12.07.2015 Views

Numéro 65 - Le libraire

Numéro 65 - Le libraire

Numéro 65 - Le libraire

SHOW MORE
SHOW LESS
  • No tags were found...

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

le <strong>libraire</strong><strong>Le</strong> bimestriel des librairies indépendantesJuin - juillet 2011 • n o <strong>65</strong>GRATUITposte-publications 40034260L’Ailleursen crise :les écrivainsd’ici racontent© Patrick BizierEntrevuesLouis GauthierÉlise GravelNicole KraussBoubacar Boris DiopDennis <strong>Le</strong>haneLibraire d’un jourDaniel Bélanger


« Comment mes peurspeuvent-elles devenir mes amies ? »à nous dépasser, à aller plus loin, à apprécier l’état de bien-êtrequi suit leur apprivoisement, à être courageux, à pousser nospossibilités au-delà de nos espoirs. Une fois que tu comprendsavec ton cœur que les peurs ne sont là que pour te permettred’aller plus loin en toi en repoussant tes limites, tu cesses de lescraindre et les apprivoises doucement. »<strong>Le</strong>s aventures de Miguël respirent la tendresse, l’amour et lamagie. Maintenant que son cœur s’ouvre à l’amour, il est surle point de se faire jouer un mer-veilleux tour ! Un tour qui ledécouvrir la puissance de l’amour à l’intérieur de lui. Sa routelui donnera de nouveaux yeux, « <strong>Le</strong>s yeux de l’intérieur ».Dans mon cœur se trouvent mes plus beaux rêves ;dans ma vie ceux que je crois possibles.


LA PAGE DES LIBRAIRIES INDÉPENDANTES DU QUÉBECPar Dominique<strong>Le</strong>mieuxDirecteur général desLibrairies indépendantesdu Québec<strong>Le</strong> monde du livrePour la suitedu mondeLibrairie indépendanteLa première fois que j’ai lu Gao Xingjian, j’étais à Shanghai,étendu dans le lit infect d’un logement mal chauffé. J’avaisaperçu un exemplaire en anglais de La montagne de l’âme,laissé distraitement sur une table à café par une amiechinoise. J’en avais aussitôt dévoré les premières pages.Dans ces lieux, le <strong>libraire</strong> libère la parole, alimentel’engagement. Il permet aux lecteurs de replonger dansleur histoire. Il les aide à se réapproprier leur identité. Illeur fournit les outils pour se forger une opinionpersonnelle à mille lieues des discours officiels.À ma demande, mon amie m’a plus tard guidé dans lescoulisses de sa librairie préférée, en plein cœur du quartierFuzhou. Elle m’y a présenté son <strong>libraire</strong>, un anciencompagnon d’université. <strong>Le</strong>s rencontres se sontmultipliées. À chaque visite, ce <strong>libraire</strong> me reconnaissait.Il me montrait les nouveautés sur ses étals. Puis, parfois, ildisparaissait derrière une porte et revenait avec unbouquin ou deux. Bien enfouis dans l’arrière-boutique, ceslivres, puisque interdits par les autorités chinoises.C’est ainsi que j’ai découvert, au fil des mois, les récitssubversifs de Mian Mian (<strong>Le</strong>s bonbons chinois), le tonprovocateur de Zhou Weihui (Shanghai baby) et le regard vifde Yan Lianke (Servir le peuple, <strong>Le</strong> rêve du village des Ding).Mon amie vénérait ce <strong>libraire</strong>, qui lui permettait dedécouvrir un pan de la production littéraire que les hautsplacés du régime communiste tentaient de camoufler.Dans les livres, elle distinguait un monde interdit, voyaitles sombres pourtours de sa nation.Parlons QuébecAu Québec, la librairie a longtemps joué un rôlesemblable. Au XIX e siècle, le <strong>libraire</strong> Édouard-RaymondFabre était au centre de la Rébellion des Patriotes. Salibrairie, un véritable lieu d’animation politique, étaitdevenue le point de rencontre des Patriotes montréalais.<strong>Le</strong>s idées y circulaient librement, les livres également.Même constat dans le Montréal des années 1950. Enpleine Grande Noirceur, l’imaginaire triomphe grâce à lalibrairie d’Henri Tranquille. Épris de liberté, le <strong>libraire</strong>, àqui Yves Gauthier a consacré le superbe Monsieur livre.Henri Tranquille (Septentrion), s’est battu avec vigueurcontre toute forme de censure. Il a nargué les autoritéscléricales en offrant une visibilité aux « mauvais » livres.Pas surprenant que les signataires du Refus global aientchoisi ce lieu culturel pour lancer leur célèbre manifeste.Tranquille a ouvert la conscience de centaines de lecteurs,pavant, à sa façon, une nouvelle conception denotre société.1000, rue Fleury EstMontréal, Québec H2C 1P7Tél. : (514) 384-4401 • Fax : (514) 384-4844librairie@maisondeleducation.comUn monde en crise<strong>Le</strong> monde est en crise. <strong>Le</strong>s bombes éclatent chez le voisin,la terre hoquette, l’être humain perd ses repères. Ons’émeut, on se choque, on rouspète. <strong>Le</strong>s uns, pourcombler le vide, cherchent à se redéfinir en se réfugiantdans des idées nouvelles, les autres s’évadent dans lafiction pour oublier les sinistres hier, pour rêver d’unmeilleur demain.De Tunis au Caire, d’Abidjan à Port-au-Prince, le <strong>libraire</strong> aun rôle d’importance. Sa pertinence ne fait pas de doute.C’est lui qui, avec fierté, sort de leur cachette et exhibe envitrine les ouvrages longtemps censurés par legouvernement tunisien. C’est lui qui rebâtit avecconviction son commerce après le séisme haïtien dejanvier 2010. C’est lui qui fait revivre le cœur de la rueal-Mutannabi, un quartier irakien ravagé en 2007 par uneexplosion et par les échos de la guerre. C’est souvent lui,aussi, qui est attaqué par les autorités. Pensonsseulement à la librairie Al Kitab à Bizerte, ville du Nord dela Tunisie. À la mi-janvier, ce lieu de culture a été saccagé,puis incendié par les milices de l’ancien régime au pouvoir.Ici, l’époque des grandes révolutions est terminée. Onpréfère parler de la dernière victoire de nos hockeyeursplutôt que de discourir sur les évolutions socialesnécessaires. Malgré tout, un tour en librairie peut vousredonner foi en l’être humain. On y rencontre despassionnés. On y déniche des ouvrages inspirants,marquants.Au quotidien, le <strong>libraire</strong> indépendant continue des’engager. Tenir davantage que les best-sellers du momentreprésente un choix politique. Donner une visibilité à deslivres qui ne « roulent » pas nécessairement, aussi. Toutcomme le fait de ne pas consacrer tout son espace audernier livre d’une vedette de la télévision ou d’unhumoriste recyclé.<strong>Le</strong> <strong>libraire</strong> fait encore des choix. Choisir d’allouer unevitrine aux œuvres marginales. Choisir de s’intéresser auxauteurs émergents, à la bande dessinée, aux ouvragesdes créateurs locaux. Choisir la qualité devant la quantité.Choisir l’indépendance d’esprit. Voilà la philosophie du<strong>libraire</strong> indépendant moderne, voilà son engagement.Votre Librairieau cœur de laPromenadeFleury!Sur demande :• carte-fidélité• commandes spécialeswww.maisondeleducation.comDepuis 40 ans au servicedes collectivitésLE LIBRAIRE • JUIN-JUILLET 2011 • 9


D ANIELB ÉLANGERSe reconnaîtreou parfoiss’échapper de soi30 ans, au moment de la sortie de son premier disque. En tous cas, il y a quelque chose devraiment admirable chez cet écrivain qui a su accoucher d’une œuvre aussi maîtrisée à unsi jeune âge. »Logeant à une toute autre adresse esthétique, Philippe Djian compte également parmi cesécrivains dotés d’une voix individuelle et inimitable dont Daniel Bélanger fréquente l’œuvreavec assiduité : « Comme tout le monde, je suppose, j’ai appris à le connaître avec 37°2, lematin, le livre, puis le film. J’ai retenu son livre Incidences. C’est drôle, mais je me suistoujours senti proche de son univers. Peut-être le fait qu’il ait tâté de l’écriture de chansons,pour Stéphane Eicher, et qu’on retrouve dans ces chansons comme dans ses romans cettemême voix bien à lui, y est-il pour quelque chose… »Bien qu’au fil de sa carrière de chanteur populaire il ait côtoyé de près le rock et ses excès,Bélanger n’a rien du bad boy ou du clochard céleste. Pourtant, à la grande surprise decelui dont « la bohème s’use », il n’a pas été insensible à l’univers décadent d’un PedroJuan Gutiérrez : « Je n’ai jamais été un grand fan des écrivains maudits, des peintres desbas-fonds manière Bukowski. Mais si la Trilogie sale de La Havane m’a tant plu, c’est peutêtreparce qu’elle nous sortait de nos idées reçues sur Cuba, de nos images de cartespostales et de Club Med, pour nous montrer plutôt l’envers du régime, la vie quotidiennedes paumés, des exclus et des laissés-pour-compte loin des touristes et des plages. »L’année dernière, notre <strong>libraire</strong> d’un jour a été particulièrement touché par sa lecture deJe ne veux pas mourir seul de Gil Courtemanche, un ouvrage franchement douloureux :« C’est un livre qui a dû être tellement difficile à écrire; comme dans ses chroniques,Courtemanche fait preuve d’une telle lucidité, d’un tel sens critique à l’égard de notremonde, de nous, mais surtout de lui-même. C’est un personnage unique et, chose bizarre,rien ne me destinait à l’apprécier parce que mon premier contact avec lui remonte à unechronique où il s’élevait contre l’unanimité suspecte des éloges qui m’étaient réservés.Cela dit, sur le fond, je lui donne tout à fait raison : il faut toujours se méfier de l’unanimité,de la pensée en troupeau. »<strong>Le</strong>s choix deDaniel BélangerLE MONDE SELON GARPJohn IrvingPoints678 p. | 9,95$L’OBSÉDANTE OBÈSEET AUTRES AGRESSIONSGilles ArchambaultBoréal148 p. | 15,95$LE DIABLE AU CORPSRaymond RadiguetLibrio192 p. | 3,95$INCIDENCESPhilippe DjianGallimard240 p. | 33,95$TRILOGIE SALEDE LA HAVANEPedro Juan Gutiérrez10/18448 p. | 18,95$JE NE VEUX PAS MOURIRSEULGil CourtemancheBoréal168 p. | 19,95$LE LIBRAIRE • JUIN-JUILLET 2011 • 11


ENTREVUElittérature québécoiseL OUISG AUTHIERVoyage au centrede soi-même« Chère Angèle, il était une fois un voyageur parti à la recherche d’unevérité immuable et qui, de détour en détour, avait fini par se trouvercomplètement perdu. Chère Angèle, ce voyageur, c’était moi ». Au gréde ses tribulations, le protagoniste de Voyage au Maghreb en l’an milquatre cent de l’Hégire rencontre différentes gens, différents paysages,mais surtout, différentes facettes de lui-même. L’entretien avec LouisGauthier nous montre que les préoccupations de son personnage nesont pas si loin de celles de son créateur…ParJosée-Anne Paradis12 • LE LIBRAIRE • JUIN-JUILLET 2011En 1984 paraissait Voyage en Irlande avec un parapluie, le premier tome d’une sagasignée Louis Gauthier, racontant l’histoire d’un jeune écrivain en peine d’amourqui décide de quitter le Québec pour atteindre l’Inde. Il souhaite absolument, lorsde ce voyage qu’il espère salvateur, voir un corps brûler sur un bûcher funéraireainsi qu’un être « réalisé ». Tel était donc l’objectif du narrateur, qui se baladeraentre les moutons et les vertes contrées du Royaume-Uni, le brouhaha de la grandecapitale anglaise (<strong>Le</strong> pont de Londres) et la chaleur de la côte Ouest européenne(Voyage au Portugal avec un Allemand), avant d’atteindre ces pays du Maghreb,encore bien loin de son but.<strong>Le</strong> voyage, retour vers l’essentielAprès ses pérégrinations européennes sans lien apparent avec l’objectif de foulerle sol de la patrie de Gandhi, le narrateur se voit une fois de plus dans l’obligationde changer de destination, conflits politiques et frontaliers obligent cette fois.C’est ainsi qu’il arrive au Maroc, puis en Algérie, avant de faire un léger détouren Tunisie. « Plus j’y pense, plus ce voyage me paraît la parfaite métaphore de mavie, un voyage désorganisé, sans plan, sans horaire, sans programme, sans but.Et moi je suis ce voyageur déboussolé, perdu, parce qu’il n’y a rien de précis, parceque tout est possible, un voyageur à la merci des hasards de la route et des dieuxdes frontières […]. <strong>Le</strong> but que je me suis fixé est trop vague, trop lointain, presqueabstrait. L’Inde. L’Inde comme métaphore de l’absolu », lira-t-on dans ce quatrièmevolet, avant de comprendre que pour ce narrateur qui s’enlise dans son trajet, lesdédales sont autant géographiques qu’intérieurs. Et de là vient toute la beautédes récits de Gauthier.Dans Voyage au Maghreb, le personnage principal est sans cesse confronté à laclasse prolétaire marocaine. <strong>Le</strong>s gens voient en lui un touriste riche – ce qu’il estloin d’incarner – et cherchent à devenir son « ami », à l’aider, à l’orienter ou toutsimplement à lui soutirer quelques dirhams. À cause de cela, le narrateur ne sesent jamais libre de déambuler comme bon lui semble, de visiter selon seshumeurs. <strong>Le</strong>s réflexions que le lecteur retiendra ne donnent ainsi pasnécessairement la part belle au Maroc. Gauthier explique : « L’impression quevous retirez d’un pays est forcément subjective et liée aux conditions danslesquelles vous faites ce voyage. Voyager seul, avec un maigre budget et entraînant une peine d’amour teinte forcément votre regard. Et puis, en voyage, lachance ou le hasard jouent un rôle très important. Mes impressions du Maghrebne représentent donc qu’une des façons de voir cette région du monde, comme lenarrateur le souligne d’ailleurs lui-même. »Question de styleQualifié par plusieurs de meilleur styliste du Québec, Louis Gauthier rendhommage à l’épithète en signant avec brio ce quatrième tome d’une série qui apris naissance grâce à ses propres expériences de voyageur : « Je considère quantà moi que toute fiction est une autofiction, puisqu’on ne peut jamais sortir de soi.J’ajouterais même que toute vie est une fiction, puisque nous inventons notreréalité. Mais il est bien évident que certaines autofictions le sont plus que d’autres,ce qui est le cas de cette série des « Voyages », écrits à partir d’un voyage que j’airéellement fait en 1979-1980. »L’écriture de Gauthier, quant à elle, manifeste un réel souci de précision, deconcision et de fluidité. Pour expliquer sa technique, il cite Rodin, qui disait quefaire une sculpture est facile puisqu’il suffit de prendre un bloc de pierre et d’enenlever l’excédent : « C’est un peu de cette façon que je travaille. Je pars des notesque j’ai accumulées au cours de ce voyage et que je réécris en tentant detransmettre ce qu’elles évoquent pour moi, c’est-à-dire en précisant les couleurs,les formes, les sons, les atmosphères et en y ajoutant ce que j’ai pu, ou ce quej’aurais pu ressentir à ce moment-là. J’obtiens de cette façon le matériau brut àpartir duquel il me reste à sculpter en enlevant ce qu’il y a de trop, puis à polirpour adoucir les marques laissées par ce travail. »Grâce à la plume habile de Louis Gauthier, on se laisse porter dans les angoisseset les doutes du protagoniste. Ce dernier est à la recherche de lui-même, sanspourtant trop s’en rendre compte. Il ne s’agit donc pas d’un récit de voyage,comme le titre le laisse entendre, mais plutôt d’un récit initiatique, où le narrateur,au contact des autres et de l’altérité, grandira. « J’essaie d’écrire des livres qui nesoient pas typiquement des romans, des livres qui forcent le lecteur à se remettre


LE LIBRAIRE CRAQUE!littérature québécoiseJE MOURRAI PAS ZOMBIELorsque le père de Dib meurt, cette dernièredoit s’occuper de sa mère; elle est aussichargée de vider la maison pour la vendre. C’est alors qu’elle tombe sur quatre cahiersqu’elle avait écrits durant son adolescence. Ses souvenirs refontlentement surface au fil des pages. Cette adolescence marquée parla souffrance, le déni, mais aussi l’amour. Hubert, François…Qu’est-il advenu d’eux? Et elle, qu’est-elle devenue? À 35 ans,alcoolique repentie, mère d’une jeune fille exemplaire? Verra-t-elleses idéaux de jeunesse se réaliser ou ne sont-ce que des chimères,après tout? Est-il réaliste de croire qu’on a aimé et qu’on aimeencore? Un roman d’une vérité criante, qui bouscule les stéréotypesactuels. Il est possible d’être différent, du moment qu’ons’accepte… Caroline Larouche <strong>Le</strong>s BouquinistesDiane Labrecque, Hurtubise, 248 p., 22,95$LA CONCORDANCE DES TEMPS Dès les premières pages, on entre dans ununivers qui nous déstabilise jusqu’auxconfins de nos racines. Un couple meurtri. Une femme qui ne cesse d’attendre et unhomme qui, tant bien que mal, tente de la rejoindre. Entre-temps,des pensées qui virevoltent dans leur esprit : « Qui sommes-nousles uns pour les autres? Ne sommes-nous que des étrangers? »Malgré de frappantes ressemblances qui les unissent, ils sontcomme des inconnus. Ils le sont toutefois davantage par rapportà eux-mêmes. Nous les voyons évoluer sous nos yeux, confrontésaux angoisses existentielles, vulnérables, mais déterminés à serendre jusqu’au fond de leurs tripes afin de vivre mieux, résolus àdécouvrir une certaine concordance avec eux-mêmes. Uneévolution que nous sommes aussi invités à suivre. Un petit bijoude littérature!Daphné Deschatelets Hamel Du Soleil Évelyne de la Chenelière, <strong>Le</strong>méac, 140 p., 13,95$BORDEL-STATIONLors de l’été 1955, un jeune homme de 18 ans parttravailler comme garde forestier sur les instances deson père, loin de tout, isolé du monde. Là, il fera connaissance avec la faunehumaine très réduite de l’endroit : un vieux solitaire, une mère maquerelle etses deux putes et un vieux videur de bar arrivé là un peu parhasard, tous vivant autour de l’arrêt de gare qui a valu àl’endroit le surnom de Bordel-Station. Entouré de ces gens quiseront autant de mentors pour lutter contre les préjugésqu’on lui a si soigneusement inculqués, le jeune homme vivraun été représentant un véritable tournant dans sa vie. Unroman d’initiation donc, porté par une écriture simple maisfluide. On passe un très bon moment en compagnie de cettepetite bande appartenant à un monde aujourd’hui disparu.Et on les quitte un peu à regret…Mariane Cayer DaigneaultGuy Genest, XYZ, 182 p., 22$LE SECRET DU COFFRE BLEU C’est toujours avec réserve qu’on se lance dansl’œuvre d’une personnalité reconnue dans unautre domaine que la littérature. Eh bien, pour Lise Dion et son Secret du coffrebleu, la partie est gagnée. Évidemment, tous les ingrédientsétaient réunis pour me séduire : la Seconde Guerre mondiale,un camp de concentration, une Québécoise, et de Chicoutimien plus! Je me suis vite laissé prendre par l’histoire de cettefille élevée au couvent pour alléger le fardeau familial, quidécide de devenir religieuse en faisant son internat en Europe.Lorsque les Allemands entrent en France, elle est faiteprisonnière, étant donné son statut de sujet britannique. Je nevous en dis pas plus : je vous garantis que découvrir la suite envaut la peine! Merci pour ce témoignage émouvant, madameDion! Shannon Desbiens <strong>Le</strong>s BouquinistesLise Dion, Libre Expression, 210 p., 24,95$CLANDESTINOCondamné à six années de travaux forcésdans le sud de l’Argentine, Tomàs Sorge peineà conserver un peu de lui-même au milieu de cette jungle humaine où seule la mémoirese porte garante d’une identité qui s’effrite plus le temps passe.Passionné d’échecs, il repasse sans cesse dans sa tête lesinterminables parties de ses joueurs favoris afin de préserver unsemblant de stabilité; une vérité qui lui permettra de mener àterme sa vengeance une fois sa liberté retrouvée. Sous le couvertd’une nouvelle identité, il utilisera la ruse comme sur l’échiquierafin de faire tomber sauvagement son ancien collègue. Avecl’univers, cette fois militaire, de Kokis, on comprend qu’il estparfois nécessaire de se faire justice soi-même afin de ne pas seperdre complètement. Daphné Deschatelets Hamel Du SoleilSergio Kokis, Lévesque éditeur, 256 p., 25$NOUS AURONS VÉCU NOUS NON PLUS Vava-Cuitée aime Ovide-Lyre.Ovide-Lyre aime Honey-Comble.Honey-Comble, lui, aime beaucoup trop, beaucoup trop souvent, un peu n’importequi, un peu n’importe comment. Dans l’univers postmoderne de Nous aurons vécunous non plus du jeune auteur franco-ontarien David Ménard,l’amour, comme le reste, fait face au vide sidéral. Commentdéfinir l’amour dans un contexte où l’on ne peut définir quoique ce soit? Comment construire quand la réalité même n’estpas stable, constante? À travers les trois personnages de ceroman épistolaire, trois êtres humains cherchent, sequestionnent, avancent à tâtons dans ce flou émotif sansrepères. Parsemé de phrases coups-de-poing, ce premierroman est à découvrir.Jean-Philip Guy Du SoleilDavid Ménard, L’Interligne, 76 p., 13,95$14 • LE LIBRAIRE • JUIN-JUILLET 2011PORCELAINE. DRAGONVILLE (T. 1) Dans la trilogie « Dragonville » dont lepremier tome, Porcelaine, est paru en févrierdernier, Michèle Plomer fait le pont entre deux continents. On y raconte d’unepart l’histoire d’une femme qui tente de renouer avec son passé, mais qui souhaite aussireconstruire sa vie dans son village natal des Cantons-de-l’Est, oùelle fait d’ailleurs d’étonnantes découvertes. Mais Porcelaine,c’est aussi l’histoire de Li, jeune homme vivant en 1910 à HongKong, poursuivi bien malgré lui par les triades et amoureux deLung, incarnation terrestre d’un dragon qui veille sur lespersonnages de ce roman. À l’image de ces biscuits de fortunequ’on ouvre délicatement, en ne sachant pas ce qu’on ytrouvera, Porcelaine nous amène sur d’improbables pistes oùles légendes prennent forme et semblent donner un sens à lavie de ces exilés. Lysiane Drewitt Librairie Boutique VénusMichèle Plomer, Marchand de feuilles, 320 p., 24,95$DÉRAILLEMENTSC’est un livre tout à fait fascinant que vient depublier Robert Lévesque avec Déraillements. Cerecueil de courts textes, à mi-chemin entre l’essai et la prose, nous transporte demanière tout à fait inattendue dans l’univers ferroviaire avec sa galerie depersonnages (écrivains, artistes…) se succédant, à l’instar despaysages que l’on croise, bien assis, dans un wagon. De Balzacà Fats Waller, en passant par Van Gogh et La Bolduc, Lévesquesait débusquer et mettre en lumière des anecdotes savoureusesautant que des histoires troublantes se déroulant dans lemonde du chemin de fer ou gravitant autour de lui.Délicieusement écrits, ces trente-deux textes (dont dix-neufinédits) nous happent littéralement et nous entraînent versun moment de lecture d’une indéniable qualité.Christian Girard PantouteRobert Lévesque, Boréal, 176 p., 19,95$


LE LIBRAIRE CRAQUE!littérature québécoiseLES ENFANTS MOROSES Ces trente et une petites histoires m’ont faitpenser aux petites boules de Noël en cristal qui,lorsqu’elles sont secouées, recouvrent d’une belle neige blanche le petitpersonnage ou le village représenté. On observe leur petit monde intérieur siréconfortant. Accompagnés par l’illustration magnifique deDilka Bear qui orne la page couverture, nous ouvrons le livrede Fannie Loiselle où quelques personnages, le temps d’un brefmoment, bouleversent leur quotidien par un geste anodin ouune pensée enfantine : manger un bonbon, trouver uncoquillage, dormir avec un animal de compagnie… Parfois, ànous, adultes, ces gestes peuvent paraître insouciants, tristes,inquiétants, mais la candeur libérée par ses pages nous fait unbien immense. Ma miniature préférée : « Léanne dans lalumière ». Isabelle Prévost Lamoureux La Maison de l’ÉducationFannie Loiselle, Marchand de feuilles, 156 p., 19,95$LA TÊTE DE MON PÈRE Ce livre est une lettre, écrite à un fils au Canada.Une lettre sur son père, à lui, le narrateur. Commentexpliquer à ce fils ce pays inconnu qu’est l’Union soviétiquede ses souvenirs? <strong>Le</strong>s batailles qui y ont été menées, lesdanses, les chants, les artistes… Comment raconter larencontre de ses parents, les douleurs, les chicanes, les cris,mais aussi l’amour, la nostalgie, les fêtes? <strong>Le</strong> narrateur nousraconte sa relation avec son père avant la mort de ce dernier,et se rappelle cet être si souvent incompris, mais si près. Sonfils lui a demandé de lui parler de son enfance, et les souvenirsqui refont surface nous font prendre conscience de lavieillesse. Une lettre intimiste et très touchante.Caroline Larouche <strong>Le</strong>s BouquinistesElena Botchorichvili, Boréal, 80 p., 15,95$LE SEUL INSTANT Chaque mot, chaque phrase, chaque paragraphe dudernier livre de Robert Lalonde, qui se veut le récitd’un été d’observation de la nature à Sainte-Cécile-de-Milton, contient unquestionnement, un frémissement, un étonnement, une admiration, un abandon,une inspiration, une révélation, une peur, une impuissance, un drame, unpsychodrame, un déchirement, une incompréhension, uneindignation, une tristesse. Et derrière chaque mot, chaquephrase, chaque paragraphe, entre les lignes, les alinéas et lessauts de pages, se cache cette volonté et cette passionlancinantes et poignantes pour tenter d’exprimer l’indicible,l’indescriptible et l’inexprimable. C’est là tout le paradoxe deRobert Lalonde : aimer les mots à la folie, et toujours enmanquer pour réussir à tout dire. Moi, il m’est allé droit aucœur, cette partie du cœur qui n’appartient à aucun monde,ni ne parle aucun langage d’ici.Jocelyne Vachon La Maison de l’ÉducationRobert Lalonde, Boréal, 120 p., 17,95$POLYNIEAmbroise habite le Nord, le vrai, celui des ourspolaires et des journées qui durent 24 heures.Cuisinier à la mine locale, il coule des jours à peu près tranquilles et en pincepour une belle glaciologue, mais est trop timide pour le lui avouer. À l’annoncede l’assassinat de son frère Rosaire, avocat travaillant lui aussi au Nunavut,Ambroise décide de mener l’enquête. Mélanie Vincelette nouspropose ici un roman qui aura le chic de plaire aux étrangersen mal d’exotisme polaire. En effet, l’auteure nous plonge aucœur d’une réalité que bien peu connaissent, nous présenteses habitants, leurs mœurs, leur quotidien. Ambroise, lenarrateur, nous amène, au fil de ses observations tranquilleset teintées d’un humour que l’on doit principalement à soninsécurité, à en connaître un peu plus sur cet univers quidevient presque obsédant. Un roman qui nous donne envie departir à l’aventure au pays du froid.Anne-Marie Genest PantouteMélanie Vincelette, Robert Laffont, 216 p., 24,95$LA MARCHE EN FORÊT La famille et tout ce qui en découle sont au cœurde ce roman. Et si la fratrie lie, rassemble,soutient, elle a aussi son lot de secrets inavoués. En sondant la part la plus intimede soi, on le rencontre toujours, ce clan dont on est issu etqu’on ne peut jamais renier, puisqu’il contient l’origine de nosvies. Si l’on considère l’arbre généalogique comme un symbole,l’auteure, en nous présentant chacun des personnages, nousmontre que la marche en forêt peut s’avérer aventureuse. Sousles obstacles comme sur les sentiers dégagés cohabitentamour, pardon, maladies, unions controversées, deuils, liensindéfectibles. Chaque membre est uni à l’histoire de l’autre,de l’aïeule au nouveau-né qui engendre à son tour la suite dumonde. Un premier roman d’une force humaine imparable.Isabelle Beaulieu PantouteCatherine <strong>Le</strong>roux, Alto, 312 p., 23,95$LA DERNIÈRE PEINE <strong>Le</strong>s années cinquante, dans la ville d’Alma au Lac-Saint-Jean. Émilien débarque toutjuste. En voyant ce petit village, il est pris d’un immensepressentiment : c’est là qu’il implantera sa boutique.Technicien visionnaire, il veut poser des antennes detélévision. Mais la maison qu’il veut acheter a été le théâtred’un terrible drame… qui n’est pas terminé. C’est d’ailleursgrâce à cette maison qu’il fera la rencontre de Jocelyne, safuture femme, et de sa famille, sur qui le destin s’acharne. Unroman poignant, rempli d’émotions où toute une époque estrecréée avec justesse. Une auteure à découvrir!Caroline Larouche <strong>Le</strong>s BouquinistesLine Gaudreault, VLB éditeur, 304 p., 29,95$DE L’IMPROVISATION ETDE LA TACTIQUE DU JEUC’est limpide avec Marc Doré. C’est fugitif, mais préciscomme un couteau. Dans les termes, bien sûr, cardans l’atmosphère ludique qui se dégage de cetouvrage mi-documentaire, mi-biographique, on sent qu’il jongle avec les mots etles métaphores par pur plaisir. C’est sur un ton à la fois très personnel etenveloppé d’un humour vif et pétillant que l’auteur-professeur nous conte sarencontre avec l’art de l’improvisation, nous le transmet grâceaux vingt-cinq règles qu’il a forgées au cours de ses nombreusesannées d’enseignement au Conservatoire d’art dramatique deQuébec et nous permet même d’entrevoir les taches plussombres de sa vie d’homme de théâtre. On se sent privilégiésd’être si intimes avec l’auteur et on est partagés entre l’enviede suspendre notre lecture pour se mettre à jouer et celle decontinuer à tout prix. Et pas besoin d’être un improvisateurchevronné pour savourer ces pages. L’intérêt suffit!Guylaine Jacob PantouteMarc Doré, Dramaturges éditeur, 204 p., 14,95$littérature canadienneAMINATA Aminata est encore une enfant lorsqu’elle est arrachée à safamille et à son pays. Elle survit à la grande traversée de l’océangrâce au médecin qui la prend sous son aile. Arrivée en Amérique, elle est venduecomme esclave en Caroline du Sud. Elle apprendra à ses dépensce que signifie être esclave lorsqu’on lui enlèvera son fils pourle vendre à son tour. Elle est alors elle-même revendue et partpour Charles Town, où elle aura un propriétaire respectueux.Mais sa soif de liberté la convaincra de fuir et de vivre sa viecomme elle l’entend. C’est d’ailleurs la raison pour laquelleelle se retrouvera en Nouvelle-Écosse après la guerred’indépendance américaine. Libre, mais à quel prix? Basé surdes faits vécus, Aminata nous fait vivre le destin bouleversantde cette femme qui retrouvera l’Afrique pour défendre la causedes esclaves. Caroline Larouche <strong>Le</strong>s BouquinistesLawrence Hill, Pleine Lune, 568 p., 32,95$LE LIBRAIRE • JUIN-JUILLET 2011 • 15


