en fervir dans .des endroits ou.les bas fonds & les rochers rendent Ja navigationdangereufe pour des batimens qui prennenttrop d'eau. Celle oü j-'entrai étoit une galè^ede 50 rames: on l'avolt mife au chanuer pour


ctre radoubéc ; c'eft celle dont fe fert quelquefoisle Roi, dans fes <strong>voyage</strong>s en Finlandé; lesautres que je ne vis point, paree qu'ellese'toient dans leurs loges, font de 44, 40, 36",32 'oü 28 rames: ellcs portent chacune fur ledevant un canon de 24 f§ pour les grandes &de 12 - ts pour les plus petites. II y en aen tout 58; quatre de ces galeres font conftruitesde fagon a pouvoir fervir de fregattesou de galeres fuivant les circonftances. A cetteflotte de galeres apartiennent quelques chaloupespour aller a la découvertc, des pramesarme's de canons, une couple de brigantins,une galiotte a bombes.C'eft augénéral Comte d'Ehrensward, fameuxpar les differentes fortifications dont ila muni la Finlande, qu'on doit la formc & laqualiié des galeres, qu'il a calcule'es d'aprèsles bas fonds &la prodigieufe quantite' d'e'eeuilsdont les cötes de Suéde font revetues.On me fit voir un -Jacht appellé VAmphionavec lequel le Roi fait le trajet, foit en Finlande,foit a Carlscrona , quand il ne fe fertpoint de galeres, c'eft un tres joli batimentqui reflemble en grand a nos Suf'ten • Jachts,mais fans pavillon élèvé; la chambre a coucherde Sa Majefté, celle oü elle dine, un cabinetoü elle travaille, font omées & meubléesG 5


C 106 yavec une richeffe & une élegance pen commune.La garnifon n'eft pas forte k Stokhólm; iln'y a que les gardes a pied, les chevaux'legers, & le corps des Drabans a cheval;corps eft compofe' de jeunes gens tirés despremières families;cedeux d'entre eux efcortenttoujoursla familie royale; la plus grandepartie du regiment d'Artillerie y eft auffi engarnifon.On vit dans cette Capitale commedans toutes les villes de Cour; l e sfpedfcacles,le jeu, les affemblées, les bals fe fuccedenten hyver.Malgré la briévete' de leurs étésles Suédois font grands amateurs de la campagne; dès que la faifon le permet, ils defertentles villes pour aller jouïr de la naturequi dans ce païs fe préfente fous un afpecttouta fait pittorefque; c'eft ce qui fut caufeque je trouvai peu de beau monde a Stokholmles uns étoient allés a leurs terres, &c e u x'qut n'avoient point de poiTeffions, étoient alléspafler la belle faifon a quelqu'eau minerale quiabondent en Suéde.Une grande partie de lanoblefle etoit a Medevi renommé pour fes eaux,elley tenoit compagnie a la Princeffe Albertmeque 1'efpoir d'y rétablir fa fanté y avoitfait aller.Quand ie Roi eft i Stokholm il yv i t^


( 10? ">famitierement avec tout le monde, il fréquenteles aflemblées de la nobleffe & même celles dela bourgeoifie, il fait des vifites comme un fimpleparticulier, «Sc prétend dans ces occafionsqu'on ne falTe pas plus de cérémonies avec luiqu'avec un autre. La Cour eft fort brillante »le Roi n'épargne rien pour la rendre telle; ilparoit furtout aimer les grands fpedtacles. Onfait aftuellement les apprets d'un opera dont ila donné le cannevas, fur lequel on a compoféune piece intitulée Guftave Vafa\ le célèbreNauman maitre de chapelle de l'Eleóteur deSaxe en a compofé la mufique, & un peintrevenu exprès d'Italie en peint les décorations.La Reine eft une grande «Sc belle femme; elleale teint blanc, les yeux bleux, les cheveuxblonds, en un mot, c'eft une beauté Danoife; ellene reflemble en rien au Roi de Dannemarc fonfrère. Comme elle ne voyoit perfonne pendant1'abfence du Roi, je ne pus avoir 1'honneurde lui être préfenté, mais je la vis è lacomédie entourée de toute fa cour en coftumenational; plufieurs fois je Tal rencontrée a lapromenade, elle n'étoit accompagnée que d'unefeule Dame «Sc fuivie d'un Laquai, elle m'aparue tres affable «Sc elle eft fort aimée. Je fusprefenté au Prince Royal , enfant alors de7 ans, extrêmement fluet, mais qui me parut


C 108 )bien e'lèvé &-'avance' pour fon age; 1'habillementSue'dois lui alloit a merveille. II m'adreflala parole en franco's. Son GouverneurMr. le Baron de Sparr eft un.homme trés poli, & qui paffe pour avoir toutes les qualite's-requifes a 1'e'ducation d'un jeune Princedeftine' au tróne. L'on regrette beaucoup lepetit Prince decedé Tannée derniere, il étoitplus robufte que celui - ci, maintenant lefeul efpoir de la nation; le Duc de Südermannien'ayant pas d'enfans, & l ePrince Fréderikn'étant pas marie'. Je ne vis point cesdeux frères du Roi, ils étoient en <strong>voyage</strong> dans1'inte'rieur du pays.L'habit de Cour eft noir, rélève' avec du fatincouleur de feu pour les hommes & pour lesDames. Les jours de gala tout le monde eft en fatinblanc & couleur de feu; tous ceux qui ne vont pasa la. cour , ou qui n'y font pas prefente's portentla couleur qui leur plait; au refte aucune'dameaStokholm porte l'habit national, exceptécelles qui vont a la'Cour, c'eft-a-dire les Damesde la nobleffe oü celles qui y font prefente'esen vertu des emplois de leurs maris ;toutes lesautres font habillées a la Frangoife, ce coftumeeftle même dans.toute la Suéde; il n'y aque les hommes qui partout :portent 1'habillementnational, les femmes ne 1'ont point adep-


'cisji tees, ou fi elles 1'ont adoptécs dans le conitiinencement, elles ne le portent abfolurnent plusI & fe moquent de Tordonnance.II y a quelques promenades publiques k Stok- p romena-gs pubk-di holm, oü le beau monde fe ralTemble le foirues.; pour y jouir de la fraicheur; outre le jardini de la Reine Chriftine, dont je vous aiparlé,; 'il y en a un autre qui eft trés beau : de grandesalle'es de tilleuls forment des magnifiquesberceaux, fous 1'ombre defquels une infinitéde gens de toute efpèce vont & viennent fansdiftinólion de rang; ils y favourent 1'agre'able| ödeur qu'exhalent les parterres de tous les'. genres de fleurs qui bordent ces alle'es; plufieursI bofquets touffus offrent ure retraite a ceux quiennuye's de la foule veulent jouïr d'un moment1| de liberte' & y entendre le gazouilkment desi oifeaux, qui s'y trouvent en multitude. Ilsy font les mêmes qu'èn Hollande, excepte' lerolfignol, qui ne paflè pas Ia Scanië, & quimême ne chante point dans'cette provinceaVec cette vigueur avec laquelle il chante dansles pays plus rhéridionaux.Au bout de la ville dans Tenceinte desFauxbourgs eft une petite maifon de plaifance,appartenante au Roi; fa fituation eft extrémementagréable, elle eft aux bords d'un canal quièondüit au lac Maler, & les bois dans lef-


( no )quels on a menagé des promenades charmantes& des points de vue intérefiants, procurentun agrément infini a ceux que le plaifird'y jouïr de la belle nature y attire; eet endroits'appelle Carisberg, &l e R o i e n p e r m e ÊTentrée indifféremment a tout le monde.Je ne dois pas oublier de vous parler d'unfuperbe Pare qui fe trouve aux portes de Stockholm,& qui procure aux habitans de cetteville 1'agrément d'une promenade fort intéreffante;il eft aux bords d'un des canaux desScheeren. Entre les beaux arbres qui y croiffenton jouït de la vue de quantité de vaiffeauxentrants ou fortants du port, qui doiventdoublet les pointes redoutables des Iflesqui compofent les Schéeren; plufieurs aubergesy procurent au public la commodité des'y repofer, on y trouve toute efpèce de rafraichiflemens,ceux-mémesquifouhaitent d'ypaffer la journée peuvent y diner: Ce pare eftvafte; il eft planté d'arbres de toute efpèce,dont les racines cherchent leur nourriture'dans 1'entredeux des rochers. Dans i'enceintede ce pare eft un pavillon, ou plutót unepetite maifon de plaifance, dont le Roi a don-Bé 1'ufage a Mr. de Sprengporten, le même


( III )de la fameufe revolution; il eft age & maladif;il a deux freres: Tun eft envoyé extraordinaire,(*) a la Cour de Dannemarc &1'autre eft paffe' au fervice d'hollande. (f)A Textrêmite' d'un autre Fauxbourg fontdes eaux minerales auxquelles on attribue qutlquevertu; j'y vis plufieurs buveurs qui n'avoientpas de quoi aller a d'autres eaux plusfameufes. II vous paroitra peut être furprenant,que dans un pais fitué auffi prés dupole on cherche la fraicheur, «Sc vous aurés dela peine a me croire, fi j'ajoute que dans lesmois de Juin «Sc de Juillet on y efiuye deschaleurs infuportables. Le foleil reftant prefquetoujours fur 1'borifon «Sc ne baiflantque fort peu au defibus, échaufiè fi fort 1'atmofphere,qu'on y eft expofé alors a des chaleursd'autant plus brulantes que les rochersen augmentent encor 1'ardeur par leur reflection.A la ve'rite' le frais qu'on y refpire lefoir eft quelquefois un peu exceffif. J'ai remarquéque plns* il fait chaud pendant la journée,plus il fait froid lorfque le foleil a gagnéles bornes de 1'horifon qu'il rafe affez lóngtempsavant que de s'y cacher cntierement af*} II. a été nommé Ambaffadeur a cettt même coaren 17SS.,(,t) I 1 e f taöueUement au fervice de Ruffie.


Drotningbolm.C 112 )caufe de 1'obliquité de fa marche dans cettee'levation du pole.Pendant tout le temps que je fuis refte' aStockholm , il y a fait affez clair a minuitpour y pouvoir lire la plus petite écriture fansfe fervir de bougies. Ce jour pour ainfi direcontinuel eft un grand agrément pour ceux quiveulent voir & parcourir dans cette faifon lespays du nord.Je fus voir Drotningholm (Ijle de la Reine)chateau a 2 milles de Stockholm, oü la courpaffe ordinairement Téte' quand le Roi eft enSuéde; il eft fitué au bord du Lac Maler qu'ilfaut paffer dans des petits bateaux a voile poury amver ; quoique 'dans eet endroit le Lacfoit extrêmement étroit &m n> a t o u t a uplus qu'un grand quart de U'euë de lareecependant lorfqu'il fait beaucoup de vent ouque le temps eft mauvais, cette petite navigationexcite fouvent la mauvaife humeur desnmiftres étrangers & des autres perfonnes,lui font obligées d'aller une counle de fois p aJJ.


C 113 5faire fauter des rochers pour aplanir le cheminqui conduira a ce pont, &c.Ce chateau eft fort beau; outre plufieursapartemens richement meublés, il renfermeune belle bibliothe'que, un cabinet d'hiftoirenaturelle, un de medailles antiques «Sc modemes, une colleftion d'antiquités tréspre'eieufe «Sc plufieurs bons originaux desmeilleurs peintres Italiens, Flamans , Hollandois,«Sec. Le tout a e'té rafiemblé par feula Reine - Mere , fceur du grand Frederic ,Princefiè qui joignoit 1'e'levation de 1'ame,héréditaire dans la maifon de Brandebourg ,au goüt des arts «Sc a 1'étude des fciences;elle a fait beaucoup de dépenfe pour fe procureren différens genres des colleótions tresbelles «Sc trés complettes. Cette PrinceiTe inftituaune Academie de belles lettres qui pendantfa vie tenoit fes féances a Drotningfcolm.Les Jardins font aflez bien arrangés, maisil y regnc un peu trop de regularité; ilsfont vaftes «Sc contiennent quantité de bellespromenades , l'on y remarque furtoutun quartier nommé Canton; tout y eft arrangéa la chinoife. Un grand pavijlon entouréd'une douzaine de petits, a 1'air d'unehabitation de Mandarin ; il y a des Sallesde jeu, de fouper, de danfe, de repos,H


( K 4)en un mot, chaque pavillon k fa deftihation.Dans un des petits fe trouve une forge completteavec un attelier & 'tout ce qui en depend;le feu Roi y venoit fouvent avec quelquesuns de fes favoris , exercer le metierde Serrurier qu'il aimoit beaucoup, & danslequel, on dit, qu'il excelloit. Tous ces pavillons, excepté celui dont je viens de fairemention, font meuble's de tout ce que la Chinea jamais 'produit de plus beau. Le Roi ydonne quelquefois des fêtes & alors pages,valets de chambre, laquais tout eft habilléa la Chinoife.Ce qu'on'doit le plus admirer a Drotningholm;c'eft le contrafte lingulier des rochersles_ plus incultes qui 1'entourent, avec lesbeaux arbres & les belles fleurs qu'il renfermc.Je fuis, &c.


( 115 >LETTREDIXIEME.COPPENHAGÜE ce ... Novembre 1785;M . . .']F ya ville de Stockholm renferme d'excellensj; jétabliflemens , «Sc qui font honneur a 1'humani-If té: elle contient deux maifons d'orphelins, &une d'enfans trouvés; les deux premières torentfondees en 1732 «Sc 1755 aux depens1 ,de la ville «Sc la troifieme en 1753 par les1 francs-macons; une maifon deftine'e a 1'ino-1 culation gratuite, deux autres pour les acjcouchemens ; 1'une de ces deux fut fondée en| I774,parle medecin Ramflrom a fes propres depens; la focicté patriotique penetrée des avan-; tages qui peu vent en réfulter pour 1'Etat, fei chargea peu après de fon entretien. Le Magiftrata imité un fi bel exemple, il a fondé lafeconde, on y recoit un certain nombre defcmmes enceintes qui y font foigne'es «Sc nourriespendant tout le temps de leurs couches,on y a également foin des enfans nouveauxnes, fi les naeres font hors d'état de les nourrirelles - mémes. Outre ces établiffemens, il enH 2


C n5 >exifte un autre dont les vues louables aurquelleson en doit la fondation, ne fauroit êtreaffez appre'cie'es : je veux parler du College deMedecine que le gouvernement a établi en 169 8;ce college compofé d'un Préftdent de fix Affeffeurs,de trois Profeffeurs, de deux Adjoints,d'un Sindic & d'un Secretaire, réfide dans lacapitale; quarante medecins fubordonnés a cecollege font répartis dans differentesprovincesoü ils font chargés de foigner les pauvresgratis ; ces medecins font gagés par1'état , qui paye aulïi les medicamens «Sc engeneral tous les fraix que les differentes maladiespeuvent occafionner: les fondsnéceffairesè cette depenfe fe trouvent dans unelégere retribution du public fur chaque Kannede vin ou d'eau de vie, qui fe confume 6c furchaque livre de caffé, qui paffe par la douanne;Je ne dois point paffer fous filence 1'établiffementformé en 1774,e" faveur de ceux chezqui des plaifirs illicites font fuivis d'un cruëlrépentir.Mr. Halman un des médecins dela Cour s'eft chargé de guerir gratis ces efpècesde maladies «5c trois Apothicaires fe fontengagés a fournir les medicamens néceffaires,au prix qu'il les ont payés eux-mêmes.Outreces differens établiffemens dont je viens deparler, Stockholm renferme encore des hopi-


IC "7 )i ta»x pour des malades, & quelques maifons"| de charité.i' Les reflexions que vous faites au fujet deI 1'hofpitalité des Sue'dois ne fauroient être plus| juftes; ce païs a caufe de fon local, fafitua-I tion, fon climat &c. n'eft pas fait pour deve-1 nir le rendez-vous d'un grand nombre d'étrangers,nilepaiTage de beaucoup de <strong>voyage</strong>urs; uncurieux qui <strong>voyage</strong> en Suéde uniquement poury <strong>voyage</strong>r & pour connoitre le pays eft unphenomene, qui s'y voit trés rarement: ainficomme vous le remarquez trés bien, on e*ftfort peu fujet en Suéde a être la dupe d'avanturiersou d'efcroes, & la défiance n'a pu detruire1'hofpitalité , qui parck être une vertuprimitive de 1'homme. Ce qu'il y a furtout: d'agréable dans ce pays, c'eft qu'a 1'hofpitalité; commune a toute la nation, les' gens de diftindtionajoutent beaucoup de politefie, desmanieres aifées «Sc un ton fort agréable.Quant a ce que vous dites: Que vous n'air.meriês pas a <strong>voyage</strong>r dans un pays auffi deferti 6 auffi Jlérile, vous avés eh vérité la plusgrande raifon du monde, rien de plus tédieux nide plus défagréable a la longue que ces immenfesforetsde fapins; au premier coup d'ceil lahauteur prodigieufe de ces arbres , mêiès debouleaux d'une grofieur étonnante & la largeurdes routes a travers ces énormes forê'.s , frap-H 3


C "8 >pent l'imagination; mais & la longue, la monotoniede la même verdure & la foinude quiy regne infpirent 1'ennui & la melancholie; detemps en temps on fe fent un peu ranimé pardes vuës extrêmement pittorefques, que la variété'des bois , des lacs, des rochers & des rivièresprocurent:mais, la plupart du tempsces vuës font ü fauvages & fi dépouillées detoute habitation , que l'on fe croit feul dans lemonde, & cette variété même a jou te encore ala triftefie qu'on refient.Quoique ces forets,furtout celles de la Datecartie, abondent en betesfauves, je n'en ai cependant vu que fortpeu; les Elans, les Ours, les Renards, fetiennent dans les endroits les plus écaftés &les plus inacceffibles aux chafleurs qui leur fontfouvent la guerre; j'y ai rencontré deux foisdes renards a moitié blancs & quelques lievresde la même couleur; quelquefois auffi j'ai vude loin des troupes de Cerfs & de biches paitreentre les triftes troncs des.fapins & fe nourrirde la moufie, feule verdure qui croit fur cesfteriles rochers.Je partis de Stokholm Vendredi— Juillet è *heures, après avoir préalablement diné eirezMr. V. . . D. . . B. . . qui eut la poiiceflede me faire conduire dans fon équipage jusquejhors des barrières de )a ville, afin d'eVüerdes formalités toujours ennuyantcs peur lesVoyageurs.


C "9 5ProvinceJe fuscoucher a Upfal {Upfala) Capitale(P Uplanie.de 1' Uplande, réfidence du gouverneur de cette ,Jpfal.province & célèbre univerfite'. Cette ville efta 7 milles de diftance de Stokholm; je fis cetrajet a travers un pays bien cultive', & oü ilcroit les plus beaux grains, principalement de1'orge & du fcigle; j'y arrivai a onze heuresdu foir, au moment qu'un Orage épouvantablecommencoit a gronder, & que j'evitai heureufementen arrivant a temps a 1'auberge, oüje trouvai un bon lit &*un bon fouper,. gracesaux foins de Mr. V. . • B. . .B. . . quiavoit eu 1'attention d'y envoyer un exprès afinque j'y fuffe bien traite'.Monfieur Mufchin Puskin, miniftre de Ruf»fie en Sue'de, que vous ave's eonnu a la Haye,Sc dont le nis a e'tudie' a Upfal, m'avoit donnédes lettres de recommandation pour Mr. Menanderhielm, profefteur en aftronomie ;j'cnavois de Mr. Wahrendorf, de Mr. Grill &d'autres pour le profefteur Linnausfils du ce'-lèbrë Linnmis, pour Mr. Afzelius démonftra--teur en chimie Sc pour le bibliothecaire Mr.Viknius.En entrant a Upfal je ne pus me défendred'un fentiment de plaifir, de me trouverdans un endroit oü le fameux Linnisus avoitrcfidé, & d'oü fcn favoir bothaniquc avoit répanducomme d'un centre,- fes rayons lumi-H 4


C 1=0 )neux fur la furface de la terre. Un petit fentimentpatriotique s'en mela; je me rapellaiavec complaifance, combien ma patrie avoitcontribueë a perfecïionner le favoir de ce grandhomme; je fentis la reconnoiffance que lesSuédois en general & lüniverfité d'üpral enparticulier doivent au fameux Boerhave fouslequel il fit une étude aprofondie de toutesles plantes & de tous les fimples qui croiffenten hollande; ainfi qu'a Mr. Clifibrd qui contribuafigénéreufement a'lui procurer les occaiions& les aifances neceiTairesacette étude;je me perfuadai que cette reconnoifiance préparoitd'avance un acceuil favorable a tout hollandois,qui arrivé a Upfal.Le lendemain de mon arrivée je n'eus riende plus prefle' que d'envoyer mes lettres a leursadreffes en faifant demander, a quelle heureil me feroit permis de faire ma révérence a cesMeffieurs.Le fils de Mr. Menanderhielm &Mr. Afzelius vinrent un moment après, lepremier pour me dire que fon père étant indispoféavoit profité des vacances pour prendreles eaux minérales a Saterbron, dans les monfagnesde la Dalecarlie; qu'en fon abfence ilyenoit s'offrirpour me rendre les fervices,q u ej'aurois pu attendre de lui. Mr. Afzelius fortpoliment me dit auffi que je pouvois difpoferde fa psrfonne; jacceptai leurs oflres avec


( 131 )plaifir, ils commencerent par me mener b. labibliotheque, après avoir envoyé un meiTage aMr. Vilenius bibliothecaire avec rang de prcfefieur;celui-ci vint a ma rencontre, «Sc me 1Biblioleque.mena dans deux grandes Salles ou la bibliothequeeft depofee. II me dit qu'elle conlïftoit en40 mille volumes, «Sc que la clafle la plus complettee'toit celle de la Philofophie; aux deuxbouts de ces Salles font pofe'es les ftatuesde Guftave Adolphe «Sc de Charles XI, principauxreftaurateurs «Sc protecteurs de cetteUniverfite', qui fut fondée en 1478. Guftave.Vafa lui accorda plufieurs privilèges & y attachades fonds, elle tomba en decadence fousles règnes fuivans, jufqu'a Guftave Adolphe quila relèva & qui lui fit prefent de toutes les bibliothequesfruits de fes vi&oires, «Sc qu'il fittoujours épargner dans les villes que fes arme'esfaccagerent; Charles XI lui accorda encorequelques be'néfices «Sc privileges.J'y vis un grand coffre rempli de manufcripts;il en renferme un qu'on eftime beaucoup; c'eft le Code argentin, ainfi nommé?paree qu'il eft e'crit en lettres argentéts furduparchemirï-, il date duquatrième fièele; c'eftune tradudüon en langue Go:hique des quatreEvangeliftes par 1'Evêque Ulphihis; parmi cesmanufcripts on conferve le journal du Roi EricXIV, fils' de Gufiave Vafa ; ce maiheurcuxH 5


C 122 ) -'Prince qui rnourut en prifon au chateau deGripshotm empoifonné par fon frere étoit fortfuperftitieux, même jufqu'a la demence; auffivoiton dans ce journal è la tête de chaquejour de la femaine quelques fignes du Zodiaque& pufieurs caraétères hiéroglyphiques. Onme rnontra le premier livre qui f ut i m p r i m é £ QSuéde, 1'annéeI 48 3 ;fon y conferve auffiune armoire faite a Ratisbonne, dont cetteville fit prefent a Guftave Adolphe, elle eft trésbien travaillée en marqueterie, vu le tempsou elle fut faite, elle renferme une belle Agatheartiftement peinte des deux cótés & plufieurscuriofités, plus dignes de la fachriftied un convent, que d'une bibliotheque d'univerfite;telles q u ela bourfe de Judas, une despieces d'argent qu'il recut pour trahir nötreSeigneur, des^pantoufles de la St. Vierge &ctémoignantau bibliothecaire ma furprife de'trouver de pareilles reliques dans un endroiïcomme celui-ci, il m'avoua en riant que lachófe étoit effecnvement ridicule; mais dït-Ücomme elles ont été données avec 1'armoireon ne peut pas bien les feparer; il tira auffid on petit tiroir de cette armoire un noyaucerife éyüidé, dans lequel étoit renfermé unCaroffe a fix chevaux, avec cocher, pöffiffdrf,laquais & deux perfonnages dans la voiture'ouvragè fait en ivuire par le fameux eér.éral'


C "3 )Banér (*), cequi prouve que les grands talensde la guerre, ne font pas incompatiblcsavec ceux qui pcuvent amufer dans la folituded'une vie privée.Un cabinet de medailles,monument complet de 1'hiftoirc de Suéde orncces Salles, & parmi plufieurs portraits, on ydiftingue celui de 1'Archevêque Troile un desplus grands antagoniftes de Guftave Vafa.la bibliotheque je fus a l'Obfervatoire;DeMr.Profperin qui jouït du titre d'Obfervateuren a la dire&ion pendant 1'abfence de Mr. Menaderhielm;jamais obfervatoire ne peut êtreplus mal fourni que celui-ci.Graham, un quart de cercie, unUne pendule detelefcopegrégorien & une lunettede Dolond de 20 piedsde longueur font les feuls inftrumens qu'on ytrouve, fi l'on en excepte trois tubes de ferblancs, qui ont fervis a Meffieurs de Maupertuis,Celfius, Outhier &c. lorfqu'ils furent aTorneo pour faire la fameufe opération de lamefure des dégrés du Meridien , 61 qu'on confervea leur mémoire.Je ne pus m'empêcherde voir avec intérêt ces inftrumens qui ont 20a 30 pieds de long & quifervirent a ces grandshommes pour une opération auffi pénible qu'intéreffante.Mes deux condufteurs me menérent er.fuite'Obfervatoire.Jar.lin botr.aaicue.£*) Nous prononcons Banier,


C 124 3chez Mr. Linnaus (*), 4q u i j e p r s T e m a i m aJettre; il me recut avec beaucoup de politeffe,me mena dans fon jardin, dontil medit que .'arrangement étoit exaftement le mêmeque du vivant de feu fon père. Je ne fuispas affez connoiffeur pour juger jufqu'a queldégré de perfeólion la colle&ion de plantesy eft pouffée, mais comme elles font encoretoutes reftées du temps du fameux profeffeur,la collection n'en peut-être que trés précieufe!II faut infiniment de foin pour les conferver;& quantite' de plantes qui chez nous fuportentle grand air, demandent ici des ferres, &dans ce climat froid n'en fortent jamais.Ce jardin eft entierement arrangé a la hollandoife,entouré de tilleuls & divifé par desiayes fort proprement tondues: il eft environune fois plus grand que le jardin bothanique,que vous avez a la Haye. Je ne vous diraipas grand chofe du profeffeur Linnsus aétuel:il fut en Hollande il y a deux ans & vous pouvés1'y avoir vu. II paffe pour n'avoir ni lestalens, ni le genie de feu fon père, en revange, il a une fceur qui fe diftingue dans 1'étudede la bothanique ; elle a publiée quelquesunesde fes obfervatioris, qu'on eftime beaucoup.C*j II en mort dans fe courant de Ia même année.


( 125 5Pres du jardin bothanique eft le Cabinetd'hiftoire naturelle, qui eft en grand defordre& trés mal fourni. •On regrettoit beaucoup Mr. Bergman pro-;feffeur en chimie qui eft mort 1'année derniere:c'étoit un favant du premier ordre & les Suédoisfe glorifient d'avoir poffedés un hommede fon favoir; on me permit de voir fon cabinetqui exifte encore & qui eft trés curieux; Mr.le profeffeur Menancïerhielmjouït auffi d'une; grande re'putation, j'ai fait enfuite fa connoifimonde, & depend de la ce'lebrité des prolifance a Saterbronn, oü il prenoit les eaux.Lorfque je fus a Upfal on y comptoit 7 a 8cent e'tudians, parmi lefquels fe trouvoientbeaucoup de Ruffes; le nombre des e'tudians yvarie comme dans toutes les univerfite's dufefièurs, qui y font attachés.Vous favés qu'il y a trois univerfite's ei 1Suéde, dont celle-ci eft la principale; le 3deux autres font Abo dans la Finlande , SLund dans la fcanie; cette derniere eft particulièrement renommée pour 1'étude de la théologië , comme j'y ai été, je vous en parlerciaplus au long, lorfque mon journal m'y auiconduit.Si Upfal eft célèbre pour la fource oü l'opeut puifer le germe des fciences, elle n'eiCabinetd'h.'ftoirenaturelle.Cabinetde Chimie.1 A.ntiq\iirtés.


( 125 )pas moins fameufe pour les antiquite's qu'ellerenferme dans fon enceinte, ou qui fe trouventdans fes environs. Vous favés que dans lestemps reculés cette ville fut la réfidence desRois jufqu'au 13e. fiecle. On voit fur unepetite hauteur dans un coin de la ville les reftesde 1'ancien palais, ces ruines qui n'ont pas lamagnificence, encore moins 1'élégance de cellesde la grèce, atteftent cependant que ce palaisfut d'une circonference trés grande & quepour un temps & un pays alors égalementbarbares, il doit avoir été fort beau dans legout gothique. Une incendie acheva d'en dé*truire une grande partie au commencement ö>ce iiecle; on en a rebati un cóté en pierres;il fert de logement au gouverneur de Ia pro-'vince & contient des caves oü l'on a établi lesprifons.La Cathedrale eft un batiment qui a touségards mérite 1'attention des curieux • c'eft ] aplus belle églife de la Suéde: autrefois les Roiss'y faifoient couronner; maintenant ils ne lefont plus; Ia Reine Ulrique Eleonore, fceur cadettede Charles XII fut la derniére qui y f ubitcette cérémonie, & j ep r i n c e F r e d e r k &HeJJe fon époux fut le premier qui fe fit couronnera Stokholm. Parmi la quantite' de tombemixqui décorent cette églife on y remarque


( 127 )celui de Guftave Vafa ou Premier; il eft reprefente'couche' de fon long en habit a 1'antique;fes deux premières femmes font a fescóte's (*); on y voit encore le tombeau du fameuxchancelier Oxenftiern, celui de Catherinede Jageüon fille du Roi de Pologne, époufei du Roi Jean III fils de Guftave Vafa. Les eendresd'Eric IX dit le Saint re'pofent dans unechaffe d'argent reprefentant la Cathedrale; elleeftplace'e au cóté droitdel'autel derrière uneI grande grille de fer. II fut tué dans une ba-|. taille qu'ii livra aux Danois tout prés d'üpfalen 1160. II fut d'abord enterre' a Gamte Up~fala, dont je vais vous parler; enfuite on letranfporta dans la Cathedrale d'üpfal oüII l'on de'pofa fes os dans cette chafle. On me1 montra un vieux tronc d'arbre qui refiembloitplus a une mafliie qu'a une ftatue, cependantj on m'aflura que c'e'toit celle d'Odin, adoré enfuitefous le nom du Dieu Thor.Ce morceau de bois au haut duquel eftfculpte' quelque chofe, qui reffembte a un vifage,fut aporté ici après être tombé de la nichedans laquelle il étoit placé a la tour de 1'églifede Gamte Upfala.(*) Catherine, fillede Magnus Duc de Saxe Lauwenburgmère de 1'infortuné Eric XIV.Marguerite, démoifelle Saédoife de 1'üluftre maifon deleydahufwud.


( IA* )Vieux:Upfal.Je m'attendois a trouver quelque monumentqui aiteftat la vénération que les Sue'dois ontpour feu le célébre profeffeur Linnasus, maisje fus trompé dans mon attente, je demandaia mon conducïeur, ou étoit le tombeau de cegrand homme;Le tombeau, me repondit-il;il n'en a point, on 1'a enterré quelquepart dans cette églife, mais je ne faisp a s 0Ü;la deffus il fe mit a chercher de tout cóté &moi avec lui; nous luwes toutes les infcriptionsqui fe trouvoient fur le pavé. Enfin nousdécouvrimes une pierre a moitié cachée p a run banc, fur laquelle étoit gravé: Hic facetLinnens Profeter, ÖV. (*)f a n s c a r„ a e r e^ftmétif.fansqu'un fimple bourgeois.infcription rélative, niplus ni moinsun peu fcandalifé: Par bonheur,J'avoue que' j'en fusdis-je, ils'eft érigé Iui-même un monument par fes ouvragesqui feront immortels & de plus de durée,que le marbre qu'on auroit employé a luieléver une ftatue.Gamte.Upfata, ou Vieux- Upfal, car Gamleveut dire vieux, eft a une lieue


( 139 )| fitue'es fur une hauteur entoure'e d'une quantitéprodigieufe de monticules petites & grandes,rondes, faites fans doute par maind'homme.La tradition dit que fous quelques unesde ces monticules repofent les reftes des anciensRois, tandis que quelques autres fervoienta faire des facrifices aux Dieux du paganifme.On pre'tend auffi qu'avant la naiffancede Jefus Chrift, ii exiftoit la une(ville oü réfidoient les Rois de ces temps reculés;il n'en refte aucune veilige. On yi.voit cependant un monument d'antiquite'affez curieux, c'eft 1'Eglife a laquelle eft altache'eune tour quarre'e : cette tour, dit-on, 3: e'te' ba de par Odin, environ cent ans avant1'Ere chre'tienne.Vous fave's que eet Odin fitla conquête de la Sue'de a la tête dün peuplequi vint des bords du Don ou du Boristhene ;cette tour eft baffe: elle eft batie de pierresde c'namp; 1'e'glife qui y eft attachée eft delamême efpèce de pierres, mais beaucoupplus moderne,n m e fiècle.puifqu'elle ne date que duA une demie lieue de la, je vis encore unautre monument d'antiquite' nomme'Morafleen;" ce font des pierres brife'es entaffées dans unchamp, oü les anciens Rois étoient obligés demonter pour faire ferment au peuple; on lesportoit de la fur des boucliers dans leur pa?'ï


( I30 )lab. On voit fur ces pierres, des marqués $moitié effacées , qu'on dit être amant de nomsdes Rois qui y font montés & des reftes deleurs armoirics ; on a eonftruit une huttedans laquelle ces pierres'fe trouvent renfermées.. J'oubliois de vous dire que dans J'églhe deCamle üpfala on me montra 1'endroit d'oüTon a tire les os d'Eric le faint, dont je vouSai parlé. On voit prés de eet endroit au hautdumur, fous la voute, une ftatue informe, jadisdorée, qu'on me dit être une repréfemationde cette Sainte Majefté,. mais cette ftatueme parut être plutót le chef d'ceuvre de lamaiadrefle moderne, que 1'ouvrage d'une dévotionantique: tout a cóté contre'la muraillede la tour on me fit remarquer la niche oüavoit été placé ce vieux tronc d'arbre repréfentantOdin dont je vous ai parlé.Après vous avoir décrit tout ce qu'Upfalarenferme, je dois auffi vous donner une idéé dela ville; ce fera bientót fait: elle n'a ni remparts,nimurailles, ni portes, prefque toutesles maifons y font de bois, excepté celles del'Archevêque, 1'Obfervatoire , la maifon deville & les églifes; elle eft petite & peut |vtië de pays .contenir.3è 4 mille habitans 1file eft fitue'e dans une belle plaine, bien cu!-t!vee_, au_ bord de la petite rivière Fyris qui.


la partage en deux du Nord au Sud; la partieoriëntale fe nomme Upfata, & 1'occidentaleFierdtng; ne faifant aucun negoce elle fubfiftepar 1'univerfité & par la réfidence du Gouverneur& des colléges formants le Gouvernementde 1'üplande; parmi les coutumes particulieresa cette ville, j'en ai remarqué deuxaffez fingulieres: 1'une que tous les habitansfont obligés d'entretenir de chaque cóté de laporte de leurs maifons un grand tonneau remplid'eau dans lequel trempe continuellementune branche de fapin pour y conferver la fraicheur:cette eau doit fervir en cas de feu.Ces branches donnent un air riant a toutela ville. L'autre: que non feulement de nuitmais auffi de jour,un homme fe promereau haut de la tour, pour avertir lorfqu'ilJ\oitdu feu & afin qu'on foit bien fur qu'il efta fon pofte, il eft oblïgé d'annoncer par unporte voix chaque hcure & demie heure queles cloches viennent de fonner , exellente pre'-caution dans un pays, oü les maifons étant de'bois, le feu peut dans un inftant y faire de.terribles ravages.Ayantcontenté ma curiofité k Upfal, jecontinuai mon <strong>voyage</strong> & partis pour les Mines;dont je me referve a vous parler dans ma prochainelettre, en attendant je fuis,&c.I 3


LETTREONZIEME.COPPENHAGÜE ce .. . Decembre 1785.M .-. .En quittant Upfal, je pris la route tfOfterbyterre «Sc forge appartenante aMeffieurs Grill «ScPyll a huit milles de cette ville. Ils m'avoientinvités d'y venir loger; j'arrivai a Ofterby versles fept heures du foir après avoir traverfe' uneforet d'une affez grande étenduë; je me fisdabord mener chez le Chivergoor a 1'auberge:j'y laiffai ma voiture & mon domeftique & fusa la maifon feigneuriale oü Mr. Pyl fe trouvoitactuellement. II me recut avec toute la politeffeimagmable, envoya chercher ma voituremon bagage «Sc mon domeftique , il me prefentaenfuite a fa femme; elle étoit occupéeh prendre du thé avec une vingtaine de perfonnesdes deux fexes tous habillés de noir;j'appris que c'étoient autant d'Ofheiers «Scd'employés des mines qui, avec leurs époufes,yenoient tous les dimanches en habit de ceré-


33 )I monie pafièr la journée chez leur Patron,} (*) Madame Pyl me recut fans fagon, mais3 polimcnt, & comme une perfonne accoutu-1 mée a voir des Etrangers; après le thé fonr. mari me mena a 1'apartement qui m'étoit deftiiné, puis m'ayant laiflë le temps de me ra-< fraichir & de m'habiller, , il vint me prerdrepour me conduire au Jardin, oü je trouvaitoute la compagnie raffemblée: ce Jardin re-:j ;pond a la beauté de la maifon, il eft entieren.mentarrangé a la Hollandoife: je fus furprisjji d'y voir des beaux orangers, citromiiers & autresarbres des climats chauds, en caifle,'i mais ma furprife cefla lorfqu'on m'eut dit1 • qu'ils ne reftoient expofés en. jplein air quetout au plus pendant fix femaines & que lerefte de 1'année ils étoient renfermés dans desferres ou par le moyen de fourneaux on leurdonnoit la chaleur néceffaire; je n'y ai vuni pêcher, ni abricotier ep plein air, le Jardinierqui a appris fon metier en hollande,comme la plupart des Jardiniers Suédois me•*ti.,i i iii'Z'Jot 12^-itfioi jnÊyjB zoiüjü(*) Patron des mines eft un titre qu'on donne enSuéde a tout particulier qui a une forge établie dansj fes terres & qui a une portion dans les mines ; Ön don-I ne auffi quelquefois ce titre fimplement comme un titred'honneur; tel eli encqr celui de Eifcal des mines, CCBfeitierdes mines & autres.I 3


^ 134 O• dit qu'en échauffant les ferres en hyver on pouvoitbien parvenir a les conferver, rriême a lesfaire quelquefois fleurir, mais qu'ils n'y portoientjamais des fruits. ! •Le fouper füt gai, le ton de bonhomie quiy regna eft fans doute préférable au ton d'élegance.& de politeflè fimule'e qui regne ordinairementdans le grand monde ; tous ces officiers& employés des mines me parurent lesmeilleures gens du monde, & quoique je nepris guere part a leur converfation, n'entendantpas la langue, je crus pouvoir lire furkurs phyfionnomies, que les qualités d'un boncceur étoient chez-eux la bafe afiurée de leurbonheur ; je me trouvai fort heureuremectplacé entre le miniftre & fa femme; celle-ciparloit allemand & fon mari un peu francois;ils me firent une defcription fi enthoufiafmée'du bonheur dont joüüTóient les habitans é ? Ófterbypar les foins paternels de leurs feigneurs& patrons, que je ne pus m'empêcher de°prendrela plus grande idéé de mes hötes. Dixheures ayant fonnées, tout le monde fe retira.On m'avertit que le lendemain matin afept heures le rendez-vous general pour déjeunerétoit dans la même falie oü nous venionsde fouper: je me conchai trés content de lareception de mes hötes; ie lendemain a fept


( 135* )heure je trouvai de'ja Madame occupée a préparerle thé; un moment après arriva fon mariavec un confeiller des mines & fon fils.Monfieur Pytl eut la complaifance de vouloirm'accompagner lui-même a la mine de Dahnemora,diftante d'une demi mille : il fit attelerfa voiture & me mena d'abord voir la rouë,qui met en mouvement toute la machine hydraulique,dont onfe feit pour tirer continuellementles eaux hors de la mine; fans cetteprécaution elle feroit bientöt inondée. Cetterouë k 44 p. de diam. & il ne faut pas la chuted'un pied d'eau pour lui donner du mouvement;elle fait mcuvoir une chüine de bois defapin, longue de 6000 p. qui après avóir pompée1'eaü hors de la mine, la fait couler le longd'un aqueduc pendant 1'efpace de 5CC0 p.La mine eft entierement ouverte par le haut,& cette ouverture a pour le moins un quartde lieuë de tour, de forte que du bord on peutvoir ce qui fe paffe au fond, quoiqu'elte aitplus de 300 p. de profondeur; toute Couvertureeft environnée dans fa circonference demachines garnies de pivots & de poulies,chacune desquelles eft mife en mouvement parquatre chevaux: elles fervent a monter & descendreles outils & les matériaux néceffairesau travail, quoique depuis quelque temps onait fabriqué des echelles & des degrés pourI 4


C 130- )defcendre daas la mine, cependant les ouvriers,hommes & femmes préïerent de fe fervirde ces tonneaux malgré les frequens malheursqu'ils occafionnent. Cette effrayante'facon de <strong>voyage</strong>r en 1'air, leur devient fi familierequ'ils ne fe placent jamais dans le fonddu tonneau, mais fe tiennent de bout fur lehord en s'acrochant d'une main a la corde aubout de laquelle eft attaché le tonneau, 1'empêchantde 1'autre de frotter ou d'accrochersu roe, ce qui fans cette préegution pourroir,le faire tourner & renverfer; j'avoue que jene pus voir fans fremir ces gens fufpendus entreciel & terre a cette effroyable hauteur, &malgré ma curiofité pour voir Ie fond dé lamine, je ne voulus pas m'y hafarder; d'autantmoins qu'on me dit qu'a celle de Fahlun ou. jeme propofais d'aller, je pouvois entrer d'unefacon beaucoup moins perilleufe. J'apprisq u epeu de temps avant mon arrivée une jeunefille montant de cette facon toute feule &nayantpas bien dirigé le tonneau fur l ebordduquel elle fetenoit, il fe tourna s e' tant a c,croche a une pointe de rocher; elle fut jettéefurie rebord d'un autre rocher ou elle reftafufpendue a la hauteur de plus de cent piede«eeut la force & la prefence d'efprit de refterpendant une demi heure immobile dans laFWattitude, ^quilaf^va;] e m < ?^ e


C *37 )mouvement 1'auroit precipitée; on eut le tempsd'arriver a fon fecours, & par le moyen d'échelles«Sc de cordes , de la tirer d'une fituationauffi terrible. Comme ils fe placent ordinairementatrois, fouvent a quatre, quelquefois acinq, fur les bords de ces tonneaux, tandisque 1'inte'rieur eft toujours rempli de minerai,il eft arrivé que la corde ne pouvant foutenirce poids s'eft rompuë; le tonneau précipite'dans 1'abime «Sc les malheureux qui s'y trou--voient, fracaffés par la chute: malgiéces mal-. heurs qui font affez frequents, les ouvriers preferentlés tonneaux aux échelles, paree queleur pareffe y trouve fon compte (*). Ils fontencore expofés a d'autres accidens lorfqu'ilstravaillent au fond de la mine ; comme ils ontau deffus de leur tête une hauteur de 3 centpieds ; la moindre petite pierre qui fe détacheau haut devient dangereufe lorfqu'elle roule aubas, ce qui arrivé affez fouvent, & alors elleeft en état de tuer un homme ou de lui caflerun bras ou une jambe; ces malheurs ne font, pas rares «Sc j'ai vu de ces pauvres gens quiavoient été eftropiés de cette fagon; malgrécela ils paroiffent gaïs «Sc contents «Sc travaillentpour un falaire trés modique, il y ch a qui ne(*) lis font orctfnairement ce yoyage perpendiculaireen 4 a 5 minutes.I 5


C 138 5gagnent que 7 fois de Suéde par jour, ce quirevient a peu prés a deux .fois d'hollande; ileft vrai qu'ils font logés & qu'on leur do'nneune ration de pain & de brandevin. Le Sdimanchestout travail dans la mine cefle, pareequ'on y faitalors du feu, pour amolir la pierre& faciliter par la le travail. Tous les joursa midi, pendant que les ouvriers dinent, onfait éclater le rocher dans le fond de la mine,par le moyen de la poudre a canon.Au haut de 1'ouverture, on a pratiqué dedutance en diftance des échaffaudages ou ponts,qui avancent de quelques pieds en avant durebord, pour la commodité de ceux qui montentou defcendent & pour recevoir le minerai.Ce fut de la que je vis diftinctement letravail qui s'exécute au bas ;ce fut auffi dela que je füs témoin de 1'étrange effet de 1'exploflonde la poudre dans eet abime qui alorsreffemble aux entrailles d'unvolcan enflammé;toute la montagne en trembla; le frêle échaffaudagefur lequel j'étois placé en fut ebranléles pierres, l aflamme, Ja fumée fem'bloienJmonter jufqu'a moi, le fracas des éclats de'rocher, le bruit de la poudre furent repetésdans les échos fouterains par des roulemensiemblablesa des coups de tonnerre, & me firentplusdüne fois trembler pour les ouvriers ,qui étoient occupesaprendre leur repas au'


( 139 )'fond; l'on me rafiura en me difant qu'on avoitpourvu a leur füreté en y pradquant des faliesoü ils fe retiroient & oü ils ne risquoient rien.Cette opération eft abfolument nécefiaire: fanselle les ouvriers ne pourroient pas détacheravec leurs outils des quartiers de rocher quiréfifteroient aux inftrumens de la plus fortetrempe. A mcfure que le minerai fort de lamine on le raflemble en grands monceaux dansdes endroits appropriés pour eet effec, oü ilrefte jufqu'a 1'hyver: quand ia neige a couvertla furfacc de la terre on le tranfporte en traineauxaux forges oü il doit être fondu & oüil fubit toutes les opérations néceffaires.Douze cents hommes font journel lement occupésa cette mine, tant a 1'exploitation intérieure,qu'kux différens ouvrages qu'elle démandea 1'extérieur.Plufieurs particuliere en ont 1'entreprife, demême que des forges qui fervent a mettre lemetal en état d'êcre tranfpofté dans les magafinsoü il refte en depót foit pour le commerceétranger , foit pour celui du pays même.Quinze forges travaillent continuellemcntau minerai qui fort de la mine de Dannemora,la plupart de ces forges appartiennent a MesfieursGrit & Pyl, ainfi qu'au Baron de Geer;chaque forge occupe une quantite' pfodigieufed'ouvriers; celle d'Ofterby feule employé 15


C 140 )i Ï5 cent.hommes, fans compter les officiers(*).De retour a Ofterby, nous trouvames MadamePyl qui nous attendoit pour diner ; pendantqu'on fervoit, nous fimes un tour de jardin, ou j'admirai comment 1'art, malgrérigueur du climat, étoit parvenu a y faire cultiveravec fuccès des ananas & des meionsauffi beaux que ceux que nous pouvons avoir'en holiande.On fait profiter en Suéde de lachaleur momentanée mais vive qui y règne enét;é.Un domeftique vint nous anoncer qu'onavoit fervj: nous gagnames I aralle, oüvuë du diner me fit croire que nous allionsnous afiêoir; mais je fus trés desagréablementtrompé dans mon attente; on me pria de pafferdans une chambre voifine, oü je trouvaiune petite table trés proprement couvertefurlaquelle étoient étalés plufieurs verres/unebouteille de brandevin & quelques affiettes avecdes beurrées; chacun vuida fon petit verre &mangeafa beurrée, puis on rentradans la f aii e& on fe mit a table.Cette coutume de boire du brandevin avantle repas eft aflez générale dans toute I aSuédeexcepté dans quelques grandes maifons ou l' o n'l al a'( * j Onappeile officiers , les Inr Pe


C 141 )prend au lieu de brandevin, des vins de lïqueur.1 ^près le diner mon hóte me mena voir laforge & m'expliqua en de'tail & avec la plusgrande'patience tout ce qu'il me faifoit voir,fous le nom de forge (fralfe brük) on comprendtout 1'tnfemble des batimens qui ferventaux differentes ope'rations , par lesquelles leminerai doit paffer, jufqu'a ce qu'il foit reduiten ce qu'on nomme la Gueufe ou gateaux; ony comprend auffi les maifons des ouvriers, ainfique celles oü demeurentles officiers des-forges;ces batimens forment un village dont les ruësfont tirées au cordeau & borde'es de deuxrangs de beaux arbres 5 ce qui rend le villaged'Ofterby qui peut contenir environ 2 mille habitans, un endroit charmant & trés riant. Lesmaifons des ouvriers font petites mais propreS,ils y demeurent avec leurs femmes & enfans,celles des officiers font plus grandes & font batiesaux extrêmités des ruës. La maifon feigneurialeeft hors du village a une demi portéede fufil, elle eft de bois, ainfi que toutes lesautres, mais d'une grande apparance & fur unfoubafiement depierre; une belle coupole enorne le corps de logis. Une aile contient lesappartements pour les étrangers & 1'autre unetrés jolie églife; quelque plaifir que j'eus aconfiderer les différens ouvrages de eette for-


C 142 )ge, il ne fut pas comparafale k celui que jereffentis en admirant Ia bonhomie, la candeur& 1'amitié avec laquelle Mr. Pyll, s'entretenoitavee ces bonnes gens, & l aconfiancequ'a leur tour ils paroiifoient avoir en lui.Lorfqu'il venoit a leurs atteliers, ce n'e'toit pascomme un maitre, qui alloitvifiter fes ouvriers,mais comme un père qui venoit voir fes enfans.Je revins de cette promenade 1'efprit & lecceur rempli de ce que j'avois vu.Après le thé je fus voir couler la gueufe,opération qui fè fait a des temps marqués,c'eït le metal feparé de toute matière heterogenequ'on fait fortir en fonte du four danslequel on 1'a jetté; au bas de ce fourneau eftun trou qu'on ouvre & d'oü il fort comme untorrent de feu; on le recoit dans des formesfaites defable, qui doivent être-extrêmementfèches ,^ parceque la moindre humidité les feroientéclater: avant de faire couler Ie metal,on en fait feparer la fchorië qui n'eft autrechofeque les parties grofiïeres & hetérogenesdu fer qui s'élevcnt en écume bouillonante audeflus du métal liquide; un trou fabriqué aufourau-deflus de celui par lequel doit fortirla gueufe fert a laifler palfer cette fchorië qu'onrecoit dans des formes oü elle aquiert la figurede briques «Sc fert enfuite a la batiffe desmaifons. Vers les fept heures nous revinmes


C 142 1fiU logis: Madame Pyl qui aime Ia mufiqueayoit rafiemblée chez-elle quelques voifins quiexécuterent un petit.concert, tandis que ceuxqui n'avoient pas 1'oreille muficale pafle'rentdans une falie a cóte',. dans laquelle un biljardleur procura de l'amufcment jufqu'a neufheures qu'on fe mit a table-, a dix chacunfe redra. ... . ,' „ .Le lendemain de grand matin je fus avec leconfeiller des mines , dont je vous ai parlé , voirun ouvrage dont l'infpedtion lui étoit confiéeC'eft une muraille qu'on va faire en terre entrela minede Danemora & un Lac qui fetrouve a un quart de lieuë de diftance, &d'ou fort 1'eau, qui donne Ie mouvement a Iagrande rouë; l'on craint que ce lac ne perêtrexin jour a travers les interftices des rochers &ne fubmerge entièrement la mine, fi on ne luioppofe un obftacle invincible; pour eet eflëtón a creufé dans les rochers , & tantót par le.moyen de la poudre, tantöt par celui des outilson eft parvenu a faire une excavarion d'uneprofondeurétonnante ; c'eft dans cette excavatjonqu'on veut placer Ia muraille qui fera faitede fchorië pilée, mêlée avec de la chaux;.voici la facon dont on.conftruit ces murailles:.on pile la fchorië & on la mêle avec de lachaux; puis elle eft foulée entre des planches,qui font placées en forme de doublé cioifen.


C 144 ?a Ia hauteur & h Ia diftance delirée; quandcette compofition eft feche on ote les planches, & la muraille eft achevée. Le jardin dela maifon feigneuriale eft entouré d'une parerllemuraille; Mr. Pylm edit qu'on avoitcommence' a faire ces effais depuis quelquesarmees & qu>ii paroilloit que la fchorië de feretoitplusproprea eet ouvrage que celle decuivre.Jereftai encore ce jour la &u n e p a r ti e d ulendemain a Ofterby; j em'occupai a revoirune fecondefois les opérations des forges, dontje pns une note auffi exafte qu'il me fut pof-«ble; j'aurois acCepté avec plaifir 1'invitationde mes hotes pour m'arrêter encore quelquesjours chez-eu Xfi je n'avois pas confideré legrand <strong>voyage</strong> qui me reftoit a faire pour voirJes mines de cuivre è Fahlun, celle d'argenta Sahla , Carlscrona «Sc tout le refte de laSuéde ou je n'ayois pas encore été.A quelques milles d'Ofterby eft une fonderiede Canons, appartenantea Mr. Wahrendorfielle en a fournie une grande quantite' anotre République pendant la dernière guerre; jevis a Stokholm un officier de notre artilleriequi y etoit en commiffion poux les examiner& Jes re ce voir.Je partis d'Ofterby l etroifième jour de monamvée, comblé de la part de mes hötesd'hon»


C i45 )d'honnêtetés que je n'oublierai jamais; ilspouflerent 1'atcention au point de faire placera mon infcu dans la Cave de ma voiture quelquesbouteilles d'excellent vin & me fournirentplufieurs bonnes provifions, qui ne mepermirent pas de m'appercevoir pendant lespremiers jours de mon depart, de la triftechère des auberges.Après avoir encore dir.e' avec mes oblïgeanshótes & quelques-uns de leurs voifins,geris trés aimables, ga'is & fort bien élèvés,je partis pour Löffta terre & forge appartenanteau Baron de Geer, pour lequel j'avoisune lettre de recommandation; malheureufementil ne s'y trouvait point, il étoit allévoir fon frère dans des terres, que celui-cïpoflede aux environs de Stokholm.Mais il eft temps de finir: dans ma premièreje vous parlerai de Löffta, en attendantje fuis, &c.


C 146 )LETTREDOUZIEMRCOPENHAGUE ce . . . Decembre 1785.AM . . .x avant d'arriver a L'öffla, il me refte avousdire encore un mot au fujet de la mine deDanyiemora, que je vous ai de'crite dans mapréeédente»Vous n'ignorés pas que la nature a enrichice royaume d'une quantité incroyable de minesde fer; des rochers entiers tant en Suédequ'en Lapponie en renferment de pur & d'abondant:la plus riche de toutes ces mines eftcelle de Dannemora ; elle donne fouvent 60 ipour cent, tandis que les autres n'en donnent jau plus que 30: le fer qu'on en tire eft connuen Europe, fous le nom de fer d'Oeregrund(port de Mer de la Baltique au Nord de 1'Uplande)les Anglois y tirent la plus grande partiede ce fer dont ils font ufage pour leuracier , fi connu par fon élafticité, fa force &la beauté du poli qu'eux feuls favent y donner.


( 147 )Cette mine fut de'couverte en 1470, on enI yendoit alors le minerai brut fans avoir étiI fondu, aux negotians de Lubec, qui venoient! le chercher dans leurs vaiffeaux. Ce ne fut| que fous le regne de Guftave Vafa que l'onli travailla a conftruire des forgejs & des martinets.L'ouvrage des mines de fer confifte en troisjopérations principales.i°. L'Exploïtation de la mine. 2 0 . La fontedans le grand fourneau, & g°. Le travaildes forges.Ces travaux exigeans tous trois une grande1 confommation de bois & de charbon, ne pour-I xoient atteindre au but, ni fubfifter enfembleI dans la même contre'e, a moins qu'il ne s'yi trouve de grandes forets.Ceux qui exploi-; tent la mine peuvent auffi faire fondre le minerai,pour le reduire en maffes ou gueufes,i mals il ne leur eft pas toujours permis dej faire forger ces maffes; pour obtenir cette per-1 miffion , il faut pouvoir prouver qu'on peutretirer de fes propres forets la quantité decharbons néceffaire a ce travail.Les forges dont les proprie'taires ne fontpoint exploiteurs font reftreintes a cert2?nesmines qu'on leur a affigne'es, & d'oü elles doi-1 rent tirer les gueufes dont ils veulent formerK 2


( i 48 )des barres; la quantité qui leur eft permis deforger eft proportionne'e a celle des charbonsqu'ils peuvent fe procurer.Ces gueufes.fonc des maffes ob'ongues d'unegrandeur limitée; elles ne doivent peferque:3 Schifp. (*)L'on prétend (f)que la mine de Dannemoralivre^ jufqu'a 40,000 Schifp. de fer enbarres par an, & s'il eft vrai que dans toute1'e'tenduë de Ia Suéde les mines livrent400,000 Schif fê de fer, cette mine en livreelle feule ia dixieme partie.II s'en exporte annuëllement 300,000, doncil en refte 100,000 pour les manufaótures interrieures;566 Martinets ( Hammarts ) &1007 atres, forgent & fourniffent cette quantitéde fer.Le même auteur calcule, que le nombred'hommes employés a 1'exploitation a la fonte& aux forges fe monte a 25500.GHJ L e Schifp. eft de differens poids; celui du minerai-,celui de fer de fonte, celui de viftuailles &c. different!II s'agit ici du Schifp. de fer de fonte, qui péfe- ffi. tif. fê. .(t) Le Senateur Comte de Stockenftrom dans un difcoürsAcademique intitulé: Om Svenska Jairnbruks-naeringen.


favoir,CJ49 )4000 Pour 1'exploitatiorj.10800 Pour abattre couper, Sccharier le bois, & pouren faire des charbons.2poo Pour fondre le mineraidans les fourneaux, encomptant 250 journe'cgou 40 femaines propresa la fonte.1800 Pour le tranfport du fer, de. fonte aux forges.600 Pour le tranfport du fable,gravicr & bois ne'-ceffaires.4000 Pour tranfporter des charbons, qui montent a1400,000 laft & qui demandent1,260,000 cordesde bois.24c o Pour forgcr le fer.2560,0J'arrivai vers minuit a Löffta qui eft a 5milles plus au Nord qu'Ofterby; je fus deficendrea 1'auberge qu'on m'avoit dit êtreaffezbonne. Je fus trés furpris lorfque I9Chiver ou aubergifte m'adréffant la parole enifrangois me dit: foyez te bien yenu Monfieur,Sc ajoutaen me nommant par mon nom:K 3


C 150 )eft' il pojfibte mon capitainë! comment D . Iyenês vous dans ce pais - ci, que venés - vous fairefi prés du pote ? 1'ayant fixé un inftantj jele reconnus pour avoir e'te' maitre d'hotel chezMr. de Geer, que vous ave's cönnu a la Haveen qualite' d'Envoye' de Suéde; eet hommeayoit obtehu un pofte d'employé ou Sous-inipedteurdans les forges avec celui de maitrede pofte & d'aubergifte; en faveur de 1'ancienneconnoiflance il me donna un affez bonfouper; le lendemain il me mena a l'intendantde Mr. de Geer, qui me dit que puifque j'étoismuni d'une lettre de recommandation,j'aurois pu loger au chateau; qu'il étoit chargéde la part de fon maitre de loger & de nourrirpendant fon abfence, tous ceux qui feroientporteurs de pareilles lettres.C'eft une coutume générale en Suéde, principalementdans les pro vinces feptentrionales,que les feigneurs a chateaux & k terres ontdes appartements deftinés aux <strong>voyage</strong>urs, quileurs font adreffés , & qu'ils leur permettentmême d'occuper lorfqu'ils font abfèrts; alorsun intendant qu'on nomme (Verwalter') a foind'eux & leur procure tout ce dont ils ontbefoin pour la nourriture & pour le logement.Le foit-difant chateau de Löffta, eft unetrés belle maifon, cependant elle n'a pas 1'ap-


( i5* )parence de la maifon feigneuriale d'Ofterby,mais fes jardins font beaucoup plus étendus& plus magnifiques : on doit y admirer comment1'art a fu vaincre la nature, qui fous ceelimat glacé met fi fouvent en défaut les effortsdes plus babiles jardiniers; les muriers,1'athea, la clematite qui chez-nous croiffent enplein air & fuportent les hyvers les plus rudes,font relegués ici dans les orangeries pour1'été, «Sc dans les ferres pour 1'hyver.Jamais les orangers n'y font expofés a 1'air:ils font remplacés par des lauriers, «Sc les uns& les autres ne font confervés en hyver qu'a1'aide des fourneaux : les pêches «Sc les abricotsfont des fruits inconnus dans ce quartier;on met ces arbres en ferre pour avoiri le plaifir de jouïr de leur verdure; a Ofterbyils fleuriflent quelquefois, mais jamais a Löffta ;on a même de la peine a les conferver, malgréle feu qu'on fait continuellement dans ces ferrespendant tout 1'hyver. Ce jardin ou plutótcette campagne eft la plus. feptentrionalede toutes les campagnes de 1'Europe «Sc ili eft inconcevable qu'on trouve une verdureauffi agre'able «Sc des fieurs auffi belles, fous unciel, ou pendant huk mois tout eft enfevelidans la neige «Sc couvert de glacé. Le villageou forge qui y joint, eft le plus beau que j'ayevu en Suéde, cxcepté Ofterby .dont il n'a pasK 4


C w )1'étendue ; il ne confifte qu'en une ruè', treslongue a la vérité & bordée des deux cótésde tres beaux platanes; toutes les maifons yfont, 'comme a Ofterby, occupés par les forgerons& par les employés, directeurs, éeri--vains, infpeöeurs & autres employés auxforges. L'Eglife que je fus voir eft jolie &fort proprement arrangée: fur 1'autel eft uneaffez bonne copie d'un tableau de Rubens.J'allaj voir a Löffta une repetition des différentesopérations, que le fer doit fubir, avantd'être transformé en barres & j'appris que lefer s'y travailloit ainfi qu'a Ofterby a la manieredes Wallons, tandis que dans la plupartdes autres forges il fe travaille a 1'AIlemande:L'on prétend que le fer fondu a 1'allemandeeft de moindre qualité, mais que i'aufe enrevange eft plus cher; leg deux forges d'Ofterby& de Löffta font peupfées de forgeronsdefcendans d'nne colonie Wallonne qui vints'y établir il y a quelques centaine d'années..Après avoir. pris congé du chiver, quie nfaveur de notre ancienne connoiffance m'écorchad'importarjce & prouva que s'i! aimoitles hollandois, comme il me dit en faire profeffion,il aimoit encore plus leur ar»fnt.Süderfors. Je partis pour Süderfors terre appartenanteauffi aMefficurs Grill & Pyil ,• cn pafijnt unlong pont de bois pour y entrjr, je fus frgppé


C 153 )de 1'effet pittorefque d'une petite cataracteforme'e par le Dahl-Elbe ou riviere Dahl 9car Elbe veut dire riviere en langue Sue'doife.A cette terre eft e'tabiie une forge oü le1 fer qu'on y travaille fe tire de la mine deDannemora ainfi qu'a Ofterby & a Löffta;Mais 1'opération du changement du mineraien metal n'eft pas ici la feule: le grand travaildont on s'occupe a cette forge eft celuide la fabrique des Ancres. On les y forgede pieces rapporte'es , fondues oü com-1 pofées de barres & par confequent moinscaffantes que celles qu'on forge dans d'autrespais, oü les ancres ne contiennent quedu fer forge'. J'en vis plufieurs qui e'toien?deftine'es pour Amfterdam, & j'avoue que cetteidee ajouta de 1'intérêt a ma curioflté; tantil eft vrai, que nous portons toujours avecnous un certain amour pour la patrie, qui paroitinne' a tout individu de 1'efpèce humaine.Le village entierement habite' par des forgeronseft affez joli; cependant il n'eft pas fipropre que les deux premiers: au haut de lamaifon du feigneur, qui eft grande, commode& meublée avec goüt, il y a une petite tour encoupole d'cü l'on joüit d'une vuë charmante;cette maifon eft de bois comme toutes cellesqui font dans ces quartiers; le fils de Monfr.Grill, y paffe une partie de ï'e'te avec fon épou-


Province De Süderfors je fus a Gefle ville fitue'e audeGaftri- GolfeBothnique, oü il y a untrès bon port; ellecie.Gefle eft la capitale de la Gaflricie & la re'fidence duville d"t- gouverneur de cette province; pour y arrivertape.on eft obligé de pafler le Dahl dans un grandCataracted'Elfearfleby.C 15-4)fe, ils me firent 1'un & 1'autre un accueil desplus gracieux.J'arrivai a cette forge par un chemin detraverfe abominable; fabriqué dans les rochersoü ma voiture fouffritbeaucoup.bac, environ a 2 lieues de Ia ville.Une de«mie lieue plus haut auprès d'un petit villagenomme Elfearflcby,cette riviere fait une chutefuperbe Sc bien autrement pittorefque qiiecelle de Trolhetta dont je vous ai parlé.en trouverés une defcription trés jufteVous& fortexacte dans le <strong>voyage</strong> de Mr. Wraxhall; cefurent la les bornes de fa courfe; c'eft ce queje ne lui pardonne point; il n'auroit pasquitter la Suéde fansduvoir la mine de cuivre aTahlun, Sc les travaux de Carlscrona; quoiqu'ilen foit, comme il a trés bien décrit cettecatarafte, je vous renvoye a fon ouvrage, demême que pour i'impreffion qu'elle fait reifentira ceux qui en aprochect; je vous envoye•le deffein que j'en ai fait: vous y verrés queriviere s'étant partagée en deux bras , formeune ifle, qui n'eft autre chofe qu'un grandrocher, fur lequel croiffent des fapinslad'une


C 155 )hauteur prodigieufe; cette ifle partageant lariviere lui fait faire deux immenfes cabrioles, dont lés eaüx fe réuniffent pour allertomber toutes énferable a quelques lieues deGefle dans le gölfe Bothique; 1'une des deu£chutes qui tombe a pic de la hauteur d'environ50 pieds, produit un fpedtacle difficile kdécrire; 1'autre eft moins perpendiculaire, maisprécipite fes eaux de rocher en rocher parmille cafcades les unes plus belles que lesautres; il s'e'leve de cette catara&e une e'cumefi 'pr°aiS i e u f e«Sc a une telle hauteur qu'oii1'apercoit a la diftance d'une lieue ; au milieude la chute, qui fe précipite perpendiculairement,'paroitun roe noir comme deTencre, d'oü s'éleve un jeune fapin, qui au*gmertte le pittorefque «Sc la fingularité de cettevuë.On prend beaucoup de faumon dans eetendroit, furtout a riflé qui fepare la riviereen deux; les pêcheurs ne peuvent jamais yarriver qu'au peril de leur vie, comme ilsn'y peuvent pafler par le bas de lacataratte»parceque 1'agitation de 1'eau y rend toute navigationimpoffible, ils font obligés d'y allerpar le haut, «Sc lorfque malheurcufementils approchent trop pres du courant rapiJequi va au piécipice, rien ne peut les fauver,


C 15^ )biteau & tout ce qu'il contient eft englouti& brifé contre les rochers.Cette rivière eft la plus grande de toute laSuéde ; elle prend fa fource dans les montagnesde la Norvege & apres avoir paffee danstoute la longueur de la Dalccarlië,arrofe'c uncoin de la Wefimannii, puis avoir fervie debornes entre la GaftricU & VUplande elle fejette, comme jeviens de Je dire, nonloin de Gefledans le Golfe Bothnique.Je n'avois pris aucune lettre de recomman-'dation pour Gefle, n'ayant deffein de m'y arrêter,que le temps néceffaire pour voirle locald'une ville, qu'on m'avoit affuré, ne renfcrmer *rien qui mérite la curiofité d'un <strong>voyage</strong>ur, &a cette occafion j'eus encore une nouvellepreuve de 1'hofpitalité & de la politeffe demeflïeurs les Suédois.J'y arrivai pendant lanuit; le lendemain en déjeunant je regus Javifite d'un Officier du Régiment national arepartition de la province, qui me dit; qu'ayantappris qu'un Officier Hollandois étoitarrivé , il venoit lui offrir fes fervices au cas qu'ilput lui être utile; je lui témoignai ma reconnoiffance& les acceptai avec plaifir; ilm emena par tout, me fit parcourir toute la villeen me faifant remarquer ce qu'elle contient deplus curieux; il me conduifit a un magazin d?l a