Par Josée-Anne Paradis et Alice MéthotUne version non censurée deDorian Gray à paraîtrePlus de 120 ans après que son auteur ait étécondamné en raison de la vulgarité et del’« impureté » de son roman, une version noncensurée du célèbre Portrait de Dorian Grayd’Oscar Wilde sera publiée par HarvardUniversity Press. Révisé au 19 e siècle après avoirété qualifié par la presse britannique de « toxique »et d’« indigne », le sulfureux roman de l’auteurirlandais avait sévèrement été censuré. En effet,l’éditeur J.M. Stoddart avait à l’époque suppriméune foule de passages avant sa première parutionen 1890, coupant notamment toute référenceexplicite à l’homosexualité du personnage deBasil, l’artiste qui peint la fameuse toilereprésentant la jeunesse du beau Dorian. Nonseulement la nature « homoérotique » du romande Wilde fut-elle dissimulée, mais un certainnombre de mentions des maîtresses de Dorianfurent jugées décadentes et inacceptables pourles goûts de l’époque. Cependant, malgré laprudence des éditeurs, le livre souleva tout demême un tollé à sa sortie. Aujourd’hui, HarvardUniversity Press publient donc le texte noncensuré pour la toute première fois.La découverte du Québec par les livresAvec Québec, je me souviens, Ulysse propose un ouvrage sensationnel, riche en photos de qualité – rares sont les livres où toutes lesphotos rivalisent avec celle de la couverture! On y découvre le Québec sous tous ses angles, que ce soit le patrimoine architectural,l’art de vivre ou encore les grands espaces. Des aurores boréales à l’orignal en pleine séance de natation, des inukshuks au ChâteauFrontenac, voilà un ouvrage qu’il fait bon laisser sur la table de chevet pour serappeler des beautés que recèle notre province! Du côté des Éditions de l’Homme,deux ouvrages complémentaires vous donneront des idées d’escapades estivales.Grâce à Vagabondages au Québec, Pierre Caron nous entraîne dans cinquante petitsvillages pittoresques qui ont su le charmer. Faits historiques, anecdotes etimpressions : la petite histoire de Caron met en relief la Grande. Ceux qui se serontlaissé bercer par les mots de l’auteur seront ravis de feuilleter ensuite <strong>Le</strong> Québec àcouper le souffle, qui présente les 100 plus beaux belvédères québécois, pour ceux quin’ont pas peur de chausser les bottes de randonnée pour être impressionnés par despanoramas spectaculaires!Words Without Borders explore le Québec littéraire<strong>Le</strong> magazine portant sur la traduction littéraire Words Without Borders consacrait son derniernuméro à la littérature québécoise, à l’occasion du Festival Metropolis bleu 2011, qui se tenaiten même temps que le Festival international PEN World Voices de New York. Ce numéro spécialintitulé Writing from Quebec fait la part belle à nos écrivains francophones tels que Nicolas Dickner, Nadine Bismuth, DominiqueFortier et Sylvain Trudel, pour ne nommer que ceux-là. « En marge de deux cultures littéraires, française et nord-américaine, lalittérature québécoise va au-delà de son identité nationale, pour prendre sa place dans le monde. Qu’elles soient campées ausommet des gratte-ciels ou dans des paysages rustiques, qu’elles mettent en scène des joueurs de hockey adultères ou de fidèlesdonneurs d’organes, leurs histoires témoignent de la vitalité et de la diversité de l’écriture québécoise », s’exprime ainsi l’équipede rédaction de WWB. À lire sans faute pour redécouvrir sous un nouvel angle les auteurs de chez nous au Wordswithoutborders.org.w w w . h e u r e s b l e u e s . c o mJEUNESSEAlex et Mauve: La tortueCélyne Fortin et Marion ArbonaDe bien belles baladesBellebrute16 • LE LIBRAIRE • JUIN-JUILLET 2011Amandine et le chocolatChantal Bertrand et Amélie Montplaisir<strong>Le</strong> printemps de Filou et FilaineCélyne Fortin et Marie-Claude Demers


ENTREVUElittérature québécoiseÉ LISE G RAVELPas nunuche pour deux sousLorsqu’elle était ado, Élise Gravel dessinait des chums dans desagendas scolaires. Un pour chacune de ses compagnes de classe,qui faisaient la file à son pupitre entre les cours. Avec cet humourbien à elle, un brin caustique et déjanté, pas étonnant que cetteillustratrice et auteure à l’origine du Nunuche magazine, dont latroisième édition est parue en avril, soit en demande jusqu’auxÉtats-Unis!ParClaudia Larochelle18 • LE LIBRAIRE • JUIN-JUILLET 2011Dessiner des amoureux est à peu près l’affaire la plus« fifille » qu’Élise Gravel s’évertuait à réaliser. Elle nes’intéressait pas du tout au maquillage, auxvêtements griffés, au potinage, au magasinage et aureste de l’ensemble des clichés entourant la jeunefemme moderne, préférant des activités ludiques,arborant des chandails en coton ouaté à l’effigie denounours. « J’étais anti-cool et plus tard, j’ai pédaléfort pour essayer de devenir cool. C’est souffrantd’avoir à faire sa place quand on est jeune », sesouvient la créatrice de 34 ans.Passionnée de bandes dessinées en tous genres, de« Spirou » aux albums de Gotlib, en passant par« Archie », elle lisait avec avidité tout ce qui luitombait sous la main, allant jusqu’à parcourir lesReader’s Digest, l’endos des boîtes de céréales ou lesromans de Dostoïevski. Pendant ce temps, son œils’aiguisait, son trait s’affinait, l’illustratrice trouvaitsa voie. L’auteure en elle développait son toncaustique, formait les bases de son esprit critique déjàbien affuté et de cet humour qui sauve de tout. « Unechance que j’avais ce sens de l’autodérision, çam’aidait à passer à travers mes journées. C’est superdifficile d’être ado, vaut mieux dédramatiser lespériodes mélancoliques avec de l’humour », confiecelle qui continue de cultiver le rire comme antidoteau négativisme.Anatomie d’une nunucheC’est avec cette attitude qu’elle a créé son premierNunuche magazine en 2006 aux éditions <strong>Le</strong>s 400coups. Parodie des magazines féminins légers et nonreprésentatifs de la vie réelle, cette édition, quis’adressait aux ados, abordait des sujets à prendreaux deuxième et troisième degrés, interpellant ainsiles jeunes allumés capables de discernement. Plusrécemment, dans un format différent, alors quel’auteure était entourée cette fois d’une solide équipede créateurs, sont nées aux éditions de la courteéchelle Nunuche magazine volume 1 et Nunuche Gurlzvolume 1, respectivement pour un lectorat de jeunesadultes et d’ados.Dans le tout nouveau volume 2, dédié aux jeunesadultes, hormis le succulent dossier spécial sur labeauté intérieure, on nous montre comment partir àla recherche du teint perdu, quel sex toy prioriser ouces positions sexuelles qui détruisent les femmes.Dans la section « famille », un article nous informe surles manières possibles d’élever un enfant médiocre etsur les maladies in/out. Difficile aussi de ne passouligner le courrier sans-cœur du docteur Lépine-Gouin ou cette entrevue avec Véronique Tremblay,femme du peuple élue « Miss Ordinary ». La rédactionprévient par ailleurs les lecteurs que l’usage dudictionnaire, « cet objet lourd que les mannequinsmettent sur leur tête pour apprendre à marcher »,pourrait être souhaitable… Caroline Allard, FrancisDesharnais, Stéphane Dompierre et Sophie Massé ontcollaboré aux textes en utilisant des pseudonymes etcette touche de rigolade grinçante qui fait leurréputation.« Si je me mettais à expliquer aux jeunes à quel pointles magazines de mode sont néfastes pour leurestime, ce serait plate, ils n’en peuvent plus de sefaire dire quoi faire ou ne pas faire. Quand on sait enrire, ils trouvent ça drôle. Je trouve que c’est unebonne façon d’aiguiser l’esprit critique des jeunes quisont pas mal plus allumés que certains pourraient lepenser », déclare l’auteure, qui prépare aussi levolume 2 du Nunuche Gurlz.L’ascension après l’épreuveLa mignonne brunette a vu juste puisque dans sonappartement du Vieux-Rosemont, celle qui est entréedans le monde de l’illustration en publiant <strong>Le</strong>catalogue des gaspilleurs! en 2003, une parodie depublicités dont un tome 2 est à venir en août aux400 coups, voit sa carrière monter en flèche cesdernières années.À force de voir travailler son père, l’écrivainFrançois Gravel, qui donne autant dans la littératureadulte que jeunesse, elle a vite appris à découvrirle fonctionnement de Bouquinville. Tout commesa conjointe, l’auteure Michèle Marineau, lepère a de quoi être fier de voir cette ancienneadolescente torturée suivre leurs traces avec autantde ressort.Publier aux États-Unis certains de ses albums pourenfants qu’elle traduit elle-même lui permetd’ailleurs de vivre de sa plume. C’est d’abord enanglais que sont entre autres parus de l’autre côtéde la frontière Adopte un glurb!, une histoire pour lesenfants d’âge primaire, et Dessine avec moi!, unalbum destiné aux apprentis illustrateurs de 4 ans.Quant à Nunuche magazine, les Américains s’avèrentplus frileux qu’ici… « C’est trop déjanté pour eux,ils sont plus conservateurs. Je rêve de leur offrir desproduits comme ça, mais ils préfèrent les livres avecune mission éducative », assure-t-elle.


CONNAÎTRE,DIFFUSERET AGIR.VICE ET CORRUPTIONÀ MONTRÉAL1892-1970Magaly Brodeur144 pages20 $1892-1970 : c’était l’époque de Montréal,ville ouverte, de Montréal, laflamboyante. <strong>Le</strong>s maisons de jeu etles loteries illégales fourmillaient.Cette étude historique plonge aucœur de cette période et révèle le rôlequ’a joué la ville de Montréal dansla légalisation des jeux de hasard etd’argent au Canada.ART ET POLITIQUELa représentation en jeu168 pages22 $Sous la directionde Lucille Beaudry, Carolina Ferreret Jean-Christian PleauCollection EsthétiqueCes études mettent en lumièrel’articulation entre l’art et le politiquedans la création contemporaine.Écrites tant par des littéraires que deshistoriens ou des politicologues, ellessont consacrées soit à la littérature,au théâtre, au cinéma ou aux artsvisuels et performatifs.Bien qu’elle ne dessine pas encore d’amoureux àSophie et Marie, ses filles de 6 et 3 ans, Élise Gravelavoue avoir un côté enfantin qui transparaît dans sesœuvres : « Oh que je ne suis pas mature! J’aimeles affaires pour enfants, j’aime jouer, me moquerde toutes sortes de choses, même les jokes depets me font rire. Ce côté gamine m’aide à créer,c’est certain. »NUNUCHE MAGAZINE.VOLUME 2La courte échelle64 p. | 14,95$En librairie le 7 juinAvec plus de sérieux, elle admet caresser le projetd’écrire un roman jeunesse sur les hauts et les basd’une fillette de 12 ans qui ne se sent pas comme lesautres. « Ça ressemblerait pas mal à de l’autofiction »,confie-t-elle, le regard songeur. Elle a tout un vécu,cette Élise Gravel… Sans cette sensibilité et lesépreuves de l’adolescence qui l’ont façonnée, lacréatrice ne ferait pas de chacun de ses livres desunivers aussi marquants, lucides et nécessaires.DESSINE AVEC MOI!La courte échelle96 p. | 14,95$ADOPTE UN GLURB!La courte échelle32 p. | 9,95$152 pages10 $MANIFESTE POUR UNEÉCOLE COMPÉTENTELouise Lafortune et al.Dix ans après le lancement de laréforme, 29 chercheurs en éducationdes 12 universités québécoises s’allientet signent ce manifeste. Affligés deconstater le négativisme ambiant, ilsremettent les pendules à l’heure et prennentla parole en faveur des avancéesscientifiques et technologiques de cetteréforme.LE LIBRAIRE • JUIN-JUILLET 2011 • 19


AuB oréal,des lecturestout l’étéDE LA LITTÉRATUREDES ESSAIS© Martine Doyon© Joyce Ravidbiographie· 1008 pages · 44,95 $DAVIDHACKETT FISHERLE RÊVE DECHAMPLAINessai · 296 pages · 29,95 $STÉPHANEKELLYÀ L’OMBREDU MURessai · 1344 pages · 44,95 $CHARLESTAYLORL’ÂGESÉCULIERroman · 216 pages · 22,50 $KatiaGagnonLARÉPARATIONroman · 336 pages · 29,95 $NicoleKraussLA GRANDEMAISONTraduit de l’anglais parDaniel PoliquinDans une biographie exceptionnellementfouillée,David Hackett Fisher nousfait découvrir un grandhumaniste, qui rêvait d’accomodementsraisonnablesbien avant l’heure. Unmagnifique objet de prèsde 900 pages. Un ouvragedéfinitif, exhaustif, savant,donc, mais en même tempstrès accessible. Plus qu’accessible: séduisant, trèsattachant.Georges-Hébert GermainL’actualitéUn livre clair, accessible,très instructif. Tous ceuxqui sont nés entre 1960et 1975 doivent le lire, àmon avis : c’est un livrequi parle de leur destin.Il se veut un portrait leplus complet possible.Éric Bédard, Radio-CanadaOuvert le samediTraduit de l’anglais parPatrick SavidanUn livre ambitieux etfoisonnant. Une richeréflexion sur les conditionscontemporaines de lacroyance. Fruit de plusde dix ans de réflexion, celivre admirable se terminesur des exemples de cetterecherche et l’évocation deformes nouvelles.Georges <strong>Le</strong>roux<strong>Le</strong> DevoirLa mécanique de la cruautéest méticuleusementdémontée... bouleversant.Danielle Laurin<strong>Le</strong> DevoirÇa se lit comme un polar.Chantal Guy, La PressePar l’auteur deL’HISTOIRE DEL’AMOURTraduit de l’anglais (États-Unis) par Paule GuivrachUn roman élégiaque [...]dont la réussite tient à unefoule de détails concrets,choisis avec un extraordinairebonheur, et quirésonnent avec une grandeintensité émotionelle.Rebecca NewbergerGoldsteinThe New York Times


Écrivain prolifique,animateur à EspaceMusique, trompettisteamateur et père defamille épuisé, StanleyPéan est rédacteur enchef du <strong>libraire</strong>.I CI COMME AILLEURSLA CHRONIQUE DE STANLEY PÉANlittérature québécoiseÉnigmes sans cléCertains auteurs écrivent des histoires de mystère et de suspense dans le but délibéréde faire frissonner les amateurs d’intrigues morbides et d’ambiances délétères. D’autress’aventurent dans le genre pour en subvertir les codes, les plier à leur univers romanesqueet les utiliser à leurs fins. C’est le cas de Sergio Kokis et d’Andrée A. Michaud, dont lesrécents ouvrages plairont aux lecteurs de romans noirs comme à ceux et celles qui nemesurent pas l’intérêt d’une œuvre à la seule résolution d’une énigme.De la vengeance comme partie d’échecsAccoudé au bar d’un hôtel du centre-ville montréalais entre deuxactivités d’un festival littéraire, bien au fait de mon goût marqué pourle thriller, Sergio Kokis me glissait à l’oreille qu’il avait l’intentiond’aborder ce genre romanesque… mais à sa manière personnelle etinimitable. Est-il besoin de vous dire que je l’ai attendu, et de piedferme, ce livre dont il avait esquissé les grandes lignes et qui nous arriveenfin sous le titre de Clandestino? Est-il aussi besoin de préciser quemes attentes n’ont pas été déçues?Nous voici donc en 1983, quelque temps après la fin de la guerre desMalouines, qui opposa l’Argentine et le Royaume-Uni à propos de lasouveraineté sur ce chapelet d’îles situées au large des côtes du paysCLANDESTINOSergio KokisLévesque éditeur258 p. | 25$des gauchos, mais peuplées de sujets britanniques, et dont on sait l’issue. La défaite destroupes argentines, on s’en souvient, a contribué à la chute de la junte militaire au pouvoiret lancé la transition vers un régime démocratique. C’est dans ce contexte que TomàsSorge, ex-sergent de l’armée argentine, enfin arrivé au terme de ses années de détentioninjuste, recouvre sa liberté et accepte de servir d’homme de main à des militaires quiaimeraient bien effacer toute trace de leurs exactions passées.Pour avoir forcé le coffre-fort d’un sénateur afin de récupérer des papiers compromettantssur l’ordre du capitaine Márquez qui, cependant, témoigna contre lui lors de son procès,Tomàs Sorge a été condamné à six ans de travaux forcés à la prison de l’ancienne basenavale d’Ushuaïa, dans la province de la Terre de Feu. Histoire de tromper les conditionsabjectes de son incarcération, Tomàs a passé ces six années à rejouer mentalement desparties d’échecs célèbres tout en échafaudant ses plans pour se venger de l’homme quil’a trahi et retrouver la femme, la fille et le butin d’un ami mort après avoir été torturé.Ayant, tel un reptile, changé de peau à la faveur de sa sortie de prison, rebaptisé pour lesbesoins de sa cause José Capa, cet Edmond Dantès des temps modernes place ses piècessur le nouvel échiquier politique de son pays lui aussi en pleine mutation, planifie ses coupset feint d’être désormais l’allié de ces militaires qu’il exècre – sans apparemment se douterqu’il pourrait lui-même n’être qu’un pion de leurs machinations.Quel plaisir de retrouver l’auteur de L’art du maquillage et du récent recueil de nouvellesDissimulations en grande forme et en pleine possession de ses moyens romanesques!Quelle joie de retrouver son souffle, sa verve, l’acuité de son regard dans cette histoire devengeance et de rédemption au schéma certes classique, mais au propos éminemmentpolitique! Car au-delà des clins d’œil manifestes au Comte de Monte-Cristo, ce sont le pointde vue sur l’histoire sociopolitique de l’Amérique et le portrait de ces hommes sansscrupules et sans vergogne qui retiennent finalement notre attention – sans oublier lessurprises que nous ménage Kokis, qu’on devine lui-même fin connaisseur de partiesd’échecs, et qui sait mener son intrigue en stratège avisé.De la disparition comme hantiseIl y a dix ans, Andrée A. Michaud remportait le Prix littéraire du Gouverneur généralpour <strong>Le</strong> ravissement, une histoire mystérieuse à souhait qui abordait le thème dela disparition d’enfants. Dans Rivière Tremblante, son dixième roman en carrière,la romancière d’origine beauceronne revient sur ce motif, quoique dans les faitset dans l’effet la ressemblance entre les deux œuvres demeure assez superficielleen définitive.Trois ans après la disparition de sa petite Billie dont il est bien évidemmentinconsolable, Bill Richard a quitté sa ville pour venir s’installer à Rivière Tremblante.Au même moment, Marnie revient dans ce bourg qui fut le théâtre de ladisparition de son ami d’enfance Michael il y a plus d’un quart de siècle, alors quele gamin et elle s’amusaient tout près de la rivière. Or, peu de temps après l’arrivéedu premier et le retour de la seconde, un autre enfant disparaît, et nos deuxprotagonistes se voient soupçonnés d’être liés à cette nouvelle tragédie.Ni polar ni thriller au sens propre (l’auteur préfère l’étiquette de « suspensepsychologique »), Rivière Tremblante s’attarde peu au dévoilement de l’identitédu ou des ravisseurs de Billie ou à ce qui est réellement arrivé àMichael, et braque plutôt ses projecteurs sur les survivants de cesdrames, sur leur impossible deuil. D’ailleurs, rien qu’au Québec,de Sébastien Métivier à Cédrika Provencher, les disparitionsd’enfants qui ne connaissent jamais de résolution ou dedénouement heureux ne sont pas rares.Ce sont donc l’insondable tristesse de Bill, son étouffantsentiment de culpabilité qui intéressent Andrée A.Michaud, dans ce roman qui aborde également lesthèmes de l’extrême fragilité de l’enfance, mais aussi dela fragilité du bonheur et de la fugacité des souvenirsauxquels les personnages s’accrochent néanmoins.Tourmentée par une sorte d’amnésie sélectiveRIVIÈRE TREMBLANTEAndrée A. MichaudQuébec Amérique368 p. | 24,95$comme l’héroïne du film homonyme d’Alfred Hitchcock (les référencescinématographiques sont une marque de commerce de la romancière, depuistoujours grande cinéphile), Marnie doit composer avec l’horreur de ne pouvoirse rappeler ce qui s’est passé exactement le jour fatidique où Michael a disparu,des mots qu’il avait prononcés juste avant de lui être enlevé à tout jamais.Voilà des thèmes austères et graves, que l’écrivaine sait aborder avec la finesseet l’intelligence qu’on lui connaît, avec juste ce qu’il faut de compassion pourses personnages, sans jamais sombrer dans le mélodrame ou la sensiblerie.Ainsi qu’en témoignait son précédent roman, Lazy Bird, plus près du polar enbonne et due forme, Andrée A. Michaud a beaucoup fréquenté le roman noir,suffisamment pour maîtriser l’art de maintenir suspense et mystère aufil des pages, de déjouer les expectatives du lecteur. Si, en définitive, ellene propose pas de solution aux énigmes orchestrées ici, c’est toutsimplement parce qu’elle sait que dans un roman comme dans la vie,il reste toujours une part d’ombre qui défie toute possibilité d’expliquer,de comprendre.LE LIBRAIRE • JUIN-JUILLET 2011 • 21


LES CHOIX DE LA RÉDACTIONpoésie<strong>Le</strong> Journal de Susanna Moodie, publié à l’origine en anglais en 1970, est peut-être le plusbeau recueil de poèmes de Margaret Atwood. Dans cet ouvrage, l’auteure adopte la voixde sa consœur Susanna Moodie, une écrivaine qui fut parmi les premières femmesbritanniques à s’établir au Canada. <strong>Le</strong> récit, divisé en trois parties, commençant parl’arrivée de la narratrice en 1832 et se terminant au XX e siècle, tente de recréer la réalitédes colonies. Sa force vient de la structure par accumulation etinterconnexion des poèmes qui forment unLE JOURNAL DESUSANNA MOODIEMargaret AtwoodÉdition BrunoDoucey128 p. | 24,95$tout cohérent et dont les thèmes sontl’aliénation, la terreur et la confusion. Cettenouvelle édition, qui superpose la versionanglophone à la traduction française dutexte, tombe à point nommé en ces tempsde remise en question nationale.<strong>Le</strong> séisme en Haïti a permis à la population mondiale de jeter un regard autre sur ce pays,de s’intéresser à sa culture, à ses habitants, à ses artistes même. C’est le cas, du moins,de l’éditeur Bruno Doucey, qui a réuni les textes de trente-cinq Haïtiennes de différentesépoques, qui ont toutes en commun le désir de faire connaître leur terre natale. Dans ceflorilège, on découvre que certaines interrogent le corps, d’autres, l’héritage. Certaines ontvécu la dictature, d’autres, le choix de l’exode. Certaines parlentd’amour, d’autres, de violence et de jalousie. UneTERRE DEFEMMESCollectifÉditions BrunoDoucey296 p. | 34,95$fois les voix de ces femmes regroupées, leurstextes transcendant les limites du temps pourformer une œuvre riche, qui dépeint toute lapluralité d’une nation. Chapeau à l’éditeur pource recueil, dont les textes sont tout simplementsuperbes!LE LIBRAIRE CRAQUE!poésieDEVENIR VIEUXCe très beau recueil met en scène un homme et unefemme confrontés à la mort d’un enfant. <strong>Le</strong> leur,mais aussi celui qu’ils ont été et qu’ils doivent laisser derrière afin de « devenirvieux ». Dans un récit tout en finesse et en non-dits, on les voit aux prises avecce deuil difficile d’un fils que la mer a emporté, cette mer qu’ilsprendront eux aussi en s’embarquant sur un voilier pour« atteindre le large ». « Ô Mort, vieux capitaine, il est temps!<strong>Le</strong>vons l’ancre! », disait Baudelaire. Car « pour trouver dunouveau », il faut « n’être là pour personne », apprivoiser ensoi, à travers l’autre que nous perdons, « l’homme qui a peur demourir ». Alors seulement peut-on survivre à cette absence quinous déchire, avoir la force de plonger au fond de l’Inconnu« [c]omme dans le sort qui enlève toute pensée ».Mathieu Croisetière Clément MorinÉtienne Lalonde, <strong>Le</strong>s Herbes Rouges, 62 p., 14,95$BOIS DE MERBois de mer de Maxime Catellier poursuit en écho letravail entrepris précédemment avec Bancs de neige,paru en 2008 également chez L’Oie de Cravan, chacun des deux recueilsconstituant chronologiquement le bâbord et le tribord d’uneœuvre que traverse une étonnante unité. En effet, c’estavec grand plaisir qu’on retrouve dans Bois de mer le poèteutilisant, avec la même application, une imagerie poétiqueefficace à détourner le sens commun et l’ordinaire pourrestituer au réel sa part de merveilleux. <strong>Le</strong>s photosaccompagnant les poèmes accentuent cet effet de lienconstant, d’incessants jeux d’échange entre réel et poésie.Catellier donne à lire une poésie alliant avec authenticité unévident et vivant héritage surréaliste avec notre époque.Christian Girard PantouteMaxime Catellier, L’Oie de Cravan, 50 p., 14$CE QUI TUE A PLUSIEURS NOMS Carol <strong>Le</strong>Bel possède cet immense don del’instantané poétique propre à saisir lemoment et proche du haïku. Sa surprenante économie des mots vient sans relâcheaccentuer la puissance d’évocation de son écriture. Et cette désarmante simplicitéest en parfaite adéquation avec les thèmes de la perte et del’absence traversant tout son recueil, donnant toute la mesurede cette expérience où « les cris dans [sa] bouche tant de foisne vont nulle part ». Mais la vie continue et insiste en nousavec cette irrépressible voix qui cite Schopenhauer : « Tu n’asaucune chance mais saisis-la. » <strong>Le</strong>Bel offre avec ce recueil unmoment de lecture qui chamboule et renverse, qui va droit àl’essentiel et semble mettre à nu, sous nos propres yeux, notrepart d’intimité. Christian Girard PantouteCarol <strong>Le</strong>Bel, L’Hexagone, 88 p., 16,95$22 • LE LIBRAIRE • JUIN-JUILLET 2011LE POÈME CONTINU. 1961-2008 <strong>Le</strong> poète portugais Herberto Helder aélaboré, sa vie durant, une œuvrepoétique originale échappant à tout dogmatisme et résolument pétrie de liberté.Son écriture délivre un fleuve impétueux d’images et libère untorrent de mots au rythme envoûtant duquel s’élève une voixéchappant avec vigueur à la plate raison afin d’explorer les voiesd’une originelle et sauvage innocence. Chez Helder, la poésiedevient acte de vie, et sa source semble remonter à des lointainsinsoupçonnés du corps et de l’esprit, charriant dans sa course,avec une sensualité extrême, l’expression d’un chaos essentieloù sont conviés tous les éléments. C’est près de cinquante ansd’une œuvre sans compromis et d’une impressionnante cohésionque met au jour cette fascinante anthologie.Christian Girard PantouteHerberto Helder, Gallimard, 298 p., 14,95$


P AROLESLA CHRONIQUE DE SIMON-PIERRE BEAUDETpoésieEnseignant au cégepet musicien à sesheures, Simon-Pierre Beaudet s’estengagé en politiquecomme en poésie :avec conviction.Et tout est repeupléÉtablies au Saguenay, « à partir de leur laboratoire nordique », les éditions La Peupladese consacrent à la littérature actuelle – roman et poésie – depuis 2006. Sur leur site,on peut lire que « La Peuplade crie sur tous les toits que l’art doit peupler le territoire,jusque dans nos villages »… y compris Montréal, où vivent plusieurs de leurs auteurs.La présente saison les voit lancer trois nouveaux recueils de poésie qui brillent parleur audace et leur originalité.et de la fulgurance. La poète annonce d’entrée de jeu : « Retiens-moi / d’aimer je suisfurieuse. » La métaphore animale traverse le recueil à travers tout ce qui touche aucorps – peaux, mains, gueules, chairs, oreilles, lèvres… et sexes. Pour incarnée qu’ellesoit, la poésie de Gaudet-Labine traite pourtant des sentiments et de l’intériorité avecune imagerie et un vocabulaire souvent durs, voire violents : « Nous savons jouir / etfaire saigner. »En guise de vernissageIl faudrait également mentionner que La Peuplade entendvaloriser l’art actuel, notamment en plaçant sur ses couverturesdes œuvres qui font du livre un objet d’art en soi. <strong>Le</strong>s livres deCharles Sagalane s’inscrivent également dans ces préoccupations.Après 68 cabinet de curiosités, il poursuit avec 51 Antichambre dela galerie des peintres, une exploration littéraire de l’expérienceesthétique. Sagalane nous invite dans son musée personnel etprésente une exposition de son cru, où s’entremêlent destableaux aussi variés que ceux de Rembrandt, Vuillard, Riopelle,voire… Banksy! En fait, Sagalane se montre peu inhibé par lesusages sociaux de l’art et le sérieux qu’il suppose. Il rend parexemple hommage à Arthur Villeneuve – « Arthur la peinture quia peinturé ses murs », vers naïf pour un peintre naïf – enretranscrivant les paroles de sa femme dans son françaisquébécois peu châtié. On verra également apparaître les faussaires Myatt et Drewe,qui ont répandu des contrefaçons des grands maîtres contemporains.Chaque œuvre est abordée dans une forme de dialogue entre le tableau et lasubjectivité de celui qui regarde. On y trouve d’abord une « description » du tableauoù la disposition des vers rappelle la forme du cadre, puis des réflexions entreparenthèses qui, elles, suggèrent le silence et le recueillement nécessaires à lacontemplation d’œuvres qui « habitent » celui qui les fréquente. On se retrouve ainsi« en situation » et le visiteur devient lui-même « un complice, un miroir, une couleur ».Tout le livre de Charles Sagalane démontre une passion et une connaissance de l’artvisuel qui font en sorte qu’on suit volontiers cette visite guidée avec lui. Ajoutons qu’ils’agit d’une approche originale de l’écriture poétique, qui se révèleà la fois profonde et ludique, informée et pétrie de son objet,comme en témoigne cette phrase placée en début de recueil :« Parlant de la galerie, un critique a dit : vous y étiez avant d’y entreret vous y serez après votre sortie. »Faire peau neuveIsabelle Gaudet-Labine s’intéresse elle aussi aux liens entre les artsvisuels et l’écriture poétique dans une chronique qu’elle écritdans la revue d’art <strong>Le</strong> Sabord. Après deux recueils aux Éditionsdu Noroît, elle propose chez La Peuplade Mue, une suitepoétique dans laquelle elle explore les écueils de l’amour. <strong>Le</strong>changement de peau annoncé par le titre représente les amourssuccessives qui seront toutes vécues sur le mode de l’impulsion51 ANTICHAMBREDE LA GALERIEDES PEINTRESCharles SagalaneLa Peuplade184 p. | 19,95$MUEIsabelleGaudet-LabineLa Peuplade92 p. | 18,95$Faire peau neuve peut s’avérer difficile, et les autres « mues » évoquent plutôt lacontinuité de la souffrance dans le renouveau. D’autres combats, d’autres amours etd’autres blessures arrivent si bien que la poète clame : « la mort s’annonce sauvage /elle bondit entre mes murs et renifle mon corps frais blessé / je ne dors pas / j’attendsle coyote ». Ce ne sera pourtant pas la fin, mais une avant-dernière mue avant de setrouver abandonnée sur la plage, avec « l’horizon qui approche » et une résolutionnouvelle qui clôt le recueil : « Larguer les amours. » Cette mue intérieure annonceainsi une libération et suggère qu’il faut moins changer de peauque d’état d’esprit. Isabelle Gaudet-Labine signe ici un très beaulivre, porté tout d’un trait par un souffle continu et puissant.« Un être incroyablement lumineux »Laurance Ouellet Tremblay a obtenu, pour Était une bête, le prixlittéraire Radio-Canada de poésie en 2009. Était une bêteprésente une écriture itérative qui énumère le catalogue despersonnes et des choses du monde dans – et contre – lequel seconstruit la jeune fille qui grandit dans ces pages. Ce serontd’abord les sœurs enseignantes – « Sœur France / Sœur Thérèse/ Sœur Jacqueline » – qui vont se métamorphoser pours’étendre à tout le champ du réel : « Sœur sûre / Sœur Histoire/ Sœur Écorce / Sœur Sans vie. » Pour survivre à travers cesfigures d’autorité, l’élève recevra plusieurs conseils : « Ne discutepas », « aplanis-toi », « cesse ta guerre », « baisse les yeux / etÉTAIT UNE BÊTELaurance OuelletTremblayLa Peuplade96 p. | 17,95$compte tes pas. » La cour de récréation sera l’occasion d’autres humiliations alorsqu’en assistant à la « formation des équipes », tout le monde trouvera preneur ense faisant nommer, sauf elle, la sans nom, la bête : « Je suis tache blanche / absinthe/ carie / coquille, chambranle / […] je suis tout / sauf un nom. »<strong>Le</strong> monde scolaire, figé dans un passé religieux que l’auteure n’a probablement pasconnu, apparaît comme la métaphore du monde social et de son conformisme :« Être ligne, être belle / être droite / être devoirs, dictées, encre / […] être sanspoids / un vide. » C’est au fond d’elle-même qu’elle trouvera les ressources poursurmonter sa brisure et vivre sa révolte : « C’était là / au cœur de la séparée / de lasciée en deux / juste là / le lieu de ma résistance. » Évadée, absente pour une longuepériode, la jeune fille retrouve une amie perdue en fin de parcours. <strong>Le</strong> livre setermine alors sur un petit dialogue anodin, tout en non-dits, où se précise lamétaphore de la bête, une bête traquée et magnifique, comme la Bête lumineusede Pierre Perreault. <strong>Le</strong> premier recueil de Laurance Ouellet Tremblay révèle uneécriture très maîtrisée, tant dans son pouvoir d’évocation que par ses qualitésformelles. Était une bête annonce une œuvre à surveiller.LE LIBRAIRE • JUIN-JUILLET 2011 • 23