( 157 )barres de fer, depót d'an commerce trés confidérable,que cette ville fait avec l'angleterre,xmfuite il me procura la connoiiTance d'une des.premières maifons oü je fus invité a diner & afouper.Gefle eft fitué a un petit golfe de celuide Bothnië, &'par le moyen d'un Canal-trés large & tres profond, les vaiffeaux entrentjüfques dans la ville , oü fe trouve auffi le chander;elle porte encore les marqués d'un inrcendië,qui cn détruifit les deux tiers en 1778;ijufqu'ici on n'a pas trouvé encore 1'argent néceffairepour la rebdtir; la petite riviereé'Hazundtraverfe la ville & rend le canalnavigeable.J'appris que j'étois a moitié chemin d'Helfingburga Tortièo & j'avouë que je balantjai' fi je n'irois pas voir le foleil decrire un Cercle"autour de ma-perfonne; ia bonté des chemins.qu'on me vanta, le bonmarché, 1'hofpitalité,la fecurité,le jour continuel, avec cela le-plaifir de dire : j'ai vu le foleil a minuit fur1'horifon, me faifoient pancher a y aller, d'au-• tant plus que j'étois fürd'y trouver bonne• compagnie ; un Comte Italien & quelquesanglois dont j'avois fait la connoiiTance a Cop-' pcnhague avoient paffes a Gefle quelques joursavant moi pour y aller; on m'offroit une bonnerecommandation.' D'an autre cóté en allant


C 158 )a Tornéo j'avois a paffer des deferts & desbois inrïaiment plas longs & plus ennuyantsque ceux que j'avois déja parcouru; il failoitde plus reconcer a voir Ia mine de cuivre &celle d'argent & ne pas aller a Carlscrona,parceque le temps ne me 1'auroit pas permis&cela pour ne voir que Ie bordfupérieur du foleilrafer pendant une heure Thorifon avant des'en détacber entierement; encore falloit-ii pourbien jouïr de ce fpeclacle, gagner la cime d'unehaute montagne a 18 milles de diitance aanord de Tornéo & prendre enfuite le pluscourt chemin pour revenix en Dannemarcavant la mauvaife faifon; arrangement qui ne«'accordoit aucunemcnt avec mon projet defaire le tour de la Suéde, pour y voir les chofesles plus remarquables. Je renoncai donca ce <strong>voyage</strong>, & en confequence je partis pourFahfun. Ayant faitce trajet précifement en 24heures, j'y arrivai le lendemain de mon depart, degrand matin , après avoir traversé un bois de fapinsauffi antique que le monde. Ces arbres font• d'une hauteur prodigieufe & croiiTent au mi-.lieu d'une énorme quantite' de rochers. DepuisGefle jufqu'a Fahlun les forêts ne fiaiflentpas, par ci par la on trouve quelques chetivesmaifons, dont les habitans n'ont d'autre fociétéque celle de leurs femmes & de leurs en-


( 159 )fans; pour toute nonrriture ils ont le Knike*bro'é oir Kakebrcë,le fromage, le lait Sc 1'eau;malgré cette diette ils font robuftes Sc on yvoit beaucoup de vieillards.Apeu de diftance de Gefle, je me trouvaidéja dans la Dalecarlië , dont Fahlun eft lacapitale. On diftingue les Dalecarliens en Dalecarliensnoirs, & Dalecarliens gris ; onappelle auffi quelquefois les premiers,Dalecarliensde fer, par la raifon que leurs foulierscomme ceux de nos Weftphaliens fontgarnis de clous de fer; ils habitent la partiefeptentrionale & la plus montagneufe de laprovince; comme leur population eft trop nombreufeen proportion de la fterilité des rochersqu'ils habitent, on les voit arriver partroupes dans les provinces qui font plus cultive'es;ils viennent y chercher du travail Scde la nourriture, furtout dans la faifon des recoltes,Sc comme ils vivent avec une extrémefobrie'té, ils remportent fouvent dans leur paysune épargne fruit de leur labeur Sc de leuréconomie. • En géne'ral les Dalecarliens fontaclifs, laborieux & braves, bons foldats, attachésa leurs anciennes coutumes Sc conftitution:ils font jaloux de leurs droits & nefouffrent pas tranquilement 1'oppreffion. Dansles lettres que je vous écrivis de Fahlun & deProvincede Dalecarlie.


|( ï€o )Helfingburg, je vous ai fait urie defcriptionde la ville & de la fameufe mine du Kopparberg,ainfi pour e'viter une inutile repétitionje ne vous en parlerai point dans celle-ci, jefauterai tout d'un coup a mon depart de Fahlun, & ce fera par la que je commenceraila lettre fuivante: en attendant je fuis, &c.EETTRF


C I6i )LETTRE TREIZIEME.COPPENHAGUE ce .. . Decembre 1785.M . . .jjfe partis de Fahlun mercredi . Juillet a 5heures du foir, dans le defiein d'aller couchera Avena éloigne' de 7 milles de cette ville; mais je trouvai des chemins fi rudes 8c fiefcarpés dans les montagnes, & j'avois de fimauvais chevaux qu'il me fut impofiïble d'avancer.Un autre malheur fe joignit encore acelui-ci, les païfans par tout occnpés auxrecoltes e'toient trés ne'gligens a obéïr aux réglemensde pofte, & malgré le courier qui medevancoit, j'avois la plus grande peine a obtenirles chevaux néceffaires, a la fin ils memanquerent tout a fait, & je fus obligé deim'arrêter dans une petite ville nommée Sater,|oü j'arrivai a deux heures après minuit: toutle monde y dormoit, & il y regnoit la plusparfaite tranquilité. Mes poftillons me mehérentdans une cour attenantc une alTez grandemaifon, batie de bois & de mouffe: c'étoit! 1'auberge; la porte de la maifon étoit ouver-L


te, maïs perfbnne n'y paroifToit malgré noscris & nos appels; enfin j'entre & comms jene trouvai aucune porte fermée; de porte enpotte j'arrive a une chambre oü je vis unhomme & une femme en chemife, couchés furun grabat, fans autre vetement ni couverture.Au bruit que je fis en entrant, Ia femme fereveilla en furfaut & voyant un étranger elleappelle fon mari & faute par terre, paroifiantfortétoonée; jelui adrefiai la parole en allemand,elle me répondk dans un langage inintelligiblepour moi; je jugeai a fon ton & afon air qu'elle m'honoroit de quelques injuresDalecarliennes; fa grofle bedaine, fes cheveuxpendants, fa chemife tiès courte me donnerentun petit fpectacle qui me fit rire, celaaugmenta fa bile & je vis le moment oü fij'avois porté perruque, j'aurois rifqué de chanterlacomplainte de Cafiagne; enfin après lapremière bourafque nous parvimmes a nousentendre; elle s'apaifa, prit une efpèce de jupe,qu'elle paffa en ma préfence, non fans dérangerfa petite chemife ni fans expofer a ma vuë unepartie de fes charmes ; pendant toute cette fcène Iemari fe tourna une fois vers moi, ouvrit lesyeux, puis les referma tranquilement, fe retournade 1'autre cöte' & fe remit a ronfler toutcomme fi de rienn'étoit, ces portes ouvertesSc la fecurité de eet homme vous prouvenr,


C i6"3 )combien peu ces gens craignent les voleurï^& combien peu il arrivé qu'on s'y aproprie lebien d'autrui. Au refte, furtout au nord deStokholm, foit dans les villes foit dans la campagne,perfonne n'y ferme fes portes pendantla nuit: c'eft ce que je remarquai pour la premièrefois a Ofterby, oü la porte de la maifon& celles de toutes les chambres refterent ouvertes, pendant que tout le monde y étoit enfevelidans un profond fommeil; lorfque j'en témoignaima furprife, on me dit que jamais onn'entendoit parler de vol & que par confequentil étoit inutile de s'impofer une pareille géne.Ce qui vous paroitraextraordinaire, c'eft que fion vole quelquefois en Suéderc'eft dans lesvilles de garnifon, oü fe trouvent les régimenslevés compofés la plupart de deferteurs & detoutes fortes de gens fans aveu, qui aü lieud'empêcher le desordre le commettent euxmêmes.Mais revenons k mon auberge; j'appris quela mauvaife humeur de cette femme avoit étéoccafionnée par 1'heure induë a laquelle j'étoisvenu troubler fon fommeil, d'autant plus qu'elleétoit feule au logis; valets & fervantes étoienta la campagne, occupés a faire la recolte dufoin, a laquelle on travaille dans ce pays nuit Scjour fans rélache, jufqu'a ce qu'elle fuit achevée,en quoi ils font favorifés par la clarté desL 3


miits, furtout dans cette partie de .ia Suéde oüje me trouvois. Ayant .fait ma paix .avec l'Iioteffè& m'étant fait entendre. par...fignes auffibien qu'il me futpolfible, elle me mena a unepetite chambre, oü elle me montra un grabat•dont 1'apparence ne me fit augurer'rien de bonpour la compagnie qui m'y attendoit; — decrainte d'accident après avoir fait apporter de1'eau pour du thé, j'étendis par terre un matelatdont graces a mesamis de C. . . je m'étoismum en partantde Droningaard, furlequelune couple d'heures de bon fommeil me firentgrand plaifir.Je ne dois pas oublier de vous dire, qu'environa moitié chemin de Fahlun a Sater, j'ai*lai vifiter un endroit, fameux par 1'azylequ'ytrouva Guftave Vafa chez un Curé (*), aprèsavoir été trahi par un G-entilhomme dalecarliennommé Peterfon dont la femme le fauva &1'empêcha de tomber entre les mains du perfideChriftierne. „ Cette Dame pleine de généhrofité, dit un auteur eélèbre ( f ) touchée de» compaffion & peut-être même engagée par» des motifs plus preffans, lui decouvrit lesC*) EnI'année 1520.Ct) L'abbé Vertot Hift. des reyolutions de Suéde,torn. x pag. 113,


C 165 ),,'mauvais defféins de fon mari; elle le fit for-„ tir la nuit de fa maifon, & 1'ayant remis» entre les mains d'un domeftique & de„ deux Dalecarliens qui lui refterent fidèles,„ elle le fit conduire chez un Curé de fes„ amis, qui le cacha dans fon églife. Par cette„ fuite & le fecrêt que garda le domeftique„ ainfi que les deux Dalecarliens, les Danoisn perdirent les traces de Guftave ".Cet endroit fe nomme Ornas, il eft entièrementifolé dans les montagnes & les bois,au bord d'un petit lac; je le trouvai fi intéreffantpar rapport a ce qu'il fervit d'azyle aun grand Roi & par fa fituation pitoresque, que j'en pris deux deifeins , 1'unde 1'endroit vu aune certaine diftance, & 1'autrede la maifon même oü Guftave refta caché& qui en ce temps la fervoit d'églife; elle fertactuellement de campagne a un officier desminesde Fahlun. Cette maifon eft de bois &•'domine par deflus toutes les autres , fa ftraótureeft trés fingulière & baroque, 1'efcalier eften dehors.II faut fe détourner d'une demie lieuëde la grande route pour y arriver, & pafferun chemin affreux a travers des rochersterribles. . On a confacré dans cette maifonla mémoire de cet événement par une répiefentationdu héros qui y trouva fa füretéiL 3


( i66 )dans une grande falie, au fecond étage, on aélève' une efpèce de thröne, au-deffus duqueleft un dais de foye bleuë a fleurs de lis d'or;fous ce dais eft placé la figure de Guftave degrandeur naturelle armée de pied en cap, &couverte des mêmes armes dont il étoit revêtua fonarrivée a Ornas, la figure du domeftiquequi 1'accompagna fe trouve a cóté de lui aufliarmée de pied en cap, a la porte font placésles deux fidèles Dalecarliens gris, habillés a-lamode du pays avec des longues barbes;ils font armés de terribles fabres, tenants chacunune arbalette a la main, & portants fur le cótéun carquois rempli de flêches, tout le contourde la chambre eft orné de differentes armesantiques dont Guftave fe fervit en differentesoccafions, «5c dont il fit prefent au Curé, ainfique plufieurs petits meubles qui lui ont appartenus,entre autres fa montre dont tout 1'ouvrageeft d'un cuivre trés groflïer; le tout enfembleeft, dans le fond, une vraye repréfentationde Kermejfe, qui cependant infpire du refpect,lorfqu'on penfe a toutes les circonftancesde 1'évènement dont elle rapelle la mémoixe,«Sc au grand Prince qui en fait le fujet.Après avoir dormi quelques heures, j'obtinsenfin des chevaux, pour me rendre aAvejla, mais j'y arrivai ce jour la tout auffi peuque le précédent; étant a quelques lieuës au de.'a


C 16*7 )de Sater, j'appris que j'étois fort prés de Saterbron, eaux minérales dont on m'avoit parlé aUpfal; fachant que le profeffeur Menanderhielmpour qui j'avois une lettre de recommendationy étoit, je m'y rendis aullitót & j'arrivaia une efpèce de hameau formé de petitesmaifons de bois, baties comme celles des fïmplespayfans,c'eft-a-dire de troncs de fapinspofés horifontalement les uns au-deiTus des autres,dont les interftices font remplis de mouffe: a peine ma voiture fut elle entrée dans ungrand quarré formé par plufieurs de ces maifons,que dans un inftant elle fut entourée denombre de curieux qui vinrer.t voir quel perfonnageelle renfermoit; j'en fortis & je fusacceuilli de la facon la plus honnête; on medemanda ce que je venois faire & qui j'étois.Apprenant qu'un Profeffeur en medécine d'Upfalavoit la diredtion de tout ce qui regarde lelogement & la nourriture, je fus le voir & luidemandai un logement pour la nuit; il me fitauffitót afligner une de ces petites maifons de boisqui fe trouvoit heureufement vacante: elle étoitcompofée de deux chambres fort propres pourmoi, & un cabinet pour mon domeftique; un petitlit fans rideaux, quatre chaifes, une table, unmiroir ,un bureau a layettes en compofoient tousles meubles-, a peine en eu-je pris pofleffion queje vis entrer chez moi un feigneur decoré d'unh 4


C 169 )ordre, quimeditétre le grand veneur de SaMajefté le Baron d'Öxenftiêrn. il fejf pil l e shonneurs de cet endroit comme je 1'appris dansla fuite; 11 vint me fouhaiter la bienvenuë, medemanda fi j evenois prendre les eaux, je disque non; j'ajoutai que j'étois venu par fimplecunoiité.& en partie pour remettre une lettrea Mr. Menanderhielm. Um e r é p l i t r è sobhgeamment qu'on ne me laiffèroit partir quaprésavoir paffe une couple de jours avec lacompagnie, puis il m'offritfes ièrvices pour meprocurer la connoiiTance de Mr. Menanderhielm& du refte de la fociété. Comme amon arrivée tout le monde avoit déja diné, onme fit fervir dans ma chambre; au deffert Mr.le grand veneur revint pour me mener a la promenadedes buveurs, qui confifte dans unegrande allée de tilleuls, d'Ormes & de peuphers,bordée des deux cótés de belles prairiescouvertes de troupeaux, au dela desquellesdes bois de fapin fervent de perfpecTive- aucommencement de 1'allée eft lafource mineraleelle eft renfermée dans un jolx fallon; noustrouvames dans cette allée quantite' de promeneurs;ils fe plaignoient de différens maux &tous avoient un air de fanté qui paroiiToit n'avoiroefom d'aucun regime: Monfieur le Baron meprefenta a toute la fociété & en particulier aMT, Menanderhielm dont la compagnie comri-


C 169 )bua a me rendre le féjour de Saterbron trésagre'able. Après nous être promenés jufqu'a6 heures tant dans cette allee que dans lesenvirons qui font orne's de jolies promenades,nous fümes interompus par le fond'une cloche,, c'eft (medit-on) le fignalpour la priere, auffköt tout le monde ferendit a un batiment compofé d'une feule falie,ou un miniftre nous attendoit dans une petitechaire élèvée a la hauteur de quatre pieds, chacuns'aftit indifferemment pèle mèle fur desbancs, qui remplifföient la falie. Après un cantique,le miniftre prononcaun petit difcours,qui nedura que quelques minutes, il fit enfuite unepriere, après laquelle on chanta encore uncantique. Ce fervice fini, on retourna a lapromenade jufqu'a 7 heures, qu'un nouveaufon de cloche avertit qu'on alloit fouper; troismaifonnettes de bois peu diftantes les unes desautres fe-rvoient de refectoire; chacun fclon fesmoyens choififlbit celle qui lui convenoit lemieux; l'on payoit plus a la première qu'a laftconde & plus a celle-ci qu'a la dernière. Jefoupai a la première entre Mr. le grand Veneur& le Prof. Menanderhielm, tous deuxparloient francois, p'ufieurs Dames fort gayes& fort vives y foupoient auffi, mais au defautd'entendre la langue je ne pus jouir de leutconverfation,L 5


C 170 )Ce feroit pêcher contre la loi, que d'y boiredu Vin, mais en qualité d'étranger, ie Profeffeurdirecteur m'en exempta. A huit heures le mêmeProfeffeur avertit que le temps deftiné a larefedtion étant expiré, il falloit fe lever ; chacunfe retira de fon cöte' pour jouïr encore dela belle promenade & de la belle foirée. Aneuf heures la cloche rapella aux buveurs qu'ilétoit temps de fe coucher, s'ils vouloiert prendreavec fuccès la dofe d'eau qui les attendoitle lendemain matin : comme j'étois fatigué jeme conformai avec d'autant plus de plaifir a laregie, que tout paroiffoit d'une propreté extreme,j'en tirai bon augure pour mon repos,je ne fus pas trompé dans men attente, & jejouïs du fommeil le plus paifible que j'ayecu pendant mon <strong>voyage</strong>. A quatre heuresdn matin le fon de la cloche'me reveilla: onm'avoit prevenu d'avance que c'étoit le fignalqui avertifibit les pauvres gens & les payfansde fe rendre a la fource, car il ne leur eft paspermis de fe meier avec des gens comme ilfaut. Ceux qui viennent dans cet endroit pourrecouvrer leur fanté, doivent faire enforted'avoir pris leur portion d'eau a cinq heures, 'alors la cloche les avertit de partir & annonce'en même temps aux autres que 1'heure du beaumonde a fonnée, dans cet inftant chacun fortdc fa cabane, les Dames en deshabillé galant,


les hommes en chenille, on fe demande réci*proquement des nouvelles de la nuit, de lafanté , &c. &c. Apres cc ce're'moniel l'on femet a boire fuivant 1'ordre prefcrit; le Profesfeury eft prefent, afin de veiller a cc que chacunprenne la dofe ordonnée; ayant fatisfaita 1'ordonnance on retourne chez-foi, ou bienl'on fe promene feul ou en compagnie fuivant1'occafion; une heure après lorfque les eauxfont fuppofées avoir fait leur effët, on de'jeunechacun dans fa cabane ou dans celle de fonvoifin oü de fa voifine felon les circonftances.On n'entend plus la cloche qu'a midi qui eft1'heure du diner; le repas eft frugal & Mr. leProfeffeur y fait a peu prés le role du medécinde Barataria. J'y reftai tout le lendemain dujour de mon arrivée ; j'avois fi bien dormique je voulus encore jouir d'une nuit pareilledans la crainte de n'en pas retrouver de fitót,d'autant plus que j'y jouiffois debonne compagnie, & que j'avois fait la découvertede deux dames dont 1'une parloit unpeu francois & 1'autre bon allemand, ce quicontribua beaucoup a me faire paffer montemps agre'ablement; je m'y amufai parfaitementbien; je ne puis affez me louer des politeffes,que je recus & qui furent couronne'esle lendemain par le trait fuivant: j'étois alléa 5 heures du matin a la fontaine pour prendre


( I?2 )congé de Ia compagnie & pour prier enmême temps le profeffeur de 5me faire donnerle compte de ma depenfe : II n'y en apoint a donner, me dit-il: ajoutant qu'on étoittrop flatté qu'un étranger eut bien voulu pofferun jour avec des malades• On me preffa beaucoupde refter encore jufqu'au lendemain,mais voulant continuer mon <strong>voyage</strong>, je n'acceptaipoint leur gracieufe invitation, & jepartis penetré de reconnoiffance pour une facond'agir auffi polie que peu commune., La maniere de vivre a ces eaux, telle que jeviens de vous Ia decrire , eft extrêmementuniforme; on y fait un jour précifement cequ'on y fait les fuivans & l'on n'y jouïtd^aucune diverfité ; on. n'y connoit ni jeu,ni fpeclacles, 0n n'y trouve ni efcrocs nifripons ni dupes, chacun y va pour retahlirfa fanté fans enrichir fa bóurfe,0 Ubien pourprendre des préfervatifs contre les maladiesfutures. On vit a peu prés de la même facona toutes les eaux minerales en Suéde, j'en exceptelefeul Medevi, cü une troupe de commediensfe rend lorfque la fceur du Roi ouquelqu'autre perfonne de la familie royale s'ytrouve.L'unique amufement dont on jouït a Sciterbronneft la danfe, que Mr. le Profeffeur ordonnecomme un remede propre a 1'efficacité.


( 173 )des eaux,, mais afin que ce remede n'éehauffepas trop le fang, il ne le permet qu'une foispar femaine; le dimanche a l'iflue du diner onpre'pare la falie qui a fervie d'Eglife le matin& 1'orcheftre remplace la chaire; la danfen'ofe durer que jufqu'a 7 heures du foir.Parmi les geris qui n'ont point de campagneil s'en trouvent plufieurs qui vont jouir auxeaux d'un air fain & de la bonne compagniequ'ils font toujours fürs d'y rencontrer. Danschaque province il y a pour le moins un oudeux endroits qui renferment des eaux minerales.Quand tout le monde a quitté les eaux,les batimens tant publics que particuliers feferment, le Profeffeur en prend les clefs, Sctout refte abandonné a foi-même jufqu'a 1'annéefuivante, quelques femaines avant 1'arrivéedes buveurs le Profeffeur va examiner firien n'a befoin de reparation, il amene pourcet effet avec lui un nombre fuffifant d'ouvrierspour tout reparer, nettoyer & mettreen état d'être habité, & comme cela fe faitaux depens de la Province, 1'agrément & 1'avantageen font d'autant plus grands pour lepublic.Je partis de Saterbronn entre cinq & fix Ave Ma.heures du matin. Avefta n'étant éloigné quede quelques milles j'y arrivai de bonne heure


Wellmannie.( i?4 )d2ns la matinee: j'empioyai toute la journéea voir la maniere dont on affice le cuivre: cetteopération , qui eft trés curieure & trés longue,merite d'être examinée, ainfi que la manieredont, par la volatilifation, on en tire unetrés belle couleur rouge; je ne vous en feraipoint de defcription , par la raifonquevous n'ave's qu'a ouvrir 1'Encyclopedié fi vousvoule's en connoitre les de'tails.Ma curiofite' contente'e a Avefta,pour Sahla oü eft la mine d'argent;me retrouvai dans la Weftmannië;je partisla jechemin faifantje penfai avoir un malheur terrible; a unendroit oü je changeai de chevaux, eftunedefcenteaffëz rapide, au bas de laquelle pafteun bras de la riviere Dahl,fur lequel eft unpont flotant; mes chevaux e'tants prets,poftillon qui devoit fervir de cocher, s'e'tantplacé fur le fiége, je m'appereus qu'ilavoit trop bu ; & ne voulant pas dependred'un homme a qui le brandevin otoit toutefaculté intelectuelle, je fis prendre les renesa mon domeftique,leje ne fai commentelles lui échapperent ; les chevaux du timonne fentantpas plutót qu'ils n'étoient plusretenus, qu'ils s'emporterent & s'embrouillerentavec ceux de la volée, dont le poftillonqui étoit un enfant de ioanans fut jettépar terre, alors tous- les quatre prirentle


C 175 )mord aux dents & defcendirent la montagneavec une viteffe a laquelle je ne puis penferfans fremir, je vis le moment oü j'allois êtreprecipité dans la riviere, heureufement les chevauxqui fans doute par habitude connoilToientce chemin, prirent adroitement le tournant,arriverent au pont, & le pafferent comme 1'ëclairen tenant exa&ement fon milieu.I/eauqui par le mouvement & la pefanteur de lavoiture le couvroit, les bonds & les chocs occafionnéspar les troncs de fapin dont cesponts flottans font compofés, la frêle barrièrequi regne- le long de ces ponts,augmentoientma frayeur.Une montée affez roidefur la rive oppofêe modera heureufement 1'ardeurdes chevaux, qui peu a peu fe ralentirent,an point que mon domeftique ayantadroitement refaifi les re'nes parvint enfin a arrêterleur fougue.Je fautai en mêms tempshors de ma voiture & a 1'aide du cocher que lafrayeur avoit degrife', nous parvimmes a remettretout en ordre & nous eumes un momentapres,. le plaifir de voir accourir le petitpoftillon qui en fut quitte pour une légere contufion.Jamais je n'ai defcendu une montagneni paffe' une riviere avec une viteffe aufii prodigieufe,& jamais aufii je n'ai effuyé de plusgrand danger.Sahla eft une affez grande ville, batie en^ISahla ouSahlaberg.


Mined'aigent.bois, elle eft laide & fale, cependaat toutesles ruës y fout tirées au cordeau & aboutifFenta la grande place, qui eft exadtement aumilieu; 1'herbe croit dans ces ruës en cellequantite', que tous les foirs avant la fermeturedes portes, on y fait entrer des troupeau devaches, qui y paiflent 'pendant la nuitCette ville eft celébre,p ar le féjour qu'yfit la familie royale en x Tï 0, durant une ternblepefte qui ravagea Stockholm & y emportaau de la de 20,000 hommes.A un quart de lieuë for une petite montagneeft la fameufe mine d'argent. ' On y depeendpar un trou qui n'a pas plus de dixpieds de diametre: ce trou eft diredtement ala fuperficie de la terre & il n'y a point degrande excavation comme a Dannemora & aFahlun, je defcendis par le moyen de quelquesechelles a la profondeur decinquante pieds, jufqu'aune des premières galleries,mais le froi'dexceffifque j'y reflentis me fit renoncer au deffeïnde defcendre plus bas , d'autant plus ,que j'aurois du y faire mon entree parmoyen de fceaux, facon de <strong>voyage</strong>r pour laquelleje ne me fentois aucun gout: tout cequi regarde le mechanifme qu'onleemployé,pour faire fortir les eaux &pour y faire defcendreles fceaux, eft J emême qu'a Fahlun &Dannemora; excepte' qu'ici deux grandesrouësk


( 177 )font mouvoir les pompes, & que dans ces endroitsce n'eft qu'une feule roue qui met touten mouvement. Ces rouës ont ici 44 p. dediam. celle de Fahlun qui eft la plus grandeen a 48, & celle de Dannemora 44. Cettemine eft la plus ancienne & la principale decelles dargent en Suéde; elle exiftoit déja en1188, & rendit pendant tout le I4 e . fiècle"24,000 marcs d'argent par année; dans la duréedu ig e . fiècle, elle diminua jufqu'a 20,000,enfin fous le regne de Charles X, elle nefournit plus que 2000 & aujourd'hui elle endonne moins, puifque le minerai tel qu'il eft,calculéexadtement fournit 2 lots d'argent pur parquintal. La principale gallerie , d'ou l'on tiroitle minerai. le plus pur, s'eft entierementécroulée, & jufqu'ici on n'eft pas encore parvenua creufer fous ces decombres; on travaillecependant encore a forcc, & l'on faitdes nouveaux puits, pour arriver petpendicu--lairement fur le fillon principal, qui donnolt. un minerai ft riche; ce iillon s'étend du Nordeft au Sud-oucft. Autre fois on étoit obligé defaire venir d'Angleterre le plomb neceffairepour la fonte, mais a préfent la mine en fournitaffez elle - même pour cette operation.A une demie lieue de la mine eft la forge i| c'eft un grand bourg, habité par des forge*fa tc e . :M «ft e' J :


ons, & oü demeurent auffi tous ceuxfont employés en qualité d'infpeóteurs,directeurs&c.qüiA cette forge on retire 1'argent du mineraiexploité dans la mine, par les procédés fui- •vans.i°. On pile la mine ou minerai, pour enécarter ce qui n'eft que pierre, on lalave enfuite dans une cuve (Schlemhercl) par deffus laquelle on étend unetoile groffière (Buldan.)2°. A cette maffe lavée on fait fubir uneefpèce de calcination dans un fourneauvoute', on donne a la maffe affez deforce pour J'unir & pour en former unfeul corps fans en produire la fufion.3°. Cette opération faite, on ajoutc a lamaffe calcinée. Varcanne (Roth-Jlein,)cette arcanne a la proprièté d'attirer aelle 1'argent & le plomb contenus dansla maffe, tandis que le fouffre s'évapore:on laiffe fondre le tout enfembïe,puis on le fait couler.4°. On leve les Scories qui contiennentdu fer, & le plomb uni a 1'argent fortdu fourneau, en fufion, par 1'ouverturequ'on ya pratiquée a cet effet.$°. Cette maffe (Werkbly) ayant enfin éte'affinée fur 1'atre ou fourneau d'affinage


i *79 3(Tryb-herd) on 1'envoye en gateau?a 1'hótel des monoyes a Stockholm, .Cette mine fut exploitée autrefois au profitde la couronne, mais en 1682 elle en ceda laproprièté a une fociete' repartie en 200 parts %c'eft aux fraix de cette fociete', que fe font: aujpurd'hui toutes les operations de 1'exploitation& de la fonte.Je paffai un jour entier a confiderer les differentesmanoeuvres, qu'on employé, tant pourexploiter le minerai, que pour le travaillerdans les forges , ce qui me procura deux mauvaifesnuits, que je paffai tout habillé fur mon: matelas, n'ófant pas m'étendre fur le grabat,1 dont 1'afpect étoit de mauvaife augure. Jei{\ fus trés mal dans cette ville par rapport a laI nourriture, & fi une lettre de recommenda-| tion, que j'avais pour Monfr. Berendfon di-] reóteur de la mine ne m'avoit procurée, outretoutes les politeffes dont ce galant homme mecombla , un bon diné & un bon foupé, je;\ crois que" j'y ferois mort d'inanition, car leII premier foir dc mon arrivée , ayant demandéquelque chofe avant de me coucher, on medonna du Knikkebroë avee 'du lait, dont je fus! obligé de me contênter après n'avoir rien man-| gé de toute la journée.On me fit voir dans une falie de la maifonii de 1'Infpefteur, comme une curiofité, deuxM .9


( i8o )fceaux dans lesquels les Rois 'Charles X &Charles XI defcendirent au fond de la mine:on y confervoir. auffi les trois fceaux dans lesquelsle Roi actuel, étant Prince Royal, vifitacette mine avec les Princes fes freres, de mêmeque les habïts dont ils fe fervirent, qui fontfaits de foye noire, dans le goat de ceux desmineurs.Sahla fut le terme de ma courfe minerale ,que je commencai après avoir quitté Upfal,par la mine de Dannemora & qui me fit parcourirunefpace de 60 milles; c'eft auffi parla que je finirai cette lettre, en vous' aflurantque je fuis, &c.


C 181 3LETTRE QUATORZIEME.COPPENHAGUE ce .. .Janvier 178^,M . . -J"e comptois rétourner a Stockholm, dont jen'e'tois e'loigne' h Sahla que de 9 a 10 milles,mais ayant appris , que je pouvois abreger beaucoupmon chemin pour Carlscrona , en yallant dire&ement, fans repafler par la capitale,oü j'avois vu tout ce qu'elle contient de pluscurieux, je refolus de ne pas y retourner; onm'avertit cependant que ce chemin étoit plusrude que celui que je trouverais en palTant parStockholm, a caufe d'une chdinë de montagnes& d'un pays trés defert, que je ferois obligé depafler: cette difficulté m'arreta d'autant moinsqu'on me dit: que fi le paffage de ces Montagnesétoit difficile , j'en ferois deéommagépar les vuës pittorefques dont j'y jouïrois; enconféquence je me mis en route pour Enkiuping,qui fut ma première ftation. A quatremilles de Sahla , je rentrai dans VUplandeM 3


(tti)Enkiöping.Wefteras.& quittai la Weftmannië, belle province biencultivée, contenant des grandes plaines trésfertiles en bonne herbe & en beau bied.Enkiöping eft une ville affez mauvaife«Sc qui ne vaut pas même Sahla; 1'herbey croit en telle quantite dans les ruës, quetous les foirs , vaches, moutons, cochons,oyes, &c. y viennent de la campagne, & aulieud'entrer dans les e'tables ils y broutentpendant toute la nuit. Cette ville eft renommeepour fon antiquité: avant Odin, elle e'toitune des re'fidences des Rois, entre lesquels lepays étoit partagé. Une couple d'heures mefuffirent pour voir ce que cette ville a de rémarquable;ce qui m'en fit le plus de plaifirc'eft fa fituation agre'able au bord du LacMaler, «Sc qui eft en même temps avantageufepour fon commerce dans 1'interieur dupays; de la je fus a Wefteras, ou je rentraidans la Weftmannië. Wefteras, ou Ar of en,Refidence d'un Eveque «Sc du Gouverneur dela province eft une ville trés ancienne; elleeft fitue'e a 1'embouchure de la riviere Swartd,qui après avoir partagée cette ville en deux,fe jette dans le Lac Maler. L'étymologie defon nom eft Weftra-aros; Ar veut dire riviereou Lac, Os, embouchure & Weftraeft rélatif a Upfala qu'on nomme quelquefoisOefter - aros.


C 133 )La Cathedrale eft rémarquable par fa belletour, & par différens tombeaux, entre-autresceljui du Roi Eric XIV (*) & de quantitéd'Eveques.Cette ville fera a jamais celebredans les annales de la Suéde, parceque ce futdans fon enceinte que le royaume fut renduhéréditaire, d'éledtif qu'il étoit auparavant.(t>L'on m'avoit prevenu qu'a quelques lieuésde Wejler-rasle Roi poffedoit un chateaunommé Stromsholm auprès duquel étoient fesharas, comme j'étois curieux de,les voir jequitai la route ordinaire; je fus contraint deprendre un mauvais chemin de traverre peury parvenir. Ma peine fut trés mal payée,puifque je n'y trouvai point les beaux Etalons,qu'on m'avoit tant vanté, j'y vis feize chevauxentiers, dont deux efpagnols, un tartare& un cheval Danois étoient les meilleurs;les jumens n'y étoient pas, on les avoit envoyéesau paturage a quelques lieuës de la, avec leurspoulains; je me propofai de les aller voir.Le chateau vrai fimulacre d'antiquite' me parutfi delabré a 1'extérieur, que je ne le jugeaiStromsholm.r *•) Eric XIV, après avoir reilé emprifonné pendant8 "ans a Gripsholm, prit enfin en 1577 de la cigue parordre du Roi Jean fon frère.(-O La couronne de Suéde fut declarée en 1544 héréditaireen faveur de tous les defcendans males de ÖuftaveVafa.M 4


C J84 )Kongsor.pas valoir la peine d'y entrer, d'autant plus que jj'apris que le Roi n'y venoit jamais, que poury prendre tout au plus un diner, lorfqu'il venoitvoir fes harras. Ma curiofité contente'e, Ije repris la grande route & j'arrivaï le foir aKiöping (*) accueilü d'un orage épouvantable,les coups de tonnerre & les édairs fefuccedoient avec une telle rapidite', qu'il y avoitde quoi infpirer de l'efFroi aux plus intrepides;la réfonnance des rochers & la repétitiondes echos au milieu des^'montagnes , jointa une abondance de gre'le & de pluye quipenfa me noyer dans ma voiture, après enavoir cafle' les deux glacés du devant, rendoientcet orage encore plus refpectable.Ce fut le quatrieme orage que j'effuyai en quatrejours, mais aucun ne fut auffi violent quecelui-ci. La pluye m'empêcha de parcourir»la ville qui au refte ne me parut guere meriter1'attention d'un Voyagcur. Elle eft fitue'ea 1'extrêmite' occidentale du Lac Mater.A deux milles de Kiöping, je vis-KongsÖrc'eft-a-dire village du Roi oh fe trouvoient lesjumens du haras; elles paifföient dans d'excellenspaturages le long du canal qui ménedu Lac Maler a Arboga; je pofledois une re-C* J Kiöping veut dire marcTié.


'eommendation d'un fous-écuyer, infpecTeurdu harras a Strümsholm, pour celui qui a ladirecTion des jumens & des poulains. II meconduifit dans toutes les prairies , je n'yremarquai rien d'extraordinaire; les jumensétoient Suédoifes & du harras même;quelques unes étoient affez jolies mais petites;je ne pus juger des poulains , a cauib de leurgrande jeuneffc. Je n'ai point vu de beauxchevaux en Suéde, ils font generalement petits,mais forts & robuftes , furtout dans lesprovinces feptentionales: j'ai rémarqué qu'ilsfont fujets aux éparvins, malgré qu'on m'eutaffuré le contraire.Après avoir confideré les jumens & leurpoulains, je traverfai le Canal dans un bac &j'arrivai a la même pofte ou j'avois paffe' enallant a Stockholm, dont je me trouvai alorsa.la diftance de quatre milles: j'y croifai duNord au Sud la même route que j'avois faitede d'Oueft a 1'Eft; le Canal fait une partie dela communieation entre le Lac Maler & celui de Hielmarn , par le moyen des éclufesd'Arboga.Dans le courant de 1'après-dinée je paffaile Lac Hielmarn , dans un grand bateau, oüHielmarn.l'on m'embarqua avec ma voiture; un calmeparfait nous obligea d'aller a la rame, il fallutM 5


Suderiiannië.( -1B6 }plus de quatre heures pour faire ce trajet (*};la chaleur étoit exceffive, deux rameurs & quatrerameufes faifoient la manoeuvre, les hommesprefque nuds, & leurs peu de vêtemenstroués comme un crible, les femmes en chemife& en jupon court, pas le moindre petitfoufle pour temperer la chaleur du foleil. Refugiéfous la cappe de ma voiture, je conffderaiavec plaifir les beaux points de vuë, quem'offrirent differentes ifles, quantite de vaiiTeauxqm faifoient voile,les cótes oppofées, lescimes de plufieurs montagnes couvertes de fa«pin, dont les têtes s elévoient a une hauteurprodigieufe & qui me faifoient défirer d'autantplus le moment du debarquement, que jevoyois en perfpecTive des bois dont 1'ombre &la fraicheur devoient me procurer une joüüTanceagre'able, dans la terrible chaleur qui m'accabioit.En m'embarquant fur le Lac Hielmarn,j'avois quitté la Weftmannië & en debarquantje mis pied a terre dans la Sudermannië, oüje ne refiai pas lóngtemps , j'atteignis bientótla chaine de montagnes qui fepare cette provincede l'Oftrogothië.Vers le foir j'arrivai a un petit village nomméMalmör, oü je changeai de chevaux; ce'(*) A cet endroit il a environ 2 lieues de large.


village compofé d'une douzaine de cabanes eftau pied d'uné montagne, nommée Malmdrlaka (Montagne de Malmar;) le paffage decette montagne eft dangereux, a caufe desmontées & defcentes rapides, borde'es deprecipices effroyables & heriffées de rocherséfcarpés. On m'avertit du mauvais cheminqui m'y attendoit, & l'on*me confeilla de fairetin detour pour 1'éviter: ce detour faifant unbbjet de quatre milles, je refolus de rifquer lepaffage, en prenant la précaution de me fairefuivre par quelques païfans qui vinrent avecmoi en chariót. La montée quoique affezhaute ne fut rien, mais la difficultë m'attendoita la defcente, j'arrivai au haut de la'montagne entre onze heures & minuit; le foleilbalffoit de'ja fous 1'horifon au point dedonner une couple d'heures de nuit trés obfcure,il eft vrai qu'il faifoit clair de lune, maisfa foiblc lumière pergoit a peine a travers 1'epaiffeurde 1'e'norme bois de fapin dans lequelje <strong>voyage</strong>ois; j'avois gagne' le haut de la montagnea pied, & ce trajet avoit dure trois heures,la roideur de la montée obligeoit fouventmes payfansde fë mettre tous a l'ouvrage.pouraider les chevaux a faire parvenir la voitureau haut. Enfin arrivés ala Cime il fallut fe repofer& faire reprendre haleine a hommes & a betes ; —.je m'écois muni de brandevin & de Knikkebicë,


188 5ce qui fit revenir le courage a ceux qui commencoienta parler de me planter lè & de s'enretourner chez-eux, la promefle du partaged'une plotte oü deux daalders filver munt contribuak ranimer leur bonne volante. Aprèsnous être'un peu repofe's nous reprimes notremarche, Smous fumes prefqu'autant de tempsk defcendre que nous en avions employe's amonter, les chemins excefiivement étroitsobligeoient les payfans de marcher lesuns le long du pre'cipice en foutenant lavoiture avec leurs e'paules , & les autres atenir les chevaux pour les empêcher d'allertrop vite, a quoi ils e'toient trés enclins,paree que la voiture quoiqu'elle fut enrayée, leur donnoit a tout moment contreles jambes. Après beaucoup de peinede fatigué & de crainte, nous arrivames heureufementk 1'endroit de la montagne oü le chemindevient plus facile, plus large & moinspe'rilleux, & oü pour nous confoler de nostravaux & des desagre'mens d'une obfcurité', enquelques endroits fi grande, qu'on ne voyoitpasplus les yeux ouverts que ferme's, nous vimes lefoleil fe lever, monter fur 1'horifon dans toutefa gloire & nous annoncer du beau temps pourtoute la journe'e.Je veux bien vous avouer que durant le paffagedu Malmar bakaje ne fus pas trop a mon


ahe; 1'obfcurité profonde, un pays defert éloignéde toute habitation, cent fois fur le point'de Yoir fracaffer ma voiture contre les rochers,ou de 1'entendre rouler dans les pre'cipiccs,ne rendoit pas ma fituation agre'able; joignésa cela 1'idée de me trouver a la merci de mesdeux poftillons, & de fix païfans, qui auroientpu me voler, & me maffacrer, fans que jamaisperfonne en eut pu avoir connoiiTance,& vous croire's fans peine que je fus charméde 1'apparition du foleil, qui me fit apercevoirun pays. plus uni, affez bien cultivé & lestours de Nordkiöping en perfpe&ive. Je congediaimes payfans , trés contens de nepas m'être laiffé intimider au point de fairele detour, & plus encore de pouvoir me pafferd'eux.Un chemin magnifique a travers de bellesplaines bien cultivées faifant partie du cheminroyal de Stokholm a Nord-kiöpingme mena acette dernière ville, oü je trouvai heureufementune affez bonne auberge; après m'y êtreun peu repofé des fatigues de la nuit, je fusTemettre une lettre que j'avois pour Mr. Shafnegotiant, qui me recut avec beaucoup de cordialité& m'offrit fa maifon pendant mon féjour


C 190 )golfe appellé Erawiken faifant partie de la merbaltique. La riviere Mo.tala la traverfe & s'yjetce dans ce golfe: elle eft une des plus grandesvilles de la Suéde & tres marchande; lecommerce qu'on y fait avec la france eft confidérable,furtout en .laiton, dont je fus voir laManufacture; tout s'y fait par le moyen de larivière qui pafte par la ville & y ferme au milieuune cataradte alfcz forte.Vous favés que pour faire du laiton , le cuivrefe fond avec la calamine, dans des grandscreufets, on le fait enfuite couler dsns des formesplattes, qui ne font proprement que desdoublés preflbirs, les plaques qui en fortentfont coupées par bandes avec d'énormes cifeaux;ces bandes font tirées par cinq différenstrous par le moyen de fortes tenailles.,au deffbus de ces trous font autant de rouleaux,quitournentcontinuellement,pour donnerau fil, la forme qu'il doit avoir. Les cifeaux,les tenailles, les rouleaux & les marteauxqui fervent a applattir bien uniment laplaque, font mis en 'mouvement par une immenferouë, qui en fait tourner plufieurs autres,& la rivière eft le premier mobile de toutle mouvement, il en eft de même des grandsfouflets qui fervent a attifer le feu des fourneaux.Outre cette fabrique de laiton qui appartient


C w ")"i un particulier il y en a une de 'fufils , & plufieursmanufadlares de draps, de papier, &.c.Quoique Nord-kiöping, ne foit pas la capitalede 1'Oftrogothië , elle eft cependant la.ville la plus riche & la plus confidêrable detoute la province, de même que la plus peuple'e& la mieux batie, le grand commercequ'elle fait, lui donne un air d'acTivite' &"d'opulence que fes habitans paroiffent ne pointdementir a en juger par le Négotiant a quïj'e'tois recommande' & par différens particuliers'dont il me fit'faire la connoiiTance, de qui lesmaifons & les tables annon?oient la fituationla plus aife'e; la defcription qu'on m'y fit desplaifirs qu'on fait s'y procurer en hyyer, meconvainquit que cette ville doit être floriffante ,puifque chacun peut y contribuer autant a 1'amufementgeneral. De Nord-kiöping je fusa Linköping Capitale de VOftrogothïè & réfidencedu gouverneur de la Province, fitue'efur la Rivière Stang. J'y arrivai par un cheminfuperbe, a travers un pays charmant,bien cultive' & affez peuplé; je fis les trois milles, qui feparent ces deux villes, de la facon dumonde la plus agre'able, (furtout en comparantcette route a celle des jours précédens )a. 1'ombre de vieux faules les plus hauts & lesplus antiques que j'ai vu de ma vie,


LiukiöPing.( IP2 )Linkiöping eft une des plus anciennes villesde la Suéde; mais petite & mal batie. Lacatbédrale eft ce qu'on y trouve de plus remarquable;après celle d'üpfal, c'eft la plus grandeÉglife de la Suéde. On y voit de fort beauxtombeaux, appartenantsaux families de Bielke& Löwenhaupt. Ces maifons comme danstoutes les villes de Suéde font de bois, maismal propres & peu apparantes, il n'y a quela maifon de ville, la chancellerie, & le ch|teau,oü demeure le gouverneur, qui foit enpierres.Non loin de cette ville eft un petit lac, donton me coma un phenomene affëz fmgulier, &que j'ai ouï conSrmer enfuite; c'eft que detemps en temps il y paroit "une ifle , environd'une demie Iieuë de tour, qui refte a la furfacede 1'eau quelquefois pendant une annéeentière, & puis qui s'abime tout a coup, pourreparoitre- quatre , cinqaprès.& fouvent fix ansElle eft couverte d'herbes, de pierres,de racines & de troncs d'arbres.A Carlscronale commandant du régiment de marinem'afiura y avoir accompagné le Roi,q uie u tla curiofité de vouloir s'y promener.Quelleque foit la caufe de ce phenomene , il eft trésfmgulier, & je laifle a Mefiïeurs les Phyficiensaen difcuter l e s raif 0ns; -a urefte on voitdans


'C'm 3dans les differens lacs de la Suéde quelquesifles fiottantes.- Je repartis Ie lendemain de Linkiöping aprèsun diner tres fobre & trés cher; je fus couchera Wadftena petite ville au bord du lac Wettern;Ce lac a une étenduë de 15 milles de longfur af de large , fon niveau eft a 240 pieds audeflus de la Baltique.Wadftena,On m'avoit tant vanté les antiquités quecette ville renferme, que je me refolus d'y aller, malgré un detour de 4 milles, que cetteexcurfion m'occafionna ; j'y arrivai vers lefoir.Tout m'anoncant a 1'auberge la famine& la malpropreté, je commengai a me repentirde mon goüt pour Tantiquité-, cependant unehötefle groffe & grafie, ajoues rubicondes, mefit avec fes belles mains blanches une omélettequi fentoit le rance & la fumée,meregala d'un vin de je ne fai quel cru, mais dignedu fameux diner de Boileau & qui penfam'empoifonner, puis m'enveloppant dans monSchantslooper, je m'étendis fur mon matelas,que j'avois fait mettre par terre, & fur lequelje' ne dormis guere; Terigeance dont cette maifonfourmilloit y mit bon ordre.A peinévis-je les premiers rayons de 1'aurore, que jeme levai, en attendant que ma groffe hótefie &fes fervantes en fiffent autant, j'allaime promenerpar la Yille, & j'arrivai a une belle allésNLac Wettern.


C 1)4 )qui me conduifit au bord du lac: le fpecTacledont j'y jouis me fit oublier tous mes petitschagrins: le foleil pleinement degagé de 1'horifon,fembloitfortir des eaux mêmes du lac,dont on ne voit point les bornes du cóté dulevant, 1'eau calme & unie comme une glacérefiechiflbit les magnifiques couleurs, dont brilloientun miilier de petits nuages, qui flottoientlegerement dans 1'atmofphère. Une quantitede bateaux de pêcheurs tranquilement a l'ancreles voiles baiflées, y paroüTent immobiles ;une ifle qui s'élève en une haute Colline aucouchant prefentoit un amphitheatre de terrescultivées & de paturages, oü des troupeauxde vaches & de moutons paiflbient paifiblement:cette colline étoit couronnée de beauxarbres, & le criftal des eaux qui 1'entoure repétoientles objets dont elle eft couverte; unnombre infini d'oifeaux, habitans des arbresd'alentour, par leurs concerts fembloient célébrerle lever du foleil. Pour jouïr plus a mon aifede cette intéreflante vuë, je m'afiïs fur 1'herbequi couvroit une petite hauteur, & je nefais comment, tout en contemplant ce que jeviens de decrire, je m'endormis. A mon reveilje fus fort étonné de me trouver étendupar terre, ne fachant oü j'étois ni comment jeme trouvois la; il me falut plus d'un quartd'heure pour réprendre mes fens; il me fut


C 195 )cependant impoffible de me rapeller le nom dela ville oü je me trouvois ni le chemin de i'auberge;enfin a force de demander aux paffants\Chivergoor? j'yrevins: je trouvaimon domeftiquefort en peine, il avoit palfé la nuit dansla voiture; s'étant éveillé quelque temps aprèsque je fus forti & ne metrouvant pas, le pauvregarcon ne favoit oü me chercher; monpremier foin fut d'avoir recours a mon journal,pour favoir le nom de la ville, il m'appritque j'étois k Wadftena; jamais je n'eus uneabfence pareille, que j'attribuai k 1'excefiivefatigué que j'avois efiuyé pendant quelques jours.A ma montre il étoit fept heures , d'oü je conclus,que j'eu avois dormi prés de quatre fur1'herbe. Je demandai a dejeuner, a peine eusjeavalé mon Knikkebroe' trempé dans du cafledéteftable, que quatre Mefiieurs frappèrent kma porte & en entrant dans ma chambre meparierent en Suédois, accompagnants leur dif-,cours de force révérences, auxquelles je repondisa mon tour par d'autres en dlfant MinherrenMe verjlo (*)• Voyants que jene les comprenois point, ils fortirent & revinrentune demie heure après avec un homme,dont les cheveux gris & 1'uniforme atteftoient£ * ) Meffieurs je ne vous comprends pas.N 3


C 196 )qu'il avciit vielli au fervice; il poftoit 1'ordr'edel'Epée a la boutonniere. Cet officier quiparloit trés bon franijois, me dit: que cesMeffieurs étoient membres de la re'gence; qu'ayantappris, qu'un militaire hollandois étoitarrivé dans cette ville, pour y viflter les antiqüités,ils étoient venus lui offrir leurs fervices& que s'étant appergus que Mr. 1'Officierne les entendoit pas, ils étoient venus lechercher lui Lieutenant Collonel des Ingenieursa la penfion ( * ). Je temoignai a èes Mesfieurs& a Mr. de Eillehok combien j'étoisfenfible a leurs politefTes; 1'un d'eux m'invitaa diner, & enfuite le Lieutenant Collonel voulutbien avoir la complaifance de me faire voirles curiofités de la ville.II me mena a la cathédrale, batie par Sr.Brigitte en 1348, auprès de laquelle ellefonda un monaftere de religieufes, dont le batimentexifte encore; la Reine Chriftine 1'atransformée en maifon d'Invalides & y a attachéeun fond,pour procurer une retraitehono-'rable a un nombre limité de pauvres foldatseftropiés, ou trop vieux pour fervir. Mr. deEillehok avoit aftuellement 1'infpection de eetétabliflement.. (*JUl~e iwmnj&it de Eillehok. 1


Dans 1'è'glife *on voit encore les ornemensd'autel, les crucifix, les ftatues de faints & defaintes, entre autres celle de St. Brigitte ellejnême,tels qu'ils exiftoient de fon temps. Toutcela n'a d'autre. merite que . celui de la vetufte',cependantmalgre' leur antiquite' qui datede quatre fiècles, je ne trouvai point qu'ilsvalufient quatre milles de detour , que j'avoisfait pour venir leur rendre hommage.Cette Églife eft auffi. remarquable par letombeau d'un fils de Guftave Vafa, connudans Thiftoire fous le nom de Duc Magnus ;Imbecile dès fa naiflance fon pére lui avoitdonne' pour re'fidence un trés grand, chateau, qui exifte encore dans fon entier,tout attenant a cette ville au bord du lac. Cechateau eft bati de pierres , dans le goüt gothique,la facade d'une belle architedture ence genre eft tres bien conferve'e; 1'inte'rieuren eft entierement delabré; on y a fait lesarrangemens neceflaires pou? une brafierie debrandevin , êe pour une manufaéturc detoiles. .Après avoir vifite' la cathédrale, Mr. Eillehokme mena a une autre Églife, plus petitemais jolie, pour faire mes devotions auxReliques de St. Brigitte, elle mourut a Rome& je ne fais quel Pape envoya fes os en Suedeoü on les a depofe's dans un beau coffreN 3


( 198 >couvert de velours rouge, garni de plaquesd'argent, fur les quelles font grave'es plufieursinferiptions; ce coffre eft placé dans une petitechapelle affez propre, oü les curieux &les devots peuvent fe fatisfaire. Je mouroisd'envie d'aller prendre infpection du dinerqui m'attendoit & je fus charmé, lorf>qu'enfin la revuë de ces antiquités fi refpectablesfut finie. Une aimable Suédoife femmedu Confeiller, qui m'avoit invité & quiparloit trés bon allemand, fit les honneurs dela table & cette jolie moderne m'intéreffaplus que toutes les ftatues antiques & mutile'es,les vielles mazures & les faintes reliquesdont je m'étois occupé pendant toute lamatinée. Après le diner nous fumes nouspromener; nous arrivames aü même endroit ouje m'étois fi bien endormi; quoique le foleiln'y donnoit plus 1'éclat d'un beau matin, lefpeótacle n'en fut pas moins intéreffant; quantite'de vaiffeaux qui faifoient voile fur unlac dont les bornes fe perdent dans 1'horifon,des coteaux, des montagnes couronnées debois, quelques villages, 1'ifle fur la cóte occidentaleoccupoient agréablement la vuë:mais ce qui me rendit ce tableau encore plusintéreffant, c'eft un phenomene bien pjusfmgulier que celui dont je vous ai parlé aufujet de 1'ifle qui paroit & qui difparoit-,


C 199 )on me raconta que trés fouvent par le plusbeau temps du monde, le lac s'agitoit d'unefacon fi extraordinaire & que les vagues en devenoientfi impetueufes, qu'aucun vaiffeau nepouvoit y naviger fans danger & cela fansaucune caufe apparante. On a cherché pendanttrés lóngtemps a decouvrir la caufe phyrfique d'un effet auffi fmgulier; après bien desrecherches on eft parvenu a favoir qne ce laca communication avec celui de Conftance enSuiffe; par des obfervations fuivies & reitereeson a trouve' qu'au même jour oü les eaux d.tilac Wettern étoient agitées fans aucune caufeapparante , une tempête avoit troublée cellesdu lac de Conftance & vice verfe lorfqu'unetempête troubloit & agitoit le lac Wettern,celui de Conftance étoit a fon tour agité fanscaufe apparante ; des obfervations encore plusparticulières avoient contribuées a verifier cettecommunication entre autres 1'apparition dequelques plantes originaires du Lac de Conftancedans celui de Wettern & viceverfa, &c.Je n'en dirai pas davantage fur cet article, pareeque j'ai beaucoup de peine a ajouter foi, a1'exiftence d'un phénomene,dont on paroit trésallure' a Wadftena. 11 faudroit polleder lespreuves les plus convainquantes pour fe leperfuader. Une chofe cependant eft vraïe &riconnuë: c'eft que ce lac eft trés dangereuxN 4


C 2pO )pour la navigation par' la violence avec laquellefes vagues font fouvent agitées & dontle mouvement fubit annonce toujours la tenbpête.Après la promenade nous retournames cheznotre hóte, oü fonaimableEpoufe nous verfaduthé. Je m'étois arrangé pour partïr vers le foir»afin de profiterde Iafrdicheur, ayant encore 40milles a parcourir avant d'arriver a Carlscrona ;l'on m'avoit dit que je ne verrois chemin faifantque deux villes , Ekesjo & Wexiö, qui nevaloient pas la peine de s'y arrêter ; en confequenceje refolus d'aller d'une traite nuit &jour jufqu'a Carlscrona , dont j'efpère vous parlerdans la lettre fuivante.


'i 201 )LETTRE QUIN.ZIËME.COPËNHAGUE ce . . . Janvier 1785,M ... ; £|•Je partis de Wadftenaa fix heures du foir,d'autant plus content de Taccueil que j'y recus,qu'il avoit e'te' purement gratuit,- fans- en'êtreiedevable a une lettre de recornmandation:1'apparition d'un étranger qui <strong>voyage</strong> uniqucjnentpour fon plaifir & qui n'a d'autre motifque la curiofité, eft unphénomene fi rare enSuéde, principalement dans le quartier oü eftfitué Wadftena, que de mémoire d'homme onne fe rappelloit rien de pareil; & mon arrivéedans cette ville fera fans- doute notée dansfes Annales.Après une courfe continuelle de deux nuits& un jour j'arrivai a Carlscrona Vendredi matina 10 heures.Je ne vous dirai pas grand chofe de cetteroute: je traverfai dans toute fa longueur laSmolande, province trés montagneufe; je metrouvai continaellement dans des forêts, pa^N 5Provinc(de Smolande.


mi des rochers aux' bords de précipices; jevis peu d'habitation & encore moins de culture;dans les forêts je remarquai en plufieurs endroitsdes monceaux de pierres, qui me parurentrafiemblés par mains d'homme; quelquesantiquaires Suédois prétendent y trouverdes indices que ce pais, maintenant couvert pard'immenfes forêts, fut autrefois plus peuplé &mieux cultivé: on doit en conclure, fi cetteaflertion eft vraye, que Ia population y aconfidérablementdiminuée, puifque dans toute 1'étenduëde la Smolande, je vis une prodigieufequantité de ces monceaux parmi les bois , quicouvrent-les trois quarts de cette province.•Ony trouve quelques mines, entre autre uned'Or a Adelfors, qui par le peu qu'elle rendn'entre en ligne de compte, que par 1'efpérancedes Suédois, qu'en continuant a 1'exploiter,ils y trouveront un jour une veinequi les dédomagera du travail & des fommesqu'elle leur coute actuellement: comme onm'avoit prévenu,que cette mine ne méritoitpas 1'attention d'un <strong>voyage</strong>ur, je ne vouluspoint perdre mon temps a 1'aller voir. LesSmoiandois paffent pour être les defcendansles moins abatardis des anciens Goths; chacunfe marie dans fa paroifle ou du moins dans laprovince , & depuis un temps immémorial aucunhabitant d'une autre province n'eft vecu


t 203 )S'y établir • auffi les habitans de celle-ci ont laréputation d'être les plus grands & les'plus robuftes de toute la Suéde.Wexïo affez jolie petite ville & dont lemarché & la grande rue font bordéS' de tilleulseft la réfidence du Gouverneur de laSmolande & d'un Evêque;ayant eu le malheurde caffer un brancard de ma voiture environa une demie lieuë dé cet endroit, je fusobligé de m'y arrêter malgré moi pendant'quelques heures.Je languiffbis d'arriver aCaHscronct, & 1'impatience fe joignant a 1'ennui,j'y paffai mon temps defagréablement,enfin le brancard raccomodé ,route.je repris maCarlscrona eft la Capitale de la province deBlekingen & la réfidence du Gouverneur, elleeft fitue'e au bord de la Mer Baltique & batiefurungrand rocher qui forme un ifie: CharlesXI. qui en eft le fondateur, 1'honora de fonnom & lui accorda le droitd'étape; pour y arriver,on doit pafler deux autres Kies, que troisgrands ponts joignent a la terre ferme: fur cesdeux illes font deux fauxbourgs , affez grands,mais fales & mal batis ; ne contenants quedes gens du commun; II n'en eft pas de mêmede la ville, elle eft affez bien batiequoiquela plupart des maifons , foient de bois;plufieurs ont trois étages ornés de fculpturesWexio.Provï-icede B'e.klMg.Carlfbronavilltd'étape.


t 204 )& de colonnades, & fi proprement peintes";.qu'eUes préfentent l'afpedt le plus agre'able; ontravaille beaucoup a fon embelliffement & onn'épargne rien pour la rendre avec le tempsune des plus belles villes de la Suéde.. UneÉglife qu'on conftruit a une de fes extrêmitésyers le chantier 'conmbuëra beaucoup' ï 'fonornement, de même'que la place dont elle ferale centre: cette place eft trés grande & fuivantle plan, elle fera bordée de plufieurs bellesmaifons, on étoit encore occupé a 1'applanir,&. pendant le féjour que'je fis' a Cartscrona j'entendisa tout inftant :les explofions de la poudre,dont on fe ftrt pour faire fauter les quartiersde rocher, qui la rendent inégale;" la mêmeopération fe faifoit dans differentes ruës oüle roe eievë en beaucoup d'endroits des pointesauffi defagréables a la vuë, qu'incommodesaux piétons & dün abord impoffible pourles voitures j peu de rues y font pavées, onmarche fur le roe vif, ce qui rend la promenadetrés fatiguante.Les habitans de Carlfcrona pretendent quele Bieking eft la plus belle province de toucle royaume: je ne fuis pas tout a fait du mémeavis; 1'abord du cóté de la Smolande efttrés montagneüx, il eft vrai que du cóté de laScanie le pays s'aplanit , devient fertile &qu'il eft couvert d'arbres fuperbes entre autres


C 205 )Öe chénes; j'y vis auffi quelques belles terres|: apartenantes a différens feigneurs, d'oü s'éleventdes maifons, qui a une certaine diftanceparoiflent autant de chateaux ; ces maifons: pour la plus grande partie baties en bois ,ont unemagnifique apparance. Cette province n'entre-,tient point de Soldats, mais elle doit fournirun régiment de Marine. La milice Marinerépartie fur differentes terres, monte en Suédeè environ 13000 hommes, dont il n'y en aordinairement que mille d'employés en tempsde paix & hors du temps des exercices; laGuarnifon de Carlfcrona eft forte d'environ16 cent hommes divifés en trois compagnies.Je m'étois muni de deux lettres de recommandation, 1'une pour Mr. Pylgardt riche negotiantqui étoit degoré du titre de Patron desMines, & 1'aütre pour le contre admiral Chapman,'directeur du chantier, Tun & 1'autrem'accueillirent de la fagon du monde la plusgracieufe: témoignant au dernier que j'étoisvenu en partie pour voir tout ce qui eft rélarifaux ouvrages fi rénommés du chantier & dunouveau Dok, il me promit de m'cn procurer: la vuë dans le plus grand detail le lendemain:matin •, en attendant il me perrait d'en examinerles plans faits par lui-même. Le Contre-Admiral Chapman eft une homme auffi refpectablepar fes qualités perfonilelles, que par la


( 205 )capacitë k laquelle il doit fa fortune;II eft trés eftimé, & les Suédois en fontun cas extraordinaire, furtout par rapporta fon habileté en fait de conftru&ion de navires.II a inventé une nouvelle coupe &on prétend que tous les vaifleaux batis d'aprèsfon raodele , font infiniment meilleursvoiliers que les autres. II a écrit un ouvragefur la marine qu'on eftime beaucoup.Le lendemain i! eut Tattention de m'envoyerun officier, qui avoit fervi cbez nous fous Mr.Dedel; celui-ci ne pouvoit affez felouerdefonancien Capitainë, dont il vantoit le cara&ère& la capacité. L'officier qui avec la permiffionde 1'Admiral Nort-Anker, me mena au Chantier& au port de Stockholm avoit auffi fervicbez les hollandois: il avoit fait un <strong>voyage</strong>avec le Zephir fous les ordres de Mr. vanOyen. Ce fut une attention polie de ces deuxchefs,de me procurer des guides , qui avoient1'un & 1'autre faits leur apprentiflage dans notrerépublique & qui parloient hollandois.II me mena au Port qui eft vafte, fort commode& entouré de chantiers; les vaifleauxqui ne font point employés y font amarrés auxdeux cötés d'un long pont, ce qui donne Tagrémentde pouvoir fe promener a travers detoute la flotte. J'y comptai 28 tant Vaifleauxde ligne que Fregattes, parmi lesquels je vis


C m )tm Vaifleau de 100 pieces, un de 95, un de84, deux de 74 & plufieurs de 6"o a 50 pieces.Toute la flotte confiftoit alors, y comprisS vaifleaux qu'on e'quipoit, en 37 vaifleaux deligne & 9 Fregattes. J'y vis 9 vaifleaux conftruitsdans le cours de quatre anne'es. Cinqde ces neuf e'toient entierement acheve's, &c'étoient ceux qu'on e'quipoit, les quatre autresétoient lancés h 1'eau, mais fans agrèts.Plufieurs étoient aux chantiers ou commencésou déja en Squelette. On me fit rémarquer unde ces vaifleaux dont toutes les pieces étantpréparées d'avance , avoit été conftruit en fixfémaines. Le plan du rénouvellement de laflotte fut concu il y a 4 ans; on a employéune partie de 1782 a préparer & travailler lesmatériaux, & en 1783 on a commencé a b&-tir. On eft d'intention de continuer a conftruirequatre vaifleaux par an , jufqu'a ceque la flotte foit rémife dans un état refpectabie.Pour fubvenir aux fraix qu'entraineraTexécution de ce plan, le Roi a fufpendu lamoitié des ouvrages du nouveau Dok, jufqu'autemps oü la flotte fera dans Tétat qu'onla defire. Je vis en détail tout ce qui a rapportaux chantiers, moh conducteur eut lacomplaifance de m'en faire rémarquer les differentesparties. II y règne Tordre le plus parfait.


. De la nous fumes au nouveau Dole i je m'en e'toisforme' une grande idee , d'apres tout ce que j'enavois oui dire, mais j'avoue, que ce que je visfurpafia mon attente. C'eft un ouvrage digoe desanciens Romains : on y travaille depuis 29 ans& il faudra bien du temps ercor avant qu'il foitacheve'. A 1'entre'e de ce Dok eft un balBncreufe' dans le roe d'environ 50 pie's de profondeur,& fi grand qu'il peut fervir a quatrevaifleaux de -guerre pour être chargés ou déchargésa la fois le long de fes quais, quifont maeonnés en pierres de taille. De ce baffinchaque Vaifleau poura entrer dans fa logepar le moyen de grandes éclufes & de canauxde communication. Vingt de ces loges fontdeftinées pour des Vaifleaux de ligne & dixpour des Fregattes.Une de ces loges eft entièrement achevéeavec fon Canal & fon éclufe, le fond en eftereufé dans le roe, & maconné en pierre detaille qui font jointes & cimentées par de laPouzzolane, efpèce de ciment qu'on fait venira grands fraix d'Italie. Ce fond préfente lafigure d'une quille de vaifleau. Dans toutela longueur de la loge de chaque cóté on afabriqué deux dégrès de pierre; ils fervent afixer les poutres & les échaffaudages, lorfquele vaifleau eft a fee & qu'il doit être reparé.Les murs qui foutiennent le toit font de pierre


-C 909 >de taille auffi maconnés avec de la Pouzelanc.Ces murs ont pour le moins 20 piedsd'épaifleur jufqu'a la hauteur oü ils doiventêtre de niveau avec le pont fuperieur du vaifleau, feparent les loges. A cette hauteur ellesferment des platte - formes, qui communiquentavec 1'interieur de la loge par le moyen degrandes fenêtres conftruïtes en portiques. Cespiatte-formes doivent fervir a placer l'arti!lerie(de chaque Vaifleau) qu'on fera entrer ou fortirpar ces fenetres , qui peuvent être fermeesou ouvertes fuivant les circonftances. Le toiteft de charpente couvert extérieurement dégrandes plaques de fer & conftruit de facon hpouvoir fervir de point d'appui a diffe'rens leviersqu'on doit employer a la charge ou ladécharge du navire. L'Eclufe de communicationeft faite avec tant d'art qu'une petite forcede deux pieds d'eau la levé & la fait tournera fleur d'eau; lorfque le Canal & la logéont Teau néceflaire, le Vaifleau y entre.Quand on veut les remettre a fee, on ouvreune communication au fond de la loge par lemoyen d'une machine faite expres pour cetteopération, & on laifle écouler 1'eau dans unbafiin plus bas que la loge taillé auffi dans leroe, d'oü par le moyen d'un moulin a vent ónla fait rentrer dans le baffin dont je vous aiparlé plus haut. Ön étoit occupé a travaillerO


C 210 )a la feconde loge. La première peut fervird'échantillon de la magnificence de tout Touvrage:lorfqu'il fera acbevé, les loges formerontun vafle demi-cercle, mais il n'eft pasapparant qu'il vienne jamais a fa perfeótion:les fommes immenfes qu'on eft obligé d'y employerferont caufe, peut être, qu'au lieu de1'acbever, on s'apliquera plutöt a perfe&ionnerTanden Dok, qui fera alors d'autant d'utilité,que Ie nouveau, quoique les vaifleaux n'ypuiflent pas être conferve's fous des toits oudans des loges.II eft trés proble'matique: fi les vaifleauxconferve's de cette facon durent plus lóngtempsque les autres. En fuppofant même, queles • vaifleaux a couvert des injures du tempsfoient moins fujets a fe gater, que ceux quireftent expofés a Pair, il s'agit de favoir fi lesmillions qu'on employé a la conftrucTion de cesloges, éclufes, bafiins, canaux, &c. & lareparation que tout cela exige, peuvent êtrecompenfés par Teconomie qu'on y trouveraen y placant les vaifleaux.Celui qui a donné Tidée de ce nouveau Dokauquel on mit la première main fous le règnedu feu Roi, fe nomme Thunberg vieillard trésagé, dont je vous ai parlé a Toccafion de lafalie des machines a Stokholm. II a un filsqui pafle pour être auffi habile que fon père.