24 • LE LIBRAIRE • JUIN-JUILLET 2011Par Josée-Anne Paradis et Alice Méthot Si on peut réussir à rendre poétiques les tourmentsles plus démentiels de l’âme humaine, c’est dans celivre qu’on en trouvera l’exemple. Ici, tout tourne autour de Teresa, uneadolescente différente, objet de passion pour Manuel et Veronica.La curiosité fait vite place à l’ardeur, puis à l’obsession. <strong>Le</strong>s codessont brouillés, et cette attirance étrange n’a pas de nom. Elle sesitue davantage du côté d’une fascination qui révèle en nous desdésirs tant étranges qu’insoupçonnés. Comme les sentiments sontambigus et parfois même douloureux, il est difficile de baliserce qui, de toute façon, a vite fait de prendre le contrôle sur nous.La dérive a alors la voie libre pour emprunter toutes lesdirections. Car si la force du trouble est évidente, le moyend’empêcher la chute est impossible.Isabelle Beaulieu PantouteAndrés Barba, Christian Bourgois éditeur, 224 p., 29,95$VERSIONS DE TERESALE LIBRAIRE CRAQUE!littérature étrangèreAu fil des nouvelles de ce recueil, onretrouve une galerie de personnagesépars, qui possèdent néanmoins le point commun d’être déçus par une Amériquede l’après-guerre qui ne tient pas ses promesses. Employés de bureau, femmesau foyer, représentants de commerce : tous sont confinés dans une vie qui, sansêtre misérable, est loin d’être celle que leur font miroiter lesmagazines et les films. Bien ancré dans la culture populaire desannées cinquante, ce recueil de nouvelles est une introductionparfaite à l’humour, au style truculent, bref, à l’univers deVonnegut. L’auteur y passe de la science-fiction au polar, dudrame de mœurs (jamais complètement dramatique) à la comédiede situation, et nous fait seulement regretter qu’il ne soit plusdes nôtres pour nous pointer les travers de notre époque.Anne-Marie Genest PantouteKurt Vonnegut, Grasset, 376 p., 32,95$LE PETIT OISEAU VA SORTIRLouis Hamelin remportele Prix des <strong>libraire</strong>s du QuébecC’est à Louis Hamelin qu’a été décerné cette année lePrix des <strong>libraire</strong>s du Québec dans la catégorie Romanquébécois pour La constellation du Lynx, paru chezBoréal. « Avec sa plume acerbe et tranchée, Hamelinnous entraîne dans un tourbillon historique, où sontrévélés des faits jusqu’ici cachés au public. Une fictionintense, saisissante de vérité. Une lecture obligatoire »,a commenté à cette occasion Caroline <strong>Le</strong> Gal de laLibrairie Monet. Réagissant au verdict des 217<strong>libraire</strong>s participants, Louis Hamelin a écrit : « Avoirété distingué, dans ce contexte, par un jury dont lesmembres sont ceux-là même qui sont chargésd’administrer, au quotidien, ce déploiement de ladiversité et de l’invention humaine auquel le monde du livre donne forme, représenteévidemment un honneur considérable. Un honneur qu’il convient, je crois, d’accepter avecautant de gratitude que de modestie. » Louis Hamelin, qui a également remporté le Prixdes collégiens 2011, recevra une bourse de 2000$ ainsi qu’une œuvre de l’artiste Louis-Georges L’Écuyer. Dans la catégorie Roman hors Québec, le Prix des <strong>libraire</strong>s a été attribuéà l’Islandaise Audur Ava Ólafsdóttir pour son envoûtant Rosa candida, aux éditions Zulma.© Martine Doyon


LE LIBRAIRE CRAQUE!littérature étrangèreLA BALLADE DE GUEULE-TRANCHÉE Early Taggart, alias Gueule-Tranchée,raconte, du haut de ses 108 ans, satraversée du XX e siècle. Et quelle épopée! Ce personnage incroyable sembleincarner à lui seul tous les mythes de la vieille et bizarre Amérique. Une manièrede Forrest Gump élevé chez les bouseux qui aurait tout vu,tout bu, tout lu. Stigmatisé par une maladie des gencives dèsla prime enfance, ce qui lui vaudra son surnom, Early changerade nom à plusieurs reprises et sera, tour à tour, cunilinguiste,ermite, harmoniciste pour Chuck Berry, charmeur de bébés,gagnant du prix Pulitzer, etc. Premier roman plein d’ambitionset foisonnant de références, La ballade de Gueule-Tranchée deGlenn Taylor traite d’un sujet en or qui, finalement, semblese perdre dans un excès de rocambolesque.Christian Girard PantouteGlenn Taylor, Grasset, 346 p., 29,95$CE QUE J’APPELLE OUBLIUn homme boit une canette de bièredans une épicerie. Peu après, on le tuesauvagement. Ce que j’appelle oubli est un sifflement, le cri strident d’unebouilloire d’où sort la chaude vapeur d’une vie perdue. Perdue pourquoi? Avec saréponse, Mauvignier égratigne, en soixante-deux pages, lasociété en entier. Il dénonce cette dureté, cette indifférencequi réapparaît, un peu partout, et qui tasse, qui tue, peu àpeu, cette humanité qui nous est commune. On croirait voirici la banalité du mal d’Arendt, avec des petits Eichmannd’opérette en représentation, croix gammées en moins, nametags en plus. Comme dans Des hommes, l’auteur nous montreà quel point il est dangereux de perdre de vue l’humanité del’autre. À lire. Jean-Philip Guy Du SoleilLaurent Mauvignier, Minuit, 62 p., 12,95$LES INSURRECTIONS SINGULIÈRES Antoine est en arrêt de travail forcé,car son usine subit la crise et vise ladélocalisation au Brésil. Détruit par sa récente rupture avec Karima, il tente desurvivre en retournant chez ses parents. Mal à l’aise chez eux, il ne cessera defuir par la pensée ou en filant de nuit à moto. Une rencontreavec un vieux bouquiniste va le sauver et même le motiver àpartir visiter le Brésil et l’usine relocalisée. Ce livre est unevéritable critique sociale sur la valeur du travail à l’heure del’ « ultra-mondialisation ». L’auteure s’est inspirée des rencontresavec des ouvriers lors de « cafés de paroles », et on perçoit dansce texte poétique une extrême empathie. Je retrouve dans cespages la finesse de Jeanne Benameur, que j’ai découverte grâce àson précédent roman, Laver les ombres, et qui écrit comme onbrode. Tania Massault PantouteJeanne Benameur, Actes Sud, 198 p., 31,50$TU VERRAS « Tu verras »... Trois syllabes qu’un père assèneinlassablement à son fils de 12 ans en guise de conclusionà leurs semblants de dialogues, à leurs conversations minées parl’incompréhension. Mais Clément, le fils, ne « verra pas », car il tombe sous unmétro et meurt... <strong>Le</strong> père ressassera donc les douze années closes à jamais, hantépar le désarroi, les souvenirs et les inexorables remords afin dene pas en finir avec ce fils perdu. Tu verras est autant un romansur la perte que sur la paternité d’aujourd’hui. Au-delà del’émotion qu’il suscite, ce roman devient passionnant parce qu’ilne flirte jamais avec le pathos, mais adopte plutôt laperspective du règlement de comptes. Il faudra cette tragédiepour que Colin fasse le point sur sa vie amoureuse et lève sesyeux de son nombril, de son milieu blanc et bien nanti, pourle sourire d’une femme qu’il n’aurait jamais songé regarderauparavant. Bouleversant... Johanne Vadeboncœur Clément MorinNicolas Fargues, P.O.L., 194 p., 25,95$LA RENCONTRECe recueil de nouvelles sur le thème dela rencontre réserve de belles surprisesau lecteur curieux qui en tournera les pages. Avec des auteursmajeurs telles Camilla Läckberg, Claudie Gallay ou encore AgnèsDesarthe, sa lecture ne peut que procurer un profond sentimentde satisfaction. De page en page, nous suivons les rencontressensuelles, détonnantes ou encore grotesques qui changent lecours de la vie de chacun des personnages. Ainsi, Claudie Gallaynous raconte un repas pris avec des pêcheurs bénévoles dansun salon du livre, et Marek Halter nous fait entrapercevoirl’érotisme troublant qui peut émaner des grandes surfaces. Unebelle façon de découvrir de talentueux auteurs étrangers, etpeut-être de se laisser séduire jusqu’à la découverte de leurœuvre entière. Tania Massault PantouteCollectif, Prisma, 118 p., 24,95$LE CLUB DES TRICOTEUSES DU VENDREDI SOIR La pratique du tricot est ici laraison de ce rassemblementhétéroclite de sept femmes, toutes différentes les unes des autres en âge, enstatut social et familial, en aspirations et en vécu. Cependant,elles sont toutes soudées par une solidarité féminine sincèreet inconditionnelle. Lorsqu’elles se retrouvent le vendredi soirpour tricoter, elles se racontent leurs vies, leurs difficultés etleurs défis de femmes, leurs craintes, leurs rêves et leursréussites. Nous traversons donc avec elles les épreuves,anecdotes et évènements en espérant ardemment laréalisation de leurs rêves et désirs. Toutes attachantes, c’estavec bonheur que nous les accompagnons page après page ensouhaitant parfois être… la huitième du groupe.Hélène Talbot Librairie Boutique VénusKate Jacobs, City, 370 p., 29,95$LITTLE BIG BANG Zulma a fait connaître cet excellent auteur-scénaristeen 2008 par le biais de son premier roman traduit enfrançais : My First Sony. Benny Barbash revient en force avec Little Big Bang,dans lequel son jeune narrateur décrit l’invraisemblable aventure de son pèredans un Israël paranoïaque et contemporain. Roy, chef defamille ordinaire et caustique, souffre d’une indéniablesurcharge pondérale. Il décide de passer à l’action et enchaînedes régimes, plus ou moins sensés, jusqu’à ce qu’il avale detravers un noyau d’olive. À ce moment, l’impensable arrive :un olivier commence à pousser dans son oreille. Tour à tourburlesque et pince-sans-rire, l’auteur profite de l’histoire pournous offrir une satire de la société israélienne rancunière avecle personnage extrémiste de la grand-mère.Tania Massault PantouteBenny Barbash, Zulma, 176 p., 25,95$CAÏNC’est ma seconde incursion dans l’œuvre de Saramago et,décidemment, je tombe des nues à chaque fois. Comme dans <strong>Le</strong>voyage de l’éléphant, il faut s’adapter au style de l’auteur (quasi-absence deponctuation, de majuscules et de paragraphes) pour apprécierchaque ligne de ce roman corrosif et toujours aussi critiquevis-à-vis la question de Dieu. <strong>Le</strong>s quelques intrusions dunarrateur, pour expliquer telle ou telle chose, demeurent desavoureux moments. Ce délirant voyage de Caïn à travers lesprincipales histoires de l’Ancien Testament va vous faire voirle Créateur d’une tout autre façon. Un délicieux chant ducygne pour ce regretté récipiendaire du prix Nobel delittérature, qui n’a jamais eu la langue dans sa poche… Quedis-je, la plume dans son étui! Shannon Desbiens <strong>Le</strong>s BouquinistesJosé Saramago, Seuil, 170 p., 27,95$LE LIBRAIRE • JUIN-JUILLET 2011 • 25


LE LIBRAIRE CRAQUE!littérature étrangèreDU PUR AMOUR ET DU SAUTÀ L’ÉLASTIQUEFrédéric Pagès est à l’étudiant de philosophie ceque la brise fraîche est à la canicule. Par sonérudition, il peut se permettre des blaguesd’initiés qui peuvent à la fois agir comme un répit à l’hermétisme et à la (trop)fréquente rigidité de la discipline, ou comme une révision des principauxconcepts de Kant, Nietzsche ou Platon. Avec ce roman, il nousplonge dans les péripéties « rocambolesquissimes » de la viede Max de Kool, un raté sympathique qui tente désespérémentde passer le brevet de philosophie à la Sorbonne, quand il n’estpas trop occupé par ses histoires d’amour foireuses ou à haïrJulio Iglesias du plus profond de son être. Bien que cette quêted’absolu soit somme toute assez agréable à lire, elle n’est riencomparée aux essais que l’auteur a signés sous sonpseudonyme, Botul. Des textes loufoques, mais sivraisemblables qu’ils ont même trompé le célèbre BHL!Anne-Marie Genest Pantoute Frédéric Pagès, Libella-Maren Sell, 208 p., 29,95$GOG Gog est un personnage épatant de cruauté, une espèce d’hybridemilliardaire de Maldoror et du Père Ubu qui trimbale de par lemonde son implacable misanthropie. Il se promène parmi les artistes, lesmagiciens, les charlatans, les grands esprits de son époque(Gandhi, Lénine, Ford…) à la recherche, vaine, d’une solutionà son ennui qui, dans un bâillement, avalerait volontiers lemonde. Ce roman, écrit en 1930, a été sorti de l’oubli par lagéniale maison d’édition Attila et revampé par lesillustrations non moins brillantes du sulfureux Rémi. Cetteœuvre de Giovanni Papini, qui passa du rôle de perturbateurfuturiste à celui d’ardent catholique tout en ne crachant pas,au passage, dans la soupe mussolinienne, demeure un romand’une modernité extrême, une fable à l’esprit visionnaire.Christian Girard PantouteGiovanni Papini, Attila, 296 p., 37,95$DE TES YEUX, TU ME VISParolier pour Björk et collaborateur deLars Von Trier, Sjòn est un auteur etpoète très influent en Islande. Ayant repris le mythe du Golem dans Sous lapaupière de mon père, il nous en présente ici la genèse.Narrateur, le Golem raconte son histoire, prenant un malinplaisir à nous dérouter en brouillant la ligne narrative. Il sepromène entre le fantastique, la cruauté animale et la vieordinaire; il change de ton, de rythme et de style, créant avecespièglerie quelques inconforts mais aussi des instantsmagiques. C’est une histoire singulière, liant une femme dechambre à un déporté juif qui, malgré la noirceur de leurs vies,réussiront à s’unir, générant assez d’amour pour créer l’enfantde glaise. Anne Gosselin PantouteSjòn, Rivages, 304 p., 37,95$SOLAIREMichael Beard a le profil d’un homme que le lecteuraura du plaisir à détester. Égoïste, infidèle, bedonnantet sans scrupule, on lui doit pourtant une théorie qui lui a valu un prix Nobel dephysique. Alors que ses recherches portent sur leréchauffement climatique, il est peu rassurant de penser quele sort de la planète puisse se retrouver entre ses mains.Solaire nous plonge dans trois périodes de sa vie publique etintime et nous fait suivre ses élucubrations, tantôt pourredorer son image, car il reste sollicité malgré une carrièrequi bat de l’aile, tantôt pour combler ses besoins affectifsaprès cinq mariages. Ian McEwan réussit à combiner la rigueuret le sérieux de son écriture à des épisodes humoristiquesirrésistibles. Une analyse savante d’un monde désenchanté.Véronique Grondin Du CentreIan McEwan, Gallimard, 388 p., 33,95$LA REINE ALICEAprès avoir appris qu’elle avait un cancer,Alice se retrouve de l’autre côté du miroir.Un monde à l’envers où de nombreux personnages directement inspirés de <strong>Le</strong>wisCarroll se déploient autour d’elle. Projetée dans cet univers éclaté, elle poursuitun long cheminement au gré de son énergie. Elle y fait desrencontres parfois surprenantes, parfois inquiétantes, mais quitoujours lui permettent de réfléchir sur sa fragile existence.Comme quoi il peut être nécessaire de se propulser dans unailleurs afin de mieux vivre l’instant présent. <strong>Le</strong> rôle del’imagination est alors primordial si l’on veut en sortirindemne, et même se retrouver transformé, à la suite de duresépreuves. Et pourquoi ne pas aller jusqu’à devenir la reineAlice, la reine des maladies? Nous sortons de ce romanempreints d’une douce sérénité.Daphné Deschatelets Hamel Du SoleilLydia Flem, Seuil, 304 p. 24,95$UN SI JOLI VISAGEQuand le corps ne correspond pas du tout àl’essence intérieure, on passe sa vie entière àtenter de rendre concordants l’un et l’autre. Dans ce livre plein d’humour, noussuivons le destin de Mary Gooch, femme au joli visage maisqui a la fâcheuse manie de trop manger. Mary porte le poidsde sa vie, c’est le cas de le dire. Car plus que le malaise devivre dans ce corps disgracieux, c’est le doute perpétuel quil’assaille : doute ultime de ne pas plaire à son mari et d’êtreconsidérée comme un meuble du salon. Qu’à cela ne tienne :Mary effectuera un voyage mouvementé afin de retrouver sonhomme, parti sans prévenir. Et plus que tout, l’héroïne tenterade se réapproprier son existence, qui se révélera aussi fasteet grandiose que son anatomie. Un roman résolumentcomestible! Isabelle Beaulieu PantouteLori Lansens, Alto, 584 p., 28,95$26 • LE LIBRAIRE • JUIN-JUILLET 2011L’HOMME QUI AIMAIT LES CHIENS Dans une écriture envoûtante etvigoureuse, <strong>Le</strong>onardo Padura racontel’histoire de la perversion de la plus grande utopie du XX e siècle. L’homme quiaimait les chiens, c’est le révolutionnaire Léon Trotski exilé par Staline, avec sesdoutes, ses remises en cause; c’est aussi l’Espagnol Ramon Mercader, idéalistemanipulé, assassin désigné cheminant vers sa victime.L’homme qui aimait les chiens, c’est enfin le Cubain Ivan, quiva reconstruire la trajectoire des deux pour faire le récit ducrime le plus prémédité de l’Histoire. D’une belle ingéniositénarrative, la fresque de <strong>Le</strong>onardo Padura est le conte d’unegrande désillusion, de la trouble utilisation des idéaux, dumensonge institutionnel et de ses conséquences pour lequotidien des individus, notamment à Cuba. Une grandetragédie à la grecque imprégnée, toutefois, d’un souffle decompassion et d’humanité.Christian Vachon Pantoute<strong>Le</strong>onardo Padura, Métailié, 672 p., 35,95$TAOUSERT, CELLE QUI S’EMPARA DUCIEL. RAMSÈS II, L’IMMORTEL (T. 3)Enfin, le volet qui clôt cette trilogiehistorique! Ramsès vieillit, s’isole danssa capitale, mais s’accroche aussisolidement au pouvoir. <strong>Le</strong>s fils qu’il a nommés régents du royaume ne luisurvivent pas. La corruption est à son comble. Khâemouasetest épuisé et sa fin est proche. À la mort du monarque, c’esttout un pays qui tombe en ruines. Ce roman nous présente lesprincipaux acteurs de l’après-règne du pharaon, les derniersmonarques de la XIX e dynastie, qui tenteront d’empêcher lepays de tomber entre les mains des ennemis étrangers, maisaussi entre celles des rois corrompus d’Égypte. En se basantsur de rares faits, Messadié tisse une histoire prenante. J’aibien hâte de voir ce qu’il va nous proposer dans un avenirproche! Shannon Desbiens <strong>Le</strong>s BouquinistesGerald Messadié, Archipel, 362 p., 29,95$


LES CHOIX DE LA RÉDACTIONlittérature étrangère<strong>Le</strong> père Duncan MacAskill, surnommé « l’Exorciste », est réaffecté dans uneparoisse éloignée du Cap-Breton à la suite d’une enquête policièrecompromettante. Il ne se doute alors pas que sa foi est sur le point d’être mise àl’épreuve. Tandis qu’il se lie d’amitié avec plusieurs femmes, la tentation l’inciteà boire de plus en plus. Pour tenter de se distraire, il s’intéresse à l’histoire d’ungarçon au passé trouble, Danny MacKay, mais les réponses àses questions le mèneront au bord du gouffre. Peut-on jamaisêtre certain de la culpabilité d’un individu ou de son innocence?En abordant le thème délicat des abusLA CHAMBRE DEL’ÉVÊQUELinden MacIntyreLibre Expression400 p. | 32,95$sexuels perpétrés par l’Églisecatholique, Linden MacIntyre, lelauréat au Prix Giller 2009, fait leportrait d’un homme complexe et enprofond conflit avec lui-même.Quel joli petit objet que ce court roman de l’auteur de Parle-leur de batailles, de rois etd’éléphants, qui remportait le Goncourt des lycéens en 2010! Court, soit, mais ô combienintéressant est ce texte qui nous transporte à bord du transsibérien entre Moscou etVladivostok, en route vers les obsèques de Vladimir, ami chéri de Mathias et de Jeanne.Seul avec ses souvenirs, le narrateur entreprend une longue traversée de son passéchargé d’amour, d’alcool et de littérature. Durant ce voyage,Mathias réglera ses comptes avec Vladimir au rythme fougueuxdu train traversant la Russie. Au cœur deL’ALCOOL ET LANOSTALGIEMathias ÉnardInculte96 p. | 24,50$sa mémoire, un triangle amoureux déchirépar la drogue, la douleur et le froid. Cedernier voyage saura-t-il réunir ces âmesesseulées? Beau à faire pleurer.Homo erectus s’ouvre sur un étrange rassemblement. Une centaine d’hommes sontregroupés, dans l’anonymat le plus total, pour se raconter leurs – souventtragiques – histoires d’amour. Cette mystérieuse confrérie du jeudi soir devienttranquillement le théâtre d’une profonde détresse masculine. Or, c’est sousestimerl’écrivain que de penser que ce nouveau roman estlarmoyant. L’auteur est passé maître dans l’art de créer despersonnages à la fois grandioses et pitoyables et de nous lesprésenter avec rythme. Au nombre deHOMO ERECTUSTonino BenacquistaGallimard270 p. | 27,95$trois, les protagonistes principauxinspirent une multitude d’émotionscontradictoires à mesure qu’on lesdécouvre. Ils sont arrogants. Ils sontattachants. Ils sont signés Benacquista.En 1880 paraît <strong>Le</strong>s Protocoles des sages de Sion, un ouvrage antisémite qui afortement contribué au mythe du complot juif mondial. Quelques années plus tard,toute la France est bouleversée par la sordide Affaire Dreyfus. Dans le Parisd’alors, les services secrets prussiens, français, piémontais et russes conspirententre eux et les jésuites contre les francs-maçons. Seul véritable personnage defiction du roman, le diabolique Simon Simonini fera tout pouranéantir ses ennemis. Ainsi se compose le tableau dans lequelEco campe son nouveau feuilleton, enLE CIMETIÈREDE PRAGUEUmberto EcoGrasset580 p. | 34,95$respectant à la lettre l’Histoire afin dedémonter un à un les mécanismes de lahaine contre les Juifs. Dans le genre dessagas historiques, nul ne fait mieux quel’auteur du Nom de la rose.Annie Ernaux puise, depuis La Place (prix Renaudot 1983), à la source même de sessouvenirs pour construire le récit socio-biographique d’une vie entière, créant ainsi sapropre légende. Il nous semble maintenant tout savoir d’elle, de ses passions amoureusesà son avortement en passant par le combat de ses parents. L’autre fille vient jeter unnouvel éclairage sur cette histoire, aujourd’hui forte de quinzeouvrages. Avec la mort de sa sœur, décédée d’une maladie avant lanaissance d’Annie, l’écrivaine présente unnouveau volet de cette vie française, dans sonL’AUTRE FILLEAnnie ErnauxNil80 p. | 13,95$style épuré qu’elle qualifie d’ « écriture commeun couteau ». L’auteure sonde la mémoirefamiliale afin de s’adresser à cette enfantperdue, qui fit d’elle-même « l’autre fille ».Magnifique, une fois de plus.« <strong>Le</strong> monde tourne, je peux lâcher, il n’a pas besoin de moi », a déjà dit John Updike.En janvier 2009 disparaissait ce grand homme de lettres américain. Dans sonultime ouvrage, l’auteur de Cœur de lièvre témoigne à sa manière de la fin de savie, de la fragilité de la vieillesse, de la maladie et de la mort. De fait, les dix-huithistoires qui constituent ce recueil ont été publiées en versionoriginale durant la dernière décennie deson existence. Toutefois, Updike ne sombreLES LARMES DEMON PÈREJohn UpdikeSeuil300 p. | 34,95$jamais dans le pathos. Réaliste, il proposeplutôt une saine appréciation du courageque manifestent certains devantl’imminence de leur propre fin. Une bellefaçon de dire adieu.<strong>Le</strong> jeune Poitier, Pas Sidney de son prénom, est un riche et maladroit garçon qui,lorsque sa mère déséquilibrée meurt après avoir décroché le gros lot, est pris encharge par une série de tuteurs et de femmes de ménage sous les auspices d’ungéant des médias, Ted Turner. Sans véritable domicile fixe nifamille, son immense fortune gardée secrète et affublé d’un nompareil, Pas Sidney est plus souvent tourné en ridicule querespecté par son entourage. Pourtant, Poitier est un type assezdécent. Or, il est plutôt difficile d’êtrePAS SIDNEYPOITIERPercival EverettActes Sud304 p. | 39,50$intelligent, tout comme d’être noir, dansl’Amérique triviale que dépeint Everett.Sympathique, parfois même carrémenttordant, Pas Sidney Poitier nous offre, avecson défilé de vices tordus et de préjugésabsurdes, un récit initiatique mémorable.En 1791, Saint-Domingue était l’une des plus riches colonies françaises, grâce àses exportations de sucre et de café. Elle était également l’une des plus violentes,jusqu’à ce que les esclaves se révoltent et renversent leurs maîtres, s’unissantpour créer la nouvelle nation indépendante d’Haïti. Cette histoire extraordinaireest la toile de fond du dernier roman d’Allende. Tété, une domestique métisse, estachetée par Toulouse, un riche Français venu à Saint-Dominguepour reprendre la plantation de son père. La jeune femme estvite transformée en concubine par sonmaître, mais rêve de liberté. Ensemble, ilsL’ÎLE SOUS LA MERIsabel AllendeGrasset528 p. | 29,95$fuiront l’insurrection pour se rendre enNouvelle-Orléans. Allende brosse leportrait d’une des plus importantesrébellions du XVIII e siècle.LE LIBRAIRE • JUIN-JUILLET 2011 • 27


ENTREVUElittérature étrangèreN ICOLEK RAUSSConflitd’intérieursÀ l’intérieur du nouveau roman de Nicole Krauss trônent un bureauà dix-neuf tiroirs et quatre narrateurs écrasés sous le poids deleur passé. Dans un entretien lumineux, l’écrivaine américaineentrebâille la porte de La Grande maison.ParDominic Tardifj’écrivais d’autre semblait manquer d’authenticité. J’ai décidé d’y revenir et de lui arracherce bureau auquel elle tenait. Je ne savais pas au départ qu’il allait refaire surface dans lesautres histoires. »Avec La Grande maison, Krauss renoue avec le roman polyphonique, un art délicat qu’ellepratique avec une justesse confondante en forgeant des voix qui murmurent, mais nerésonnent pas moins. « Je me suis d’abord intéressée à cette façon qu’ils ont d’habiter leurvie intérieure, mais j’ai mis du temps à comprendre qui ils étaient vraiment. Je n’ai passenti le besoin de le savoir dès le départ, j’étais seulement convaincue que j’avais trouvéquatre voix complexes, pleines de vie, et que si je les suivais suffisamment longtemps, jeferais des découvertes », raconte celle qui parle avec la même ouverture de la part demystère et de la part de sueur nécessaires à l’édification d’un aussi imposant édificeromanesque.28 • LE LIBRAIRE • JUIN-JUILLET 2011Compassion : le mot résume bien la jeune œuvre cousue de fil de soie de l’écrivaine newyorkaisefigurant dans la prestigieuse liste des « 20 auteurs de moins de 40 ans » du NewYorker en 2010. Une œuvre imposante d’intelligence, dans ses constructions qui télescopentdestins et époques, et émouvante de sensibilité solennelle, dans son obstination à soulevercette chape de plomb que devient parfois la mémoire.« D’une certaine façon, tous mes personnages sont des ratés, des ratés géniaux. Je ne suispas très intéressée par les gagnants. J’ai besoin d’éprouver une profonde compassion pourmes personnages et, contrairement à d’autres écrivains qui arrivent à compatir avec desprotagonistes cruels ou méchants, mon empathie est éveillée par ceux qui traversentl’échec, la douleur, le regret, le doute », confesse Nicole Krauss sur un ton apaisant à la find’un chaleureux entretien téléphonique au sujet de son plus récent roman traduit del’anglais, La Grande maison.Des ratés, donc, que ces personnages? Nuançons, pour ne pas laisser entendre qu’ils sontintrinsèquement des losers; chez Krauss, la perte – de quelqu’un, de quelque chose – permetde se révéler soi-même et redirige définitivement le cours des jours. C’était le cas dans <strong>Le</strong>Roman de l’amour (Gallimard, 2006) pour <strong>Le</strong>o Gursky, exilé polonais qui faisait de l’absencede sa femme et de son fils la pierre angulaire de son existence, qui embrassait leur souveniravec une dévotion qui irradiait dans tout ce livre au désespoir souriant. Dans La Grandemaison, la perte prend plus que jamais des airs de douloureuse épiphanie. « On rencontreles personnages alors qu’ils vivent un grave conflit intérieur », explique son auteure.Nadia, écrivaine de notoriété relative, se voit dépouillée du bureau qui lui servait depuisun quart de siècle d’écritoire alors que la fille du poète chilien qui le lui avait confié, faitprisonnier par le régime Pinochet, vient réclamer son bien. D’abord narratrice d’unenouvelle (parue dans Harper’s en 2007), cette femme évoluant en marge de sa propre viene cessait de tarauder Krauss : « Je ne pouvais plus arrêter de penser à elle. Tout ce queBureau paquebotBien que Nicole Krauss précise que l’écritoire en acajou qui vogue comme un paquebot surles eaux de son roman n’est pas le seul lien qui unit ses quatre narrateurs, il demeuredifficile de se soustraire au sort que l’éléphantesque bureau à dix-neuf tiroirs (sur lequel seserait épanché Federico García Lorca) jette sur tous ceux qui le croisent (y compris lelecteur). Voyez comment le mari de Lotte, une autre écrivaine à qui sera confiée la baroquechose, le décrit : « Dans cette petite pièce sans ornements, il éclipsait tout le reste, tel uneespèce de monstre grotesque et menaçant, amarré à la plus grande partie d’un mur etrepoussant les autres pauvres meubles à l’autre bout de la pièce, où ils se blottissaient lesuns contre les autres comme sous l’effet de quelque sinistre force maléfique. »On l’aura compris, Krauss investit les meubles d’une charge métaphorique; ils arrimentses personnages à leur passé de souffrance comme ils participent de leur deuil. Commentcette histoire d’un homme qui reconstitue scrupuleusement le cabinet de travail de sonpère en en retraçant les constituantes disséminées pendant la Shoah, « comme si, enrassemblant tous ces objets, il avait une chance de comprimer le temps et de gommer lesregrets », a-t-elle affleuré? « Ce sont des images qui ont été la pierre de touche de montravail, se rappelle l’écrivaine. J’étais fascinée par l’idée d’une chambre qui serait déplacée,intacte, d’un endroit à un autre. J’ai beaucoup pensé au studio de Francis Bacon, un lieuviolemment chaotique, un bordel total dans lequel il a travaillé à Londres pendant trenteet un ans et qui, après sa mort, a été transporté morceau par morceau, avec une minutied’archéologue, dans un musée à Dublin. »La Grande maison est de ces romans qui commandent une relecture, question d’inspecterle moteur huilé qui le propulse et de relever toutes les occurrences enfouies de cet effetmiroirindissociable de l’ensorcelante manière Krauss. «Mon esprit fonctionne ainsinaturellement, avoue-t-elle, amusée. Je découvre moi-même des récurrences en me relisant,par accident. Je me souviens m’être demandé quel serait le bon titre pour le livre de Lotte;je l’ai finalement appelé Broken Windows. Puis, est revenue dans une autre histoire cetteidée d’une pierre lancée à travers une fenêtre. Je travaille de manière intuitive, mais je meplace aussi dans un état de disponibilité; je porte attention au fonctionnement de mon esprit,bien que j’essaie de ne pas trop forcer la note. »


© Joyce RavidQue l’on pense à ce livre-talisman qui passait de main en main dans <strong>Le</strong> Roman de l’amourou aux spectres d’écrivains célèbres qui planent sur son dernier titre, l’écriture de NicoleKrauss médite toujours en creux le pouvoir de la littérature de triompher de tout. Au sujetde l’idéalisme de Daniel Varsky, poète assoiffé d’absolu qui hante La Grande maison, elledéclare : « La poésie, en général, est une fenêtre sur la vie intérieure, sur la mécanique del’esprit. Je pense que mes romans en sont très imprégnés. N’eût été de mon histoired’amour de jeunesse avec la poésie, je ne serais sans doute jamais devenue écrivaine. »LA GRANDE MAISONNicole KraussBoréal336 p. | 29,95$LE LIBRAIRE • JUIN-JUILLET 2011 • 29


Par Josée-Anne Paradis et Alice Méthot978-1-4431-0979-6 • 10,99 $978-1-4431-1114-0 • 11,99 $Ru au cinémaRu, le roman de la Vietnamienne d’origine Kim Thuy qui ne cesse derécolter des éloges depuis sa parution en 2009 chez LibreExpression, sera bientôt adapté au grand écran. C’est la maison deproduction Pixcom, dirigée par André Dupuy, qui se chargera del’adaptation cinématographique de cette émouvante épopée. Avec depetits récits, des anecdotes et des pensées, Kim Thuy nous livre dansRu l’histoire d’une jeune femme forte qui a su – ou plutôt, dû –s’adapter à l’invasion communiste, survivre dans un camp de réfugiéssurpeuplé, apprendre le mode de vie occidental de Granby et, finalement,s’adapter au statut de maman. Ru a récemment remporté le Prix du public Archambault,le Prix littéraire du Gouverneur général ainsi que le Prix du public au Salon du livrede Montréal.978-1-4431-0986-4 • 10,99 $978-1-4431-0988-8 • 10,99 $978-1-4431-0693-1 • 16,99 $Liao Yiwu retenu en Chine<strong>Le</strong> gouvernement chinois interdit à l’écrivain Liao Yiwu de quitter la Chine pour assisterau Festival international de littérature de Sydney. Cet auteur dissident né en 1958, l’undes plus audacieux de sa génération, avait été invité à participer au festival à titre deconférencier. Quelques semaines plus tôt, l’auteur de L’Empire des bas-fonds (Bleu deChine), de Poèmes de prison : <strong>Le</strong> grand massacre; L’âme endormie (L’Harmattan) et de Quandla terre s’est ouverte au Sichuan : Journal d’une tragédie (Buchet-Chastel) avait été retenu auxdouanes alors qu’il devait assister au PEN World Voices de New York. Au même moment,la communauté internationale était sous le choc de l’arrestation d’un de ses compatriotes,l’artiste Ai Weiwei. Cette vague de répression a provoqué l’indignation de leurs pairs. Parexemple, Salman Rushdie a fustigé le gouvernement chinois dans un article publié parThe Telegraph : « <strong>Le</strong> régime communiste procède en ce moment à une brutale épuration enemprisonnant des militants des droits de l’Homme – y compris des artistes célèbres, dontAi Weiwei. <strong>Le</strong> monde ne doit pas rester les bras croisés », déclarait alors l’auteur d’origineindienne, en exil lui-même. <strong>Le</strong>s autorités chinoises ont réagi avec colère aux « insultes »de Rushdie, l’accusant d’ingérence dans les affaires souveraines et judiciaires de la Chine.30 • LE LIBRAIRE • JUIN-JUILLET 2011978-1-4431-0605-4 • 16,99 $www.scholastic.cacaIllustrations tirées de : Aujourd’hui, c‘est OUI! © Tom Lichtenheld, 2011.Trente secondes pour tout comprendre !On aimerait pouvoir citer du Balzac ou du Zola, expliquer lapolitique et les grandes guerres, réciter les théoriesd’Einstein sur le bout des doigts… mais on manque detemps. Toujours cette fameuse course contre la montre!Mais voilà que les éditions Hurtubise ont une solution : unecollection qui, en trente secondes, fait le pari que le lecteuraura l’essentiel des informations à se mettre sous la dentpour comprendre différents sujets. Après Théories en 30secondes, vendu à 10 000 exemplaires en moins d’un an,voilà que deux nouveaux titres s’ajoutent : Philosophies en30 secondes et Théories économiques en 30 secondes. Lookvintage, illustrations abondantes (ludiques, en plus, et non didactiques!), vulgarisationhors pair : voilà qui ravira les gens pressés! En une seule page, vousprofiterez d’un tour d’horizon de chaque question. <strong>Le</strong> « condensé en 3 secondes », fortintéressant, ramène le sujet à l’essentiel, tandis que la « réflexion en 3 minutes » nouspousse à approfondir notre compréhension par le biais de faits adjacents, d’exemplessimilaires ou d’opinions de grands maîtres. La bonne nouvelle? Hurtubise annonceencore d’autres titres pour cette superbe collection!


Une série enlevante à lire cet été !DAMNÉTOME 1L’HÉRITAGE DES CATHARESTOME 2LE FARDEAU DE LUCIFERTOME 3L’ÉTOFFE DU JUSTE32 • LE LIBRAIRE • JUIN-JUILLET 2011Illustrations : KinosGrâce à vos dons,30 512 enfants défavorisésdu Québec reçoiventun livre neuf.MERCI!PARTENAIRE MÉDIA


Robert Lévesqueest journalisteculturel et essayiste.Ses ouvrages sontpubliés aux éditionsBoréal, Liber et Lux.E N ÉTAT DE ROMANLA CHRONIQUE DE ROBERT LÉVESQUElittérature étrangèrePatrick ModianoÀ la recherchede quelque chose de perduOn n’imagine pas Patrick Modiano en uniforme, encore moins déambulant dansun habit de cérémonie. <strong>Le</strong> grand garçon d’hier, né à la fin d’une guerre qui letaraude, est un sexagénaire secret, minutieux et hésitant, lui qui jamais n’a réussià terminer une phrase lorsqu’il tentait de répondre aux questions de Pivot (la find’Apostrophes en 1985 a été en quelque sorte son enterrement de viemédiatique); Modiano a échappé à tous les enrôlements, contourné les causes, iln’a tenu que trois mois sur sa chaise au comité de lecture Gallimard et ce n’est paslui qui irait cogner à la porte de l’Académie française, au 23 du quai Conti, mêmesi cette porte donnant sur « l’immortalité » (du moins des lettres) n’est qu’à troispas de la sienne, au numéro 15. <strong>Le</strong> romancier de Quartier perdu, allant du 15 au23, se perdrait en route dans le grand flou mémoriel et romanesque qui l’attire,qui égare ses trajets d’écrivain en maraude…Voilà un ouvrage portant sur lui, l’insaisissable, un travail patient qui n’est pas unebiographie ni vraiment une étude, mais plutôt une enquête, comme les vingtromans (ou les vains romans) de Modiano, d’ailleurs, dont j’aidéjà écrit que ce sont « des Simenon sans Maigret » puisquece sont des enquêtes roulant à vide comme des brisespassagères et des intrigues sans solutions, des filatures sansbut, des vérifications d’adresses anciennes, des madeleinescroquées sans que la cristallisation n’aboutisse à unévénement précis, crimes sans meurtriers, coupables sansmotifs, poursuivis dans des ressassements de dossiers aussiincomplets qu’incompré-hensibles… Bon courage à celui quicroit pouvoir le percer à jour.Il s’appelle Denis Cosnard (on espère pour lui que ça seprononce « cossenard »…), ce moine ambitieux qui s’estpenché longuement sur l’œuvre et l’univers du sujet« modianesque ». C’est un « Rouletabille chez Modiano »qui voulait bien comprendre la machine non pas àDANS LA PEAU DEPATRICK MODIANODenis CosnardFayard284 p. | 34,95$assassiner mais à écrire, c’est Tintin sans Milou se risquant dans la rue desboutiques obscures pour, peut-être, y trouver le trésor non pas de Rackham leRouge mais de la Petite Bijou… En vain, bien sûr, mon cher Cosnard, malgré leboulot largement abattu, le décorticage pour tous, et tous les livres et articles luset relus, comparés, débusqués, pour arriver à en dresser une Statistique desstatistiques, du moins en arriver à une première compréhension générale de cequi fait courir cet écrivain baladeur du vieux Paris, auteur de La ronde de nuit etde L’horizon…, né au sortir d’une guerre de laquelle il ne cherche justement pas àsortir, même s’il n’en était pas…Pour établir sa comprenette de ce qui se passe dans la peau de Patrick Modiano,Denis Cosnard a dû évidemment, comme des perles, enfiler les secrets que recèlecette œuvre proustienne sans baisers du soir ni phrases longues mais pleine depavés inégaux... Tout Modiano (l’homme et l’œuvre) est affaire de secrets, les siens,de famille, d’enfance, de jeunesse, ceux qu’il imagine aux autres, ce père louche,cette mère comédienne de second plan, ces ombres qui traversaient ces rues,avant sa naissance, et celles qui avaient habité sa chambre au quatrième étage du15, quai Conti, côté cour, ce jeune écrivain juif qui y sera arrêté par la Gestapo etqu’il nomme François Vernet dans Un cirque passe quand, merci M. Cosnard, onsait maintenant qu’il s’appelait Albert Sciaky, « Zébu » pour ses amis, oul’énigmatique Maurice Sachs, autre écrivain fantôme qui dormit dans cette mêmechambre, hasard qui hanta et hante Modiano, et évidemment, la plaie toujoursvive de tous ses secrets, peine profonde et longtemps cachée, tue, son seul frère,Rudy, qui y mourut de leucémie à 10 ans en 1957 quand lui en avait douze et qu’ilsvenaient de passer l’après-midi à ranger leur collection de timbres…Dans une confidence à Pierre Assouline (en mai 1990, révélée dans le magazineLire, reprise par Cosnard), Modiano a parlé pour une rare fois de son frère : « <strong>Le</strong>choc de sa mort a été déterminant. Ma recherche perpétuelle de quelque chosede perdu, la quête d’un passé brouillé qu’on ne peut élucider, l’enfancebrusquement cassée, tout cela participe d’une même névrose qui est devenuemon état d’esprit. » Une névrose assumée, revendiquée, c’est rare, qui devientune volonté d’attraper l’ « inattrapable » qui est certainement à la base de sesmises en état de roman, de tous ses romans, de La place de l’étoile au Café de lajeunesse perdue, qui sont autant de tours et détours autour de la place de l’étoile,de cette chute d’étoile qu’est la perte d’un semblable, d’un frère…Depuis la parution de Un pedigree en 2005, son « constat » (établi de sa naissanceà 21 ans) dans lequel il indiquait que, parmi tous ses souvenirs de jeunesse, seulela mort de son frère le concernait « en profondeur », on sait sur quelle perte cetécrivain exceptionnel (et « pléiadisable ») a construit son art littéraire, a composésa petite musique. Une petite musique de nuit, de brouillard, de rues en pente,de recherches à pied, d’errance mémorielle, de toponymie en sol urbain… Peutêtreaprès Proust et Céline, en parenté avec Simenon, Modiano est-il l’un des plusgrands écrivains français du XX e siècle (beau sujet de bac).Revenons à Cosnard. Il tente, dans son enquête du genre « Tout ce que l’on peutsavoir sur Modiano et qu’on n’a jamais osé demander », de débusquer etd’expliquer tous les secrets enfouis dans la vie et l’œuvre du romancier de Du plusloin de l’oubli. Tous? Mission impossible. Mais Cosnard persiste et saigne la bêteModiano. Du moins s’y essaie-t-il. Il s’en écoule des faits autant que des intrigues,du réel et de l’inexplicable, comme ces jeux de cache-cache au sujet des dates denaissance (il est né en 1945 et non en 1947, en 1947 c’est son frère qui naît!), desadresses diverses aux sonorités rêveuses qui parsèment comme des signes depiste ses romans, ce fameux numéro de téléphone (Auteuil 15-28) qui est celui decinq de ses personnages logeant à cinq adresses différentes, des restes de l’affaireProfumo glissés clandestinement dans au moins deux romans sans qu’il soitquestion de l’affaire Profumo, bref du jeu de pistes dans lequel même ce Cosnardse perd… Alors, pour nous, qui aimons Modiano vraiment beaucoup, il arrive quela coupe des cachotteries déborde…, mais il demeure que tout admirateur dugrand garçon qui n’entrera jamais à l’Académie toute proche de chez lui ne peutque s’intéresser à cette étrange tentative de vouloir se mettre dans la peau dePatrick Modiano. Au risque de flotter…LE LIBRAIRE • JUIN-JUILLET 2011 • 33


L’INTÉGRALE GAINSBOURG. L’HISTOIREDE TOUTES SES CHANSONSLE LIBRAIRE CRAQUE!biographie<strong>Le</strong>s inconditionnels de Serge Gainsbourgseront totalement ravis par ce nouvelouvrage de référence qui lui est consacré.Complétant une biographie autant qu’un recueil de textes de chansons, cette IntégraleGainsbourg met en lumière toutes les petites et les grandes histoiresentourant chacune des chansons de l’homme à tête de chou. Élaboréavec un soin maniaque par le « gainsbourologue » officiel, GillesVerlant, et Loïc Picaud, à la tête de sites Internet qui s’adressent auxcollectionneurs de disques, l’ensemble nous invite à découvrir audelàde 500 chansons se suivant selon un ordre chronologique. Aucundétail ne semble avoir échappé à ce travail de moine qui finit parrendre compte du parcours atypique de ce grand auteur-compositeurreconnu dans le monde entier.Christian Girard PantouteLoïc Picaud et Gilles Verlant, Fetjaine, 608 p., 35,95$LES CHOIX DE LA RÉDACTIONessaiBernard Pivot est considéré comme l’un des meilleurs intervieweurs d’écrivains. Sesrecommandations de lecture, toujours appropriées, ravissaient l’auditoire qui l’écoutaitreligieusement à Apostrophes ou à Bouillon de culture. Membre de l’Académie Goncourt,Pivot ne cache pas qu’il doit lire aussi férocement qu’un boulimique dévore. Et au gréde ses lectures s’est forgée sans conteste une opinion sur les mots composant les œuvresqui l’ont transporté. C’est ainsi que dans <strong>Le</strong>s mots de ma vie, l’hommede lettres nous livre ses souvenirs intimes, sous forme dedictionnaire personnel, citant au passageLES MOTSDE MA VIEBernard PivotAlbin Michel320 p. | 31,95$Nabokov, Balzac, La Fontaine, Dumas ouRacine. « Amant », « brouillard », « femme »,« melon », « nénuphar » : autant de mots banalsqu’on découvre ainsi sous un nouveau jour.CE QU’AIMER VEUT DIREOn pourrait penser, à première vue, qu’il s’agitd'un roman d’amour, une fiction. On auraittort. Il s’agit plutôt d’un hommage à l’amour qu’a connu l’auteur, à travers ses relationspassionnelles, ses amitiés, la relation avec son père, Jérôme Lindon,fondateur des Éditions de Minuit, etc., mais aussi et surtout grâceà sa rencontre avec le philosophe français Michel Foucault. Sanspudeur, mais avec retenue, Mathieu Lindon dresse le portrait desgens qui ont croisé sa route à une époque où la liberté des mœursallait bientôt faire place aux « années-sida ». Pas de mélancolie ici.Ce livre est l’histoire d’un homme reconnaissant : « Je voisaujourd’hui cette période comme celle qui a changé ma vie. » Unrécit bouleversant que l’on referme avec un sentiment de plénitude.Kim <strong>Le</strong>blanc PaulinesMathieu Lindon, P.O.L., 312 p., 33,95$Dans la même veine que Robert Piché aux commandes du destin (Libre Expression)consacré aux exploits du pilote Robert Piché, Du ciel aux enfers relate la courageuseodyssée du pilote québécois Conrad Racine, un véritable héros oublié de notre histoire.Tour à tour aviateur militaire, civil et de ligne, ce natif de Magog a parcouru l’azurpendant des années, affrontant mille dangers. Parmi ses exploits,il participa à trois grandes guerres, fut captif dans un camp deconcentration, victime d’un détournementDU CIEL AUXENFERSAndré BarrièreDe l’Homme224 p. | 25,95$LES CHOIX DE LA RÉDACTIONbiographied’avion et s’écrasa dans le Grand Nord. Et cen’est qu’un début! Dans ce texte quis’apparente à un récit d’aventures, le piloteprivé et biographe André Barrière racontel’histoire exaltante de cet homme qui,décidément, n’avait pas froid aux yeux.De Londres à Trois-Rivières au lendemain de la conquête de la Nouvelle-France, unefamille de tradition judaïque a traversé les territoires – et les siècles – jusqu’à nous. Surtrois générations de riches héritiers, d’entrepreneurs et de politiciens se construira unevéritable communauté encore aujourd’hui méconnue. L’historien et éditeur DenisVaugeois a consacré plus de quarante ans de carrière à tenter de démystifier l’histoiredes premiers Juifs du Québec, et particulièrement le parcoursfascinant de la dynastie Hart. Fruit deLES PREMIERSJUIFS D’AMÉRIQUE1760-1860Denis VaugeoisSeptentrion386 p. | 39,95$ces décennies de recherche, cet ouvragemagnifiquement illustré, contenantd’inestimables documents d’archives,est en soi un objet précieux, tant pournotre histoire collective que pour cellede l’auteur.Interné à 26 ans à l’asile de Saint-Jean-de-Dieu, Émile Nelligan souffrait, selon lesarchives, de désordres mentaux. Or, rien dans son dossier médical ne confirme cet état.On sait cependant aujourd’hui que l’hôpital accueillait en ses murs ceux qu’on appelaità l’époque les « déviants sexuels ». Fasciné par son œuvre, le chercheur amateur BernardCourteau s’est donc posé la question : Émile Nelligan était-il gai?Au cours de ses recherches, l’auteur découvrira que le poète n’étaiteffectivement pas fou, mais simplementCES BEAUX GARS ÀL’ŒIL BRUN DONTRÊVAIT NELLIGANBernard CourteauGuérin108 p. | 20$marginal. L’analyse des textes originaux,dans lesquels il est question d’un Érostendu et d’éphèbes, tend vers la thèse del’homosexualité. Dans un style poétiqueapproprié au sujet, Courteau jette unnouvel éclairage sur la vie du grandécrivain.34 • LE LIBRAIRE • JUIN-JUILLET 2011Bien que de nombreuses études aient été consacrées à l’explorateur qui découvrit et fondala Nouvelle-France, on connaît peu de chose sur la vie de Champlain. En quelle année estilné? Était-il le fils illégitime du roi Henri IV? Personne ne le sait. Fischer relève ici le défide remplir les trous, émettant des hypothèses sur la nature de l’homme, examinant lesthéories concurrentes à propos de ses victoires, de ses écrits, etc.Soldat, marin, cartographe, écrivain, naturaliste et ethnographe,Champlain fut à la tête de la plus grande odyssée des tempsmodernes. Allant à l’encontre de la récente tendance à discréditerles explorateurs et les colons qui,LE RÊVE DE CHAMPLAINDavid Hackett FischerBoréal1008 p. | 44,95$selon certains, décimèrent lapopulation amérindienne, Fischerdresse le portrait d’une figure héroïqueprêchant le respect et la tolérance.Rafraîchissant.<strong>Le</strong> journaliste à l’Actualité Jean-François Lisée réunit dans ce recueil quarante chroniques« impertinentes » publiées au cours des dix dernières années dans divers médias.Reconnu auprès du lectorat pour son sens de l’humour qui, avouons-le, rend parfois lapolitique plus facile à avaler, Lisée nous offre donc la crème de ses petits récits décalésde l’actualité mondiale. Ce bilan final est toutefois positif. L’auteurs’amuse à décortiquer une époque, se moquant des garçons de« Twilight », du « post-postféminisme » ou duTROISIÈMEMILLÉNAIRE.BILAN FINALJean-François LiséeStanké160 p. | 19,95$massacre de la langue française, écorchantau passage la folie paranoïaque desÉtasuniens et des Nordiques de Labeaume.Une écriture de presse mordante etréfléchie : voilà un art que maîtrise Jean-François Lisée!


LE LIBRAIRE CRAQUE!essaiL’OPINION ALLEMANDESOUS LE NAZISMEL’essai de l’historien Ian Kershaw ébranlenombre d’idées reçues sur les bouleversementsdu régime nazi. À partir de rapportsconfidentiels d’organes du régime ou de groupes d’oppositionà l’étranger, l’essayiste dévoile l’échec de la propagande à créerune « communauté nationale » unie, se heurtant sur le murdes traditions conservatrices. Kershaw peint une société depaysans moroses, d’ouvriers résignés, de petits-bourgeoisapathiques affectés uniquement par les tracas de la viequotidienne et plutôt indifférents à la question juive. Unesociété où l’Église demeure suffisamment puissante pour fairereculer le régime nazi sur l’euthanasie ou l’interdictiondu crucifix, mais tragiquement silencieuse sur le sort des Juifs.Une œuvre capitale sur la vie des Allemands ordinaires sousle Troisième Reich. Christian Vachon PantouteIan Kershaw, CNRS, 592 p., 19,95$MANGERIEZ-VOUS VOTRE CHAT? Voici un petit livre qui devrait faire lajoie des amateurs de rhétorique.« Mangeriez-vous votre chat? » est l’une des questions existentielles proposéesdans cet ouvrage. Une petite mise en situation nous est présentée et voilà, toutest prêt pour le débat! À la fin, une suggestion de solutionvous est offerte mais, bien sûr, vous n’êtes pas obligés d’êtred’accord. Vous pouvez évidemment lire ce livre tout seul ettirer vos propres conclusions, mais je vous suggère fortementde le laisser traîner sur une table lorsque vous recevez desinvités et, qui sait, une conversation haute en couleur naîtra.Je suis sûr que Mangeriez-vous votre chat? réapparaîtrasouvent sur mes piles de livres à lire. Une source de débatsinépuisable! Et vous? Mangeriez-vous votre chat?Shannon Desbiens <strong>Le</strong>s BouquinistesJeremy Stangroom, Milan, 144 p., 26,95$PHARAONS : L’HISTOIRE RÈGNE PAR RÈGNEDES SOUVERAINS ET DES DYNASTIES DEL’ÉGYPTE ANCIENNEC’est fort probablement l’un deslivres les plus intéressants que j’aieeu à lire sur l’histoire de l’Égyptepharaonique. Il nous fait découvrirles monarques de ce pays, règne par règne, en mentionnant tous les pharaonsconnus ou supposés. Plusieurs photos, encadrés et plansenrichissent ce merveilleux ouvrage. J’ai eu maintes foisl’occasion de lire des livres et des romans sur la vie decertains souverains égyptiens, qu’il s’agisse de Ramsès II, desSésostris, des Aménophis, etc. Un survol complet del’ensemble m’a permis d’envisager un tableau unique en songenre : la naissance et la mort d’un peuple qui a influencéson époque et les générations qui ont suivi; j’ai pu ressentirses moments forts et ses agonies. Un livre à consulter àl’occasion ou, comme je l’ai fait, à dévorer d’un seul coup!Shannon Desbiens <strong>Le</strong>s BouquinistesPeter A. Clayton, Thames & Hudson, 224 p., 37,95$IL Y A TROP D’IMAGES En réunissant des textes épars de Bernard Émond,Lux nous offre un livre important et nécessaire. Peud’artistes, de journalistes et encore moins de politiciens, tout enchaînés qu’ilssont à la langue de bois ou à la peur de déplaire à leur « clientèle », se permettentaujourd’hui de parler de la société contemporaine comme lefait ici le cinéaste. <strong>Le</strong>ttre d’opinion, essai sur le cinéma ouhommage à un ami décédé, chaque fragment, chaque virgulede l’auteur est d’une lucidité brillante et nous parle du Québectel qu’il est, sans complaisance. Un Québec et, surtout, desQuébécois, qui ont décidément troqué leurs idéaux pour leconfort et l’indifférence. Puissent les mots de ce grand hommese rendre jusqu’à vous, jusqu’à nous. Puissent-ils être assezpuissants pour nous faire envisager de sortir une fois pourtoutes de la caverne du divertissement.Anne-Marie Genest PantouteBernard Émond, Lux, 122 p., 14,95$ELLES ONT FAIT L’AMÉRIQUE.REMARQUABLES OUBLIÉS (T. 1)Serge Bouchard, cet anthropologueauteur-animateurradio bien connu,nous révèle encore une fois sonformidable talent de conteur. Avec la collaboration de Marie-Christine Lévesque,il nous raconte les destins captivants de quinze femmes qui, chacune à leurmanière, ont fait l’Histoire de l’Amérique du Nord. Pionnières,résistantes, scientifiques, diplomates, artistes, exploratrices :toutes ont été des héroïnes aux exploits invisibles. Sansdistinction culturelle ou religieuse, les auteurs nous tracentdes portraits bouleversants de toutes ces femmes, nouslaissant étonnés de n’avoir pas entendu parler d’elles, ou sipeu. Enfin, on découvre l’Histoire vraie, excluant les mytheset les mensonges et racontant avec passion la vie de cesfemmes exceptionnelles, ces remarquables oubliées!Hélène Talbot Librairie Boutique VénusCE REGARD EN ARRIÈRE ET AUTRESÉCRITS JOURNALISTIQUESSerge Bouchard et Marie-Christine Lévesque, Lux, 432 p., 27,95$Cette romancière irlandaise, décédée en2008, était aussi journaliste, et c’est unensemble de ses chroniques qui constituece livre. Des billets très personnels et clairvoyants, qui décortiquent tous lessujets. Culture, société, politique : cela fait du bien de lire, d’entendre une femmede lettres qui a réfléchi et aide à changer la face du mondeen le rendant plus intelligible, sensible, cohérent. Tout enévitant le commentaire complaisant, elle ne tombe pas nonplus dans le sarcasme, qui semble maintenant monnaiecourante quand il s’agit de poser un regard sur notre monde.Elle remet en question les idées reçues et révèle l’autre visagedes événements en scrutant au-delà de ce qui est apparent.En prenant position, elle nous invite aussi à le faire. Brillant.Isabelle Beaulieu PantouteNuala O’Faolain, Sabine Wespieser, 432 p., 44,95$LA PHILOSOPHIE ET LES SERIAL KILLERS Âmes sensibles s’abstenir. Est-ilpossible d’expliquer les tueurs ensérie à l’aide de la philosophie? C’est ce que tentent de découvrir les diverscollaborateurs de ce livre. <strong>Le</strong>s analyses touchent autant les tueurs fictifs, telsDexter et Hannibal <strong>Le</strong>cter, que les véritables, tel Ted Bundy.<strong>Le</strong>s types de tueurs, les facettes psychologiques ouphilosophiques et bien d’autres aspects sont abordés dans cetouvrage. Nous reconnaissons parfois des tueurs rencontrésdans les romans ou les films policier, mais – c’est ce qui faitle plus peur –, nous pouvons aussi mettre le nom de quelqu’unde notre entourage sur certaines descriptions. C’est parfois àdonner froid dans le dos. Je dois admettre que je me sentaistout drôle en dépeçant un poulet pour mon souper après lalecture d’un chapitre… Shannon Desbiens <strong>Le</strong>s BouquinistesS. Waller et F. Allhoff, Original Books, 318 p., 29,95$LA PATRIE EN DANGER : 1941-1942.LA RUSSIE EN GUERRE (T. 1)La famille d’Alexander Werth dut quitterla Russie lors de la révolution de 1917.Vingt-quatre ans plus tard, en 1941, il yest envoyé par la BBC afin de couvrir « la Russie en guerre ».Dans La patrie en danger, première partie de cette histoirepopulaire de la « Grande Guerre patriotique », l’auteur traitede la période précédant le déclenchement de l’offensive nazieen Union Soviétique, jusqu’à la victoire de Stalingrad. Werthcouvre cette guerre en tant que journaliste et, bien qu’il traitedes grandes décisions, des grandes offensives et des grandspersonnages de celle-ci, ce livre est avant tout une chroniquede ses effets sur le peuple de l’Union Soviétique. La vraierichesse de cet ouvrage se situe dans ces témoignages, queWerth immortalise dans la grande histoire.Jean-Philip Guy Du SoleilAlexander Werth, Tallandier, 716 p., 24,95$LE LIBRAIRE • JUIN-JUILLET 2011 • 35


De la lecture pour tous !ROMANS ESSAIS RÉALITÉ AUGMENTÉEAU BORDDE LA RIVIÈRET.1BAPTISTEJean-PierreCharlandTINTIN ETLE QUÉBECHERGÉ AU CŒURDE LA RÉVOLUTIONTRANQUILLETristan DemersMONSTRES DESPROFONDEURSLES FOLLESANNÉEST.4EUGÉNIEET L’ENFANTRETROUVÉJean-PierreCharlandLA LNHUN RÊVEPOSSIBLET.2RÊVES D’ICIET D’AILLEURSLuc GélinasTERRIBLES DINOSAURES !BEAUX LIVRESLA FORCEDE VIVRET.4LE COURAGED’ÉLISABETHMichel LangloisTHÉORIESÉCONOMIQUESEN 30 SECONDESLE LIVREDE BONDLES ENFANTSDE ROCHES-NOIREST.2CEUX DE LA TERREAnne-MichèleLévesquePHILOSOPHIESEN 30 SECONDESBOND GIRLS