C 311 )Ce même Thunberg a la direótion des ouvratges & des éclufes qu'on conftruit le long dela Gothe. LlA.ncien Dok fut commencé enI7 I 5> *" ur * eS P' a n s ^ el*I n genïeur Polheim t5cacheve' en 1724; e'eft un efpèce de canal de350 p. de long fur prés de 30 p. de profondeur, entierement creufe' dans le roe; il eftfitue' entre le port & le nouveau Dok, il communiquéd'un cóté aux chantiers & au port,& de 1'autre k la mer, par deux canaux affezgrandspour que les vaifleaux de guerre dupremier rang puiffent y entrer ou fortir.Cescanaux font fermés par des éclufes confidérables.Devant celle qui ouvre la communicationa la mer on place un batard d'eau mouvantdont la conftruftion eft fort ingénieufe, & quila protégé contre les efforts d'une haute mer.Lorfqu'on y a fait entrer un vaifleau, & quepour le radouber on veut le mettre a fee, onferme les éclufes , on y P^ce le batard d'eau,&par le moyen d'une immenfe pompe, mife enmouvement par plufieurs hommes ou parquelques chevaux, le Dok eft mis a fee en 12heures.On admire a jufte titre les merveilleux ouvrageque nous autres Hollandois favons exécuteren fait de digues , d'éclufes, de canaux, demoulins;cependant lorfqu'on confidere que9> 2


tout ceci a étë travaillé dans le roe vif, oufera oblige' d'avouer que nos ouvrages ne fontrien en comparaifon de ces travaux, qui peutêtre n'ont pas leurs pareils en Europe.i Je fuis perfuadé que fi vous e'tie's a mêmede voir non feulement ces loges, ces baffins,ces canaux, ces éclufes, ce batard - d'eau,mais aufii toutes les differentes machines employeespour diriger les pierres, les bois &tous les matériaux néceflaires a ce prodïgieuxouvrage, vous conviendriés avec moi, que legénie d'une nation chez laquelle on ofe formerunepareiiJeentreprife, & y travailler avec autantde fuccè.s, doit être induftrieux, a&jfjlaborieux & inventif.L'entrée du port de Carlscrona eft facilc kcaufe de fa grande profondeur. Cent vaifleauxde ligne peuvent y trou ver une retraite. I]eft defendu par deux chateaux trés forts &bien garnis d'artillerie dont les feux fe croifcnt.Ces forts Kongsholm (ifle du roi) &Drotnings-kiar (rocher de la reine) font tousdeux fitués fur des rochers dans la mer, &couleroient a fond tout navire qui entreprendrojtde pafier fans leur permifiïon.Je vis a la Rade une petite Efcadre de fixvaifleaux de 6~o'a 70 pieces, & trois frégattësarmées, prêtes a mettre a la voile. Cette


C 213 )eïcadre exereoit les raifonnements des politiques;les uns croyoient qu'elle étoit deftinéepour le fervice de rimpératrice de Ruffie,d'autres prétendoient qu'elle feroit k la foldede la Hollande. Tous ces raifonnements furentmis en defaut, püïfqü'il parut qu'elle n'étoitdeftinée qu'a manceuvrer en prefence duRoi.On employé les mariniers de la garnifon deCarlscrona aux differens travaux du chantier^,lorfqu'ils ne font pas obligés de fe trouver furles vaiffeaux. La plupart des officiers font desgens experts & doivent naiurellement Têcre,puifque, s'ils veulent avoir de Tavancement &jouïr de quelque confidération, ils font obligésde s'expatrier & d'aller fervir pendantquelque temps chez 1'étranger, principalementchez les puiflances qui font en guerre: excellenterègle fans doute, qui doit contribuer kprocurer a Tétat des bons officiers de hautbord.Je fejournai plufieurs jours a Carlscrona aumilieu d'une fociété trés agre'able que je trouvaichez Mr. Vylgardt dont 1'Epoufe eft fortaimable, ainfi que dans quelques autres maifonsou il voulut bien m'introduire. On ytient bonne table; la fociété y eft fur un tonaïfë, tous les gens de diftinction & les officiersy parient francois. J'y fis la connoiffan-O 3


C 214 )ee du Collonel de Marine dont je vous ai parléau fujet de 1'ifle floctante; c'étoit un hommeinftruit, fenfé & d'une grande politeffe, qui'avoit vu toutes les cours de l'Europe.Je quittai Carlscrona enchanté de la ville,de fes habitans & de tous les ouvrages quej'y avois admiré.A trois milles de Ik, jem'arretai k un grandRunneby. bourg nommé Runneby, endroit qui me paruttrés floriffant, fitué dans le Blekinge (amoitié chemin de Carlscrona k Carlsham,) célèbrepour fon marché. A une demie lieuëde cet endroit la petite rivière d'Aune formeune CataraÊte affez finguliere, a travers des rochersqui ne prefentent que devaftation & ruines.L'Eau fe précipite entre deux énormesfragmens de roes , qui parpiflent n'avoir faitsautrefois qu'une feule maffe, & qui font maintenantdiftantes 1'une de 1'autre de 20 a 50pieds. Ils font exaflement parallelles & paroiffentavoir 40 a 50 pieds de hauteur, 1'uneft autant convexe dans la partie intérieureque 1'autre eft concave; au-defius de ces deuxpierres repofe une troifième non moins grandeque les deux autres. Le chemin paffe pardeffus & forme en cet endroit un pont effrayantpar fa fituation & par le bruit terrible occaftonnépar les efforts de la rivière qui fe précipiteentre oes trois maffes. Au bas de la cataracTe


( )fe trouvent d'immenfes roes autour desquels1'eau a en quelques endroits jufqu'a 40 piedsde profondeur. Je faillis y perir; en defcendantavec beaucoup de peine & de rifques, &voulant fauter d'une pierre fur 1'autre pourchercher un point de vuë propre a delïïner cettechute fi pittorefque, j'eus le malheur de tomber,& fans mon guide qui en me faififTant medonna le temps de m'accrocher a une pointede rocher, j'aurois glifle dans le précipice, &m'y ferois noyé, ou bien le torrent m'auroitindubitablement fracaflë contre les pierres. Cetendroit remarquable pour les quartiers de rochers, dont les feparations font cxactcmentmarque'es par les cóte's concaves & convexes,porte le caradtère non equivoque d'un tremblementde terre ou quelqn'autre caufe formidablequi y a fait le plus affreux ravage. Cetterivière qui n'eft pas confide'rable fe jette présde Runneby dans la Baltique.A un quart de lieuë eft une fource mineraleou le beau monde de Carserona & la nobleffedu Blekinge fe raffemble , les uns pour leurfanté, les autres pour leur amufement; lorsquej'y arrivai, la faifon étant finie il n'y avoitplus perfonne; je me fis annoncer au medécinqui y demeure pendant tout l'e'té Sc qui doiten avoir foin •, je le priai de me faire voir lefalloa, ce qu'il m'accorda trés gracieufementO 4


Carls-^ham villed'étape.Provincede Scaniè.( Hè isores m'avoir pre'alablement fait falue.r d'unebatterie de fix petites pieces de canon, honneurqu'il fait aux e'trangers, qui viennent vifitercet endroit; il me fit voir la fource, lesbains, la douche, la falie de danfe, celle dela promenade; enfuite il me pria de renvoyerla petite cariole, que j'avois loué a Runneby,& me ramena dans une tres jolie barque detrait, propre & élégante, le long dün canalformé par Y'Aune, qui après s'être debarafféede tous les rochers, devient trés navigable"jufqu'a fon embouchure. J'arrivai Ie même foira CarUham,petite ville d'étape, fitué** encoredans le Bleking, & bon port de mer de laBaltique; elle poffede un chantier, qui ainfique le port eft defendu par un fort bati fur unrocher en pleine mer.Cette ville fait un grand commerce avec1'étranger; elle exporte beaucoup de fer.Elleeft trés mal batie ; au milieu de quelque ruesfe trouvent des quartiers de roe, fi hauts &fi e'levés, qu'ils interceptent aux habitans d'unemaifon la vue de celle qui lui eft oppofée.Le lendemain je fus coucher a Chriftianftadtou j'entrai dans Ia Seanïê ; avant d'y arriverje paffai par un petit hameau ruiné & fortpauvre, nomme' Henbrohult,qui malgré fone'tat de mifère me parut intéreffant, parcequece fut la ou naquit le célèbre Linnaus,fon


C 917 )Père y exerca le miniftère évangelïque pendant40 ans; ce fut dans fon jardin, oü il avoit raffembléune colledtion complette de plantes indigenes,que fon fils acquit le premier goüt dela Bothanique.Chriflianfladt eft une forterefle fituée fur lapetite rivière Helga, qui après avoir fourni deT'eau aux foffés des fortifications fe jette dansün lac qui communiqué a la Baltique. Unetroupe d'efclaves étoient occupés a travailler aupont & aux remparts; ce font des deferteursou des gens a qui l'on fait grace de la vie. Cesmalheureux font enchaines deux a deux , outrecela ils font attachés a une longue chaine lorsqu'onles condult a 1'ouvrage & lorfqu'on lesramene a leurs cachóts ; un feul gardien oudeux tout au plus, armés d'un béton, marchederrière eux & lesconduit comme un troupeaude bêtes; on leur donne pour leur entrétienCbrif-15 fois de Suéde par jour.Cette ville renferme unemanufadtnre degands renommee pour la beauté des peaux &pour la fineffe de 1'ouvrage.Elle fut fondée en 1614, par Chriftian IV,Roi de Dannemarc qui lui donna fon nom,c'eft un quarré long bien fortifié, elle a foutenuedifferens fièges durant les guerres entre lesSuédois & les Danois; & a été fouvent prire6 réprife pat les differens. partis; c'eft uneO 5


( >place de garnifon; en confequence j'y fubistoutes les ceremonies d'ufage; j'y vis une partiedu régiment du Roi, fort de mille hommes;il eft du nombre des troupes Ïevées.La Scanië prefente un tout autre afpecl quele refte de la Suéde, on n'y voit pas 1'aparencede rochers ni de montagnes; d'agréablescollines couvertes de grains de toute efpèce,d'excellens paturages oü paiflent de nombreuxtroupeaux, quantite' de belles maifonsde plaifance baties en pierre de taille ou enbrique, joint a la population & a 1'activité dela campagne, dans une faifon oü chacun cherchea cueillir les fruics de fa labeur, prefente au<strong>voyage</strong>ur un tableau d'autant plus intéreffant,qtfil n'a pas encore eu le temps d'oubiier lesrochers, les precipices, les deferts, les foretsincujtes, par oii il a é^ obligé de paff eravant d'arriver jufqu'ici.-Aucune province ne renferme tant de villesfi bien baties; toutes les maifons y font decharpente dont les interftices font maconnésen brique. (comme en Dannemarc) II n'y aque les gens richcs qui ont les leurs entierementen brique, ou en pierre de taille. Dansla campagne on ce voit aucune maifon de bois,le fqueiette feul en eft de charpente, commedans le villes: mais au lieu de briques, les interfacesy font remplis de terre glaife detr.ra-


C 219 )pée, fouvent couverte de chaux, dont la blancheurleur donne un grand air de propreté.Les toits au Heu de mouffe ou de gazon, commedans le refte du royaume font couverts dechaume chez le payfart , & de tuil es ou d'ardoifeschez la nobleffe & les gens aife's."Comme cette Province eft trés peuple'e &trés cultive'e, on n'y trouve aucune forêt. Auxenvirons des maifons de campagne, dont lenombre eft trés -grand, & dans les terres feigneuriales,il y a des Bois ou des Parcs d'agrément,plantes d'arbres dont la hauteur & 1'épaifleurdenotent la bonté du terrain. Lesgrands chemins & les avenues des villes fontbordés en grande partie de faules dont on er>courage extrêmement la culture, comme 1'arbrele plus utile au cultivateur & au payfan.Les principales produftions de la Scani'é fontle froment, le feigle, 1'orge, le bied farrazin,& les Pois; les pommes de terre n'y font pasplus cultivées que dans le refte de la Suéde, oül'on n'en voit en général que trés peu. Les payfansdes provinces les plus fertiles fe nourriffent enhyver de pois & de choux. Les habitans de laScanië nourriffent auffi beaucoup d'abeilles,chofe rare dans les provinces feptentrionalcs.On y recueille une fi grande quantité degrains que malgré fa population , elle ne peuten confommer la moitié, & le commerce


C 220 yqu'elle en fait dans 1'intérieur du Royaumelui a acquis Je titre de Grenier de la Suéde.'Le climat de cette province, dont le terrains'abaiffe infenfiblement vers la Baltique, eft beaucoupplus doux que celui du refte de la Suéde;les glacés & les neiges s'y fondent plutót, &la verdure commence a y paroitre, lorfque partout ailleurs les boutons des arbres font encoredans 1'engourdifiement. On y cultive les mêmesfruits que dans la Fionie '&c la Sélande,avec lesquelles cette Province a une analogieparfaite : toutes les efpèces d'arbres de hauteFutaye y croiflent & y font fuperbes. Onvoit beaucoup de fapins vers le nord auxconfins de la Smolande oü le pays eft haut;mais^a mefure qu'on avance vers leSund, lesSapins, les Pins, les Genevriers difparoiiïent& font place aux Hetres, aux Che'nes, auxPeupliers, aux Frenes, aux Onnes, &c. quipar leur ombrage magnifique , & leur verdureyarie'e ne permettent par de regretter lamonotonie des arbres toujours verds. Leroffignol chante* dans les campagnes & dans lesbofquets, fi ce n'eft avec la même force, dumoins avec la même variété, que dans les promenadesriantes des environs de la Haye:1'herbe y forme les plus beaux paturages, donton tire parti pour engraifler quantite' de bceurs,objets d'un commerce confiderable. Ces pa-


mrages contribuent auffi a produire des chevauxd'une taille plus e'leve'e que dans le reftedu royaume. Stokholm s'y fournit en chevauxde caroffe & la Cavallerie en chevaux de remonte: on pretend cependant affez ge'néraiementque les chevaux y perdent en forcece qu'ils y gagnent en grandeur. Auprintemps les cigognes vienrient y perpetucrleur efpèce, elles paroiffent connoitre les boi


C 222 yLETTRE SEIZIEME,M , . .CoppENHAGUfi- ce.., Janvier 178^ILa route de Chriftianftadt a Yftadt, qui eftenviron de quatre milles , paffe a travers uneplaine fort fablonneufe; ces chemins font difficilespar raport a quelques fables mouvans,qui par la fechereffe extraordinaire de cette annéeétoient devenus fi mauyais, que je fusobligé de prendre deux chevaux de plus, &d'en attêler fix devant ma voiture: cette fechereffeavoit fait perir quantité de feigle& de blé Sarrazin. Je mis prefqu'un jourentier a faire quatre milles, ce qui me parutd'autant plus extraordinaire, que j'avoisjufqu'ici toujours voyagé fort yite, car autantqu'on eft obligé en Allemagne, en France & end'autres pays d'encourager "les poftillons pouravancer, autant a-t'on de peine en Suédepour moderer leurardeur, furtout dans les defcentesdes montagnes , oü ils vont toujours abride abatuë & fans vouloir enrayer les voitum.Je vous avouë que dans les commencc-


C 2 = 5 )mens cette fagon de defcendre les montagnesme mettoit mal a mon aife, mais a la fin jem'y accoutumai, d'autant mieux que les poftillonsmenoierst parfaitement bien & avec beaucoupd'adreffe, quoique trés fouvent ce n'étoientquedesenfans de 13 a 14 ans, & quelquefoismême des femmes & des jeunesfurtout dans le temps de la moifTon.Je ne m'arretai entre Chrijlianftadtfilles,& Yfladtque pour examiner une pierre d'une grandeur'prodigieufe dont on m'avoit parle' & qui eft;placêe au bord du grand chemin, a peu de^diftance d'un petit endroit affez devalifé, qu'onnommé Trollebo, c'eft- a :dire nid de forciere.Cette pierre nommé Maglafleen a 30 pieds delong fur 24 de large & 20 de haut; elle eftd'autant plus remarquable, que dans toute cette' contrée il ne fe trouve que peu ou point depierres.On fait accroire au peuple qu'elle a• été jettée la par des naines forcieres, qui demeurentfous terre', le jour que la premièreéglife fut confacréc.Non loin de cette pierreeft une terre feigneuriale nommé Liungby ; onconferve au ch&teau une Corne trop cé èbrepour n'en pas parhr; elle eft a peu prés de lagrandeur de celle d'une vache, garnie de vermeil& pofée fur un pied d'argent orné de plufieursfigures. On en raconte 1'anecdote fbivante.Une Dame noble, nommée Ulfftand,


C 22 4)démeurolt a Liungby en 1490: ayant entenduraconter que toutes les nuits avant la noël, lapierre Maglafleen fe trouvoit élevée fur plufieurspiliers, & que les naines fouterainesdont nous venons de parler danfoient alors fouscette pierre , elle fut curieufe d'en favoir la vérité;elle promit a celui de fes domeftiquesqui oferoit aller voir ce qui s'y paffbit de luifaire prefent d'un habit neuf & de fon meilleurcheval. Un de fes palfreniers plus courageuxque les autres entreprit 1'avanture & y alla.II vit a la lueur d'une grande illuminationqu'eneclivement la pierre étoit élevée fur plufieurspiliers & que les naines danfoient audeflbus& tout autour avec une gaïeté fortbruyante. Au moment de fon arrivée deuxnaines fe detacherent de la troupe, s'avancerentverslui, tenants dans leurs mains 1'unela corne & 1'autre un fifflet, elles leprierent defaire raifon a la fanté du Roi de la montagne,puis après avoir bu, de fiffler dans les deuxbouts du fifflet. Au moment que le palfrenieralloit faire honneur k 1'invitation, une jeunefille belle comme un ange luiapparut de 1'autrecóté & lui dit a 1'oreille, de ne pas boire maisde s'enfuir au pl u svite par deflus la terre laplus fèche, & d'éviter 1'eau; il lui obeït, jettala liqueur-par deffus fes épaules, & s'en retournaa bride abattue vers Liungby a travers les terres


C 225 )res labourées; le cheval perdit fon poil & futjpelé dans un inftant par la liqueur. Toutes lesnaines galoppèrent après lui, mais elles ne purentTatteindre, elles arriverent au moment oüon levoit le pont levis pour les empêcher d'entren,Lorfque la Dame eut reeu la Corne &le fifflet, les naines lui crierent par defius lesfoffè's du chateau qu'elles étoient envoyées parleur Roi pour les reclamer, lui promettantque fi elle les rendoit, fa familie ne s'étein-.droit jamais & deviendroit une des plus puif-.fantes du Dannemarc (*). Mais la Dameleur ayant refufée trés laconiquement leur demande,& les ayant priées de s'éloigner leplus promptement que poftible, elles lui prophétiferentque fa familie ne parviendroit pointa la neuvième génération, que la terre tomberoiten mains étrangères, & que le chateauferoit confumé trois fois par le feu du del.Cette prophétie a été accomplie: la foudreeft tombée trois fois fur le chateau, la.familie s'eft éteinte a la neuvième génération,le cheval eft mort le fecond jour & le pal*frenier le troifième. Le fifflet eft d'yvoire,il donne le ton du Coucou, quand on yfiffle alternativement tantöt a un bout, tantótC*3 En ce temps 1», la Suéde faifoit partie du Royaumede Dannemarc.P


( 225 )Yftadfa 1'autre. Cette hiftoire eft écrite fur parchemin& confervëe dans les archives de Liungby.II n'eft pas neceflaire de dire combien peu defoi les gens fenfés ajoutenta ce Roman, qui a1'air d'un Conté de fe'es i mais le commun, quieft trés fuperftitieux, croit cette hiftoire commePEvangile.On fuppofe que cette Corne a fervie deCoupe aux anciens guerriers dans la célébrationde quelque fête.L'Exiftence d'un peuple fouterrain fe retrouveen plufieurs endroits de la Suéde & dansquelques ifles de la Baltique, entre autres danscelle de Bornhohn.Les Danois a qui elleappartient m'ont affurés que le peuple y croita 1'exiftence d'une nation exceffivement naine& guerière qui eft toujours prête a paroitrepour les défendre contre tout ennemi qui voudroitles attaquer.La Ville d'YJladt n'eft pas grande, mais bienbatie, c'eft a fon port que fe fait le grand pasfagede 1'Allemagne par Stralfund, & la communicationavec cette Capitale de la PommeranieSuédoife eft établie par le moyen de deuxPaquetbots, qui vont & viennent continuellemententre ces deux villes; de la vous concluerésqu'Yftadt eft fitue'e fur la mer Baltique.On compte fa diftance de Stralfund en ligne directea 14 milles d'allemagne.


( 327 )D'Yftadt je fus k Malmoë, ces deux villesfont éloignées 1'une de 1'autre de 5 milles.En fortant d'Yftadt je fus oblige' de labourerencore pendant une demi-mille par lesfables, mais petit k petit le chemin devintmeillieur, je paffai une plaine magnifique couvertede moiffonneurs, occupe's a faire une recolte,a la ve'rite' moins belle qu'ils e'toient accoutume's& qui fut en quelques endroits fimauvaife par 1'exceffive fechereffe, qui avoitregne'e conftamment depuis 3 mois, qu'il s'enfuivit une efpèce de famine, qui obligea quantitéd'habitans de la Scanië de venir chercheren Dannemarc une nourriture qui leur manquoitchez eux. Toute la Sue'de fe reffentitde la mauvaife réuffite des blés dans une provincedont elle eft accoutumée a tirer unegrande partie de fa fubfiftance.Malmoë eft la Capitale de la Scanië, elle eft Malmoë,fitue'e au Sund vis-è-vis de Coppenhague. Ce«Jétroit a environ 4 milles de large entre cesdeux villes. On m'a affuré qu'elle contientfix mille habitans. Une partie du RegimentdTnfanterie qui porte le nom de la reine, ytient garnifon , (il eft fort de 1200 hommes,)outre une Compagnie d'artillerie & une Compagnied'huzards. Cette ville eft bien batie;on n'y voit ainfi que dans toute la Scanie aucunemaifon de bois. Au milieu d'une belleP 3


(22s j& grande place , a 1'ombre de deux tüïeülsrefpe&ables par leur vetufie' & 1'e'tenduë deleurs branches eft un batiment fort propre quifert a la Grand - garde. La Cathedrale n'a pasla grandeur de celles d'Upfal, & de Linköping.cependant elle eft affez belle , la chaire eft demarbre: »> on y fait rémarquer un pilier, dansla rotondité duquel fut mure' dans les temps„ du Catholicisme, un moine pour caufe d'a-„ dultcre; il y fut enferme' de bout; vis-a-vis„ de fon vifage on avoit pratique' un trouqu'on y voi: encore, par lequel on lui faifoitavaler des ceufs & de 1'eau pour prolon-„ ger fes fouffrances. Son Crane qui exifteencore au haut de ce trou fert de te'moin aIa verite' de 1'hiftoire". Voila ce quegraveme'ntvóus conté le margaillier. II eft trés apparentque ce foi difant Crane, qui eöectivementeft extrêmement poli au toucher, foit lerefte d'un ancien benitier. Wraxhall en parleauffi dans l'hittoire de fes <strong>voyage</strong>s; mais il neparoit point mettre Vhiftoire en doute. Jemontai a la tour de cette Églife, oü. 1'air caime& la purete' de 1'atmofphere me permit de jou'ird'une vuë fuperbe. D'un ccte' s'offre le tableaumagnifique d'un pays peuple' & bien cultive',de 1'autre celui du detroit ou Ie paffagecontinuel d'un nombre de vaifleaux de toutegrandeur & de toute nation, donne une aclivi-


( 2^9 )té intéreflante, tandis qu'a 1'horifon, Coppenhagueavec toutes fes tours pointues fait uncharmant point de perfpeótive.A la maifon de ville, trés joü batiment, eft unegrande chambre nommée la falie de Canut.Une confrérie qui porte ce nom s'y raffcmble,elle datte fon inftitution depuis Canut IV dit lefaint, qui veeut dans 1'onzieme fiècle, quantitede perfonnes de diftinclion des deux fexes fontmembres de cette confrérie. Cette falie eft ornéedes portraits de plufieurs Rois 6? Reinesde Suéde & de Dannemarc, qui y ont été infcrits& qui ont hpnorés ces aifembiées de leutprefence;on y montre auiïï differens, prelensque ces fouverains y ont faits, entre autrestrois bocaux de vermeil d'une grandeur demefurée& bien fculpté.cs; le plus grand destrois fut donné par Frederic II Roi de Dan?nemarc.Parmi quelques manufadlures qu'on tached'encourager dans cette ville, il en eft une degants qui non-feulement eft rivale de celle deChriftians-ftadt, mais qui la furpaffe pour labeauté St la finefle de 1'cuvrage •, le debit deces gants eft prodigieux, malgré leur exceffivecherté. On fait y preparer les peaux de mouton,qu'on y employé, ê\leur donner un tel degréde fineffe , qu'on ne peut s'en former d'ide'e-,qu'apres les avoir vu; c'eft une des ph#P 3


( 230 5grandes ïnarchandifes de contrebande en Dannemarc.Du cóte de la terre ferme la ville eft entoure'ede remparts, debaftions & de bons fofles;de celui de la mer elle eft defenduë par un fortquarré mum d'un doublé rempart & de deuxfofles; le rempart intérieur a quatre oreillonsde pierre, qui dans les anciens temps furentfans doute de grande défenfe: un detachementd'Infanterie garde 1'enceinte intérieure au milieude laquelle eft un chateau trés de'Jabré oüfont les prifons de la ville & de toute la province;1'enceinte extérieure eft gardée par undetachement d'artillerie.En fortant de Malmoë je quïttai le rivageque j'avois cottoyé depuis Chriftianftadt pouraller a Lund, qui eft a quelques milles plusavant dans les terres.Lund. Cette ville n'eft pas grande, mais elle eftremarquable pour 1'univerfité, qui y fut fondéeen 16 65 par Charles IX.principalement dans la théologie.On y étudieII y a unobfervatoire , un théatre anatomique & un jardinBothanique; le premier ne vaut pas mêmecelui d'Upfal, qui comme je vous Ksu dit eftpeu de chofe; je n'ai pas vu le fecond; le jardinBothanique eft trés petit; au fond de cejardin eft une grande falie deftinée pourdes Orangers, je n'en vis pas un feul ,


( H$ )elle étoit occupe'e, par des femmes qui filoientde la foye pour une petite manufaéture qu'on. y a établie.La Cathédrale eft grande, mais elle ne ren*ferme rien qui mérite de 1'attention. On yvoit plufieurs reftes de la fuperftition du Catholicisme.Au milieu du Chceur s'éleve uneColomne de 20 pieds de haut, furmontée d'unSt. Laurent tenant a la main 1'inftrument defon martyre, en bronzev dans la faeriftie, entreautres reliques, on conferve une chemife dela St. Vierge, qui par rapport & fa longueurpourroit fervir de robe de chambre au plusgrand grenadier prufiien & plufieurs habits dePrêtres & anciens ornemens d'autel.Au deflbus de cette Églife, il y en a uneautre, fouteraine, qui eft vraiment unecuriofitépar toutes les antiquités qu'on y voit; elle\ eftfoutenuë par plufieurs rangs de piliers, entrelesquels font quantite' de tombeaux d'anciensEvêques; on m'y fit rémarquer un puits, aufond duquel eft une fource qui par des canauxfouterains fournit de 1'eau a toutes les• maifons de la ville, ce puits eft entouré d'unmur ahauteur d'appui bèti en quarré, de groffespierres de tailles; fur un des cötés on areprefenté en bas reliëf un gros Pou enchainéqui faifit un mouton par la gorge & tache de1'étrangler. On me dit que c'eft un emblêmeP 4


( 232 )de Chrêtien ou Chrifticrne II & fon grandennemi Guftave Vafa: vous comprene's q u ele Pou repréfente Chriftierne. On'me montraauffi deux portes de fer qui communiquoientautrefois a une gallerie fouteraine, qui defcendoitjufqu'a Dalby petite ville a un mile de'Lund; on pretend que cetté 'Églife & cettegallerie fouteraine fervirent--uans les temps deperfecution, de refuge aux Catholiques.Les'habitans de Lund vivent en partie de1'Univerfité & en partie des travaux de la campagne,qui font la principale branche de leurfubiiftance,puifque 1'Univerfité fournit tout auplus 3 a 4 cent étudians.Cette ville eut pour moï un degré d'intérêtde plus que tout ce qu'elle renferme pouvoit^nfpirer, puifqu'elle me rapella encore IeProfeffeur Linna3us5.ee fut dans fon enceintequ il etudia les premiers e'lémens d'une fcienceLandscrona.qm le rendirent fi célèbre &c e.f u £ f n r f e sremparts devalifés qu'il cueillit les plantes nelceflaires a la compofition de f aFlora Lundenfts.De Lund je fus a Lands-crona, ville fortsneienne, fitue'e comme Malmoë au bord duSund. Le feu Roi a commencé d'y batir unenouvelle ville tout a cöte' de 1'ancienne & 0ncontinue a y bédr fur'le même plan; l e s r u ê sen feront tire'es au Cordeau & bordées de


( 233 )''grandes & de belles maifons dont quelques-*unes font déja acheve'es. On accordc quelquesprivileges aux étrangers de toute religion quiveulént les habiter, mais de plus grandes encorea ceux qui veulent y bdtir eux mêmes.On e'toit occupe' a la conftruction d'une Églife,dont 1'architeéture a en juger par les plansqu'on me fit voir, fera trés belle & bien entèndue;elle doit faire lc centre de la nouvelleville, & on n'y épargne rien pour tout ce quipeut fervir a fon embeliflement. Tout a cöte'de la place oü Ton batit l'égüfe eft un fupcrbebitiment qui fert de cafernes a la garnifon, &vis-a-vis de ces cafernes on voit un magnifiquebópital fonde' par la defunte Reine, ce qu'uneinfcription en lettres d'or fur le frontispiceindïque.A une petite diftance dans la mer, on conftruitune forterefie en partie fur le roe qui s'élèvea la fuperficie, & en partie fur pilotis:comme le fondy eft bon, on vcudroit y e'tablirun port que cette forterefie eft deftine'e a de'fendre.Si cette entreprife réuflït,elle pourra donnerde Tombrage & faire tort aux Danois, tantpar les vaifleaux qui viendront y hyverner,que par unc partie de la flotte qui y fejournera;mais on confidère en Dannemarc ces projetscomme aflez chimériques, a caufe descourans qui viennent de la mer du Nord, oaP c


C2H >qui fortent de la Baltique fuivant la direcuondes vents: ces courans paifent conftamment ala cóte d'Elfeneur & contribuent a entretenir laprofondeur requife le long de la Zélande, tandisqu'a la cóte de la Scanië 1'eau par fon peude courant depofe toujours duv af e&r e n d r aa jamais 1'abord de la Suéde & en particulierde Lqnds-crona difficile & dangereux. Malgréces inconvéniens, la nouvelle ville avec fa fortereffeeft encore un de ces ouvrages qui fournitune preuve du génie vafte & entreprenantdes Suédois; genie auquel on pourroit donnerPlus d'effor s'il étoit foutenu par des tréforsproporüonnés aux differentes entreprifes qu'ilproduit, lefquelles ont cependant cela de bon,que Pargent qu'elles coütent refte dans le pays,& qu une infinité de gens y trouvent leur fubfiftance.A Lands-crona eft en garnifon le RegimentdeMr. de Sprengporten, Lt. Général, Commandeurde 1'Ordr.e de 1'Epée & Envoyé (*)Extraordinaire a la Cour de Dannemarc. CeRegiment paffe pour être le meilieur de Parmée,tant pour la .beauté des hommes quepour 1'exactitude de la difcipiine, c eft dommagequ'il n'eft que de 800 hommes; il eft dunombre des troupes Ïevées.•r/itss" 3''^ n° m i r ' é A f f l b a f f a d e n r - même Cour


De cette ville je me rendis enfin k Helfingbourg,qui n'en eft e'loigné que de 3 milles ,par un chemin trés agre'able-, le long de plufieurscollines bien cultive'es , ou je jouïfloisen plein de la vue du Sund .qui en cet endroit,n'a qu'un demi mille de largeur, & mepermettoit de voir diftincbement les cötes duDannemarc , oü la quantite' de maifons deplaifance, de villages, de chateaux, de parcsofirent un tableau extrêmement riant: L'iflede Hween, qui s'élève en colline entre lesdeux cötes, ajoute a cette vue un fite trés pittorefque.Cette ifie qui a environ un mille de tour, eft1'ancienne demeure & domaine du fameux Ticho-Brahé,dont 1'hiftoire , les malheurs & lefavoir font trop connus pour vous en faire uneïnutile répétition-, on n'y voit plus que quelquesmafures du chateau d'Uriannebourg, dontles deux tours fervoient d'obfervatoires, & aufond desquel'es il avoit pratique' un obfcrvatoirefouterrain.Je rentrai a Helfingburg par la partie oriëntale,tandis que j'en etois forti par la partieoccidentale, en commeneant ma tournee enSuéde.Une tempête qui m'empêcha de pafler le detroit,me donna le loifir dc vous écrire les deuxLettres, oü je vous ai fait une defcription detail-


( 2 35 5lée de la mine de cuivre a Fahlun. Aprèsque le vent fe fut un peu calmé, j'allaime prome-.ner dans la ville & dans fes environs. Je fusvoir 1'endroit cü font les eaux mine'rales a-uademi mille de diftance, nomme' Ramlös, quiaprès celles de Medevi font les plus renomme'esen Suéde: toute la noblefle de Scanië,dont le nombre eft fort grand, ainfi que lesperfornes les plus diftinguées & les plus richesde cette province s'y rafiemblent dans lecourant du mois de Jüillet pour y jouïr de labeautédela faifon, ainfi que de 1'agrément & dela liberté qui y règne. C'eft ordinairement unSeigneur des plus qualifiés qui en fait les honneurs& qui en dirige les plaifirs. La politefledes Suédois envers les étrangers , la beauté'des envirors , la falubrité de 1'air, la gaïetéqu'on y refpire y attirent beaucoup de Danois;les jours de bal furtout, qui font toujours ledimanche; la nobleffe de Coppenhague , lesminiftres étrangers & quantite' d'autres perfonnesy accourent en foule. Un village, toutatterant 1'endroit cü eft la fource, fournit deslogemens que rsffluence du monde & 1'argentqu'on y depenfe a permis de rendre paffablementbons , outre qu'on peut trouver a Helfingburgdes maifons dans lefquelles on eft fortbien Jo.'é.Lorfque j'y fus,il n'y avoit plus perfonne;


( 237 )j'entrai dans la falie de danfe, qui eft grande& trés joliment décorée avec beaucoup de fimplicite'& de gotit; au bout de cette falie eftune chambre adoffée contre un rocher d'ou fortla fource, qui s'e'lance dans un grand baffin,autour duquel les buveurs fe raflemblent: lorfqu'ilfait mauvais temps la falie de danfe fert kprendre 1'exercice néceffaire a ceux qui boiventles eaux.Au pied de la tour, fituée fur la montagnequi domine Helfingburg, on jouït d'une vuefuperbe; le Sund, 1'entree du Cattegat ou Schaggerak,les cötes du Dannemark, Elfeneur, lechateau de Croneburg, & tout le pays qui s'élèveen Amphithéatre de 1'autre cóté, joint ala grande quantité de vaiffeaux, qui font a larade d'Elfeneur, ou qui paflent & rcpaflent continuellement,forment un tableau d'un grandgenre.Au pied de cette montagne, dans la viHemême, une fource qui s'élève a 15 ou 16piedsde hauteur, comme une fontaine , décore le Jardind'un particulier. Cette fource coule nuit& jour & fournit d'un bout de 1'année a 1'autrefuffifamment d'eau a la ville pour les befoins detous fes habitans.Ainfi finit mon <strong>voyage</strong> de Suéde; <strong>voyage</strong>que j'ai fait avec d'autant plus d'agrément, que


( a 38 )la fécherefle qui a caufée cette année tant demal aux biens de la terre, me procura, a quelquesorages prés, un beau temps continuel.En prenant congé de ce Royaume, je prendraien même temps congé de vous pour cettefois; dans la Lettre fuivante j'efpère de vousrendre compte de mon retour en Dannemarc.Je fuis, &c.


LETTRE DIX-SEPTIEME.COPPENHAGÜE ce .. .Janvier 1785.M . . ."jf^e temps me 1'ayant permis, je m'embarquaipour pafler en Dannemarc. Pendant quej'étois balotté fur les vagues encore fort agitéespar la tempête du jour & de la nuit précédente,& que le frêle batiment dans lequelje me trouvois, s'élevoit tantót vers les nuës,pour defcendre enfuite vers 1'abime ; appuyécontre ma voiture, entouré d'objets oü la natures'exprimoit en grands cara&ères, je contemplaiavec admiration dans le lointain, lecontrafte de 1'Océan encore courroucé maisbrillant, avec un Ciel noir & orageux, quifembloit cependant vouloir céder a 1'influencedu foleil, qui montoit de 1'autre cóté fur 1'horifondans tout 1'appareil de fa gloire. Moname fut montée a ce ton oü en oubliant le reftedu monde, on ne s'occupe que d'un feul objet;infenfiblement je tombai dans une profon-


( MO Dde rêverie; je parconrus les différens degrésde bonheur & de malheur que j'avois effbyédans le monde; je paffai en revue tant d'efpècesd'événemens dont j'avois éte' temoin, & jene trouvai rien de plus reffemblant a la variété& a 1'inconftance de la vie humaine, qu'unemerorageufe, dont les vagues s'entrechoquentmutuellement avec une rapidité prodigieufe, &fe détruifent fans ceffe les unes les autres; amefure que j'approchai des' coreS' du Dannemarc,le chdteau de Cronenburg s'offroit plusdiftinctement a ma vue & entretenoit ma rêverie; ce chateau antique bati de grandes pierresquarrées & grifes, entouré de tours, deremparts, de fortifications hériffés de canons,m'infpiroient un refpeél fombre & melancholique,a quoi contribuoit le fouvenir de cetteReine infortunée qui ypaffa quatre-mois & demi,continueilement agitée par la crainte1'efpérance, la douleur & le défefpoir. Je fisencore quelques rérledtions fur 1'inconftancedes événemens, en penfant que pèu d'annéesaprès une autre Reine fe retira du monde, enquitta les vanités, & yint fe corfiner dans unautre chateau ( * ), non loin de eelui-ci; elle ypaffe fa vie au milieu d'une petite Cour, compoféede trois Dames d'honneur, trois Gentilshommes,une grande Maitreffe & un grandC*3 Le Chateau de Friedensburg.M a i t re>


Maitre(*) dans une parfaite tranquillité;elle s'yoccupe a des actes decharité&dedevotion,&yrëfléchit fur les viciffitudes de toutes les efpècesde grandeur. Retire'e a Friedensburg,' depuis que le Prince Royal remplaga fon Onclele Prince-Fre'deric dans la préfidence duConfeil d'Etat, elle ne fe méle abfolument plusde rien. Cette tranquillitén'eft-elle pas quelquefois troublée, lorfque du haut des collines de Friedensburgelle apperc'oit de loin ces tours qui luirapellent la cataftrophe de la nuit du 17 au 18Janvier 177 2,qui fut fuivie de tant de fee neseruellespour tous les cceurs honnêtes du Dannemarcen ge'ne'ral & pour ceux de la familieRoyale en particulier. Qu'on fe reprefente unejeune Reine, aimable, franche, bienfaifante,ne'e pour être heureufe ; mais deplacée &entraine'e par la fataüté des circonftances & lavivacité peut être de fon caraótere, a des démarchesdont elle ne confidera pas affez lesfuneftes confequences, éveillée brufquementdans fon premier fommeil après les plaifirs &les fatigues d'une brillante fête, arrachée autooment qu'elle s'y attendoit le moins du milieude tout ce qu'elle avoit de plus cher; entraine'ede la fagon la plus violente par leComte de Rantzau a la té te de quelqües offi-(.*) Mr.


( 242 >ciers vers un caroffe è fix chevaux, dans lequelfe placa, a cóté d'elle, le Capitainë de Cavaleriede Caftenfchiold- 1'épée nue a la main, tan-


C 243 )*obligée de recourir k des moyens aufii violensque fanguinaires.Je fus tire' de ma rêverie par le bruit de larade. Plus de trois cent navires tant de guerreque marchands, des quatre parties du monde,s'y trouvoient a Pancre, les uns y attendoientun vent favorable, les autres y étoient venuschercher un azyle contre la tempête: les paviüonsFrancois, Rufles, Suédois, Ame'ricains,Hollandois, &c. y flottoient au gré desvents; les cris des matelóts, le bruit de differentesmanoeuvres, le mouvement de quantite'dechaloupes a la rame ou a la voile, lafoule agiflante au port d'Elfeneur, faifoient unefcène d'aótivité difficile k déciire. J'en jouïsd'autant plus lóngtemps que le vent contrairei'nous obligeoit de louvoyér; nous fumes contraintsde croifer, fous plus d'une direótlon, htravers de cette flotte. Un vaifleau Anglois,fous le bord duquel nous paflames, me rapellacette fregatte que le Roi d'Angleterre envoyaa fon infortunée fceur, fur laquelle elle futiobligée d'attendre pendant vingt-quatre heuresun vent favorable., en compagnie du Chevalierde Keith, de fon grand maitre & fa grande•maitrefle Mr. & M^ dde Holjïein. Je me larepréfentai, jettant des regards defefperés vers' ce trifte chéteau , oü elle venoit de fe feparer,pcut-êtrepour toujours, de cet enfant fi cher hQ 2


i -44 |fon cceur, idéé qui a tout inftant renouvelloicfes fanglots; tournant enfuite fes yeux mouiVlés de larmes.vers Coppenhague, oü fumoitencore le fang de deux hommes, dont 1'unavoit une conneclion fi intime avec fa deftine'e,& qui renfermoit 1'ainé de fes enfans, auquelelle n'avoit pas feulement eu la confolationde.dire le dernier adieu, faifant voileenfin vers le lieü de fa nouvelle demeure, avec1'obligation d'abandonner pour jamais un pais,oü fa belle ame & fes excellentes qualités naturelleslui promettoient un heureux fort, oü elleavoit au contraire trouve' la fource empoifonnéede tous fes chagrins , & oü elle laifibit desobjets propres a reveiller continuellement lesregrêts les plus amers.Mon arrivée k Elfeneur termina ces reflexions, je ne penfai plus qu'a debarquer, ceque je fis heureufement; je fus obligé d'attendrependant plus de quatre heures avant depouvoir obtenir des chevaux, j'aurois du attendrebien plus lóngtemps fans les foins obligeansde Mrs. Fenwyk & Godin, a qui j'étoisadrefie'.II eft étonnant que dans une Ville oü fe faitle grand pafiage entre le Dannemarc & la Suédeon n'établifiê point de meilléurs regiemensde pofte, qui y font fi mauvais ou fi mal exe-


C 245 >eutés que fouvent des e'trangers ont e'ce' oblige'sd'y attendre pendant 24 heures.Le Chateau de Cronenburg m'avoit trop intereflëdu milieu du Sund, pour ne pas défircrde voir de prés un endroit qui reftera toujoursfameux 'dans 1'hiftoirc, par le fe'jour de 1'illuftrePrincefie qui y fut detenue. Mr. Fenwyk eutla complaifance de m'y accompagner. Uneallée de tilleuls fepare ce chateau d'Elfeneur.On nous en permit 1'entrée après quelques cérémoniesd'ufage; 1'Officier de garde en ayantfait demander la permiffion au gouverneur, Génë'ral-Majorde Beffel, nous fit conduire auchètelain par un bas-officier. Je demandaiavec emprefiement a voir les apartemens qu'avoitoccupée la Reine; on fatisfit tout de fuitek ma curiofité & il me parut qu'on étoit affezaccoutumé a cette demande. Ce logement, quieft celui du Gouverneur, confifte en quelqueschambres trés fimples & üniment meublées,cependant affez commodes. Je ne puis vousdécrire 1'efpèce de fentiment que j'éprouvai eny entrant; Hr me fembla voir le tranfport auquelon dit qu'elle s'abandonna k fon entréedans ces chambres; il me fembla entendre fesfanglots, & les reproches dont elle accablaceux qui avoient ufés de violence pour 1'y conduire,fes proteftations contre 1'injuftice d'unpareil attentat, & fes demandes réïtérées &cQ. 3


C 245 )vaines de parler a fon augufte époux. J'avoispeine a rn'arracher de cet endroit, tant il eftvrai que 1'infortune dans un fexe different, fürtoutdans une grande jcuneffe & dans un rangfi élèvé, touche plus nos cceurs que le malheurordinaire; je parcourus le refte du chateauavec affez d'indifference, cependant jeremarquai plufieurs tableaux reprefentants lesguerres de Chre'tien V, peints par Carl vanManderen, (*) peintre hollandois, & i eportraitde 1'Admiral Tromp par le même. Jeme promenai fur les remparts, j'entrai dansles immenfes fouterrains qui fervent de Cafemattes.J'admirai une batterie a fleur d'eauqu'on avoit nouvellement conftruite fur uneavance e'lève'e dans le Sund, avec laquelle onpre'tend atteindre la cöte oppofée. Cette batteriedoit refifter aux efforts terribles, & reïtere'sde TOce'an, & il paroit que les entrepreneursne font pas inquiets fur le fort deleur ouvrage.Des remparts on jouit d'une vuë trés ëtendue:le Sund avec toute la beauté de fes cö-(*) Carl van Manderen naquit k Harlem vers la fi ndu 16 fiècle, il fut nommé Peintre de la Cour de FrédericIII Roï de Dannemarc/ II fit un portrait de cePrince que Vondel a célébré par douze beaux versLe Père de Carl van Manderen étoit auffi peintre &qui plus eft Poè'te.


C 247 )tes & FacTivité de fa navigation; la majeftéde 1'Oce'an, dont 1'horifon immenfë & a pertede vue contrafte fingulierement avec les montagnesde la Suéde, quidominent dans le lointainpar deffus le Sund ; le terrible Cattegat 1'effroides meilleurs navigateurs & les redoutablesKollen (chaines de rochers) qu'on» voit enperfpeclïve & qui préfentent un afpecT noir& hideux a travers ia blancheur de 1'écumeformée par les vagues qui s'y brifent, offrentun tableau vafte, digne du pinceau d'un Vernet; fa main habile, pour animer 1'intérêtd'unpareil tableau, pourroit y repréfenter lesflottes holiandoifes qui couvrirent fi fouventces parages. Les vicToires d'un Obdam quifauva le Royaume fous Frederic III, la Campagneglorieufe d'un de Ruyter fous le règnedu même Roi en 1659, qui lui valut le prefentd'une chaine d'Or avec une medaille &des lettres de noblefle ; les lauriers que cueillitTromp fur les cötés de la Scanie en faveur deChrétien V qui le décora de 1'ordre de 1'Elephant,&c.Mes chevaux étant p.rêts, je pris la route deDroningaard oü mes amis jouiflbient encore duplaifir de la campagne, & oü je languiffois deme retrouver. Mon imagination avoit ététcllement afiecTée par la vue du chateau deCronenburg, que tout ce -qui avoit quelqueQ 4


C MS )rapport a la Reine Mathilde continuoit h m'irtterefler.Je fus _ bientót fur le chemin qu'elleavoit tenue pendant la fatale nuit & cettechauffée fi magnifique d'aüleurs, m'en parutde moitié moins belle. Bientót je paffai le longdu chéteau de Hirfchlom a mi-chemin de Coppenhague,fitué dans un charmant vallon aupied d'une colline. Le Roi lui en fit prefent:elle y arrangeoit de fréquentes parties QÜ elles'affranchiffoit entierement de 1'e'tiquette & dela géne attachée a fon rang; ce fut de cet endroitqn'on prétendit tirer des preuves convaincantesde 1'accufation qu'on lui intenta, fagrande jeunefle, fon penchant au plaifir, labonté de fon coeur, fa facilité a fe laifler entrainer& la diflbnance de fon mariage, furentautant d'écueils qui contribuërent a fa perte;un peu plus de prudence de la part de laReine, & moins d'ambition de la parede Struënfée eut prevenu cette funefie cataftrophe& 1'infortnnée Mathilde feroit reftée tranquillementa Coppenhague: elle auroit continuéea y regner fur les cceurs de fes fujets,elle auroit eu la fatisfactipn de voir cet enfant,dont la feparation lui fut fi douloureufe, devenirune Princefle charmante, lui reflemblerparla beauté de fes traits, par la gaïeté de fonhumeur, ainfi que par 1'excellence de fon car^ere& faire honneur par fon efprit & fes


249 )tfrlens h 1'éducation qu'elle a recue; elle auroite'té te'moin des grandes efpérances quedonne aftuellement fon nis le Prince - Royal,qui pour la figure reflemble beaucoup au Roifon Père, a Üexception que fes fourcils, qu'ila fort épais ,& fes cheveux font prefque blancs.:II a 1'air penfif & fe'rieux , parle trés peu enpublic; il porte toujours runiforme & paroitafiedionner beaucoup le militaire, dont il afait augmenter la paye & qu'il fe plait a.exercerfréquemment. Ceux qui 1'approcbent deprés s'accordent a dire qu'il ipoffède les qualite'sles plus émmentes, • & qu'il donne1'efpoir le plus fondé de pofleder un jour auplus haut degré la fcience fi complique'e debien gouverner. II paroit n'avoir d'autre ambitionque qelle de rendre heureufe cette nationqui d'une volonte' trés libre a donnée afes ayeux & k leur poftérite' tous les droits duMonarque le plus abfolu (* ).A peine fut - il déclare' Majeur, en 1'anne'eI^8 4jqu'il changea entierement la face duminiftère ; il forma un nouveau confeil dont ilprit la préfidence& congedia 1'ancien, oü avoitprefide' jufqu'ici le Prince Fre'deric fon Oncledemi-frère du Roi & fils-unique de la Reinej La fa?on dont il s'y prit merite bienque je vous en détaille les circonftances.En i6Cp fous Frederic III.Q 5


C 250 3 •Ayant atteint au 28 Janvier 1'age de 16 ansaccomplis, trois ans au-dela de 1'e'poque fixéeen Dannemarc pour la majorité des Rois, il futconfirmé (»; peu de temps après: cette cérémoniefe fit le 28 Mars de la même année, dans lachapelle du chateau • en préfence des miniftresétrangers, de la noblefle, des différens chefsde départemens •• & des perfonnes les plus qualifiéesqui y furent invitées.répondit pendant trois heuresCe ieune Princeconfécutivesavec toute la" préfence d'efprit, la fagacité &M telT^,T, diffe ' rentesfit Mr. Baft-holm,q u e f t i o n s«Bpremier Chapelain de laCour,a ufujet cela réligion dont il alloit êtrerecu membre.déclaré majeur.prendre féanceAprès cet acte folemnel, il f utLe r 4fut fixé pour lui faireau Confeil, dont il devoi>deformais être le Chef; le Prince-Fréderic, quien avoit étépréfident jufqu'ici, n'en pouvoitpluscccuperque la feconde place. On voulut 1'augmenterde quelques membres, avant que lePrince-Royal en prit la préfidence.Mr. Guüberg, autrefoisprécepteur du Prince Fréderic,puis Secrétaire du Cabinet, enfin Miniftre d'Etaty fut admis; ainfi que Mr. de Rofencrcne,Miniftre des Affaires Etrangères; & Monfr!Stehman, Miniftre des Finances; Mr. Sporon,Sous-Gouverneur du Prince-Royal, fut nomme'-Secrétaire du Cabinet, A 1'occafion du 28 Jan-(*) C'eü-a-dire, re;u memWe de PÉglife.


( =5i )vier on avoit déja nomme' kuit nouveaux Cordonsbleus, entre autres Mr. Mokke , Grand-Maitre de la Reine J..,., & pn avoit augmentéquelques penfions.Enfin le grand' jour oü tout devoit prendrèune nouvelle face ayant, paru; le Prince-Royalprit le moment oü les gardes étanc .oeeuyées afe relever, une partie de la gatnifon fe trouvoitibüs les armes, il- fit dire que perfonne neuth quitter fon pofte, avant d'en recevoir 1'órdrede fa part. Le Confeil étoit aflemblé, & perfonnene fe doutoit de ce qui alloit arriver. LePrince-Royal, un moment avant d'y venir,entre, un papier a la main, dans la chambredu Roi fon père, oü il trouva le Prince-Fréde--~~ric, qui ne s'attendoit a rien moins qu'a cetteapparition: s'adreifant d'un ton refpe&uêux,mais ferme, a Sa Majefté; il lui dit: que lesLoix 1'appellants déformais a gouverner fouslui a 1'aide d'un Confeil, il vouloit que ce Confeilne fut compofé que de perfonnes a qui ilpouvoit donner toute fa confiance; qu'en conféquenceil avoit projetté un changement, parmiles membres compofants le Confeil - actuei,& qu'a cet éffet il avoit drefle un mémoire,dont il demandoit la permiffion de faire la lecture,efpérant que Sa Majefté 1'honoreroitenfuite de fon approbation & de fa fignature.D'abord il reacontra quelques obftacles, on


i -5-)effaya de 1'intimider, mais Ta fermeté Perftporta; il lut fon papie? & le Roi figna. MunT-decette .fignature, il fe préfecta a la chambre düConfeil, s'avance d'un air módefie & alTuré,& prononce un difcours e ; air & coneis: il témoignea tous les membres, en particulier" sifon Oncle , fareconnoiffanae' pour lesfoinsqu'ils-ont pris d'une adminiftration, .qui lui revientmaintenant de droit, vu la trifte fituatioridu Roi fon père, &Jeur notifie en même tempsqu'il a nomme' un nouveau Confeil, dont ila exclu quelques - uns des.membres actueLs,Meffieurs de Rofencrone , - Gulberg, Steh»man & Moltke; cependant il les alTure defa protecTion & leur promet des penfions oudes équivalens pour les charges qu'ils vont perdre:il prie le Prince-Eréderic de continuer ahonorer le Confeil de fa préfence & de 1'affifterde fes avis. Un coup de foudre inattendu n'aurroit pas e'tê plus atterrant;- déja depuis lóngtempson avoit foupgonné qu'il fe préparoitquelque révolution, mais on ne Ia croyoit pasfi prochaine, & on efpéro.it qu'un afcendantde plufieurs années auroit paré, ou du moinsdifferé le coup. Le Prince-Royal paffe enfuitea la garde du Chateau, s'adreffe aux Officiersdes gardes a pied & a cheval, qu'iltrouve affemblés pour Pordre; il leur notitieque dorésnavant ils ne le recevront que ck*v


lui feul, leur défendant, fous peine de la vie, d'eflrefpecler d'autres, puis il leur fit prêter ferment.De-tè il va a 1'appartement de la Reine J...., lui faitpart de ce qu'il vient d'exécuter, 1'affure dans lestermes les plus foumis & les plus refpectueux ,qu'il ne manquera jamais aux égards dus a fonrang, ni au reipecT: qu'il doit a fa perfonne;il ajoute, qu'il fera. charmé de lui voir occuperh la continue les mêmes appartemens du Chateau,qu'elle a habitée jufqu'ici; que cependantfi elle préfère de fe retirer, elle eft maitreflede choifir tel Chateau, ou tel endroitqui lui agrée le plus, & lui infmue en mê»etemps avec beaucoup de ménagement , quedorésnavant toutes les affaires fe raporterontuniquement a lui & a fon Confeil, & qu'aucunefignature quelconque ne fera plus refpectéeque celle du Roi fon père, contrefignée dela fienne.Après cette vifite il fait appeller le Gouverneurde la Ville, Prince de Bevern, le Commandantde la Citadelle, tous les Chefs desdifférens departemens, les Commandans desquatorze battaillons en garnifon a Coppenhague,le Colonel des Bourgeois & 1'Officier depolice; il leur fignifie, que c'eft de lui feulque chacun recevra déformais fes ordres, &qu'aucun de ceux qu'on donnera par écrit


( 254 )feront de valeur, s'ils ne font munis de fa contrefignature..Ce même jouril fit fignifiera Mr.de Schack,Grand - Maitre de la Cour, & a Mr. Jacobi,LecTeur du Roi, que leurs places 'étoient vacantes;le foin particulier de la perfonne deSa Majefté leur avoient été confiées , & ilsdevoient en répondre ; ils furent remplacéspar quatre Chambellans, attachés directementau Roi, & chargés de veiller continuellementa fa füreté, h fa fanté & a fes amufements.Monfieur de Schack fut nommé Grand-Maitrede Cérémonie, ernploi qui ne donne aucuneoccupation a la Cour, & qui lui óta les entréeschez leRoi; peu de temps après il fe retiradans fes terres, il fut remplacé dans le poftede Grand - Maitre par Mr. de Numfen, Directeurde la chambre des péages a Elfeneur;homme généralement eftimé, dont la mère aété Gouvernante du Prince - Royal dans fa premièreenfance, qui a fréquente'plufieurs Coursétrangères, grand Protefteur des Sciences &des beaux Arts, pofledant du goüt, de lapolitefle& 1'efprit du monde. En même tempsMr. Sporon regüt fa demiffion dans fa qualite'de Secrétaire du Cabinet, dont il avoit a peineeu le temps de recevoir les complimens.On envoya unexprès au Comte de Bernftorf,


C *55ïqui réfidoit h fes terres, pour lui notifier qu'ili yenoit d'être nomme' au pofte de Miniftre dès; Affaires Etrangères, vacante par la démiffïondu Comte de Rofencrone, qui en perdantfaplace au Confeil, dut quitter auffi celle de Miniftre; Mr. Schack-Ratlau fut chargé d'en prenidre foin ad interim.j Mr. de Rofencrone partit peu de jours aprèspour fes terres, fituées en Jütlande, qui fonti eonfidérables, & qui lui donnent de grandsi revenus; il y jouït d'une penfion de 2500 écus.Iflu d'une nobleffê nouvellement crée, il futii employé autrefois dans les miflïons étrangères.Durant fon adminiftration il s'eft acquis la réputationd'honnête-homme: fon carattère doux& affable l'ont fait regretter [dans la fociété,: & de ceux qui avoient babituellement affaireavec lui.Le Comte de Schimmelman, fils du fameusSchimmelman, rempla?a Mr. S*e/wrcan, qui dutquitter le Confeil & le pofte de miniftre de fi.! nances; on lui donna pour le dédommager leBaillage de Hadersleben. Mr. Stehman a düfafortune a facapacité; il eft laborieux, grandtravailleur & bon calculateur; mais un miniftrene doit pas fe bomer a ces qualltés,il doit avoir un génie créateur & des vues éten-: dues, furtout lorfqu'il s'agit de rétabiir la caif-


'C *5'6 3fe dans un pays, 0Ü les reffources ne f o n t p a ltoujoursproportionnées aux befoins & auxlétabliffemens qu'on projette.Mr. Gulberg, en quittant le Miniftère &ujConf eil, eft refté attaché' au Prince-Frédericen qualite de Grand-Maitre de fa maifon; poftédontil fut revétu, p e ude mois avant cet événement,avec une penfion de 2000 e'cus, auxgneison en a ajoute' encor3 5 0 Q j en qualité,de Miniftrc,pour fa retraite. Il eft d'extra&onbourgeoife, fon père fut Miniftre du St. Evangileen Norve'ge,il e'tudia lui-même en théologie& defervit une églife a Rotfchild, qu'il quittapour devenir Précepteur duPrinee-Fréderic,jm depuis la trop fameufe revolution de r 7 7 2l a toujours poulfé, jufqu'a ce qu'enfin il parrltZll ^^«^eterminafa chute.Tout le monde s'accorde a lui recbnnoitredjg andes qualités : fon caraclère de bonté "d hamanue-1 ont fait aimer ge'néralement, 1 eftlaboneux&infatigable au travail, ilp a r o if Qpas „mer ce qu'on nomme vulgairement les'Piaifirs; je ne 1'ai jamais vu au fpeftaee,«at. On lm reproehe d'avoir trop p r od,Wf P e n f i o n s in point même que la caiife7mais


( 257 )mais on ajoute en même temps que ni lui,ni perfonne de fa familie en a jamais profké &qu'il fort de fon pofte tout auffi peu riche qu'ily eft entre', temoignage d'autant moins fufpeótqu'il lui a e'té rendu par fes cnnemis même aumoment de fon infortune. II a e'poufe' en fecondesnoces la fceur de fa première femme,toutes deux filles d'un meunier de Friedensburg; & il jouïlToit de 1'entière confiance de laReine J. . . ., ainfi que de celle du PrinceFrederic.Le Gouverneur du Prince Royal, le GénéralEichftatt, qui après avoir quitte'le Confeil futnomme' grand Chambellan du Royaume, pritfa demiffion du pofte de Collonel des gardes acheval, pour fe retirer dans fes terres , oü ilvit tranquilement, e'loigné des affaires & nes'occupant au milieu des travaux champêtresque du bonheur de fes vaffaux. II commandales dragons qui furent employés a la revolutionde 1772.Le bruit de la demarche du Priace Royal ferepandit bientót dans le pubic, quantite' degens s'attrouperent devant le cliateau, témoignantsleur impatience de voir le nouveau Regent.II parut enfin en uniforme de général.Mille acclamations des plus vives £e fircnt entendrede tout cóié par un peuple, qui a toujoursefperé de voir renaitre en lui fon AyeulR


C 258 )Frederick V, furnornmé le père du peuple.Le Prince Royal fe promena enfuite a piedaccompagné de fon Maréchal le Baron de Bulau& fuivi d'un feul coureur, par les principalesrucs de Coppenhague & d'une foule prodigieufe,qui ne ceffoit de'lui donner des marquésde fon attachement.La conduite perfonnelle de ce jeune Princea cette revolption, lui fait fans doute honneurpar la modération & par la fermete' qu'il témoignalorfqu'on voulut eiTayer de le detournerde fon delTein; ainfi que par 1'humanitédont il fit preuve envers ceux qui perdirentleurs emplois, & qu'il dedomagea plus oumoins par des penfions, des Baillages ou d'autrespofies qui en les éloignans des affaires& de la Capitale , leur Jaiffoit cependant de Iaconfidération & les mettoit a leur aife.Si le peupie temoigna de la joye, lorfqu'ilapprit que ceux qui avoient eu jufqu'ici tant depart au gouvernement, n'y auroit plus Ia moindreinfluence,ce n'étoit point parcequ'i] etoitmecontent de leur adminiftration, puifque généralementon s'eil réuni a dire: que cette adminiftrationavoit été douce & moderée, qu'ony avoit encouragé les arts & les fciences, &qu'on s'étoit principalement etudié a rendre lanation heureufe en maintenant la paix au dehors& la tranquilité au dedans; mais la mé-


snoire de la cataftrophe fanglante de 17 7 s;arrivée fous ce même miniftère, au milieu d'unpeuple qui n'eft rien moins que fanguinaire > &qui trouva le fupplice trop cruel pour la faute,jointe a la reminifcence d'une Reine infortünée,dont le trifte fort intéreffera toujours une nation,qui la voit revivre dans les traits d'unejeune Princeffe, belle &aimable, qu'elle idolatre,contribua fans doute beaucoup au contentementgénéral, d'autant plus que le parti angloisne manqua point de profiter de cette difpofitionfavorable, pour s'afiurer des efprits.Le Confeil aduel, oü, fous la préfidencedu Prince Royal, toutes les affaires font rapportéesaprès avoir paflees par les diifércnsdepartemens, eft compofé, outre le PrinceFréderic qui y conferve toujours une place,des cinq miniftres fuivans:Le Comte de Bernflorf, Miniftre des affairesétrangères, Préfident de la ChancellerieAllemande, neveu de ce fameux Comtede Bernftorf, dont le nom, a jamais mémorabledans les annales du Dannemarc , rappelleraa la poftérité le beau règne de FrêdericV.II joint k beaucoup de capacité une connoiffanceapprofondie des différentes Cours de1'Europe qu'il a fréquente', il eft intègre, laborieux,adtif, infatigable au travail, en dépitd'une fanté qui paroit chancellante. C'eft


C 2rTo )pour la feconde fois qu'il fe trouve chargé öiimême departement. Entraïné en 1771 (fousle miniftère de Struenfée) dans la difgrace defon onele, il fut rappellé en 1773 , fous celuidu Prince Fréderic. II fut obligé de fe retireren 1780, peu de temps après qu'il eut fignéa fa Campagne conjointement avec les miniftresde Ruffie &.de Suéde , le fameus traité de laNeutralité armée. Le fecret penehant qu'onlui connoifibit pour 1'Angleterre, fit craindrea la Ruffie que les armemens, ftipulés par cetraité, ne feroient pas prefle's en Dannemarcavec cette vigueur que 1'Impératrice défiroit;en conféquence elle exigea fa retraite. Lescirconftances ne permettoient point de refufercette marqué de condefcendance a une Cour ,qu'on avoit de fortes raifons de ménager. LeComte de Bernftorf fut facrifié, mais le regretrqu'on lui en témoigna, prouva bien que c'étoita contre- cceur. II refta tranquillementdans fes terres jufqu'a la révolution de 1784,que le Prince Royal le rappella a ia fatisfacTionde toute la nation.Le Baron de Rofeticrantz, Préfident du Collegede 1'amirauté; il eut autrefois avant 3'adminiftranonde Struenfée, & pendant les <strong>voyage</strong>sdu Roi la direcTion du departement de laguerre; depuis ce temps il a vecu loin des affaires;c'eft un homme d'un efprit tranfcesdant,doué d'une grande connoiiTance du mon-


C *fa )ij ne, d'une politeffe aifée & en toute facon faiti| pour vivre a la Cour.Le Baron de Schack Ratlau, Patron de 1'U>| niverfité, de Coppenhague. II s'eft générale*| ment fait eftimer de toute la nation par la con-1 duite noble & généreufe qu'il tint au commence-1 ment de 1'adminiftration de Struenfée. CeSeigneur1 fe diftingue par fon efprit, fes connoiffances & fongoüt pour la littérature & les beaux arts (*).. Monfieur de Huth, Général en chef de 1'ar-I tillerie & préfident du Col'ège de guerre, qui. ^ p^ge de. 75 ans, conferve encore toute lavigueur d'un homme de 40. II s'eft élevé, par fon mérite & par fa capacité. Né en Heffe,il y a fait fon apprentiffage, & après avoir fervicTans plufieurs gnerres il eft paffé au fervice duDannemarc, en qualité de Lieutenant-Gollonei,fous le miniftère du Comte de St. Germain.C'eft ün homme extrêmement uni, trés eftimé. non-feulement dans fon métier, mais aufii pourfon caraftere moral & pour fon imégrité.Monfieur de' Stompe, P.éndent de la chanycellerie Danoife, eft trés eftimé pour fa capacité& 1'excellence de fon caraftère.Les quatre premiers de ces cinq Miniftresfont Chevaliers de 1'Grdre de 1'Eléphant; Monfieurde Stampe 1'eft de celui de Dannebrog.(;*) Ces deux derniers Seigneurs ont quittes !e ConfeÜvers la fin de Unnée 178S. .R 2


Le Comte de Schimmelman, Chevalier de 1'ONdre de Dannebrog, Miniftre des' finances & decommerce, n'a pas encore féanceau Confeil ( * ) ,fon application & fon aftivité fontefpérerqu'un jour il égalera fon père, dont Ia réputationdiirera auffi lóngtemps que le Dannsmarc,& a la mémoire duquel le Corps des ne'gotiansprojette d'élever une ftatue, qui feraplace'e devantIa bourfe.On m'en fit voir le modèleexe'cute' par un Italien, nomme' Rofei. I] eftrepréfente' en habit de Chevalier, autour delui font différens attributs de commerce pourmarquer que c'eft k fa protecTion & è festalens qu'on doit 1'accroiffement de cette branchede richefie & de bien-être.Le Prince Royal non content de pre'fider sce Confeil, fait de fon mieux pour acque'rirles connoiffances néceffaires, afin de fe mettreen e'tat de gouverner un jour par lui-mêmeII va journellement chez les miniftres & chezles différens chefs de departemens, p 0u rf emettre au fait de tout ce qui a rapport a 1'adminiitration.JMais j'oublie que jefuis toujours fur lechenun qui mène d'Elfeneur a Droningaard- ileft temps de m'en tirer & de vous notifier monarnvée a cette magnifique Campagne, oü jeretrouvai mes amis bien portants. Je fuis, & c.