Normand Baillargeonest professeur ensciences de l’éducationà l’UQAM. Aussiessayiste, il estl’auteur du Petit coursd’autodéfenseintellectuelle, qui aconnu un franc succès.S ENS CRITIQUELA CHRONIQUE DE NORMAND BAILLARGEONessaiNormand Mousseau :Du gaz dans l’eauOn le sait : le nucléaire – voyez le Japon – présente d’énormes risques; le pétrole seraréfie et devient cher; le charbon est sale et polluant au possible. C’est dans ce contexteque se déroule sous nos yeux, un peu partout – en Amérique du Nord, mais aussi enEurope et en Asie, notamment en Chine – une véritable ruée vers le schiste, nouveleldorado énergétique.Gaz de schiste : il y a deux ans à peine, la plupart d’entre nous en ignorions jusqu’aunom. Et nous sommes encore en général, avouons-le aussi, toujours très ignorants destenants, des aboutissants et des enjeux – énergétiques, géolo-giques, politiques,scientifiques, écologiques, économiques, géostratégiques – de ce dossier, qui devientrapidement technique.Il faut donc saluer la publication d’un livre de Normand Mousseau,professeur de physique à l’Université de Montréal, qui apporte surces questions cet indispensable éclairage scientifique sans lequeldes décisions rationnelles et démocratiques ne peuvent être prises.L’information scientifique…Mousseau commence par nous rappeler qu’au sens strict, on devraitparler de gaz de shale et non de schiste. Querelle sémantiquepour géologues, diront certains : j’y vois plutôt aussi un indice queles choses sont rarement simples dans ce dossier, et qu’elles sontsouvent autres que ce qu’elles peuvent d’abord sembler (notonsque Mousseau se résout à employer la dénomination « gaz deschiste », devenue commune).LA RÉVOLUTION DESGAZ DE SCHISTENormand MousseauMultiMondes152 p. | 24,95$L’auteur traite son sujet en quatre étapes. Pour commencer, ildresse un panorama énergétique mondial dans lequel il situe le gaz naturel, qui « occupeune place à part parmi les hydrocarbures » puisqu’il se consomme très proprement, loindevant le pétrole ou le charbon. Il explique ensuite pourquoi la demande pour le gaznaturel croît et est appelée à croître. Mais, rappelle-t-il aussi, cette ressource est trèsinégalement distribuée sur la planète (« la Russie, le Qatar et l’Iran possèdent plus de lamoitié des réserves courantes »), ce qui force la plupart des pays à l’importer et les renddépendants de leurs fournisseurs. De plus, son transport est coûteux.Tous les pays qui n’ont pas gagné à la loterie du gaz naturel cherchent donc de nouvellesvoies pour s’approvisionner. <strong>Le</strong> gaz de schiste arrive à ce moment dans l’équation, ces paysapprenant qu’il existe dans leur sol des roches appelées shale qui contiennent un gazabondant et dont l’exploitation, désormais technologiquement possible, seraitéconomiquement viable.La deuxième partie de l’ouvrage dresse le portait scientifique de la révolution du schisteque tout cela annonce. Mousseau explique d’abord, très clairement, la géologie des shaleset rappelle comment cette roche très feuilletée se trouve gorgée de gaz naturel. Mais toutcela était depuis longtemps bien connu et si la révolution du schiste est à nos portes, c’esten raison d’une percée technologique très récente, que Mousseau rappelle ensuite la« fracturation hydraulique ». En gros, on injecte à haute pression de l’eau, du sable etquelques additifs profondément sous terre : les roches contenant le gaz sont fracturées,ce qui lui permet de remonter à la surface.Mousseau examine ensuite les risques environnementaux que présente cette pratique :dérangements pour les populations, risques pour l’eau (par la contamination des eauxsouterraines et par [mauvais] traitement des eaux usées) et, finalement, contribution auxchangements climatiques. Ce dernier aspect est crucial : car si la combustion du gaz naturelest, on l’a vu, bien moins dommageable pour l’environnement, son bilan écologique global,quand on prend en compte ce que génère de gaz à effet de serre son exploration, sonexploitation et son transport, « pourrait s’approcher de celui du charbon ».Convaincu que c’est sur la base d’une information la plus complète et objective possibleque le débat démocratique doit se tenir, Mousseau rappelle ensuite (troisième partie)divers modèles d’exploitation du gaz de shale (aux États-Unis, au Canada, et hors del’Amérique du Nord), avant de se concentrer (quatrième et dernière partie) sur les aspectséconomiques de leur exploitation, en examinant plus particulièrement les exemples de laNorvège, de l’Alberta et du Québec.Mousseau conclut que bien des avenues s’offrent au Québec, qui peut soit refuser cetteressource, soit se convertir au gaz naturel, soit opter, comme la Norvège, pour sonexploitation accompagnée d’un soutien aux énergies propres. Mais le Québec pourraitaussi « repenser l’ensemble de sa filière énergétique » et, refusant le simple calculéconomique, « porter le débat à un niveau supérieur qui tienne compte non seulementdes retombées à l’interne, mais également du reste du monde ».Avec ce livre, Mousseau apporte une précieuse contribution à la réflexion collective quecela exige.… au service de l’action citoyenne et de la démocratie, bien malmenéesHélas, pour le moment, trop d’indices donnent à penser que cette sereine réflexion n’aurapas lieu, confisquée qu’elle est par des margoulins et des élus à courte vue qui neconnaissent du vert que la couleur des billets. Car le fait est que nos institutionséconomiques ne laissent que bien peu de chances, voire aucune, à un tel débat.La gestion de ce dossier par le gouvernement en place a en tout cas été accablante et adémontré un extraordinaire déficit démocratique fait de coupables connivences et decadeaux mirobolants aux gazières, ces puissantes compagnies qui embauchent désormaisdes dizaines de lobbyistes pour chanter leurs louanges.<strong>Le</strong> percutant documentaire de Josh Fox, Gasland, qui porte sur l’exploitation du gaz deschiste aux États-Unis, contient d’ailleurs une scène qui vaut son pesant de pellicule. Uncitoyen qui a, comme des milliers d’autres Américains, vendu des droits d’exploitation duschiste sur son terrain – c’est le citoyen-propriétaire qui accorde ou non cette permissionaux É.-U., et non l’État, comme chez nous – ouvre son robinet puis approche la flammed’un briquet de l’eau qui coule. Pschitt : l’eau prend feu.Vous prendrez bien un verre d’eau pour faire passer ça?LE LIBRAIRE • JUIN-JUILLET 2011 • 37


LE LIVRE DES OMBRESMAGYE NOIRELIVRE 1Il se passe quelque chose en moi queje ne comprends pas.Je vois, je sens les choses différemment.J’accomplis des choses dont les gens normauxsont incapables.Des choses puissantes, des choses magiques.Ça me fait peur.Je n’ai jamais choisi d’étudier la sorcellerie.Par contre, je commence à me demander si la sorcelleriene m’aurait pas choisie.LIVRE 4Je suis amoureuse de Cal Blaire.Il m’a tout appris sur la Wicca.Il m’a aidée à découvrir qui je suis.Mais à présent, nous partageons un secret.Un secret terrible et sinistre qui nous lie l’un àl’autre et nous déchire à la fois.Je ne connais plus Cal.Je ne sais même plus qui je suis.Et je ne sais pas en qui ou en quoi je peuxavoir confiance.À l’exception de ma magye.LE CERCLEL’ÉVEILJe ne suis pas celle que je croyais être.Je ne suis pas une adolescentede seize ans ordinaire.Je suis une sorcière.Une sorcière ancestrale. Une vraie.Mes parents ne sont pas mes parents biologiques.Ma sœur et moi ne sommes pas du même sang.La Wicca a changé ma vie.J’ai perdu de vieux amis,je m’en suis fait de nouveaux.J’ai découvert mon véritable héritage.J’ai trouvé l’amour — et la trahison.LIVRE 2Même dans mon cercle, je suis trop puissante àprésent, trop différente pour en faire partie.LIVRE 5Mais il m’en reste tant à apprendre.Je sais que la Wicca peut servir au bien et au mal.<strong>Le</strong> plus difficile est de différencier les deux.Cal mis à part, je suis seule.Cal me dit qu’il m’aime, et j’ai besoin de le croire.SORCIÈRE DE SANGENSORCELÉELIVRE 3Chaque jour, j’en apprends davantage sur la magie.Plus j’en sais, plus mes pouvoirs sont grands.Il m’arrive d’avoir peur de ma propre force.Ma sœur et moi ne sommes pas du même sang.Cependant, je sais que je ne suis pas seule.Cal, mon âme sœur, mon compagnon,mon amour, est avec moi.En ce moment, je sens une ombre planer sur nous.Lorsque tous mes sens sont en état d’alerte,je sens le danger.Mais est-il réel, ou est-ce le fruit demon imagination ?LIVRE 6La fête de Yule approche ;le jour le plus joyeux de l’année.Ma magye grandit en force chaque jour.Mes amitiés sont florissantes.Je devrais être heureuse.Mais un choix se dresse devant moi,une décision qui pourrait changermon monde à jamais.Suis-je assez forte pour suivre la bonne voie ?


sorcièreCate TiernanLA COLLECTIONL’APPELEnfin, je retrouve la lumière.<strong>Le</strong>s dangers auxquels je faisais face ont disparu.Et je suis amoureuse ; profondément amoureuse.Mais dernièrement, j’ai commencé à faire des rêves.Ils contiennent des visions d’une personne ayant de graves ennuis.D’une personne qui mourra si je ne viens pas à son secours.Qui m’appelle de cette façon ?Et que devrai-je sacrifier pour l’aider ?LIVRE 71385, boul. Lionel-Boulet, Varennes, (QC), J3X 1P7Tél. : 450.929.0296 Fax : 450.929.0220 info@ada-inc.comwww.ada-inc.comwww.facebook.com (groupe éditions ada)www.twitter.com/editionsada


Avec leretourdeel’été, celuideQuatre flânerieslittéraires entreréel et imaginaire• Romans-fleuves :les sagas de Québec•<strong>Le</strong> premier jardind’Anne ne Hébert•Un dimanche àla rivière ière Saint-Charles•<strong>Le</strong> polar à QuébecInformation :www.promenade-ecrivains.qc.caww.promenade-ecrivaains.qc.caL’Ailleursen crise :les écrivainsd’ici racontentGrâce au ton intimiste adopté par les six auteurs qui se sontprêtés au jeu de brosser le portrait littéraire de leur paysd’origine, vous découvrirez un pan peut-être méconnu de lalittérature de pays confrontés à des bouleversements importants.Si l’essence des lieux que sont l’Égypte, Haïti, le Japon, le Togo,le Liban ou encore Israël vous est transmise, c’est missionaccomplie pour nos auteurs dont la plume, nous l’espérons, sauravous émouvoir.40 • LE LIBRAIRE • JUIN-JUILLET 2011© Patrick Bizier


Si un événement a marqué les esprits en 2011, c’est bien le séisme, et le tsunami le talonnant, qui a frappé le nord-ouest du Japon. Alorsque les habitants de Fukushima et des environs se sont réfugiés dans des lieux qu’ils espèrent plus sûrs, la menace, elle, plane toujours.Cette menace d’explosion radioactive, les experts la situent entre les tragédies de Tchernobyl et de Three Mile Island. La secousse du 10 marsaura duré à peine deux minutes, mais elle restera gravée dans la mémoire collective et dans l’esprit de tous les citoyens du monde, quipartagent avec le Japon peur et douleur.ParOok ChungJaponGambatte!J’ai vécu au Japon jusqu’à3 ans et y suis retourné àl’âge de 31 ans. Ça a été lecoup de foudre, si on peutemployer cette expressionpour décrire l’état amoureuxd’un amnésiquequi retomberait en amouravec une femme qu’il aperdue et qu’il retrouve encroyant la voir pour lapremière fois! À partir duCanada, j’avais peu de choses à me mettre sous la dent. Des bluettes. La mélodie dufilm Merry Christmas, Mr. Lawrence, Kitchen de Banana Yoshimoto, Love <strong>Le</strong>tter d’IwaiShunji avec sa magnifique bande sonore musicale.Quelque chose de violemment beau s’est emparé de moi quand je suis rentré auJapon en 1993. Mon moi de cendres s’est senti renaître comme un phénix.Inoubliable, ce soir d’été sur une colline de Hiroshima à regarder scintiller les lumièresdu centre-ville au loin. Magnifique, le bleu profond de la mer contre les remparts depierre de Kōbe. Et Nara, l’inénarrable Nara, ses nuits comme du velours, ses matinsde satin comme la poudre des ailes de papillon.Je ne suis pas un coureur de musées, de monuments historiques, de culture et detraditions académiques. Mes moments de plus grande satisfaction sont ceux où jeme sentis fondre dans le quotidien japonais, à une table de café. J’adore fréquenterles depaatoo, leurs grandes surfaces aseptisées, les escaliers mécaniques qui montentet descendent, les postes d’écouteurs du rayon de musique où on échantillonne destubes de l’heure, comme cette chanteuse de J-pop que je n’ai jamais réussi à identifieret dont les vers me hantent (« Dance with me… for eternity ») ou des classiquescomme « Moon River », chanté par Audrey Hepburn.Et bien sûr, j’aime fréquenter la librairie Kinokuniya, autant pour son rayon desmagazines que pour ses livres sérieux. Venez avec moi. Montons dans l’ascenseur.C’est le cinquième, on sort. Si vous ne lisez pas le japonais, suivez-moi vers le rayondes livres anglais et français au fond, à gauche. Si vous vous intéressez au Japonica,vous trouverez en traduction : <strong>Le</strong> fleuve sacré, d’Endo Shusaku, Jeux de famille etBerceau au bord de l’eau de Yu Miri, <strong>Le</strong> jeu du siècle de Oe ¯ Kenzaburo, ¯ La danseused’Izu de Yasunari Kawabata, Traversée de la neige de Miyazawa Kenji, <strong>Le</strong>s bébés de laconsigne automatique et Bleu presque transparent de Murakami Ryu, ¯ et lesincontournables <strong>Le</strong>s amants du Spoutnik, La ballade de l’impossible, Danse, danse,danse et Chroniques de l’oiseau à ressort de Murakami Haruki.© Josée LambertIl y a ce mot en japonais, « Gambatte » (qui signifie « Bon courage »). En ce temps decatastrophes que traversent actuellement les Japonais, il prend tout son sens. En lisantsur Internet la notice biographique de Miyazawa Kenji, j’apprends que l’année où ilest né, il y eut un tsunami (20 000 morts), un tremblement de terre, et d’autresdésastres ravageurs. Je l’ignorais. Mais j’admire la spiritualité de Miyazawa, samodestie qui nous fait renouer avec les valeurs élémentaires et essentielles de la vie,comme les fruits de Cézanne dont nous parle d’outre-vie Marie Uguay. Et si je préfèrel’écriture du Nobel Oe ¯ Kenzaburo ¯ au style brillant et virtuose de Mishima, c’est parceque Oe (que j’ai un jour croisé au septième étage du grand magasin Takashimaya deShinjuku) a traversé le désastre, a traversé le feu, pour en sortir tel « un hommedebout ». Sa réflexion va à l’essentiel de ce que signifie l’être humain. Des titres? Notesde Hiroshima, Une famille en voie de guérison, Dites-nous comment survivre à notrefolie, Une affaire personnelle, Une existence tranquille. J’ai beaucoup aimé son recueild’allocutions réunies sous le titre Moi, d’un Japon ambigu, qui paraphrase le titre d’undiscours de Kawabata, opposant deux époques, deux conceptions (l’éthique contrel’esthétique, pour simplifier).<strong>Le</strong>s Japonais forment un peuple qui a traversé beaucoup de tragédies, certainesprovoquées par sa propre idéologie (impérialisme, annexion militaire) mais d’autres,tout à fait indépendantes de sa volonté. Qu’il y ait eu des militaires sadiques ou fous(classe A des criminels de guerre), ce sont presque toujours des innocents qui enpaient le prix. Je pense à la jeune Sadako qui est morte avant d’avoir fabriqué samillième grue de papier.Murakami Haruki, que j’admire pour sa façon de m’intéresser à une recette de cuisine,a aussi consacré un livre à Kōbe dont le titre français est Après le tremblement deterre. Je ne l’ai pas lu, mais j’ai un ami japonais qui a perdu une amie dans cetremblement de terre dévastateur. Il a aussi écrit Autoportrait de l’auteur en coureurde fond. L’éthique du romancier est aussi, dans son cas, l’éthique du marathonien quidoit traverser une épreuve dont peu de mortels sont capables.Une partie du Japon doit se reconstruire. Renaître de ses cendres, de ses décombres.Mes amis japonais sont en sécurité, heureusement. Courage!Né au Japon de parents coréens, Ook Chung est un écrivain que les terres canadiennes ontadopté alors qu’il n’avait que 27 mois. Détenteur d’un doctorat en littérature française, il enseigneactuellement cette matière au Cégep du Vieux-Montréal. Son plus récent ouvrage, Contes Butô,est paru en 2004 à l’enseigne de Boréal, et il fut pour cette œuvre qualifié par La Presse de« virtuose de la fabrication littéraire ». Auteur émérite (prix John-Glassco pour la traduction de <strong>Le</strong>champ électrique de Kerri Sakamoto, et Prix littéraire Canada-Japon 2002, pour Kimchi), il publieracet automne La trilogie coréenne, autofiction relatant son expérience en tant que Canadien d’originecoréenne. Outre l’écriture, Ook Chung mentionne que sa principale passion reste son fils de 5 ans.LE LIBRAIRE • JUIN-JUILLET 2011 • 41


222 500 morts, 300 000 blessés et un million de sans-abris : voilà les conséquences du cataclysme sismique qui a frappé lesterres haïtiennes le 12 janvier dernier. Suivirent une réplique le 20 janvier puis, en octobre, une épidémie de choléra…Dire qu’Haïti se porte mal serait un euphémisme.HaïtiRépliques.Naissance d’unelittératurepost-apocalyptiqueParJoël Des RosiersSoukar, historien et romancier haïtien, semble partir de ce postulat pour aborder unegrande fresque métaphysique d’abord parue en 2009 et dont la réédition, en 2011,semble légitimée par le séisme : quel sens donner à la violence inaugurale?<strong>Le</strong>s pouvoirs de consolation de la littérature ne sont pas vains : un an a suffi à transformerle paysage littéraire haïtien. Croit-on vraiment que le séisme du 12 janvier 2010, la pluseffroyable catastrophe naturelle qu’ait subi le pays, ait donné naissance, par uneremarquable coïncidence éditoriale, à une littérature issue des failles, des fosses et desdécombres, embrocation de mots sur la douleur? Rien n’est moins sûr. La question n’endemeure pas moins pertinente à constater de manière active la floraison de textes, detous genres, ayant apparu dans le sillage du tremblement de terre. De la canopée endéréliction jaillissent de verts talents. Sombre paradoxe.Au début de la formation de la République d’Haïti, Cora Geffrard, la fille du présidentFabre Geffrard (1806-1878) est assassinée à vingt-trois ans alors qu’elle est enceinte deson premier enfant. Ce double meurtre (homicide suivi de foeticide) qui plonge sesracines dans les mythologies de sacrifice des premiers-nés, déchaînera la passion deson père, fou de douleur muette et assoiffé de vengeance. Ainsi va s’ouvrir un « cratère »,une sorte de noeud de tension maximale qui semble ne pas pouvoir résister auxcolossaux champs de matière noire qui ont lieu à l’intérieur même du roman. En effet,la métaphore d’une filiation rompue dans la République de souffrances est assezconvaincante : l’exploration de l’Histoire permet la reconquête d’un sens perdu au centreduquel se tapit le « monstre du romanesque », évoqué en la personne d’Élie Auguste,un vieillard, témoin des faits, le « dernier à savoir » : « S’était-il enfin résolu à se confier?…Depuis des années, je le tâtais, le tentais… La bête consent à se glisser hors de satanière. Je ne bouge pas, Auguste, je ne parle pas. Je t’attends. Tout ouïe. »42 • LE LIBRAIRE • JUIN-JUILLET 2011La littérature contemporaine haïtienne, celle qui s’écrit, celle qui se publie maintenant,rassemblée autour de la faille, offre d’excellents écrits qui tentent de répondre à uneseule et même question : « Qu’est-ce que le mal? » Fameuse interrogation à laquelleles différents livres qui m’ont interpellé jusqu’ici tentent de répondre; sans échapper,hélas, au risque d’un appauvrissement thématique. Mais les y réduire serait une autreforme de consomption dans un paysage culturel où sévissent tant de signes derégression morale et spirituelle.À chaque ère sa littérature. À chaque littérature sa critique. <strong>Le</strong>s grands livres s’inscriventdans leur époque tout en s’y opposant de manière radicale. Je m’attends donc d’unroman historique écrit au XXI e siècle qu’il ne fasse pas semblant d’avoir été rédigé aumoment où se déroule l’action. L’écriture n’est pas un exercice de nostalgie envers lesmodèles réalistes du XIX e siècle quand bien même de nombreux lecteurs, professeurset critiques considèrent cette forme comme intrinsèquement supérieure auxmanoeuvres stériles des modernistes et postmodernistes. L’Histoire est enfouie parfoissous les gravats, mais certains écrivains ont le courage de dévoiler des histoires terriblesqui agissent comme des secrets de famille et nous obligent à faire face au passé. MichelQu’il s’agisse du style, marqué par une extrême recherche de la description et du détailainsi qu’une remarquable complexité de l’intrigue, l’appel à l’oralité, à une histoire parlée,est ici flagrant. L’on remarque d’emblée que le narrateur, malgré ses dénégations –« Non. Non. Non. » –, réussit à faire sortir Élie Auguste de son mutisme et s’en remetdès lors à sa parole. <strong>Le</strong> dernier des justes cerne le portrait de Fabre Geffrard et de l’universfamilial qui l’entoure. Là où se condense, avec une intensité poignante, l’absence dupère idéalisé, Nicolas Geffrard, héros de l’Indépendance, mort quelques mois avant lanaissance de son fils. La puissance du personnage, sa complexion physique, son goûtdu panache induisent l’image d’un soldat qui focalise sur lui tout le récit alors que sondestin est sous-tendu par sa fragilité même : le jeu, les dettes, les femmes. <strong>Le</strong> pouvoir.Et surtout par le reflet trouble que lui renvoie son Autre, sa part narcissique si semblableà lui, impétueuse et gourmande de la vie, sa fille Cora, fille si unique, alors même qu’ilen a trois autres, et dont la disparition lui vaudra un deuil impossible.Or, la réalité historique que métaphorise ce roman est d’une singularité absolue. Loindes grands survols et des froides analyses historiques, il fait ressurgir l’horreur du passé,réduisant l’humain à des membres disjoints. De même que la survivance des images


Nouveautésconstitue une vie posthume du passé, la dimensionmythologique du roman de Michel Soukar donne unepossibilité nouvelle d’interpréter la confession d’ÉlieAuguste comme un testament. Destiné à irriguer lamémoire collective, le sang d’une jeune primiparesacrifiée au pouvoir et à l’amour du père, en vertu duchiasme entre le mensonge et la vérité, ne saurait êtreque le sang glacé du lecteur.Dire qu’en typographie, on appelle « corps mêlés » uncaractère d’imprimerie qui sert de support à une figurehumaine, qu’enfin, en chimie, par opposition aux corpsélémentaires, des corps qui par affinité agissent les unssur les autres, c’est dire que la révélation de Corps mêlésest à la hauteur d’un puissant désir d’écriture, magnifiéchez Marvin Victor. Ce dernier est un jeune plasticien etréalisateur, qui signe là, à 28 ans, le premier roman duséisme, dont le long incipit initiatique revêt, en une seulephrase sinueuse et haletante, une fonction anaphoriquede répétition, en reprenant la thématique du récit denaissance, tombé de la bouche d’une sage-femme : « Parune nuit de décembre, un vendredi, comme d’autresentrent au Séjour des morts, me raconta un jour mamarraine, ma tante, elle, la sage-femme par excellence,je sortis des entrailles peureuses et gluantes de ma mèreque les gens du pays de Baie-de-Henne donnaient pourune mule – cette bête hybride, issue de l’accouplementd’une jument et d’un âne et qui, selon eux, met bas soitdes mouches , soit des abeilles – considérant qu’au boutdes nombreuses liaisons qu’ils lui prêtaient, elle neparvenait pas à tomber enceinte. »« Il fut un temps, un heureux temps, écrit Willliam Marx,où l’on pouvait faire poésie de tout, parce que tout étaitpoétique, potentiellement. Même le désastre. » Niché aucœur du pays de Baie-de-Henne, – le nom de ce lieu hanteles pages du roman comme l’homonymie lancinante d’unclimat de mornes secs et de haine recuite –, embusquéderrière « une haie de vétiver », le désastre, on le sentait,on le pressentait, courant dans « la savane » sous la légèrebrise du Nord-ouest. <strong>Le</strong> désastre donc, « celui d’une mèredans la perte de son unique enfant et de soi ».Tel un livre d’images oniriques, le roman nous proposeune plongée introspective et libératoire dans laquelle nuiturbaine et vie intérieure se recoupent et interagissentpour mettre en lumière le destin d’une femme, née desoeuvres taboues d’un frère et d’une soeur, devenue mèreet dépossédée d’elle-même. Lorsqu’elle perd sa fille,écrasée sous une dalle de béton lors du séisme, UrsulaFanon, pauvre hère, extravaguant au milieu dedécombres cérémoniels, bascule dans la déraison – « Jesuis en train de devenir folle! », s’exclame-t-elle. Elle partà la recherche de Simon Madère, un homme qu’elle aconnu jadis, il y a trente ans, qui au temps de sa jeunesse,jouait « du feu que le volume et la parfaite symétrie de[ses] seins attisaient dans le regard des hommes ».Dans un élan vers son dépassement par la parole, loind’adhérer à sa chute vers la condition infrahumaine quil’entoure, elle lui raconte – dans l’écart créé par l’absenceet au nom de la mémoire affective qui les unissait – ceque l’amour aurait pu faire d’eux. De lui, sorte de divinitédes carrefours, elle aurait aimé obtenir la protectioncontre les esprits malfaisants de la répétition. À lui seul,qui tournait le dos alors qu’elle désirait tant lui parler, elleaurait aimé avouer : « Ici, je ne dirai pas le nom de monpère. Son nom restera à jamais caché au plus loin de lamer hennoise, dans le cœur des Sirènes, et emporté avecla voix de ma mère. »Corps mêlés est un acte de deuil et d’amour. C’est aussiun acte de guerre et de haine envers les morts qui semêlent aux vivants, qui les assaillent et avec qui ilspartagent le même espace, et qui leur rappellent leurcondition de mortels. De cette irréductible ambivalence,Marvin Victor tire une messe funèbre et grandiose qui faitdu corps humain un absolu que le désir ou la mort révèle.Saluons la découverte d’un écrivain doué d’une écriturevenant des facultés supérieures de la prose, qui tient têteà ce pays-cimetière, avec ses phrases habitées,longuement flexibles, somptueuses et faites pourétreindre l’horreur la plus indescriptible et la représenterà ceux qui ne l’ont point connue.Joël Des Rosiers porte plusieurs chapeaux, et cet hommede lettres et de passion le fait avec brio. Chirurgien, psychiatre,poète et essayiste, il est né en 1951 aux Cayes, à Haïti. À 10ans, il déménage au Canada, avant de partir étudier àStrasbourg. Il s’impliquera alors dans différentes causes,comme celles des réfugiés clandestins et des sans-papiersd’Alsace. Ses idées, ses préoccupations, de même que sapassion pour la littérature et l’architecture se reflètent dansses œuvres, pour la majorité primées. En effet, le verbepassionné qu’on lui connaît sied parfaitement aux idées qu’ildéfend. Grâce, notamment, à Vétiver et Théories Caraïbes :Poétique du déracinement, Des Rosiers participe à l’édificationd’une littérature de qualité, au Québec comme dans toute lafrancophonie.www.editionsfides.comromanOn est le 8 août 1988.Félix <strong>Le</strong>clerc vient de mourir.Tandis que le Québec salue celuidont « les souliers ont beaucoup voyagé »,une femme boucle ses valises.Marité VilleneuvePour un dimanche tranquille à Pékin312 pages27,95 $ROMANhistoire1929-1939La décennie qui engendrale Québec moderneYvan LamondeLa modernité au Québec vol. 1La Crise de l’homme et de l’esprit 1929-1939334 pages29,95 $HISTOIREbien-être au travailPréface de Josée LavigueurManon Blondin<strong>Le</strong> travail, c’est du sport !168 pages24,95 $BIEN-ÊTRELE LIBRAIRE • JUIN-JUILLET 2011 • 43


Éclipsé par les catastrophes naturelles ayant touché les terres haïtiennes et nippones ces derniers mois, Israël déferle de façon moinssensationnaliste dans les manchettes. Cependant, y règne toujours, et ce, depuis des décennies, un climat de conflits où les roquettestombent du ciel sans préavis et où les actes antisémites sont en augmentation constante. L’enjeu à l’origine de ces belliqueuses protestations?Deux communautés, autant les Juifs d’Israël que les Palestiniens, revendiquent le territoire de l’actuel État d’Israël.IsraëlS’émanciperde l’HistoireParDavid FitoussiAborder la littérature d’un pays en crise comme l’État d’Israël, c’est explorerdifférents repaires culturels. Avec la résurrection de l’hébreu qui a fédéré lescitoyens israéliens et avec l’arabe qui constitue la deuxième langue officielle dece pays, les littératures nationales coexistent un peu comme le font leslittératures francophone et anglophone du Québec.Il est difficile de parler d’influence de l’une sur l’autre, mais beaucoupd’écrivains arabes israéliens sont traduits en hébreu. Emil Habibi ou le poèteMahmoud Darwich, pour ne nommer qu’eux, suscitent un grand intérêt enIsraël. D’autres, comme Anton Shammas ou Sayed Kashua, ont choisi des’exprimer en hébreu. La littérature arabe israélienne romanesque estimportante et ne se pose pas nécessairement dans une problématiqueidentitaire de la minorité. Néanmoins, le thème du conflit qui oppose Juifs etArabes y est abordé sans tabou, parfois avec brutalité, mais il exprime avanttout la confrontation des idées et la liberté d’expression dans une région quien manque largement.guerre, l’impératif de démocratie et de justice dans une société constammentsoumise à la pression de la guerre et du terrorisme, et qui peine à trouver et àappliquer une solution à un conflit pratiquement centenaire. Aujourd’hui, lanouvelle génération d’écrivains n’est plus tributaire de l’histoire de ce pays etde ses problématiques sociales, religieuses ou ethniques. Ils ressemblent à leursconfrères ou consœurs, européens ou américains. Certains des plus remarquéssont par exemple Orly Castel-Bloom, Yehudit Katzir, Alona Kimhi et Etgar Keret.On ne saurait terminer ce panorama de la littérature israélienne sans évoquerla forte présence des femmes et des immigrants récents de l’ex-Unionsoviétique dans la littérature israélienne contemporaine.44 • LE LIBRAIRE • JUIN-JUILLET 2011Pour ce qui est de la littérature hébraïque, elle est devenue israélienne à lacréation de l’État d’Israël en 1948. Dans un pays qui est quatre-vingt fois pluspetit que le Québec, dont la moitié du territoire est un désert arideet inhospitalier, dans un pays né dans le refus et la guerre, l’expression premièrede la littérature israélienne fut cette idée à la fois vieille et nouvelle de l’idéalnational, mais aussi celle de la mémoire de la Shoah, d’une quête identitaired’un homme nouveau, affranchi de son errance et du conflit israélo-arabe.Depuis, plusieurs générations d’écrivains sont nés avec l’hébreu comme languematernelle et leur expérience de vie est celle d’une société développée, diverseet moderne. <strong>Le</strong>s thèmes idéologiques y sont de nature beaucoup plusuniversaliste, humaniste, et on aborde généralement l’individu comme sujetprincipal du roman. <strong>Le</strong>s écrivains comme Yoram Kaniuk, David Shahar, MeirShalev, David Grossman, Amos Oz ou Avraham B. Yehoshua nous marquent pluspar une réalité sociale amarrée dans l’individualisme. Ils préfèrent des thèmescomme l’amour, le désir, la mort, la question identitaire, la dénonciation de laDavid Fitoussi est né en 1966, en France. Alors qu’il avait 10 ans, sa famille et lui s’exilent àMontréal. <strong>Le</strong> choc culturel vécu lui inspirera le récit autofictionnel et satirique La bar-mitsva deSamuel (Marchand de feuilles). Depuis six ans, l’auteur vit avec ses quatre enfants dans le confortdu climat méditerranéen, dans une petite ville d’Israël. Pourquoi ce déménagement, malgré lesfréquents conflits belliqueux qui y ont cours? « <strong>Le</strong> genre de décision que l’on prend avec unebonne bouteille de rouge, conjuguée à un hiver rigoureux. En gros, le sentiment d’avoir besoind’un électrochoc pour me renouveler », répond-il. Fitoussi travaille actuellement sur la thématiquede la dépendance affective, dans l’histoire d’un couple qui ne s’aime pas et où, bien entendu,l’humour a toujours une place d’honneur.


Tout a commencé à Tunis, en décembre 2010. Désespéré par son intolérable situation, un jeune chômeur diplômé décide de s’immoler.Aussitôt, le peuple s’émeut et se révolte. Une vague de protestations s’étend dans le royaume tunisien. On réclame davantage de libertésciviles, on critique l’injustice, on crie son mécontentement. Émeutes, violences, appels à la liberté : le printemps arabe est en marche!Rapidement, les pays voisins s’enflamment. En Égypte, notamment, la colère des citoyens mène à la démission du président Hosni Moubarak.ÉgypteSur les tracesdes écrivainségyptiensParNora AtallaAlbert Cossery (1913-2008) ne doit pas non plus être oublié. Même s’il habite Parisdès 1945, son pays natal, l’Égypte, demeurera la plaque tournante de presque tousses romans. Cossery est habité de ses personnages, et eux de lui; colorés etexcentriques, il les manipule avec un style humoristique. On le connaît pour sesromans les plus récents, <strong>Le</strong>s couleurs de l’infamie (1999) et <strong>Le</strong>s fainéants dans la valléefertile (2004). Il a même écrit de la poésie, <strong>Le</strong>s morsures (1931), qui est désormaisintrouvable. Son œuvre a inspiré de nombreux artistes.Ce n’est qu’en 2009 qu’il m’a été donné d’aller en Égypte, que mes parents avaientquittée à la fin des années 1960. Une grande émotion m’envahit tandis que j’arpentais<strong>Le</strong> Caire, m’égarant dans le quartier musulman, jusqu’au Café El Fishawi à Khan El-Khalil, et sur Talaat Harb (autrefois Soliman-Pacha), jusqu’au Café Riche au centre-ville,deux endroits où, pendant de longues heures, traînait Naguib Mahfouz (1911-2006)pour écrire. Il y aurait, paraît-il, écrit en partie « La Trilogie du Caire » (version arabe :1956-1957; version française : 1987-1989); il a été le premier écrivain arabe à recevoirle Nobel de la littérature en 1988.Après avoir exploré l’Égypte pharaonique dans ses premiers romans, l’arrivée de laSeconde Guerre mondiale pousse Mahfouz à aborder plutôt l’histoire contemporainedu Caire. Dès lors, son œuvre très réaliste – comportant près d’une cinquantaine deromans et de recueils de nouvelles –, traduit les bouleversements sociaux de sonpays. Mieux que quiconque, il se fera le promoteur de la littérature nationale arabe,passant de sagas à des critiques sur le régime de Nasser. Bon nombre des grandsromans de Naguib Mahfouz ont été portés au grand écran.Autre écrivain à ne pas négliger, Robert Solé est né en Égypte en 1946, et s’est établien France à l’âge de 18 ans. Romancier, auteur d’essais historiques et chroniqueur del’Égypte ancienne et moderne, il écrit en français. C’est toute une mémoire qu’il nouslègue. Personne ne peut d’ailleurs oublier son premier roman, <strong>Le</strong> Tarbouche (PrixMéditerranée, 1992), qui reconstitue de façon attachante l’histoire d’une famillechrétienne dans l’Égypte du protectorat britannique. S’ensuivent <strong>Le</strong> Sémaphored’Alexandrie et La mamelouka, et plusieurs autres, dont le plus récent, La vie éternellede Ramsès II (Seuil), dont a parlé Robert Solé en avril dernier au Salon internationaldu livre de Québec.En parlant de poésie, n’oublions pas les regrettés Ahmed Zaki Abou Chadi, MustafaSadiq Al-Rafi'i, Ahmed Chawqi, Georges Henein, Joyce Mansour, Ibrahim Nagi etAhmed Rami qui ont été chantés par Oum Kalsoum.Du côté des femmes de lettres, on trouve très peu d’information à leur sujet. Nawâlel Saadâwi a commencé, dans les années 70, à aborder des sujets tabous, notammentl’excision, l’avortement, la sexualité, les sévices sexuels infligés aux enfants oul’oppression des femmes.Aujourd’hui, malgré la crise actuelle et les manifestations sanglantes qui ont eu lieuau Caire, j’aime à penser qu’il restera et naîtra encore en Égypte des poètes et desécrivains – et pourquoi pas des femmes? – pour nous la dépeindre avec passionet vérité, et que le Café Riche et le Café El Fishawi survivront pour les accueillir etles inspirer.Issue du milieu de la publicité et des communications, Nora Attala s’est pourtant tournée versla poésie. Sont-ce les gênes qui l’y ont poussée? Parce qu’en effet, cette poétesse native duCaire (d’origine grecque libanaise et franco-russe) est l’arrière-petite-nièce du traducteur descontes des Mille et une nuits ainsi que de sa femme, la prolifique écrivaine Lucie Delarue-Mardrus.Histoire de famille ou pas, Nora Attala a su se créer une place de choix dans le monde de lapoésie québécoise en publiant une quinzaine d’œuvres, dont certaines furent récompenséespar le prix Apollon d’Or et le Grand Prix de poésie de l’Union des poètes francophones. Depuisquelques années, elle occupe son temps entre ses enfants et des récitals de poésie, qui sontparfois accompagnés de musique jazzée.LE LIBRAIRE • JUIN-JUILLET 2011 • 45


L’Afrique Noire, aux prises avec des guerres fratricides, des problèmes de santé majeurs et de malnutrition, n’a pas fini d’inspirerles écrivains. Cette partie du continent africain reste la plus démunie, de même que la plus politiquement instable. Marqué parle sida, la pauvreté et la violence, le Togo célèbre cette année ses 51 ans d’indépendance et n’en demeure pas moins un pays richede sa culture.© Jean-Marc CarisseTogoLa rue,le pétroleet nousParEdem Awumeydes romans forts qui ont précédé cette décennie : Chinua Achebe (<strong>Le</strong> mondes’effondre), Yambo Ouologuem (<strong>Le</strong> devoir de violence), Mongo Beti (RememberRuben), Henri Lopès (<strong>Le</strong> Pleurer-rire), Alioum Fantouré (<strong>Le</strong> Cercle des tropiques), SonyLabou Tansi (La vie et demie), Tierno Monenembo (<strong>Le</strong>s écailles du ciel)… La fictiond’une vie qui n’en était pas vraiment une, fragments de rêves avortés et quelquesbouts d’espoir, malgré 1994 et le génocide rwandais… le Djiboutien AbdourahmanWaberi écrira Moissons de crânes …46 • LE LIBRAIRE • JUIN-JUILLET 2011<strong>Le</strong>s mots et les pavésImpossible d’oublier les rues de l’enfance. Elles restent en nous, et nous puisons danscette mémoire pour construire les décors de l’imaginaire, pays de l’écriture chaufféspar l’ardeur du soleil. Assez tôt, je devais constater que le soleil, dans nos rues destropiques, est multiple. Ou double, pour faire simple. <strong>Le</strong> premier serait celui d’uneenfance insouciante qui réchauffe et embellit la peau du jeune héros du GuinéenCamara Laye dans son roman L’enfant noir. L’Afrique y apparaissait sereine etimperturbable, belles campagnes et ciel limpide. Mais il y a cet autre soleil, celui quimord, l’Afrique de l’après-indépendance et des rues de la désillusion, les pavés de lamisère sur lesquels crèvent — et rêvent aussi — les gamins de Lomé, Dakar, Brazzaville.Ce sera Ahmadou Kourouma et <strong>Le</strong>s soleils des indépendances. Ce sont aujourd’huid’autres rues de l’Afrique subsaharienne qui brûlent en écho à celles de Tunis, Alexandrie,Bengazi… <strong>Le</strong> printemps maghrébin s’étendra-t-il à tout le continent noir ?Lomé, Bamako, Conakry… années 1990Il y eut ces auteurs que je découvrais dans cette décennie 90 où, à la suite del’effondrement du mur de Berlin et dans la tourmente de ce qu’on a appelé le ventde l’Est, l’Afrique passait à une nouvelle étape de son histoire : la démocratie. Périodecritique, violente, qui enfanta une nouvelle génération d’écrivains, la génération dela colère et de la revendication. Je pense au Burkinabé Koulsy Lamko (Tout bas... sibas), aux Togolais Kossi Efoui (<strong>Le</strong> Carrefour, <strong>Le</strong> petit frère du rameur), Kangni Alem (Lasaga des rois), au Béninois Camille Amouro (Goli). Des auteurs de théâtre, le théâtrefonctionnant comme cet art de l’urgence qui devait jouer et subvertir le drame de larépression militaire. Une manière pour ces dramaturges de tracer les contours de lasociété de leur rêve : celle de l’amour et de la justice. Mes premières ébauches detextes datent de cette période. Pour traduire ma part insignifiante de colère et parceque j’avais encore dans le ventre les équations et les interrogations absurdes d’unBeckett… Mais, passons. Juste retenir, pour l’essentiel, que le théâtre faisait écho àMalheureux enfants du pétroleOn sait la richesse minière du continent noir. Elle est source de convoitises, et on écrit,on dit, et on sait, qu’elle est la cause des nombreux conflits qui secouent, depuis delongues années, de nombreux territoires. On se souvient des années 60 et du Nigeria,la guerre du Biafra et ses milliers de morts et de déplacés. Et, bien des années plustard, par une aube douloureuse, c’est à cause du même liquide qu’on pendra, hautet court, dans le même Nigeria, l’écrivain Ken Saro-Wiwa et bien d’autres dignitairesdu peuple Ogoni, dans ce delta du Niger morcelé par les compagnies pétrolières. Nepas oublier Ken Saro-Wiwa. Et le ciel du delta chargé de vapeurs nocives, les nappessouillées, et tous ses gamins, enrôlés sur les sentiers de la rébellion. Du côté du Gabon,il y a Bessora et son Petroleum, portrait d’une humanité faite de spoliation. Bêtise etcruauté. Et il y a ceux qui fuient ces pays fragiles et imprévisibles, villes du futur àl’agonie et à l’espace occupé par des camps de réfugiés. C’est ce qu’on peut lire dansle livre visionnaire d’un Kossi Efoui, L’ombre des choses à venir, pays rescapés deguerres qui auront morcelé l’Afrique. Scissions, partitions. Pour le contrôle du fameuxliquide. Et on pourrait aussi évoquer ceux qui, du Congo au Liberia, crèvent, victimesde la pierre précieuse, avec pourtant, dans le regard et le geste, une ardeur lisiblecomme la réinvention de l’espoir…Originaire du Togo, Edem Awumey est l’auteur de deux romans applaudis par la critique : Port-Mélo (Gallimard), récipiendaire du Grand Prix littéraire de l’Afrique noire ainsi que <strong>Le</strong>s pieds sales(Boréal), qui fut en lice pour le non moins prestigieux prix Goncourt. Ce dernier titre traite d’exil,de quête des origines et de la recherche du père, alors que la mythologie y tient une placed’honneur. Signalons au passage qu’une histoire se déroulant entre l’Afrique, le Québec et laLouisiane se prépare pour l’automne. Monsieur Awumey est arrivé au Québec à l’âge de 30 ans :« J’ai choisi de m’installer ici par désir d’espace et d’un chant autre que celui de l’Afrique francophoneou de Saint-Germain-des-Prés... histoire de compléter ma vision du monde. » Ce besoin de libertése ressent également dans son œuvre. Il n’est donc pas étonnant qu’il voue une passionparticulière aux oiseaux, qui sont selon lui la preuve que la liberté n’est pas qu’une simple idée…


Au pays du Cèdre, le chaos n’est jamais loin. En 40 ans, le Liban aura traversé guerres civiles, conflits avec son voisin israélien etdivisions profondes entre les communautés locales. Encore aujourd’hui, le peuple libanais est au cœur de tensions. Alors qu’untribunal spécial de l’ONU enquête sur l’assassinat, survenu en 2005, du premier ministre Rafic Hariri et de vingt-deux autrespersonnes, le pays stagne sans gouvernement stable à sa tête. Reste à voir si les changements turbulents qui ont eu lieu dans lemonde arabe trouveront écho au Liban…LibanRéellesfictionsParGeorges Abou-HsabS’il est difficile de décrire sans émotion son pays natal, il est encore plus difficile de ledéfinir. La tâche devient presque impossible lorsque ce pays s’appelle le Liban.Pourtant, à portée de plume se trouvent les images tant ressassées des montagnesqui côtoient la mer, des paysages à couper le souffle, des grottes magnifiques et desvestiges saisissants. Par ailleurs, quel Libanais n’a pas tendance à réciter, tel un poèmeappris à l’école, la riche histoire de ce petit bout de terre : l’alphabet, la dominationdes mers, les conquérants vaincus dont il ne reste qu’une inscription sur les roches,etc.? J’ai écrit « tel un poème », c’est aussi « tel un mythe » où la vérité n’est autreque ce que l’on croit qu’elle est. Mais en cela les Libanais, ne leur en déplaise, ne sontpas uniques : quel pays ne qualifie pas sa géographie de « merveilleuse » et quelpeuple ne qualifie pas son livre d’histoire d’« épopée »?Que dire alors d’un point sur la carte, d’une carte sur la table du hasard, d’un petitlivre d’histoire? Qu’il est un point qui brouille la carte, une carte qui perturbe le jeu etdéstabilise la table, une longue histoire du livre? La réalité se mêle, dans de tellesaffirmations, au mythe. Mais, après tout, il faut que le réel soit élevé au rang de mythepour qu’on accepte sa réalité.<strong>Le</strong> réel, on le rencontre en immigrant, dans sa plénitude et sa beauté. C’est une foishors du Liban que s’effritent nos illusions et que nous découvrons notre réalité :« Quand je pense à M. et Mme Archambault et à Mme Morin, je me dis que ce sontles meilleures personnes que j’ai rencontrées dans ma vie. D’une grande bonté. Et cene sont pas des Libanais! » (Abla Farhoud, <strong>Le</strong> bonheur a la queue glissante, Typo).Il faut être issu de cette terre, là « où les rochers ont un nom » (Amin Maalouf, <strong>Le</strong>Rocher de Tanios, <strong>Le</strong> Livre de Poche) pour ne pas concevoir une frontière entre le réelet le mythique, entre la vérité et la narration. C’est ce lien au mythe qui fait qu’unLibanais d’origine peut dire, en toute sincérité, qu’il est Québécois, qu’il appartient àcette nation-ci, et qu’en même temps le Liban lui appartient, à lui, tout seul. Mais cedont il parle est SON Liban, celui qu’il a forgé en mythe dans son for intérieur, avant,pendant et après qu’il a pris les chemins de l’immigration et de l’imaginaire. « Vousavez votre Liban, j’ai le mien. Vous avez votre Liban, acceptez-le. J’ai mon Liban et jen’accepte rien d’autre que l’abstrait absolu », dit le plus illustre des immigrants libanais(Khalil Gibran, « Merveilles et curiosités » dans Œuvres complètes, Robert Laffont).Cette quête de « l’abstrait absolu », ou tout simplement de l’inconnu, fait que leLibanais est toujours un peu étranger sur sa terre natale, mais qu’il n’est jamaistotalement étranger n’importe où dans le monde.À chacun, donc, SON Liban, sa paix chimérique et sa guerre réelle. Celui qui estaujourd’hui Québécois et qui a immigré avant la guerre se demande : « Beyrouth,quel haïssable et noir corbeau / Croasse au-dessus de tes maisons ? » (John Asfour,Nisan, Éditions du Noroît). Un autre qui a bien connu la guerre avant d’immigrer icinous la montre dans son absurdité et ne la banalise que pour mettre à nu sa cruellelaideur : « Dix mille bombes étaient tombées et j’attendais que la mort vienne préleversa dîme quotidienne dans son réservoir d’abattis et de sang. » (Rawi Hage, Parfumde poussière, Alto).À chacun SON Liban. Et quand l’immigrant est poète ou écrivain, il l’oublie pour mieuxle créer et le recréer, en mots, en vers : «Et l’Origine / n’est-elle / que pour être /oubliée? Et la mémoire n’est-elle pas / pour raviver / un chagrin ? / Et l’oubli et lamémoire / ne sont-ils / que pour ensemencer / l’écriture? » (Nadine Ltaif, Élégies du<strong>Le</strong>vant, Éditions du Noroît). Ainsi, pour tout poète né à l’ombre des cèdres et vivantici ou ailleurs dans le monde, le Liban est une perpétuelle blessure et une perpétuellecréation, facile à décrire, impossible à définir, tel un mythe, tel un poème.Georges Abou-Hsab est né à Beyrouth et vit au Québec depuis 1984. Après avoir étudié enphilosophie et en littérature, cet homme de lettres enseigne maintenant la civilisation, la littératureet la langue arabes à l’université Concordia et à l’UQAM. Fidèle à ses origines, il est également lemembre fondateur et l’ancien président du Cénacle culturel Liban-Québec, lequel a pour missiond’instaurer le dialogue entre les différentes cultures. Poète, monsieur Abou-Hsab a fait paraîtreen 2006 chez Lanctôt éditeur <strong>Le</strong> fleuve, un recueil. Pour ceux qui comprennent l’arabe, il estpossible de lire ses textes chez l’éditeur beyrouthin Dar al-Jadid, sous le titre Marãyã al-waqt.LE LIBRAIRE • JUIN-JUILLET 2011 • 47


ENTREVUEB OUBACAR B ORIS D IOPPar devoirde mémoire©DRMise en fiction du génocide le plus meurtrier de notre histoirerécente, Murambi, le livre des ossements est né grâce au projet« Rwanda, écrire par devoir de mémoire ». L’atelier d’écritureréunissait en 1998 une dizaine d’écrivains africains invités au« pays des mille collines » afin de recueillir les témoignages desvictimes et des bourreaux. Dans son roman, l’écrivain originaire duSénégal Boubacar Boris Diop a choisi de donner la parole aux deuxgroupes, qui cohabitent toujours sur ce territoire taché de sang.ParAlice MéthotPlus de 800 000 Rwandais, en majorité tutsis, ont trouvé la mort durant ce qu’on appelleaujourd’hui « les cent jours du Rwanda », la guerre civile qui opposa l’Hutu Power et leFront patriotique rwandais (FPR). Alimentés par la folie meurtrière du Hutu Power, desmilliers de simples citoyens prirent les armes afin de mettre en œuvre la « solutionfinale », le massacre systématique de toute une ethnie.La peur et la colère<strong>Le</strong>s personnages de Jessica, une agente secrète du FPR impuissante à sauver lespassants pris au piège des barrages routiers, de Cornélius, le fils innocent du « boucherde Murambi » de retour d’exil, ou de cette mère qui rend visite en silence à ce qui restedu squelette de ses enfants dans l’école ravagée, sont autant de voix qui s’élèvent pourrappeler l’horreur de la tragédie.« Je tenais absolument à me faire l’écho de tous les témoignages, aussi poignants lesuns que les autres, recueillis au Rwanda en juillet et août 1998, raconte l’auteur.Restituer ainsi des vécus individuels, c’était donner un visage aux victimes du génocide,les ramener à la vie. On oublie souvent que le projet génocidaire, c’est autant un déni dela vie qu’un déni de la mort dans la mesure où les tueurs veillent par leur cruauté àrendre impossible tout rituel funéraire, et donc le travail du deuil. Pour eux, il est crucialque la victime reste, après sa disparition, aussi anonyme qu’un bœuf abattu à laboucherie. Donner la parole aux morts est donc essentiel. »La proximité entre les tueurs et leurs victimes, dès les premières pages de Murambi,déconcerte. À travers les yeux et la colère du Docteur Karekezi, l’époux d’une femme etpère d’enfants tutsis qui coordonna le massacre de l’école de Murambi dans laquelle safamille se trouvait, Diop montre l’inconcevable complexité de ce conflit : « Il est vrai queles bourreaux aussi s’expriment dans mon roman, mais ce n’est évidemment pas pourles mêmes raisons. Je n’ai pas fait ce choix artistique par souci de neutralité – ce motn’a aucun sens dans un tel contexte – mais pour que le récit reste crédible. J’ai donclaissé les tueurs raconter eux-mêmes leurs sinistres exploits. En outre, si un génocideest une tragédie collective, elle est vécue par chacun dans une solitude totale. Il fallaitaussi faire entendre ces intolérables souffrances individuelles. »La mémoire en partageÀ propos du projet « Rwanda, écrire par devoir de mémoire », Boubacar Boris Diopécrit dans Murambi : « Nous somme venus, en “frères africains”, écouter les victimes desmassacres de 1994 et essayer, grâce à nos livres, de faire connaître leurs souffrancesau monde entier », une initiative louable qui fut d’abord reçue avec méfiance par lesautorités rwandaises, en raison de l’indifférence dont le monde a tristement fait preuvelors des événements de 1994.Ainsi, ce n’est que grâce à l’insistance du regretté journaliste rwandais ThéogèneKarabayinga que la rencontre a pu avoir lieu après deux ans de négociations, avec desrépercussions manifestes : « Une fois que nous avons été sur place, l’accueil a étéimpeccable de la part de tous nos interlocuteurs, et en particulier des simples citoyens.Quant au projet lui-même, il apparaît de plus en plus comme un tournant majeur de lalittérature africaine, les textes qui en sont issus figurant parmi les plus étudiésaujourd’hui dans toutes les universités d’Afrique et d’ailleurs. Notre groupe a été unpionnier, car quand nous allions au Rwanda en 1998, le sujet n’intéressait pas du toutle grand public. On continuait à voir dans le génocide des Tutsis de simples massacresinterethniques. Mais après la publication des romans de “ Rwanda : écrire par devoir demémoire ”, les films sont arrivés, puis les pièces de théâtre et d’autres œuvres de fiction,sans parler des témoignages des Rwandais eux-mêmes. Cela a radicalement changé laperception de cette tragédie. »Murambi, le livre des ossements jouit d’un statut à part dans la production littéraire deBoris Diop, qui a eu l’occasion de discuter du génocide de 1994 avec des milliers depersonnes sur tous les continents. À eux seuls, les échanges provoqués par son romansont une réponse claire à ceux qui douteraient de l’importance de mettre en fictionun génocide.L’auteur vient d’ailleurs de terminer l’introduction d’un ouvrage regroupantdes écrivains de la République démocratique du Congo,du Burundi et du Rwanda : « Je suis persuadé que lesgrandes œuvres sur le génocide des Tutsis serontécrites par les auteurs rwandais. Jusqu’ici, ilsont surtout expliqué et témoigné à travers lestextes de Josias Semujanga, BenjaminSehene, Jean-Marie Rurangwa, VénusteKayimahe, Esther Mujawayo et YolandeMukagasana. On sait qu’il faut plus detemps et de recul pour la fiction, maisles romans commencent à paraître, leprocessus est en marche. »LE LIBRAIRE • JUIN-JUILLET 2011 • 49


PORTRAIT D’ÉDITEURR OBERTG IROUX<strong>Le</strong> visage du triptyque50 • LE LIBRAIRE • JUIN-JUILLET 2011Juin 1971. Robert Giroux en était à sa troisième année, à Paris,à peaufiner son doctorat sur Mallarmé lorsque son directeur dethèse lui a refusé la lettre dont il avait besoin pour entamer unenouvelle session à la Faculté de Vincennes. « Va faire quelquechose d’intéressant au Québec », lui a-t-il plutôt ordonné.Fou de rage, Giroux revint vers sa terre natale, sans savoir quecet homme venait pourtant de lui rendre le plus grand servicede sa vie…ParJosée-Anne ParadisRobert Giroux, de la maison d’édition montréalaise Triptyque, ne cadre pas avecl’idée qu’on se fait d’un éditeur stressé, en cravate et qui calcule la rentabilité dechaque mot. Non, cet homme de lettres,souriant et galant, a plutôt une étincelle dansles yeux et apprécie les rapports humains,notamment ceux qu’entretiennent l’auteur etl’éditeur : « Il doit y avoir une compatibilitéentre les deux, c’est important. Quand unauteur arrive chez Triptyque, il est pris encharge. On l’accueille, on l’encadre, et on luipermet ainsi d’accéder au milieu professionneldu livre, lequel mène parfois jusqu’aux prixlittéraires. » <strong>Le</strong> travail, pour Robert Girouxcomme pour son protégé, reste encore à faireconjointement : « On n’est pas des imprimeurs,on est des éditeurs. Et l’éditeur a desprétentions qu’il est prêt à défendre. » De plus,les différents membres de l’équipe ont tous uneplace importante : « Je souhaite que ceux-ciaient de l’initiative. Il ne faut pas que Triptyquesoit juste “Giroux”! », ajoute-t-il bienhumblement.Fertile trioEn 1980, alors que se profilait à l’horizon leréférendum sur la souveraineté québécoise, leprofesseur de lettres qu’était Robert Giroux sevoit offrir la direction de la maison Triptyque,fondée trois ans auparavant par desautodidactes de la contre-culture, passionnésde livres et loin de provenir du milieu élitisteuniversitaire : Paul Desruisseaux, RaymondMartin et Guy Melançon. À eux trois, ilsformaient les pans de ce fameux triptyque àl’origine du nom de la maison. Giroux accepte alors ce poste de direction, mais àune condition. Comme Triptyque s’intéressait principalement à la poésie etgravitait autour de la revue littéraire Moebius, la condition était que « la maisons’ouvre à d’autres discours littéraires, comme la fiction ».Son audace aura porté fruit puisque Triptyque, qui comprend aujourd’hui plus de715 titres, se concentre dorénavant sur trois grands axes : la fiction, la poésie etsa collection Chanson/Musique. Quelques polars (dont Tableaux maudits dePhilippe Bensimon et Peaux de chagrins de Diane Vincent) et des livres de référence(tels <strong>Le</strong> style en friche d’André Marquis, vendu à près de 10 000 exemplaires, etles différents ouvrages sur le français québécois et les anglicismes signés JeanForest), bonifient également leur catalogue. Et bien entendu, la revue littéraireMoebius paraît encore quatre fois l’an, et offre à des auteurs confirmés ou à denouveaux inspirés une vitrine pour qu’éclose leur talent de nouvellistes. <strong>Le</strong> plusrécent numéro, piloté par Jean-Simon DesRochers, a pour thème « <strong>Le</strong> nu » etcomprend notamment des textes de Nicole Brossard, Éric Gougeon et Elsa Pépin.De gauche à droite : Céline Couq, Raymond Martin, Julia Marinescu, Robert Giroux et Lucie Bélanger.© Alain Robillard-Bastien


Trouver sa « voix »Trente-quatre ans après sa fondation, la maison d’édition se démarque par le désir,revendiqué par l’éditeur, de trouver une « voix » chez ses auteurs. Pari tenu dansDrag, roman délicat signé Marie-Christine Arbour, qui présente, dans un stylenovateur et une langue imagée, deux personnages marginaux à la sensibilité àfleur de peau. Ce type de roman n’est pas celui qui deviendra un best-seller, maisbien un ouvrage qui s’inscrira dans l’imaginaire des lecteurs et qui contribuera àbâtir une littérature québécoise de qualité : « Cette recherche de “voix” expliquenotamment le fait que Triptyque est en progression constante, et n’a pas une feuillede route en dents de scie », explique Robert Giroux. Comme il ne compte pasd’auteurs phares dont les livres feraient vivre à eux seuls la maison, tous les titresse doivent de détenir ce petit quelque chose qui les tiendra suffisammentlongtemps à la surface, à travers la pléthore de nouveautés paraissantchaque saison.Parmi les auteurs notoires de la maison, nommons l’émérite Joël Des Rosiers,psychiatre articulé à qui l’on doit plusieurs ouvrages, dont Vétiver et Caïques. Fidèleà son éditeur, il a publié depuis dix ans des recueils de poésie salués, des nouvelleset un essai. Du côté de la fiction, la jeune Marie Hélène Poitras a également faitses premières armes chez Triptyque, en y publiant les populaires Soudainle minotaure et La mort de Mignonne. Quant à Maxime-Olivier Moutier,son Marie-Hélène au mois de mars nous propose un roman d’amouracidulé dont la critique fut très élogieuse. La belle Annie Cloutier, dontLa chute du mur fait la fierté de l’éditeur, a également reçu plusieurséloges. Parmi les œuvres restées un peu dans l’ombre, mais dont RobertGiroux souligne le caractère exceptionnel, mentionnons les ouvrages deCarmen Strano, « des histoires incroyables! », selon l’éditeur, ceux dudéfunt Pierre Manseau, dont « le premier titre, L’île de l’adoration étaittout simplement génial » et l’œuvre de Monique <strong>Le</strong> Maner, qu’il décritcomme un mélange subtil de Ionesco et de Beckett.Au-delà de l’éditionRobert Giroux, la soixantaine entamée, ne se donne pas seulement corps et âmeà son métier d’éditeur. En effet, l’écriture l’anime également puisqu’en plus d’avoirdirigé plusieurs collectifs sur la chanson francophone chez Triptyque (La chansonprend ses airs, En avant la chanson, <strong>Le</strong> guide de la chanson québécoise, etc.), il signe,depuis 1980, et ce, presque tous les ans, un nouveau recueil de poésie. <strong>Le</strong> plusrécent, Et pourtant, est paru à l’hiver 2011.Son intérêt pour Mallarmé et son besoin d’écrire de la poésie ne confinentcependant pas Giroux à la seule passion poétique. En termes de fiction, l’éditeuravoue avoir eu un plaisir fou à la lecture de À la recherche du temps perdu : « Celivre m’a captivé par le style, le propos et le discours amoureux sur l’art. » Ilsoulève également son étrange découverte avec Pilgrim, de Timothy Findley, « ungros bouquin déniché à Paris, dans lequel [il s’est] laissé bercer par le vocabulairetrès riche ». Selon lui, « Findley a une vision d’écrivain ».À quoi peut-on s’attendre pour l’avenir de la maison? Un vers de Robert Giroux,paru dans son plus récent ouvrage, nous en laisse un présage : « Soigne les rêvesqui sommeillent »…editionsmichelquintin.caDES GUIDES QUÉBÉCOISréalisés par des experts de chez nousLE LIBRAIRE • JUIN-JUILLET 2011 • 51