C 2S3 )LETTRE DIX-HUITIEME.COFPENHAGUE ce . . . Février 1786,M . . .j/^près avoir parcouru avec vous le local dela Suéde, & vous avoir donné une defcriptiongénérale du pays & de fes habitans, vous fouhaitésque je vous faffë connoitre un peu plusparticulièrement une nation, dont vous vousêtes formé une haute idéé, & vous voudriésfurtout apprendre quelle eft la différence ou1'analogie, qui exifte entre elle 8c la nationDanoife.Le détroit du Sund fépare ces deux nations,dont Torigine eft certainement la même, quiviyent h peu prés fous le même climat, parientla même langue & qui ont cependant entreelles des contraftes marqués, foit rélativementau pays, ou aux hommes qui 1'habitent.En Dannemarc tout eft colline, terre franche,mais pierreufe, des bois de petite étendue& des plaines a perte de vue, des petitslacs, point de rivières; les hommes portentdes habits longs & rouges. En Suéde au contraireon ne voit que montagnes, rochers,R 4


( 2fJ4 )srallons, forêts, lacs immenfes & grandes rl»tyières; les habits font courts & bleus..Le Suédois d'une taille fuelte & bien prifeeft vif, laborieux, gaï & fe lie aifément. ' LeBanois moins deliédans fa figure eft plus lent,aime le repos, ne travail Ie pas avec la mêmeactivité, fon humeur plus flegmatique eft tourneeau ferieux , fon caracTère froid eft conftant,furcout en amitié, mais il ne fe livre pas fi vite.Quelques Savans du pais prétendent que jufquedans ie n;-& is e . fiècle les Suédois ontété d'une taille beaucoup au deffus de cellequ'ils ont actuellement;on trouve configr.és,a ce fujet, dans les mémoires de leurAcadémie, les faits lüivants:„ Le 23 Juillet 1754, en creufant dans le„ Cimetière de Tanden Cloicre Wreta, on„ trouva a 2' aunes de profondeur, plufieurs„ Caifles faites de pierre, qui contenoient{>des ofiemens humains d'une grandeur deme^furée.En creufant encore jufqu'a la„ profondeur de 4 aunes, on trouva dans dufable blanc trés ên un fquelette parfaite-„ ment bien confervé de la longueur environ„ de 8 pieds. Lorfqu'on pofa les fondemenss tde la Tour de Lingkiöping, on deterra deux„ fquelettes environ de la même grandeur, 1'unk, defqueis portoit au Crane la marqué d'ung'm profonde blefture." ? • - •• •


Les os qui repofent dans le cercueil de"), -pierre du Roi Inge' Haljlanjfons, dans I'églifèis,, de Wreta, ont a peu pres les mêmes di-„ menfionsj & Thiftoire dit, que les Rois Sten"-„ kilfon & fes neveux Ragwald Knaphöfdingétoient plus grands que lui. — :Ils veeurent„ dans le commencement du i4 e . fiècle.| „ Lorfqu'on creufe profondement dans les„ anciens Cimetières, on trouve fouvent desK fquelettes de cette taille (*)•"Le dialecte des langues Suédoifes & Danoifes,dans le fond le méme, fe reflent'dela différencede caraclère entre ces deux nations: Tune& 1'autre prononce en chantant, mais le Suédoischante plus vite, termine beaucoup de mots pardes voyelles & principalement par des a, en quelquesprovinces, Boka un livre, Hefta un c'neval,Baka une montagne, & relèvë' promptemeritIa dernière fyllabe, après avoir baiffë 1'avant dernière,au licu que le Danois a une prononciationlente, un peu gutturale, beaucoup de ter-'minaifonsenconfonhes, Book, Heft, Baken, de7forte que deux Suédois parlans entre eux infpirentde la gaïeté, tandis que deux Danois dans leur(*) Memoires de 1'Acad. des Sciences de Suéde, Tom,XXVII. pag. 334. Tom. XXVIII. pag. 274., Le fameux Cajanus qui s'eft fait voir pour de 1'argent& qui eft mort en Hollande , étoit Suédois,. il naquit enOftrobothnie; on prétend qu'il avoit au dela de 8 piedsen hauteur. Ceux qui J'ont vu ont pu fe former l'idéèd'un ancien Goth. , .: • R 5


( aS6\)accent lugubrei donnent de la mélancolie ktous ceux qui n'entendent pas leur langue.Les Danoifes & les Suédoifes font les unes & lesautres belles, aimables& bien élevées, généralementblondes, elles ont le teint delicat, lesyeuxbleus,de beaux che^eux; mais les Suédoifes ont leregard. plus animé, la phyfionomie plus expreffive,la taille plus légère, elles font bienfaites& vives j les Danoifes font fujettes a prendrede Tembonpoint & font plus langoureufes. Jecrois les premières plus enclines a 1'amour,& celles-ci plus fufceptibles de tendreffe &d'attachement. En Dannemarc les bourgeoifes& les femmes du commun aiment beaucoup laparure & facrifient tout a leurs ajuftemens, quiordinairement font bigarrés de plufieurs couleursoü le rouge domine. En Suéde les femmes detout état fortent toujours voilées, les payfannesmêmes lorfqu'elies travaillent aux champs,portent un voile de crêpe noire, ufage néceffairepour garantir les yeux de 1'éclat de laneige durant leurs longs byvers, & de la reverbérationdu Soleil parmi les rochers pendantles lorigs jours de leurs étés.La nation Suédoife eft moins éloignée de fapremière origine que ne le font les habitans duDannemarc; nombre d'étrangers viennent s'établirparmi ceux-ci, foit par une fuite de lanature de leur gouvernement, foit par cellede leurs poflefilonsj ces étrangers s'y natura-


C 26-7 )iifent a ia Campagne & dans les villes, quantite'de families nobles & roturieres, beaucoupde perfonnes employees dans le politique &dans le militaire, nombre d'artifans, mêmequelques artiftes font e'trangers, mais furtoutAllemands , au lieu qu'en Suéde a Texceptionde peu de families, tout eft Suédois ou d'Ori-gine Suédoife, Par 1'article 10 de la nouvelleconftitutionrenouvellée de 1'ancienne, „ Au-„ cun étranger de quelque condition ou rang„ qu'il foit (Prince même) ne peut être>, employé dans la politique, le civil ou le„ militaire, & ne peut jouïr d'aucun pofte,» excepté a la Cour du Roi".Les deux nations aiment les Sciences & lesbelles Lettres & s'y font diftinguées. Les Suédoiscomptent plufieurs Savans, qui non feulementont tenus & qui tiennent encore un rarigdiftingué chez-eux; mais qui ont acquis enmême temps 1'admiration & 1'eftime de toute1'Europe 3 qui ne connoit un Linnseus, un Bergman, un Celfius , un Menanderhielm , unWargentin , un de Geer, le Reaumur de laSuéde, & le Savant Hiftoriographe Lagerbring(*). Les Danois en revenge peuventfe glorifier dün Tycho-Brahé, d'un Roemer,'d'un Gafpard Bartholin, d'un Simon Pauli,d'un Wormius, dün Holberg & plufieurs au;-£ * ) ïl eft mort en 178S,e


258 )tres: qu'il me foit permis d'ajouter a ce Catarlogue quatre Savans, qui font aftuellement en- .qore 1'ornement de Coppenhague, autant parleur merite, que. par leur favoir: Mr. de Kratzenftein,.RecTeur de lUniverfité & Profeffeuren Phyfique expe'rimentale; leChambel'an de• Suhm le Profeffeur en Théologie de Tresf*)Voici 1'extrait d'une Lettre, qui m'a été écritede Coppenhague en date du 17 Févr. 1789, par 1'eftimable& favant Profeffeur dé Trefcouw.„ C'eft a Mr. Ie Chambellan de Suhm, que l'on dokce qui eft le plus .éxa£l, par rapport a 1'hiftoire duDannemarc» Ce Savant pofféde la connoiiTance des„ anciennes langues en perfeftion, & une affiduité irf-„ croyable pour les recherches hiftoriques. II a publiaXIVvolumes in4tofur 1'hiftoire, principalement celledu Nord, dont le contenu eft le fuivant: 1. Sar l'O r,, rigine des Nations en général, Copp. 1769. 2. Sur l'Originedes Nations du Nord, Copp. 1770. -3. Sur l'Odiit&" la Mythologie des Nations du Nord, Copp. 1771.„ 4—5. Sar l'Emigration des Nations du Nord, Copp. 1772'.„ &"I773. 6 9. Hiftoire Critique du Dannemarc, IVvol.1774—81. 10--13. Hiftoire du Dannemarc ,. avec de.ss, Tables in Folio. 14. ColleSion des pièces Hiftoriques,„ concernantes l'Hiftoire du Dannemarc.C'eft grand dommage que ces ouvrages ne font pas .„ encore traduits. Comme Mr. de Sahmne s'etendpoint„ a 1'hiftoire de Norvége , nous avons recüs 1'hiftoïre. dece pays d'un autre hiftoriographe, auffi refpeftableque Mr. de Suhm, qui s'appellc Schionning , en 3 vo-„ lumes in 4M. Comme il étoit Norvégien & trés pro- .„ fond dans 1'hiftoire, dont il a donné-^des preuves convainquantesdans la nouvelle Edition de 1'hiftoire de„ Snarro en Latin, & dans fon ouvrage fur VancienntGéographie de Norvége; il n'y a rien de plus accompli .„ que cet ouvrage; mais il majiqueune traduiten, Soa


( *«9 )cauw, & Ie Profeffeur en Chirurgie KaU*fchen.La grande partie de Ia nobleffe Suédoife, Tainfi que de la Danoife, après avoir recue chezelle une excellente e'ducation préliminaire, <strong>voyage</strong>& vifite les pays étrangers. En y étudiantles loix, les habitans & les mceurs quiles caraétérifent, ils acquièrent des nouvellesconnoiffancns, dont ils reviennent enrichir leurpays. Les uns & les autres fe diftinguent parune politeffe aifée & prévenante, cependantquelque gracieux que foit 1'accueil que font auxe'trangers les Seigneurs Danois, ils ne poffédentpoint ce degré d'hofpitalité, refte destemps primitifs , & dont fe piqué la nobleffeSuédoife.Le Régiment Royal Suédois au fervice deFrance, donne la facilité a quelques jeunesgens de s'expatrier pour quelque tems. Ceuxqui font deftinés au militaire & principalementa la marine, font obligés d'aller fervir chezquelque Puiffance.étrangère, s'ils veulent obte-Hiftoire de Norvége eft imprimée a Soroe, 1771—8r.Pour fuppléer un peu au manquement d'une traduftion„ de ces ouvrages confidérables, Mrs. Gehhardilk Chris-„ iiahï ont publiés un ouvrage, ou plutöt deux ouvra-' „ ges, fur 1'Hiftoire de Dannemarc, de la Norvége &„ desDuchés de Sleswig & de Boljlein, en plufieurs vo-, 4hmes in 4W & 8vo, oü ils ont confultés les ouvrages„ de Mr. de SabiB * Schionning.".


( 27° 5Bir de favaneement chez eux; par eette maxi=me, cenx qui ont de Tarnbition & ils en ontgénéralement tous, acquièrent'le dëfir de s'inftruire,& d'être un jour utiles a leur Patrie.Le Militaire Danois ne va guère fervir dansles pays étrangers, a Texception des officiersde marine, a qui on fait tous les avantagespoffibles pour les engager a fervir quelque,tems hors de leur pays;profitent,quantité en& il y en a toujours quelques -unsau fervice particulièrement de 1'Angleterre &cde la Ruffie, quelques uns pour apprendre leurmetier fervent dans la marine marchande.Le Roi de Sue'de envoye de tems en tempsquelques jeunes artiftes a Rome & a Paris,pour y e'tudier les chefs d'ceuvre antiques &modernes; la plupart ont réuffi, & le Sculpteur.Sergel,dont je^vous ai parle', apaffémêmeen Italiëpour exceller dans fon art.CependantCommè les arts ne jouïffent pas enSuéde des mêmes encouragements qu'en Dannemarc, ils n'y ont pas encore faits autant deprogrès, malgré 1'aptitude naturelle des Suédoispour y réuffir.Les Danois ont un Peintred'hiftoire (*), dont la compofitlon peut êtremife en paralelle avec celle d'un JVeJl ou d'unPierre.La Cour lui donne une penfion an-C* } Le Profeffeur Abelgaard; fon frère eft Profefteus'en Hippiatrique a Coppenhague.


( 271 )nuelle de iooo écus, pour lequel il s'eft engagéa livrer toutes les années, au jour denaiffance du Roi, un tableau, repréfentantquelque époque mémorable de 1'hiftoire duDannemarc. II en peindra 22, a meftire queces tableaux font achevés oh les place dans lafuperbe falie des Chevaliers , dont le deffein &Texécution font dus a un architecte Francois,nommé Desjardins. Le Roi a permis a unPeintre en portraits (*), qui excelle dans lesreffemblances, d'établir fon attelier dans une'grande falie du Chateau. Comme il garde unecopie de chaque portrait, cette falie eft tapiffee,de ceux d'une quantite' de perfonnes, de toutrang & des deux fexes, jen'ai rien vu de plusfrappant. Un étranger peut y prendre uneconnoiiTance préliminaire (d'après les principesde Lavatcr) des différens membres dela fociété de Coppenhague. Le Prince Royalfait <strong>voyage</strong>r acluelternent un Peintre enpaïfage (t)» dans les contrées les plus pitto-'refques de la Norvége, du Dannemarc & dela Jütlande; ce jeune homme qui a etudié fonart dans les montagnes de la Suiffe & aux environsde Rome, & qui peint avec beaucoupde chaleur, eft chargé de faire une fuite deC*) Juel.£t) Pauliflen.


C 2 72 )tableaux cara&ériftiques des vues les plus fail*lantes qu'il rencontrera dans fa tournee.tableaux ferviront d'ornementCesa une falie duChateau. Le Profeffeur Höyer, Secrétaire deTacadémie de Peinture (*), de Sculpture &d'ArchitecTure , eft un Peintre du premier genreen Miniature; il brille par 1'élégance de facompofition & la délicateffe de fon pingeau.Le Graveur Preifler fe rend célèbre dans fonart, on doit admirer fon intelligence & 1'expreffionde fon burin (f).Deux Sculpteurs &Statuaires, les Profeffeurs de JViedefelt & Stanleyfe diftinguent, le premier par 1'exacTitude de, fes contours, & le fecond par la richeffe & lefeu de fes compofitions; 1'un & Tautre fe fontperfectionnés le goüt parmi les antiquités dede la Grèce & de 1'ancienne Rome en Italië,& parmi les beaux ouvrages modernes en France.La Cour leur donne continuellement de1'oüvrage, &c ne veut point voir leurs talensfans occupation.On fait rendre juftiee a Coppenhaguea un violon nommé Letnm, qui apaffe plufieurs années en Italië; des perfonnesqui 1'ont entend u a Rome , m'ont affurés qu'ily étoit infiniment gouté,TousC*3 Prince Royal eft préfident de cette Académie.Ct3 Son fiis J. G. Preifler, difciple du fameux Wille.,marche a grands pas a la perfeftion de fon art.


( 273 )Tous les Artiftes dont je viens de faire meritionfont nés Danois & font fans doutehonneur a la nation par leurs talens, qu'ilsont cultivés dans les établiflemens dus a lamunificence dn gouvernement; qui leur fournitenfuite les fecours néceflaires pour fe perfecTionnerdans les pays étrangers.Quantite' d'artifans excellent en Suéde dansdifferentes manufadtures, fabriques & metiers; ils y réuffiroient encore mieux, s'ilsn'avoient pas continuellement mille obflacles1 combattre; leurs ouvrages de marqueterie,leur facon de preparer les cuirs , leurs fuperbesmanufaftures de gants, leurs fourneauxéconomiques & plufieurs autres ouvrages prouventleur induftrie & leur aftivité; quelquesmanufacTures en Dannemarc 1'emportent par'deflus les leurs, entre autres celles des draps,des foyeries, des toiles peintes & des chajpeaux.Le payfan Suédois, vigoureux, 'acTif & laborleuxtravaille pour lui & pour fa familie,I après qu'il a decompté la dime & les redevances; s'il eft obligé a quelques Corvées, furtouta celles de la pofte & des voiturages publiésil s'en confole en penfant que malgré fapauvreté, il eft membre d'un corpsqui eft le 4 e .ordre de i'Etat, ayant fa voix dans le gouverne-S


274 )nacnt. Cette idéé leur donne une énergie de cara&èrequ'ils n'ont point en Dannemarc. Aucontraire le payfan dans un état peu differentde 1'efclavage, attaché a la Glebe, y travaillepour fon Seigneur & fe trouve fujet a des corveesexceffivement onereufes, ce qui le rendle plus malheureux de tous les êtres. Cet étatde fervitude joint a 1'indolence qui lui paroitaffez naturelle, lui donne un air humilié quefon voifln au-déla du Sund n'a point.Jufques ici perfonne n'a fuivi encore 1'exempledu feu Comte de Bernftorf, (qui a donnéla liberté 3 tous fes payfans, il y a quelquesannées) malgré /les produits quadruples desterres, & la richeffe . aciuelle de ces mêmespayfans, qui, avant cette époque, étoienttout auffi miferables que les autres. Pour éterniferla mémoire de leur bienfaiteur, ils ontérigés 1'année derniere a fon honneur un magnifiquemonument de marbre de Norvége,exécuté par le Profeffeur en Sculpture Wiedefelt.Une infeription en lettres d'or y transmettrale nom de Bernftorf a la poftérité. On aplacé le monument dans une de ces terres libe-..rées(*),a unclieuede Coppenhague,au bord dugrand chemin royal qui mène a Elfeneur.Malgré 1'animofité &lajaloufie quirègne entreC*) Gienthof.


( 275 )ces deux nations (*), on airae beaucoup en Daivnemarc les ouvriers Suédois, tant pour les ouvragesdes manufadtures, que pour les metiers& les travaux de 1'agriculture;on lestrouve intelligens, adroits, infatigables , &les Danois qui font a la tête de quelque entreprife,leur rendent la juftice de les preferer aleur compatriötes; j'en ai vu moi-même ladifférence.Une petite Colonie de Scaniens au'nombre de 40 h. 50 s'étoit établie a la terre demon ami de Cpour y travailler audefrichement qu'il y exécute , le triplê de Danoisy travailloit de leur cóté.Je remarqualque les ouvrages les plus rudes , ceux qui demandentle plus d'attention,ainfi que ceuxqu'on étoit quelquefois obligé d'abandonner aTintelligence de Touvrier, étoient deftinés auxSuédois par I'Infpe&eur natif du Holftein.en étoit de même des ouvrages de la moifibn ,le fermier auffi Holfteinois preferoit toujoursles Suédois.Je vis arriver la même cbofe a1'exploitation . des bois; le forêtier Danoislui-même, n'employoit, que le moins poffible,II(*) Cette haine nationale a été oblèrvée déja dansles temps les plusanciens ; leurs guerres continuelles ontentrenues cette ayerfion , & elle s'entretient encore tousles jours par la jaloufle de Commerce., de Navigation,de pêche & d'autres caufcs , ekcitées par les intérétscommuns a deux nations fi voifines.Sa


( )des gens de fa nation, & je m'afiurai qu'ilsavoient raifon. Un Suédois faifoit quelquefoislui feul autant d'ouvrage que trois Danois.Ce qui me furprit encore c'eft que lorfque lacloche du foir annongoit la ceffation du travail,les premiers fe rendoient aux huttes de terre& de mouflb qui leur fervoient 'd'habitationavec leurs femmes & leurs enfans, oü pourfe repofer de leurs travaux, ils danfoient aufon d'un violon qu'ils avoient avec eux, oubien aux chants de leurs femmes & de leursfilles. Ce bal fe repetoit tous les foirs , lorsquele temps le permettoit, tandis que lesouvriers Danois fatigués alloient boire du brandevin& fe. coucher. A une fêce champêtreque donna mon ami de C. . . . les Scaniensne voulurent jamais fe mêler avec les autres :ils s'ifolerent dans un coin de la campagne oü ilsfe divertirent a leur maniere. La mufique &la danfe Danoife étoient trop langoureufe poureux. Ils préferoient leur mufique vive & leurspas redoublés.Au printemps quantite' de Suédois viennentchercher de 1'ouvrage dans 1'ifle de Zélande,oü ils jouïflent d'un plus grand journalier quechez-eux. Ils y vivent fobrement & avecbeaucoup d'économie, & s'en retournent auxaproches de 1'hyver emportants le fruit de leursépargnes. On voit ainfi arriver des troupes d'hom-


C £77 )mes, mais encore plus de femmes, principalementlorfque le bruit s'eft repandu chez-euxde quelque grande entreprife a la cóte oppofée.Que ce peuple aótif & laborieux fo't guerrier& bon Soldat, c'eft ce dont vous ne pouvésdouter. Sans parler des differentes guerres queles Suédois ont foutenus chez-eux, oü chezleurs voifins dans les fiecles antérieurs, cellesfous leurs Rois Charles IX, Guftave Adolfe,Charles XI, Charles XII, prouvent qu'ils fontbraves, & qu'ils font toujours prêtsaie facrifierpour la gloire 8c pour le falut de 1'Etat. Heureux!lorfqu'ils font gouvemés par des Rois quifavent diriger leur adtivité & leur amour pourla Patric, Vers 1'agriculture, lc commerce &les manufaftures, & qui n'employent la bra :voure naturelle de leurs fujets, qu'a de'feödre1'Etat en le leur faifant envifager comme unepoffeffion commune, fans jamais fonger a femêler dans des guerres écrangères & encoremoins a faire des conquêces.Les pertes qu'a fouffert le Royaume & enhommes & en efpèces, dans les guerres mêmeles plus glorieufes doit fervir de leeon auxfucceffeurs de ces héros, qui fe font acquis unnom immortel dans les faftes de Mars & deB'ilone, mais qui ont marqués en traits dcfang , dans les ar.nales de la Suéde, des épo-S 3


C 278 )ques de dépopulation & d'apauvrifiement a jamaisirréparables, fi une bonne économie Scune adminiftration pacifique n'y raniment deplus en plus les branches de population & decommerce. Un célèbre écrivain Suédois (*)en parlant du tort que les guerres font a lapopulation de fon pais cite le trait fuivant :„ Pendant Ia derniere guerre, Ia Compagnie„ d'Infanterie repartie fur la paroiffe Skellefld„ en Weftro-Bothnïê, forte de 128 hommes,„ a été renouvellée entierement deux fois„ dans une même année ".Un Roi de Suéde (f ) le plus grand Capitainëde fon fiecle , • célèbre par la gloire qu'ilacquit aux armes Suédoifes, malgré les vicloiresqui 1'immortaliferent, confideroit un conquerantcomme le fleau de fon pays.„ Quelqu'un louoit un jour en fa prefence„ les grands progrés qu'il avoit fait en Alle-„ magne & foutenoit que fa valeur, fes grands>, defleins & fes exploits étoient des merveilles" d e l a P">vidence = que fans lui j amaifon„ d'Autriche prenoit le chemin de la Monar.'» chie univerfelle, &q u ec'étoit fait de l a„ Réligion proteftante; qu'il paroiflbit bien„ par les miracles de f a vie, que Die» 1'avoitC O Mr. P. Högftröm remarques fnrla population 1-55CtO Guflave-Adolfe.'


( 279 )I fait naïtre pour le falut des hommes; que„ la grandeur de fon courage incomparable„ étoit un effet vifible de fa divine bonté:„ Dites plutót, repartit le Roi, que c'eft une., marqué de fa colère. Si 'la guerre que je"„ fais eft un remède, il eft plus ihfupörtable"„.que vos maux. . . . C'eft une tnatque deVl'amour de Dieu quand il ne donne aux Rois-,* que des ames ordinaires. . . . L'humcur'„ ambitieufed'unfouverain^fapajftonexcejftve"„ pour la gloire lui faifant oublier te repos,„ l'oblige néceffairement a l'ótcr d fes fujets... ;"„ c'eft un torrent qui defole les lieux par oü il" paffe & portam fes armes auffi kin que fes" efpérances, il remplit le monde de terreur,„ de miferes & de confufion " (*).Par rapport au CaraCÏere guerrier des Danois,voici ce qu'en dit un de leur propreshiftoriens. (t).„ Les Danois ne font plus ces hommes fanguinaires& féroces tels qu'étoient leurs an-1' cétres qui avoient home de mourir duns"„ lears lits; Cependant la nation n'a pointperdu fon ancienne bravoure: elle en a don-',' r.é des preuves dans les guerres même" les plus malheureufes; les mauvais fuccèsqu'elle a eu par terre ont été répara*}Arkenhóltz.(j-_) Le Baron de Holberg,S 4


( 28o )„ rés en méme temps par des vidtoires na-„ vales ".La langue Suédoife eft dans le fond la mêmeque la Norwegienne & la Danoife: la différencen'eft que dans le dialedte & dans la prononciation,puifque les habitans des troisRoyaumes s'entendent a 1'exception de quelquespeu de mots. Elles font originaires de1'ancienne langue de Scandinavië, on y rencontrequantite' de mots Anglois., Frifons, &plat-Allemand. On pre'tend que ces languespar leur richefie & leur énergie font tres favorablesa la poëfie que les Danois furtoutaiment beaucoup.Dans les temps du paganifme, les Suédoisfe fervoient de caradteres particuïiers, quel'on nommoit runor ou runtr.On gravoit cescaradteres fur des pierres runiques, érigées auprésdes tombeaux des anciens héros payens,ainfi que fur des batons qui fervoient de calendriers,& qui font encore en ufage dans lesprovinces feptentrionales. ' Plufieurs favansprétendent que ce fut Odin, qui intreduifit cescaradtères dans ie nord.On croit communementqu'ils ont été pris des monnoyes & des. rnonumens des anciens Anglo,Saxons & Francs.La plupart de ceux que j'ai vu, ne confiftcientqu'en traits informes, bbliques, perpendïculaires,horifontaux.J'ai rencontré dans ie


C 2S1 )cours de mon <strong>voyage</strong> quantite' de ces monumens,qui ne font qu'un amas de pierres placéescirculairement autour d'une autre pierre,qui les domine quelquefois par fa grandeur.Autant que la partie diftinguée de la nation.Suédoife eft eclairée, autant le commun, furtouta la campagne , eft fuperftitieux & attaché'a mille petites coutumes bizarres , reftes de lafuperftition du catholicifme & peut-être du paganifme.On y croit beauceup a la forcellerie,on gue'rit des fievres & autres maladiespar des-conjurations ou par des paroles magiques-,quelques payfans s'imaginent, Iorsqu'unemaladie aflige leur bétail, qu'en enterrantun membre de la béte mor'te dans lechamp de fon voifin, il y tranfplante la maladie,& fe procure par ce moyen la gucriton defes troupeaux. Plufieurs font perfuade's quela réuffite ou non reüffite de leur moiffon dêpendd'une petite cérémonie faite ou omife.Les mariages font accompagnés de mille pratiquesmiftérieufes , il en eft de même des couches,des batemes & des enterremens. Dansles montagnes ils croyent a un Génie bien oumalfaifant, fuivant les circonftances, qui habitefous terre, & qu'ils craignent d'irriterpar 1'omiffion de quelques cérémonies a fonhonneur.Les Suédois bdtiflènt généralement leurs mai-S 5


( aSa )fons en bois, excepté a Stokholm & en Scanie.Celles des payfans font faites de troncs deSapins équarris ou tels que la nature les aproduits, pofés horifontalement les uns fur lesautres, dont les bouts s'ajuftent & s'afermis-Tent ordinairement fans clous, avec de fimplesfiches de bois, & dont les interftices fontremplis de moufle;trous qui fervent de fenétres.on y a menagé quelquesLe toit eft unelégère charpente couverte d'écorccs de bouleau,pardefius lesqueües on pofe du gazon.Le poileeft ordinairement circulaire, maflonnéen briques, haut environ de quatre pieds,& applati de facon a pouvoir s'y coucher ; a'cóté du poile eft la chéminée, dont le tuyauqui s'élève au deflus du tolt, fe ferme extérieurementpar Ie moyen d'une jjlanche quarrée,attachée a un long béton on tient unecorde pour pouvoir 1'oovrir ou Ja fermer è volonté;dans Ia chéminée eft une pince de feroü l'on place un long coupeau de ftpin ailumé,qui fert de Iuminaire,Ces maifons danslesqueües on entre par une petite porte a peinede quatre pieds de haut, font compofées ordinairementde deux piéces: une efpèce deyeftibule & une chambre commune, oü fetrouvent dvs Hts pour toute la familie, les Bnp*au deiTus des autres a peu prés comme enWefrphalie.Les granges & les étables font


entiércment féparées.( )Les maifons de payfansqui font maifons de pofte, doivent contenirune feconde chambre deftine'e aux <strong>voyage</strong>urs,oüfe trouve un lit, ou plutót* un grabat,une table & quelques chaifes; on la nommela chambre des Étrangers,& on 1'entretientproprement-, comme je <strong>voyage</strong>ois en été, j'entrouvai toujours le planchet couvert de branchesde fapin haché cn petits morceaux, coutumegénérale par toute la Sué-e,(mêmedans plufieurs bonnes maifons) qui comribuea la fraicheur & repand une odeur balfamiquetiès agre'able.On prend foin de garnir aufiile plafond, le poile, les fcrétres,&c. debranches de bouleau pour y attircr les mouqhes,dont la Suéde fourmüle a un point prodigieux.Dans la Smolande, & dans les montagnesde la Dalécarlie,les payfans batifïent leursmaifons encore plus fimplement, ils n'y pratiquentqu'une feule fénêtre, ou plutót un grandtrou a la partie du toit expofée au midi; cetrou ou cette fénêtre leur feit d'horloge; quandles rayons du foleil donnent fur une armoire,qui fe trouve a cóté de cette fénêtre, on déjeüne,mais lorfqu'ils éclairent le poile, quieft vis-a-vis, ils dinent. Dans ces maifons Hn'y a qu'un feul lit deftiné au Chef de la familie,qui y couche avec fa femme; tout Ie refte


C 2S4 5dort fur des bancs placés le long des cloifonsintérieures, fur leEquels on étend de laPaille ou des peaux de mouton, & quelquefois,mais rarement, des lits.Les maifons des particuüers dans les villes& a la campagne font bdties de poutres & deplanches;] api u p a r t f o n t d e d e^& même de quatre étages. II s' e ntrouventqui ont grande apparence; dans les villes ellesfont Ia plupart peintes en rouge-brun & couvertesde gazon; les toits de quelques-unesfont couverts de petits morceaux de bois, coupesen forme d'ardoifes; on en voit auffi couvertesde tuiles.AGothenburg, è Carlscrona,a Fahlun, les maifons font trés proprementpeintes dans Je goüt de celles de Sardam;d'autres imitent fi bien Ia pierre de taille, qu au premier abord on les prendroit pourtelles.C'eft furtout a la campagne que cesmaifons font belles; plufieurs ont 1'aoparencede cbéteaux &e nont intérieurement la magnificence.Comme Ja nobleffe aime a vivre dansfes terres, &q u eplufieurs gentilshommes yTéfident même d'un bout de 1'année a 1'autrei!s tacbent de s'y rendre leurs habitations aufficommodes & auffia g r e< £ b l e s a y n e f t p o f f i b I aJai vu de ces maifons qui en peu d'heurespeuvent être demontées & trariportécs av 0-Ion té.


C 285 >Je m'amufe fouvent a Coppenhague è voirbatir, dans une grande place deftine'e a cet ufage,des maifons pour la Norvége ou pour TIslande:on commande aux entrepreneurs lenombre d'appartemens , la hauteur , la longueur,la largeur, en un mot telle qu'on ladéfire, on fait accord pour le prix; enfuite lespièccs fe travaillent, du bois qui a été conditionné,on les ajufte, on monte la maifon,on examine fi tout fe rapporte, enfuite on lademonte, on marqué & on numérote les diflérentesparties , on les embarque & la maifonvogue vers le lieu de fa deftination. J'en aivu fabriquer ainfi de trés grandes & a la conftructiondefquelles on n'avoit pas employé lemoindre morceau de fer.Dans la Scanie, oü Ton fe fert tout auffipeu de maifons de bois qu'en Dannemarc, onpréfère les briques d'Hollande a celles du pays,par la raifon que les premières étant mieuxcuites & moins poreufes, prennent auffi moinsd'humidité & donnent par conféquent plus deféchereffe aux babitations auxquelles elles fervent.Efpérant d'avoir fatisfait a votre défir, jefuis, &c.


LETTRE DIX-NEüVIEMË.CCPPENHAGÜE ce .. .Janvier17SÖ.M . . .~ \ ons voulez que je vous rende compte deTe'tat de ï'agricuiture en Suéde & en Dannemarc,& vous me demandez fi les produits duterrair» peuvent fuffire a nourrir le rorabre defes habirans.Sans entrer dans une difcufibn détai'e'3 hcet égard, fe me contenterai pour le momentde vous dire , que fi l'on ne faifoit venir aiinuellementune grande qusntité de grams de1'étranger, on rifqueroit fouvent de voir des •famines en Suéde; au lieu qu'en Dannemarc,la confommation en laifie toujours affés de refte,pour en faire un objet de commerce.11 n'y a peut-être point de pays, oü l'ontravailie tant a améliorer la mani Pulation desterres qu'en Suéde : l egouvernement s'en occupeavec chaleur, & en fait un point efientielde fon adminiftration; il encourage par desprivileges, des primes, des exemptions de


C 287 )taxes, ceux qui veulent de'fricher des nouveauxterrains, & ceux quf parviennent a améliorerles terres déja défrichées. La fociétépatriotique en particulier, s'occupe principalementde cette branche elTentielle de bien-êtredans tout pays, mais qui le deviendroit particulièrementen Suéde, oü Tabondance & laperfecTion des produits indigènes augmentants,faciliteroient la réuffite des projets qu'on yforme continuellement, en faveur de la population.Du moment qu'on pourra y fairevaloir les terres, en raifon de leur qualité &. de leur étendue, ce royaume trouvera dans fonfein une fource abondante pour la nourriture,& pour 1'établiflement d'un plus grand nombred'habitans, fans être obligé de recourir a 1'étranger.Pour vous former une idee jufte de 1'étatacTuel de la population & de 1'agriculture enSuéde, je vais vous ;donner un précis des peincsqu'on prend a cet égard, & des fuccèsdont elles ont été couronnées.Le gouvernement a compris, que la connoiiTancepréliminaire du degré de population& de 1'étendue du local, eft abfolument naceffaire,lorfqu'on veut faire des arrangemensutiles a Tagriculture & a 1'économie intérieurre-, parcequ'ils font labafe fur laquelle on doittravailler, & le point d'oü il faut partir. En


( 288 )conféqnence il a étabii un col'ège, chargé derediger les rapports, que d'après les regiftresdes paröifies & du magiftrat de chaque ville,les gouverneurs des provinces, font obligés defaire annuellement de 1'état adtuel de la population,& de la mortalité dans leur provincesrefpedtives.Chaque gouverneur eft obügé d'yajouter un plan pour 1'augmentation de la population, & 1'amélioration de 1'économie ruralepour fa province.Outre ce collége, il en exifte un autre fousfe nom de comptoir d'arpertsge, deftiné aprend're une connoiffance exatte de la :fuperficiedu royaume, & de la nature de fes différensteiroirs. Ce coi ège eft compofé dun directeur,d'un infpedteur, de cinq ingénieurs,d'un fecrétaire & de cent feize arpenteurs'qui font en même tems diredteurs & repartisdans les differentes provinces du royaume. Lesfonctions de ce collége font de lever des caftestopographiques & géométriques (*), 0ufont marquées les grandeurs & : anature desdifférentes propriétés, fur lesqueües on puiffefaire(*) A l'avènement da Roi au tröne eno nInipréfenta 7206 Carte S-Topographi qaes, «nt de Ia Sué


faire des partages exacts, lorfqu'on éft obligéde les divifer.Autrefois le. nombre des perfonnes danschaque Hemman ou terre étoit limité. Cenombre fixé par les loix étant complet, lesperes devoientexpulfer jufqu'a leurs fils cadets,quelque bon ufage qu'ils en euffent pu faire ,pour améliorer' la culture de leurs champs. Onefpéroit les obliger par la a défricher desterres incultes; mais le gouvernement manquale but qu'il s'étoit propofé. Ces gens ainfi expulfés,& hors d'état de fournir aux avancesnéceflaires, fetrouvoient obligés de chercherfortune ailleufs, & quantité s'expatrierent,furtout dans les provinces maritimes; orta compté jufqu'a 12000 matelóts Suédois,au fervice de 1'Angleterre. Enfin le gouvernementfentit la faute qu'il avoit commis, & larépara. H établit en 1755 ce comptoir d'arpentage,& permit a chaque père de familiede partager fon Hemman, en autant de portionsqu'il jugeroit a propos, fous la directionde 1'arpenteur de fon diftrict, a conditionque chaque portion, fut chargée d'une partieproportionnée des impöts.Feu Mr. Fagot, membre de Tacadémie desfciences & direfteur du comptoir d'arpentage,a calculé que la Suéde & la Finlande fans compj»rla Laponie, contiennent environ deux nul»T


C 2PO )lions & demi d'habitans, fur une aire S peupres de pooo milles guerrés y compris lesmontagnes, les lacs, les rivières, les grandschemins, &c.I Suivant une table dreffée en 1773,p a rMr.I Wargentin fecrétaire de TAcadémie d'es Sciences, d'après les dimenfions prifes dans les differentesprovinces du royaume,' & les raportsdes gouverneurs de ces provinces, on voitqu'il s'y trouvoit alors 2,571,800 habitans repartisfur 5000 milles carrés, fucceptibles dequelque culture, fans y comprendre la Lapponie.Ces mêmes tables ont donnéen 1781, audela de 2,700,000 habitans; mais il yaencoreloin dela a 24 millions, f urune étendue de30,000 lieues carrées , comme en France,& d'environ 5 millions d'hommes, fur 2900'milles géographiques carrées, comme en Angleterre.Dans 104 villes, que la Suéde &la Finlande contiennent, on compte 180,000ames, dont environ 70,000 feulement pourStockholm, ce qui fait a-peu-près un treizièmede Ja nation; calcul bien éloigné de celuide quelques grands économiftes, qui prétendent,que dans tous les pays bien peuplés, la proportiondes citadins, aux habitans de la campagne, doit être comme 1 a 4.Parmi les deux millions & demi d'habitans,


( 291 *)qui peuplent ce royaume, on comptoït en1760; 10645perfonnes nobles (*),y compris3597 e n f a n s a u d e f f o u s d e I S a n s » divifés en2054 families; en 1775 les families noblesmontoient a 3170 (t), dont 85 families deComtes, 231 de Barons & 1754 de nobleffenon titre'e. La plus ancienne de ces familieseft celle du Comte de Brahé.Mr. Wargentin nous apprend, que par desobfervations confécutives de 13 années, il naiten Suéde le plus d'enfans dans le mois de Septembre,& le moins dans le mois de Juin, &que le nombre des morts a été toujours le plusgrand dans ie mois d'Avril (f). Que par uncalcul fuivi pendant 9 ans, il meurt a la C&mipagne annuellement 100 hommes fur 3340,& 100 femmes fur 3540, & a Stockholm100 hommes fur 1722, & 100 femmes fut2128 ; dans ces 0 ans il eft mort 2036 hommes& 3540 femmes, &gés d'au dela de 90ans, 20 au dela de 100, 3 * u dela de 120,& un &gé de 127 ans (§>O) Eduard F. Runneberg, Mémoires de 1'Académiede Snéde , pag. 26!» Tom. XXIX.Q) Mémoires de Cantzler.(t) Mémoires de 1'Académie des Sciences, Tom.'XXXIX, pag. 261.($) Ibidem, Tom. XXX. pag. 3,Ta


C 293 )Lè gouvernement n'étant pas maitre d'attirerles étrangers , ni d'augmenter a fon gré lesnaiffances au dela de Tordre naturel, s'eft occupe'déja depuis longtems, de tout ce qui luia paru propre a augmenter la population. IIa généralement favorifé toutes les fociétés, &les particuliers appliqués a la confervation deceux, qui fans des fecours étrangers , rifquoientde périr, ou de devenir inutiles a 1'état.Dans cette intention, il a formé 1'établiffementdu collége de médecine, dont jevous ai parlé, a 1'cccafion de Stockholm, ainfi.que quelques autres fondations établies danscette ville, & dont j'ai fait mention.C'eft dans la même intention, qu'en 1773,le Roi fit une ordocnance, par laquelle tousles payfans & les habitans de la Campagne,ouvriers, artifans, pêcheurs, qui ne jouïflentpas du droit de bourgeoifie , foldats, cavaliers,dragons-, matelots, ainfi que leurs femmes,font libres de certaines capitations, d'abordqu'ils ont quatre enfans ou plus.Par ces régiemens, & quelques autres, oneft parvenu a empêcher en grande partie lesémigrations,. & a augmenter la population.L'augmentation de 500,000 habitans, dans1'efpace de 30 ans (*),q u' 0n prétend pou-(*} Depnis 1751 juTqn'en 1781.


C 393 >voir prouver par les regiftres, en eft une preuveinconteftable.Quelque peine cependant qu'on fe donne enSuéde, pour augmenter la population, on n'yréuffira jamais, que jufqu'a un certain degré,fi l'on ne parvient pas & améliorer 1'agriculture,a augmenter le produit des terres, a perfectionnerles produdlions, qui. doivent fournirles matières premières aux manufadtures, & fil'on n'encourage, de toute'faeon quelconque ,Tétabliüement des étrangers.Un Savant économifte Suédois (*), dans unmémoire préfenté a 1'Académie en 1750, s'exprimeau fujet de la proportion, qui fe trouveentre les produits du local, & le nombre deshabitans de fon pays , de la manière fuivante :„ La Suéde n'a pas 3 millions d'habitansv„ j'ai trouvé qu'elle contient ,' y compris laFinlande& les Hes, 9000 mille quarrés:„ j'en ai défalqué 5000 pour montagnes, ro-„ ehers, lacs, rivières, marais & grands che-„ mins , refte a 4000 milles quarrés de ter-„ res, fufceptibles de culture. Otez en 2500„ pour les prairies, vergers, jardins, &c. il„ refte encore 1500 milles quarrés terres la-„ bourées. — Sion enfemence les deux tie-rs,„ & qu'on en laifie un en ftiche, ü en refte(*j Erich Solander.T 3


vC 294 )» 1000 pouT enfémencer, & fi dans un mille„ qüarré on fême 24000 tonneaux, cela fera,, 24 millions de tonneaux de femence. Si en„ général on ne compte que 5 pour 1, celarapporte 120 millions de tonneaux de fe-„ mence. Si on retranche une femence pour„ reffêmer, une femence pour 1'entretien dube'tail, il refte encor 80 millions de femen-„, ce; plus exaétement 73. Cela fuffit a 1'entredende 20 millions d'hommes, comme„ en France. Si on croit que ce calcul eft„ exage'ré, j'en rabats la moitié; fi on trouve„ que c'eft encore trop, j'en rabats encore lamoitié, & je me natte qu'on m'accordera„ du moins de 1'entretien pour 5 millions d'ha-„ bitans. Si l'on confidère maintenant que lav Suéde ne peut pas même fournir a 1'entre-« tien de a millions & demi d'habitans, &„ qu'on doit a grande perte faire venir annuel-„ lement des grains de Tétranger, on doit enu„ conclure que 1'agriculture a fait chez noustrès"peu de progrès."Un autre Savant(*), dans un mémoire pajreïl,s'exprime a peu prés de même, a 1'exceptionqu'il compte 2000 milles quarrés demoins.Puifque fuivant ce calcul,l aSuéde pourf*yMenander.


( 295 )roit fournir des grains k trois fois autantd'habitans qu'elle «ontient, & que dans lefait, oneft obligé d'en faire venir de 1'étranger,-il eft clairque 1'agriculture doit y rencontrerdes grands obftacles, parmi lesquels jccompte la rigueur d'un climat, oü les hyversfontfi longs & fi rudes, la courte durée entreles femailles & les récoltes, la chaleur excefiïvedes étés, qui donnant alors un accroiflementaccéléréaux végétaux, les rend trop fenfiblesau moindre changement fubit de Tatmofphère-,les étésfecs, dont les courtes nuitsneprocurent pas aux plantes a moitié brulées, lafraïcheur néceffaire pour les ranimer; joignésy encore, que les terres couvertes de neigespendant fept mois de 1'année, ne peuvent êtrefüffifamment préparées, d'autant moins que leterrain y eft en général difucile k travailler,par fa nature compaóte, forte, & pierreufe,de forte qu'a portions égales, la Suéde demandeplus de bras pour 1'agriculture, que toutautre pays, & dans le fait elle en pofledemoins. A tous ces obftacles, il faut encoreajouter la difperfion des habitans, fur unefurface de pays trop grande, & trop peu proportionnéea leur nombre, qui leur óte la faeultéde pouvoir s'entr'aider mutuellement,9& le petit nombre de villes, qui les privé desT 4


C 296 )moycns de vendre les produits de leur travaux.Tous ces obftacles doivent naturellementbeaucoup iniluer, fur les progrès de 1'agriculture,& mettre fouvent en défaut les primes,les privilèges, les exemptions de taxe, lesdiftindtions, qu'on attaché au cultivateurle plus induftrieux, le plus habile, ou leplus heureux.Un Suédoisq uia p risbeaucoupde peine pour étudier les effets du climat furla nature du terroir, & fur 1'induftrie des habitansdans fon pays, affure:„ qu'un nom-„ bred'hommes & de jours- donnés, ne pro-„ duit en Suéde quele tiers de ceque le même„ nombre d'hommes produiroit ailleurs, avec„ une égale dépenfe de jours & d'argent ".Je fuis acTuellement témoin des funeftes effets,que peut produireun été trop fee a Jafuited'un rude hyver; la moifTon ayant entièrementmanquée par le froid rigoureux, la chaleur exceffive& le peu de pluies, la Scanie & la Finlanden'ont pu fournir la quantite de grains accoutumée.II s'en eft fuivi une famine, qui obligéun grand nombre de fes habitans, de venfrchercher en Danemarc,une nourriture qu»C*3 Liüecrantz.


leur patrie leur rëfufe. Je les vois arriver païproceffions, dans la faifon acïuelle (époquelordinaire de leur retour chez-eux ) pour s'en-Ëager, par tout oü ils trouvent de 1'ouvrage.(Ces émigrations ne pquvent qu'influer beaucoupfur la population, puisqu'il y en a toujoursplufieurs, qui dans ces occafions s'établiffentchezl'étranger,& font perdus a jamaispour leur patrie.Un des premiers moyens, pour furmonterautant qu'il eft poffible, les différensobftacles, qui s'oppofent h 1'agriculture,c'eft 1'emploi de tous les bras qu onpoffede, & 1'atterition la plus fcrupuleufe, kne jamais détourner le cultivateur de fon ourivrage. L'établiffement des boftelles, & Tabolitionde plufieurs jours de fête, contribuentfans doute, a rendre a la terre, quantité deij mains qui lui étoient inutiles, mais on en gagneroitencore beaucoup, fi on libéroit le payfandes corvées de pofte & de voiturage pu-'\ blic.Un membre de la fociété patriotique, tres• eftimé par fon favoir & fon zèle, (*; calculcque les corvées de poftes feules, caufent a l'a;griculture une pene de siócoo journées d'our*)Mr. Modeer, Sécrétaire de la fociété patriotique.T 5


vrages, h faire pour un valet, & deux chevauxCe calcul au refte eft beaueoup trop modéré,puifqu il ne prend pour bafe que 300 endroitsde relais, & qu'il ye n a i n M m,m d.tage.A tqus les obftacles dont je vous ai fait 1'énumeration,& qui profluent en grande partiedu cbmat & du manque de bras, f ejoint encore1'ignorance, ou plutót le préjuge' des payfans.Parmi le grand nombre de fujets furlesquels il s'étend, je ne nommerai que leSwdmndet, comme un des plus dangereux.On nomme Swediandet, ] acoütume égalementtymeufe pour les forêts, &p o Ur 1'agriculture,debruler tous les arbres & arbriifeauxqui fe trouvent fur les champs qu'on veut enfemencer,pratique qui a caufe, &q u i c a u f eencore aujourd'hui des ravages énormes, parles forêts auxquelles on a malheureufement misle feu.Outre les cataftrophes qui en réfultent,cette maniere de defricher ne vaut abfolumentTien, elle donne un engrais momentané, &fouvent trop cru: elle laüTe la terre trop compaftenelapérétre pas aiTcz de fels, d'hui-Jes, fcdemauères propres k la végétation,de facon quau bout de deux ou trois ans,elles lont entièrement épuifées, & redeviennentincultesMalgré tout ce qu'on a pu faire,pour difluader les payfans de cette coütu-


( 299 ^me, malgré les peines qu'on a ftatuées, laplupart s'abftinent, a refter attachés a ce qu'ilsont vu faire a leurs peres, & ne changentpoint de méthode, tant il eft vrai que lespayfans font partout efclaves de leurs préjugés.C'eft ce que j'ai éprouvé plus d'une fois en hollande,& c'eft ce que j'éprouye encore tousles jours en Dannemarc.Quelques économiftes Suédois, prétendentque la diftillation (*) du brandevin, confumedes grains qu'on pourroit employer plusutilement a la nourriture des habitans, cettequantite' eft limitée par une ordonnance du Roidatée de 1776, a 300000 tonneaux.D'autres économiftes ont répondu, quecomme la plus petite quantité de grains importéede 1'étranger, montoit a 400,000 tonneaux,& qu'on avoit été obligé d'en fairevenir jufqu'è 500,000 par an, le grain qu'onpourroit épargner par la défenfe de la diftillation,ne dédommageroit point de la pertequ'on feroit, fi on étoit obligé de faire venitle brandevin des pays étrangers.Je ne vous dirai pas grand chofe par rapporta 1'agriculture, & a la population du Danemarc.Tant d'excellens auteurs ont traitéC*) Cette diftillation a été déckfée K.ègale par uneördonnanee da R»i «ie. 1776.


4 >cette matière a fond, qu'il ne me refte rien hvous aprendre fur cet article.Je me contenterai de rémarquer, que toute •proportioh gardee ce royaume eft infinimentplus peuple' & mieux cultivé que Ia Suédepuifque fur une étendue de 850 milles geographiquescarrés, que contiennent la Zélande,la Fionie, & le Jutland, qui conftituent proprementle Dannemarc, fe compte un milliond'habitans, & 168 villes; que les grains qu'elleproduit, non feulement fuffifent a la confommation,mais qu'il en refte encore aflèz pourfaire un objet de commerce avec Tétranger.Plufieurs caufes concourent a ces heureusefiets. Le pays, qui eft prefqu'entièrement entourréd'eau, n'eft pas haut. Son point leplus élèvé, n'eft pas 300 pieds au deiTus de Iafuperficie de la mer, ce qui joint a un moindredegré d'élévation du póle, rend fon climat,infiniment plus doux, fes, hyvers moinslongs, & fes étés moins brulants qu'en Suéde:outre cela le gouvernement y encourage extrêmementla population, & réuffit a y attirerune infinité d'étrangers qui s'y établiffent, &qui s'y naturalifent. On a vu des colonies entièresvenir y defricher des terrains, auparavantincultes, inhabités & ne rapportans rien;1'Ile d'Amaclc, oü deux cents families hollandoifesdu Waterland en Nord - hollande


( 3 ö i )*inrents'établir en I$I6 fous Chrétien IV.&leJutland, oü en Tannée 1760, environ troiscents families fe font établies, dans des landesftériles & incultes.en font une preuve. Lapremière de ces colonies eftaugmente'e au point,qu'on y compte aftuellement 800 families: ellea reuffi a convertir cette ile , qui n'étoit qu'unmarais, en une continuite' de jardins & de bellesprairies, & fournitaduellement a60,000habitansque contient Copenhague, tous les légumes& une grande partie du lait qu'elle confomme.Les Amackois ont trouvés moyen d'yfonder auffi un bourg confide'rable, habité pardes pêcheurs qui fourniffent une abondance detoute efpèces de poiffons de mer, au marchéde cette ville.Le plus grand nombre des fermiers fontétrangers, la plupart du Holftein-, les terresdéfrichées & cultivées fous leur direcTion, Ie'font infiniment mieux, que celles qui font dirigéesou travaillées par les naturels.Les terres pourroient rapporter infini-'ment plus, fi la pareffe des payfans, 1'efpèced'efclavage dans lequel ils gemiffent, &le droit de chafie du Roi, ne contribuoient aretarder ou a rendre inutiles, les travaux dela campagne. Le terrain entremêlé d'une pro-"digieufe quantite' de pierres, dont quelquestines font d'une grandeur énorme, eft difficile


C 3°2 )a labourer; il faut auparavant Ie défalayer &le nettoyer de ces pierres, ce qui demandeun ouvrage, d'autant plus difficile, que ce n'eftqu'k force de bras qu'elles peuvent être enlevées& tranfportées par charroi, on eft mêmeobligé d'en faire éclater un grand nombre, parle moyen de la poudre a canon, pour les rendreplus maniables. La plupart des payfansaiment mieux perdre le terrain couvert par cesénormes pierres, q u ede fe donner la peine deles enlever: ils fe contentent d'en labourer lescontours, Je plus prés qu'il leur eft poffible —II faut connoitre le pays pour pouvoir jugerde la quantite' de terrain fufceptible de culture,perdu par cette négligence.Les bétes fauves & le gros gibier, quir a-vagans par troupeaux les champs couverts duPlus beau blé, trompent I'efpoir du moiffonneur,eft un fleau cruel pour 1'agriculturecontre lequel le pauvre payfan n'a que peuou point de reffources: fie ndéfendant fonchamp enfemencé, il a le malheur de tueru ncerf, une biche, ou un chevreuil, il eft condamnéfans pitié è 1'efclavage. Le jeune Princequi fe trouve acluellement a la tête du gouvernement,fera fans doute bientót des régiemensplus favorables a 1'agriculture : fon cceur •compatiffant, fera touché des plaintes réiteréesdu pauvre laboureur, qui voit détruire dans


( 303 )un inftant le fruit d'un travail de plufieursmois ; il renfermera fes cerfs dans le magnifiquepare du Roi, (de 4 milles Dannoifes decirconfe'rence,) a une lieue de la cspitale; ilsy remplaceront les chevaux de la cavalerie,qui ufurpent deS prairies deftinées originairementa ces animaux fauvages, & il réaliferale projet, formé depuis lóngtemps ,d'abattre quelques bois royaux , & de lescouvertir en prairies a 1'ufage de la cavalerie.H donnera fans doute auffi laliberté aux payfans (*), il comprendra, quecelui qui travaille pour lui-même, pour fa familie,& pour fa poftérité, y met bien plusd'énergie, d'adtivité & d'induftrie, que celuiqui doit travaiüer pour un autre. Le monumentde marbre placé fur le grand chemin royal,qui mène de Coppenhague a Friedensburg,élevé fous fon adminiftration, h feu Mr.de Bernftorf, lui prouve continuellement, quela liberté donne le reflbrt fi néceflaire, pourf *) Rien ne m'a caufé plus de fatisfaftion que d'apprendre.qu'enfinles païfans de la Couronne ont été déclaréslibres vers la fin de 1'année 1788. Le Prince Royal, enfuivant l infpiration de fon coeur bienfaifant, a fatisfaicaux voeux de la nation. II faut efpérer que fclufieur»propriétaires qu'un intérêt trés mal calculé a empêcbéjufqu'icide fuivre 1'exemple de Mr. de Bernfcorf, fe conformerontenfin a celui que leur donne un jeune Prince ,deftiné a devenir un jour leur Roi.


3^4 Jfaire fleurir 1'agriculture, & l aricheffe aftuellede ces terres, qui influent fans doutefur celle du pays, 1'engagera a fuivre un fi belexernple, &aeffedtuer un projet, qu'ont déjaformes quelques-uns de fes ancêtres.Dans Tefpoir d'avoir réuffi a vous donneruneide'e du degré de la population, & de 1'état deces deux royaumes, fi voifins & fi différensj'ai 1'honneur de me dire'^ &c.jLETTRl


C 305 >LETTREVINGTIEME.M . . .COPPENHAGUE ce .. . Février 1786.!§ï Tart ne p»ut parvenir en Suéde a tirer dela fuperficie de 'la terre tout le parti qu'on paroks'en promettre, la nature y a-fupplée, eny faifant croitre d'immenfes forêts, qui fem-'pïent inépuifables , & dont les produdtionsfont recherchées par toute 1'Europe. Les planches,les poutres, le goudron, la poix, lapotsffe, &c. &c. paffent en quantite' dans lespays étrangers.De plus, cette terre fi ingrate au dehors;renferrhe dans fes entrailles des richefies, dontles Suédois favent tirer grand parti; le fer," cette matière première, dont toute 1'Europe abefoin, s'y trouve en abondance; des veinespures de ce métal fi utile & même fi néceflaire,ie prefente a bien des endroits, prefquea la fuperficie de la terre. La Dalecarlie, leWarmeland, la Weftmannië, 1'Oftrogothie,1'üplande, la Lapponie, font les provinces quien fourniflent le plus, & furtout 1'Uplande pafV


C306}Sa mine de Dannemora, dont je vous ai fait ladefcription, & qui k, jufte titre peut fe nommerle Perou de^la Suéde; le cuivre, 1'argent,for même, le plomb, 1'alun, le vitriol, lefalpêtre, font autant de produdtions que 1'infatigableouvrier fait tirer, outre le fer, du feinde ces montagnes incultes.Les produits des mines de fer font 1'objet leplus confidérable du commerce de ce royaume,tant en gateaux qu'en barres & en fer ouvrage';on compte qu'elles en livrent a 1'étranger300,000 fchifp. par an, pour lefquels ils reeoiventa raifon de $\ écus le fchifp. la fommed'environ 1,934,750 écus de banque, dontla couronne percoit une fomme d'environ1,700,000 daald. fmt.Les mines de cuivre, qui font les plus riches,après celles de fer, rapportent en exportationannuelle pour la fomme d'environ308000 écus de banque en cuivre fimple, affiné,ou converti en laiton; la couronne enpercoit a titre de dixme a peu prés 900 fchifp.par an.Les mines d'argent, dont celles de Sahlarapporte plus elle feule que les fix autres,qui fe trouvent auffi dans le royaume, rapportenta titre de dixme, a la couronne, environ300 marcs.La rnine d'or ne donne qu'environ la valeur


C 3°7 >4e mille ducats," qui rentrent dans les fraix deTexploitation, & qui font joints a 8000 daald.fmt., que le gouvernement fupple'e annuelle»ment, deforte qu'è peine ruffit-elle aux dépenfesqu'elle exige.Les mines ne livrent pas affez de plombpour en faire un objet de commerce d'exportation,puifque tout celui qu'on y trouve eftemployé pour les fontes, & qu'on eft obligéd'en faire venir encore d'Angleterre 960 fchifp,par an.Les fabriques d'Alun réuffiffent de mieux enmieux, & on en exporte pour au dela de30,000 écus de banque.Le montant de 1'exportation des planches &autres produdtions des forêts monte annuellementenviron a 387580 écus de banque.Outres ces branches confidérables d'exportation, que les Suédois tiennent des bienfaitsde la nature , & qui font des produdtions de leursmontagnes, de leurs rochers & de leurs forêts,ils en cherchent encore une au fond de la mer,qui baignent leurs cótes occidentales: je veuxparler de la pêche du hareng; ce poiffon, quiavoit entièrement ditparu de leurs cótes, y eftrevenu vers 1'année 1740 en telle quantité,qu'ils ' en exportent annuellement environ160,000 tonneaux, h 16 daald. frmt. la tonne.Aucun pays n'eft fitué plus arantageufementV a


C 308 1pour le commerce que la Suéde; la mer dutes, lui ouvrent un chemin pour tranfporterdans les différentes contrées de 1'Europe, ainfi;qu'aux deux Indes, lefurplus de fes produdtions:La quantité & 1'étendue des lacs, ainfi que;me , facilitent extrêmement le commerce dans;1'intérieur du'pays, & le faciliteront encore;d'avantage, lorfque toutes les Communicationsqu'on projette depuis fi lóngtemps, feront unege fes vaifleaux è Gothenburg, & fait arriverNord & la mer Baltique, qui baignent fes cö­en échange de celles qui lui manquent.le nombre des rivières qur arrofent ce royau­fois achevées. La compagnie des Indes déchar­fes msrchandifes jufqu'a Stockholm, par le moyendes Communications déja établies; elle!évite par la le péage du Sund (*) & i e srochersfi dangereux de la Baltique.C*? C fJ é r Z d U S u n dq u i f e\' W e a Elfeneur &• pour la défenfe duqud Ie chateau de Cronenbürg fut bi, ti en 1427 , par Eric VII, rapporte annuellement environ400,000 Ryxdl. au Dannemarc. Les Anglois lesHollandois, les Francois, les Suédois, les Efpagnolsles Portugais, les Napclitains & la ville de Hambourgpayent pour le droit des marchandifes, dont le nom nefe trouve point furie tarif, 1 pour cent; au lieu quetoutes les autres puiffances payent if pour cent.Outre cette taxe, chaque navire paye 4 Ryxdl. d'efpèces'il eft chargé,& 2 Ryxdl. s'il ne 1'eft pas, cequi fait une fomme d'environ 2 4coo Ryxdl. ; puifqu'oncompte qu'il paffe annuellement 4000 vaifleaux , ge qui


( 3°P )Vous favés qu'il n'y a pas fort lóngtempsque la Sue'de eft comptée au nombre des puiffancescommercantes: ce ne fut que vers lemilieu du 17e. fiècle qu'elle commenca a proliterdes avantages, qu'elle devoit naturellementfe promettre de fa fituation, de 1'induftriede fes habitans & de 1'efpèce de fes productions;en'162-6 quelques négotians formèrentune compagnie du Sud, d'autres s'afibcièrenten 1641 pour commercer en Afrique. ybatirent Caftet Cdrjo , & la même anne'e .on fitun traite' de commerce avee le Portugal ; en3647 on établit une fociété pour i'exportationdugoudron; en 1648 Helmftatt commenca aéquiper quelques vaifleaux pour la pêche; lanobleffe même s'intéreffa a 1'équipement & ala cargaifon de plufieurs navires; en 1667 laville de Gothenburg établit une pêche de harengs.'- - -;Les longues guerres fous Charles XII firentlanguir de fi beaux commencemens, & plu-rfieurs compagnies furentdiffoutes. Le commercefe releva fous Fredëric I; mais ce ne fut quefait S,ooo fur les rcgitres & qu'il eft probablc que la.moitié n'en eft pas chargée en y allant, mais quetous le font en revenant.Cette fomme eft payée en titre de contribution, pourfubvenir aux frais & dépenfes de 1'entretien des foux,fcouées & autres fignauxmaritimes , qui font néceffawesdans le Cattegat & au détroit du Sund.V 3


fous la règne d'Adolphe Fredefie que le gouvernementprit veritablement a cceur la protectitmducommerce & de la navigation, & a cetteépoque on vit paroitre plufieurs regiemens &ordonnances tendantes a encourager les particuliersa 1'exportation des produótions indigènes& a 1'importation de quelques produótionsétrangères. La Compagnie des Indes fut érigéeen1731; la pêche du harang fe rétabliten 1740; une Compagnie du. Levant fe formaen 1771; en 1774 quelques particuliers s'affocierentpour la pêche de la baleine, & obtinrentdes privileges (*); en 1775 on établitun Port franc a Marftrand, dont les négotiansde Gothenburg profiterent bientót pour faireentrer toutes fortes de marchandifes étrangèresqu'ils déclarerent a.l'arrivée de tranfit, & q u'ii strouverent enfuite moyen d'introduire en contrebande,foit en Suéde même, foit en Dannemarcou en Norvége, foit enfin en Angleterre& en Ecofie."Vers le milieu du 14e. fiècle les Suédois nepofledoient que 5 ou 6 vaifleaux; les villesAnfeatiques faifoient tout leur commerce. Laville de Lübek 1'abforba enfuite pour la pi usgrande partie, enfin vers le 17 e . fiècle les An-(*} Cette Compagnie n'a pu fe foutenïr par Ia concurencedes Danois.


( 3" )glois & les Hollandois s'en emparerent entierement.En 1734 parut le célèbre ptacarddes produftions, qui defendoit aux étrangersd'introduire dans fes ports d'autres denréesque celles du cru de leur pays , & de tranfporterces marchandifes d'un port a un autre; onencouragea en même temps la navigation, quidepuis cette époque fit des progrès fi rapides,que la Suéde, qui ne poffedoit alors qu'environ300 navires de commerce tant grands quepetits, en comptoit en 1764 environ 8000,& qu'aujourd'hui elle en a affez non feulementpour faire par elle même tout fon commerce,mais auffi pour en fournir a d'autres nationsqui en manquent, principalement aux Efpagnolsdont elle fait une partie du cabotage.Pour encourager les négotians a étendre leurcommerce on avoit déja établi dès 1704 unComptoir d'affurance de mer: ce comptoirforme un fond de 30 tonneaux d'or diftribuéen 1000 Aótions de 300x3 Daler frmt. & faitface a toutes les affurances.La Compagnie de plongeurs feul établiffcmentde ce genre qu'on connoiffe en Europe,& qui merite par la que je vous en faffe unpetit detail fe forma en 1734 & f u t oftroyéepar des lettres patentes du Roi & des Etats.Elle entretientle long des cötes du Royaumedes gens qui a la première nouvelle d'un nau-V 4


( 312 )frage accourent a 1'endroit oü il s'eft fait,& fauvent tout ce qu'ils peuvent, tant dunavire que de fa cargaifon: la Compagnie enavertit enfuite les propriétaires, & les affureursdans quelque lieu qu'ils puiffent fetrouver; lorfque ceux-ci lui ont fait favoirleur volonté, elle difpofe des effets fauve's, &leur en rend compte, après avoir prélevés furle produit de ces effets, ou fur les effetsmême, les droits qui lui reviennent; ces droitsfont fujets a de grandes variations, fuivant lesdifterentes circonftances, qui accompagnent lenaufrage, par ex: lorfqu'un navire a éciiouéfur la cóte, qu'il a été remis a fiot par lesgens du pays & amené dans un port, la compagniele fait vifiter pour conftater fon état &le reparer, alors elle en retire un droit de10 pr. Cent; mais fi les marchandifes du navireéchoué étoient avariées, & qu'il falut lesretirer du vaifleau, & les porter enfuite a lapremière ville ou les vendre fur les lieux oü+ eft arrivé le naufrage, alors la compagnie enqontribuant un quart' des fraix, recouvre unquart du produit de la vente des marchandifesavariées; les 4 reviennent aux propriétaires;enfin la compagnie retire le f du produit de lavente des marchandifes avaries , lorfque cellesciont été pechées du fond de mer par le moyende Ja cjoche ou d'autres machines &c dans ce


C 213 )cas. elle contribue également au quart desfraix.Des Cent- vingt & quatre villes que contientla Suéde, il n'y en a que 38 qui commercentavec 1'étranger, elles en ont le droit exclufif& par cette raifon on les nommé villes d'étape,( fi:apcl irader).* Stockholm & Gothenburg qui.font du nombre de ces villes abforbcnt ce commerceprefqu'en entier; puifqu'on compte quela première y eft intéreflee pour ï %& la feconde:pour \ %, donc les 36 autres enfemblepour L'importation des marchandifes étrangèresn'eft pas reglée dans la même proportion:Stockholm en recoit la £ & Gothenburgle % \ donc il en refte i pour lesautres.Pour cc qui coi'cerne le.commerce intérieur,il eft lib're pour toutes les villes & pour tousles particüliers, il eft'permis a chacun d'acheterles marchandifes en gros aux villes d'étape,& de les revendre en detail dans 1'intéricurdu Royaume.Si les Suédois par leur a&ivité & leur induftrieont feu prcfuer des dons de la naturepour s'établir un commerce d'cxportation tresconfidérable& qui le deviendra de plus enplus, pourvu que la concurence de la Rulliepour le fer n'y mette ebftacle, ils ont auffi fanstout leur poffible pour fe procurer par 1'art,V S


( f*4>.nne fource de commerce encore plus étendue;en établiffant plufieurs fabriques & manufadturesdans toutes les pfbvinces; mais le mêmeobftacle qui nuit a leur agriculture (k climat)nuit auffi a ces differens établiffemens, les matièrespremières y manquent ou ne font pointdu méme aloi, que celles qui* viennent despays étrangers & qu'il faut fe procurer ègrands fraix; toutes les primes que le gouvernementa accordé n'ont pu vaincre leur infufifance,& les loix établies pour la protecriondes manufadtures, font peut être beaucoup detort a 1'état par la quantité de marchandifesde contrebande qu'attire leur imperfedtion.Depuis 17ss les Etats du Royaume ont accordésa différentes reprifes des grandes fommesfoit pour 1'encouragement de quantité demanufadtures & de fabriques, foit pour fubveniraux fraix confidérables qu'txigeoient leurfoutien; malgré cela elles ont depéries a mefurequ'on les a privées des primes & d'autresfecours pecuniaires; fuivant un calcul exsdt ona compté que dans 1'efpace de 37 ans la nationa fupplée aux befoins des manufadtures unefomme de 117 tonnes d'or.Un des particüliers qui s'eft le plus diftinguédans les efforts pour rétabliflement & laperfedtion des manufadtures en Suéde eft unnegotiant nommé Jonas Aelfiroemer, qui en


( 3*5")établit de toutes les efpèces & a fes fraix aAilingfos dans la Weftro-Gothie. II fitveniren 1715 des brebis & des beliers d'Angleterre,d'Efpagne & d'AUemagne pour améliorerles laines fines deftinées aux fabriques dedraps; il a eu la fatisfadtion de réuffir pour untemps, mais les fraix que demandent le renouvellementcontinuel de ces animaux é-trangers, dont la rage s'abatardit fous unclimat, qui ne leur eft pas propre rencheriflentfi prodigieufement les draps dupays ou les laifie dans une imperfedtion figrande, qu'elles ne peuvent fuporter la concurencedes draps étrangers & favorifent parconfequent le commerce de contrebande, quieft une fuite naturelle de la cherté ou de 1'imperfedtionde celles du pays; auffi. voit-on enSuéde tous les gens de condition & ceux quifont a leur aife, habillés de drap d'Angleterre& d'autres étofies étrangères, quientrentdansle royaume, malgré les defenfes feveres &; lesvifites les plus exadtes.Oncomptoit en 1774» 1 u ede 18600 manufadtures-établies en Suéde, depuis 1738 &qui ont coutées a 1'état 10,273,917-Daal. frmt.il n'en reftoit plus que 9000; en 1762 Stokholmfeule contenoit 1260 metiers en foyeries& en 1776 il ne s'e n trouva plus 400.


C 3 1 OOÜ voit par un . rapport fait au Collége deCommerce, par Mr. Faxe commiffaire de ceBureau, qu'il y avoit en 1762 a Stokholm2157 metiers de toute efpèce & 8007 ouvriers& qu'il ne s'en trouva plus en 1767 que 1063. metiers & 4290 ouvriers.^ Le feul avantage qu'elles ont pü procurer,c'eftune augmentation de population, maisqui malbeureufement a été momentanée.Plufieursétrangers attirés par 1'efpoir du gain &par les divers privilèges qu'on' leur accordoit,font venus-fe mettre a la têie de quelques manufadtures& fabriques ou bien. s'y font engage'sen qualité d'ouvriers; mais ces meinesétrangers n'y ayant pas trouvés leur compte& plufieurs de leurs entreprifes ayant manquées,ontabandonnés un pays dont le climatfi peu fait pour leur conftitution leur devintmfuportable,leur fortune s'évanouït.du moment que 1'efpérance deOn prétend que le nombre des mar.ufccturcseft augmentée de nouveau depuis i 7 7$ , m aisil eft a craindre que ce n'eft qu'unc lueur paffagèrequis'éteindra bien vke, ?c climat desavantagcuxa 1'amélioration des msticres premières,prefente de trop grands obftacles riourfe flatter de pouvoir jamais lesfurmonter;voici comment s'exprime k cet égard un écrr-


C 3*7 )vain du pays; (*)„ on ne pourra jamais étas,blir quelque chofe de ftable & d'avanta-„ geux, par raport aux manufadtures ayant„ d'avoir remedie' a trois fources d'imperfec-„ tion& d'infufTifance: 1 9 . a la variation du}fyftème économique, 2 0 . au Commerce„ clandeftin, 3 0 . a l'imperfedtion de la fabri-„ cation, & furtout a celle de 1'apprêt des„ couleurs de prefque toutes les étoffes; 4 0 .„ aux monopoles qui jufqu'en 1772 ont été„ fouvent accordés, fans avoir eu égard ni a1'entendement des requérans ni a la naturedes fabriques en queftion ni erfin a kur em-„ placement "•On devroit bien plutót s'appliquer en Suédea multiplier les fabriques fondées fur les produitsnaturels, mais principalement celles decuivre & furtout celles de fer ouvragé (f) enquoi le climat s'y accorde avec 1'indultrie deshabitans, & dont on trouvera toujours un débitaffuré dans l'étranger; les Suédois rcuffiffentauffi dans la préparation des pelleteries &des peaux de toute efpèce; particulièrementcelles des rennes & des élans dans les provincesfeptentrionalcs, & celles des moutons dansr*) Kryger, mémolre fur fimperfeaion des fabriques.Ct)J'appeUe fer ouvragé, Acier, Canon, boulets,Ancres, cloux, marmittes.


C 318 >ie midi du royaume, témoin les manufa&ureïde gands de Chrijlanftadt & furtout de Malmoë(Klippings-h'andskar) connus fous lenorade gands de Scanie.II faut avouër que c'eft bien dommage que1'induftrie nationale ne puilfe s'y exercer furun meilleur fond. Si les Suédois avoient lebonheur de poffeder chez eux toutes les matièrespremières, leur adreffe & leur aétivité entireroient bon parti.J'entrai en Suéde avec 1'idée de n'y rencontrerdans la circulation que du cuivre & dupapier, mais je fus bien furpris d'y trouverbeaucoup d'argent monoyé & infiniment plusqu'en Dannemarc , oü l'on prétend que la demarchedu gouvernement fous le règne du Roiactuel en 1773, en prenant poffeffion de labanque, a empéché non - feulement la réalifationd'environ quatre millions de Ryxdl. enpapier monoyé, qui fe trouvoient alors dansla circulation; mais qu'au contraire Ia maffeen a bien augmentée (*) depuis cette époque.(*} A l'établiffement de 1» banque fous Chrétien VIen 1736, i e R oi s'engagea folemnellement tant pour luique pour fes fucceffeurs , de ne jamais s'ingerer en aucunemamère, foit en temps de guerre, foit en temps depa,x, m même dans une néceffité preflante, ou dansdautres circonftances, des affaires de Ia banque, tant direaementqu'indireflement, & de Iaiffer aux direfleurs& aux commifiaires pl e i n eliberté de difpofer des fonds& dM.cffcu, qui leur feroier* confiés par les iiuéreffés.


3*9 >La mauvaife adminiftration des Finances enI Soe'de & nommement le grand abus qu'on fitI des emprunts k la banque, multiplia fi fort laquantité de papier qu'en 1769 la maffe desbillets en circulation fut eftimée a 500 ton-! neaux d'or; a chaque diette on formoit desl nouveaux plans pour le rétabliffement des fi-! nances & le maintien du crédit, mais chaque: fois on manqua le but qu'on s'étoit propofé.Enfin dans la Diette de 1769 on adopta unplan, qu'on crut propre k réalifer avec le temps1'énorme quantité de papier, qui obruoit lele royaume, & k remettre les efpèces en circulation;un des articles de ce plan étoit unemprunt de 3 millions d'écus courans d'hollande,k 5 & f pr. cent d'intérét.Le Roi & fon miniftère fe font égalementoccupés depuis la révolution de 177a, a exé-: cuter le projet intéreffant du rétabliffement des; finances; c'eft pour cet effet que Sa Majeftén'a pas feulement levé h refte des 3 millionsff écus, que les Etats de 1769 avoient autorifésle gouvernement a emprunter pour 1'exécutionde ce plan, mais elle negotia encore enHollande un nouveau capital de 2 millions deflorins d'hollande.Voici les priEcipaux points du plan que leRoi fe propofa de fuivre, pour remettre lesefpèces en circulation dans fon royaume:


C 320 )1°. II réfolut de commencer dès rarinée1777 a payer en efpèces une partie desappointemens de tous les officiers, tantcivils que militaires. — Ce qui a étéexécuté.2 0 . De retirer les billets de banque & dene lailTer dans la circulation que ceuxde ico Daald. & au deiTus.3°. De faire payer par la banque, a quiconquele demandera, des plotes ou platl- \nes de cuivre pour des gros billets, &de la monoyé de cuivre pour les petits.4 Ö . De ne plus charger 1'exportation desplotes de cuivre d'autres droits que deceux du cuivre ordinaire.5 0 . Les nouveaux billets de banque ne ferontpoint faits en monnoye de cuivre ,mais en Ryxdl. ou écus de banque, &le moindre fera aio Ryxdl.En 1776 la maffe des billets de banque elr-' Ieulans fe montoient encore a la valeur de fix. millions de Ryxdl., & on fe fiattoit que laréalifation pourroit en être operée moyennant I200 tonneaux d'or, ou 3,330,000 écus debanque en monnoyes d'argent ou plottes decuivre.On prétend que cette réalifation ne s'effectuepoint aufii promptement qu'on 1'avoit efpéré,cependant elle avance & tous les jours ilfe


321 )1 fe re'pand plus d'efpèces dans le public; maisJon ne parviendra a y réufiïr entierement queI peu a peu & a mefure que la balance du Com-I merce deviendra plus favorable pour la Sue'de,| qu'elle n'a e'te' jufqu'a préient; feul moyenI pour faire entrer dans cet état i'or & 1'argent,I dont il eft dépourvu (*).La Banque a été érigée en 1668 fous le rë-Igne de Charles XI, qui lui donna, ainfi que: fes fuccefieurs, les plus fortes aflurances dela maintenir & d'en lahTer 1'adminiftration aux; députés des Etats; elle eft regie par un Commiffairede la banque & par trois députés dechaque ordre, ce qui fait en tout dix directeurs.Tous les revenus de 1'Etat pafient par cettebanque, & le cuivre brut, appartenant a lai Couronne, y eft également livré. Elle confi-: fte en une banque de change & une banqued'emprunt.A la Diette de 1778, vu le long intervallequi (depuis la nouvelle forme de gouvernement)s'écoule d'une de ces aflemblées a 1'au-• tre, on établit une Commifiion, qui tous lestrois ans au mois d'Octobre regoit les rap-; ports de la diredtion , &. travaille pendant: deux mois conjointcment avec elle a tout ce, qui peut contribuer a donner plus de confiftan-{>") Ce projet eft attrifaué a Mr. le Secrétaire d'EtatI jle Liljenerantz.


C 522 >ce & k augmenter le crédit de la banque. CetteCommiffion eft formée de 14 Revifeurs,dont 12 font choifis parmi les trois claffes dela Nobleffe, 6 parmi le Clergé, & 6 parmi laBourgeoifie.En 1783, peu de temps après le départ duRoi pour malie, la Banque remit de nouveaudes billets en circulation pour la fomme de150 Ryxdl., alléguant pour raifon : La faillitede quelques maifons de commerce dans 1'étranger,le hauffement du change par le manquede papier, qui fans cette précaution feroit caufede la fortie des efpèces.La Banque fe flatta de faire baifièr le changepar cette opération; mais cet effet ne futqu'inftantané; 1'exceffive importation dugrain,tant pour la confommation que pour la diftillationdu brandevin, & la diminution de 1'exportationdu fer fit bientót rehaufler le change.Les revenus de la Couronne de Suéde fontformés par différens Impóts & différentesTaxes, tant fixes qu'extraordinaires Ïevées furles terres, fur les perfonnes & fur toutes leurspoflefiions quelconques, ainfi que fur les produitsdes Douanes, des Mines & du papiertimbre'.La valeur du numéraire ayant confidérablementbaiflee dans 1'efpace environ d'unfiècle,& le taux de prefque toutes les redevances


( 3*3 >payées en efpèces étant refte'es le même; lesrevenus de la Couronne font beaucoup moindresqu'ils n'étoient alors.Sous le règne de Charles XI en 1696, lesrentes fixes de la Couronne, ainfi que les dé-,penfès pour 1'entretien de radminiftration, furentréglées définitivement. II étoit alors indifférentd'être payé en nature ou en argentcomptant, puifqu'un tonneau de grains, unécu de banque & deux dlrs. frmt. étoient équivalens;mais les denrées ayant peu a peu augmentéesde prix, au point que le tonneau degrains vaut adtuellement 13 dlr. frmt., & lamonnoye étant tellement diminuée de valeurqu'il faut 6 dlr. frmt. pour faire un écu debanque, 1'ancienne proportion ne fubflfte plus,puifqu'aujourd'hui le tonneau de grains eftéquivalent a 2g écus de banque , & qu'alors ilne 1'étoit qu'a 1 écu.Par la même raifon, ceux qui payoient alors10 tonneaux de grains, en nature fe trouvoienten égalité avec ceux qui payoient 10 écus eöefpèces, & ne le font plus adtuellement.En 1715 , fous le règne de Charles XII, letonneau de grains fut taxé a 2* dlr. frmt., tandisque 1'écu de banque conferva quant auximpóts fon ancien prix de 2 dlr. frmt., quoiquefa valeur réelle fut déja montée a 3 dlr.frmtX» 2


C 3*4 5Dela il eft arrivé que le poflefleur actuel d'uneterre taxée en 1696 a payer une rente de20 dlr. frmt. ou 10 écus de banque, pour 1'acqu.itde laquelle il lui falloit lotaxes de grains,ne paye aujourd'hui que 22i dlr. frmt., ou lavaleur d'environ i| taxes de grains , pendantque fon vóifin eft obligé de payer pour unHemman ou terre de la même qualité 10 taxesde grains en nature a la valeur de 120 dlr. frmt.II en eft de même de toutes les autres taxesen nature qui furent alors évaluées felon le prixdu numeraire.Plufieurs taxes pécuniaires ayant été changéesen Denrées aux régiemens de taxationfous Charles XI, pour foulager ceux qui ne fetrouvoient pas en état de payer en efpèces , onproportionna ces denrées a la valeur des monnoyesde ce temps-la.Par exemple : dansquelques diftricïs on eft obligé de livrer deuxcordes de bois, (Stafrum) ou 18 tonneaux decharbon, tandis r que d'autres payent encoreTanden taux, qui ne fait pas la moitié de cettevaleur.En Hieraldic , Province de Nortlande, ons'engagea de payer a la place d'une taxe ( nomméeMantah -penningar, ou Impót perfonnelfubftitué a une taxe fur les moulins) * d'écu,valant alors g oere frmt. — On paye encoreaujourd'hui 8 oere frmt., quoique le dit f d'écusvaille attueilement 38 oere frmt.


X 325 )Les MantaU-penningar rapportent au moins730,000 dlr. frmt. par an. Cette fomme quiferoit d'après les taux primitifs 365,000 e'eusde banque, ne fait plus a pre'fent que 257,647e'cus.Ce peu d'exemples prouyent, que les revenusfixes de la Couronne de Suéde ont confidérablementdiminués, tant par 1'altération desmonnoyes réelles, que par la multiplication defes monnoyes repréfentatives. La valeur intrinféquedes monnoyes ayant donc baifféed'environ deux tiers depuis 1'arrangement de1696, les revenus ou rentes de la Couronneont dü diminuer dans la même proportion.Cependant les befoins du royaume étant toujoursles mêmes , pour ne pas dïre plus grands,les Etats fe trouvent dans 1'obligation d'y fuppléerd'une diette a 1'autre par des contributionsextraordinaires, des emprnnts, &c. a favénement du Roi au thröne,X 3


i ft* >Tableau des revenus de la Couronne de Suéde,tant ordinaires qu'extraordinaires (*).Daler frmt.Rentes ordinaires, ordimrie Raentan. 2133997Dixmes de blé, Afrods-oth KronotiondeSpanmohmedel 295037Fermes , Arrende Medel 70837RentesV^omeW^Mantalspenningar. 73000®Deniers pour 1'entretien des Senechauffées,Lagmans-och Haeradshoefdingsraentan. . . .:i 4o 3o|Deniers pour 1'exemption de 1'entretiendu Militaire, Knek-refrihets medel 2545Droits fur les fours a cuire de lachaux en Gothlande, Kalkugnsfe'fcfi 381Deniers de Convocation, Utfkrifningspenningar.s 6 o 2 $Entretien des Matelots, Botsmaenspenningarf^gDeniers pour 1'exercice des metiers,"Handwaerks-maens-gjoernings-oeren.6 7 9,Quote part des droits de JudicatureKronans andel af Sakoeren. . . 23620Impóts fur du bois vendu. Kronofkogs foer faetgnings medel. . . 225C*} Cantzler* 344422©


C 327 )Daler frmt.Tranfport 3444220f Papier timbré & recognition. ( ChartaeJtgillatae Af gift og recognition. 231090I Rentes Ïevées pour le Regiment deVarmie & Nerike 3000Contributions extraordinaires. . . 2400000j Dixmes & taxes fur les forges de fer,Tionde och Hammarfkatts joemsmedlen. Dixmes de 1'alun, Rentesdu cuivre, & grande douane demer, In och wgoende flora fjoetullen.. . . . . 2066074Dixmes de la fabrique de fouffre,Swaefvelbruks tionde a Dylta. . 1705Péages & Accifes generales, generalLandtulls och accife middel . . 800239Dixmes du cuivre de Ryddarhytte &Liusneberg, Koppar afgift. . . 1800Douane du cuivre d'Aveftad. . . . 20000Dixmes des mines d'Argent & braflage,Tionde Silfver Myntareloen ogSlagfkatt 3 0 0 °Timbre de Controle, Controlt ftaempclAfgift, fur 1'or 1'argent &i'étaim 3° 8?X 49974 2I 5


C 328 )Daler frmt,, Tranfport 0074.21c6Impöt fur le bétail a Stokholm, Bofkapspenningar.,Pofies, Poflmedei, . . . [3 ï ?f*°Deniers pour 1'entretien des fanaux,Fyrings och Bok-Afgifter. . .2 0 0 I ( J— - des Pilotes, Lotspenningar. . 1^68Accifes fur les confommations. . . 300000Contributions de la Chambre de revifion.Obfervations medel. . . 3232Impóts fur la cargaifon des vaifleauxde la Compagnie des Indes Orientales.. ;Tonds de Medécine."•* '3J°°540.0Epargnes des Vacances, Général Foerrods,Caffe och Vacance medel./-«.. . . * • • . 300000Contributions pour 1'entretien & lesreparations du Chateau de Stok-Fond d'amortiflement' (Riksgialds'fonds.Contribution accordée depuis V772fous le titre de Begrafenisoch53 ? ?° 5 7KroeningshielprA • /• > " • • • 200000®Ainfi qu une Contribution de 4 Oerefrmt, partête fous le nom de MantalsKrefne. -• "* • 2000000ƒ 12104624 Dlrs.frmt.


( 320 )A quoi il faut ajouter les contributions accorde'esfous le nom de don gratuit, & quidifferent fuivant les befoins momentanés de1'état.Le Reglement que le Roi a fait par rapportaux brafleries de brandevin en les de'clarantregales, augmentera confide'rablement les revenusde la Couronne, puifqu'on compte qu'aulieu de 14 tonnes d'or, qu'elles raportoient enimpots , elles en raporteront 28 comme regales.A la Diette de 1778 les Etats augmenterentles revenus particüliers du Roi d'un furplusde 100 mille Ecus par an.Je veux auffi vous faire part d'une petiteComparaifon entre les depenfes de la Couronnedans les trois anne'es 1696-1768 & 1773 (*).Dis. frmt. Dis. frmt. Dis. frmt-Entretien de la^ 1 - "1Cour. 57,6,09


( 330 )de 1'état des finances, ainfiq u edes revenusde la Couronne, doivent vous avoir donna*une idee générale des reflburces de ce Royaume,&fans doute vous en tirerés la confequence,qu'il lui faut un Roi pacifique, quitourne toutes fes vues du cóté de 1'amélior^tion des differentes branches d'adminiftrationque je vous ai detaillé. Malheur a la Suéde fielle eft jamais gouvernée par un Monarque,dont 1'efprit ambitieus voudroit abufer dupouvoir, que la revolution de 1772 a donnéea Guftave III, elle retomberoit alors dans unefituation plus terrible, que celle oü fe trouvale royaume a la mort de Charles XII, fituationdont les fuites, s'y font fentir encore. —Mais il eft temps de finir une lettre qui vousaura peut être ennuyée par les Calculs qu'ellerenferme. Je fuis &c.


( 33i )LETTRE VINGT-ET UNIEME.M . . .COPPENHAGUE ce.. .FevrisrJ"e n'entreprendrai point de vous faire unehiftoire fuivie de la Suéde, encore moinsd'entrer dans les détails de la vie privée de fesRois, ni des différentes guerres que 1'ambitionde fes Souverains, ou la défenfe du pais ont! fait naitre durant les dcrniers fiècles. Mon: deffein eft uniquement de vous tracer un tableaudes différentes formes du gouvernement,qui ont eu lieu dans un pais, oü 1'attrait d'uneautorité fans partage du cóté des Rois,1'ambition la foif de regner le défir de s'enrichirdu cóté de la nobleffe, & 1'amour de laliberté fi naturelle au peuple, ont excités des! fréquentes révolutions. Je m'imagine que cefera le meilleur moyen pour répondre aux\ queftions que vous me faites. Vous rerrés1'intérêt particulier abufer plus d'une fois en: Suéde, ainfi que chez-nous, du mot te Liberté,


( 332 )& fous le mafque trompeur d'un faux patriotifmefacrifier tout a la paffion de dominer oude s'enrichir ; une puiffance étrangère faire lesplas grands efforts pour bouleverfer la conftitution,fe replier tantöt vers un parti, tantótvers un autre, femer la zizanie par les intrigues& la corruption, pour fe rendre maitredu gouvernement & le faire fervir a la réuffitede fes pro jets.Defcendans de ces petrples, qui détruifirent1'empire Romain & inondèrent la furfacede 1'Europe, les Suédois ont conferve'sa quelques égards toute 1'énergie de leursancêtres. Sous un climat rude, dans leursmontagnes incultes, ils connoiflbient peu ]' a- !griculture; leurs vaftes forêts & leurs grandslacs leur fourniflbient une nourriture abondante;leur genre de vie, peu fubordonné, lesrendoient enclins a 1'indépendance; les Dalé-carliens furtout, habitans d'une province plus ifeptentrionale & plus fauvage que les autres, ifembloient avoir auffi plus de fermeté dansle caraclère: jaloux de leur droits, ne pou- •vant fouffrir la moindre oppreffion, toujoursprêts a fe foulever, ils ont plus d'une foischangés la Conftitution du Royaume.Le gouvernement féodal n'a jamais été connuparmi eux; ce ne fut qu'en 814 que le RoiAnun ayant fait abattre quantité de forêts, ilcn partagea le terrain entre plufieurs de fes fu-:


( 3S3 )Iets, h condition: que lorfqu'ils en feroientrequis, ils le fuiveroient a la guerre, ou pa-Leroient un certain tribut; c'eft 1'origine despayfans de la Couronne & des terres nomméeskronohemmans. Les nobles n'eurent des vafïauxque lorfque ces efpèces de liefs furentlalie'nés.Les payfans n'y furent jamais dans 1 efclavage;il n'y eut d'efclaves que les prifonnlersde guerre, ceux qui avoient eommis certains:rimes, & ceux qui fe vendoient eux-mêmes;Eette derniere efpèce d'efclavage fut déja dé-|fendu par Birgis Jarl vers le milieu du XIII .fiècle, en 1'année 13 35- Magnus Ladulosabolit toute efpèce d'efclavage en 1'anree i S3ó*-Dans les temps les plus reculés le pouvoirne fut jamais confié a un feul homme, & lorfqu'unRoi s'eft rendu defpotique , ce fut toujourspar ufurpation. La fouveraineté réfidoit(dans les Etats - Généraux , auxquels chaqueclaffe de citoyens avoit droit d'être admile.iLes payfans les pluspauvres y envoyoient leursrépréfentants, comme les nobles les plus n-ches. Dans 1'intervalle de ces affemblecs unSénat gouvernoit le Royaume.Le Roi, ou proprement le premier Magiflrat,étoit élu par la nation aflemblée; il, iouïfioit d'un pouvoir trés borné. — H «e pou-J voit faire ni la paix ni la guerre , & encore


C 334 )moins léver des troupes ou de Targent, fansle confentement du Sénat ou des Etats-Généraux;„ il ne lui étoit permis ni de faire bl-„ tir de nouvelles fortereffes, ni de donner„ les gouvernemens des chateaux, qu'a des„ Suédois d'origine, ni de faire entrer des„ troupes étrangères." ( * ).Quelque fatisfaifant qu'un gouvernement pareilpuilfeêtre pour chaque individu, qui compoféla nation, il eft néanmoins fujet a degrands inconvéniens ; 1'hiftoire de ce pays leprouve: le défbrdre, la confufion & ''anarchieen réfultèrent plus d'une fois.Le Royaume étant ékiïif f utexpoféh des guerres civiles, qui lui furent trésfuneftes; les Nobles, afpirans tous a la Couronne& s'excluants mutuellement, appelloientdes étrangers a leur fecours. Ce furent euxqui contribuèrent le plus a y appelier Marguéritede Waldemar, enfuite Chrétien en 1452.La Religion Chrétienne s'étant établie enSuéde vers la fin du IX*. fiècle, les écléfiaftiquesy prirent peu a peu cet afcendant, qu'ilsfurent fe proeurer par tout, par les grandsbiens qu'ils acquerirent. Leur orgeuil & l e u refprit de domination exciterent les plus grandstroubles. Ce furent les Evéques & particulierement1'archevéque d'üpfal Guftave Trolle,C*) L'Abbc Vertst.


( 335 5qui fit palier la Couronne en 1519 a Chrétienou Chriftierne II, monjlre affamé de fangde Carnage (#).Marguerite de Waldemar, cette fameufe Semiramisdu Nord, qui fous le prétexte fpécieuxde maintenir leur liberté, impofa auxSuédois un joug plus dur que celui dont ilsvouloient fe délivrer, réunit les trois Couronnesde Dannemark, de Norvége & de Suéde ,par le traité de Calmar en 1397, & fit proprementde ce dernier Royaume une provinceDanoife. Les Dalecarliens ne pouvant fuppofter1'infraftion de leurs privileges, & peufaits pour fubir le joug d'une domination étrangèrefe fouleverent & donnerent le fignal d'unerevolte générale. Eric XIII fuccefleur dex 4 4 0 >Marguerite fut detroné. Peu de tems aprèsChrétien I voulant faire valoir le traité de Calmar, s'empara de la Suéde & la gouverna avecun fceptre de fer. II fut depofé deux foismais enfin retabli.Chrétien oü Chriftierne II furnommé le Ti-I 5i 3.ran monta fur le thröne. II n'eft que trop connudans 1'hiftoire par fes cruautés & par lefameux mafiacre de Stokholm, oü perit toutce qu'il y avoit d? plus illuftre en Suéde. LesDalecarliens eurent encore la gloire de deli-(*) Arckenholtz. — Cantzler.


Guftave I.1523.C 33*5 )vrer leur pais de la terrible oppreffion fous laquelleil gemiffoit, & ayant a leur té te le célèbreGuftave Vafa oü Guftave I, ils rendirenta la Suéde fon ancienne liberté & la détacherentpour jamais de 1'union de Calmar.„ Chriftierne fut un exemple terrible de la„ juftice divine, qui doit faire trembler les„ mauvais rois; non feulement il perdit la» Suéde, mais encore le Dannemark & la>, Norvége, & pafTa le refte de fes Jours dans„ une obfcure prifon, n'ayant pour tout do-„ meftique qu'un nain qui l efervoit (»).Guftave fut declaré adminiftrateur en\c 2& roi en 1523.L e s S u e- d o j s r e g 2 r d e n t c ePnnce comme leur père & leur libérateur&reconnoifTants des fervices qu'il leur avoit'rendus, ils déclarerent le royaume héréditairepour lui & pour fa poftérité.Dés ce moment tout prit une autre faceLa fouveraineté refidoit bien encore chez les'Etats généraux compofés des quatre ordres ainfique dans le Sénat; mais 1'influence que Guftavey avoit acquis par fes fervices, reunifiöittout le pouvoir fur fa perfonne, & il reg n o i tdans lefond aufïï abfolument que s'il étoit néfur le thróne.TousI[*} Mémoires d'ArckenhoIcz,


C 337 2Tous fes fujets fe felicitant d'être gouvernêspar un Prince: „ plus humain que fevère,„ a&if,laborieux,infatigabIe, intrépide; quand„ il s'agifibit du bien de la patrie, aimant la„ juftice par deflus tout, & la rendant fans„ diftindion de perfonne , 1'appelloient le„ père de la patrie. " (*)En fe rapellant ces tems, oü la diflenfiondes Nobles, 1'avidité & 1'orgueil du Clerge',ainfi que 1'ambition & la cruauté de quelquesRois , s'entrechoquoient continuelleraent, ilsfavouroient avec delice leur fituation prefente ,fans s'imaginer qu'une autorite' fonde'e aétuellementfur 1'amour & la reconnoilfance, pour--roit amcner avec Ie tems une autorité defpo-,tique, fous laquelle le royaume feroit auffimalheureux, qu'il 1'étoit peu dans ce moment.Ce fut peut-ëtre autant la politique, quetout autre motif, qui engagea Guftave a introduirela Réligion Lutherienne dans fes états.II avoit éprouvé 1'efprit dominant & le pouvoirexceffif du Clergé Romain, & il n'avoit riende pareil a redouter des Eccléfiaftiques Lutheriens,d'ailleurs en ajoutant leS biens trés confiderablesdes premiers aux Domaines de laCouronne, il augmentoit les revenus de 1'état& fe formoit des nouvelles reflburces.Ét) Mémoires oVArkenholtz.Y


C 338 )Ces mèmes Dalecarliens qui lui avoient ouvertsle chemin au tróne, ne fupporterent pasfi aifement que le refte de la Suéde, la grandeautorité qu'il avoit acquis. II fe revolterentfix fois; foupconnant qu'il vouloit retrancherquelques-uns de leur privileges, ils fe fouleverent&ne mirent les armes bas que lorfqu'ils s'appercurentque leurs craintes étoientmal fondées.En 1528 ils fe revolterent encore; attachés aleur anciens prejugés & coutumes, mais furtouta la réligion de leurs ancêtres, ils ne purentfupporter 1'introduction des nouveaux dogmes;ik s'ils n'eufïentété abandonnés de leurs chefs, ils, n'auroient,peut-être facrifié leurs oppinions qu'avecleurs vies. Un autre foulevement eut lieu parraport a 1'habillement nationnal, que non feulementils ne vouloient pas quitter, mais qu'ilsprétendoient voir porter a Guftave Vafa ainfi qu'atoute fa cour, avec promefle de le conferverinviolablement, fans jamais adopter dans lafuite ni habillement ni coutumes étrangères.Guftave traita conftamment ces icflexiblesmontagnards avec bonté & avec tendreffe; ferapellant toujours qu'il leur devoit la Couronne,& ce ne fut que lorsqu'il ne lui reftoitplus d'autre reflburce, qu'il agit contre eux amain armée; il les gagna cependant peu a peufibien, que vers la fin de fon long règne ce furentde tous fes fujets ceux qui lui témoignerent le


C 339 )plus d'attachement; de facon, que lorfque fonfils.Eric monta fur le tróne, il fe vit k la têted'un peuple uni, heureux, & content; iltrouva des fujets , qui après avoir goutés lesdouceurs de la paix fous Ie gouvernement defon père, fe rapelloient les horreurs des guerresciviles fous les regnes précédens, & quien étoient d'autant mieux difpoiés a la foumiffion& a la tranquiüté. La reformation avoitentièrement tari la fource des troubles, occafionnéspar la hauteur & Tambition des pré-Iéts Catholiques •, la plupart des anciens nobles,qui fomentoient continuellement desnouvelles révolutions. avoient péris dans lemaflacre de Stokholm,' ou pendant le cours desguerres civiles; les droits des Rois de Dannemarkfur la Suéde, n'exiftoient plus & Faciequi rendoit le royaume héréditaire annuloit letraité de Calmar; enfin le trefor ayant acquisune richefiè immenfe par la fuppreflion desmonaftères & autres confequences de la reformation,fut non feulement en état de foutenirpour la première fois la dignité royale,mais on y trouva de quoi fournir a tous lesbefoins aétuels du Royaume.Le peuple fe fentant heureux, fe croyoitlibre; cependant Guftave avoit fi bien e'tabli1'autorité arbitraire, qu'il ne paroifibit pas apparentque la Suéde put jamais recouvrer fonY 3


SricXlV1560.'Jean1569.Sigismund.Ï592.('34° ) 'aficienne liberté', fl fes fucceffeurs favoientprofiter de 1'état dans lequel il Iaifla fön royaume.Le Roi Eric ne put profiter de ces avantagesfon efprit cruel & fon caradtère ombrageuxjufqu'a 1'alie'nation le firent déclarer incapablede règner. Son frère Jean qui lui fucceda, après1'avoir trainé de prifon en prifon, le fit enfinempoifonner au chateau deGripsholm.Ce fut fous le règne d'Eric XIV, que lesdignite's de Comte & de Baron furent cre'es.Le règne de Jean fut affez tranquile a quelquestroublesde réligipn prés; fon EpoufeCatherïne de Jagelion fille du Roi de Pologne,Princeife Catholique Romaine, trés bigöte, tachade faire rentrer la Suéde dans le giron de1'églife ; 1'ancienne réligion n'étoitpastellementéteinte qu'elle n'eut encore un grand parti; lareine tacha d'en. profiter, de même que de1'afcendaht qu'elle pofledoit fur 1'efprit de fortépoux; mais fes projets échouerent, le RoiJean mourut en 1592,Son fils Sigismund Roi de Pologne quoiqueCatholique lui fucceda, en vertu de l'arffoerening( acte de fuccefiion ) après avoir promisde ne jamais porter la moindre atteinte a laRéligion Lutherienne, qui dans une diette tenueü Upfal en 1593 f utavouée & indépendante.déclarée Ja feuleAprès quelques trou-


C 341 >I bles qu'il appaifa heureufement, il s'en retour-I na en Pologne & ne voulut plus revenir enI Sue'de, ni permettre que fon fils fut élèvéI dans la Re'ligion Lutherienne, ce qui fut canfeque les e'tats le déclarerent déchu de tous.fes1 droits fur la Couronne, & fa poftérité inha-Jj bile a y fueceder. ,Charles Ducde $udermanie fon frère admini-j: ftrateur du royaumè pendant 1'abfence du Roi,I monta fur le tröne a fa place.On étendit fous fon règne le droit de fucceffionjufqu'aux Alles non. mariées audes males.defautII fut continuellement en guerreavec le roi detröne', & avec les partifansruifesde Wladislas de Pologne fon fils.En 1610Chrétien IV roi de Dannemark1'ataqua & lui enleva Calmar.II mourut en5 ' 1611. La nation lui reprocha d'avoir facrifiéa fon ambition environ 80000 Suédois, & faitpérir 144 perfonnes par la main du Boureau.Guftave Adolfe fon fils lui fucceda.II commen$afon règne par 1'établiflement d'un nouvelordre de Diette, dont un des articles portoit;„ qu'a 1'avenir on ne prendroit en deli-„ béracion d'autres matières, que celles que„ le roivoudroit bien y propofer. " (*) Lanobleffe fut partagée en trois claffes: les Sei-c harles IX.1600.GuftaveAdolfe1611.(_*") Cantzler.Y 3


C 342 )gneurs Comtes & Barons; les chevaliers defcendansdes fénateurs , & les fimples géntilshommes.Le Duc de Sudermanie, Nericie & Warniëainfi que le Duc d'Oftrogothie'&Dalétans morts,il réunit ces apanages a !a Coüronne & affermitpar-Ia de plus en plus le bon ordre dansle royaume.Pendant ces arrangemens.politiques, il futobligé de foutenir une guerre contre la Pologne»le Dannemarc & la Ruffie. II fut entrainé dans la famèufe guerre de 30 ans, dontvous Gonnoifies 1'hiftoire, ainfi que les tnotifs.Le Roi de France qui vouloit abaiffer Iamaifon d'Autriche, s'engagea a lui payer unfubfide- de 400 milles écus pendant toute laguerre. Cette guerre 1 , dont le prétexte fut laréligion, donna grande réputatiön aux armesde Suéde. Guftave barit le fameux Tilli, présde Leipfic, en 1631, & le Général Wallenfteina Lützen en 1632; cette viftoire luicouta la vie au moment qu'il fe cróyoit peutêtreprés d'acquérir la Couronne impériale.Tous les hiftoriens s'accordent a faire 1'élogede ce Roi guerrier, ils lui reconnoiflent tant dequalités qui conftituent le Héros & le grandhomme,que je ne me permettrai qu'une firnpleréflexion; c'eft qu'il eft facheux, qu'il n'apas employé fes grands talens uniquement au


C 343 )véritable bonheur de fon peuple, au lieu defaire fon principal objet de la gloire de fesarmes.Un auteur de" réputation (#), après avoirfait 1'e'Ioge de Guftave Adolphe, s'exprime ainfi: „ Le grand proxeüeur de la liberté en Alle-„ magne auroit-il voulu être defpotique dans„ fon pays?" Cet auteur me permettra defaire une demande a mon tour: Etoit-ce réellementtd liberté de 1'Allemagne, ou le défird'acquêrir de la gloire qui le porta a fe declarerfon protefteur? Etoit-ce la liberté de fonpays qu'il avoit en vue, en dêfendant auxDiettes toute propofition qui ne venoit pointde fa part?Chriftine, fa fille unique, lui fucceda; elledüt promettre de règner felon ïa forme dugouvernement, que le grand Chancelier d'Oxenftiernavoit compofé' par ordre de GuftaveAdolfe, & qui fut confirmé par la Diette de1634.Cependant la guerre fut continue'e en Allemagneavec une fortune fouvent chancelante.Les troupes Suédoifes, après la malheureufejournée de Nortlingue, remportèrent des avantagesconfidérables en 1636 prés de Wildflok,fous la conduite de Guftave Banér contreChriftine1632.(C*} Sheridan, edit, angl.y 4


C 344 )les Saxons; en 1642 prés de Leipftc, & en1645- prés de.Zankowitz, fous le Général Terftenfoncontre les Impériaux. Les fuccès accélerèrentles négotiations au point, que lafameufe paix de Weftphalie fut enfin concluëen 1648. La paix que la Suéde avoit concluëpeu auparavant en 1645 avec le Dannemarcne fut pas moins glorieufe.La Reine Chr'iftine abdiqua h 1'age de 27 ans,en fe réfervant un revenu trés confidérable.Elle quitta la Suéde, fit profefiion de la RéligionCatholique a Infpruk, & mourut en1689 a Rome, „ admirée au dehors & fon„ peu regrettée de fes anciens fujeis (*). u slui reprochèrent ainfi qua fon prédéceflburGuftave Adolphe, Ia diffipation des biens dela Couronne.Pour gagncr ou récompenfer la principalenoblefie, ces deux Souverains leur avoientdonnés, vendus ou hypothequés , un grandnombre des domaines de la Couronne. LaReine Chriftine en particulier ceda quelquesbiens royaux pour amortir des prétention?,pour environ un million & demi deRyxdl. Eilene confirma pas feulement le privilègeaccorde' par fon >père a la noblefie, quiexemptoit leurs réfidences de tous les impötsde la Couronne; [ce qui méeontcnta extrême-C*) Cantzler.


oC 345 )inent les ordres inférieurs, puiique cette cxemptionaugmentoit leur charge;] mais ellesjouta encore a leur mécontentement,. en ordonnant,qu'aucunnon-nobleouroturier (Wanboerdig)n'entreroit en concurence avec la nobleffedans la collation des charges. Le motWanbardig fut enfin expliqué en 1550 par'homme de mauvaife conduite & fans mérite.Charles Gujlave, fils de Jean Cafimir, Duc ( IharlesXde Deux-Ponts, & de Catherine, fille ainéede Charles JX, fut défigné par la Reine Chriftinepour fon fuccefleur. Cependant il n'obtintla Couronne que par l'éle&'ion des Etats,qui prétendirent être rentrés dans leurs anciensdroits, après l'extin&ion dp la poftérité mafculinede Guftave Vafa.Charles Guftave fut obligé de foutenir plufieursguerres. Jean Cafimir, Roi de Pologne,(fils cadet de Sigismond) nonobftant quefon père avoit été déchu de la Couronne deSuéde pour lui & pour fes dtlfcendans cn 1700,prétendit y avoir des droits & voulut les fairevaloir. Charles Guftave lui livra plufieursbatailles, entre autres celle de Warfovie (*>,qui dura trois jours, & qui lui auroit prefquealTuré la Conquêtë de toute la Pologne. LeRoi de Dannemarc, Fréderic III, lui ayantenfuite déclaré la guerre (t) i » pafla par defnü")1656.


Charles XIi6f5o.C 34* )fus les glacés du Belt avec fon armée,& leforca de lui céder a toute perpétuité par letraité de Rotfehitd, Ia Scanië, h Hallande,Bleking, & le Bohus-leen^, quoiqu'il futobligé de faire face è la Ruffie,leala Pologne,. al'Empereur&auBrandebourg; il déclara denouveau la guerre au Dannemarc, & mit lefiége devant Coppenhague, d'oü il f utrepoufféavec grande perte.II mourut en 1660 h Gothenbourg, ou ils etoit rendu pour affifter a la Diette qu'il yavoit convoquée. On le foupconna d'avoirvoulu s'y emparer de la fouveraineté.Entrainé dans des guerres cbntinuelles ceprince n'a rien fait d'important en faveur de1 adminiftration intérieure & ceconomique duRoyaume.. Charles lui fuccèda a 1'age de cinq ans; fonpere avoit nommé pour fes tuteurs ; la R ei n eDouairière, (f) fon oncle Adolfe Jean généraiifiimede 1'armée, & quatre grandsofficiersde la Couronne ; mais les Etats ne refpefterentpoint cette difpofition ; ils exclurent lefrère dufeu Roi, le remplacerentpar un cinquièmegrand officier de la Couronne, & ordonnerentque toutes les affaires de 1'état fe regleroientde concert avec les fenateurs,que la Rdne• C O Princefle de Dannemarck.


C 347 ')Mcre prtfidcroit au Sénat, qu'elle y auroit deuxvoix & enfin qu'il n'y auroit jamais de Princerevêtu d'une des cinq grandes charges (* \Sous cette nouvelle adminiftration la bonne intelligenceavec les Puiffances vóifines futretablie.Le traitéd'élivaen i66oaffurala paix avec VEmpereur,1'Elefteur de Brandenbourg, & le Roide Pologne,qui défilWde toutes fes prétentionsfur la Suéde. La paix de Coppenhague (f) mitfin a la guerre avec le Dannemarck on fit une'échange de 1'ifle de Bornholm, contre quelquesbiens héréditaires de peu d'importance, enfinla paix de Cardis' (%) reconcilia la Suéde avecla Ruffie ; on fe rendit réciproquement tout ce'qu'on avoit conquis.Sous cette même adminiftration , la nobleffefle la Scanie & des autres provinces conquifes fut-admifc parmi la noblefie Suédoife, a laquelleles droits feigneuriaux furent affurés.Les debtes de la Couronne qui a la mort dufeu Roi montoient a 16 millions 30 millesDiers fmt, furent portées jufqu'a 20 millions376000 D l e r s f mt ; les forterefies furent mal en-(*•) Ces cinq grandes charges font : le Grand juge (&'**-^leFeldmarechal C Riksmark) 1'Adm.ral (Lars Kou)feChanceUer & le grand Treforier, Riks (Scbamm***teren)-(_\) 1660.c%) 1661.


C S4* 3txetenues & les nobles toujours favorifés auprejudice des ordres inférieurs, c'eft pourquoileRoi ayant a fa majorité (*) decharge' festuteurs de toute refponfabilité quelconque, ordonnadans la fuite de revoir leur adminiftration.Charles XI conclut a la Haye une allianceavec 1'Angleterre & la Hollande, (f; p 0Urs'oppofer aux entreprifes de Louis XIV, &fut auffi engagé par la d'accepter la paix d'Aixla Chapelle (f).II s'attira une guerre (§) avec 1'Empereur,le Brandenbourg, plufieurs Princes d'Allemagne,la Hollande, & le Dannemarck.LesSuédois perdirent labataillede Fehrbellen, (*#)& leur flotte fut toujours maltraittée 'par laHollandoife & la Danoife, mais par contre ilsbattirent les Danois par terre prés de Halmfladt,(ff) prés de Lund (ft) &p rè s d eCarlscrona(§§).Rebuté enfin des viciffitudes de la guerre,ïl fit la paix en 1679 & renonca a 1'alliancee'troite, qui avoit fubfifté jufques la entre laFrance & la Suéde. II conclut en revange avecC*) I6?2.Cf) 16C8.Cf; 1074.C**) I6 7y.Ctf) 1676. 16 Aont.Cft3 4 x bre de la même année.CM) 14 JuiUet 1677.


C S49 )Ia Hollande un traité de Commerce (•) & dedéfenfe reciproque pour le maintien des traitésde paix de Weftphalie & de Nimegue.Depuis ce tems il ne s'occupa que de 1'adminiftrationdu Royaume.Lorfque Charles XI prit les rènes du gouvernement, ü fit ferment de refpefter les ioixde la Suéde, tarft par raport a ce qu'il devoitaux Etats , que par raport a fes devoirs enversles moindres fujets du Royaume, pour la confervationde leurs droits, privileges & propriétés,& en cas qu'il feroit néceflaire defaire quelques changemens en faveur de lafureté, la défenfe, ou les befoins du Royaume,de ne jamais agir par lui-même, ou pard'autres fans 1'avis du Sénat ou fans la connoiffance& la concurence des Etats.„ Qui fe feroit imaginé que deux ans après„ avoir donné cette affurance a fes fujets„ Charler XI feroit devenu le Prince le plusdespotique de tous ceux qui ont portés laCouronne de Suéde." (t>Les grands privileges attachés aux nobles ,1'exemption des taxes, & la polTefiion des anciensdomaines de la Couronne dont ils jouiffoient,exciterent la jaloufie des trois ordres(*) 1681.'(_ \ •) Sheridan edit. angl.


C 350 )inférieurs , au point que pour abaiffer celui dela nobleffe, ils déclarerent „ que le Roi n'é-„ toit tenu a aucune forme de gouvernement;;„ mais fimplement au maintien des lotx, que„ le Sénat pouvoit dire fon avis a la requifl-„ tion du Roi; mais que Sa Majefté décidoit de}, fa pleine autorité & qu'elle n'étoit refpon-„ fable qu'a Dieu feul de fes actions ". (*)Quoique cette déclaration rendit Charles XISouverain en effet; le mot de Souverainetêfut cependantde 16*93.neemployé que dans le RecesDepuis ce tems les Senateurs n'eurent plusque le titre de Confeillers du Roi, & 'la reductionou la reunion des domaines de la Couronne,fi longtems defirée,ne rencontra plusd'obftacles, leRoi donna urt decret qui portoit :que toutes les terres demembrées de la Couronnedepuis 1'anne'e 1609 , y feroient reünies.Ce fut un coup terrible pour la nobleffe, puisqu'unegrande partie d'entre elle fut reduitea la dernière pauvreté-, car les compenfationsqui furent accordées étoient fort peu proportionnéesa ce qu'ils devoient reftituer, & a cequ'ils en avoient réellement payés.C'eft en partie de ces domaines que le roiforma l'indelnings-werket ou repartition de 1'ar-C*) Cantzler,


mée & de plufieurs autres charges civiles &écléfiaftiques.Aprés cette redudtion d'environ 80,000Hemmans (terres ou fiefs.) qu'il y a en Suéde,il s'en trouva environ 30,000 appartenans a laCouronne ( Kr'ono -Hemman') qui font divifésen ipurts Krono - Hemmans) terres fans lamoindre charge & (Krono-fkattehemman)terres, chargées de certaines redevances;4500 de ces purts Krono - hemmans livrerentles Boftelles ou terres d'habitation de differensofficiers tant de 1'Etat militaire que du civil &duClergé.Charles XI mourut en 1697 agé de 42 ans., Sous le règne de ce Roi fouverain abfolujufqu'au defpotisme,le commerce fe reta-„ blit, les manufadtures profpererent, 1'agri-„ culture fut encouragée, les Arts& les Scien-„ ces firent de grands progres, & les finances„ fe retablirent. (*) M paya 90 tonne d'oren dette & l'on trouva au trefor un million, 849000 D l r ! s f"? en argent comptant outreune fomme confidérable dans la caiffe par-„ ticulière (f).„ Si le Royaume jouit fous fon adminiftra-„ tion de tant d'avantages elle les acheta bien( * •) Shéridan Edit. Angloife.C13 Cantzler.


Charles Xli1697.( 352 )>, cher par la ruine de la moitié de fes habi-„ tans. Charles liquida il eft vrai une grande„ partie des dettes pabiiqucs, & laiifa un ri-» che trefor a fon Succefleur, mais les moyens„ employés a cet cffet repugnent a 1'honneur» & k 1'humanité; la réfiftance qu'on voulut« y oppofer fut vaiae; Pefprit de la nation„ étoit divifé, Ie defpotisme fermément étai>b i i & Ch aries XII en montant fur le thróne„ fucceda au pouvoir abfolu que fon prédecef-„ feur avoit ü bien établi. " (*). L'Archevequg d'Upfal devoit couronner lenouveau Roi; mais au moment qu'ilalloit exercerledroitattachéafa charge, Charles fe couronnalui-même, en regardant fièrement le Prélat.Cette adtion, joirte au caradtère d'obftinationqu'on lui cpnnoifib.lt, ne fit rien augurer de bonpour fon règne. Le peule fut effrayé, Iorfqu'aumoment qu'il monta a cheval pour fe rendre a1'églife, il vit tomber la Couronne.Ce Prince qui femble n'avoir jugé de Jaforce de fon royaume, que par fon étendue furla Carte Géographique, fuivant 1'exprefiion d'unde fes hiftoriens (f), fuc un brave foldat &un habile Général; mais la poftérité ne lui sccorderajamais les qualités qui caraótérifentC*) Shcridan , Edit. Angl.Ct) Nordberg, Hiftoire de Charles XII.un


( 353 ): un grand Monarque & encore moins un bonRoi. S'il mérica le titre de Héros, ce ne futque dans les champs de Mars. II entenditiparfaitement 1'art de faire la guerre, mais tréslipeu celui de rendre fes fujets heureux. Touitesfes vicïoires n'acquirent qu'une vaine gloirea fa perfonne & a fes armées, fans produirele moindre avantage, ni a fon royaume, ni afes fujets.Aulieu de profiter de 1'autorité que la nationavoit donnée a fon père, pour confolideri les beaux établiffemens &c les progrès que lei commerce & 1'agriculture avoient faits fousifon règne , & employer le tréfor qu'il avoit|j trouve fi bien fourni au bonheur de fes fujets;il perdit les plus belles provinces du royaume(*), depeupla fon pais, abima le com-I merce, détruifit fon armée & fes flottes, &d*rangea les finances au point, „ qu'on fut„ obligé de fe cottifer pour trouver une fom-„ me de 398000 Dlrs. frmt., deftinée a faire„ une nouvelle levée de troupes, avec laquel-„ le le Comte Stenbock pafia en Pomeranie,& d'avoir recours a la fameufe monnoye de„ détreife Myn-teeken (f), dont la fomme to-(]*) La Livonie, la Pomeranie, & la plus grandepartie de la Finlande.£t} En hollandois Nootmunt.z


C 354 )„ tale mife en circulation futtrouvée a la mort„ de Charles XII, de 37 millions Dlrs.„ frmt.(*)."Sa mort fut un véritable délivrance pour unRoyaume, épuifé d'hommes & d'argent, &affoibli au point qu'il s'en reffent encore.Arrivés a une époque, ou fous prétexte derendre la liberté a la Nation, une Ariftocratiedes plus tiranniques s'établit fur les ruines d'undefpotifme, qui avoit tout facrifié a la gloire;vous me permettrés de finir ici ma Lettre, &de vous afiurer que je fuis, &c.C*3 Cantzler.


3o6 5LETTRE VING TiET DEUXIEME.M . . /]La Princeffe Ulrique Eléonore, Sceurcadettede Charles XII, Epoufe de Fréderic,Prince héréditaire de Heffe-Caffel, fut d'abordreconnue Reine, è condition de renoncer d laSouverainetè pour ellepour fes defcendans,& de figner un acte par lequel elle reconnoiffoita la nation affemblée ie droit d'êUtiioniLes Etats la firentproclamer Rol de Suêde\ elle& aucun autre ( Sweriges Rikes Konung, hon ochingenannan) (•)le 21 Février 1720. Les Sénateursreprirent leur ancien titre de Sénateurs duRoyaume, le Sénat devint plus puüTant quejamais & ne redonnut que les Etats pour fe»fupérieurs; la nobleffe reprit tous fes droits, &fa diftindtion en trois claffes ceffa.. La paix fut fucceffiverrjent concluë avec 1'Angleterre(t), le Dannemarc (*), 1'Eledteurde Brandenbourg (§) & la Ruffie (•*) i celje?UlriquaEléonorCantzler.(tl 1719.L D i7«-1721.z £


C 356 >ci gararitit la nouvelle forme de gouvernementen faveur des belles provinces .qui lui reftèrent.En 1720 la' Reine céda la Couronne auPrince *fon Epoux, & ne fe méla plus des affairesdu gouvernement. Elle ve'cut jufqu'eni74r, aime'e & refpe&ée de toute la nation.Fréderic ]. Fréderic I. fut obligé d'embraffer la RéligionX-J2.Q,Luthérienne & de figner fon aflurance royale,c'eft-a-dire, la promeffe de fe foumettre au régiesdu gouvernement, telles que les avoit acceptéesfon époufe Ulrique Eléonore, enfuiteil fut elu , puis proclamé Roi de Suéde.Les Etats non contents d'avoir abolis entièrementl'autoritéroyale dans la Diette de 1720,ajoutèrent encore quelques articles a la formedu gouvernement, & donna de nouveaux privilegesa la nobleffe, ainfi qu'au Clergé dansla Diette de 1723..Les articles les plus efllntiels de l'Adte,qui fut paffé a la Diette de 1720 , furent lesfuivans.;$. La puiffance fuprême doit réfider a perpétuitédans les états affem.blés, compofés de quatreordres, de la Nobleffe, du Cierge, de laBourgeoifie & des payfans immédiats de JaCouronne. Chacune de ces quatre claffes decitoyens y envoyent fes repréfentans.Les Etats s'affembleront, convoqués ounon,tous ks trois ans, pour revoir comment le Sé-


C 357 )nat,les Colléges & les autres départemens fefont acquités de 1'exe'cution des Loix commifea leur foins; & pour prendre les réfolutionsnéceifaires au bien être & k la gloire du royaume.Aucun Prince ne montera fur le thróne deSuéde avant 1'age de 21 ans accomplis. LesEtats nommeront les gouverneurs deftinés a1'éducation de la familie royale, & leur fubftituerontdes nouveaux toutes les fois qu'ils letrouveront a propos.Les Etats auront feuls la puiffance légiflative,& aucune ordonnance faite par le Roi, deconcert avec le Sénat dans Pentre - deux desdiettes, aura force de Loi; a moins que lesEtats n'y donnent leur approbation.Les Etats fe refervent le droit de faire laguerre, mais en cas d'invafion ou de troublesintérieurs, le Roi de concert avec le Sénat, peutprendre les mefures requifes pour oppofer laforce a la force, fans attendre 1'aflemblée desEtats , qui cependant fera convoquée fansdélai.Le Roi peut faire battre monnoye, maisc'efcaux Etats a en règler le pied.Le Roi ne fortira du Royaume fous quelqueprétexte que ce foit fans le confenternent desEtats.En cas de vacature dans le Sénat les etatsZ 3


( SS* )'preTenteront au Roi un Foerflag pour la plaeevacante, & Sa Majefté ne pourra fe difpenferde choifir un d'entre les trois Candidats, quiy feront propofés & qui doivent être nésfujets Suédois.En cas de maladie ou abfence du Roi leSénat figne les expéditions, qui ne foufirentaucun délai.Toutes les charges fuperieures dans le militaire,depuis le Feldmaréchal jufqu'au Colonelinclufivement, feront conferées par leRoi.:" Les Etats afiemblés en diette redreflerontles griefs de ceux quiaurontété préjudicie'sparquelque reglement, avis , ou décifion duSénat.Les anciens privileges des Etats feront facrésk perpétuité, mais il ne fera donne k1'avenir aucun nouveau privilège qui regardeun ordre entier fans le confentement de tous. §.Les principaux'articles, qu'on ajouta pendantla Diète de 1723 font les fuivans :§. Le Roi de concert avec le Sénat peut anticiferfur le : terme de trois ans fixé pour la convocationdes Etats.Si le Roi eft abfent malade ou mort le Sénaten corps les convoque ainfi que dans les casou le bien de la patrie & l aHbertê des étatsfont en danger.


( SS9 )Si,nileRoi, nile Sénat neconvoquent les Etatsau terme prefcrit dans les cas fusdits, lesEtats déclarent nul tout ce qui fe fera fait danscet intervalle au dedans & au dehors, & ilsordonnent au Gouverneur de Stokholm & auxgouverneurs des provinces d'en donner avis,afin que les Etats s'affemblent d'eux-mêmes autems & au lieu prefcrit.Si le Tróne devient vacant, les Etats s'affemblerontquand même ils n'auroient pas étésconvoqués, a Stokholm trente jours après lamort du Roi, pour proceder a une nouvelleélettion.Les différens individus qui forment les Etats,doivent s'obliger par ferment: de ne rien propoferni agrêer, ni exécuter qui tende d quelquechangement dans la forme du gouvernement.Ce que les Etats concluront au préjudicede la liberté & de 1'indépendance de la Nation,eft déclaré invalide & de nulle valeur.Le Sénat & le Roi feront refponfables de laconduite qu'ils ont tenus pendant 1'entrediètte.II y aura uu Committê fecret pour les affairesqui ne pouront être difcutées in plenis; il feracompofé des trois premiers ordres, & les payfansen feront exclus.Ce Commité fecret fera chargé' d'arrangerZ 4


( Z$o )tout ce que le Ptena lui remet, & il eft abfolumentdefendu aux membres de cé collégede conferer avec des miniftres étrangers.Les Etats font les Loix, mais le Roi lesfigne & les fait expedier fous fon nom; audefaut du Roi le Sénat doit les figner, afin quetout foit promptement expédie'.Chaque ordre a fon fuffrage k donner pourles affaires qui regardent la nation en général;& la plnraJité de ces quatre fuffrages décide en• tout ce qui ne regarde pas les privileges bienttcquis d'un ordre en particulier, dans quel casil faut 1'unanimifé de tous les quatre ordres. 5.Rien ne pouvoit étre plus formidable que lepouvoir du commité fecrét ft plus contraire ala liberté puisqu'elle reüniflbit le pouvoir legifiatifjudicia) & exécutif (*).-A la feparation de la diète le pouvoir exécutifétoit partagé entre le Roi & ] cSénat, defacon que le Roi n'en pofiedoit que la 'pluspetite partie; il y jouiffoit de deux voix &lorfqu'il y avoit égalité d'opinion fon avisprévaloit.Le Sénat avoit Ie pouvoir de s'alfembler auffifouvent qu'il ie jugeroit a propos, rriém'e fans'le confentement du Roi & fans que fa prefencey fut requife, pour debattre les affidr^C*3 Sheridan Edit. Ang!oife, An. i 7 4 ?.


C )I les plus importantes. On y lifoit les depêchesdes miniftres étrangers & on ne lui laif-| fuit autre chofe a faire que de figner des refolujitions fouvent prifes fans fon confenteraent.Le Roi ne pouvoit non feulement léver desl troupes ni équiper des fiottes, il n'étoit pasI; même le maitre de nommer ceux qui compo-I foient fa cour; il devoit auffi dependre de cfiaquediette pour les revenus necelfaires a fa propredépenfe.Ainfi après undefpotisme des plus complets.I exercé fous deux règhes confécutifs; la Suéderedevint libre , fi l'on peut appeller libre unpais, ou une clafie de citoytns a une fupérioritéfi marquée fur celles qui lui font inférieu-1 res ,de facon que toutes fes volontés font chan-I gè'es en Loix. C'étoit le cas en Suéde durantla diette dont nous venons de faire mention.1 L'ordre des Bourgeois & celui des païfans s'oppoferentfortement a la ratiflcation des privüègesqui furent adjMnts a la 'nobleffe; cependantmalgré qu'ils en eurent celle-ci trouverentmoyen de les faire paffcr.Les païfans en particulier furent fi méeontentsdc cette préponderance de la noblefie & desprivilèges exceffifs qu'ils s'étoient arro?és;qu'ils propofèrent d'augmenter le pouvoirRoyal & de retablir le gouvernement dans la[ même forme qu'il avoit été du tems des an-Z 5


C Sol )ciens Rois; non feulement on ne voulut pointles écouter, mais on fitu nreglement (qu'onajouta aux nouveaux articles) pour prévenirdans la fuite pareilles propofltions.Ceux qui avoient été les moteurs de cetterévolution, & qui avoient arrangés les articlesde la nouvelle forme de gouvernement, aveugléspar leur intérêt particulier, s'étourdirentfur les fuites qui pourroient refulter du mécontentementdes ordres inférieurs & de rabaiifementde 1'autorité Royale.Un Prince qui fetrouve bleffé dans fes droits, & qui Veut devenirYhomme d'un peuple opprelfé par unearïftocratie dure & orgueilleufe,pour peuqu'il poflede de la popularité & de 1'éloquence& qu'il foit entreprenant, eft bien prés de réprendre1'autorité dont il a été depouillé.Le nom de Roi ne fut plus a cette époquequ'un vain fantóme.La Suéde ne laiifa a fonfouverain que les honneurs de la repréfentatlon& 1'éclat extérieur dont on le decoroitaux jours de cérémonie.Les regiemens de cette diette avoient tellementlimités les revenus du Roi, & i adifpofitiondes.biens de la Couronne, que les Etatss'imaginerent n'avoir rien a craindre d'un Princequ'ilsc r u r e n £ & v o i l p r i v e,d e t o u t g r e f_lource.Trois ans après a la diette de 17 26,on


( 3^3 )icommenga déja a s'appercevoir de l'exiftenesde deux partis, qui depuis ont fubfiftés fansinterruption fous différentes formes.Le fiftême du Cabinet de Verfailles a été depuislongues années d'employer les négotiationsfeerettes & la corruptibilité pourfe rendremaitre des différentes Cours, dont elle abefoin pour faire réuffir fes projets. Le gouvernementde Suéde n'eut pas plutót changé deface , que le miniftère Francois fit tous fesefibrts pour s'y former un parti, par le moyenduquel il fut en état de gouverner ce Royaumecomme une de fes propres provinces. Lesdefauts de ce nouveau gouvernement lui procurerentles occafions les plus favorables d'employerla corruption. Ce moyen réulïït ftbien qu'en peu de tems il fe rendit maitréd'un parti confidérable. Ce parti fut connufous le nom de Chapeaux ; il vouloit rompreavec la Ruffie (fous pretexte de recouvrir desdomaines poffedés par cette puiflance) pourfe lier d'autant plus étroitement avec la France.Le parti oppofé fut celui des Bonnets compoféde ceux qui avoient contribués a établirla nouvelle forme de gouvernement; leur objetétoit la paix & 1'aftermifiement du bonheurde la nation. Ils adopterent le fiftême d'upe'étroite alliance avec la Ruffie & ne vouïpïentaucune liaifon avec la France.