ENTREVUEpolarD ENNISL EHANEDes nuances de gris dansle roman noirOnze ans après Gone, Baby Gone, Dennis <strong>Le</strong>hane retrouve sondétective privé fétiche, Patrick Kenzie, dans un roman policier portépar les demi-teintes de la quarantaine.52 • LE LIBRAIRE • JUIN-JUILLET 2011La dernière fois que le <strong>libraire</strong> a parlé àDennis <strong>Le</strong>hane, il venait de faire uneincursion historique et très documentéedans l’histoire de sa ville natale, Boston,en se replongeant dans l’époque tumultueuse qui avait immédiatement suivi la PremièreGuerre mondiale. Avec Un pays à l’aube, <strong>Le</strong>hane sortait du ton et de l’époque contemporaineoù se déroule l’action de la plupart de ses romans, comme Gone, Baby Gone ou Mystic River.Cette fois, avec Moonlight Mile, <strong>Le</strong>hane fait unretour percutant au temps présent, en reprenant leduo de détectives privés, Patrick Kenzie et AngelaGenaro, qu’il a mené pendant cinq histoires,jusqu’à l’épisode particulièrement douloureux deGone, Baby Gone. Dans ce roman (égalementdevenu un solide long métrage), Patrick et Angietravaillaient sur la disparition de la petite AmandaMcReady, une enfant de 4 ans enlevée à sa mèrealcoolique et négligente, pour être confiéeillégalement à une famille à l’aise, tendre etaimante. Patrick se retrouvait alors face à undilemme moral profond : valait-il mieux ramener lapetite à sa mère ou la laisser à ses ravisseurs bienintentionnés? <strong>Le</strong> choix de Patrick – le premier –allait lui valoir bien des remords et une rupturetemporaire avec Angie, outrée de voir la petiteretomber dans son enfer domestique.Douze ans plus tard, alors que Patrick et Angie,réunis, tirent le diable par la queue et qu’ils sedébattent avec leurs soucis de nouveaux parents,Patrick reçoit la visite de la tante d’Amanda, quivient lui annoncer que l’enfant, devenue une grandefille débrouillarde, a de nouveau disparu. Poussépar un mélange de culpabilité et d’honneur, Patrickse remet alors sur la piste d’Amanda, un parcoursqui le mettra en contact avec de dangereux mafieuxtchétchènes et toute une galerie d’inquiétants et dedésolants personnages. Un parcours (parsemé de scènes enlevantes mais aussi parfoishilarantes, grâce au sens du dialogue exceptionnel de <strong>Le</strong>hane) qui poussera le privé fatiguédans ses derniers retranchements.© © Diana Lucas <strong>Le</strong>avengoodParRémy CharestPareil, pas pareilSi <strong>Le</strong>hane, également auteur de ShutterIsland, est loin de se laisser prendre dansdes ornières, il avoue avoir eu un grand plaisir à retrouver ses marques et à faire évoluerses personnages fétiches sur un territoire familier. Enfin, en partie : « Reprendre lespersonnages de Patrick et Angie, c’était un peu comme ressortir mes jeans favoris – avantde me rendre compte qu’ils sont passés de mode.Quand j’ai laissé Patrick, c’était deux ans avant le 11septembre, et quand je l’ai repris, c’était neuf ansaprès. Ce n’est plus la même Amérique. »<strong>Le</strong> monde de Patrick a changé à cause de l’attaqued’Al-Qaïda et de ce qui s’en est suivi – l’Irak,l’Afghanistan, la paranoïa ambiante, etc. –, mais aussides revers économiques qui ont affecté les Américains,en particulier ceux de la classe moyenne et de la classeouvrière. « Ce qui se trouve en filigrane du roman, c’estl’effondrement économique de 2008 », expliquel’auteur. <strong>Le</strong>s maisons abandonnées, les nouveauxdéveloppements laissés en plan offrent ainsi le décorde plusieurs scènes essentielles du livre.Roman policier, Moonlight Mile tient donc aussi duroman social, les motivations des personnages étantsouvent expliquées en partie par le contexte socioéconomiqueoù ils se trouvent. Ainsi, un meurtres’expliquera par les problèmes de drogue graves d’unpauvre type pris dans le tourbillon économique, lesméthamphétamines étant devenues pour lui la seulefaçon de tenir le coup, quand il faut travailler tempsdouble pour gagner le strict nécessaire : « C’est unenouvelle drogue qui va avec le contexte économique.Une drogue de travailleurs qui en ont besoin pourpouvoir continuer. »Cet état des États-Unis, c’est la vision d’un <strong>Le</strong>hanedont la colère est palpable, quand il aborde avec un humour tranchant les effets de la crisesur les travailleurs, par opposition à l’absence de conséquences quasi totale pour lesspéculateurs qui l’ont provoquée : « Quand on voit qui se retrouve à payer pour la crise


financière de 2008, alors que les responsables n’ontabsolument pas été dérangés, c’est un peu comme si onavait répondu au 11-Septembre en allant bombarder leDanemark. »La critique du pays, de son système politique et de sesinjustices économiques tient aussi aux origines ouvrièresde l’auteur, reflétées dans le personnage de Patrick, unIrlandais de Boston comme <strong>Le</strong>hane et sa famille : « Patrickest une sorte d’élégie à mon père. Il est plus près de lui quede moi – un homme de la classe ouvrière, ancré dans la ville.Moi, je suis né dans la classe ouvrière. Grâce aux efforts demon père, j’en suis sorti, mais j’ai beaucoup d’amis qui lesont encore. Et de voir ce qui leur arrive, ça me met encolère. Ils se font virer à l’envers par le système. »L’âge adulteAutre élément qui transforme le roman, le statut parentalde Dennis <strong>Le</strong>hane, maintenant père d’un enfant de 2 ans.Une réalité qui change profondément la vision du monde del’auteur – et celle de ses personnages. <strong>Le</strong>hane dit avoirparticulièrement pris conscience des changementsd’attitude provoqués par une naissance, lors d’uneconversation avec un grand ami, producteur de cinéma,devenu père en même temps que lui : « On est deux gars àl’aise financièrement, mais tout à coup, on trouvait tous lesdeux qu’on n’avait pas assez d’argent placé de côté pourles enfants. Et on se disait qu’il faut remplir le compte enbanque. On ne sait jamais : je pourrais mourir dans unaccident d’avion. Il y a une pression incroyable qui se faitsentir – et dans le cas de Patrick, elle est multipliéepar mille. »Au moment où s’ouvre le roman, Patrick vit de fin de moisen fin de mois, en se demandant bien comment il va payerses comptes (et notamment son assurance-maladie). Pèrede famille, il vit sans coussin, sans filet, une situation quiaffecte aussi sa vie de couple. « Patrick et Angie ont peur.Ils se disputent beaucoup. Des chicanes de couplenormales, mais il y en a beaucoup. Et ça tourne beaucoupautour d’une question : comment va-t-on pourvoir auxbesoins de notre enfant. Pour eux, c’est terrifiant. » Et cen’est pas une enquête faite pour l’honneur – et sanshonoraires – qui va les aider beaucoup de ce côté…Dans la quarantaine, Patrick ne voit plus le monde avecl’insouciance qu’il pouvait avoir plus jeune. Même s’il croittoujours profondément à la valeur de la parole donnée –« c’est sacré », insiste <strong>Le</strong>hane – il voit beaucoup plus leszones de gris, les compromis, la complexité véritable deschoix à faire, au fil de l’existence. Un processus qui avaitdéjà commencé à la fin de Gone, Baby Gone : « On medemande souvent si Patrick a fait le bon choix, en rendantAmanda à sa mère. Ses deux choix avaient du bon et dumauvais : bienvenue à l’âge adulte! »<strong>Le</strong>hane admet que ce parcours plus nuancé est un peu lesien, les perspectives du milieu de la vie n’étant plus cellesde la vingtaine. Un état de fait qui permet à Patrick Kenziede donner une évaluation sobre de son existence : « Mesjoies l’emportent sur mes peines. » Une façon douce-amèrede se dire que l’on a quand même assez bien réussi sa vie.MOONLIGHT MILERivages382 p. | 32,95$En librairie le 7 juinLE LIBRAIRE • JUIN-JUILLET 2011 • 53


LE LIBRAIRE CRAQUE!polar | science-fictionLA PORTE D’ORPHÉE Comme il l’a fait dans la série « Heroes », Tim Kring,son créateur, nous transporte dans un univers toutsimplement hallucinant (et c’est vraiment le cas de le dire!). Avec, en toile defond, l’assassinat de John F. Kennedy, nous suivons desmembres de la CIA, du FBI, du KGB et Chandler Forrestal, celuiqu’on appellera Orphée. À la suite d’une ingestion massive deLSD, Chandler se voit doté de pouvoirs psychiques permettantde lire les pensées, de contrôler les cerveaux et bien plus! <strong>Le</strong>roman nous entraîne dans une suite haletante d’événementsqui nous empêchent de laisser notre livre de côté un instant :il s’avère difficile de le refermer à l’heure du coucher! J’espèreque vous aurez autant de plaisir que moi à franchir le seuil dela porte d’Orphée! Shannon Desbiens <strong>Le</strong>s BouquinistesTim Kring, Michel Lafon, 423 p., 28,95$LA CHORALE DU DIABLEQuatre corps sont retrouvés dans unemaison. Un homme, une femme, deuxenfants : un drame familial? <strong>Le</strong>ssard n’y croit pas, lui. Un gros doute s’installeen lui. Mais est-ce parce que lui-même a vécu un dramesemblable? Ses collègues se méfient de lui, alors quecommence une course folle vers la vérité, qui est bien pluseffrayante qu’il le croit. Maints cadavres parsèmeront sonparcours, mais lui-même sortira-t-il vivant de cet enfer? Unedeuxième enquête hors du commun pour ce détective qu’on aappris à connaître dans Il ne faut par parler dans l’ascenseur.Une intrigue tissée intelligemment qui nous tient en haleinejusqu’à la fin : chapeau à l’auteur, qui a encore su me happerdans ce deuxième volet! Caroline Larouche <strong>Le</strong>s BouquinistesMartin Michaud, Goélette, 512 p., 24,95$L’OPTION EXCALIBUR En excellent conteur, David Weber nous avaithabitués aux batailles galactiques enlevantes avecsa série « Honor Harrington » (L’Atalante). L’option Excalibur commence commeun roman historique : une armée anglaise du XIV e siècle (dont une sectionimportante des fameux archers de longue portée craints par toute l’Europe)traverse la manche pour en découdre avec les Français. Uneformidable tempête menace d’exterminer la flotte quand uncolossal vaisseau spatial les tire littéralement de l’océan.Réduits à l’état de mercenaires, ils sont transportés de mondeen monde, pour guerroyer avec des extraterrestres insoumis.Ressuscités ou rajeunis à plusieurs reprises, ils n’en gardentpas moins la ferme intention de se débarrasser de la guilde,leur nouveau maître. Un roman de science-fiction très« british » et rigolo, qui se lit d’une traite et dont la fin estaussi spectaculaire que le début. Denis <strong>Le</strong>Brun le <strong>libraire</strong>David Weber, L’Atalante, 384 p., 29,95$LES CHOIX DE LA RÉDACTIONpolarFrançois Barcelo, dont le talent et l’humour ont fait leurs preuves, fait cette foisincursion dans l’univers du hockey. Son personnage principal, antihéros parexcellence, a ce sport en horreur. Cependant, il se retrouve malgré lui à faire officed’entraîneur pour des bamtams, dont la moitié sont asiatiques. <strong>Le</strong> nom del’équipe? Il l’ignore, même si son fils joue au centre du premier trio. Ce qu’il aà faire? Porter une cravate, croiser les bras et avoir l’air fâchéà chaque décision de l’arbitre. De la petite bière. Sauf que…bien rapidement, il comprendra que derrière le décès del’ex-entraîneur qu’il remplace, il y aJ’HAÏS LE HOCKEYFrançois BarceloCoups de tête128 p. | 14,95$anguille sous roche : des histoires de mort,d’amour, d’agressions sexuelles etde fausses accusations se profilent àl’horizon.<strong>Le</strong> nature writing, ce genre littéraire américain qui mêle fiction et observationsécologiques, grand plaidoyer pour la nature dont s’enorgueillit la maison d’éditionGallmeister, est une étiquette qui sied parfaitement au roman de Ron Carlson.C’est au cœur du Wyoming, au pied des montagnes, que se situe ce thrillertroublant. Lorsque Mack et sa femme Vonnie entreprennentune ultime randonnée dans les collines qui longent leur ranchavant de se dire adieu, c’est sur le sentier autrement plusdangereux de leurs rêves brisés et de leursLE SIGNALRon CarlsonGallmeister232 p. | 29,95$regrets qu’ils s’aventurent. Ce qui prenaitles airs d’une banale promenade s’avéreraune mission beaucoup plus périlleuse.Comme le bon vin, John le Carré vieillit bien. Ce maître de l’espionnage nouséblouit encore par des romans explosifs qui reposent tous sur des bases bienréelles. Car derrière le romancier se cache un homme engagé qui dénonce les taresde notre société néolibérale. Avec son sens du dialogue, ses personnagesinoubliables et ses intrigues captivantes, <strong>Le</strong> Carré est un grand de la littératurepolicière. Son dernier livre, le vingt-deuxième signé de saplume, traite de l’importance de la mafia russe dans lesauvetage des banques anglaises lors de laUN TRAÎTRE ÀNOTRE GOÛTJohn le CarréSeuil384 p. | 32,95$crise de 2008. Tout un programme, d’autantplus que les personnages principaux serontentraînés dans les différentes grandes villesdu monde! <strong>Le</strong> Carré, c’est du Wiki<strong>Le</strong>aks à lapuissance 10, le talent du romancier en plus.54 • LE LIBRAIRE • JUIN-JUILLET 2011LE MYSTÈRE NAPOLÉONDu succulent fast food littéraire : efficace,mouvementé, sans temps mort, viteconsommé. <strong>Le</strong> compagnon idéal pour le lecteur friand d’intrigues à la Da VinciCode ou l’homme d’affaires qui ne veut pas s’ennuyer lors d’un vol entre Québecet Moose Jaw. <strong>Le</strong> consommateur de polars d’ambiance à laEllroy n’y trouvera certainement pas son compte, mais il y alà de quoi plaire aux amateurs de suspense : des décorssplendides (Paris, la Corse), des femmes aux « traitsinoubliables », des poursuites, des explosions, un hérossautant dans un avion en chute libre, des organisationssecrètes, des revirements de situation, la recette d’un bonJames Bond avec, en prime, des énigmes à résoudre. Riend’inoubliable, mais rien qui nous ferait jeter ce thriller auxrebuts. Une bonne réussite, en soi, pour ce genre delittérature. Christian Vachon PantouteSteve Berry, Cherche Midi, 508 p., 34,95$Carl White est un type blasé au quotidien en apparence ennuyant, qui bossecomme photojournaliste de nuit dans un journal comme d’autres font leur tempsen prison. Tania Ficanemo viendra du haut de sa bécane bouleverser cette petitevie tranquille. Nouvellement employée dans un journal concurrent, la belle leprendra au dépourvu avec son flair, son intelligence et son cran. De quoi changerla routine des petits faits divers. Mais comment ignorer la beauté de son ennemietout en tentant de se débarrasser d’elle? C’est seulementlorsque les décès s’accumuleront autourPOUR NE PASMOURIR CE SOIRGuillaume Lapierre-DesnoyersLévesque éditeur228 p. | 25$d’eux, à commencer par celui duministre de la Justice, que les deuxreporters devront unir leurs efforts afinde s’en sortir vivants. Pour un premierpolar, le Montréalais GuillaumeLapierre-Desnoyers vise dans le mille.


Née à Paris,Elisabeth Vonarburgvit à Chicoutimidepuis 1973. Elleest considéréecomme l’écrivainefrancophone de SFla plus connue dansle monde.A U - DELÀ DU RÉELLA CHRONIQUE D’ELISABETH VONARBURGlittératures de l’imaginaireVieux loups,jeunes loupsOn parle des « grands anciens » lorsqu’on veut évoquer les auteurs de jadis quiont, les premiers, contribué à établir un corpus d’œuvres auxquelles on se réfèredésormais rituellement. Dans la SF, c’est le cas des duettistes Verne et Wells,par exemple. De Stoker et Stevenson, ou Poe, pour le fantastique. Mais en fait,chaque génération a ses grands anciens — et ceux, jeunes loups aux dents plusou moins longues, qui sont voués, ou aspirent, à le devenir.Il est bien sûr trop tôt pour savoir si ce sera le cas de FrançoisLévesque, mais il faut admettre qu’avec les deux premiersromans des « Carnets de Francis » s’est manifestée une voixoriginale, à mi-chemin entre suspense noir (pour l’intrigue)et fantastique (pour l’ambiance). Et voici que Lévesque,justement, bascule franchement du côté du fantastique avecL’esprit de la meute. David, le protagoniste, a 16 ans; unaccident d’auto le rend subitement orphelin de parents quine s’occupaient guère de lui, et qu’en retour il n’aimait guère.Il découvre ensuite qu’il était adopté et un passage à uneémission de télé lui permet de retrouver sa mère biologique, Macha, dans lepetit village de Sainte-Sybille. Il s’y rend. En chemin, il est victime de crisesbizarres, vaguement hallucinatoires — ou sont-ce des rêves? Ils vont à tout lemoins se faire de plus en plus fréquents par la suite. Il rencontre aussi la jolieIrène, qui l’attire aussitôt. Mais sa nouvelle famille — réduite à sa mère — a unsecret qu’on lui révèle bientôt : il y a un motif honteux à sa naissance et à samise en adoption. David arriverait peut-être à s’en accommoder si des meurtressauvages et des disparitions inexpliquées, suivies de découvertes macabres, nebouleversaient le petit village et ses environs. Et les rêves ou les visions de Davidsont de plus en plus bizarres, voire sanglants.De même qu’on ne pouvait vraiment résumer l’intrigue des romans précédentssans l’abîmer — ce qui en confirmait l’originalité —, on ne peut résumerdavantage ici. J’invite le lecteur perspicace à se rappeler le titre du roman,L’esprit de la meute... et le titre du présent article. L’intrigueest en effet à voies multiples et chaque avenue en cache uneautre. Lévesque met à profit sa familiarité avec l’écriture dupolar noir pour mettre en place un faisceau serré d’indicestout en gardant sa narration focalisée sur le protagoniste,nous enfonçant peu à peu avec lui entre les bizarreriesvaguement comiques et les énigmes inquiétantes, puis lessombres mystères. Contes locaux datant du début del’exploitation de la région, légendes amérindiennes etsordide histoire familiale tressent une bien solide corde...mais pour pendre qui?Si mon jeune loup est du Québec, mon grand ancien est de France — et c’esteffectivement un de mes grands anciens, avec qui j’ai appris la SF en français.Michel Demuth (1939-2006) appartient au groupe d’auteurs français qui ontconstitué, entre 1950 et 1970, les premières générations d’écrivainsfrancophones de SF/F vraiment modernes, autour de la revue Fiction, nourrisde l’ensemble des traditions anglophone et francophone, et qui publiaient dela SF en sachant exactement ce qu’ils faisaient et voulaient faire : PhilippeCurval, Alain Dorémieux, Nathalie Henneberg, Gérard Klein, Jacqueline H.Osterrath, Christine Renard, Jacques Sternberg, Stefan Wul, Daniel Walther...(et j’en oublie).La haute période de Demuth dure une vingtaine d’années (1958-1975), aprèsquoi il va pratiquement se perdre comme auteur, dans la traduction et dans ladirection littéraire de revues (Galaxie) et de collections spécialisées (lesL’ESPRITDE LA MEUTEFrançois LévesqueAlire368 p. | 14,95$anthologies OPTA). Sa principale œuvre reste « <strong>Le</strong>sGalaxiales », un cycle d’histoire du futur en nouvelles bienplus proche de Cordwainer Smith que de Heinlein, GrandPrix de la SF française en 1977. Il faut donc saluer lapublication de À l’est du cygne, un échantillon de textescouvrant cinq décennies : outre le plaisir de découvrir (oude redécouvrir), l’œuvre de Demuth, on peut y constatercomment l’écriture de la SF et ses thèmes ont évolué pendant ce demi-siècle.En prime, une entrevue réalisée en 2001 permet de suivre la genèse typiqueet sympathique d’un lecteur, puis auteur, de SF française de cette génération.On remarque aussi quelques traits de la SF française que Demuth partage avecses collègues — et quelques-uns de ses héritiers français, conscients ou non del’être (par exemple Jean-Claude Dunyach) : souci de l’écriture, parfois jusqu’àla poésie, accent mis sur les personnages plus que sur les seules « idées SF »souvent reléguées à l’arrière-plan et inscrites habilement en filigrane (parexemple, le voyage dans le temps). On trouve la même ambiance et les mêmescontrastes chez Henneberg (La Plaie) : les plans rapprochés sur les personnages,leurs désirs, leurs craintes, se découpent sur un fond d’immenses étenduesstellaires aux noms évocateurs, colonisées depuis des millénaires, agitées pardes empires, des conquêtes, des défaites ou des victoires dont on a presquedéjà perdu le souvenir au moment du récit. C’est la haute époque du spaceopera sans vergogne, qu’il faut connaître pour apprécier à sa juste valeur larésurgence (parfois post-) moderne de ce subgenre. Mais certains de ces textesLES GALAXIALESMichel DemuthJ’ai lu346 p. | 11,95$sonnent aussi étrangement contemporain, par des détailstechnologiques semés ici et là avec abandon et qui semblentalors « prophétiques ».<strong>Le</strong> dernier Demuth (années 90) manifeste de façon encoreplus éclatante son amour de l’écriture, et son lien avec lanouvelle vague anglaise et américaine des années 60, qui alibéré le style de la SF. Cela donne quelques textes hallucinés, au bord del’hermétisme, comme « Exit on Passeig de Gracia » (1999), où des voyageurstemporels rebelles se livrent dans plusieurs versions de Barcelone à unessoufflant jeu de cache-cache avec les agents également transtemporels d’unpouvoir religieux fasciste (entité récurrente de l’univers demuthien). <strong>Le</strong> recueilse termine, cependant, choix judicieux, sur la splendide nouvelle « Dans leressac électromagnétique » (1977), où le souffle de Demuth se déploie dansun style parfaitement maîtrisé : épique, romantique et cosmique à la fois.LE LIBRAIRE • JUIN-JUILLET 2011 • 55


ARTICLElivre pratiqueSur le boutdes langues56 • LE LIBRAIRE • JUIN-JUILLET 2011Lorsque j’étais petit, la première langueétrangère à avoir piqué ma curiosité aété l’égyptien hiéroglyphique. Je mesouviens de cette image d’Anubis, dansune encyclopédie dont je disposais à lamaison, en train d’embaumer un roi, etde tous ces caractères illisibles autourde lui. Depuis, je rêve d’être en mesurede les comprendre. En grandissant, j’aibien sûr découvert plein d’alphabets etde langues. Pour certaines, je ne connaisque la prononciation des lettres maispas le sens des mots et, pour d’autres,ce sont quelques phrases complètesmais d’utilisation limitée. <strong>Le</strong> but duprésent article est de faire connaître desouvrages disponibles, principalementsur les langues anciennes, pour lesapprendre, les pratiquer et, surtout,pour s’amuser. 2010 a été une bonneannée pour la parution de ce typed’ouvrages, en particulier ceux quiabordent l’égyptien hiéroglyphique.ParShannon Desbiens,de la librairie <strong>Le</strong>s Bouquinistes<strong>Le</strong>s hiéroglyphesJ’ai mis du temps à me décider à chercher à en savoirplus sur cette écriture mystérieuse. <strong>Le</strong> premier àm’avoir offert l’opportunité de faire mes premiers pasa été Christian Jacq avec son Petit Champollion illustré(épuisé). Ce petit livre nous initie à l’alphabet de base(il existe environ 4500 caractères) et à l’apprentissagede certains mots clés qu’il nous arrive de voirsur les monuments. J’ai ensuite mis la main surd’autres livres d’histoire des hiéroglyphes, incluantparfois une petite méthode, mais rien qui mesatisfasse assez, et ce, jusqu’à ce que je trouveHiéroglyphes de l’Égypte ancienne : guide pratique deJanice Kamrin (épuisé). Une méthode un peu pluscomplexe, avec exercices. C’était presque parfait,mais il manquait encore quelque chose… J’étais plusaffamé, je voulais un livre qui ne soit pas universitaire(français ou américain et hors de prix) et qui demeureaccessible pour un gars comme moi; pas tropcompliqué et qui me permette d’apprendre à monrythme, en allant plus loin que la simple base. C’estalors qu’est apparue sur nos tablettes une toute petiteméthode avec tout plein de contenu : la méthodeAssimil L’égyptien hiéroglyphique! De plus, undictionnaire égyptien-français de Y. Bonnamy et A.Sakek sortait en librairie quelques semaines plustard! Je croyais rêver.Question d’assimiler la langueJ’ai alors commencé mes leçons. Comme un peu toutle monde, je connaissais les éditions Assimil depuistoujours : elles font, comme on dit, partie du paysage.Saviez-vous qu’elles ont déjà 80 ans? Que Chirac s’estservi de leur méthode pour apprendre le russe à desfins politiques? Moi, c’était la première fois que je melançais dans l’aventure. Comme le nom l’indique, c’està force de lire les phrases et les textes offerts qui, deplus en plus, s’enrichissent et se compliquent, quel’on finit par assimiler la langue. En quelques jours,j’en connaissais déjà plus que ce que je savais déjà.L’humour, les notes historiques, les exercicesd’écriture ainsi que les annexes (incluant undictionnaire égyptien-français) complètent vraimentbien le livre. Depuis, je me suis rendu compte qu’il nes’agissait pas de la première incursion d’Assimil dansle monde des langues anciennes. Je remercie encorela maison d’édition de m’avoir fait découvrir lesméthodes de grec ancien, de latin et d’hébreu. Il estvrai que l’hébreu se pratique encore, mais cettelangue demeure tout de même l’une des plus vieillesà être encore parlée! Et, imaginez, il y a même unerecette de cuisine dans l’annexe du grec ancien!Ce serait mentir que de vous affirmer que je suispassé à travers toutes ces méthodes. L’égyptienhiéroglyphique demeure pour l’instant mon objectifprincipal, mais pour avoir fait une dizaine de leçonsdes autres méthodes et y avoir pris goût, je comptebien m’y mettre dès que possible. J’espère bien voirpublier un jour un livre sur les hiéroglyphes aztèquesou sur le cunéiforme babylonien. J’en serais lepremier client!Pour ceux qui se croient nulsLa collection « Pour les Nuls » qui, au début, sespécialisait dans l’informatique, offre maintenant deslivres sur les sujets les plus variés, incluant leslangues. Il n’y a pas encore beaucoup de choix en cequi concerne les langues anciennes, mais il estpossible de mettre la main sur <strong>Le</strong> latin et L’hébreu pourles Nuls. Ici, l’apprentissage ne se fait pas de la mêmemanière. Avec beaucoup de tableaux, d’exercices etde notes historiques, nous apprenons commentmaîtriser ces langues tout en nous amusant. Certainespersonnes préfèreront probablement ce rythme à celuid’Assimil. Pour avoir parcouru avec attention les deuxcollections, je crois qu’elle se complètent très bien.Ceux qui ont déjà eu à travailler avec un livre « Pourles Nuls » seront déjà familiers avec les icônesspécifiques et les encadrés. Je serais curieux de voirun ouvrage sur les hiéroglyphes ou le grec ancien. Jelance l’idée!Pour la pratiqueCertains diront que ça ne sert à rien d’apprendre unelangue que l’on utilisera peu ou prou. C’est peut-êtrevrai, mais c’est passionnant et enrichissant. Pourceux que ça pourrait intéresser, après avoir acquis unebonne base sur les hiéroglyphes, en latin ou en grec,il existe certains livres bilingues pour pratiquer la


LE LIBRAIRE CRAQUE!LE LATIN POURLES NULSClifford A. HullFirst Edition344 p. | 34,95$DICTIONNAIRE DESHIÉROGLYPHESYvonne Bonnamyet Ashraf SakekActes Sud988 p. | 59,50$jardinageJARDINAGE AMUSANT Voici un volume qui donne réellement le goût de l’été,avec ses couleurs vives et ensoleillées à chaque page.En effet, Jardinage amusant présente habilement vingt projets faciles à réaliser quistimuleront chez les petits et les grands une créativité sans borne,<strong>Le</strong>s auteurs proposent différentes activités clairement expliquéespas à pas, comme de la décoration jardinière ludique à partir derecyclage, des choix de semis, un planning des récoltes et des trucsécolos pour garder éloignés les indésirables. Rempli d’une foule derenseignements utiles, cet ouvrage aidera vos bouts de choux àdevenir de véritables jardiniers. Un intéressant glossaire complètece bouquin qui se révèle l’un des plus beaux et amusants publiéssur cette thématique. Allons, tous à vos bêches! Harold Gilbert SélectCollectif, ERPI, 80 p., 14,95$lecture et augmenter notre vocabulaire.Pour les hiéroglyphes, l’éditeur Maisonde Vie offre la collection SagesseÉgyptienne, qui présente des textesimportants de la spiritualité égyptienneen hiéroglyphes ainsi que leurtranslitération et leur traductionfrançaise. Pour ce qui est du grec et dulatin, les éditions <strong>Le</strong>s Belles <strong>Le</strong>ttres,dans la collection Classiques en poche,offrent les œuvres des plus grandspenseurs et philosophes grecs etromains en version bilingue. Une sourceinépuisable.Au final, soyons francs : il n’est pasfacile de se lancer dans cette aventurequ’est l’apprentissage d’une langueancienne. Certains le feront dans lecadre d’un cours, mais la plupart pours’amuser et être détenteurs d’un savoirqui les intrigue depuis longtemps. Pourceux qui, comme moi, s’intéressent aumonde égyptien, je vous conseille delire <strong>Le</strong> mystère des hiéroglyphes – La cléde l’Égypte ancienne. Un livremagnifiquement illustré qui vousprésente la langue, son utilité, sonpouvoir, sa redécouverte ainsi qu’uneintroduction aux principaux signes.Peut-être, comme moi, voudrez-vousalors en savoir plus! Merci aux maisonsd’édition qui mettent sur le marché deslivres accessibles à tous ceux quiaiment apprendre en solo, qui lesrendent intéressants et amusants enoffrant, par le fait même, cettepossibilité d’en savoir plus surl’histoire. Bon apprentissage!L’ÉGYPTIENHIÉROGLYPHIQUEJean-PierreGuglielmiAssimil846 p. | 24,95$HÉBREU : KIT DECONVERSATIONRobert StraussAssimil142 p. | 29,95$LE LATINIsabelleDucos-FilippiAssimil630 p. | 24,95$LE GREC ANCIENJean-PierreGuglielmiAssimil688 p. | 24,95$L’HÉBREU POURLES NULSJ.S. Jacobs etS. Jacquet-SvironiFirst Edition370 p. | 34,95$LE MYSTÈRE DESHIÉROGLYPHES :LA CLÉ DE L’ÉGYPTEANCIENNEChristian JacqFavre130 p. | 44,95$LE LIBRAIRE CRAQUE!livre pratiqueGOD SAVE THE COOK Des livres de recettes, il y en a pour tous les goûts, pour leschefs comme pour les débutants. Je dirais que God save thecook se distingue par son caractère ludique et ses recettes à lafois originales et simples à réaliser. La présentation colorée dulivre donne tout de suite envie de le feuilleter! Après s’êtreintéressée à la cuisine américaine dans Yes we cook, Julie Schwobse penche maintenant sur l’art culinaire de la Grande-Bretagne etnous propose une foule de recettes anglaises, allant du gâteauaux fruits jusqu’au club sandwich, en passant par les crumpets.Si toutefois je devais ne vous recommander qu’une recette, ceserait le bœuf à la Guinness, car en plus d’être facile à préparer, ilest absolument délicieux! Alors à vos fourneaux tout le monde,que le repas commence! Chloé <strong>Le</strong>gault PantouteJulie Schwob, Mango, 136 p., 22,95$QUINOA EXTRA Quinoa par-ci, quinoa par-là! Ce « superaliment » polyvalentdes années 2010 contient protéines, fibres, vitamines etminéraux. De plus, il est sans gluten! C’est bien, tout ça, mais comment l’utiliser? Pasévident quand pour la première fois on se retrouve avec ce petitsac de grains blancs entre les mains. Un livre utile, mais surtouttrès complet, qui nous évitera de manger le quinoa seulement enaccompagnement. En écrivant ce livre, les deux auteures ontvoulu nous faire découvrir cet aliment en nous offrant une variétéde recettes pour faciliter son intégration dans notre alimentationquotidienne. Des photos très chics, une recherche passionnanteà lire, des recettes appétissantes, et voilà un livre qui a déjà gagnéun prix international! Anne Gosselin PantoutePatricia Green et Carolyn Hemming, Transcontinental, 198 p., 34,95$SALADES<strong>Le</strong>s différentes publications de la collection Cuistot convientà chaque fois le lecteur à une expérience visuelle etculinaire qu’on peut dire exaltante. Ce nouveau titre ne fait pas exception à larègle. Chaque page de ce livre propose de belle manière une recette qui présenteun attrait gustatif certain. Ce sont donc plus de cent recettes qui s’offrent à nospapilles. Concises, simples à préparer, avec desingrédients nourrissants et faciles à dénicher, celles-cisont présentées d’aguichante façon et nous donnent legoût de les essayer l’une après l’autre, tellementl’équilibre d’attraits entre les diverses recettes estprésent. Une attention digne de mention a été apportéeaux suggestions de différentes vinaigrettes assorties.Dorénavant, mon livre préféré sur les salades. Vivementl’été! Harold Gilbert SélectCollectif, Modus Vivendi, 256 p., 19,95$LE LIBRAIRE • JUIN-JUILLET 2011 • 57


LES CHOIX DE LA RÉDACTIONjardinageAvec sa collection « <strong>Le</strong> jardinier paresseux », Larry Hodgson fait figure de référence enmatière de jardinage au Québec pour quiconque n’a pas peur de se salir les mains dansla terre fraîche. Grâce à La Bible des vivaces du jardinier paresseux, un véritable pavémagnifiquement illustré aux couleurs de l’été, que vous ayez le pouce vert ou unetendance à faire mourir les cactus n’aura plus aucune importante. <strong>Le</strong> journaliste horticoleémérite vous accompagnera dans toutes les étapes de la créationd’un jardin de vivaces digne de ce nom, de l’aménagementpaysager à la multiplication desLA BIBLE DES VIVACES DUJARDINIER PARESSEUXLarry HodgsonBroquet626 p. | 39,95$boutures, et ce, une plante àla fois. Hémérocalle et pivoineherbacée, tant de jolis nomspour toutes ces jolies fleurs quiégayeront vos plates-bandes cettesaison!La réputation de la collection « pour les nuls » n’est plus à faire : aussi pouvez-vous vousfier à cet ouvrage pour réaliser votre premier jardin sans crainte de transformer la couren champ de mines. L’édition spéciale Québec, adaptée à notre climat, vous indiqueracomment choisir vos plantes selon le thème de votre jardin, quelsoutils et techniques sont appropriés pour votre projet personnel,ce que vos annuelles, vivaces, arbustes ouLE JARDINAGEPOUR LES NULSCollectifFirst396 p. | 34,95$fines herbes exigeront de vous au cours deleur vie et bien entendu, commententretenir le tout dans le respect del’environnement. Allez, à vos binettes :l’heure est venue de planter les tomates!Pages d’histoireMay Cutler (4 septembre 1923 - 3 mars 2011). May Cutler fut la premièrefemme éditrice de livres jeunesse au Canada ainsi que la fondatrice deséditions Toundra, bien connues pour avoir publié l’indémodable de RochCarrier ainsi que plusieurs ouvrages de Gilles Tibo et de Stéphane Poulin.Pionnière, l’éditrice et auteure montréalaise souhaitait faire connaître lesartistes de son pays à un large éventail de jeunes. Elle a dirigé son entreprisependant vingt-huit ans, avant de la céder à l’éditeur McClelland & Stewart.Cutler se consacra alors à la vie municipale, occupant le poste de mairesse deWestmount entre 1987 et 1991.Olive Patricia Dickason (6 mars 1920 - 12 mars 2011). Née au Manitobaen 1920, Olive Patricia Dickason a été journaliste pour le <strong>Le</strong>ader-Post deRégina et a enseigné à l’Université d’Alberta. Décorée de l’Ordre du Canada etdu National Aboriginal Achievement Foundation pour l’ensemble de sacarrière, elle est l’auteure de plusieurs ouvrages dont <strong>Le</strong>s Premières nationsdu Canada et <strong>Le</strong> Mythe du sauvage (épuisé), tous deux publiés en françaispar les éditions du Septentrion.H. R. F. Keating (31 octobre 1926 - 27 mars 2011). L’écrivain de polarsbritannique Henry Reymond Fitzwalter Keating a publié durant sa carrièreprès de cinquante romans, dont une série mettant en scène l’inspecteurGhote, qui contient vingt-quatre tomes, la plupart publiés chez Fayard.Quelques-uns de ses ouvrages ont été adaptés au cinéma, dont Un meurtreparfait. Plusieurs de ses romans policiers sont disponibles en format pochechez L.G.F., parmi lesquels Meurtre à Malabar Hill et La mort en question.Diana Wynne Jones (16 août 1934 – 26 mars 2011). L’écrivainebritannique pour la jeunesse Diana Wynne Jones est l’auteure de plusieursséries fantastiques, dont « Chrestomanci » aux éditions Gallimard (Ma sœurest une sorcière, <strong>Le</strong>s neufs vies du magicien) et « L’Odyssée Dalemark » auxéditions Baam!, elle avait étudié à Oxford auprès de C. S. <strong>Le</strong>wis et J. R. R.Tolkien. Son œuvre fut internationalement acclamée par la critique.Dominique Desanti (1920 – 8 avril 2011). Historienne, biographe etjournaliste de renommée internationale, Dominique Desanti fut une grandefigure de la résistance française et une amie de Simone de Beauvoir et deJean-Paul Sartre. Elle était l’épouse du philosophe Jean-Toussaint Desanti,auteur des Variations philosophiques. Outre les biographies de Sacha Guitryet de Vladimir Nabokov, elle fit paraître de nombreux romans au cours de savie, parmi lesquels <strong>Le</strong>s Grands Sentiments (Grasset), Un métier de chien(Flammarion), Rue Campagne-Première (J.-C. Lattès) et <strong>Le</strong>s Années passion(Renaissance).58 • LE LIBRAIRE • JUIN-JUILLET 2011Ara Kermoyan (1930 – 5 avril 2011). L’éditeur de renom Ara Kermoyanfonda en 1972 la maison d’édition Art Global, aujourd’hui consacrée à lapublication de livres d’art, de littérature et d’histoire. Membre du conseild’administration de l’ANEL entre 1994 et 1997, il a fait profiter de sesgénéreux conseils nombre d’éditeurs et d’artisans du livre. Son dernier projetde livre, Masques de Richard Labbé, est paru le 23 mars dernier.Ernesto Sábato (24 juin 1911 - 30 avril 2011). Ernesto Sábato était ledernier d’une génération d’écrivains argentins dont la rectitude morale, aumilieu du chaos politique durant la Guerre sale les avait fait connaître bienau-delà de leur lectorat. Son premier roman, El Túnel (<strong>Le</strong> Tunnel, Seuil, 1947),lui a valu un certain respect, mais ce sont ses deux suivants, Sobre Héroes yTumbas (Héros et tombes, Seuil, 1961) et Abaddon el exterminador (L’angedes ténèbres, Seuil, 1974) et ses nombreux essais qui lui ont valu saréputation. Dans ses livres, Sábato explorait les thèmes de l’isolement et dumanque de communication entre des individus pris au centre d’événementsqu'ils ne peuvent contrôler.