C 3*4 )L'infiuence du Cabinet de Verfailles fit petith petit des progrès fi confidérables qu'a ] adiette de 1783, ( q u i c o n t r e t 0 W e c o n m m edura onze mois) les chapeaux eurent unemajorité fi decidée que l'adminiftcation pacifi.que des Bonnets, qui avoient gouvernés jufquici, fut entièrement renverfée.Une rupture avec la Ruffie en'fut ] afifiteCette guerre malheureufe depuis le commencementjufqu'a la fin couta une belle armée &la pene de la Finlande. Le Comte deLewenhauptfut Ia malheureufe viétime d'un proiettemeraire & mal concu.Voilaquenes furent les frites de l 'i n f l u e n c efrancoife dans les diettes Suédoifes qui commen9a a s'y f aire r e m a rquer dès l adiette de172*. Depuis que le gouvernement Francoiss etoitemparé de celui de Suéde on ne gardaPlus de mefures avec la Cour;n o ncontent d'impoferdes continuelles reftriótionsa1'autorité^ale n m i ti e R o idans le cas de n WPlus m volonté ni propriété perfonnelle.375r. r«deric I. deceda le 25 Marsn s i a„ é75 an S, Adolphe Fredéric lui fucceda "Ala diette de i 7 5s les états préfenterentune fingulière addrefiea uRoi.El ,epor 0i?ue par le n< article de 1'ordonnance de x7T^ états avoient le droit de vifiter les bijot


C 3^5 )I & les biens meubles appartenans k la Couron-) ne auffi bien que ceux du tréfor royal; qu'eni confe'quence, ils étoient d'intention d'exami-1 ner les diamans donnés a la Reine a 1'occafionde fon mariage avec le Roi. Ils fouhaiitoientfavoir quand il conviendroit a leursjmajeftés qu'ils nommafient une députationpour les comparer a 1'inventaire qu'ils en a-voient pris.Ces pierreries furent préfentées a Sa Majeftépar 1'Ambafladeur Suédois Comte de Teffin,avant fon d»part de Berlin, comme un préfent1 fait a fa perfonne; en confe'quence la Reine1 refufa d'en laifler prendre infpedtion , ajoutantqu'elle vouloit, après que ces pierreries auroientété féparées des fiennes propres qu'ellesfuffent rendues aux Etats; bar, difoit-elle,' après cette indignité il feroit au deffous de moide les garder. Cette réponfe lui attira une réprimandedes plus féveres. Les Etats fe plaignirentau Roi, que la Reine témoignoit dumépris non-feulem'ent pour eux, mais auffipour le Sénat & pour les officiers de la Couronne, par une conduite fondée fur le caprice,fans confidération pour la dignité de cesperfonnes. La Reine, dirent-ils, eft venul: dans le Royaume pour être la Compagne de VotreMajefté, mais non pour augmenter votreautorité. Enfin après une longue déduftibn


C $66 )des gfiefs qu'ils avoient contre elle, ils finirentpar dire: „ Les Etats ne défirent aucua„ changement dans les fentimens de Votre„ Majefté envers la Reine votre épou'fe; mais„ ils fouhaitent que la Reine change de fenti-„ ments envers le Royaume. "Le Roi fitune longue apologie de la conduitede la Reine & rejetta les exprefiïons (quiavoient fi fort choqués les Etats ) fur fon igno*rance dans la langue du pais; il ajouta qu'ayantpolfédée ces pierreries depuis 10 ans,fans qu'il y eut jamais été queftion d'en prendreinfpedtion, elle la confidéroit comme unemarqué de défiance trés injurieufe a fon honneur,& finit pardéclarer, qu'elle ne pouvoit contidérer des diamans qui lui avoient été donnésque comme lui appartenants.Les Etats n'en voulurent pas demordre.Malgré toutes les proteftations de Sa Majefté,1'infpedtion fut faite. Un article qui fe trouvedans une feconde remontrance, que bien hum->btemem ils firent a ce fujet au Roi contient cesparoles ironiques : Les Etats prient votre Majeftéde refter maitre a fa Cour & Roi dans fonRoyaume, & prions avec humilitê que toute correfpondance fur cette matière ceffe (»)*C*} Sheridan, £d2t. AngJi


C 3*7 5Après cette facon d'agir auffi mortifiantepour leurMajeftés, les Etats cominnèrent a lestraiter de la facon du monde la plus humiliante.Le Roi croyoit qu'il étoit du moins le maitrede choifir ceux qui devoient approcher leplus intimement de fa perfonne & de celle defes enfans, & en confe'quence il avoit donnéun Sous - gouverneur au Prince royal; mais ceprivilège parut encore trop grand, les Etatsdéclarèrent cette place inutile & cafierent leSous-gouverneur, accompagnant cette réfolutiond'une Lettre injurieufe & iroöique, qu'ilsenvoyèrent au Roi. Non contents de cela,ils lui envoyèrent un Ordre, (en forme detrès-humble Requête) de renvoyer Mr. Dal in,Gouverneur du Prince royal, fans rien alléguerk fa charge & de nommer a fa place leSénateur Comte de Scheffer. Le Roi ne voulutd'abord pas y acquiefcer , alléguant: que parle 3 e . article de la forme du gouvernement, ledroit de choifir un gouverneur au Prince royalappartenoit k lui feul; mais nonobftant toutesfes proteftations, il fut obligé -de céder, & leComte de Scheffer prit poffeflïon de fon nouveaupofte; les Etats nommèrent encore quelquesautres perfonnes pour être dorénevantattachés au Prince royal.Ce qui arriva peu de tems après mit le comttea tout.On fit faire un efpèce de Sceau,


( 3*§ )fur lèqüel fut gravé la fignature du Rol, & quifut depofé au Sénat, pour s'en fervir dans certaihesoccafions oü cette fignature étoit requife,afin de donner la vaüdhé néceffaire aux réfolutionsqu'on prendroient a Pinfcu, oü mêmecontre la volonté de Sa Majefté.Ainfi les Chapeaux a l'inftigation de la Francedépouillèrenc la Couronne de tous fes droits& privileges conftitutionnels , fous le prétextefpécieux d'aflurer la liberté d'une nation, qu'ilsréduifoient eux-mêmes a 1'efclavage.Qui fe feroit jamais imaginé que les chefsde ce même parti, foutenus encore par la France,auroient peu d'années après embrafies unfiftême oppofé & fe feroient retournés du cótédu Roi? tant il eft vrai qu'en fait de politique,lorfque 1'mtérêt s'en mêle, tous moyens fontégaux.L'autorité royale nepouvoit être relevée quepar un a£te de vigueur, produit par les forcescombinées d'un Souverain attaqué dans fesdroits, & de cette partie de la nation lêféedans fes privileges & opprimée par les Nobles •mais ceux-ci avoient pns tant de précautions,'qu ils étoient bien fürs de faire manquer toutce qu'on óferoit entreprendre.Cependant les mécontens firent parvenir fe*crettement au Comte de Brahé & au Baron deHom, Maréchal de la Cour, un plan de ré-volu-


C 3*9 3?olution en faveur du Roi & du rétablifTementde 1'ancienne conftitution; il s'agifibit de gagnerentièrement la garnifon & les matelots deStockholm, qu'on avoit lieu de croire bien difpofe's, d'ailleurs on étoit für du peuple.La confpiration fut découverte au momentde 1'exe'cution. Les Comtes de Brahé, le Baronde Horn & plufieurs autres perfonnes furentarrêtées; les traitemens les plus barbares& les tourmens les plus cruels furent employe'spour connoitre toutes les circonftances &pour favoir le nom des complices. Brahé &Horn furent decapités.Lefyftême du Cabinet de Verfailles ne permettoitpöint 1'agrandiffement de la Ruffie, afin de reftertoujours maitre dans le Nord; fur ce principeil avoit engagé la Suéde a conclure un Traitéen 1740 avec les Turcs ; le miniftère Francoisauroit bien voulu entrainer les Danois danscette alliance, mais ceux-ci, (dont lafituationrélative étoit bien changée vis-a-vis de la Suéde,)ne vouloient pas fe brouiller avec la Rusfie,dont il pouvoient tirer dans Toccafion desfecours bien plus efientiels que de toute autrepuiflance.L'Angleterre par des raifons politiques, maisencore plus par des raifons de commerce, nepouvoit voir fans jaloufie le grand Empire de laAa1


C §70 )France en Suéde; elle fit paffêr fecrettementquelques fecours en argent au parti du Roi,qui avoit fait fous main des demarches pourdemander fon appui. Depuis plufieurs annéestoute correfpondance entre 1'Angleterre & laSuéde avoit ceflee, au point qu'il ne réfidoitmême plus da miniftre Anglois a Stockholm.L'influence du '.parti Francois ayant opéré lerefus d'un nouveau miniftre pendant la guerreavec la Ruffie, fous prétexte de 1'étroite alliancede la Suéde avec la France, & de celle de1'Anglcterre avec le Roi de Pruffe: on établitune correfpondance fecrette par le moyen decelui qui réfidoit a Coppenhague.Depuis la Diette orageufe de 1756", les Chapeaux,par leurs violens procédés, avoientperdus la confiance de la nation, & a mefureque leur crédit baiflbit, les Bonnets voyoient infenfiblementaugmenter le leur.Le mauvais fuccès de la guerre contre leRoi de Pruffe, dans laquelle la Suéde avoit étéentrainée par le parti des Chapeaux, le manqued'argent, occafionné par les grandes & inutilesdépenfes de Parmée; la fuppreffion des fubfidesque la France s'étoit engagée de payer,ouvrirent enfin les yeux d'une nation aveuglée,depuis fi lóngtemps fur fes vrais intéréts, &les foutiens en argent que 1'Angleterre avoitfait paffer fous mains aux Bonnets par Sr. John.


C 371 )Goodricke, fon miniftre a Coppenhague, leuravoient déja confidérahjement fait gagner duterrain a la Diette de 1762.A cette époque les arrerages des fubfidesdüs par la France montoient a environ onzemillions de livres.La Cour de Verfailles, au lieu de fatisfaireaux demandes réitérées de ces arrerages, pro*pofa la conclufion d'un nouveau Traité pourdix ans; par lequel la Suéde s'engageroit pendantce tems a donner une efcadre de dix vaiffeauxde ligne & frégattes, & la France enrevange payeroit un million & demi de livrespar an.Une propofition de cette nature allarmabeaucoup 1'Angleterre, puifque la conclufiondu Traité auroit mis une grande partie des forcesmaritimes de la Suéde entre les mains dela France. Elle réuffit a faire échouer cettenégotiation. La Suéde répondit, qu'elle nepouvoit écouter aucune propofition avant 1'entierpayement des arrérages; la France n'yvoulant pas confentir ne donna aucune réponfe.On admit enfin Sr. Goodricke, dont nous avonsparlé ci-defius, en qualité d'Envoyé Extraordinairede la part de 1'Angleterre. II arrivaa Stockholm en Avril 1764-II n'auroit pas été aifé de détruire un fiftêmede gouvernement, établi depuis 28 ans fur'Aas


C 372 )des fondemens qui paroiflbient folides, fi lesfubfides qui devoient en faire le principal foutlenn'avoient pas manqués. L'impoliïbilitédans laquelle la France fe trouvoit d'acquitterles arrérages qu'elle devoit, le de'fordre des financesen Sue'de que le payement de cette dettepouvoit rétablir, & la dèsunion qui règnoitparmi les Etats, donnèrent efpoir aux Angloisde renverfer entièrement les projets de laFrance.L'état critiqne dans laquelle fe trouvoit leroyaume, obligé rent le Sénat de convoquerune Diette extraordinaire pour le commencementde 1'année 1765.Le nouveau miniftre d'Angleterre & celui deRuffie travaiilèrent fi bien, malgré les intriguesde la France & 1'argent qu'elle répanditencore a cette occafion, qu'a la Diette, lesBonnets fe trouvèrent compofer la majeure partiedes Etats. Après quelques débats il futdécidé; que 1'alliance avec la France avoit étédu plus grand préjudice a la Suéde, en 1'engageanta des dépenfès excelfives, qui étoientmontées a trois fois au delè des fommes quecomportoient les fubfides qu'on en avoit tiré,& qui mettoient le gouvernement dans le plusgrand embarras ; d'autant plus, que non-feulementla France différoit de payer les douzemillions d'arrérages, qu'elle devoit légitime-


C 373 )ment en vertu du Traité; mais que par différenteschicanes elle étoit parvenue a réduirecette dette jufqu'a la fomme de 7 millions,qui ( fuppofant que la France les psyatun jour)ne pourroient pas 1'indemnifer des fraix, quei leur occafionneroit une rupture avec 1'Angleterre, inévitable, fi le Traité pour les vaifleauxj avoit lieu.On conclut erfin par affurer, que la Suédepoffédoit par elle-même affez de reffourcespour fe tirer de 1'embarras du moment, fansaucune affiftanceétrangère ; pourvu que le! gouvernement ne contractat aucun nouvel engagement,& ne s'engageat dans aucune guerrependant quelques années.Les chefs de ce parti furent avertis fousmain, qu'un des principaux du parti des Chapeauxavoit engagé 1'Ambaffadeur de Francedans un Traité avec la Reine, par lequel ongarantiroit la Souveraineté au Roi , pourvu queFalliance avec la France fut confervée.Les miniftres d'Angleterre & de Ruffie, auxquelss'étoit joint celui de Berlin , fe voyantabandonnês par la Gour, furent obligés a leurtour de changer de batterie , ils s'attachèrentau Sénat & travaillèrent a y gagner toute 1'influenceque le Cabinet de Verfailles y avoit eu,& que dans leur premier plan ils vouloient faireobtenir a la Cour.Aa 3


( 374 )D'un autre cöte' la France pour calmer lesplai.nt.es de la nation au fujet des arrerages offritde payer la fomme de 12 millions en 8 ansce que le Se'nat jugea a propos d'acceptervu le trifte état des finances.Les chapeaux qui jufqu'ici avoient travaille'sd'une facon fi violente a 1'abaifiement de 1'autoritéroyale voyant leur crédit tombé fe reconcilierentavec la Cour, & firent caufe communeavec elle & la France; par cette conduiteils gagnerent une majorité confidérabledans 1'ordre de la noblefie; en attendant 1'Ambafiadeurde France, n'épargna ni peines niargent pour détacher les trois autres ordres de1'Angleterre & de la Ruffie.Le commite' fecrét, oü les Bonnets avoientla fuperiorité, empêcha (pour contrecarrerce plan de corruption) qu'on n'envoyat unMiniftre a Verfailles, il cafia quelques fenateursdevoués a la France fous prétexte qu'ilsavoient abufés de la corfiance des états, c'étoitprécifement ce que défiroient les miniftresd'Angleterre & de Ruffie.Les états gagnés par les intrigues & 1'argentde la France ne voulurent point approuvercette réfolution; mais cafia a fon tour le commitefecret, & rétablit les fenateurs. LesBonnets cependant prirent fi bien leurs mefures,que le lendemain le clergé & les deux


( 375 )prdres inférieurs déclarerent nulles les refolutionsdu jour précédent; le commité fecretfut retabli & les fenateurs demis.! Dans cette continuelle fludtuation, cauféepar lesjintrigues 6c 1'argent de la France & les négctiationsdes miniftres d'Angleterre & de Ruffie, lesBonnets crurent que rien ne feroit plus avanta-!geux a la Suéde, qu'un fimple traité d'allianjceentre elle & 1'Angleterre, pour éviter deidonner de 1'ombrage a la France. Malgré lesi obftacles qu'ils rencontrerent ; ils par vinrenta faire figner en Février 1766 ce!traité, dont le principal article fut: que lesfujets des deux nations jouïroient réciproquementdans leur royaume, ports, & havres, detous les avantages & immunités que toute nationla plus favorifée.La France en parut fi mécontente, qu'elleprit le prétexte de ce traité pour refufer lepayement des fubfides fur le pied qu'il avoitété ftipulé.Après la demiffion des fenateurs , la Couri rompit ouvertement avee Us Bonnets, & ne: cacha plus fes liaifons avec la France, donttoutes les demarches ne parurent plus tendrej qu'a augmenter le pouvoir du Roi. Les chapeauxrepandirent dans le public une longueénumeration des desordres dus a la nouvelleadminiftration, dont la conclufion étoit; queAa 4


( 37* )la feule autorite' Royale pouvoit reme'dier auxabus & empêcher la Suéde de devenir une provincede la Ruffie,On s'appergut bientót de 1'effet de ces infinuations: le murmure éclata de tout cóté, &une confpiration en faveur de la Cour en futlafuite; trop de précipitation la fit échouer,elle fut découverte avant fa maturité.LesBonnets employerent a cette occalion la mêmeforme de juftice qui avoit eu lieu en 1756,mais ils en agirent avec plus de modération;le chef nommé Hofman avec deux de fes complicesfurent condamnés a être decapités.Leschapeaux oubliants ce qu'ils avojent fait euxmêmesquelques anrjées auparavant appellerentla Cour de juftice nommée pour les jugerun odieux tribunald'inquifition.Les Bonnets dort 1'intention étoit au commencementde cette Diette de faire augmenter1'autorité royale, autant que cela pouvoit s'accorderavec la conftitution fondamentale duRoyaume, voyants que la Cour s'étoit entièrementlivre'e a la France & voulant détachcrtout a fait la Suéde des entraves de cette puiffance,crurent que pour y parvenir il étoitneceffaire de diminuer encore plus le pouvoird.u Roi.Jufqu'ici Sa Majefté, en cas de vacatured'une place de fenateur, avoit eu le droit de


I 377 5choifir une perfonne d'entre trois, qui lui é-toient prefentée par les Etats.Les Bonnetsfirent paffer une loi qui fiatuoit que dorenavant,en cas de vacature au Sénat, on prefenteroittrois fois de fuite un feul Candidat, &fi le Roi le refufoit chaque fois, alors les étatsétoient en droit de le nommer eux-mémes; enconfe'quence de cette nouvelle loi, le Baron deDuben ayant été rejetté trois fois, les écats lenommerent fenateur fans autre cérémonie; leRoi refufa d'en figner la patente & la reine nevoulut pas permettre que felon 1'ufage le nouveaufenateur lui baifat la main.Peu de temsaprès le Roi fic une démarche plus vigoureufe.II rejetta trois perfonnes qui lui furent prefentéespour le pofte de Secrétaire d'état & ennomma une quatrieme de fa propreautorité,action direftement contraire a la dernière formede gouvernement. Ceci prouya qu'il étoitfoutenu & fut un prélude de ce qui arriva peude tems après.Cependant fi la Ruffie & 1'Angleterre eurentauthorifés leurs miniftres a offrir des fubfides ,il y a apparence que le parti Frangois auroitété complettement renverfé; mais ils fe flattoientde triompher fans cet expediënt; par lamejoiité (*) du parti oppofé^a celui des(•iyfc feize Sénateurs qui campofoient le Sónat,• doW tenoient au fyftè.rne de 1'Angleterre & dela Kuffi.e,Aa 5


C 378 )chapeaux, par les mefures que le Sénatavoit pris pour diminuer 1'influence du cabinetde Verfailles pendant 1'entre-Diette, &enfin par les ibins du Commité fecret.Lesfonds pour la depenfe publique jufqu'a 1'année1770, étoient trouvés, fans avoir befoin desfubfides de la France.La fin de cette Diette fut marquée par lemariage du Prince Royal avec la Princefle deDannemarc. Ce mariage fe fit fous les aufpicesdes Bonnets.A peine la Diette fut elle feparée que leparti de la Cour, mit tout en oeuvre pourtroubler & divifer radminiftration & pourengager le Sénat a convoquer une autreDiette.La France offrit le payement de 4 millions& demi a condition que la Suéde renouvelleroitletraité de 1738. & fes émiffaires repandusdans différentes provinces afiuroient a toutle monde & principalernentaux païfans, que fion obtenoit des fubfides de la France toutes lestaxes nouvellement impofées feroient Ïevées.Les Chapeaux s'imaginoient que ce bruit exciteroittant de clameur, qu'on feroit obligé deconvoquer une Diette extraordinaire.En attendant on travailloit a 1'alliance defenfiveavec 1'Angleterre; mais les négotiationsavaneoient lentement, le miniftère Anglois ne


C 379 )vouloit pas entendre parler de fubfides & quelqueenclins que fuftent les Bonnets a conclurefans cette condition, ils n'oferent palfer outre,fans avoir de quoi prefenter a la nationune indemnifation des fubfides qu'ils perdroientdu cóté de la France, s'ils contradtoient desliaifons plus intimes avec 1'Angleterre. LesSuédois demandoient 50 mille t§ Sterlin.Enfin le parti de la Cour voyant que tout cequ'il faifoit pour obtenir la Convocation d'ureDiette extraordinaire étoit inutile, crut avoirtrouve' un moyen immanquable de réuffite. IIengagea le Roi a faire fcmblant de vouloir ahdiquer;dans le même tems le Prince Royal htun <strong>voyage</strong> par les provinces, oü fa populantelui gagna 1'atfedtion de tout le monde. II futengager plufieurs Gouverneurs de provinces,plufieurs Négotians, Marchands, &c. a prefenterdes adreffes par lesquelles ils fe plaignoientdes desordres, qui regnoient dans 1'admimftrationintérieure, dans le commerce &c. & parlesquelles ils prouvoient la neceffité de convoquerles Etats.Sur ces entrefaites il arrlva deux evenemensfavorables aux Chapeaux, 1'un fut la mort duComte Lowenhielm ennemi juré de la France,&quifetrouvoitèla tête de 1'adminiftration& 1'autre fut laguerreentre laRufiie&la Porte.LeRoi encouragé par les promeflè» quon


( 3»o )lui fit, refolut de ne pas diflèrer plus longtemsa mettre en exécution le plan d'une abdicationfimulée; en confequence, après avoir refufé deligner un acte, qui lui fut préfenté par leSénat, il lui écrivit une lettre, ( *) par laquelleil demandoit la Convocation d'une Diette extraordinairepour remédier aux desordre de1'adminiitration & des finances, ainfi que dudechet du Commerce, de 1'agriculture, desforges &c. dont fes fujets fe plaignoient dansles differentes adrefles prefentées au PrinceRoyal, il finiflbit fa lettre par dire:„ Si contre toute attente le Sénat refufe ma„ propofition, je me vois forcé de déclarer,, qu'en ce cas je renonce au fardeau du gou-„ vernement, que les gemiflemens de tant de„ malheureux taxes au dela de leur pouvoir,„ & 1'état déplorable du Royaume me rendent» infupor-table; me refervant lorfque mes fidè-„ les Confeillers auront affemblés les états, de», leur faire part des raifons qui m'ont enga-„ gés a me demettre du gouvernement; en at-„ tendant je defends trés pofitivement, qu'on„ fe ferve de mon nom dans aucune refbJution„ du Sénat " ;(Signê)ADOLFE(*) Le 12 Xbre 176S.FRÉDERIC.


C 381 )Sa Majefté fixa au Sénat le terme de deux foisvingt-quatre heures pour y repondre.Au bout de quinze jours n'ayant pas encoreobtenu de reponfe, le Roi fe prefenta au Sénat& demanda fur le champ une reponfe pofitive.Le Sénat demanda un repit de quelquesjours, alleguant, que le tems avoit été tropcourt pour examiner toutes les raifons pour &contreune Diette extraordinaire. Par raportè Partiele de Pabdication, ils erperoient, direntils,que Sa Majefté defifteroit d'une refolutionfi contraire aux loix & a 1'afiurarce royale deSa Majefté elle-même.Le Roi repliqua que confiderant cette reponfecomme un refus, dès ce moment il ne femeleroit plus de 1'adminiftration.A peine fut-il entré au chateau qu'il envoyale Prince Royal en grande pompe au collegede la chancellerie, pour exiger au nom de SaMajefté, qu'on lui remit 1'empreinte de fa fignature;mais on la lui refufa. Le PrinceRoyal fe prefenta enfuite fucceflïvement auxautres Colléges, y déclara que le Roi fon pèreavoit abdiqué, & remit a tous les membresune copie imprimée des raifons qui engageoitSa Majefté a cette demarche.Quatre députés vinrert fupplier le Roi dela part du Sénat de défifter de fa refolution;


C 3§2 )mais il parut inébranlable. Une fèeonde députationlui fit entrevoir que s'il fe refolvoit areprendre les rènes du gouvernement on agréroitfa propofition.Le Roi repondit que du moment que laDiette feroit la convocation, 1'Abdication feroitnulle.Les Chapeaux voyant que leurs antagoniftescommencoient a plier engagerent tous les Collégesde 1'adminiftration refidants k Stokholmde faire caufe commune avec le Roi. Le jouraprès 1'abdication le Sénat ayant demandé lesavis des différens colléges fur la conduite è tenirdans les circonftances prefentes par raporta radminiftration; ils repondirent que puisquepar les loix fondamentales du royaume, la Suédene pouvoit étre gouvernée fans Roi tout aufiipeu que fans Sénat, tout devoit refter dansl'ina&ivité jufqu'a la convocation des Etats.Le refus d'obéir au Sénat fans la concurencsdes états que firent tous ceux qui étoient chargésde la partie exécutive du gouvernementrendit cette déclaration necefiaire, enfin leSénat fut obligé de prendre la refolution fiuvante.„ Que puifque tous les Colléges avoient dé-„ clarés ne vouloir pas obeïr aux ordres du„ Sénat jufqu'a 1'afiemblée des Etats, que le„ collége des finances refufoit de donner de


C 3S3 )L 1'argent & que le Général Ferfen, ainfi queu le Collonel Elrrenswarcl commandans lesL deux régimens en garnifon a Stokholm,L avoient déclarés ne pouvoir plus repondrede robeiifance de leurs Soldats, le Sénat fe„ trouvoit obligé de convoquer une Diette pourle 19 Avril fuivant".Cette convocation dérangea les mefures dela Ruffie & de 1'Angleterre. Dès ce momenttoute négotiation au fujet du traité celfoit; leSénat n'ofant plus agir fans la participation desEtats.Les intrigues & 1'argent de la France avoientencore contribués a faire reuffir le feul moyenqui leur reftoit pour renverfer le nouveau fiftême, établi a la dernière Diette, en faveurde ces deux puilfances.D'abord que la refolution de convoquer laDiette fut prife, le Roi retourna au Sénat, oüil te'moigna fa fatisfaciion, de ce qu'on avoitenfin eu égard a fon defir & k celui de toutela nation, protefta de 1'innocenCe de fes vues& aflura, que rien ne lui tenoit tant a cceurque le falut & le bien être du royaume.La conduite hardie des Chapeaux k cette occafionprouva, que leurs chefs étoient fursd'être foutenus efficacement par la France a laDiette qui alloit «'ouvrir. L'ambafiadeur de


(s§4 yde cette puiflance a Conftantinople avoit pro*mis pofitivement a la Porte : qu'il fe feroit unediverfion en leur faveur dans le Nord; en confequencela France faifoit de fon mieux pour exciterune guerre entre la Suéde & la Ruffie.Ellerapelloit a la première fes engagemens avec lesTurcs & n'épargnoit ni foins ni depenfes pourrecouvrer fon ancicnne influence, auffi bienque pour mcttre en exécution le plan qu'elles'étoit formée de changer a la nouvelle Diettela forme du gouvernement Suédois.Elle effaya (mais envain) de détacher leDannemarc de la Ruffie & de 1'Angleterre. Onfit courir le bruit, que dans peu le miniftre deFrance auroit a fa difpofition une fomme de12 millions, dont 10 étoient déja depofésdans quatre differentes maifons a Amfterdam,pour employer en fubfides, en préfents, &c.'On engagea en même tems plufieurs négotiansSuédois, k une foufcription confidérable enfaveur du parti Francois.Des mefures auffi aftives fembloient préfager1'entier rétabliffement du fiftême Francais, & l ebouleverfement total des Bonnets.La Ruffie étoit trop intérefiëe aux événemensde la future Diette, & trop bien informée desmachinations de la France pour ne pas les contrariervigoureufement.1'An-


( Ui)L'Anglëterre avoit autorifée fon miniftre h.Stockholm, d'affifter les Bonnets de tout fonpouvoir pour gagner la majorite' de la Diette.Le Dannemarc fit caufe commune avec cesdeux puiffances, '& foutint le parti des Bonnetsavec la même vigueur que la Ruffie.yLes Chapeaux cependant avoient un avantageconfidérable fur leufs compétiteurs, danslés intrigues pour les êlecTions par la quantitéd'argent que leur fournilïbit le miniftre deFrance. Le Général Ferfen, élu Maréchal dela Diette, ainfi que tous les membres nomméspour le Committé fecrèt, étoient dévoués acette puiflance.Heureufement pour les Bonnets que les Chapeauxétoient divifes & formoient deux partis,les uns vouloient rendre le Roi abfolu & lesautres ne vbuloient'qüe fupplanter leurs antagoniftes,fans rien changer è la conttitution.Les premiers étoient connus fous le nom departi de la Cour ou-Royalifte, & les derniersfous celui de vieux Chapeaux, a la tête defquelsfe trouvoit lè Collonel Pecklinij hommetrés habile & qui avoit toujours eu beaucoupd'influence dans les differentes Diettes. Invariabledans fa fagon de- penfer, il n'adhéroith aucun parti, qu'autant que ce parti adoptoitles principes dont il ne fe departoit jamals.B b


Le premier a£te de deipotifme qu'exerca ie |Comité' fecrèt fut de cafier les Sénateurs , que1'influerjce dela Ruffie &de 1'Angleterre avoientplacés au'Sénat.rToutes les opérations de cette Diette n'aboutirentqu'a déclarer: que le feul but; auqijeijvtfoientles Anglois étant 1'Empire de la Mer &1'augmentation de leur Gpmmerce ( qu'ils. vouloientagrandir aux depends des autres nations).La Suéde ne pouvoit les confidérer comme leurvoulant du bien; d'ailleurs, quoique 1'intérêtde la Suéde fut de vivre en bonne intelligenceavec fes voiüns, il ne lui convenoit cependantnullement d'entrer en alliance avec aucun d'eux;mais qu'elle reconnoiflblt la France & la Portepour fes alliés naturels (*), ainfi que 1'Efpagne& 1'Autriche, comme étant amis de laFrance.Voila tout ce que le miniftère Fran*cois put obtenir, malgré 1'argent qu'elle avoit(*) Voici les propres paroles de Cahtzler: „Les.Chapeaux fe tenoient perfuadés que la Livönie & la„ Finlande étant de toutes les provinces perdues, cel-„ les qu'il importele plus a la Suéde de pófféder , il f av»t„ faifir, difent-ils, le premier moment favorable pour les re-„ cupérer, ilfaut donc cultiver Yamitié de la France Sn. re-„ chercher 1'appui de la Porte, la France pour les fubfides ,„ & la Porte, paree qu'en cas d'une guerre avec laRuffie, elle peut faire des diverfions utiles. Le feul„ & 1« véritable & 1'immuable ami de la Suéde, celui„ qui par fes propres intéréts eü engagé a la foutenir-„ c'eft Ia France."


prodigué. Le Collonel Pecklin & fon partiprirent foin d'empêcher une rupture avec laI Ruffie, que le Cabinet de Verfailles t&choitd'effecr.uer, & ils mirent obftacle au pouvoir, quei la France vouloit faire obtenir au Roi & aui Sénat, qui confiftoit a expédier toutes les af-Lfaires, de contradter des alliances, de déclareri la guerre dans les entre Diettes, fans être oblijgés de convoquer les Etats.Si ce plan avoit réuffi, la France étoit mai-: l trelTe de toutes les forces militaires de la Sué-]i de, qui auroient alors été employées a faire la1 guerre a la Ruffie, d'oü feroit réfultée cette:; diverfion tant défire'e en faveur des Turcs.On promit cependant au miniftère Francois,i que le royaume feroit mis en état de défenfeI & qu'on armeroit d*abord que la Diette feroitI féparée, pourvu qu'il fit payer les arrerages| des fubfides, afin d'avoir 1'argent néceflaire| pour une pareille dépenfe, & on affura la Por-| te, que fi la fituation adtuelle de la Suéde neI permettoit pas une diverfion pour le moment,1'intention cependant étoit de profiter de lapremière occafion pour reffedtuer.La France vit donc écbouer pour cette fois1 fon projet de bouleverfer la conftitution &d'exciter une guerre dans le Nord, malgré fesI .intrigues & fes louis.Cette Puiflance avoit tachée jufqu'icid'opérerBb 2


( 385 3une révolution, en y employant les membresdes Etats mêmes pour y réuffir; ils avoientprodigue's des fommes immenfes, mais cesmoyens ne re'pondirent point a leur attente.II ne paroifloit pas impoffibled'efiectuer une révolution par un coup-d'éclat,yu le caractère hafdi & courageux de la nation.Si le Roi avoit eu le ge'nie plusentreprenant; mais naturellement doux &pacifique.; il e'toit peu fait pour une entreprifede cette nature. Orne' de toutes lesqualite's qui caracïérifent 1'homme aimable dansla fociété', & doué des vertus qui font Ie bonheurd'une vie privée, Adolphe - Fréderic nepofledoit point cette efpèce d'ambition, quimêne aux grandes entreprifes; fes fentimenspatcrnels n'auroient pas foufferts la moindredemarche, qui auroit pu entrainer la ruine defa familie fi elle avoit été fans fiaccès. Ce nefut qu'avec beaucoup dè peine qu'on parvint a1'engager a cette abdication fimulée, dont j'aiparlé plus haut, & il ne s'y laifia perfuader quelorfqu'on lui en eut garanti le fuccès. •A mefure qu'il avancoit en age il ne défiroitque la tranquillité & le repos. La Franceavoit donc peu d'efpoir de faire naitre une révolutionpar Ia force ouverte pendant la vie duRoi.Le parti de Ia Cour fe promettoit beaucoup


( 3^9 )d'un <strong>voyage</strong> que le Prince royal fit a cetteépoque en France; on fuppofoit que 1'héritierde la Couronne l'-ayant entreprïs a la requifuipnexpreffe du Duc de Choifeul, ils prendroientenfemble des mefures plus efficaces pour 1'agrandilTementde 1'autorité royale.Telle étoit la fituation de la Suéde, lorfquela mort du Roi (*) donna tout-a-coup une nouvelleface aux affaires de ce Royaume. — LePrince Royal étoit a Paris au moment du de-Gcès du Roi fon père.Le titre de Roiajoutant de 1'énergie a fes négotiations , il obtintd'abord un fubfide d'un million & demide livres par an, outre lapromeffe de, 1'argentréceffaire au foutien de fon parti dans laprochaine Diette.Suivant la dernière forme de gouvernementles Etats devoient s'aflembler 30 jours aprèsla mort du feu Roi; mais a eaufe de 1'abfencede fon fucccffeur le Sénat ne convoqua laDiette qu'au mois de Juin fuivant.Ce delaifut trés favorable aux Bonnets ; ils travaillèrentfi bien & furent tellement fecondés parles miniftres de Ruffie & d'Angleterre, qu'aprèsles éleétions il parut que dans les troisordres inférieurs la grande majorké étoitpour eux.uflavelll.1771-Février 1771.EbS


C 390 )Le nouveau. Roi e'crivit au Sénat dans lestermes les plus gracieux, & les aflura qu'iln'avoit d'autre intention que de gouverner fuivantles Loix. II arriva a Stockholmvers la fin de Mai de la même année.A la veille d'une Epoque intérefiante pourla Suéde, je me réferve a vous en faire undétail dans la Lettre fuivante. Je fuis, &c.


C 39 1 ?LETTRE VINGT-ET TROISIEME.M . . .{^Jfuftave III avoit environ 25 ans lorfqu'il futproclamé Roi de Suéde. Voici le portrait qu'afait de ce Prince, peu de temps après la révolution,un homme qui a eu occafion de le connoitrede prés (*), & qui peut-être ne lui apas rendu toute la juftice qu'il mérite: „ ILparoiffoit avoir hérité de la Reine Douai-„ riere fa mère, feeur du Roi de Prune, 1'ef-„ prit & 1'habileté de fon Oncle; & du Roi fonpère , cette bonté de cceur qui rendra tou-„ jours la mémoire de Fréderic Adolphe chèreaux Suédois. Les talens qui 1'auroient„ diftingués dans toute condition, mais parti-„ culièrementadapcésal'élévation de fon rang,o s'étoient perfedtionnés par une éducation la., plus foignée & la mieux calculée a des cir»(*) Sheridan, Edlt. Angt.


C 39* 2wconftances, oü probablementil devoit fe trou-,, ver un jour. A beaucoup d'e'loquence il joignoit„ les manières les plus infinuantes. II capti-„ voit les cceurs de ceux même qui ne le voyoientqu'en public, & il emportoit 1'admirationdes perfonnes qui 1'approchoient de„ prés, par 1'e'tendue de fes connoiffances &„ la profondeur de fon jugement: Perfonnen n'avoit connu jufqu'ici 1'efprit hardi & en-„ treprenant, qui 1'a ft fort diftingué dans la„ fuite. Qui auroit ofe' fe flatter, qu'en travaillantpour fes propres intéréts, il n'au-„ roit point perdu de vue le bonheur de fon„ peuple? que fa conduite auroit toujours étéMfubordonnée a la prudence ? & que fa vie» feroit marquée par une modération auffiw eftimable qu'elle eft rare?II ne cherchoit point les plaiiirs , mais il'„ ne les haiffoit pas; au milieu de la plus forwte application du Cabinet, il confervoit la„ gaieté & 1'aifance du grand monde, il cul-„ tiva toujours avec le même fuccès 1'art de„ gouverner & de plaire, & il s'entendoitff également a gagner l'affedtion, ainfi que le» refpeci; de fes futurs fujets.„ Sous 1'apparence du patriótisme le plus1, desintereffé il cachoit une ambition auffi9 )grande que fes talens, &fous le masqué dunzèle le plus ardent pour le bonheur de fes


„ fujets il couvroit des deffeins fur leur Ü-„ berté. (*) ., Tels étoient les talens & telle etoit 1 am-„ bition d'un Prince deftiné a monter fur un"„ tróne oü il ne pouvoit difpofer de rien, qui! fe trouvoit dans un gouvernement populaire" foumis aux caprices d'un Sénat & aux loix„ diftées par un miniftre étranger. Polfedant*, toutes les qualités néceffaires pour gouvergner les autres , il n'ofoit pas même avoirL une volonté a lui. Adoré du peuple il n'é-"„ toit leur Roi que de nom, obligé de fe con-" tenter de 1'extérieur brillant de la royauté'l qu'il méprifoit, il voyoit en d,'autres mains„ le pouvoir qui étoit 1'objet le plus ardent„ de fes défirs. Rien ne pouvoit furpaffer„ les marqués de joye du peuple a fon ar-„ rivée a Stockholm, que 1'affabilité avec la-„ quelle il re?ut indifféremment tous ceux qui1'aprocherent. Jamais conduite ne fut mieux„ calculée pour étendre jufqulux bornes les„ plus reculées de fon royaume le bruit de fa',> popularité. II afluroit tout le monde que„ fon deflein étoit d'extirper la corruption &de faire naitre 1'union. II déclara ne vou-"„ loit être d'aucun parti que de celui de la na-(*) Jufqu'ici eette afiertïon paroit peu fcndée, & P»Ces fentiraens qu'il fait paroitre & par fes aftions.Bb s


C 394 )tion & promit d'avoir une obéiflanc» impli-„ cite a toutes les réfolutions de la Diette. "Peu de tems après 1'arrivée du Roi, la Francequi n'avoit julqu'ici envoyée en Suéde,qu'un Miniftre du lecond ordre, y envoya unAmbaffadeur. (*)Cependant a la Diette les Bonnéts eurent Iamajorité dans les trois ordres inférieurs, &ils étoient entièrement maitres du Commitéfecrêt; 1'ordre de la nobleffe feule tenoit pourles Chapeaux mais n'étoient rien moins quedevoués au Roi.Quelques amis qui lui étoient perfonnellemencattachés, 1'encourageoient a fuivre les mouvemensfecrêts de fon ambition & lui promirentle facrifice de leurs perfonnes & de leurs viesdans tout ce qu'il voudroit entreprendre, maisle nombre de ces amis étoit fi petit qu'a peinecompofoient-ils le tiers de la Diette , la fituationdu Roi étoit d'ailleurs délicate; a peinemonté fur le tróne il ne connoiffoit pas encoretoute l'affe&ion de fes fujets & il ignoroitla difpofition de 1'armée.Les différentes partiesde fon plan n'étant pas encore bien digerées,il étoit obligé d'agir avec beaucoup decirconfpection.gros de la nation murmurat,II ne lui fuffifoit pas que leil lui falloitC * 3 Mr. de Vergennes,


C 39$ >fon indignation contre le gouvernement adtuel; pour qu'ils devinfiènt une partie adtive en fa-: veur de leur fouverain; s'il tentoit quelqu'enitreprife, ilvouloit pourbafe de fa prop re furetéi Vattachement de fes fujets.Le Roi voyoit tous les rifques d'une conduitepre'cipitée, mais d'un autre cóté il fen-: toit auffi que de trop longs délais pouroient; devenir dangereux.. par la grande influence dei la Ruffie & de 1'Angleterre. Dans ces circon-I ftances il tint une conduite, qui fait honneur afonjugement, a fa prudence & a fa penétration,conduite qui trompa tous les partis &qui le fit parvenir infenfiblement "a fon but.II fit de fon mieux pour mettre la Diettedans un Etat d'inadtivité par les obftacles &les delais , qu'il favo'it faire naitre adroitementaux différentes réfolutions que les Etats vouloientprendre contre fes intéréts.Ses amis furent fort habilement augmenterla mesintelligence, qui regnoit déja entre lanoblefie & les trois autres ordres & empêcherentpar la qu'on ne vint a des conclufions contrairesaux vues du Roi.Les deux principaux fujets de debats dansJa Diette étoient, le reglement de 1'affuranceRoyale & la eaffation du Sénat.Par rapport au prémier article la noblefievouloit qu'elle fut t'elle que 1'avoit fignée le


( 39* )feu Roi en 1751. Les trois ordres inférieursprétendoient qu'on y fit mention des nouvellesloix crées depuis cette époque & chacun s'obftinoitdans fon avis.Suivant la forme du gouvernement tout cequi avoit été refolu par trois ordres devoit pafieren loi, lorfqu'il ne s'agifioit point des privilegesd'un des quatre ordres, mais les noblese'luderent cette ordonnance en prouvant, queplufieurs articles qu'on vouloit ajouter a 1'affuranceRoyale, étoient autant d'infraftions aleurs privileges, & parconféquent exigoient unconfentement unanime. Le Roi en refufantde figner cette aflurance fans la concurrence desNobles, faifoit trainer les affaires en longueur,& gagnoit du temps pour la réuffite de fesprojets; d'autres difficultés qui fe joignirenta celle-ci furent caufe qne la Diette devintparfaitement inaótlve & que toutes fes opérationfurent fufpendues pendant hnit mois, aubout desquels 1'afiaire de 1'aflurance fut enfinrèg'ée par la modération de quelques Chefs desChapeaux; le Roi figna en proteftant qu'il nedéfiroit que la réunion des differens partis &le bitn du Royaume.Cependant ce delai avoit été affez long pour •faire connoitre au peup'e les defauts du gouvernement,ainfi que i'ir.fbence des puiflancesétrangères, & pour mettre en avant la fagefle,'


C 397 )k desintéreffement & le Patriotifme daRoi,qui avoit fi fouvent, difoit-il, offert fa médiationpour terminer les difputes continuelles déla Diette. Sa Majeftéeut auffi tout le tempsde prendre fecrettement certaines mefures préparatoirs& néceffaires au coup qu'ilméditoit.Le parti du Roi n'avoit en attendant riene'pargné pour exciter de plus en plus la jaloufiequi fubfiftoit entre les differens ordres, & poureffeCtuer s'il étoit poffible une rupture ouverteentre eux; quelques émiffaires fe repandirentpar tout le royaume pour exciter le mecontementparmi les habitans, les détacher de laConftitution & les engager a une revolte.L'affairé de 1'affurance Royale étant linie; ilfallut encore un grand mois pour terminer celledu Sénat.Le Committé fecret accufa les fenateursd'avoir abufés de la conftance desÉtats-, en conféquence les trois ordresinferieursconclurent qu'il falloit les depofer tous,on trouva moyen de gagner le confentementdel'ordre des Nobles, & la refolution paffaunanimement.Cette adtion violente opérée par des intriguesdes Bonnets & 1'animofité des trois ordresinférieurs contre celui de la Nobleffe, accelerala révolution.La demiffion entiere du Sénat fut une a&ion


( 398 )violente & contraire a la faine politique; il auroitfuffi de s'y aflurer la majorité; les Bonnetscommirent une grande faute, en re'duifantles Chapeaux au défefpoir, dans un temps oüils ne pouvoient ignorer qu'on méditoit unchangement dans la Conftitution ; mais tel fut1'aveuglement d'un parti, qui fier des fuccès& infpirés par la haine contre leurs antagoniftes,ne penfoient qu'a les chafier de 1'adminiftrationpour s'en rendre les maitres, & attirera eux les honneurs, les dignités, les pofteslucratifs, & qui ne penfant chacun qu'a leurintérët particulier, oublièrent qu'ils avoientune Conftitution a conferver. Conduite qui enhéta le bouleverfinient & les écrafa eux-mémesfous fes ruines.. Le parti de la Cour contribua beaucoup autriomphe complet des Bonnets; il étoit bienaife de voir l'adminifiration pour un temps entreleurs mains, efpérant que 1'abahTement,dans lequel fe trouveroient les Chapeaux,changeroit la facon 'de penfer de ceux d'entr'euxqui s'étoient déclarés zèlés défenfeursde la Conftitution prefente, & que fe voyantexclus de tout pouvoir, charges & dignités,outre la perfpeélive d'être opprimés & maltraités par un parti, dont ils firent en 1755monter les chefs fur 1'échaffaud; ils fe retourneroientvers le Roi & contribueroient a faireréuffir le plan qu'il s'etoit formé.


C 399 )L'effet répondit a leur attente; la craintéque les Chapeaux eurent pour eux-merries leuri firent oublier a leur tour 1'inte'rêt de la Conjftitution;le plus grand nombre firent fecrette.; ment affurer le Roi, qu'ilSle-Tóütièndroient dans;tout ce qu'il voud-roit entreprendre, tsndisquei ceux qui s'e'toient déclarés publiqucment avec1c plus de chaleur contre le réwbliflement de1'autorité royale ,' quittèrent Stockholm & feretirèrent dans leurs terres.Du nombre de ees derniers étoit le GénéralComte de Ferfen, un des Chefs lesi plus habiles du parti des Chapeaux, & quoijque zèlé partifan de la France, il s'étoit toujoursdeclaré ardent defenfeur de la conftitutionpréfente; 1'abfence de ce Seigneur quiétoit en même temps Collonel des Gardes,fut une circonftance des plus favorables pourle Roi.Après la depofition du Sénat, il s'agiflbitd'en créer un autre; fuivant les formes préfcrittesle Roi pouvoit trainer cette nominationen longueur, & employer ce temps afaire naitre mille circonftances pour prolongerla Diette, fufpendre fes opérations & la rendreinaótive.II en profita pour raffembler un Corps d'en--viron 150 Officiers comrhandés par le 'LieutenantCollonel de Sprengporten, fous prétexte


( 4°° )4'exercice, mais dans le deflein de feles atta»eher. II gagna bientót leur confiance, aupoint,qu'ils témoignerent le zèle le plus ardentpour fes intéréts.Dans le même temps furvint une difette deblés par tout le royaume. Le parti de laCour prit beaucoup de peine pour accréditerparmi le peuple 1'opinion , que la défenfedes blés étrangers (faite par les Ecats ,) & Iepeu de foin , qu'ils prirent dé lêur en procurer,en étoit la caufe.Dans le fond cette accufation étoit penfondée, puifqu'ils avoientpris d'excellentes mefurespour Ie foulagement du peuple, en envoyantune quantité de blés confidérable auxGouverneurs des différentes Provinces,avec ordrede les diftribuer chacun dans fondifirict; maisces Gouverneurs furent gagnés; ils retinrentfous differens prétextes, dans les magazins, desblés deftinés a foulager la mifere générale.Rien ne fut mieux imaginé pour irriter iepeuple contre le gouvernement; Ie fuccès yrepondit; les murmures les plaintes éclaterentde tout cóté & le mécontemenc devint général.De cette facon non feulement on préparoitla nation a un changement, mais on le. lui faifoitdéfirer.Rien ne fut épargné pour profiterde ces difpofitions & pour exciter une revolte;


( 4 01 )volte-, différentes perfonnes fe repandirent dansles provinces & exhorterent le peuple d'aller aStokholm, expofer leurs griefs au pied duthröne; on fit Ia même chofe a Stokholm.Jufqu'ici le parti du Roi avoit agi en fecret,mais enfin il leva le mafque. On repanditdans tous les endroits publiés de la capitaledes libelles contre le gouvernement par oü l'onexcitoit les habitans a la revolte: les Bonnetsprirent 1'allarme & voulurent s'adrefier auCommitte' fecrêt, afin de prendre les mefuresnéceflaires pour fe pre'cautionner contre toutefurprife; mais le marêchal dela Diette entièrementdevoue' au Roi refufa d'en faire la Conyocation,& retarda ainfi une demarche qui^uroit du fe faire avec la plus grande celêrite'.Lorfqu'enfin le Committe s'aflembla, il envoyaordre aux Regiments è'Uplande & de Sudermanie,de fe tenir prêts a marcher. Le Collonelde Sprengporten dont les Bonnets fe défioienteut ordre de partir immédiatement pour la Finlande,fous prétexte, d'y empêc.her une rebellion,le Général Rudbeck Gouverneur de Stokholm, en qui le Sénat ( déja rétabli) avoit uneentière confiance, fut depêche'vers la Scanie,Gothenburg & Carlscrona, pour tranquiliferles• efprits &pour efpionnerles démarches des émiffairesde la Cour. Le Général Pecklin le plusbabile & le plus hardi des Chefs du parti dsSC e


C 4 0 3 )Bonnets, fut chargé du foin de prendre tellesmefures , qu'il jugeroit les plus néceffaires ala füreté de la Capitale pendant 1'abfence duGouverneur., Toutes ces précautions allarmerent le partidu Roi; lui feul parut tranquile, il fe croyoitfur de la plus grande partie de la garnifon deStocholm, & s'imaginoit n'avoir rien a craindrepour fa perfonne,Cependant pour faire réuffir 1'entreprife projettée,il falloit s'aifurer auffi des regiments de,Province. Les frères du Roi, fous différensprétextes, firent plufieurs tournées dans laScanie & 1'Oftrogothie, oü ils gagnerent laplus grande partie des troupes.II étoit néceflairede trouver un prétexte pour les raffembler.Les Princes n'avoient aucun droit legafde les commander;1'obéiffance des officiersauroit été confiderée comme crime de hautetrahifon.II falloit donc un moyen qui putles juftifier vis-a-vis des Etats, d'avoir obéi kd'autres ordres. Voici ce qu'on imagina. A unjour fixé, le Commandant de Chriftianftadt•nommé Hellicius, (») publia unmanifefteC*) ÏI y avoit déja lóngtemps que Hellicius ftoisdu fecrêt. IIavoit I'efprit entreprenant & une ambïtiondemefurée. Dans 1'efpoir de faire ft fortune, ils'attachaau Roi dont il gagna la confiance, & f Bt u ndes prin-#*paajt inflrumeng d ej 3réyolution.


( 402 )contre les Etats, dans lequel il fe plaignk dela mifère du peuple, de la cherte' de tout cequi e'toit ne'ceflaire a la vie, de la multiplicationdes taxes &c, en attribuant tout a l*influencee'trangère & a la corruption quifègnoit dans la Diette; lorfqu'il crut que lemanifefte eut produit 1'effet defire', il excita lagarnifon a fe revolter, fit fermer les portes deIa forterefie & la mit en état de défenfe; il endonna enfuite, fous main , avis au Prince Charles,qui fous le prétexte fpecieux d'appaifercette revolte, engagea les officiers des environs krafiembler leur monde, & a fe mettre fous fesordres; deforte que tout d'un coup, il parut& la têce de cinq Re'giments.Cumme ces troupes ignoroient parfaitementce qui fe paflbit a Stokholm, il ne fut pas difficilede leur faire accroire, qu'on vouloit renverferla conftitution , abölir la Royauté &établir un gouvernement ariftocratique fous laproteótion de la Ruffie, contre laquelle lesSuédois avoient eu dé tout temps une antipathieinnée.Sur ces entrefaites le général Rudbeck enfai.fant la tournee dont j'ai parlé ,arriva a Chriftianftadt,oü trouvant les portes fermées, ilcourut en pofte a Stokholm pour avertir lesEtats de ce qui fe pafibit; fur ce rapport onenvoya ordrë aux Regimèns d'Uplande & deCC 2


( 4°4 5Suderrnsnie de marcher vers la Capitale, & laCavalerie bourgeoife patrouilla jour & nuitpar les rues; deux Regimens de Cavallerie furent.envoye's pour inveftir Chriftianftadt; tandisque le Sénat fupplia Sa Majefté de ne pasquitter la villé & envoya des Couriers auxPrinces fes frères avec ordre de revenir furle champ.Le Roi affedta beaucoup de furprife' a lanouvelle de la revolte, il fit femblant d'approuverles mefures prifes par.le Sénat, pourappaifer la rebellion & pour la fureté des Etats.Comme il n'y avoit tout au plus que cinq oufix perfonnes dans tout Ie Royaume qui fuffentdu fecret, on fut entierement la dupe decette diflimulation.Sa Maj.accompagna la Cavallerie bourgeoifedans fes patrouilles : il vouloit veiller lui-méme,difoit-il, -d la fureté de la Capitale; mais enattendant il tachoit de gagner les Bourgeois,ce qui lui réuffit au point qu'au moment decififils fe déclarerent pour lui.II n'ofa rien entreprendre avant d'avoir recudes avis de fon frère Charles; enfin deux joursaprès, arriva une lettre par laquelle ce Princeluiapprit, qu'il fetrouvoit a latête de cinq re'­giments. II envoya fur Ie champ cette lettreau Sénat avec Paflurance, que ces troupes neferoient employees qu'a étouffer la revolte de


4^5 )Chriftianftadt, appuyant la requête du Princepour être authorife' & continue' dans le commandement;mais le Sénat n'y . eut aucun' é-gard & nomma un des fenateurs pour le remplacer.Le moment décifif étoit enfin arrivé, un pluslong delai auroit pu devenir funefte au Roi.. Tandis que fes émiffaires s'occupoient dans.les différens quartiers de la ville a gagner"les Soldats de la garnifon,; le Roi raffemblade fon cóté tous les officiers, qu'il favoitlui être devoués ; & s'en fit accompagnerpar les principales rues, caufant indiferemmentavec tous ceux qu'il rencontroit. Ondonna d'abord avis au Sénat de la fermentationqui fe manifeftoit partout, mais les unsfe repofoient fur les précautions déja prifes.Scne pouvoient s'imaginer qu'on oferoir. entreprendrela moindre chofe; ta'ndis que les autresqui formoient la plus grande partie intimidésparia popularité du Roi, & par 1'affectionque de tout cóté on témoignoit a fa perfonne,craignoient que fi l'on faifoit la moindredémarche pour 1'arrêter, ou qu'on fit publierquelque réfolution contre lui , on accelèreroitla revolution au lieu de la prévenir.II fut donc réfolu d'attendre 1'arrivée desRégimens qu'on avoit fait venir, & qui n'étoientplus qu'a une journée de la Capital^.Cc 3


C 4oö )Mais la même raifon qui empêchait le Sénatd'agir, obligea le Roi de preffer 1'exécution defon plan.1772, Ce fut dans la matinée.du 19 Aout, le troifièmejour après 1'arrive'e du Général Rudbeck,que Sa Majefté fe refolut de périr ou de reprendrepar la force un pouvoir dont les Etatsavoient abufés pendant fi lohgtems.Avant 10 heures il fut a cheval ,entouréd'un nombre confidérablé"d'officiers qui luiétoient devoués; il commencaPare d'Artillerie.par vifiter leLa il fit appelier le LieutenantGénéral Comte de Heffenftein,C*) 'enomma Commandant de la garnifon & lui demandafon ferment; mais celui-ci luiqu'ayant déja prêté ferment d Sa Majefté,étoit inutile d'en prêterdt:ilun fecond; puis mettantfon épée aux pieds du Roi, il fe conftituaprifonnier.II fut enfermé dans la Bibliothéquedu Chateau.En paflant a travers les rues, Sa Majefié•redoubla de politeiTe & de familiarité inverstous ceux qu'il rencontroit; a fon retourau chateau, il trouva les deux gardes occupéesa fe relever, il en fit entrer lesofficiersau Corps de garde, & leur adreffant laparoit avec cette éloqnence qui lui eft fi natu-(*3 H étoit fils naturel du feu Roi ; c'eft le mêmequi aftuellement eft gouverneur-général de la PomeranieSuédoife.


4°7 >relle; il leur dit i que fa vie étoit en cianger,:il leur peignit dans les termes les plus énergiquesle trifte état du Royaume, 1'efclavage fouslaquelle la nation gémiflbit par 1'influence de1'argent étranger, la diffenfion qui regnoit dansles états, qui avoit prolongée la Diette pendant14 mois , & la mifere du peuple; il lesaffura, n'avoir d'autre but que de remedier aces defordres, banir la corruption, retablir laliberté & faire revivre 1'ancien luftre du nomSuédois, terni depuis lóngtemps par une venalitéhonteufe. Puis les aflurant dans les termesles plus forts , qu'il renoncoit pourtoujours a un pouvoir abfolu ou a ce que lesSuédois appellent fouveraineté, il conclut parces mots: „ Je fuis obligé de défendre ma„ propre liberté & celle de mon Royaume„ contre 1'Ariftocratie, qui règne fi defpoti-„ quement. Voulez-vous m'être fidèles comme„ vos ancêtres le furent a Guftave Vafa & a„ Guftave Adolphe ? en ce cas je rifquerai ma„ vie pour votre bicn-être & pour celui de„ ma patrie." Les officiers, la pluspart jeunesgens & attachés au Roi, lui prêterent d'abordle ferment de fidélité & promirent de lefuivre partout oü il voudroit les mêner. II n'yen eut que trois qui refufèrent. Un d'euxnommé Cederftroom, Capitainë aux Gardes,allégua: „ Qu'ayant prêté ferment de fidélitéCc 4


C 403 )„ aux Etats, il ne pouvoit faire celui que Sa„ Majefté exigeoit de lui." Le Roi le regardantfixement, lui dit: Pen/és d ce que vousfaites. „ J'y al bien penfé, (répondit Ceder-„ ftroom) & ce que je penfe aujourd'hui, je„ le penferai encore demain. Si j'étois capa-„ ble de fauffer le ferment que j'ai fait aux„ Etats, je ferois auffi en état d'être infidèle„ a celui que je prêterois a Votre Majefté."Le Roi alors lui demanda fon épée, craignantcependant 1'impreffion que 'la conduite réfoluede Cederftroom pourroit faire fur les autresofficiers il lui dit d'un ton plus doux: Quepour lui prouver fa conftance & la bonne opinionqu'il avoit de lui, il lui rendroit fon épéefans exiger de ferment, pourvu qu'il voulutfeulement 1'accompagner. Mais Cederftroom,d'un ton ferme, lui répondit: „ Que Sa Majefté„ nepouvantpas feconfier en lui ce jour-la, il„ prioit trés-humblementd'êtredifpenfédetout„ fervice ". H fut envoyé aux Arrêts.Le Roi, fuivi de tous les officiers voulut s'adreflerenfuite aux foldats, mais ceux-cifemblerentirreTolus & inquiets. Sa Majefté furpris,s'arrêta & parut héfiter. Ce momentfut critique. Un Sergeant décida de la réuflïte,en s'écrknt: Tout ira bien, vivc Guftaver Le Roi répondit immédiatement: En ce casj'en cours les rifque. Puis s'avan?ant vers-


les troupes, il leur fit a peu prés le même difcoursqu'aux officiers & avec le même fuccès.— Les foldats répondirent par des acclamations.Une feule voix cria non, mais on n'yfit pas attention.Les officiers firent fur le Champ affembler,par ordre de Sa Majefté, le régiment des gardes& celui d'artillerie. En auendant le partidu Roi, faifoit courir le bruit qu'il avoit étéarrêté. A cette nouvelle ia populace couruten foule' au Chateau & témoigna par les plusvives acclamations la fatisfaétion de le voir enliberté.Les Sénateurs affemblés dans la chambre duConfeil, entendant le bruit & voyant par lesfenêtres ce qui fe paflbit, defcendirent pour enapprendre la raifon; trentefix grenadiers, la bajonetteauboutdufufilles firent retrograder dansla falie d'oü ils étoient fortis, & les y en fermerenta clef; de'a on les fit palier dans différensapartements , d'oüils ne fortirent que trois joursaprès, le Roine jugeant pas a propos qu'ils affiftaffenta la nouvelle affemblée des Etats •, cependantils ne manquèrent de rien; il leur fut permisde fe procurer dans leurs arrêts toutes lescommodités néceffaires; le Roi eut même 1'attentionde faire affurera leurs époufes &a leursfamilies, qu'il ne leur arriveroit aucun mal &Cc 5


C 4i° )qu'ils en feroient quittes pour une détentioqde peu de jours ;— il tint parole.Le Roi remonta a cheval, fuivi de tous lesofficiers , 1'épée a la main, d'un détachementde foldats & d'une grande quantité de populace.A mefure qu'il arrivoit aux différentsquartiers, oü étoit poftée une partie de la garnifon, il leur faifoit prèter !e ferment de fidélité'.II répétoit partout qu'il n'avoit d'autre deffeinque de les défendre & fauver le pays ; ajoutant:que s'ils n'avoient point de confiance en lui,il défifioit de fon entreprife & fe demettoit dela Couronne. Chacun fe jettoit a genoux &le frpplioit les larmes aux yeux de ne point lesabandonner.Dans 1'efpace d'une heure Ie Roi fe renditmairre de tout le militaire de Stockholm. IIfic diflxibuer des cartouches aux foldats, fitplacer du canon a toutes les avenues, ponts,&c., & pcrfonne n'öfa fortir de la ville fansun paffe-port figné de fa main.II fit en rr.ême temps diftribuer un manifefte, oü51 exhortok les bourgeois Óctous les habitans a latranquillité, & depécha un officier auxrégimensd'Uplande & de Sudermanie, quin'étoient qu'iune petite diftance de Stockholm, avec ordrede retourner dans leurs quartiers, & au Commandantde venir dans la Capitale. On obéitfans


C 411 )Ja moindre diflkulté, paree que perfonne n'öfantfortir de la ville, officiers & foldats e'toiéntdans une parfaite ignoranee de ce qui s'y paffoit,& que 1'ordre qu'il recurent étoit dansla forme ordinaire, contrefigné par le Sécrétaired'Etat; mais ces mêmes Régimens, fur quiles Etats avoient le plus comptés, ayant étébientót informés de la révolution, demandèrentde prêter le ferment de fidélité a Sa Majefté.„ Ainfi le Roi qui s'étoit lèvé le matin,„ le Prince le plus limité de 1'Europe fe',,"rèndit dans 1'efpace de deux heures, non„ moins abfolu a Stockholm, que le Monars,que Francois 1'eft a Verfailles, ou le grand„ Seigneur a Conftantinople (*). Le peuple„ vit avec la plus grande fatisfadlion le pou-„ voir d'une Ariftocratie, dont il avoit éprou-„ vé toute 1'infolence transféré entre les mains„ d'un Roi, qui poflëdoit leur amour & leur„ attachement" (t)-Le Roi continua a vifiter les différens quartiersde la ville, fa fuite devenoit d'inftant eninftant plus nombreufe, chacun s'eropreffoitd'attacher autour du bras gauche un mouchoïrCette afiertion pouvoit être vraïe pour le moment.(f3 Sheridan, Edit. Angloife.


( 412 )blanc, fignal que Sa Majefté avoit donné pourreconnoitre fes amis.II recut enfuite les fermens du Magiftrat &des différens Colléges, & patrouilla lui-mêmependant toute la nuit, tandis que la garnifonrefta fous les armes.Le Roi réfolut de faire prêter ferment a toutle peuple en corps, précaution qu'il ne crutpas inutile, vu le caradtère rétigieux de Ianation. —- La publication en ayant été faite,des milliers de perfonnes, s'affémblèrent deuxjours après Ia révolution, dans une trés grandeplace.Le Roi y parut a cheval, 1'épée è lamain. II fic un difeours trés pathétique:(d'une voix fi claire & fi diftindte que perfonnen'en perdit une fyllabe) il déciara, qu'iln'avoit d'autre intention que de rendre la tranquillitéa fa Patriepar 1'abolition d'un gouvernementAriftocratique, de faire fenaitre laliberté & remettre en vigueur lesanciennesloix, telles qu'elles étoient avant 1'année 1680.renonce, dit-il, o toute idéé de pouvoir„ abfolu ou Souverainetê, mettant ma princi-„ pate gloire de me regarder comme le premier„ Citoyen d'un peuple véritablement libre. " Ufut interrompu par des vivesacclamations.L'éloquence dont le difeours du Roi étoit accompagné,le rang de citoyen dans lequel il ferangeoit lui-même, legrand, le beau mot de


C 4 r 3 )iibertê, fi flatteur pour un peuple, qui fe fentopprimé, les belles phrafes de renoncement ala Souverainelé, de bonheur du peuple, prononce'esdans la langue du pays, qu'aucun Roide Suéde n'avoit plus parlé depuis Charles XII,arracha des larmes de joye a la multitude affemblée.Dans le même tems des hérauts proclamèrentdans tous les quartiers de la ville une affembléedes Etats pour le lendemain, declaranttraitres a la patrie tous les membres dela Diette qui n'y comparoitroicnt point.Sa Majefté y parut dans tout 1'éclat de laRoyauté entouré de fes gardes, tenant en mainJe fceptre d'argent de Guftave Adolphe. Sonharangue fut énergique. Après avoir fait unepeinture, (peut-être exagérée) dumalheureuxétat de la natioH, occafionnée par les excèsd'un parti qui avoit voulu tout facrifier a fonintérêt & a fon ambition; il reprocha auxEtats leur honteufe cupidité & la bafiefie d'uneconduite- mefurée fur la quantité d'orétranger avec lequel on pnyoit leur perfidie.Si quelqu'un, dit-il, 6fe me démentir, qu'il feleve & qu'il parle. Perfonne n'ayant répondu,foit par conviction, foit par crainte ; il ordonnaau Sécrétaire de faire la ledture de la nouvelleforme de gouvernement, qu'il fouméttoit,dit-il, a 1'approbation des Etats.


C 4 T 4 >Ce nouveau reglement confiftoit en 57 articles; je ne ferai mention ici que de cinq.i°. Le Roi eft maitre de convoquer les Etats& de les faire féparer toutefois qu'il lejugera a propos.2 0 . Sa Majefté feule a la difpofition de 1'armée,de la flotte , des finances & detous les emplois civils & militaires.3°. Dans le cas d'une invafion & dans touténéceffitépreflame, le Roi peut impofer destaxes, fans attendre 1'aflemblée des Etats.4°. II n'eft permis de délibérer dans lesDiettes fur aucun fujet, que fur ceuxqui font propofés par le Roi.5 0 . Le Roi ne fera point de guerre offènfivefans le confentement des Etats.Lorfque tous les articles eurent été lus, SaMajefté demanda, fi les Etats vouloient 1'approuver?On répondit par une acciamationgénérale : Ces mêmes Bönnets qui peu dejours auparavant étoient fi fiers, qui faifoientla loi au Royaume, qui parloient d'arrêter leRoi, fe montrèrent a cette occafion d'une foumifiionaufii baffe que leur conduite avoit étéorgueilleufe.Le Maréchal de la Diette & les orateurs desquatre Ordres fignèrent la nouvelle forme dugouvernement, puis les Etats prêtèrent au Roiun ferment, dont Sa Majefté avoit dictée eliemêmela formule. — Enfuite il déclara toutes


( 415 )les places des Se'nateurs vacantes, ajoutant,que dans peu de jours il en nommeroit d'autres.Cette fcène extraordinaire finit d'unefacon non moins fingulière. Tout-a-coup leRoi tira de fa pocheun petit livre depfeaumes,& après avoir öte' la Couronne il entonna leTedeum, Tous les membres de l'aflèmbléejoignirent trés devótement leurs voix a la fienne,& la falie rétentit d'adtions de graces, quicertainement ne purent monter au ciel, fi lafincérité devoit les y porter.Le lendemain le Roi remit en liberté' ceuxqui avoient été arrêtés, après qu'ils eurentprêtésferment de fidélité, excepté le GénéralPecklin ( *).Le Comte de Hefienftein écrivit au Roi pourlui demander fa demiffion: . . . Après avoirdéduit a Sa Majefté les raifons qui 1'ont obligéa lui défobéir, il finit ainfi fa Lettre: • ' -9 IVous ave's outragé mon cceur, un mos„ m'eut fait voler a vos cótés, il y a eu„ un complot contre votre perfonne, & vous„ ne me le dites point? je ne 1'ai appris que„ hier au foir dans la Lettre dont vous m'honorates;vous ne me donnés d'autre motif-C*D II fut relaché le 12 Février de 1'année fuivante,& garda fon régiment, mais peu de temps aprè* il denacdafa demiffion,


(4iO„ que de rétablir la Conftitution de Guftave„ Adolphe. Au temps pre'fent ce pourroit„ être celle de Charles XI, cela me fit pren-,, dre le parti que j'ai pris; il ne me refte plus„ qu'un fecond, qui eft de remettre mes em-„ plois; la plume me tombe des mains. " ~Cependant quelque temps après il fe raccommodaavec le Roi & lui prêta le ferment.Tous ceux qui avoient contribuês a faireréuffir la révolution furent ge'nêreufement recompenfés,mais perfbnne ne fut puni. PlufieursBonnets obtinrent des poftes de confiance &lucratifs, & Sa Majefté en donna même aquelques-uns de ceux quia la Diette de 1755avoient le plus févis contre 1'autorité royale.Parmi les Sénateurs qui formèrent le nouveauSénat, le Roi en plaga de tous les partis.Le Capitainë Hellicius, qui avoit été le premiermobile de la Tévolution, par fa conduitea Chriftianftadt, reeut (avec le rang de Collonel)le furnomde Guftafs-Schildt, c'eft-a-dire,Bouclier de Guftave.- il fut anobli avec permisfionde porter dans fes armoiries un Bouclier,au milieu duquel eft un G.Le Collonel de Sprengporten fut crée Commandeurde 1'Ordre de 1'Epée, a la tête deS Re'giments d'Infanterie & d'un Régiment deDragons, avec lefquels il arriva de Finlandepeu de jours après la révolution. II y avoitété


C 4^ )«ét'é envoyé par les Etats, & au lieu d'appaiferïes troubles, comme portoient fes ordres, iltravailla fi bien en faveur du Roi qu'il parvinta raffembler ces troupes dans Pintention defoutenir la re'volution; des vents contrairesi'empëchèrent d'arriver a temps; heureufementil trouva tout achevé. Lorfque Sa Majeftéapprit fon arrirée , il alla a fa rencontre & luipréfentant le grand Cordon jaune: AcceptêsMonfieur,' lui dit - il, ce gage de ma recon'noiffance,vous l'avés bien mérité. Quelques joursapr-ès il lè ncmma Lieut. Général & Chef des•Gardes-.'Le Roi fit enfuite publier une proclamation,ïëndante a abolir les noms odieux qu'on avoitemployé jufqu'ici pour defigner les differenspartis , qui avoient pendant fi ldngtems portésle trouble & Te défordre dans le Royaume. Le'Rói vouloit qu'il n'y eut déformais qu'un feulparti: celui du véritable patriotifme, & quéchacun réunit tous fes effbrts pour le bonheur& le bien-être de la patrie.zi Dimanche 23, toute la familie Royale affi-•ftaau Te Deum ,qui fut chanté dans la Cathédra-Je. On n'y pria que pour Leurs Majeftés& pour la familie Royale. Pour la premièrefois on ne fit aucune mèntioh des Etatsynïdu Sénat.Les Princes Charles & Fréderic, êc quèl-Dd


( 41» )ques Généraux affidés, prirent dans les provinces,au nom du Roi, le ferment de fidélitédes Troupes, des Colléges, &c, & dans peude jours la nouvelle Conftitution fut reconnuepar tout le Royaume.A leur retour dans la Capitale le PrinceCharles (*) fut décoré du titre de Duc de Sudermanie,& le Prince Fréderic de celui d'Oiirogothie.Ainfi s'acheva une révolution, qui rendit auRoi tout le pouvoir qu'on avoit óté a fes ancêtres,& qui bouleverfa une Conftitution établieen 1720 d'abord après la mort de CharlesXII, pour protéger, difoit-on alors, la libertéde la nation contre le defpotifme desRois.Charles XII avoit fans doute abufé de fonpouvoir; il ne 1'employa que pour afiouvir fonambition deméfurée, & la confe'quence en futqu'il ruina fon Royaume.Sous prétexte d'abolir le defpotifme, le Sénat,foutenu de toute la Nobleffe, profitant du mécontentementde la nation, fit fibien: que les Etatsbornèrent 1'autorité Royale au point,que le Roi nedevintalafinqu'un perfonnage de repréfentation.Pen a peu la fureur des deux partis , acharnésa fe fuplanter & a fe détruire, produüït uneC*3 H fe maria vers Ia fin de 1773 avec une Prin»ceffc de Holilein-Eatin.


anarchie complette. La nation fe fentit enfin oppriméepar une Ariftocratie, dont 1'adminiftrationtirannique eft toujours plus infupportableau peuple que le defpotifme d'un Roi & furtoutd'un Roi conque'rant, dont iladmire les grandesa


( 4 2 ° )L'Ordre des Nobles réfolut de faire frapper'une médaille" en mémoire de cet événement.Les trois autres Ordres demandèrent la faveurde pouvoir y contribuer.-Le 9 Sept. le Roi anhonga la féparationde la Diette & une nouvelle aiTembléepour 1'année 1778. Sa Majefté fit notifier1'heureufe réuffite de cette révolution a toutesles Cours.Le Baron de Lieven, Lieut. auxgardes Suédoifes & en même tempsofficierdans le régiment Royal Suédois en France, futchargé d'en porter la nouvelle a Verfailles, cequi lui valut, de la part de Sa Majefté Très-Chrétienne, le brevet de Collonel.Lorfque la Diette fut féparée, le Roi fongeaa établir une adminiftration fixe & a féparer lesdifférens departemens, de facon que tout ferapportat directement a lui. Le Sénateur Comteülrichde Scheffer devint préfident de laChancellerie, & il eut dans la fuite le departementdes affaires étrangères.Sa Majefté prit fort a cceur 1'adminiftrationde la Juftice.La torture, coutume barbare& honteufe pour 1'humanité, dónt on avoit faitun fi horrible ufage a Ja révolution manquée de1755, fut entièrement abolie. Le ChancelierdeJuftice Liijenftrale (*),fut chargé de rechercher &C * ) Magiflrat qui fait en Suéde les fonflions d'Ayc-«at-Fiscal ou Procureür-Général.


( 421 )de corrigerles abus, qui avoient journellementlieu dans les Cours provinciales. Toutes lesprévarications & lenteurs furent punies févèrement,fans exception de perfonnes.Les finances furent en particulier un objetdont le Roi s'occupa beaucoup. II établit uneCommiffion pour règler les revenus & les dépenfespubliques, & fit travailler a un planpour réahfer 1'énorme quantité de papier &ranimer la cicculation du numeraire. IIenvoya du bied dans toutes les provinces & enpermit la libre imporcation pour diminuer lacruelle difette qui règnoit dans tout le Royaume.Pour la même raifon il défendit ladiftiilation du brandevin, préférant de faire venircette liqueur de 1'étranger, a la confommatkmdes grains que cette diltillation exigeoit.Mais la branche a laquelle il s'appliqua leplus fut celle du militaire. II envoya desIngénieurs pour examiner les forterefles& les places frontières en Suéde & enFinlande. Le Roi fe defioit trop du partianti-Royalifie, qui malgré fon écrafement fubfiftoittoujours, pour ne pas fe tenir en gardecontre cette puiflance qui avoit garantie 1'ancienneconftitution, malgré les difpofitions pacifiquesdont elle 1'avpit aflurée (*).(*) La Ruffie garantitla forme du gouvernement 1'an-Pd 3


C 422 )Au commencement de Novemfare Sa Majeftéfuivant la coutume des anciens Rois partitpour recevoir 1'hommage des différentes provincesde fon Royaume accompagné du Ducd'Oftrogothie, après avoir confié le foin de laCapitale au Duc de Sudermanie. Dans cettetournee il viftta les chantiers de Carlscrona,les éclufes de Trolhetta, les fortifications'des places frontières, les magazins & fit larevue des troupes. II s'informoit exaftementde tout ce qui avoit quelque relation avec 1'adminiftrationintérieure des provinces, écoutoittoutes les plaintes, parlant indiféremment avecla plus grande familiarité a tout le monde, &témoignant continuellement la fatisfaclion laplus vive de fe voir maintenant a la tête d'unpeuple libre. II fut regu partout avec des grandesacclamations & les témoignages de la joyela plus fincère. On croyoit voir en lui un fecondGujlava Vafa, & on comparoit 1'oppreffionde 1'ariftocratie, dont il les avoit delivré,k la tjrannie d'un Chriftierne.Sa Majefté de retour a Stokholm a la fin deDecembre, y trouva la Reine Douarière famère, qui étoit en Allemagne au moment deIa révolution. 1'Entrevue fut fans doute intéreflante.Au milieu de la fatisfadtion qu'elleéprouva, de revoir fon fik revetu de 1'autoritéfouveraine, fans qu'il en eut coutéune goute de f an g5cette PrincefTe fe rapclia


( 4 2 3 )Fans doute la malheureufe réulïïte d'un planformé 16 ans auparavant, oü elle fe comportaavec tant de courage, (*) & quiconduifit fur I'échaftaut après les tourmens lesplus cruels fes plus fidèles & plus zelés fcrviteurs.— 1Les habitans de la Capitale voulurentcélèbrer par des rejouiffances publiques1'heureux retour de leur Monarque , mais ille leur defendit; il leur témoigna qu'il verroitavec plaifir dans ce tems de difette employer1'argent deftiné pour des fêtes, aufoulagement de tant de malheureux que renfermoitla capitale : Sa Majefté leur donna 1'exemplepar toutes les peines qu'il prit pour diminuerla mifere. H «ra quantité de grains desmagazins de la Couronne, & les fit diftribuerdans la Capitale & dans les provinces en yajoutant des fecours en argent.Le Roi confacra les fix années d'entre - Diettea affermir la nouvelle conftitution. II fevoua h 1'adminiftration avec une adtivité inconcevable.11 fit quantité de nouvelles ordonnancespour encourager le commerce & 1'agriculture,ainfi que les fabriques & les manufadtures, & s'attacha particulièrement a la recherchedes moyens propres pour prevenir(*)Elle offrit d'accompagner le Roi a cheval, s'ilavoit voulu fortir du Chateau & payer de fa perfonne,dans le moment le plus critique. Mem. d'un Gentdhem rme Suédois, pag. 160.Dd 4


C 4?4 )les famines & les difettes, auquel ce Royaumeeft malheureufement fi fouvent expofé.- T 773- Ii établit a Stokholm, ainfi qu'a Gothenburgdes atteliers publics oü tous les pauvresen travaillant pouvoient trouver leur fubfiftances.Ces atteliers furent fournis de matièrespremières propres a quelques manufactures,& Sa Majefté eut la fatisfaction de voir déja ala fin de 1773. 1200 perfonnes occupées danscelui de fa Réfidence (*). JJ facilita de plusen plus 1'entrée & 1'importation des grains, défenditfevèrement aux particüliers d'en fairedes magafins, & prevint tout monopole a cetégard. Malgré tous les foins qu'il prit pourprocurer a la nation 1'abondance du néeefiaire,il ne put empêcher le mécontentement & lemurmure qui éclata en quelques provincesd'une facon affez violente. Le peuple & principalementles païfans ne pouvoient fupporterla défenfe de diftiller eux -même une iiqueur alaquelle ils étoient fi fort attachés & qu'ilsétoient obligés de fe procurer maintenant a unprix fort chèr puisqu'elle venoit des pais étrangers;pendant les trois premières années leRoi refta ferme dans fa refolution, & f utplus' C*3 Mr. Edonard Ranneberg Secrétaire de ïa Bourgeozfiede Stokholm,q n ej- a i e a OCcaCon de citer , nfujet delapopuiaüonCPage2 9 0f u cnommé BireftesrJe cette maifon.


( 4*5 )d'une fois obligé d'envoyer des troupes pour.reprimer des émeutes a cette occafion; ce nefut qu'en 1775, qu'il donna la permiffion de\recommencer les diftillations dans le Royaume;mais en les declarant régales,affermer au profit de la Couronne.il voulut lesComme ilne fe préfenta pas affez de fermiers, il refolut defaire braffer le brandevin pour fon compte. II fitacheter tous les uftenciles, qui avoient fervisautrefois dans les brafferiesparticuliércs, &ftatua des peines rigoureufes contre ceux quitransgrefïeroient les defenfes contre la diftillation.L'entréc des brandevins de France , & d'autrespais fut defendue &on commenea a vendreau profit de la Couronne.Les pa'ffans envoyèrentde tout cóté des députations au Roi pourreclamer 1'ancienne coutumg de brafier cuxmêmela quantité néceffaire a leurs befoins,mais Sa Majefté n'y eut point d'égard & lemécontentement s'accrut au point,que même aStokholm, on fut obligé de placer des gardesaux brafferies Royales, pourempêcher touteviolence; les habitans du Royaume & principalementceux de la Campagne, ne vouloier.tpas être gènés dans la confommation d'une b-queur, qui par 1'habitude leur eft devenue finéceffaire; ils comprenoient que la quantité deBrandevin feroit deformais reglée fur celle desgrains, Ils leur revenoit plus cher & n/e*Dd g


( 426 )pouvoient avoir autant,q u eIorfqu'ils lc diftilloienteux - mêmes.Le Roi prit des ibins particüliers de toutce qui regarde le Commerce, & 1'encourageaautant qu'il fut en fon pouvoir.Pour en faciliterles progrès, il créa un Collége fous lenom d'Expédition du Commerce, oü toute lesaffaires de negoce & de finance devoient êtrereglées.Le Confeiller de Commerce JVeflerman,en fut nommé Prefident, avec le titrede Secrétaire d'état pour le Commerce. Le Roil'ermoblit& lui, donna le nom de Liliencrantz.La petite ville de Marflrand, fitue'e a la merdu Nord fut déclarée Port Franc, &'on établita Stokholm un bureau de difcompte pourfaciliter la circulation des efpèces, & toutesles opérations du Commerce. ( *)Ce qui continuad'occuper le Roi avecle plus d'intérêt, ce fut la partiemilitairetant de mer que de terre; Sa Majefté prit la refolutionde renouveller entiérement la flotte,qu'il avoit trouve' dans un état delabré, &qu'il réufiit a mettre dans peu d'années fur unpied trés refpeftable.II changea les régiemensde la marine , leva un nouveau Corps deMatelots, les forma par des continuels exercicesfous Ja direétion & les ordres de 1'Amiralmangel,a qui l adireclion de la flotte & deC*31 Quelques années après le Roi en établit tin parer& Ootnenburg,


(4=7 ytoutes fes dependances fut confiée en chef, tandisque celle des chantiers fut donne'e a 1'AdtniralTer Smeden.Jufqu'ici ces deux departcmens avoient étéjcombinés fous un collége d'Amirauté, auqueli toutes les différentes parties de la marine fejrapportoient, & qui decidoit fouvent en dernierreffort. — Le Roi ordonna que dorefna-Ivant les deux chefs, qu'il venoit de nommerne s'adrefferoient i&k lui, & ne laiffa auCollége , que le foin de faire pourvcirh tout ce qui étoit jugé néceffaire pour iaflotte ou pour les chantiers; il lui laiffa auffi laprérogative de former une nomination auxI places vacantes.Ce Collége eft compofé de deux Amirauxi & de quelques officiers du premier rang.Pour faciliter les travaux en faveur de la| marine guerière & marchande, il fut defendu! dans tous les chantiers du Royaume d'y batiri pour 1'étranger.! L'Armée de terre qui fe reffentoit auffi bienque la marine, de la mauvaife adminiftrationdes temps Ariftocraüques avoit befoin d'unegrande reforme. Le Roi corrtmenea par donnerdes nouvelles armes a tous les Regimens,les fournit de manteaux, & leur procura destentes; enfuite fous 1'infpeftion du FeldmaréchalComte de Heffenftein, il leur fit appren-


C 428 )dre un nouvel exercice , & dans différensCamps qui furent formés, il fe plut a les fairemanceuvrer lui-même dans toutes les pariiesde la tactique adoptée généralement enEurope.Depuis longues armées les places militairesavoient été venaies; le Roi comprit qu'onpouvoit être riche & trés mauvais officier, quecet abus laifibit le mérite dans i'oubli, décourageoitceux qui fe fentoient du talent, &rabaiffoit un Etat dont 1'honneur & la capacitédoivent être la bafe. - Cependant il foumic fonidéé a 1'armée même, & il eut la fatisfaclionde voir que fa propofition fut recue avec uneapprobation générale; les avancemens ne fefirent donc plus que par rang d'ancienneté,s'il fe trouvoit foutenu par la capacité requife.Sa Majefté s'attacha non feulement a rétablirla difcipline, & le bon ordre dans fon Armee, mais il foigna auffi pour le bien êtrepréfent & futur des differens individus qui lacompofoient. II hauffa la paye des officiers, & fit des regiemens, pour qu'après uncertain temps de fervice , les bas officiers &les Soldats euffent du pain affuré peur tearvieilleffe.Pour être plus a même de faire exécuter fesordres arec premptkude, le Roi transfers, a


i 439 5Stockholm le College d'Amirauté, qui avoitjufqu'ici réfidé a Carlscrona.II cafia 1'ancien Confeil de guerre, & encre'a un autre fous le ture de Collége de guerreCe nouveau Collége fat compofé du Généralen Chef de 1'Artillerie , du Quarticr-Maitre-Général, du Direéteur des Fortifica-•tións, & de quelques Officiers de .l'Etat-Major,& fut obligé de réfider auffi a Stockholm.Les fortifications des villes de Chriftianftadt,Malmoë, Landscrona, & des ForterelTes tantde la F.nlande que du cóté de la Norvége, furentmifes en état de défenfe & pourvue d'artillerie,qui depuis longues années netoit pasfortie des magafins.Le Roi fit des fréquens <strong>voyage</strong>s dans les provincesdu Roy aume,s'y faifant rendre a chaque fois uncompte exaft de 1'état des fabriques & des manufaclures,ainfi que de la poUce intérieure, foutenantchacun dans fes droits &priviièges spuniflantrigoureufementtout acte d'injuftice bien prouvé.Dans une de ces tournees le Baron de H.. • -Gouverneur de la Nericie, fut accufé de malverfation-,Mr. de Liliencrantz recut ordre d enprerdre des informations; & le délit ayant étéprouvé le Baron de H...• fat demi de fa charge.On n'eut égard ni a la faveur, dont jufqu'iciil avoit joui auprès du Roi, ni des liaifonsd'amitié qu'il avoit eu avec Mr. de Luien-


C 430 )cfantz. Le même fort échut aü Sénechal &au Tréforier de la Dalêcarlie; convaincus deprévarication, quoiqu'attachés aux plus illuftresfamilies du royaume, ils furent caffés. Plufieursexemples de cette nature rendirent lesJuges plus circonfpccTs, plus incorruptibles& plus attentifs a une adminiftration impartialede la Juftice. Mais ce qui achera d'enimpofer a tous les tribunaux, ce fut la fenten«ce prononcée contre une des premières Coursde Juftice, celle d'Oftrogothie, re'fidente a Jenköping.Ayant e'te' accufée de plufieurs aftesd'injuftice, le Roi nomma outre Mr. de Liliencrantzune Commiffion de deux Sénateurs& d'un Sécrétaire pour examiner les chefsd'accufation; enfuite 1'affaire fut portée devantle Sénat a Stockholm, oü les différens membresaccufés furent obligés de comparoitre & obtinrentla permiflion de fe défendre. Leur caufe y futplaidée publiquement en préfence du Roi, quiouvrit la première féance par un trés beau difeours,qu'il finit par ces mots .< „ Je vous ai„ délivré d'une oppreffion oü tout jufqu'a la„ Juftice étoit venal. J'ai fait des régiemens„ pour que les droits du moindre de mes fu-„ jets fuflent refpeclés; ces Loix fe trouvent„ enfreintes. Je dois a la poftérité un grandv exemple de Juftice. "N'ayant pu fe juftifler: quatre membres


( 43i )rent cafle's & quelques autres fufpendus deleurs foncbions pendant plufieurs mois.Ces adtes de Juftice, joint a fa grande popularité,étoient caufe que fon arrivée infpiroitla plus vive joye aux habitans des provinces;id'autant plus qu'il abolit les corvées de pofte,l auxquels les payfans devoient fe foumettre,lorfque le Roi ou quelqu'un de la familie Royale<strong>voyage</strong>oit. — II s'obligea pour lui & pourfa familie a payer le prix des chevaux & duvoiturage fur le même pied qu'un fimple particulier.En travaülant fans relache a tout ce qui tendoitk perfeótionner les différentes branches- de1'adminiftration, il n'oublia point ce qui pouvoitavancer 1'Agriculture & augmenter la Population.II fit écrire aux miriiftres de Suéde,I réfidans aux différentes Cours de 1'Europe, des'informer le plus exadtement que poffible de laquantité de Suédois qui fe trouvoient dans lespays étrangers, ainfi que des raifons qui lesavoient engagés a quitter leur pays natal^teurfaifant promettre des avantages & des établiffemensen cas qu'ils vouluffent revenir. Si cettedéclaration fitpeu d'effet pour le retour de ces émigrans.ellecontribua du moins adonner des lumièires fur la caufe du depeuplement d'un pays, oürien ne doit être négligé pour 'fixer les habitans.Le Roi fit affigner la ville XEckelJluna,


C )pas loin de Stockholm , a une petite Co*lonie, qui.-attirée par les avantages qu'orilui promit, quitta Solingen dans le Duché deBerg pour venir en Suéde, Ils y établirentune fabrique -d'épées, de fabres, de. bajonettes.Outre 1'augmentation de population, cette Corlonie procura encore 1'avöntage de pouvoirconferver .dar/s le pays les grandes fommes quipaffbiént annuellement dans 1'étranger pour1'achat de ces armes.Une fociété de citoyens., zèlés pour le bierlpublic, ayant a leur tête le Duc de Südermanie,fe réunit par Pehcoura'gement & fous' laproteclion fpéciale^e Sa Majefté. Elle prit letitre de Sociêté Patriotique,'.'& pour. devife PróPatria. La population, 1'agriculture, le foulagementdes ne'ceffiteux & tout ce qui tient h1'ceconomie intérieure fut de fon reffbrt.Sa Majefté en travaillant avec ur-c affiduitéétonnante a tout Ce qui pouvoit cöhtribuer aübien-être de fon Royaume & au bonheur de fesfujets , ne s'attacha pas moins h ce quipouvoit augmenter les connoiffances & le favoird'une nation a qui la nature accorda ehgénéral les dons d'un génie pénétrant & aétifiII s'employa avec le zèle le plus vif a 1'avancementdes Sciences, des Arts & des bellesLettres. —. li commenga par procurer a la nationune belle verfion de la Bible. — Une So-Ciété


C 423 )clété d'Fxcléfiaftiques, fous la préfidence de1'Archevêque d'üpfal, a laquelle fe joignireritquelques Profeffeurs en langue Oriëntale, enDroit, en Bothanique, & Mr. Wargentin (*),Secretaire de 1'Académie, y travailla avecle plus grand fuccès. Quelques gens de lettresfurent chargés du foin d'améliorer les livresélémentaires, employés en Suéde a l'éducationde la, jeuneffe & d'en faire des nouveau*. •—II affiftoit fouvent aux alTemblées de 1'Académiedes Sciences, & leur envoyoit fous un nomemprunté des queftions a réfoudre, ayant pourbut ou 1'examen de quelque nouvelle découverte,ou une propofition rélative au bonheurde fon peuple.Le Roi fit fervir fon refpedtpour lesManes defes ancêtres aux progrès des Arts. II confacraun monument a la mémoire du Chef de fa familie.Gujlave Ehrichfon ou Vafa. Une ftatuepedeftre repréfentant ce grand Prince futplacée le 13 Xbre 1773 Levant 1'hötel de la' Nobleffe. Le même jour le Roi, k la tête dela garnifon de Stockholm, lui rendit les honneursmilitaires & 1'inaugura par trois dechargesde moufquetterie & de plufieurs batteries decanon. Sur un cóté du pied .d'eftal oh voit les' armes de Vafa , urt Gerbc. Sur .1'autre eft gra-"vee cette infeription: Guftayo Erici, P atria(*) II eft stoit en 17S6.Le .


C 434 )Libertatis, Religionss Vindici, ex Nobili civeoptima Rege Post Bina Sacula po/uit ordolEqueftris. — A peine cette ce're'monie fut-ellejacheve'e que la refolution fut prife de rendre lejmême hommage a Guftave Adolphe.II étoitbien jufte d'éternifer la mémoire d'un Princequ'on avoit pris pour modèle dans la forme dugouvernement établi en 1772. Un Artifte (*),,dont la main habile étoit digne de repréfenter \des héros qui firent 1'admiration de leur fiècle (|),fut chargé de 1'exécution de ces deux ftatues.II ne fe borna point a éternifer le nom degrands Princes, il voulut aufii tranfmettre a lapoftérité ceux de Savans illuftres. Xa Medaillefrappée après la mort du Profefieur Linnteusen eft une preuve.Le Roi en donna lui-mêine1'idée: d'un cóté paroit le Bufte de ce Savant,& de 1'autre la Déefle Cybele dans uneattitude larmoyante, entourée des divers attributsdu règne animal, végétal & minéral, avecces mots: Deam lutïus angit amijjldans 1'exergue : Poft obitum, d. X January1778. Rege Jübente.La Bourfe , la Maifon d'Opéra (§), le Palals duDuc de Sudermanie,celui de la Princefle Albertine,,(*~) Le fameux 1'Archevêqne, vid. pag. ioo.La ftatuede Guftave Adolphe fut placée en 17S6,elle couta 300 milles Dlrs. frmt.C t) C'eft-a-dïre: La douleur de ce qu'elle a perdu angoiflela Déefle.C§D BUe couta 400,000 Dlr. &mi,&


( 435 )la Maifon deftinée aux Bals&Concerts publiês,labelle place de Guftave Adolphe, un magnifiquePont de pierre, bati fous fon règne, &c.offrirent a des Artiftes de tout genre 1'occafionla plus favorable pour exercer leur talens &deployer leur goüt, en même temps qu'ils contribuèrenta 1'ornement de la Capitale.Pour fe delafler du travail du Cabinet, leRoi recherchoit les plaifirs de la fociété. IIfréquentoit les aflemblées de la Nobleffe & cellesde la Bourgeoifie, & y portoit tout ce qu'ilfaut pour fe rendre aimable; il n'étoit pas permisde faire plus d'attention a fa perfonne qu'acelle de tout autre particulier. Caufant indifféremmentavec tout le monde, il oublioit &tachoit de faire oublier aux autres le rang dela Royauté fi incommode, lorfqu'on veut jouïrdes agrémens de la fociété.Joignant a une imagination vive, un efpritinventif, il imaginoit a tout momentdes fêtes oü la magnificence, le bon goüt &la galanterie fe difputoient la préeminence. *«Outre les repréfentations fplendides d'un Opéranational,(dont il fourniffoit trés fouvent les fujets,encompofoit leCanevas & quelquefois même lesparoles) il donnoit a fa Cour des Speftacles, desBallets, des Caroufels ,des Tournois, oü rien n'étoitépargnépour les rendre brillants. Le premiergrand fpeétacle en ce genre fut exécuté a Eck^Ee 2


( 43ó >holmfund en 1775, avec une pompe & uóappareil extraordinaire. Ce fut un Tournois ,firivi d'un CarouiTel. Le Roi, fous le titre d'unChevalier étranger, y foutenoit cette caufe fingulière:„ Que 1'amour eft plus vif & plusdurable de part & d'autre dans le cceur de„ ceux qui ont lóngtemps tardés a reconnoitret, fes loix." Sa Majefté remporta la victoireau Tournois, & fon Ecuyer le Major Monck,gagna leprix du Carouffel (*).L'année fuivante pareil fpectacle fut répeté kStockholm dans !a place de Guftave Adolphe,vis-a-vis du Chateau, en prefence d'un concoursprodigieux de monde'; & dans la fuite ily eut prefque toutes les années des Caroufielsplus ou moins magnifiques, & variés par rapportau coftume des Chevaliers qui compofoientles Cadrilles, & aux differens fujetsqu'on y repréfentoit.Si le Roi aimoit a faire circuler ainfi 1'argent,en contribuant a 1'agrement de la Cour & de laville, en exercant les artiftes & enfaifant gagnerde 1'argent aux ouvriers; ilfongea d'un autre cóté,a reprimer le luxe, qui s'étoit introduit peu a peua un point excefiif dans tout le Royaume, mais,furtout dans la capitale; — malgré tous les regiemens& toutes les ordonnacces émanées de tempsen temps, rien ne pouvoit diminuer les depen-C*~) Ce fpeSade couta aa dela de 400,000 Dlr, kp.m.


( 437 )fes occafionnées par Je gout de la parure —Déja depuis lóngtemps ilmeditoit 1'adoption d'uncoftume nationnal. H crut qu'un habillementfimple, uni&fans ornement mettroit obftacle auchangement continuel que des modes étrangèresjloccafionnoienta chaque inftant. — II fournit fonlidée a la Société Patriotique. Sous un nomemprunté il lui envoya des 1'année 1774 unemedaille d'or de la valeur de 30 Ducats pouri celui qui repondroit le mieux a la queftion:fi pourmettre un frein a la folie des modes,„ ainfi qu'a la contrcbande, il ne feroit point„ utile d'introduire en Suéde uri habillement„ national, convenable au Climat différent„ de celui des autres nations ".Ce ne fut qu'au commencement de 1'annéq'1778, qu'il en fit la propofition au Sénat, eüey fut approuvée, & peu de jours après parut; une lettre circulaire adreffée a tous les gouverneursde provinces & fignée du Roi, écrite1d'un ftyle le plus moderé, dont jamais Monarques'eft fervi envers fes fujets.II commence par rendre compte de tout ce: qu'il a fait pour reprimer 1'excès effréné duLuxe, qui depuis 20 ans, dit-il, d fait tant dc1 progrès, il fe plaintdela contrebande excefiïveI qu'elle entraine a fa fuite, ainfi que de la perte desj fommes confidérables qui fortent du RoyaumeEe 3


C 438 )pour des modes étrangères; il détaille enfuite leseffets, qui doivent refulter d'un habillement nationaldeftitué de tout ornement étranger, tantpour 1'encouragement des fabriques que pourempêcher 1'introdudtion des marchandifesprohibées.„ Afin donc d'arracher une fois pour tou-„ tes, dit-il, la nation a tout Luxe étran-„ ger, a tout amour pour la parure, nous,, avons cru que 1'unique moyen étoit d'intro-„ duire un habillement nationnal, entière-„ ment diftinct de celui des étrangers, &„ qui reunifiant la decence avec la fimplicité„ tende a 1'accroiflement des fabriques, déjap établiés en Suéde ou qui pourront s'y établirdans la fuite. "II finit par dire ; que ne fe croyant pas permisde contraindre fes fujets par une ordonnance,il ne veut que leur en donner 1'exemple& déclare : qu'en confe'quence il paroitra au 8Avril prochain avec toute fa Cour & le Sénat,dans cette nouvelle forme d'habillement qu'ilfera auffi adopter a toute fon armée.Tous les hommes indiftinclement depuis lepremier Senateur , jufqu'au moindre Payfanadopterent le nouveau coftume , le trouvantmoins gênant & moins couteux; mais ce nefut pas la même chofe par rapport au beaufexe, Cet habillement leur faifoit perdre tant


C 435 )d'avantages, qu'elles eurent beaucoup de peinea s'y refoudre, & fi elles 1'adopterent, la plupartfurent bientót s'en affranchir.Infenfiblement le temps fixé par le Roi 1778.pour la Convocation d'une Diette approchoit:Sa Majefté jouifibit de la fatisfaétion devoir le Royaume dans une fituation plus avantageufeque lors de fon avènement au thróne.1L'adminiftration étoit bien reglée , 1'armée deterre fe trouvoit en bon état; la marine commencoita devenir refpedtable,la tranquilitéparoifibit règner au dedans & la paix au deihors,lecommerce fleuriflbit & pour comblede bonheur la Reine fe trouvait enceintepour la première fois depuis fept années demariage, & donnoit enfin 1'efpoir devoirnaitre un héritier de la Couronne. A tousces avantages, on pouvoit ajouter celuid'être en bonne intelligence avec les puiflancesvoifines. L'année précédente le Roi avoit faitune vifitea 1'Impératrice de Ruffie, pour s'aflu-\ rer en perfonne des bonnes difpofitions de cettecour. Avant de partir le Roi déclara atous les Colléges „ que par amour pour fesfujets & dans la vue d'afiurer le bonheur &l la tranquilité du Royaume, il avoit refolu„ de 1'avis du Sénat de rendre une v.fite am!-Mcale a 1'Impératrice de Ruffie ".L'Impératrice lui fit un accueil des plus du-Ee 4


C 44» >tingués & les fêtes les p!as brillantes fe fuccédèrentpour lui rendre le féjour de fa Capitaleagre'able. — Le Roi revint a Stockholmvers le mois d'Aoüt dans un fuperbe Jagt, dontSa Majefté Impériale lui avoit fait préfent.Outre ce Jagt on évalua a environ quatre centmille roubles les divers préfents que cette Souverainedonna h fon illuftre hóte & a la fuitequi 1'accompagnoit.Enfin arriva 1'époque cü devoit s'aifembierla Diette. Le Roi en preiTa la Convocation;la Reine approchoit de fon terme, & Sa Majeftévouloit qu'elle accouchat pendant la tenuede la Diette, afin que les Etats puffent êtreparreins d'un enfant qui naitroit fous leurs yeux.1'AlTemblée générale fut annoncée pour le19 Sepcembre avec les cérémoniés accoutumées.Tout fut règlé pour cette Diette, fuivant1'ordonnance donnée par GufiaveAdolphe en 1'année 1617. En confe'­quence le Roi envoya le baton de MaréchalC*) au Général - Major Baron de Saltze;il lui fut porte en grande pompe par lesComtes de Brahé & de Löwenhaupt, dansles équipages du Roi & accompagnés defa livrée. En le lui pre'fentant le Comte de(*} Cefatla premièie fois depuis le règne ce GuftaveAdolphe, que le Roi avoit nommé le Chef de raflemfeiëenationale.


C 441 >Brahé lui dit de la pare de Sa Majefté J „ Por-„ tés-le a 1'ancienne manière Suédoife, c'eft'„ a-dire', pour 1'union du Roi & des Etats,„ pour le foutien des Loix & de la Liberté,„ & pour l'affermiflement de cette Conftitution,„ qui fait la flus grande force du Royaume,„ & fous laquelle 1'Ordre équeftre & la No-„ blefle peuvent s'acquérir un nom immortel."Le Roi nomina auffi les Orateurs ou Préfiden$1 des trois autres Ordres (*).Le 308bre le Roi fit 1'ouverture de laDiette par un difeours ,dans lequel aprèsavoir fait le plus beau tableau de la fituationa&uelle du Royaume, il dit:„ Que„ malgré les dépenfes confidérables & les be-„ foins urgens des fix dernières années, une„ prudente économie lui avoit permis de remettrele Royaume en bon état de défenfe, „ & de lui rendre fon ancienne fplendeur; il, „ ajoute, que ce n'eft point pour demander„ des fecours ou des fubfides, dont graces a„ la bonté fuprême il n'a pas befoin, qu'il a„ convoqué les Etats , mais uniquement pour„ fe réjouir avec eux de la fituation heureufe„ de la Patrie, pour les voir affemblés au temps„ de la délivrance de fon Epoufe, & enfin cn„ vertu de la déclaration qu'il en fit lui-même(*) Jufqu-ici chaque Ordre avoit nommé fon Orateur,mais ils en remirent ctix-mêmes la nomination au Koi,Ee 5


C 442 )„ a la dernière féparation des Etats."II les prie de vouloir être parrains de 1'enfantauquel il efpère que la Reine va donner lejour, & il finit par dire: „ Si le ciel m'accor-„ de un héritier de ma Couronne, puiffe-t'ü„ être digne de monter un jour fur le tróne de„ Guftave Erichfon (Vafa) & de Guftave A-„ dolphe S'il devoit jamais oublier,» que le premier devoir d'un Roi Suédois eji„ d'aimer & d'honorer un peuple libre, je re«s> garderois comme' une faveur du ciel qu'il„ le retirat a lui Je ferois inconfola-„ ble fi ma pofte'rité devoit Publier un jouraprès ma mort, que lorfque la Providence,, 1'a mife a la tête d'un grand Royaume, elle„ lui a donnée en même temps des fujets ti*„ bres & généreux, dont la profpérite' & lebonheur font confiés a fes mains."Deux jours après 1'ouverture de la Diette laReine accoucha d'un Prince; ce fut le premierhéritier immédiat de la Couronne, qui naquiten Suéde depuis Charles XII; fa naiffance futcélébrée avec beaucoup d'éclat. On lui choifitpour nourrice une jeune payfanne de la Dalécarlie,Province dont les habitans fe font diAtingue's de tout temps par la force de leurcorps & par 1'énergie de leur cara&ère. L'Archevêqued'üpfal le baptifa dans la Chapelledu Chateau, en prefence d'une députatipn des


C 443 )quatre Ordres des Etats fes parreins, qui luidonnèrent le nom de Guftave Adolphe.Parmi quantité de marqués de joye que donnèrentles Suédois de la naiffance d'un héritierde la Couronne, quelques perfonnes fe diftinguèrentpar la permiffion qu'ils demandèrentau Roi d'ouvrir fous fa prote&ion une foufcriptionpar tout le Royaume pour 1'établiffementd'une nouvelle maifon d'éducation. Sa Majeftérépondit: „ Que comme elle étoit d'intention„ de faire élever fon fits avec toute la follici-„ iudepoffible, & avec toute la tendreffe d'unVère, afin qu'étant monté fur le tróne de fesg ancêtres, il méritat 1'amour de fon peuple,elle n'a pu voir qu'avec fatisfaction & piai-„ fir.que fes fidèles fujets veuillent témoigner" leur vive joye d'une manière fi digne d'eux,Z en préparant d'avance au Prinqe Royal un" heureux règne fur un peuple obéifiant &"„ généreux." Sa Majefté accorde donc &c." Le Corps des Drabans envoya a cette occafionun préfent de 10 mille Dlrs. kpr. m. a lamaifon des Enfans trouvés , fondée par lesFrancs-Maeons de cette Capitale.Les officiers aux gardes fondèrent une maifond'éducation pour des jeunes militaires.Ces traits de bienfaifances pour célébrer unheureux événement, font bien plus d'honneura une nation que 1'éredtion de froids monumens


C 444 Dde marbre; qui ne parient qu'a 1'imagination;fans être d'aucunc utilite'.Les Etats firent pre'fent au Prince nouveaune', leurfilleul, de 300,000 écus ou 18 tonnesd'or. Sa Majefté n'en accepta que les deuxtiers, défirant que le 6* tonnes d'or reftantesfuflent deftinées a foulager dans la répartitiondes impóts, la clafie la plus pauvre de fesfujets.On accorda auffi au Roi dans cette Diette undon gratuit de 600 mille écus, ou 36 tonnesd'or, payab'esen 7 ans, dont 300 mille pouraugmenter les revenus particüliers de Sa Majefté,100 mille pour les fraix du baptême duPrince Royal & du mariage du Duc de Sudermanie,100 mille en forme de préfent a IaReine, & ipo mille pour le Douaire de laDuchefle de Sudermanie. Cette fomme devoitêtre levée en Suéde & en Finlande, par Ie moyend'une capitation de 4 efcalins. On continuaau furplusles fubfides ordinaires pour un tempsillimité.Ï779- La cloture de cette Diette fe fit le 26 Janvier.Sa Majefté, avec fon éloquence ordinaire,témoigna aux Etats, combien il fetrouvoit flatté de fe voir dans le cours de ce fièclele premier Roi qui aye pu congédier desEtats libres, fans les voir opprimés ou fans êtrePfprimes par- eux'. i\ f enomme non-feule-


445 )Went te Fondateur, mais auffi te Promoten? 6\ïe Défenfeur de leur Liberté & des Loix.lil les remercia dans les termes les plus vifs,Les .fentimens d'amour & d'attachement qu'ilslui ont temoigne's, ainfi qu'a la Reine & a 1'hérijtierqu'elle lui a donnée pendant leur féance.til finit fon difeours en difant: „ Qu'il ne luiL refte d'autre vceu que de voir cet EnfantL mériter le nom de Guftave Adolphe, en rem-L pliflant fans cefle les devoirs qu'un nom fiL illuftre lui impofe."Une des réfolutions les plus remarquables dede cette Diette & qui fera toujours honneurau règne fous lequel elle a été prife; eft celleIqui permet le libre exercice de réligion auxétrangers qui font établis ou qui s'établironten Suéde, fous les reftrittions qui ont lieu danstous les pays ou la même tolérance eft établie.La Cour de Rome envoya dans le courantde 1'annéefuivante, un Prélat chargé d'aiderI a faire de concert avec le gouvernement un arrangementpour 1'exercice de la réligion Catholique.Le Comte Axel Ferfen, qui s'étoit demis depuisquelque temps de fa charge (*). de Senateur: fe diftingua dans cette Diette par une propofitiontendante a de nouvelles inftru&ions pourC*) U demanda fa demiffion en qualité de SénateBf' l'annêe 1773-


C440Ia commiffion des revifeurs de la banque 3 elldrencontra d'abord beaucoup de difficultés, Iaplupart des membres crurent que ces inftructionstrop limitées mettroient des entraves k1'autorité royale, & borneroient le pouvoir ditRoi: mais ie Comte Ferfen plaida fa caufe avectant de chaleur, & il futalleguer de fi bonnesraifons, qu'elles entrainerent a Ia fin ceux qui11'avoient" pas été de fon avis & la propofitionfut approuvée unanimement.Peu après la féparation de la Diette, lespayfans repréfentans, étants revenus chez euxavec la nouvelle que le Roi, n'avoit pas euégard aux Requetes qu'ils lui avoient prefentéespour recouvrer la permifiïon de brafler du brandevinchacun dans fa familie; les murmureséclaterent de tout cóté, principalement en Dalecarlie& dans la Smolande, oü l'on commitbeaucoup de violences. Ces émeutes furent fomentées,& foutenues par quantité de libelles.II parut entre autres un écrit qu'on ofa infererdans les papiers publics, & dont 1'auteur nomméHaldin, fe nommoit. La perfonne du Roiy étoit attaquée de la facon la plus indecente ila Cour de juftice le condamna aufii bien que 1'Editeur& 1'Imprimeur a quelques femaines deprifon au pain & a 1'eau, mais le Sénat ayantpris connoiiTance de cette affaire il fut condamnéa perdre la tête. Lorfqu'on prefenta


IC 44? )cette ftntence a Sa Majefté, il fit grace aucoupable non feulement de la mort, mais aufiide la punition de 1'emprifonnement, ainfi qu'a1'éditeur & a l'imprimeur. Ces gens ld , ditil, ont profités de la liberté de la preffe; il fitgrace de la mort dans une pareille occafion,a un officier, mais il le fit mettre en mêmetemps au pain & a 1'eau pour avoir mal parlédu Roi fon père. Cette magnanimité, dontle Roi donna fi fouvent des preuves depuis fonavenement au thróne ,lui gagna de plus en plusles cceurs de fes fujets; enclin a la clémence,il fait prefque toujours grace ou adoucit debeaucoup les peines infligées & ne fe montreinéxorable que lorfqu'il s'agit de punir 1'injuftice,ou bien lorfque les privileges des citoyensde quelque clafie qu'ils puiffent être font lezés.La guerre ayant éclatée entre la France, 1'A- *7 8 °»mérique & 1'Angleterre, le Roi de Suéde, a larequifition du corps des négotians, refolut d'accorderdes convois aux vaifleaux marchands ;précauticn d'autant plus néceffaire, que quelquesunes des parties belligerantes enievoientles vaifleaux des puiffances neutres, fous prétexteque la Cargaifon'étoit deftinée ou appartenoit aleurs ennemis; la Cour de Stokholm s'en étoit déjaplainte a celle d'Angleterre, reclamant les traitésde 1661 & 1666. Mais celle-ci repon-


C 44§ )dit par un article (*) de ces mêmes traitéspar laquelle elle elïaya de juftifier fa conduite.Onne-voulut point- reconnoitre cet article enSuéde, & l'on prétendit qu'il y avoit été-inferéaprès coup.Le Roi tacha d'engager leDannemarc & !aRuffie, a joindre leurs forcesaux fiennes pour faire refpectef leurspavillons; ces puiffances y accederent quant a laBaltique, & a cette partie de la mer du nord,qui baigne les cótes de leurs Royaumes'. LaSuéde fut la feule, qui envoya des Convöisdans toutes les mers frequentées par les Vaiffeauxde fes commercans(f).Uneefcadrede 8 vaifleaux de guerre & 4 fregattes,fut équipée avec beaucoup de Gelerité'a Carlscrona, & fit bientót voile, fous les ordresdu Contre-Amiral de Gerdten vers la mer dunord. Cette escadre fut fuivie d'autres vaifleauxdeftinés pour la Mediterranée. Pour trouver unepartie des fraix néceflaires a cet armément,i'im-C*) Voici cet article: fi Iicfïis bona in ConfcéderatiNavigio repériantur, quod ad hofiem pertinet, prcedsefolummodo cedat, quod vero ad Confoederatum, ili c oreftituatur. C'eft-a-dire: Si des cbofes appartesantes dVennemifont trouve es dans le vaijeau dun Allié, lap r o-priété de l'ennemi efl feule de bonne prife, &> ce qui Mppartientd l'Allié doit être immédiatement rejlitué.C t ) La Suéde livra pendant cette guerre une grandequantité de canon'de fer, d'afuts de fer , d'ancres dsvoiles, &c. a 1'Amérique, ainfi qu'a la Hollande. '


'(. 449 3I'impörtation des marchandifes étrangères fdtehargée d'une augmentation de 5 pr. ct.En même temps parut une ordonnance parlaquelle Sa Majefté' de'fendoit a fes fujets de profiterde la guerre pour faire un Commerce decontrebande dans les pays étrangers, mais leurpermettoit la continnation d'un commerce libre,allure'par les traités aux puifiances neütres,leur prorriettant en ce cas 1'influence dela proteótion, qu'il étoit refolu de donner aucommerce de fon Royaume.Cependant 1'Angleterre continuant h. enlerertous les vaifleaux fans diftincïion de pavillon,1'Impératrice de Ruffie après plufieurs vainesrepréfentations fe joignit a la Suéde, pour engagertoutes les puifiances neutres h former uneconféderation tendante h la protection du commerce& & la liberté de la navigation, nonfeulementdans la Baltique, mais dans toutesles mers de 1'Europe & des deux Indes. Cetteconféderation fut fignée entre la Ruffie, laSuéde & le Dannemarc le 9 Juin, de cettemême année, a la Campagne du Comte deBernftorf prés de Coppenhague. — C'eft cettefameufe neutralité armée fi belle dans fes motifs,& de fi peu de * confequence dans fes effets.La Ruffie y fournit 20 vaifleaux de ligne &frégattes : la Suéde & le Dannemarc chacunF f


i 7gx.C 45° >16 vaifleaux & frégattes; — dans la fuite, la jHollande, la Pruffe, 1'Empereur & le Roi deNaples s'y joignirent. De toutes ces puiffancesla Sue'de fut celle qui agit avec le plus devigueur, & qui fatisfit le plus energiquementau but de cette confe'de'ration; auffi le collégede commerce offrit au Roi, en reconnoif*fanee de la proteétion accorde'e, une taxed'un demi écu par laft de chacun de leursvaifleaux, pendant fix mois, ce qui produifitun fomme confidérable.Le Roi paffa une grande partie de 1'été de1'année fuivanté a Aix la Chapelle, dont on luiavoit ordonné les eaux, pour le rétabliffementde fa fanté, qui depuis quelque temps paroiffoittrés chancellante, les fatigues qu'il avoitefluyé dans les différens<strong>voyage</strong>s, qu'il faifoitcontinuellement dans les provinces tantpar mer que par terre, joint a l'activité aveclaquelle il travailloit dans le cabinet avoientalterés fon temperament. Le féjour d'Aïx & deSpa le remirent effectivement.Au retour ilprit fa route par la Hollande, & revint a Stokholma la fin d'O&obre.1782. A peine le Prince Royal eut-il été mis entrela main des hommes & fon éducation, confiéea Mr. le Senateur Baron de Sparre , que laReine fe trouva encore enceinte.Elle acsouchaheureufementd'un Prince au mois


C 451 5d'Aoüt; il fut nommé Charles Guftave Due deSmolande; cet heureux événement contribuaa confoler la familie Royale de la perte, qu'ilsavoient fait quelques femaines auparavant dela Reine Douariere, Princeffe qui poffedoitles qualite's les plus eminentes & qui fe diftinguapar Ia magnanimité de fon caraótère, par1'éle'vation de fon ame & par fon amour pourles fciences & les beaux arts. La joye occafionne'epar la nailTance d'un jeune Prince |qui par fa beauté' & la force de fa conftitutiondonnoit les plus belles efpe'rances, ne fut pasde longue durée, il mourut fept mois aprèsavoir vu le jour.Le commencement de cette anne'e fut de ^83.nouveau marquée par une émeute dans la Dalecarlie,dont les habitans pouvoient moinsfupporter que ceux des autres provinces la défencedebrafler. Ils confide'roient cette prohibitioncomme une infraótion a leurs privileges^, &fouffroient reëllement par la cherté & la petitequantite' de brandevin, dont ils étoient obligésde fe contenter. Cette efpèce de revolte futaffez ferieüfe, on fut obligé d'envoyer un corpsde troupes pour les mettre a la raifon, lesprincipaux chefs furent faifis & punis, mais oriJ ne put detruire avec eux le mecontement généital que ce droit devenu Regalien excitoit dangj tdut le Royaume.Ff 3


Cette année fut remarquable par 1'entre*vue, qu'eut Sa Majefté Suédoife avec 1'Inv»pérarrice de Ruffie a Frédericksham petite ville& port de la Baltique, fur les confins de laFinlande Ruffe & Suédoife.Les projets de rimpératrice par rapport a laCrimée & a la navigation de la mer noire démandoitqu'elle s'alTurat du cóté de la Suéde,d'un Monarque dont les, forces maritimes devenoientrefpectables , & dont 1'armée de terreétoit en bon état. Elle redoutoit un voifin quiguidé par fon ambition , ou par 1'influence duCabinet de Verfailles (avec lequel elle connoiffoitfesliaifons intimcs), auroit pu lui fufciterdes obftacles , en faifant une invafion dansune province, qu'il n'auroit peut-être pas étéfaché de reconquerir.Le Roipartit pour la Finlande au commencementde Juin pour y faire la revue des troupes dece Duché. II eut le malheur de fe cafler le brasen tombant de fon cheval, qui s'effraya du feud'une décharge a un exercice qu'il commandoitlui-même. Cet accident retarda de quelquesjours 1'entrevue que Sa Majefté Czarienne luiavoit fait propofer; elle s'effectua cependantle 29. Les trois jours que LL. MM. ypaflerent enfemble furent marqués par desfêtes continuelles. 1'Impératrice avoit faitélèver a Fredriksham un Palais de bois riche-


C 453 )ment orne' & meublé, contenant un trèsbeauthéatre oü une troupe Frangoife, qu'elleavoit amene'e donnoient tous les foirs des repréfentatlons.Le Roi fit a 1'Impératrice lespromefles les plus pofitives d'une exacte neutralité.Le 4 Juillet le Roi revint a Stockholm, entièrementguéri de Ia fraéture de fon bras. Labourgeoifie de cette Capitale, pour témoignerla joye qu'elle reflentoit de 1'heureux retour& de la guérifon de fon Monarque, confacraune fomme de 4 mille Ryxdl. pour entrenir aperpétuité a 1'Hopital Royal quelques lits, oül'on guérit gratis les fraótures des bras & desjambes de ceux qui veulent s'y faire tranfporter.Ces lits furent nommés Lits de Loutais,en mémoire du Camp de Loulais, oii1'accident étoit arrivé.Dans les différens <strong>voyage</strong>s que le Roi avoitfait en Finlande, il s'étoit appergu que la diftributiondu gouvernement de cette Provinceen 4 diftricts n'étoit point en proportion avecfa grande étendue, & qu'une feule Cour de Jufticeétabliea Abo, n'étoit pas fuffifante pour le nombrede fes habitans, qui, vu 1'éloignement oü plufieursd'entr'eux fe trouvoient de cette ville, leurcaufoient quelquefois des fraix exorbitans pours'y tranfporter & donnoit lieu a quantité d'abus.ïl réfolut de diyifer la Finlande en fix Gouverne-Ff 3.


( 45^ >mens & d'e'tablir une feconde Cour de Jufticea Vafa. Cette cére'monie fe fit avec beaucoupd'apparat a Stockholm. Le Roi & la Reine yparurent avec tout 1'éclat de la Royauté, accompagne'sde la familie Royale & d'une Courbrillante. Le difeours que le Roi y prononcayaprès en avoir inftallé les membres, fut éloquent& énergique: je n'en rapporterai quequelques traits , „ Lorfqu'a 1'exemple de„ mes ancêtres, dit-il, & fuivant les Loix de» 1'Etat, j'ai parcouru le Royaume après monfacre; mon principal foin a été de foulagerle peuple des Provinces que j'ai traverfées.s> — L'exacte adminiftration de la Juftice a„ principalement fixé mon attention. — Le„ Juge inique & corrompu n'a pas été épar-„ gné. ig Que la balance refte toujours égale„ entre vos mains, & que 1'orphelin pauvre Sc* perfécuté trouve des proteéteurs en vous„ contre le riche injufte & puiflant. Protégést> furtout cette clafie de Concitoyens, fi peu„ refpeftée & cependant fi refpeélab'e, quinourrit & qui défend 1'Etat. — Conferve'sS Javec foin les droits de la Noblefie, mais ne„ fouffrés pas qu'elle opprime le peuple." —Vers la fin d'Aoüt Sa Majefté déclara auSénat, que par 1'avis de fes Me'decins il étoitréfolu de pafler 1'hyver fous un climat plusdoux que celui de la Suéde, & qu'en confé-:


C 455" ): quence il étoit d'intention de partir bientót: pour 1'Italie, oü on lui avoit confeillé de prenidre les bains de Pife, pour achever entière-! ment la guérifbn de fon bras, auquel il reffentoitfouvent des grandes douleurs.Avant fon depart il prelTa avec beaucoupd'aótivité 1'armement d'une petite efcadre d'obfervation,qui s'équippoit a Carlscrona; ellefut prête au mois de Septembre.Dans le commencement d'Oótobre Sa Majeftéfe mit en route. Pour fubvenir aux fraix deI ce <strong>voyage</strong>, le Roi négotia une fomme confidé-'i rable, hypothequée fur les revenus des braffe-I ries Royales de Brandevin.Quelques femaines après le depart du Roi,il la Banque remit, tout d'un coup, dans la drilculation pour 150 mille Ryxdl. en papier (*).Sa Majefté ayant paffe' tout 1'hyver & le prin-•I temps d'enfuite en Italië, d'abord a Pife oüI il fit ufage des bains , puis a Rome, Naples,j| Florence, Genes, Venife, &c. arriva a Paris1! au commencement du mois de Juin 1784; il 1784.I y refta jufquIaJa fin de Juillet. La Cour & laville s'empreffèrent de fëter cet ancien allié dei la France. — S'il y paffa fon temps en plaifirsI & en fpedtacles, il ne négligea point fes inté-C*) Voyez pag. 234 oü font (jléduites les raifons qu'aJr| légua la Banque,Ff 4


C 45Ö 3rêts. Depuis 1779 l aCour de Verfailles avoitceflee de lui payer les fubfides ordinaires, fousprétexte des fraix de la guerre oü elle fe voyoitentraine'e. Le Roi de Suéde fit fi bienqu'on lui paya une grande partie des arrérages.Avant fon depart il toucha une fomme de 12cent mille livres,Outre cela il y conclut unTraité , parJequel la France lui cédoit a perpétuité1'Ifie de St. Barthelemi (*),p rè sde la Guadeloupe,a condiüon que Sa Majefté Suédoifelui accorderoit la liberté d'établir a Gothenburgun Entrepot pour fon Commerce du Nord.La France ftipula bien pofitivement, que dumoment que Gothenburg ne feroit plus confidéréefous ce point de vue,lui reviendroit.St. BarthelemiLe 3 Aoüt Sa Majefté revint dans fa Capitaleaprès une abfence de 10 mois. Pour celébrerfon heureux retour, les bourgeois deStockholm confacrèrent a leurs fraix fur leCanal du Ritterholm un pont de pierre, aulieu de celui de bois qui s'y trouvoit auparavant,par 1'infcription fuivante:Guftave III. O. R. Salvo & Sofpite. —Ex Itinere Italico-Patrig; Reddito. —(.*•) Cette Ifle contient environ 7 a £00 habitans &£oduu beaucoup de Coton ;elle eft fingulièrement bhnJtuee pour faireu nCoffime rce d cContrebdnde,


£ 457 )Hunc Pontem SeÊto Lapide Conftrnótum.— Lignei Loca Jam Ve- "tuftate Collabentis. — Fortunas Reduci& Lsetitiaï Publicae. —DedicaruntCives Holmenfes — D. IIIAug. MDCCLXXXIV.Pendant le refte de 1'année, ainfi que pendantle courant de 1'année fuivante, le Rois'appliqua avec la même activité qu'il avoittoujours fait a toutes les différentes parties de1'adminiftration, & s'occupa deplus en plusa mettre fon Royaume en état de défenfe, arendre refpedtables fes forces de mer & de terre, & a faire fleurir le Commerce.II établitune Compagnie des Indes (*) Occidentales,a laquelle 1'Ifle de St. Barthelemi,qui avoit étédéclaré Port franc , fervit d'entrepöt; tousfes fujets furent invités d'y prendre part enqualité d'intéreffés.Au commencement de 1'année 1786 le Roi i 7S6,jugea a propos, après un intervalle de 8 ans,de convoquer une ailemblée nationale.L'horrible Difette (f). q u i d e P u i s 3 a n saffligeoit le Royaume, & le dtfir de préfenter(*).Elle n'eut fa confiftance qu'en 1787. Les differensfoufcrivans fbrmèrent un Capital de ÉS500 Ryxdl.(f) Cette Difette fut fi terriblequ'on trouva fiir lelgrands chemins & dans les bois , furtout qn DalécarUe,quantité de perfonnes jnortes de faun.Ff 5


C45§ )aux Etats le Prince Royal, qu'ils avoient vanaitre & dont ils étoient parrains, furent lesmotifs qu'il allégua pour cette convocation. IIvouloit les rendre témoins des progrès que cejeune Prince avoit fait dans les élémens desdifférentes Sciences, auxquelles ij devoit unjour être initié.Dans le difeours qu'il fit a 1'ouverture (*)de cette Diette, (ou le même réglement futobfervé qu'en 1778; y commence par faireun tableau de 1'état fioriffant & refpectable duRoyaume par rapport a fon Commerce, a faMarine, a fon Armée & a fes Fortereffes- ildétaille enfuite les avantages dont a joui la nationdepuis fon avénement au tróne, parmilefquels ilmetau premier rang, celui de fe trouverun peuple indépendant & libre, & d'avoirconftamment jouï d'une paix non interrompue.„ Cependant, ajoute-t'il, la viciflitude, infé-„ parablement attachée a la nature humaine,« n'a pu être écartée de notre fituation. Les„ productions de la terre, les premières detoutes les richeffes, nous ont été refuféess, pendant les trois dernières années, & cette„ difette n'a pas peu aggravé le poids de„ ma Couronne. En effet, mes chers fujets,» vos maux font les miens. Les foins que„ j'ai employé pour prévenir les fuites queC*) 7 Mai.


( 459 )ces années defaftreufes pouvoient entrainer;* les fecours confidérables que je me fuis ef-', force' de donner fans ccfTe aux necefïïteux,"„ vous font déja connus par leurs effets....„ Combien ne doit-il pas être intéreffant poür.„ vous même, de concourir avec moi dansl les mefures , qui vous mettront a portée decontribuer de votre cóté a éloigner de pa-„ reilles craintes a 1'avenir. Enfuite il leurtrouva &c. qu'il a procuré a la Suéde le re-„ fpedt des nations étrangères, en entrctenant'„ une Armée, capable de la proteger, & une„ marine qui a déja affurée fon commerce;„ deux colomnes fur lesquelles repofent lapaix, la confidération & la fureté d'un"Etat. " De la il paffe d fon fils le Prin-"e Royal: „ jeconfidère, dit-il, comme nu vrai„ bonheur:que le premier objet qui s'offre afa' vue innocente; c'eft l'union d'un peuple libre'] d la verité, mais foumis néanmoins d dei" loix, conjointement avec un Roi, qui eft Hé" lui-mêmepar ces loix, mais qui eft en mêmetemps revetu d'autorité. " U s'étendit enfuitefur les fentimens qu'on tachoit d'infpirer auPrince Royal, dans le cours de fon éducationpour le rendre digne d'être un jour a la teted'une nation libre, il finit fon difeours par undétail des propofitions qu'il prérente a la Diette,ils font au nombre de quatre.


i°. De ne plus punir de mort TManticide,mais de prifon perpetuelle, avec la peine dufouêt une fois par an, au jour que le crimeaura été commis.2 ü . De prévenir Ie partage des terres, enftatuant qu'elles paiTeront deformais au fils ainéde la Familie, moyennant un appanage auxautres cnfans.3 P . D'autorifer le Roi a tirer de la banqueun fond fuffifant pour établir un magazin deblés dans tel endroit qu'il fera jugé convenable,afin d'obvier a la trop grand cherté decette denrée.4 C . D'autorifer le Roi a tirer de la banqueun fond, néceffaire pour les fraix des diverfesmines, notamment de celles de cuivre aFahlun^; qui exige beaucoup de depenfepour 1'affurercontre les eaux; en depofantnéanmoins a la banque une valeur en cuivreégale a celle qui en feroit tirée en efpèces.Cette Diette ne fe pafia point auffi tranquilementque la précédente; le Roi y rencontrabeaucoup d'oppofition, & 1'influence d'un partiAnti-royalifie s'y fit vivement reffentir; Iaplupart de fes propofitions furent rejettées, onn'accorda que celles qui avoient pour objet lemagazin de bieds; il fut refolu, qu'onaffi,gncroit annuellement une fomme de cent rail»


le (*)écus, pendant un terme de fix anspour établir des magazins publics en tels endroitsque le Roi jugeroit convenable.Le Clergé s'oppofa a la peine du fouet pour1'lnfanticide, & voulut ablblument qu'on continuata punir de mort ce crime fi revoltant, ,L'Ordre équeftre ne voulut point confenurh 1'article, qui avoit pour but de prévenir lepartage des grandes terres. .Les Etats refufèrent le fond demande par leRoi pour améliorer 1'exploitation de la mine deFahlun, donnant pour raifon, que le déperifiementde ces mines ne pouvant être attnbuequ'a une mauvaife direótion des InterelTes-,falloit nommer une Commiffion pour examinerles manutentions intérieures de ces mines &en faire rapport (t)« ' ; ADans la dernière Diette deavoient été accordés fur lepied ordinaireilles Impötsfanslimiter de temps fixe, au lieu que dans celle-ails ne furent accordés que pour un terme dequatre années.rO Cette fomme fut tirée de la banque, vu que parfjv) Cette ïomm:i avoit été conftaté, quele rapport des Commiffaire. , . aveit é^cette fomme s'y tronvoit encore , .1 fat »„equ-enremettant les ?cc.nulfcéco. - * gg^duiroit 3 pr. ct. d'intéret & 3 pr. Ct. poK^r^'eslS^ recent de rendre compteCommiffion,


{# 3)Les Etats donnèrent encore dans un autrearticle une preuve bien évidente du peu depréponderance du parti du Roi, puifqu'ils déclarèrent,que dans la fuite i!s ne reconnoitroientplus pour debtes de 1'Etat, celles quiauroient été contraclées psr la Couronne fansleur confentement.L'Ordre des Païfans ayant propofé de redtmerle droit de diftülation des Brandevins, SaMajefté déclara, qu'elle y confentiroit pour lafatisfaSion de fes fidèles fujets, fi les Etats luiaiTuroient nne fomme annuelle de 18 tonnesd'or, outre un impót fur le cafié. Maiscette propofition fut rejettée & le droit reftkRegalien.Le Roi fit éclater fon mécontentement dansle difeours qu'il fic a la féparation de la Diette(*). „ Il feplaigm't: qu'une inquiette dé-„ fiance, mal fondée en elle-même, peu mé-„ ritée de la part de celui qui les a renda H-„ bre a menacée de troubler 1'union & la„ concorde , que depuis 14 ans il a taché„ de maintenir de toutes les manières & avectant de peine, même en oubliant fes Pro=* pres intéréts. La vérité, dit-il, triom-„ phera a la fin, quelques efforts qu'on faffe„ pour 1'obfcurcir". nc i t e1'exemple deGuftave premier,C*) Le 24 Juia,i eSauveur de fa Patrie:


( 4*3 )tl vit la vérité triompiier h la fin, & fonilluftre nom eft encore 1'objet de 1'admirationde la poftérité, quoique la jaloufie,„ 1'inte'rêt particulier, une ambition mal pla-„ ce'e, la légèreté & 1'envie de dominer s'ef-„ foreaflènt a 1'envi de flétrir fon règne fi digne„ d'e'loges, oui même s'il eut été polfible,n de lui ravir un fceptre, qu'il avoit afraché„ des mains de la tyrannie ". II en appclleau jugement de la poftérité par raport aux raifonsqui ont excités cette défiance & par raporta fa propre conduite; „ c'eft elle,„ dit-il, qui me fera juftice & qui rendra té-„ moignage a ma condefcendance exemplaire,„ a ma douceur, & a la confiance que j'ai tachéde vous infpirer, tandis que je me fuis„ montré prét a tout ce qui pouvoit fervir a„ votre liberté & è votre fureté." II fi-„ nit ce difeours, rempli d'éloquence & de„ fentiment, en leur remettant la quatrièmeannée du fubfide qu'ils lui ont accordés : •L Employés - les, dit-il, au foulagement demes fujets, ils en ont befoin , vu la rigueurdes temps: ce m'eft un plaifir bien fenfible de„ pouvoir y contribuer d'une manière fi effica-„ ce." Enfuite il les congédia en faifant desvceux pour la continuation de la paix, pour larenaifiance de tèmps plus heureux, & pourqu'aucune circonftance ne 1'oblige de loDgues•années a convoquer une nouvelle Diette.


( 44 )Feu de temps après la cloture de cette Dietteil partit pour la Scanie, oü il fit la revuedes troupes qu^formoient un Camp dans cetteProvince. Dela il fut vifiter les chantiers deCarlscrona & animer de nouveau par fa préfenceles travaux de la marine.Vers la fin de 1'année le Roi mëna le PrinceRoyal a 1'Univerfité d'üpfal. II affifta cgnfiammenta tous les exercices publics &ala plupartdes leeons particulières, que ce jeunePrince y recut pendant un féjour de fix femaines.Sa Majefté y jouit du plaifir de voir fonfils,qui a peine avoit atteint la huitième année defonage, s'appliquer avec ardeura différentesétudes & faifir avec une facilité étonnante ceque les Profeflèurs lui expliquoient.Voulant le familiarifer de bonne heure avecun peuple qu'il devoit gouyerner un jour, &le former dès fon jeune age a la. connoiifanceintérieure d'un Royaume, dontil étoit appelléi diriger 1'adminiflration;il 1'avoit déja menédans quelques Provinces pour lui donner leplütót poffible, les connoiffances préliminaires& rélatives au bonheur de la Nation.Ce n'étoit pas une petite fatisfadtion pour.le Roi, de voir 1'héritier de fa Couronne donnerles plus belles efpérances de confolider avecle temps une forme de gouvernement, qu'ilavtfrt


( 4*5 )avoit étabii au péril de fa vie, & d'affermirune adminiftration dont 1'arrangement des différentesparties lui avoient couté un travailaffidu.'.'Pendant les 14 années, qui s'étoient écouléesdepuis la révolution, il étoit venu a bout,par fafagacité, fon aötivité & fes foins infatigables,d'améliorér toutes les branches relativesau bien être de fon Royaume. Le commerce,la navigation, la flotte, 1'armée, lecours de la juftice, la dïftribution des blés ,rétabliffement des magafins, tout avoit pris uneautre face. Sa fatisfa&ion a cet égard étoit unpeu alterée par la cruelle famine qui defoloitle Royaume pour la feconde fois depuis fonTègne-, par 1'infiuence que. le parti anti-Royalifteavoit eu a la derniere Diette; par le mécontentement& les murmures continuels , quis'accroiffoient de plus en plus au fujet desdiftillations. Ce mécontentement s'accrut aupoint que dans quelques provinces il éclataen revoltes ouvertes, on pilla des brafferies,on maffacra des Infpedteurs, des commis 8edes fuppots. de la juftice, on mit le feu 4quelques maifons royales oü l'on braflbit.Les avantages & les prorits dont le Rois'étoit flatté en s'apropriant exclufivement ledroit de braffer du brandevin , n'ayant pointrepondus a fon attente par les diftillations clan-G g


( #6 )deftines, qui avoient lieu de tout cóte' malgréla rigueur des recherches & la févérité despunitions, & par les continuelles incendies defes brafferies , le firent enfin refoudre a fe defifterdu droit Regalien, (que les Suédois nommoienthautement: uw, infratlion aux privilègesde la liberté que le Roi a garanti lui-même}ttipyennant la retribution annuelle d'un tonneaude fcigle pour chaque Hemman ou Ferme.Cependant, dans les grandes villes lesbrafferies fe continuerent encore pour le comptedu Roi, plufieurs de ces maifons qui avoientfervies aux diftillations royales devenant deformaisinutiles furent convertïes en magafins deblés.Aufii grand qu'avoit été le mécontentement,aufii grande fut la joye des habitans du royaumea cette nouvelle-, les payfans envoyèrentdes députations qui arriverent en foule a Stokholm, pour témoigner au Roi leur fatisfaótion& leur recönnóiffance; cet adte lui regagnal'attachement de cette claffe de concitoyens& en particulier de ceux de la Dalecarlie, quis'étoient diftingués depuis les temps les plusredulés par leur amóur pour les Rois, qu'ilsregardent comme les foutiens & les défenfeursde leur liberté.Je finirai 1'hiftoiré de ce Monarque par celléd'un établifiement, qui ne peut que faire hoh-


C 4^7 >neur k fon amour pour les fciences & les belleslettres.C'eft 1'inftitution qu'il fit dans le cours de cetteannée d'une Académie pour 1'amélioration de lalangue Suédoife 5 il lui donna la même forme quecelle de 1'Académie Francoife fondée en 1635,mais il n'y admit que dix huit membres.Ainfi que la Poëfie &l'Eloquence fontdureffortde 1'Académie francoife, & qu'a chaquedifeours Académique on doit y faire 1'éloge deLouis XIV & du Cardinal de Richelieu leursfondateurs, de même ceux de 1'Académie Suédoifedoivent avoir pour objet les éloges deGuftave Vafa & de Guftave Adolfe, & qui fansdoute feront remplacés avec le temps par celuide leur illuftre fondateur.Le même jour Sa Majefté renouvella 1'Académiedes inferiptions & belles lettres, fondéepar feu la Reine fa mère, & qui commencoita tomber en décadence; fes ftatuts furent règlésd'après ceux de 1'Académie des inferiptions& belles lettres de Paris fondée aufii parLouis XIV.De facon qu'en y joignant 1'Académie desSciences établie en 1739» 11 f etrouve a&uellementa Stokholm trois différentes Académies.Puiffe Guftave III, règner encore pendantlongues années avec cette modération, cetteGg a


fC 458 )hnmaiiité & cette fagacite' qu'il a fait pafoitreconftamment depuis qu'il a repris un fceptreque 1'ariftocratie arracha des mains .de laReine Ulrique Eléonore & de Fréderic I. ——.Puifiè-t'il ne jamais fuivre 1'exemple de quelques-unsde fes ancétre», & ne faire fervir fonpouvoir qu'au bonheur d'une Nation, a la queileil a rendu une liberté', dont il fe nommete Rejtaurateur & le Defenfeur.On doit'è jufte titre admirer fon -activité prodigieufe& fon travail continuel dans tout ce qui concernele bien être du Royaume,ainfi que.1'humanité & la juftice qui paroiffent être conftammentle principe de fes actions. —— Onle voit toutes les années. parcourir les Provinces, y e'couter les plaintes de chaque particulier,y veiller a 1'adminiftration de la juftice & enredrefier les abus, exercer iui-même fes troupes jen re'tablir la difcipline & foigner en mêmetemps pour le bien être du Soldat, animer parfa préfence les travaux des chantiers & desfortifications , en un mot. faire tout ce qui dependde lui, pour rendre fes fujets heureux,& fes forces refpedtables, encourager les Arts& les Sciences, donner de 1'émulatiori aux fa-*vans & aux artiftes par fes propres produdtions(•) toujours remplies de fentiment & de gout*(*) Outrè fes beaux difeours fi remplis d'éloquenceifc d'énergie, le Roi a compofé quelques pieces-de théa-


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d'affurer leur liberté'. — II n'a encore employéfes armes que pour la proteótion du commerce,& du pavillon Suédois, qu'il a réufiï a fairerefpeéter. — En fe liant les mains pour touteguerre offenfive par 1'article (*) qu'il a faitinfèrer de fon propre mouvement dans la nouvelleforme de gouvernement établie en 1772 ,il a prouvé qu'il n'aura jamais la malheureufeambition de faire des conquêtes , & qu'il n'aeu d'autre intention en donnant de 1'energie afes flottes & è fon armée que de rendre le Royaumerefpeétable & le mettre en état d'oppoferune bonne défenfe è quiconque voudroit1'attaquer.J'efpère par cette legére Efquiffe de 1'hiftoirede Suéde, depuis 1'année 1519 jufqu'a1'année 1786, avoir repondu a votrefatisfadtion aux différentes queftions, que vousm'avés fait au fujet de 1'étendue & des hornesdu pouvoir royal dans un pays dont la nationeft toujours animée par 1'amour dela liberté, —je fuis.Cf) Pag. 414. art, 5.


C 471 )LETTRE VINGT-.E TQUATRIEME.M . . .COPENHA.GUE CC . . • 1/86.|§i 1'année 1772 , eft a jamais célèbre dansles annales de la Suéde par 1'intrepidité d'unjeune Roi, quitriompha fi heureufement de1'ambition audacieufe d'un Sénat orgueilleux,& qui fut écrafer 1'hydre de la Tirannie ariftocratique; cette même année ne fera pas moinsrenommee dans 1'hiftoire du Dannemarc parles malheurs d'une jeune Reine, vidtime infcrtunéed'un parti, qui la facrifia a la pafttonde dominer, & qui ne compta pour rien lavie de deux hommes, dont 1'un (*) furtoutn'avoit pas merité la fentence cruelle qu'onprononca contre lui.L'autre , dont vous êtes curieux de connoitre1'hiftoire fut fans doute coupable; fon ambitionn'auroit jamais du le porter au dela dupoint oh il pouvoit fe foutenir. En fe tenantdans des juftes bornes, il auroit du refpe&erla gloire de fon Roi, & les privilèges de lanation mais merita-t'il ja terrible punition quiBrandt.Gg 4


' C4.72.)kü fut-ihfilgée? — Je'vais vous faire fon hiftoire; puis vous jugerés.'Strue'nfée naquit a Halle en Saxe ( dans 1'année1737 ,) de parens Bourgeois. Son- Pèrealors Miniftre Lutherien dans cette même villeobrint enfuite une prevóte" a Altena & devintenfin Sur-intendant général des églifès duDuché de Slefwig & de Holftéin ; fa mère étoicfille unique de J. S. Carl, premier Medécindu Roi. L'éducation qu'il recut fous les yeuxde fon Père, lui infpira de bonne heure legout des connoiffances utiles"& agréablés. Sonextérieur-étoit intéreffant, fon efprit vif &sfon jugement prompt;' il étoit'd'un caracfèreinqulèt'& entreprenant, pbffedant une ambitiondemefurée; dès fa jeuneffe il montra ungrand penchant aux plaifirs, & des feritimentstrés relachés au fujet de la Réligion' & de lamorale. ' II fe voiia möitié- par gout, moitiépar perfuafion a laMedécine; il s'acquit danspeu de tèmps une réputation brilla'nte dans cettefcience fi compliquée & fi obfcure. II fitconnoiffance a Altena dans le temps qu'il y pratiquoitavec deux hommes, qui dans la fuiteeurent particalièremenr nart a fa deftinée: leComte de Rantzaü Afchberg & Brandt. Tousdeux devinrent en peu de' temps fes amis intimes; 1'un fut quelques années après le prirscipalinfirument de fa chute & 1'autre rinfor» :tune' compagnon de fon malheur.


(47?) . - |II y -acquit auffi 1'amitié de Madame de Berkentheim,veuve du grand Maréchal de FrédericV. Ce fut elle qui recommanda le jeuneStruenfée a la Cour. II fut nommé Medécindu Roi, & defigné pour accompagner Sa Majefté;dans fon prochain <strong>voyage</strong>; - depuis cemoment il fe voua entièrement au Roi, ou 1768,plutót au défir de faire fa fortune. — II réuflita s'inünuer dans 1'efprit de fon Augufte Maitre,Sc au'retour du <strong>voyage</strong> il avoit entière-.ment captivé fa bienveillance. (*)Peu après le Mariage du Roi, la froideur qu'oncrut rémarquer entre lui & fa jeune Epoufe futmife a profit. On ne réuflit que trop a effectuerun, éloignement, qui devoit rendre uneautorité d'influence ,a celle qui n'en pouvoitfupporter la perte, & qu'on auroit voulu afliirera fa Poftérité ; une mesintelligence marquéeentre les deux Reines en fut la fuite, elle s'accrutencore après la naiffance du Prince Royal,& le <strong>voyage</strong> du Roi dans les pais étrangers nediminua point fa parfaite indifférence pour uneEpoufe qui'meritoit un meillcur fort.Au retour du Roi, éclatèrent les premiersgermes de ces cabales qui intriguerent fi fortdans la fuite. — Le parti qu'animoit le jeuneComte de Holle, favori du Roi étoit le plusC*)Lorf aue fon Père 1'apprit: Mon fils dit-il, nepourra jamais fupporter la faveur de fon «o;.Gg 5


C 474 3nombreux, on y comptoit les'premiers membresde 1'Etat & les Miniftres.Les Adherens de la Reine Douarière partageoientavec elle k Friedensbourg la tranquilité& Ia folitude de la retraite.Quelques jeunes gens qui croyoient voir dansla jeuneffe, Ia beauté, & les agrémens de la- Reine Mathilde, fa future reconciliation avec IeRoi, paroiffoient s'attacher a elle, mais étantfans reffources, fans cönfidération, & fanscette expérience fi néceffaire dans les intriguesde Cour, la jeune Reine ne pouvoit leur donnerfa confiance; elle s'étoit formée tout unautre plan , plus propre k parvenir a fes fins.Cette Princeffe étoit d'un cara&ère aftif &decidé; elle fe feritoit humiliée du röle peuintéreffant auquel elle fe trouvoit reduite, &comprenoit que le feul moyen pour recouvrerTa cönfidération due k fon rang, étoit de regagnerla confiance du Roi; elle connoiffoit affezla carte pour être perfuadée, qu'il lui feroitimpofiiblederéuffir auffi lóngtemps que le Comtede Holk refteroit en faveur; la perte de ce favorifut donc refolue.Elle commenca par employer tous fes foins& tous fes talens pour plaire au Roi; plufieurscirconftances fe réunirent en fa faveur.Le Comte de Holk, craignant de perdre fonafcendant fur le Roi faifoit de fon mieux pourfomenter1'éloignement qai ayoit lieu entre


( 475 >ij leurs Majeftés; croyant rémarquer que Struenféeétoit auffi peu agre'able a la jeune Reine, qu'ilj :1'étoit lui-même, il engagea le Roi & le meneravec lui lorfqu'il alloit voir fon époufe, &travailla ainli fans le vouloir k fa propre: perte.Toutchangea bientót de face: la Reine sap-! pergut que la'confiance du Roi diminuoit dejour en jour pour Holk, & augmentoit pourStruenfée au point qu'il ne pouvoit plus s'enpafier & le confultoit même dans les affairesles plus importantes; elle ne put s'empêcheri auffi de rémarquer la conduite fiére & arrogan-; te du premier & la conduite refpeótueufe &refervée du fecond envers elle. Struenfée nonfeulementfe tint dans les bornes du refpecl:vis-a-vis de la Reine, il fit même femblantd'être intérieurement navré de 1'obligation ouil fe trouvoit de la bleffer fi fouvent par fa• préfence. Cette conduite lui réuffit, la Reineinterpreta favorablement cette referve & faprévention contre lui diminua infenfiblement;elle s'accoutuma peu a peu a fa compagnie, &lui trouva de 1'efprit, des connoisfances & dela pénétration,Environ vers ce temps le Prince Royal futinoculé. La Reine en confiant cette opérationa Struenfée, déclara, que s'il avoit le bonheurde réuffir, elle lui confieroit auffi 1'éducationX 7 7 o


476 5de ce jeune Prince; la réuffite fut des plusheureufes: Struenfée pour recompenfe fut nomméConfeiller (*) de conférence & Lecteurde leurs Majeftés avec un apointement de1500 écus.' Ce nouveau pofte joint a 1'affiduitéque demandoit 1'éducation du PrinceRoyal 1'obligeoit de fe trouver cofitinuellementa la Cour. " , Mt^fSfl elPendant 1'inoculation Struenfée acheva defe concilier la bienveillance de la Reine. CettePrinceife avoit le cceur d'une mère , elle aimoittendrement fon fils; dès le moment qu'on luicut communiqué un venin toujours dangereuxfes inquiétudês furent continuelles. Elle hèpermettoif a perlbnne de la remplacer dans lesfoir.s qu'elle lui rendoit; elle ne vouloit pointque Struenfée quitta un inftant cet enfant cheri.Cela lui fournit 1'occafion de palfer quelquefoisplufieurs heures de fuite en fa compagnie; faconverfation étoit inftrudtive & amufante: elley trouva d'abord de la confolation, elle finitpar y prendre plaifir. Leurs converfations devinrent'de plus en plus intinies & affidées. LaReine crüt avoir trouvée 1'homme qu'il luifalloit pour 1'exécution de fes projets, & ilobtint enfin entièrement fa confiance.C*) C'eft en Dannemark le premier titre après celuide confeiller intime.••'


( 477 >Struenfée avoit trop d'afcendant für TefpriSdu Roi, pour ne pas être en état de donnerde bons confeils a la Reine. II le favoit, &réfolut d'en profiter pour s'ouvrir par la unnouveau chemin a la fortune. Le Roi fut bientótgagné, il changea tout a fait de conduiteenvers fon Epoufe, & lui témoigna une confiancedont elle fut faire ufage. Le premiereffet qui enrefulta fut 1'indiference du Roi pourHolk.Les Miniftres commencerent k prendre de1'inquiétude; ils fe flattèrent cependant d'éloignerStruenfée, mais le Roi ne voulut pas lesécouter, & enfin 1'intimité qu'ils commencerenta rémarquer entre Struenfée & la Reine,leur firent entrevoir la difficulté qu'ils trouveroienta réuffir.Sur ces entrefakcs la Cour partit pour Sleswig.Le Comte de Bernftorf, Holk, &Schimmelman accompagnerent Sa Majefté commeau précédent <strong>voyage</strong>. JVarnftat qui étoitdu parti de Holk & Struenfée étoient aufii de lafuite. Ces deux partis oppofés paroifloientaffez égaux ; mais la préfence de la jeune Reine,fit bientót pencher la balance. Struenféelui confeilla de fortifier fon parti d'un homme,qui par fa foupleffe pourroit peut-être lui gagnerles Miniftres ; c'étoit le Comte de Ram-• zau Afchberg, qui avoit été entrainé dans la


C 4?* )chute du Comte de St Germain; le Roi s'étoïttoujours plu dans fa fociete, il étoit ami deStruenfée, mais ne .1'étoit ni du Comte deBernftorf, ni de la Ruffie.La Reine, ne pouvoit être tranquile ,• aufiilóngtemps qu'elle voyoit Holk k la Cour;Struenfée :deftinait fa place a fon autre amiBrandt, qui avoit été autrefois un des favo*ris du Roi.. A Ia follicitation de la Reine.Rantzau & Brandt furent rapellés & leur préfencechangea bientót la face des affaires,ï Le Roi s'écartoit fouyent de la dignité defon caraétère. Le Comte de Bernftorf qui feulauroit pu contribuer a lui faire tenir une conduiteplus decente, perdoit journellement dcfon crédit; d'un autre cóté la Reine n'étoitpas toujours auffi prudente qu'elle auroit du1'être: la bonté de fon cceur la rendoit trop .confiante, & fa vivacité 1'empêchoit fouventde reflêchir, ce qui occafionna quelques démarchesinconfequentes, dont mal heureufement onne profïta que trop dans la fuite. Holk devenoitcependant de jour en jour plus indifferentau Roi, enfin les effbrts réunis de fes ennemislui firent perdre entièrement la faveur defon maitre; fa chute entraina celle de fon parti.Les changemens qui fe firent a la Cour d'abordaprès fon retour a Coppenhague en furent unepreuve évidente. Les premières coups tom :


C 479 )berent fur Mr. de Holk, & fa fceur Madamevon der Lühe , grande maitreffe de la Reine,tous deux furent oblige's de refigner leurs emplois.Le Comte de HOIK fut remplace' parBrandt. Ces difgraces fervirent d'avertiflémentau Comte de Bernftorf; la protection de laRuffie fur laquelle il avoit compte' ne lui fervi:plus de rien; Struenfée dont 1'influence commencoita s'étendre fur tout ce qui concernoitla Cour & le miniftère avoit entièrement changéfa facon de penfer du Roi.Après cet événement, la Cour fe rendit hHirfchholm chateau de plaifance a 2 milles deCoppenhague; les feuls partifans de la Reinefurent de ce <strong>voyage</strong>. Le Comte de Bernftorfne pouvant plus fe diffimuler qu'on 1'avoitperdu dans 1'efprit du Roi, balangoit s'il attendroittranquilement le coup qui le menacoit,ou bien s'il le previendroit en demandanta fe retirer. Sur que le jugement du publicferoit en fa faveur, le premier parti luiparut plus digne de lui & plus compatible avecfon honneur. Le coup qu'il avoit prevu nefe fit pas lóngtemps attendre. —1 Au momentqu'il alloit employer quelques heures au Bienêtrede fa Patrie, il regut une lettre du Roiqui lui annongoit la démiffion de fes charges ;fa première fenfation fut douloureufe; mais ilfe remit bien vite: j'ai ma demijfion, dit - il%


( )«firn ton tranquile a un de fes domeftiqüesfeul temoin de ce moment cricique; puis ilajouta en levant au ciel des yeux mouiliés delarmes, Grand Dieu! Jauve ce Pais fonRoi.Ainfi tomba ce grand homme d'Etat, danslequel le Dannemarc perdit un Miniftre remplide bonnes vuës, aótif, laborieux & zèle' pourle bonheur de fon Pays & pour la gloire defon Maitre.Après la chute du Comte de Bernftorf, per*fonne ne fut plus fur de fa deftine'e & l'onvit bientót que les craintes n'étoient pas matfondées , la Pre'fidence au Collége de Guerre futote'e au Général Hauch & donnée au Comte deRantzau. L'Admiral Comte de Larwig, 1'ainéHolk Préfident a la. chambre , le jeune Comtede Bernftorf (*,, deputé a la chambre d'accifeeurentléurdemiffion; le Comte de Tott (f)Mr. de Rofencrantz,temps après le même fort.fubirent peu deLe Comte deLarwig, dont Ia fille avoit époufée1'ancien favori Holk , perdit fa place d'Amiral;elle fut donnée au Vice Amiral de Römling(*) II elt aÉluellemënt miniftre des affaires étran.fières. ,( f") II eft mort 1'année 1786.(10 II eft entré au confeil a la révolution de 17843'& a dernandé fa demiflioa en 1788.


c- 4*i yüng. Le Comte de Rantzau, le GénéralGöhler & le Baron Schak-Ratlau ,entrerent au Confeil d'Eiat, mais ce derniern'y refta pas longtems ; ayant eu lecourage de s'oppofer a plufieurs nouveautés;quoique fans relfource & fans efperance , ildemanda fa demiffion & fe retira dans fes terresdont le produit lui fuffifoit a peine pourvivre. Le feul Comte de Schimmelman évita lefort commun a tous les miniftres; il dut cebonheur a la précaution qu'il avoit pris de nefe declarer d'aucun parti, & a la prudencequ'il eut de fe retirer a Hambourg & d'y refterpendant les moments les plus critiques;On ne nomma point de miniftre pour les affairesétrangères & on notifia aux miniftresétrangers qu'il falloit doresnavant s'adrelferdirectement au Roi par écrit: c'étoit pour ótera celui de Ruffie tout moyen de cabaler.Ce motif ne lui échappa point, il fe plaignitavec beaucoup de hauteur Sc menaca publiquementde la part de fa Cour, a la quelle ildepecha tout de fuite un courier. — Le Roif avoit prevenu; Mr. de Warenftat, un de fesGénéraux Adjudans, étoit déja parti pour don*ner connoiiTance a 1'Impératrice de ce changementde miniftère, les menaces du minifiran'eurent aucun effet, & la Cour de Ruffie ntffe mela point de cette affaire.- H a


C 4*2 )La Reine Douariere, établie.aFriedensbourg'avec fon Fils le Prince Fréderic, tranquileipectatricede cet orage temoigna beaucoup de compafiion& de bonne volonté a tous ceux quïavoient été compris dans cette difgrace.En attcndant la jeune Reine jouiffoit de fontfiomphe: elle étoit parvenue a fon but, leRoi avoit repris pour elle toute l'afiectionqu'elle meritoit & donnoit fa confiance a Struenfée.La tranquilité dans laquelle ils vecurentdepuis le moment de cette révolution futfouvent animée par les plaifirs & leurs jourss'écouloient dans la plus grande douceur. —.Cependant rien ne fut negligé pour s'afiurer lacontinuation de cette heureufe fituation.Struenféedont les vues ambitieufes n'alloient pas amoins qu'a s'emparer de toute 1'autorité Royale,comprit qu'il ne pourroit réufiir qu'autantqu'il viendroit a bout de réunir ce pouvoirdans un feul point, & ce point devoitêtre la perfonne du Roi. On le fequeftra deslors de toute fociété, par ce qu'il n'agiflbit jamaisque par Timpulfion de ceux qui fe trouvoientautour de lui. Brandt eut la commiffiond'imaginer tout ce qu'il pouvoit pour luifaire perdre fon temps en toutes fortes d'amufemens.Cette facon de vivre, flattoit beaucouptrop 1'inclination du Roi pour ne pass'y prêter. — Ce fut la préparation a une


C 4§3 >demarche la plus effentielle que Struenfée eutencore fait. On obtint du Roi qu'il ne travailleroitplus avec fes miniftres, & on 1'engageaa leur donner ordre de lui envoyer leur papiers,fur lefquels ils devoient deformais attendre fesréfolutions.L'année 1770 finit par un evenement remarquablequi changea entierement la formedu gouvernement & qui donna le pouvoir leplus abfolu a la jeune Reine & a fon miniftre.Le Confeil d'Etat fut diffous le 27 Nov. parun adte figné du Roi, & ,on établit a fa placeune Commiffion de Conférence Jécrette, compoféedes chefs des differens departemens,dont le pouvoir étoit tres limité. Cette commiffionn'ofoit s'affembler qu'a des temps marqués.On lui donna ample carrière pour lesdeliberations, mais on lui ota tout pouvoir deconclure; comme fes membres étoient fanstitre, fans rang & fans émoluments, ils nejouiffoient auffi d'aucune cönfidération &n'avoient aucune influence, & on pouvoitles diffoudre fans peine, lorfque le cas 1'exigeroit.La diffolution du Confeil d'Etat choqua extrêmementla Nobleffe. Ce Confeil avoit toujoursété confideré comme le corps le plus illuftrede 1'Etat. A la fameufe révolution fousHh 2


( 4*4 >Fréderic III. on lui accorda une des prerogativesles plus diftingue'es, favoir: (en cas deminorité) la Regence du Royaume conjointementavec les tuteurs. Après le Roi il prétendoicle premier rang dans 1'Etat & fe comparoitau Senat de Suéde. II fe confideroit commele feul corps qui avoit évité 1'influence humiliantedu grand changement de 1660, & feregardoit en quelque fagon comme reprefentantede la Nation & comme mediateur entreles loix & le pouvoir Royal, lui feul jouiffoitdu droit de porter fentence contre un Noble.II n'eft donc pas étonnant que la NobleffeDanoife étoit jaloufe de Tanden droit d'avoirféance a ce Confeil, elle en confidera la fuppreffioncomme un infraction & un attentat afes privileges; dès ce moment elle jura laperte de Struenfée, dont elle avoit regardéejufqu'ici la conduite d'un ceil affez tranquile ;les mêmes fentiments animerent le Comte deRantzau, qui fe trouvant impliqué dans la caffationdu Confeil d'Etat perdit toute confide-Tation & tout credit. Struenfée prit outre celaencore quelques mefures pour s'affurer Tautorité,il fut perfuader au Roi de lui remettreentierement le travail 'du cabinet: le SécrétairePanning dont c'étoit Toffice & qui eutce pofte par Tinfluence de la Ruffie fut congé-


( 4*5 )dié, ainfi que Mr. de Warnftattqui s'étoitoubliédans quelques difeours imprudens. Lespartifans des anciens miniftres furent peu apeu éloignés. Le Comte d'Alefelt, hommed'un mérite éminent, craint de la Cour, aimédu peuple, perdit fa place de Gouverneurde Coppenhague, & fut remplacé par le CollonelSurne de qui on n'avoit rien a craindre.Ainfi la forme du Gouvernement Danois fetrouva entierement changée, tout étoit concludire&ement par le Roi ou plutót par ceuxqui s'étoient emparés de fa perfonne & quijouiflbient par conféquent d'un pouvoir contrelequel rien ne pouvoit refifter. Une jeuneReine de 20 ans, un homme d'une naiflanceobfcure & quelques jeunes gens auparavantfans cönfidération & fans credit avoient operéscette révolution dans 1'efpace de peu de mors.Le deftin du Dannemarc fe trouvoit ainfitout entier entre les mains de Struenfée; maisil ne jouït pas lóngtemps de. ce pouvoir: —-Un coup terrible le lui enleva au moment qu'ils'y attendoit le moins. Pendant fon Regne quifut court & mêlé de beaucoup de troubles, faconduite futinégale. Pour fatisfaire a fes vnësambitieufes rien ne lui coutoit, il temoignoitdu courage jufqu'a la temerité, & par'oiffbitne craindre perfonne; — Mais-a peine com-Hh 3


( 4 8^ )mcnca t'il a tröuver de la réfiftance qu'il fitvoir une foibleffe qui tenoit de la pufillanimité.II ne fe laiffa point intimider par les menacesdu Cabinet de Ruffie, il favoit que laguerre avec les Turcs , le luxe qui regnoit acette Cour, plufieurs troubles intérieurs luifaifoient defirer une paix conftante avec fesVoifins du Nord. II fut gagner le Miniftre deSuéde & celui de France.Si les arrangemens qu'il prit avec les Coursétrangères denotent des vuës faines & une bonnepolitique, les plans qu'il fcrma pour Tadminiftrationintérieure ne prouverit pas moins d'habileté& un efprit de combinaifon capable de tout embraffer.Heureux fi fon ambition demefurée dansles commencemens, & fes craintes perpétuellesvers la fin, n'avoient pas offufqués des talens,qui, dans les circonftances oü fe trouvoitle Royaume par rapport a fon Monarque,auroient pu tourner au bonheur de .fa Patrie.II penfa d'abord a mettre un nouvel ordredans les Finances. II crut qu'un feul Collegefuffi foit pour tout ce qui regarde cette partiede 1'adminiftration : il voulut que tous lesReycTiUs de la Couronne fe verfaffent dansune caiffe commune, afin que d'un coup d'ceiile Roi put exaftement jnger de Fétendue defes fords.II projetta la dimination de plufieurs im-


( 4^7 )pots; le payement en argent comptant aulieudes redevances en nature. L'encouragementdes travaux de la Campagne, 1'aboliflement desfabriques & manufaCtures qui ne s'accordoientni avec le climat ni avec le terroir du pays,& !e retranchement de quantité de penfionsinutiles.Strnenfée vouloit auffi reformer 1'adminiftrationjufticielle, diminuer le nombre des procedures,abolir quelques Cours de Juftice, établirdes principes furs afin que toute perfonnefut confiierée comme citoyen: il voulut arne-Viorer la marine fans 1'augmenter & faire desreformes confiderables dans les troupes deterre, entreprife dangereufe dans fa pofition.Son grand fyftême fut d'abaiffer la Nobleffe& de la tenir éloignee de la Capitale; fousprétexte qu'elle y depenfoit bientót fon Patrimoineaux depens des Provinces. II vouloiedifperfer les Nobles & les releguer dans leursterres. En les faifant valoir, dijoit - il , ilsfe rendent utiles, aulieu que raïTemblés dansla capitale ils frondent le gouvernement, y fontdangereux, & fe ruinent. II vouloit leuruter la prérogative d'obtenir des charges envertu de leur .naiffance, & les mettre a cetégard de niveau avec tous les autres citoyenacn les faifant commencer par le moindre gradek ne les avancant que fuivant leur merite jHh 4.


( 4§8 )— En abaiffant ainfi l aNobleffe il croyoit travaillera fa propre fureté; il ne previt pointque ce corps toujours refpetfable fe voyantde plus en plus leze' dans fes privileges fe ligueroitpour le renverfer.Dans ie deffein d'améliorer 1'état des financesil fit adopter un nouveau plan d'économiepour la Cour & pour le Gouvernement;— Nombre de Courtifans furent congediés, &quantité de penfions furent retranchées. LeGrand Maréchal Comte de Moltke, quelquesDames & plufieurs Pages eurent leur demiffion:— le nombre de domeftiques tant de lamaifon que de 1'Ecurie fut confiderablementdiminué. — Les profits de la chancelerie entrerentdans la Caiffe Royale, les Colleges desAmiraités, des accifes, de commerce furentcaffés, & en leur place on établit des Comrnifilons.Par un Ordre du Cabinet figné le 3 Avril1771, on demit le Magiftrat de Coppenhague(*), & on élut a leur place deux Bourguemaitres.— L'affemblée des 32 fut demifepar le mème decret.Les privileges des Miniftres Étrangers fouffrirentde grandes alterations. — La Garde aC=t') XI fat retabU en 1772.


( 4*9 )cheval fut congedie'e, ils furent remplace's pat300 Dragons.' Tant de reformes confide'rables priverent quantite'de gens de leur Etat & de leur fubfiftance, &firent par conféquenr. beaucoup de me'contens.II voulut abolir les corvées & afFermer lesterres aux payfans pour leur propre compte,en commencant par les domaines du Roi,dans 1'efpoir que tous les terriens fuivroient cetexemple,mais la nobleffe lui fufcitatant'd'obftacles,qu'il n'y put réuffir & les payfans reftercntattachés a la glebe.Struenfée renvoya le Secrétaire du CabinetSchumacher: cette démarche revolta tout leRoyaume. - Schumacher étoit reconnu pourune homme de probité & de talens il n'étoitpoint intriguant & paroiffoit content de fonétat; on ne pouvoit concevoir les raifons quiavoient occafionnés cet aéte defpotique. Peude perfonnes en ont été informées, les voici.Tous les ordres donnés pour les différens changemens,que Struenfée jugeoit a propos defaire, étoient toujours expédiés dans le cabinetdu Roi, & déla on les envoyoit direftementau département aüquel ils apartenoient.Pour éviter toute repréfentaticn Struenfée vouloitque ces ordres reftaffent fecrêts jufqu'audernier moment. Dans le commencementtout tranfpiroit & les ordres étoient déja pu-Hh $


C 4PO )blies avant même qu'ils fufient expédiés.Après bien des recherches on découvrit qu'unCommis a qui Schumacher avoit dorme' entièreconfiance, & qui 1'aidoit dans les expéditionsqu'il ne pouvoit achever feul, étoit letraitre; il fut puni & chaflé, le Secrétaire eutfa demifiïon & il fut obligé de livrer tous fespapiers.Le rappel du Comte de St. Germain fit auffipartie du plan ceConomique de Struenfée. .On crut qu'il avoit defiein de le replacer dansle departement militaire, pour faire équilibreavec 1'autorité abfolue dont y jouiflbit leComte de Rantzau; mais Struenfée avoit d'autresvues il s'imaginoit que le Comte de St.Germain aimeroit mieux renoncer a une partiede la penfion de 7C00 écus qu'il confervalors-de fa demiffion, que de reveniren Dannemarc;il fut trompé dans fon attente, le ComteSt. Germain revint a Coppenhague. On leeombla d'honneurs, mais on ne 1'employapoint. U n'eut d'autre reflburce pour fe donnerdu reliëf que de fe concilier 1'amitié decelui quil'avoitrapeilé, &ilfutle feul Chevalierde 1'ordre dc l'Elephant qui lui fi tla.Cour pendantfon 1adminiftration.Cette même armée 1771 1'ordre de Mathildefut ififtkué au jour de naifiance du Roi ;perfonne n'en fut decore' que ceux qui jouif-


C 49 1 )foient d'une faveur particuliere.Le Baron deSchimmelman, donna a cette occaiion une fuperbefête dans fon Palais a laquelle la jeuneReine avoit affiftée avec fa fuite ordinaire (*).A peine la belle faifon fut-elle arrivée quela Cour partit pour Hi-fchholm, Brandt, lemedécm Berger, & quelques perfonnes de confiancefurent nommés pour 1'accompagner; ilsétoient deftinés a être continuellement autourdu Roi & a en éloigner tous ce,ux qui étoientfufpe&s,Ce Prince devenoit de jour en jourplus indifférent non-feulement pour les affaires,mais auffi pour tout ce qui concernoit fa Cour,il pafibit fon temps dans des amufemeris perpétuels,& fes facultés intelleftuelles paroiflbientbaiffer de plus en plus.Monfieur & Madame de Göhler, Madam? deSchimmelman, la Dame d'honneur d'Euben,le Collonel Falkenfchiold compofoient la fociétéordinaire de la Reine.Struenfée partageok.fon temps entre les foins qu'il donnoit auxaffaires , & ceux qu'il pren oit pour 1'éducationdu Prince Royal.II placa fon frèreair.é, qui s'étoit fait connoitrepar un exellent traité fur les fortifications,au nouveau Collége des finances , & fonfrère Cadet dans le militaire.A cetteocèafion 1'Adjudant GénéralFalkeafchioldjattaché a Struenfée obtint le Régiment du Roi.


( 4 0 2 )Sur ces entrefaites la Reine accoucha le yJuiilet d'une Princefie, qui fut tenue fur lesfonds par Ia Reine Douariere;& fut nomméeLouife Augufte.La jeune Reine n'ignoroitpoint les bruits injurieux que fes ennemisfaifoient courir fur fon compte & qu'on prétendoittirer leur origine de Friedensburg; elles f y montra extrêmement fenfible, & cherchaune amie a qui elle put ouvrir fon cceur, MademoifeileDeuben, qui avoit acquife toute faconfiance, fut celle a qui elle s'adrelfapourchercher de la confolation; celle-ei la raifura,elle lui fit envifager la complaifance qu'avoiteu la Reine Julie d'afiïfier au Batême de laPrincefie Augufte, comme une marqué afiuréede fes bonnes intentions. —Elle parvint a latranquilliler,mais ellene put lui öter la craintequ'on fe ferviroit peut-être d'un pareil pre'textepour faire paifer 1'autorité en d'autres mains.Elle mit Struenfée de la confidence; — il partageafon chagrin & fes inquiétudes, & dirigeafa conduite en confe'quence.Cependant petita petit les bruits ceflerent & avec eux le nuage,qui avoit troublé la ferenité de Hirfcholm,une parfaite fecurité en reprit la place & oncominua d'y vivre comme auparavanr.A cette époque le nouveau Miniftre d'Angleterre,ie Chevalier Keith arriva a Coppenhague.


( 493 )Struenfée aveuglé par fa fortune mais plusencore par une ambition, qui ne connoiiToitpoint de bornes, n'étoit pas content de règner;il vouloit règner avec éclat & tirer fonnom de 1'obfcuiité en le faifant infcrire fur leRegitre de la première nobleffe du Dannemarc.II fut annobli & obtint le diplome de Comte,(*) non content de cette élévation il luifa'loit encore un titre qui répondit a la grandecönfidération dont il jouiffoit, comme on n'enconnoiffoit aucun qui put exaclement exprimerce qu'il étoit, on imagina celui de Confeillerintime du cabinet, & on 1'en revetit; le pouvoirillimité que le Roi y attacha fut auffi nouveauque le titre; il fut authorifé de coucherpar écritCen telle forme qu'il le jugeroit apropos)les ordres qu'il recevroit de bouche, &de les envoyer aux différens départemens ,munis du feeau du Cabinet fans qu'il fut befoinde la fignature du Roi; — le lendemain parutune ordonnance fignée de la propre main de SaMajefté qui enjoignoit a tous les départemensde refpefter ces ordres.Le Miniftre donnoit au Roi a chaque famediun extrait des ordres, qu'il avoit expédiépendant le courant de la femaine,ils rece-C*3) Quelque temps aprè* Ia même faveur fut accordaa Brandt.


t 494 )voient par la la même fanc~r.ion que fi effeclivementSa. Maj. les avoit figné.On doit plaindre un jeune Monarque dontla fituation ne lui permet pas de fentir les confe'quencesd'une conduite auffi inufitée, maison doit me'prirer un favori qui abufe a cepoint de la confiance de fon maitre. II paroitau premier abord incor.cevable que Struenféefe foit permis des démarches qui devoientenfin le perdre, tandis, que s'il avoit fu profiterdes circonftances, il auroit pu jouir pendantlongues années d'une autorité illimitée,mais cette autorité n'auroit pas du être attachéea fa perfonne, la fignature du Roi auroitdu paroitre partout. Les privilèges de la Noblefieen particulier & de la Nation en généralauroient du être refpectés; alors fous la protectiond'une jeune Reine, qu'on aimoit, il feferoit foutenu, & 1'ambition d'un parti quivouloit s'emparer du gouvernement ne feroitpas facilement venu a bout de le renverfer;mais fon ambition le perdit, il ne put fupporterfon élévation, jamais content du pointqu'il avoit atteint, il vouloit toujours monterplus haut, jufqu'a ce qu'enfin la Cataftrophela plus terrible , mit fin a cette gloire momentanée& entraina dans fa chute une jeuneReine digne d'un meilleur fort.Struenfée avoit introduit une liberté de


( 495 )prefïe fans borncs, s'imaginant que ce feroitun moyen d'apprendre a connoitre lesfentimens du public au fujet du gouvernementaótuel. II ne croyoit pas que fes ennemis enauroient abufés au point de faire paroitreContre lui les fatires les plus atroces & les libellesles plus infames, on employa ce moyenpour le noircir au yeux de la nation, on aggravoitfes fautes, on faifoit rémarquer fon ca*raftère ambitieux, 1'abus qu'il faifoit de la confiancede fon maitre & on y faifoit revivreces bruits injurieux pour la Reine dont j'aiparlé plus haut.Les chofes en vinrent au point que tout d'uncoup la liberté de laprefle fut retirée; on promitdes recompenfes a ceux qui decouvrifoientles auteurs de ces écrits , & on menacade chatimens les plus rigoureux, ceux quis'aviferoient d'écrire doresnavant la moindrechofe contre le Roi, la Reine ou leur Miniftre.Les écrivains furent intimidés , ils feturent , mais trop tard , pour Struenfée; lecoup étoit porté. Les efprits une fois aigrisrefterent animés , fes amis fe refroidirent,ceux qui lui refterent attachés devinrent mefians& timides; le peuple s'étoit accoutumé ameprifer fon autorité & fon nom. La voixpubliquc étoit contre lui & dans ce momentcritique il auroit plus que jamais eu befoia


( 49$ )d'un courage qui parat 1'abandonner a cetteépoque.On ne s'en appergut que trop a un événementqui eut lieu vers la fin d'Octobrc.Troiscent matelots arriverent de Norvége , pour êtreemployés dans une expédition contre Alget.Suivant la coutume ordinaire, les matelots retiroient aucune paye avant le moment de leurembarquement.Ceux-ci depuis fix feroainesde féjour a Coppenhague n'avoient encore rienrecu de 1'amirauté.Sans travail & fans payeces pauvres gens fe trouverent bientót reduitsl la mendicité.Ni leur mifere , ni leursplaintes ne pouvoient leur procurer du fecours.— Perfuadésala fin qu'il n'avoientplus d'autre refiburce que celle d'une refolutiondefefperée, plufieurs d'entre eux allerenta Hirfchholm ou étoit la Cour; apresavoir fait ferment de revenir ou foulagés ouvengés. Ils fortirent de la ville avecun maintienmenacant; on n'ofa point les arrêter. Lebruit de leur revolte les avoit devancé aHirfeh-holm; Ie Roi & la Reine étoient a lachafie.Un Général Adjudant alla a la rencontrede ces matelots, s'informant des raifonsde leur mecontentement.Nous voulons par^ter a notre Père, repondirent-ils, il doit nousfcouter & nous aider. On fit avancer quelquesDragons: ce qui les irrita encore d'avantage.Ils


C 497 )jtls firent paroltre des armes & avertitent qu'ilrépoufiëroient la force par la force. L'Officiertacha de les appaifer, leur paria avecdouceur mais avec fermeté, & les engageapar ce moyen a expliquer leurs griefs. Leurexplication fut courte & fiére. II les écoutaavec patience, leur promit ce qu'ils démandoient& les perfuada enfuite de retourner enville. On leur tint parole & la tranquilitéfut rétablie. Cette conduite auroit meritéed'être applaudie, fi après avoir fuivi les régiesde la prudence, on eut montré enfuite ducourage & de la Juftice: La loi étoit fansdoute trop fevère contre les matelots; maisils étoient coupables de révolte. La loi nefut pas changée. Le contre Amiral de Rühmor,qui devoit commandcr 1'Efcadre eut fadémisfion.Cette fagon d'agir fut aufii imprudente qu'injufte,puifque cet Officier avoit fait fon devoir.Les matelots en conclurent que la courspprouvoit leur conduite, & cette idéé lescncouragea & de nouvelles violences. Le traraildu chantier cefla. Ils commirent touteforte de desordres, demanderent une ameliorationde leur fort, & s'emporterent a desmenaces en cas de refus. Cet evenementinquieta extrêmement la cour: Struenféecraignant que ee ne fut une etincelle quïli


C 498 )allumeroit peut être un grand feu, fongea k1'étouffer le plus promptement que poffible; —On ne fut d'autre moyen que de difperfer lesmecontens & de divertir leurs idees par desplaifirs; A cet eflèt on conclut de leurdonner une fête, qui fut celebrée a Fredriksberg,chateau du Roi a un demi-quart de lieue deCoppenh. avec une magnificence prodigieufe. —•Les matelots après avoir jouï des plaifirs qu'onleur avoit procuré s'en retournerent plus tranquileschez eux; enfuitte ils furent embarqués; Mais le nuage n'étoit pas diffipé;la nobleffe & une partie de la Bourgeoifieayant été temoins de cette fcéne en tirerent unaugure malheureux pour Struenfée; »Hk. Onvit dès ce moment qu'il connoiffoit la crainte.Cette decouverte fut importante pour ceuxqui avoient jurés fa perte, & des lors on travaillaferieufement & en fecret a le renverfer,ainfi que la jeune Reine fa protectrice; — Cependanttout fut arrangé avec prudence; -On comprit qu'un feul faux pas pourroit toutfaire manquer; en rendant Struenfée de plusen plus fufpeét, on s'étudia a gagner la confiancede la nation. Perfonne ne fut mis dufecret mais on tacha de découvrir qui d'entreles ennemis du parti regnant feroient les pluspropres a être employés ; On éprouva levieux Comte de Tott, le Comte d'Often, &


C 499 >i Ie Comte de Rantzau Afchberg; ce dernierfut choifi; on connoifibit fon efprit inquiet &i fon amoor pour les avantures, cependant on• craignoit fes irrefolutions naturelles & 1'inconftancede fon caraelière i —— mais on n'ignoroitpas qu'il avoit une vengeance perfonnelile a prendre; On s'étudia a le gagner &i on remarqua avec plaifir qu'il devenoit de plusen plusmécontentde la regence a&uelle. Quoijque les arrangemens qu'on prit fous main fusfentexecutés avec le plus grand fecret, il enütranfpira quelque chofe; Struenfée en fut viveirnentallarmé; un faux avis qu'on lui fitdonneri en même temps, qu'on en vouloit a fa vie, lui!I infpira la plus vive frayeur. II perdit abfolumentla tête au point qu'il fe jetta aux pieds| de la Reine , lui temoigna toute fa reconnois-I fance, fon attachement, fa douleur & fes in-] quietudes, la pria inftamment de lui permettrede fe retirer d'un pais & d'une cour oü il nej fe voyoit entouré que d'ennemis, ou le méconttentement général paroiflbit s'appefantir furi lui, &oü la fin laplus deplorable le menagoit1 de tout cóté. • II repréfenta tout aufii vi-I vemenU la Reine le danger qu'elle couroit elleni même fi elle 1'obligeoit k refter, & s'obftinoitaal le proteger contre des ennemis qui s'accroisifoient i chaque inftant. « lui repréfentaj qu'elle n'auroit aucune protection a attendre deli a


C 500. )ibn Epoux; fi fes ennemis triomphoient. «—*La reine rejetta fes propofitions avec lemême feu. Reflés, dit elle a Struenfée,Ji vous, m'abandonnésdans ces circonftancesvous me porterés a une atlion qui déciderade mon . bonheur ou. de ma pene.Struenfée connoifibit fon courage;obeït en tremblant ,• & fut obligé de faire fermentque jamais il ne feroit plus pareille propofition.Le parti contraire obfervoit avec beaucoupde foin tout ce qui•IIfe paflbit aHirfchholm & profitoit de la moindre circonftancequi pouvoit tirer a confequence.On y fit venir les 300 dragons commandéspar Mr. de Numfen qui avoientremplacés la Garde a Cheval,fentinelles par tout.chofe de nouveau pour les Danois:& on mit desCeci fut quelqueIlsn'avoient jamais vu leur Rois gardés avec tantde précaution a Ia Campagne.Les matelotsNorvegiens furent renvoyés en grande hatedans leur pais.On temoignoit de 1'amitiéa des gens qu'on accabloit de mépris auparavant.On carefibit ceux qu'on craignoit & lesplus petits moyens furent employés pour gagnerla populace de la capitale.Dans cette perplexité Struenfée fe flattoitcependantque fon pouvoir & fa cönfidération•


( 501 )perfonnelleferoient a Talmde tout attentat,auffllóngtemps qu'il pourroit éloigner fes ennemisde toute communication avec le Roi: II connoiffaittrop ce Prince pour ignorer qu'il n'ai-"moit perfonne, & que fa faveur n'étoit que1'effet de la crainte, ou del'empire qu'on avoitfu prendre fur fon efprit. II connoiffoit tropbien fa foibleffe pour ne pas être perfuadé,que rien n'étoit plus facile, que de changerdans un inftant fa facon de penfer, & le portera des mefures violentes contre ceux mêmequ'il paroifloit affeétionner le plus. On prolongeatant qu'on put le féjour de la cour aHirfchholm; les gens de confiance de la Reine& du Miniftre n'abandonnerent pas un inftant] e R o i; , Le Comte Brandt furtout n'ofoitpas le quitter.Tranquile du cöte du Roi, Struenfée fe remitaux affaires; mais ce fardeau devint trop pefantpour fon efprit abattu par tant de chagrin. Ilréfolut dele partager avec fon frere en le placanta la tête du departement des Finances dontil étoit déja membres mais ce projet ne put êtreexecuté.Plufieurs altérations fakes aux arrangemensde Police a Coppenhague, qu'il avoit voulumodeier fur celle de Paris, fourniffoient a fesennemis des raifons pour le rendre odieux auxBourgeois & au Peuple de cette Capitale.' A quelques égards il n'auroit pu choffir unli 3


C$óa>meilleur modèle, mais il auroit du confidérerque ce qui e'toit convenable aux moeurs d'unpeuple vif & qui aime les plaifirs, ne Tétoitpas pour les habitans phlegmatiques & tranquillesde Coppenhague; on ne manqua pointde leur faire confidérer les nouveaux règlemens,moins fevères que les premiers, commedangereux pour les bonnes mceurs & tendantesa corrompre la nation. Le peuple vitdès - lors ces nouveautés avec horreur, & detout cóté on n'entendoit que murmures &plaintes.Cependant la faifon avancoit, & il n'étoitplus pofiible de refter a la Campagne, mais laReine & Struenfée n'ofoient pas rentrer en ville, oü la Cour de Friedensbourg étoit déja revenue.Ils engagèrent le Roi a s'établir pourquelques jours a Friedriksberg , petit chateauaux portes de Coppenhague. Avant de rentrerdans un endroit oü tous leurs ennemis fetrouvoient rafiemblés, ils vouloient s'affurer delajéuffite d'une grande entreprife, qui devoitbeaucoup contribuer a leur fureté.II s'agiflbit de cafier le régiment des gardes apied, des foldats duquel ils avoient des raifons trésfortes de fe défier. Tous Norvégiens, ils étoient•attachés par inftinct a leurs Rois; on avoitfous main fait repandre parmi eux le bruit que'Pautorité & la perfonne de Sa Maj étoit en dan-


( 503 )> ger, pour s'en aflurer dans 1'occafion. Larefolution de les caffer fut prife le 21 Nov. &expédiée deux jours après.On alTembla les Compagnies de ce refpeftable& beau Corps ; un Officier leur annonga, la volonté du Roi, qui caffoit le régiment maisincorporoit les foldats dans d'autres battaillons.j Un murmure général fe fit entendre de rang enrang, puis a grands cris ils demandèrent ouleur congé en bonne forme, ou l'éreétion d'unnouveau Corps auquel tous fans exception feroientaggregés.Envain leurs officiers voulurent-ilsleur repréfenter la néceffité d'obéïr auRoi, envain employèrent-ils la perfuafion &les menaces, rien ne put calmer leur rage. Ilsquittèrent leurs rangs a grands cris &fe debandèrent.Les gardes les plus voifines accoururent& voulurent les arrêter.A cette vue leurfureur redoubla, ils tirèrent leurs fabres, tpmbèrentfur ces gardes & firent main bafle furtout ce qui faifoit réfiftance ; le fang ruiffeloitde toute part; 1'allarme & la frayeur devinrentgénérales; d'autres gardes plus éloignées arrivèrent;on fe battit de nouveau; un petit nombrede mécontens furent obligés de fe rendre;une compagnie s'échappa & courut vers la portedu Nord.Ils forcèrent la garde & marchcrcntdroit k Friedriksberg, les autres compagniescoururcnt au chdteau & s'y retranchèrent


( 5°4 )dans leur corps de garde. Le Gommandantenvoya un exprès a Struenfée pour lui donneravis de cette révolte; a cette nouvelle la confternationfut extréme; le moment étoit critique,& rien que la douceur pouvoit rétablirle repos. Struenfée fit promptement expédierun ordre de Cabinet, par lequel il promit auxmécontens ce qu'ils demandoient ,&chargeaunofficier de le leur porter. II les rencontra toutprés de Friedriksberg. D'abord qu'ils 1'appercurent,ils crièrent tumultueufement qu'ils venoientpour parler au Roi & lui demander juftice;en attendant ils avaneoient a grands pas,une garde fous les armes ne les effraya point.L'officier qui la commandoit voulut employerla force, mais tirant leurs fabres ils firentmine d'un air fier & réfolu de palfer outre;alors celui qui étoit porteur de 1'Órdre du Cabinetfe joignant a celui de la garde, employale ton de la perfuafion. Enfin après leur avoirmontré la fignature de la propre main du Roi,ils parvinrent a les faire retourner a Coppenhague,oü ils furent joindre leurs camarades auchateau, & leur firent part de ce qu'on avoitété obligé de leur promettre.Cette nouvelle releva leur courage, mais neles contenta point, ils vouloient plus que despromefies, s'imaginant que fans un congé enfconne forme il n'y ayoit aucune fureté pouf


( 5°5 >eux., Ils s'engagèrent réciproquement par lesfermens les plus folemnels a mourir, plutótque de s'abandonner dans cette occafion. Ilsfavoient que trois regiments d'Infanterie &deux efcadrons étoient rangés autour du chateaumais rien n'étoit plus capable de les détournerde leur defièin. Ils ne permirent qu'aleurs propres officiers de les approcher.Les négotiations durerent pendant toute lajournée & une partie de la nuit fuivante. Enfina une heure du matin ils rendirent leursarmes & fe féparèrent, après avoir obtenu toutce qu'ils défiroient. On leur donna a chacunun congé, figné de la propre main du Roi,trois écus, le préfent de leur pleine uniforme,& l'acquit entier de ce qu'ils devoient a lacaifïe du régiment. Chacun s'en retourna chezlui & le refte de la nuit fe pafla tranquillement.Le lendemain a la pointe du jour environ quatrecent d'entr'eux partirenf, — VS uaverfèrentla ville en bon ordre , & dans toutes lesruës oh ils paflbient ils difoient. adieu d'un tonattendri a leurs concitoyens. Ce depart fitune grande impreffion fur le peuple, la foutes'attróupoit de tout cóté & s'augmento.t d.emoment en moment. Les bourgeois jettoiencde 1'argent aux foldats & les confoloient, lesmatelots auffi Norvégiens, couroient par toute.ia ville & commencoient a parler de vengeance,


506)les efprits s'echaufièrent, on n'entendoit detout cóté que des cris, des juremens & desmenaces. Le Général Major Gude, Commandantde la ville accompagné de plufieurs Officiersaccourut & fit de fon mieux pour disperferla populace, mais il fut jetté de fon cheval& trainé dans la boue. Plufieurs Officiers &Soldats furent maltraités & quelques-uns blesfés.Les Soldats congediés ne prirent aucunepart a ces defordres & fortirent tranquilementde Ia ville.Après leur depart le trouble continua encorependant toute la journée & ce ne fut quevers Ie foir que le calme fe rétablit entièrement.Cette terrible fcene rendit Struenfée encoreplus craintif & plus irrefolu; fes terreurs étoientinexprimables - il eft vrai que fa fituation devenoitde plus en- plus critique, cependantavec du courage & de la réfolution il auroitpeut être pu s'en tirer heureufement. Le Chevalier


C 507 5oppofa de la fagon la plus forte, elle étoit' perfuadéeque du moment qu'il auroit quittéla Cour, fes antagoniftes mettroient tout enoeuvre pour la perdre, s'empareroient du Roi &avec lui de 1'autorité.Struenfée comprenoit cependant qu'il devoitfoigneufement cacher fes craintes a fes ennemis,& fe rendre attentif a toutes leurs demarches,de la il conclut que le retour a la réfidencene pouvoit plus être différé.Ce plan deplut a la Reine; elle paroiflbitavoir un preffentiment du fort terrible quil'attendoit,elle ceda cependant aux inftances réi-,terées de fon Confeiller & le retour a Coppenhaguefut réfolu. Struenfée ne pouvoitfe diffimuler qu'il couroit le plus grandrifque ii une nouvelle révolte éclatoit; il prit.toutes les mefures poflibles pour la prevenir:II fit doubler les gardes du Chateau & del'Arfenalqui y joint;. On placa, du .Canon dansplufieurs endroits, & 6000 cartouches furentdiftribuées a chaque Regiment. Ces précautionsfirent un mauvais efiet, on difoit dans le publicque celui qui les prenoit fe fentoit fansdoute coupable d'a^öir lefé la nation, ' 1'autoritéRoyale tomba dans le mépris, la grandecönfidération de Struenfée paroiflbit un fongequi alloit s'évanouïr : On avoit compasfion du


C 5o8 )Roi; on vouloit haïr la jeune Reine,' mafsdes qu'on la voyoit il falloit 1'aimer, & lorsqu'onpenfoit a toutes les circonftances de fafituation il falloit la plaindre.En attendant tout concouroit 'pour donnerune heureufe réuffite aux projets des ennemisde la jeune Reine. Ce parti s'e'toit fortifié d'unhomme qui avoit jure' une haine éternelle a,Struenfée & qui vouloit fe venger a tout prix dece qu'il avoit refufé.de 1'avancemént a un defes amis; Cet homme étoit le CollonelK * * * * *, chef d'un Regiment de la Garnifonde Coppenhague. Perfonne n'étoit pluspropre a une grande entreprife. Un courage atoute épreuve,un efprit ferme Sc beaucoup d'ambitionfaifoient le fond de fon caracTère; — Lecceur ulcèré contre Struenfée il vint quelquesjours avant le nouvel an offrir fes fervices a 'ceux qui tramoient fa perte. On s'alfura auffidu Comte de Rantzau, ainfi que du CollonelEichffadt qui commandoit les dragons de laGarnifon, & qui fut d'autant plus néceffaire,qu'on ne pouvoit pas compter fur les autreschefs dé Regiments qui prefque tous avoientobtenu leurs poffes par la protedion de Struenfée.Le moment approchoitoü alloit iïnir le règnede 1'Epoufe infortunée de Chrétien VU.


C 5°9 )dont on avoit envié déja le pouvoir & 1'influencedès le moment de fon arrivée dansle Royaume & ft laquelle on avoit voué unehaine implacable ainfi que celui d'un favoriqui regifibit plutót en maitre que commeMiniftre.Ce moment paroiiTait bien doux dans laperfpeétive, mais on n'ofoit le hateravant d'être bien fur de fon fait; toutfut employé pour diminuer de plus en plus1'attachement de cette partie de la nobleffequitenoit encore ft la jeune Reine ,& pour augmenterla haine de la nation contre Struenfée.Si ce dernier avoit voulu écouter les confeilsd'un homme qui impliqué lui même dansle parti oppofé, mais entrainé par la perfuafiond'un Miniftre étranger, tenta de lui fairechanger de Syftême, il auroit été fauvé, &ce même homme qui fut un inftrument de faperte 1'auroit été de fa confervation. — Toutdependit de ce moment d'aveuglement.Enfin le 17 Janvier fut fixé pour la cataftropheterrible, qui devoit féparer le Roi pourjamais de fon époufe & de fes amis, le fairepaffer d'une tutelle ft une autre, priver pour toujoursune jeune Reine du titre d'époufe, &donner le coup de mort ft fon cceur maternelen lui arrachant tout ce qu'elle avoit de pluscher au monde, On s'y crut obligé peur U


( 5io )bonheur de la nation & pour le bien du JRoyaume.Un Bal qu'on donna a la cour en facilita1'exécution.Le 17 avant jour on apprit en ville avec laplus grande furpriie, que la Reine Mathilde,le Miniftre du Cabinet Comte de Struenfée,fon Frère le deputé aux finances le Comte deBrandt & tous leurs amis avoient été arrêtéspendant la nuit: II eft impofiible de decrire1'étonnement & la terreur de tous les habitansde Coppenhague.On avoit choifi le jour que le Regiment duCollonel Köller étoit au tour pour donner lagarde au chateau & dans fes environs. La jeuneReine s'étoit livrée avec toute fa vivacité ordinaireau plaifir de la danfe qu'elle aimoitbeaucoup: a une heure du matin elle avoitfait la cloture du bal avec le Prince Fréderic,& fes principaux adhérens avoient pour laderniere fois eu 1'honneur de faire la partie duRoi.La cloche en fonnant trois heures donna lefignal dont on étoit convenuj un morne filenceregnoit dans tout le chateau: le CollonelKöller parcourt les différens corps de garde,prend avec lui tous les Officiers, les mène ala garde intérieure du chateau; la il leur déelarequ'il a ordre du Roi d'arrster la Reine


egnante & tous ceux de fon parti, il leurordonne de le fuivre.L'importance de cet ordre terrible, le regardimpofant de leur chef, lefang froid,letonfevère avec lequel il leur adreffe la parole, enimpofa tellement a ces officiers , qu'aucund'eux ne fongea a exiger 1'exhibition de cetordre i fi quelqu'un 1'eut fait tout auroitechoué. Mais Köller fut auffi heureux qu'entreprenant.— H le rendit avec fa fuite aurendés-vous; — pendant ce temps le CollonelEichftatt faifoit mettre fes dragons fous lesarmes & les rangeoit autour du chateau.On va enfuite a 1'appartement du Roi, onouvre avec fracas les rideaux de fon lit, ils'éveüle en furfaut & paroit effrayé, on nelui laiffa pas le temps de reprendre fes fens, onlui dit d'un ton terrible que fa perfonne & fonRoyaume font dans le plus grand danger! —OM fuir? que faire: demanda le Roi, touttroublé, aidésmoi — confeillêsmoi? — fignésceci, dit Rantzau; alors mon Roi, la familieRoyale & toute la nation font fauve's. — Le Roiprend la plume mais la rejette lorfqu'il vit lenom de Mathilde. — Enfin on le perfuade, ilfigne, & Rantzau va exécuter 1'ordre que contientle decret fatal.Le Collonel Köller fut chargé de la commiffiond'arrlter Struenfée, il s'étoit déja ren-


C 512 )du k fa chambre fans attendre 1'Ordre figné dnRoi. II laiffa les officiers qui 1'accompagnoientdans Pantichambre & entra feul dans 1'appartementoü couchoit le miniftre. Struenfe'e fe reveillaau bruit & reconnut Köller avec la plusgrande frayeur. II lui demande en tremblantce qu'il vient faire a une heure auffi indue. — 'Vous l'apprendrés dans un inftant, répondit leCollonel, levés vous au plus vue: puis il leprit par le Collet & le fecoua. avec violence.Struenfée perdit tout courage & cêda lachementa 1'effortd'un feul homme, on leconduifitavec fes amis a la Citadelle oü il fut misdans un cachot.Si le malheureux Struenfée avoit eu plus derefolution, fi en refiftant a Köller il eut obligéles Officiers d'entrer dans fa chambre & qu'enleur prefence il eut demandé a voir Tordre duRoi, peut être que l'audacieux Köller auroitété la victime de fa temerité.Le Frère air.é de Struenfée,- le Comte deBrandt, le Général Göhler, & fon époufe,le Collonel Falkenfchiold, le Général GudeCommandant de la ville, le Baron de Bulouw,le Secretaire d'état Zöga & quelques autresadhérens de Struenfée furent tous emprifonnésles uns après les autres.Le Comte de Rantzau & le Collonel Eichfiattfe rendirent- avec quelques Officiers a IV


parlement de la Reine. Elle fe reveille j cn-•itendant du bruit dans fon antichambre ejle appellefes femmes, & voit la paleur fur leursvifages. La Reine effrayée fe leve & veut faivoirla caufe de leur frayeur. Enfin unedv- ;lui dit que le Comte de Rantzau eft dansfon antichambre & demande k lui parler deHa part du Roi. Rantzau? de la part fa\Roif dk-eile, vite cours chez Struenfée; onlui notifie qu'il eft arreté. Je fuis trahit! s'écriefelle avec la plus vive douleur, # perdued jamif* mais qu'ils entrent les traitres iJe fuis refignêe d tout; elle va a moitié habifclée & avec intrepidité a leur rencontre. Rant-2au lui fait la leóture de 1'Ordre figné du Roifelle Técoute avec fermere & fans 1'interompre ,ayant cependant de la peine a le croire.elle, Wut Ure 1'ordre elle-même, Rantzau le lui doBmelle fe lit d'un bout a 1'autre fans marquer lamoindre frayeur, puis s'ecrie; Je monnois d cet'i u fafon ffagir & les traims Roi. — Rantzaula prie de vouloir fe conformer a 1'Ordre qu'il lui 3prefenté. Ordres, répondit-elle avec mépris,Ordres dont peut-être le Roi ne Jait rim tuhméme, & que fa perfidie.l.a plus howble afans doute arrachéeJ fa 'foibUffe, non! d ds$areils Ordres me Reine n'obéd point,zau d'un ton fevere dit que la eommiflion mmmmit mem delai. "Avant ps Ï»P twlf


au Roi dït-elïe pareille commijjton ne fera poinexecutie a ma perfonne, iaiffés-moi aller cheztui , je dois, je veux lui parler , k ces motselle avanca quelques pas vers la porte, Rantzaula retient & s'impatiente, il change fesprieres en menaces. Miférable, s'écrie la Reine,eft ce ld te ton d'un fujet vis-d-yis de faReine? • Le fier Rantzau s'irrite, donneun coup-d'ceil fignificatif a fes Officiers; leplus hardi s'avance & veut la faifir, elle s'arrachede fes mairjs , appelle au fecours enCriant de toutes fes forces, perfonne ne vientjfeule contre des gens arme's , fans défenfe;tranfportéc de colère, cette malheureufe Princefiecourt vers une fenëtre & dans fon defefpoirveut fe précipiter, on 1'arréte, on tachede Tentrainer, elle fe défend, enfin elle perdfes forqes & la connoiiTance, revenuë è elle& voyant qu'il n'y avoit plus moyen de refifterelle refolut de ceder z la circonftance.On lui donna le temps de s'habiller, enfuiteRantzau la conduifit a la voiture qui la menaau, .chateau de Cronenburg.La nouvelle de cette révolution s'étant répandue,la Reine Douariere & fon fils' le'Prince Frédéric pariirent a un Balcon & fe firentvoir a la multitude aflemblée devant lechateau. -—. On eria Vive la Reine Julie,:.0ye le Prime' Frfdêric'l iafadis qü'üh möV-


U'5>m filence regnoit dans le refte de la ville.A Midi le Roi. en habit de Gala accompagnédu Prince Frédéric fut promene' en caroffe deceremonie par les principales ruës de Coppenhague.Quelques perfonnes fe mirent en devoirde dételler les chevaux & de trainer lavoiture; mais le Prince Fréderic fit figne quele Roi ne le vouloit pas.Pendant ce temps la Reine Julie donnoit audience& temoignoit combien elle étoit navréequ'on avoit été obligé dc recourir a des moycnsauffi violens & qui repugnoient ft fort a fa fa-'fon de pen/er ; mais que le bien du Royaume LI'la fureté de la perfonne du Roi Vavoient, exigê rLe foir toute la ville fut illuminée, & le dimanchefuivant, on rendit grace au ciel, de1'heureufe révolution qui fauvoit 1'Etat & 1'Eglife, & dans le courant de la femaine lethéatre retentit en vers & en profe des louangesde ceux qui avoient chargés la formedu Gouvernement.On recompenfa tous ceux qui avoient étéemployés. Le Comte de Rantzau fut nomméchevalier de 1'Ordre de 1'Elephant, & Générald'Infanterie; Köller eut 1'Oïdre de Dannebrog& le rang de Lt. Général, il fut ano-,bli fous ïe nom de Banner qu'une ancienne familieéteinte depuis lóngtemps avoit porté.Eichftatt devint Lt. Général enfuite Gouver^Kk 2


C 516 )fleur du Prince Royal, & chaque Officier fatavancé d'un grade. -— Le Sécrétaire du CabinetSchumacher qui avoit été renvoyé futrappel! é.Le Confeil d'Etat fut rétabli fous le nom deÊonfeil fecret du cabinet toutes les affaires duRoyaume devoient s'y rapporter. Le PrinceFrédéric en fut déclaré Préfident, le vienxComte de Tott, le Baron de Schack Ratlou,qui s'étoït retiré dans fes terres (comme je1'ai déja dit) le Comte d'Often,le Comte Rantzau,& le Général Eichftadt y eurent féance.La Conduite de Chevalier Keith, dans cette©Ccafion fut digne des plus grands éloges, onlui rend encore è Coppenhague a cet égardtoute la juftice qu'il mérite; il fe comportaavec dignité & avec prudence. —- Sa déclarationau Comte d'Often chargé des affairesétrangères, fut courte, mais énergique. IImenaca de la part de fa Cour, de la vengeancela plus forte, fi l'on attentoit la moindrechofe contre la perfonne dela Reine-Mathilde,puis il envoya fur le champ un courieren Angleterre, ne paroiffant a la Cour quelorfque le cas Texigeoit abfolument.Struenfée fe comporta de la facon du mondela plus foible depuis le moment, ou il futemprifohhé jufqu'a celui oü il expira fur unÉêhafiaüt dansles tourmemsd'une mort crueile;


Brandt au contraire garda toujours fa prefene©jd'efprit & fon courage, & jufqu'au dernierfoupir il conferva une intrepidite', qui auroitprobablement fauvée les malheureufes vidbimesjjde 1'ambition de fon ami, fi celui-ci 1'avoit eujen partage.De ceux qui avoient été arretés plufieursfurent rel&chés, mais reeurent ordre de quitterla capitale & perdirent leurs emplois. II futdefendu a Madame Göhter de jamais reparoitreè la Cour. Son Epoux le Lt. Général Göhler,fut cafie & banni des Mes de Zélande & deFionie, mais conferva une penfion de ioooi ^ c u s. Le Collonel Falkenfchiold fut enferrnépour toute fa vie dans la Citadelle deMunkholm a un demi écu par jour, pour avoirété 1'ami intime de Struenfée.Le frère de Struenfée fut relaché, fous conditionde ne jamais parler, encore moins écrireau fujet de la. révolution.Le contre Admiral Hanfen , le Lt. CollonelHefielberg, le Confeiller d'Etat Willebrandt &quantité d'autres furent bannis; mais conferverenccependant des petites penfions.Telle eft 1'hiftoire, telle fut la fin d'unhomme, qui né dans 1'obfcurité s'élèva auplus haut point de fortune & de bonheur, oujamais mortel puifle atteindre, qui fut précipite'dans un abime de malheur par une ambitionKk 3


c si* 3rans bornes & une conduite auffi peu mefiirée,que pufillanime &yentraina une jeune"Reine digne d'un meilleur fort, avec fes amisles plus intimes. («) j efuis, & c.(*) Outre ce que j'ai eu occafion d'apprendre l e slieux, jaiftit ufage p 0 u rIe contenu de cette lettredun m a n u f c i p ttrouvé parmi l e sp a p i e r s d > u n hqni fut enveloppé dans la difgrace de Struenfée &q uïeft mortlannée 1782. Son nom eft connu dans la Rétaitpl u s d„ n e f o l s m e n t l 0 n d e f e s p r o d u £ l i o n sCepe ndan C Q m j e t r Q v ê x t r ê f f l e m eu ecueTe n? 0 3"?" i ^ 0" ' ° " V M C e fe fait,9»e je ne voudroas pas garantir: je n'en ai pris que ce«ne j ai hend ecroire bien conftaté.Son manufcript compofé ongïnairement en francois i«te impnmé en Allemagne fous le titre fuivant •—Authenafcheund Höchftmerkwürdifche aufklarungen überdie g.fch.chte des Grafen von Struenfée und Brandt 1aas den, Franzöfifchen manufcript eines hohen un fe-«ntea, 2um erftenmal überfezt und gedruckt _ Germamen1788 , c'ert-a-dire :Eclairciffemens authentïques & trés remarquables fur1 naredes Comtes de Struenfée & Brandt, c 0ntenu Smdur eflT UfC " PtC° m p 0 f é P a r U n i U u «-anonime stradun en francs pour la première fois &i m p r i m é e n'Germanie 17SS.F I N .


L'auteur s'étoit flatté de joindre a cet ouvragequelques vuës de la Suéde & du Dannemarc,deffinées par lui-même fur les lieux;Mais 1'Editeur des vuës rémarquables desMontagnes de la Suifle, qui s'eft chargé deles faire graver k Paris, n'a pu les faire exécutera temps.Lorfqu'elles feront prettcs, on en avertirale Public, qui pourra fe les procurer chez lefusdit Editeur.


ERRATA.18. LigHe 10. qu'un coup part, lifés, qu'un coup partït,2 9. . . 7. leurs voiftós, . ... fes voif.ns32. > . 19-fatiques, . . . . fatigues5, , , • favonfe9 I. , . 27. ont couts, . . . . ontcoutésui. . , 1. age agéSi. . . 7-Athéa, 1'Althé.ï?6. - • 6.troupeau, 1 . . . troupeaux* 92. . . 7.Ces maifons, . . . Les maifons209'.• 2-«"KS o n t > mursquiont31ï. . - 17- o u quelqu'autre, . . de quelqu'autrelïbid, 1 21- a un quart delieue eft, . . . . a un quart delieue de cet endroiteft333' ï • IS. I33Ï . . . . . . . 1337-324. ' 4-6-7- "«es, tonneaux418. , . 26. des deux partis, . . de deux partis424. . . alanote .Ranneberg . . Runneberg.4S 9, . . 10, prouva &c. . . • prouva

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