Tableau d ’honneurPerrine <strong>Le</strong>blanc, Combatdes livres 2011 pourL’homme blanc (<strong>Le</strong>Quartanier).Victor Cohen Hadria,Prix des Libraires deFrance pour <strong>Le</strong>s troissaisons de la rage (AlbinMichel).Fabrice Humbert, PrixRTL-Lire pour La fortunede Sila (<strong>Le</strong> Passage).Jean-Jacques Pelletier,Prix du mérite du françaisdans la culture pourl’ensemble de son œuvre(Alire).Bi Feiyu, Prix littéraireMan Asian pour Troissœurs (Philippe Picquier).Shaun Tan, Prix AstridLindgren pour l’ensemblede son œuvre (Gallimardjeunesse).Monique <strong>Le</strong>tarte, Prixlittéraire Radio-Canadacatégorie Récit pour Elleen moi.Alain-Bernard Marchand,Prix littéraire Radio-Canada catégorie Poésiepour Chants d’un autresiècle.Isidore Guy Makaya, Prixlittéraire Radio-Canadacatégorie Nouvelle pour <strong>Le</strong>cas Makosso.Johanne Mercier, Prix decréation littéraire deQuébec, volet Jeunesse,pour Mes parents sontgentils… mais tellementparesseux! (FouLire).Dominike Audet, Prix decréation littéraire deQuébec, volet Adulte, pourL’âme du minotaure (VLB).Micheline Lachance,Grand Prix du livre de laMontérégie, catégorieFiction Adulte pour <strong>Le</strong>sfantômes de mon père(Québec Amérique).Francis Malka, Prixspécial du jury de laMontérégie pour Lanoyade du marchand deparapluies (Hurtubise).Sylvain Meunier, GrandPrix du livre de laMontérégie, catégorieJeunesse (primaire) pourGermain, l’histoire de monchien (La courte échelle).Nadine Descheneaux,Grand Prix du livre de laMontérégie, catégorieJeunesse (secondaire)pour Coup de pierre(Boomerang).Robert Soulières, GrandPrix du livre de laMontérégie, catégorieAlbum pour <strong>Le</strong> premier jour(<strong>Le</strong>s 400 coups).Micheline Lachance etMarie-Paule Villeneuve,Grand Prix du livre de laMontérégie, catégorieEssai pour Rosalie Jetté etles filles-mères au XIX esiècle (<strong>Le</strong>méac) et <strong>Le</strong> tiersmondeau fond de nos bois(Fides), ex-aequo.Pierre Labrie, Prix Rina-Lasnier de la poésie pourMémoires analogues (Trois-Pistoles).Agnès Gruda, prixAdrienne-Choquette pourOnze petites trahisons(Boréal).Liliana Lazar, prixQuébec-France Marie-Claire-Blais 2011 pourTerre des affranchis (Gaïa).Michel <strong>Le</strong>boeuf, PrixHubert-Reeves 2011 pourNous n’irons plus au bois(Vélo Québec Éditions).Michel J. Lévesque,Prix jeunesse des universparallèles 2011 pourSoixante-six : <strong>Le</strong>s tours duchâteau (<strong>Le</strong>sIntouchables).Amitav Ghosh, GrandPrix littéraireinternational Metropolisbleu 2011 pour Un océande pavots (Robert Laffont).Hélène Harbec, PrixChamplain pour Chambre503 (David).Gracia Couturier, Prixdes lecteurs Radio-Canadapour Chacal, mon frère(David).Claire Boulé, Prix <strong>Le</strong>Droit pour Sortir du cadre(David).Serge Doubrovsky, Grandprix de Littérature de laSociété des gens de lettrespour l’ensemble de sonœuvre.Max Pons, Grand prix dePoésie de la Société desgens de lettres pourl’ensemble de son œuvre.Marvin Victor, Grand prixdu Roman de la Sociétédes gens de lettres pourCorps mêlés (Gallimard).Hubert Mingarelli, Grandprix de la Nouvelle de laSociété des gens de lettrespour La lettre de BuenosAires (Buchet-Chastel).Denis Cosnard, Grandprix de l’Essai de laSociété des gens de lettrespour Dans la peau dePatrick Modiano (Fayard).Yveline Féray et AnneRomby, Grand prix duLivre jeunesse de laSociété des gens de lettrespour L’Oiseau magique(Picquier jeunesse).Par Josée-Anne Paradis et Alice Méthot<strong>Le</strong>s romans en GROS CARACTÈRES du printempsPour les jours de vacances, pourquoi ne pas proposer à ceux qui doivent sortir lunettes ouloupe pour profiter de la lecture quelques ouvrages adaptés à leurs besoins? La collectionFocus, dont la typographie en gros caractères ravit ceux qui n’arrivent pas à déchiffrer leslivres de poche, offre ce printemps quatre nouveaux titres : Azalaïs ou La Vie courtoise deMaryse Rouy, <strong>Le</strong>s <strong>Le</strong>ndemains de novembre de Micheline Duff, La Femme de la fontained’Élizabeth Filion et <strong>Le</strong> fort intérieur de Suzanne Aubry. Guy-Saint-Jean éditeur, avec déjàquarante titres à son actif dans la collection Focus, continue ainsi à diffuser la littératurequébécoise auprès de tous les types de lectorat.Robert Lévesque en résidenceNotre collaborateur de longue date Robert Lévesque, qui tient dansles pages du <strong>libraire</strong> la chronique « En état de roman », a obtenu laBourse d’écriture Gabrielle-Roy 2011. <strong>Le</strong> journaliste et essayisteoccupera ainsi la résidence de la romancière située à Petite-Rivière-Saint-François durant tout l’été. « Peut-être que j’attraperai, envivant dans sa maison, quelque chose d’elle », a-t-il déclaré à Radio-Canada. <strong>Le</strong> séjour dans la maison de l’auteure de Bonheurd’occasion est assorti d’une bourse de 4000$. Par ailleurs, Robert Lévesque faisait paraîtrecet hiver un nouvel ouvrage aux éditions du Boréal intitulé Déraillements.Tél. : 418 877-3110 • editions@gidweb.com • leseditionsgid.comLE LIBRAIRE • JUIN-JUILLET 2011 • 59


LE LIBRAIRE CRAQUE!beau livreL’AUTOMOBILISME ET SES TÉMOINS <strong>Le</strong>s Éditions GID se distinguent par lariche mise en valeur de la passion deses auteurs pour le Québec : ce nouvel ouvrage corrobore ce fait de belle manière.Serti d’une mise en page exemplaire, d’images et de photos plus évocatrices lesunes que les autres, le livre présente habilement l’aspect sociologique relié audéveloppement automobile au XX e siècle. D’abord objetpétaradant suscitant crainte et curiosité, l’automobile estvite devenue bien de consommation indispensable.L’auteur réussit à nous présenter les transformations denos mœurs provoquées par la présence du « moteur surroues ». C’est une belle aventure hors du commun qui nousest proposée et qui réussit à nous convaincre que, malgréles problématiques qu’elle engendre, l’automobile demeureun gros jouet. Harold Gilbert SélectL’UNIVERS FANTASTIQUE DE LAURENT LAFLEUR Chacun de ceux qui oserontpénétrer dans L’universfantastique de Laurent Lafleur y découvriront quelque chose de différent. Sesdeux livres précédents nous faisaient voyager dans Charlevoix à travers sespeintures, mais cette fois-ci, nous explorons son univers fantastique : il nousdévoile qui il est, comment il travaille et plusieurs autresdétails de sa vie. Par la suite, nous voyageons à travers sespeintures à la rencontre d’un monde fantastique rempli delutins, de fées et de toutes sortes d’objets flottants. Nous yretrouvons son exceptionnelle attention aux détails, son sensde l’humour, son romantisme, son amour de la nature, tandisque de petites créatures écologiques nous passent le messageen douce. Si vous voulez vous y aventurer, il n’en tient qu’àvous : bon voyage! Diane Skeates ModerneCARROSSERIE :UNE HISTOIRE DE STYLEGuy Thibault, GID, 192 p., 39,95$Laurent Lafleur, GID, 160 p., 49,95$La carrosserie d’une automobile, base de lapersonnalité prêtée à chacune des marques, aconstamment incité les designers dans le domaineà rivaliser d’audace. Aérodynamisme et pureté des lignes sont souvent lesleitmotivs de ces créateurs de l’ombre. Serge Bellu, une sommité dans le domainede la littérature automobile, nous présente de bellemanière les grands courants esthétiques qui ont marquéles années 20 et 30, décennies qui ont inspiré à la voituredes formes qui trouvent écho dans les prototypesd’aujourd’hui et de demain. La beauté des images duphotographe De Nombel nous confirme que le designautomobile a une place tout à fait méritée dans leroyaume de l’œuvre d’art. Tantôt sensuelle, tantôtbaroque, souvent futuriste, la carrosserie estvéritablement l’âme de l’automobile.Harold Gilbert Sélect Serge Bellu, La Martinière, 230 p., 74,95$LES CHOIX DE LA RÉDACTIONbeau livrePlusieurs ont déjà vu la célèbre affiche jaune et rouge de la Tournée du Chat noir, maispeu sont en mesure de dire de quoi il s’agit. Un spectacle du Moulin Rouge? <strong>Le</strong> nom d’unetroupe? Un célèbre cabaret? La réponse, on la découvre dans Burlesque, signé par l’historienMichel Grondin et l’artiste Scarlett James. Cet ouvrage, agrémenté de multiplesphotographies, brosse le portrait de l’art burlesque, de ses débuts dans l’Antiquité jusqu’àla place qu’il occupe actuellement dans les arts de la scène.Y sont dépeintes les stars deBURLESQUE. L’ARTET LE JEU DE LASÉDUCTIONMichel Grondinet Scarlett JamesCogito336 p. | 36,95$cette discipline, des femmesmagnifiques aux costumesexcentriques dont les plumes et lesdiamants retiennent le regard. Celivre fait la preuve que l’audace n’ad’égale que l’imagination du public.L’église de la Nativité de Bethléem, les routes ensoleillées de Compostelle, les sommetsenneigés de Lhassa : chaque année, ces lieux mythiques, aux noms qui font rêver, attirentdes milliers de pèlerins et de voyageurs. Ces cathédrales, temples et monastèresinspirent des sentiments de grandeur divine tandis que les canyons, montagnes et îlesaux paysages grandioses font figure de sanctuaire. En découvrant les sites fascinantsconsignés dans ce beau livre, nul doute que notre perception du monde se trouverachangée. Et si tous n’auront pas la chance de pénétrer dansles pyramides de Méroé au Soudan ouDESTINATIONSMYSTIQUES ETSPIRITUELLESCollectifBroquet240 p. | 29,95$de vagabonder dans la Forêt desPagodes en Chine, il restera toujoursla Basilique Sainte-Anne-de-Beaupré,dans laquelle il est possible de faireune prière aux côtés de l’un de ses1,5 millions de visiteurs annuels.Valérie Hébert et Stéphane Marchand entreprenaient l’aventure de leur vie en 2009 entraversant le Canada à vélo afin d’amasser des fonds pour la société de la sclérosesystémique (Sclérodermie), une maladie dont souffre le père de la jeune femme. Pourtant,les deux cyclistes en herbe ignoraient tout de ce qui les attendait : la douleur, la soif,l’intense fatigue, le danger des voitures qui vous dépassent à toute vitesse et des chiensqui tentent de vous mordre les mollets! Mais ce n’est rien à côté de la beauté despaysages, des amitiés créées en chemin, du sentiment d’accomplissement quand, aubout d’une route de <strong>65</strong>53 km parcourus en 84 jours et de 8544$ amassés, on revientchez soi, accueilli par ceuxVÉLO D’UN OCÉANÀ L’AUTREValérie Hébert etStéphane MarchandModus Vivendi256 p. | 24,95$qui nous aiment. Voilà lepériple de ce coupleinspirant qui a choisi une viede liberté et de grandsespaces, au nom d’unecause louable.60 • LE LIBRAIRE • JUIN-JUILLET 2011MASQUES<strong>Le</strong> fait que l’auteur, journaliste émérite, soit diplômé enhistoire de l’art explique pourquoi ce livre tient presquedavantage du livre d’art que de sport. En effet, les trente masques de gardiensde but de hockey qui nous y sont présentés ont étésélectionnés pour leurs qualités picturales plutôt que pourle talent de ceux qui les ont portés. Bien sûr, les différencesentre les techniques de peinture d’hier et d’aujourd’huisurprennent mais, malgré leur simplicité apparente, lesmasques de Ken Dryden ou de Gerry Cheevers conserventtoujours leur mythique beauté. <strong>Le</strong> commentaire assorti estdes plus intéressants car les gardiens y sont cités, ce quipermet de bien comprendre l’origine et les étapes duperfectionnement de cette pièce d’équipement distinctive.Pour amateur d’art et/ou de hockey.Harold Gilbert SélectRichard Labbé, Art Global, 144 p., 34,95$Gaspésie la rebelle et l’insoumise, la sauvage, la solitaire. Avec son écriture écorchée,Sylvain Rivière raconte les paysages grandioses entre Sainte-Flavie et Carleton, les« mangeux de morues » fiers et vaillants ou les côtes de la « Floride des pauvres ». Celong poème escarpé comme le rocher, il l’avait fait paraître il y a quelques années, maisjamais on ne l’avait vu illustré ainsi. Se joignent aujourd’hui àlui les photographes Maude Jomphe et Chantal Soucy, toutesdeux natives de ce beau pays, quiLA GASPÉSIEPAR-DEVANTSylvain RivièreTrois-Pistoles246 p. | 49,95$croquent et offrent sur le vif unebanque incroyable de photos inédites,certaines datant des années 1920 et1930. Un voyage dans le passé qui envaut le coup.


LE LIBRAIRE CRAQUE!littérature jeunesseL’AMOUR À MORT Lorsque Juliette apprend qu’elle est séropositive, ellen’ose pas y croire. Ça ne peut pas lui arriver à elle,c’est insensé. Elle n’a fait l’amour qu’une seule et unique fois.Mais elle ne s’est pas protégée, et il ne suffit que d’une fois.Ce roman est le reflet de la situation de toutes ces personnesqui souffrent de cette maladie. Juliette nous raconte sonhistoire, comment sa vie a changé. <strong>Le</strong>s relations avec les autresdeviennent tendues, la peur s’installe, la confiance estébranlée et la tristesse atteint les cœurs. Mais Juliette nousdécrit sa volonté de vivre et de se battre contre cette maladie.Plusieurs personnes se reconnaîtront dans cette histoire et quisait, l’espoir renaîtra peut-être pour quelques-unes. Dès 14 ansCaroline Larouche <strong>Le</strong>s BouquinistesLA PRINCESSE QUI N’AIMAITPAS LES PRINCESCorinne De Vaily, De Mortagne, 240 p., 16,95$Il était une fois un conte tout ce qu’il y a de plusclassique : on y raconte l’histoire d’un roicherchant désespérément à marier sa princesse defille. Mais voilà, les princes défilent, certains venant de l’autrebout de l’univers, et chaque fois, la jolie princesse lescongédie sans fléchir. Puis, en dernier recours, vient une féepour prendre les choses en main… et le visage de la princesses’éclaire enfin d’une lueur vieille comme le monde : c’est dela fée qu’elle est amoureuse. Elles filent alors ensemble etvivent heureuses pour toujours. La princesse qui n’aimait pasles princes : un conte surprenant et savoureux qui fait réaliseravec une simplicité et une douceur infinies que l’amour n’apas de sexe. Dès 7 ans Marie-Soleil Cool-Cotte CarcajouAlice Brière-Haquet (textes) et Lionel Larchevêque (ill.), Actes Sud Junior, 38 p., 12,95$POUPÉEPoupée, c’est le récit de Florence, une jeune fille de 15 ans.Elle vit une belle histoire d’amour avec Étienne, un garçonplus vieux qui la gâte en vêtements, bijoux, qui est aux petits soins avec elle.Pourtant, un jour tout bascule : elle devient une poupée de« l’écurie » de son beau Étienne et se retrouve prise au piègede la prostitution juvénile. Florence, alias Tiffany, parviendrat-elleà se sortir de cet enfer? Gabrielle, son amie de toujours,restera-t-elle à ses côtés ou la rejettera-t-elle avec son lot depréjugés? Elle lui avait pourtant bien dit de se méfierd’Étienne… Un livre qui nous fait réaliser à quel point le piègepeut se refermer vite sur nous. En effet, à part Gabrielle qui aémis quelques doutes, personne d’autre n’a rien vu venir. Unlivre percutant. Dès 13 ans.Josée Pagé MartinMonique Polak, La courte échelle, 224 p., 14,95$LE COMPLEXE D’ATLANTIS.ARTEMIS FOWL (T. 7)C’est toujours avec un grand enthousiasme, jedirais même une certaine excitation, quej’entame la lecture d’un « Artemis ». En effet,les aventures de ce génie de 15 ans, membre d’une dynastie de voleurs célèbres,nous font pénétrer à chaque fois dans un universextraordinaire. Cette fois, Artemis, équipé d’une technologiesophistiquée, de son intelligence hors du commun et de sesmoyens financiers colossaux, veut entrainer ses alliés duPeuple des fées dans son plan pour sauver la planète duréchauffement climatique. Mais ses amis découvrirontrapidement qu’Artemis n’est plus lui-même. De fait, il estaffligé d’une étrange maladie : le complexe d’Atlantis. Encoreune fois le talent, l’humour et l’imagination de l’auteur EoinColfer nous enchantent. Bravo! Et vivement la prochaineaventure d’Artemis! Dès 12 ansHélène Talbot Boutique VénusEoin Colfer, Gallimard, 406 p., 27,95$COMPTE AVEC MOI!Après Charles à l’école des dragons, illustré parPhilippe-Henri Turin, notre poète préféré nousrevient pour une nouvelle aventure destinée aux tout-petits. Même si être undragon à notre époque est vraiment cool, cela comporte malheureusementquelques petits problèmes. Eh oui, Charles veut compterjusqu’à dix, mais il n’a que huit griffes! Ne faisant ni une nideux, il demande de l’aide au jeune lecteur. Entre lapins,papillons et autres copains, l’enfant s’immergera vite dans celivre cartonné fort original. Ce dernier se déplie sur plus d’unmètre, avec un côté pour la théorie et un pour la pratique.L’exercice consiste alors à retrouver toutes les élémentsdécomptées. Un beau livre, que même adulte on prend plaisirà ouvrir; et puis, ça ne peut pas faire de mal de revoir certainesbases de mathématiques! Dès 3 ansTania Massault PantoutePhilippe-Henri Turin, Seuil, 24 p., 21,95$LE SUBTIL PARFUM DU SOUFFRE.A COMME ASSOCIATION (T. 4)Ombe est aussi caractérielle que dans le1 er tome, mais il faut croire quel’expérience porte ses fruits, car elle essaiecette fois de rester en un seul morceau. Enfin, si l’on omet le fait qu’elle tombeamoureuse d’un loup-garou, elle semble assagie. L’association de Pierre Botteroet d’Erik L’Homme ravira les amateurs de fantastiquehumoristique. L’action continue à 1000 km/h, et c’estd’autant plus jubilatoire que l’on pensait ne plus rien pouvoirlire de cet auteur, décédé fin 2009. Il nous reste de lui despersonnages inoubliables, et Ombe a le charisme nécessairepour rejoindre le groupe d’Ellana et d’Ewilan. Que vous soyezdéjà mordus de Bottero ou que vous lisiez ce livre par hasard,vous serez emballés! Pour ceux qui en veulent plus,découvrez l’aventure parallèle de Jasper dans L’étoffe fragiledu monde. Dès 13 ans Tania Massault PantouteDERNIÈRE STATION Un jour, Marie-Ève plie les genoux et fait son ultimesaut… devant le métro. Elle ne veut plus vivre, c’esttrop difficile. Cette fois elle y arrivera… Mais non, elle ne réussit pas. Par quelmiracle? <strong>Le</strong> désir de vivre, finalement. Elle est à l’hôpital, toute brisée, maisconsciente de la rage de vivre qui s’anime tout à coup dans chaque fibre de soncorps. C’est alors que commence la renaissance. <strong>Le</strong> souvenir dece qu’était sa vie avant et la projection de ce que sera sonavenir. Un livre rempli de peurs, de colère mais aussi porteurd’espoir. Pour tous ceux qui ont mal à l’intérieur ou qui veulentcomprendre ce mal. Un cri du cœur, une réponse de la vie.Fidèle à elle-même, la collection Tabou réussit à nous toucherencore en abordant ce qu’ont vécu les adolescents d’hier et ceque vivent ceux d’aujourd’hui. Ce livre résonne pour tous ceuxqui veulent savoir… Dès 14 ans Caroline Larouche <strong>Le</strong>s BouquinistesLinda Corbo, De Mortagne, 192 p., 16,95$Pierre Bottero et Erik L’Homme, Rageot/Gallimard, 180 p., 16,75$TERRIENNECe roman commence simplement : une route decampagne, un vieil écrivain ayant perdu sonimagination et Anne, une adolescente faisant de l’auto-stop sur une routedépartementale. Dès la première page, on est happé parl’histoire : une intrigue mystérieuse et envoûtante se tisselentement sous nos yeux... Anne cherche à retrouver sa sœuraînée disparue depuis un an. Il nous faut aussi franchir « laporte de l’ailleurs », ce monde froid et aseptisé, et avancerdans le brouillard, comme Anne sur la couverture du roman.Une aventure où l’on sera incrédules, bouleversés, impatientset émerveillés. Un roman que l’on termine avec un grandbesoin de respirer... Dès 12 ans Martine Lamontagne PaulinesJean-Claude Mourlevat, Gallimard, 386 p., 24,95$LE LIBRAIRE • JUIN-JUILLET 2011 • 61


LES CHOIX DE LA RÉDACTIONlittérature jeunesseAprès s’être substitué à l’emprise de la nymphe Calypso, qui le retenait prisonnier surson île, le héros de Troie, Ulysse, errera durant une décennie sur les eaux houleusesriches en aventures avant de pouvoir rejoindre sa douce Pénélope et leur fils Télémaque.Cette agréable adaptation de L’Odyssée plaira autant aux petits qui liront Homère pourla première fois qu’aux adultes qui souhaitent replonger dans cet univers épique.L’excellente traduction, littéraire mais à la portée de tous, rend ce classique accessible,tandis que les illustrations, nombreuses et souvent cocasses, en allègent la lecture. <strong>Le</strong>séditions de La Bagnole et Soulières éditeur offrent une foisde plus un petit bijou,LA FABULEUSE ODYSSÉE D’ULYSSEHomère, Rosa Navarro Durán(adapt.), Ian Ericksen (trad.) etFrancesc Rovira (ill.)La Bagnole et Soulières éditeur224 p. | 18,95$qu’on lit avec plaisiret délectation, et nousdonnent ainsi accès à nostrésors littéraires.Dès 7 ansQuel plus beau plaidoyer pour le livre papier que celui que l’on retrouve dans l’albumC’est un livre! Ce récit laconique, mais ô combien marquant, met en scène un âne et sonordinateur, de même qu’un singe et son livre. Alors que l’âne tente par tous les moyenspossibles de convaincre le singe que son bidule électronique est plus agréable, drôle,intéressant et amusant que son livre, voilà que le seul argumentdu singe consiste à prêter ledit livre pour que l’âne en fasse luimêmeun essai… Non, il n’y a ni code d’accès, ni musique, niclavardage possibles dans un bouquin : ilC’EST UN LIVRELane SmithGallimard32 p. | 17,95$n’y a que la magie qui s’en échappe ethappe le lecteur qui prend le temps dedonner sa chance à ce drôle d’objet dontl’avenir est encore incertain… Dès 3 ansIl y a quarante ans, Jacques Ferron avait imaginé l’histoire pour adultes de Tinamer, unejeune fille qui découvre la magie que recèle la forêt bordant la maison familiale. Despersonnages plus grands que nature y côtoyaient alors la vie et ses réelles difficultés. Àmaintes reprises, ce texte fut analysé comme étant une métaphore d’un peuple cherchantson indépendance. Cette fois, Denis Côté a humblement remis la main à la pâte etremanié les mots mythiques de Ferron pour adapter ce récitaux attentes des plus jeunes. <strong>Le</strong> monde onirique s’y trouvetoujours, tout autant que le cheminL’AMÉLANCHIERJacques Ferron, DenisCôté et Anne-Sol (ill.)Planète rebelle68 p. | 24,95$que devra parcourir la jeune Tinamer.Accompagné d’un CD, où le livre estlu par Johanne Marie Tremblay, cetexte saura plaire aux jeunes commeaux fidèles de Ferron! Dès 7 ansEn France, la Petite Souris récupère les dents des petits. Mais au Québec, tout lemonde sait que ce boulot revient à la Fée des dents. Et Philippe n’est pas sans lesavoir. À l’école, c’est un vrai tourbillon pour lui : son enseignante cache un biengrand secret (lire Mon prof est une sorcière), son concierge également (<strong>Le</strong> père Noëltravaille à mon école) et… et voilà que la Fée des dents semble aussi travaillerdans cet établissement! Sinon, d’où proviendraient ces lettresau parfum de dentifrice? Mais comment la Fée pourrait-elleconnaître le casier de Philippe et son numéro de téléphone?Élaine Turgeon, auteure et conseillèreLA FÉE DES DENTSM’A POSÉ UN LAPINÉlaine TurgeonQuébec Amérique112 p. | 9,95$pédagogique, nous entraîne dans ununivers passionnant, où il est plusimportant de poser les bonnes questionsque de croire, ou non, en la magie!Dès 8 ansEst-elle tannante, espiègle ou tout simplement naïve? Simone, c’est une catastrophe surdeux pattes! Oui, il s’agit bien de la Simone qui avait caché dans son sous-sol 400 litresde crème glacée, laquelle avait bien entendu fondu! Cette fois, elle a la merveilleuseidée d’emprunter les poux du voisin pour les dompter et leur apprendre des acrobatiesdignes d’un cirque! En mettant son plan à exécution, elle ne se doute cependant pasque les poux ne sautent pas que dans les cerceaux en feu, maiségalement de tête en tête… <strong>Le</strong>s illustrations, aussi colorées ettordues que l’histoire, retiendrontSIMONE ET LA PLUSBELLE JOURNÉE DE L’ÉTÉSarah Lalonde (textes)et PisHier (ill.)<strong>Le</strong>s 400 coups32 p. | 16,95$l’attention des enfants, qui rirontaux larmes tandis que leursparents, découragés devantautant de sottises, ne pourronttoutefois réprimer un petit sourire!Dès 5 ansUne mère absente devenue aussi froide qu’un glaçon, un garçon de 9 ans qui essaiede comprendre la violence en se battant après l’école, un bébé de quelques moisqui ne veut que des câlins et une grande sœur qui prend tout sur ses épaules :voilà la famille de Nathan. Mais ce dernier a fait son choix : il a décidé de partiren mission, six mois, en Afghanistan. Charlotte Gingras, àqui l’on doit le magnifique Ophélie, aborde une fois de plusde sa plume habile un sujet ambitieux, cette fois dans unrécit polyphonique où s’entrecroisent la douleur et lasolitude des deux aînés. L’absence, laGUERRESCharlotte GingrasLa courte échelle160 p. | 16,95$souffrance, l’hostilité : autant dethèmes difficiles que l’auteure évoqueavec toute la douceur que lui permetson écriture si près des émotions. Dès13 ans62 • LE LIBRAIRE • JUIN-JUILLET 2011Pas surprenant que Si près, magnifique album traduit de l’espagnol qui met en scènedeux animaux sans fioritures, ait remporté le Prix international Compostelle 2008. Eneffet, le lecteur attentif découvrira une histoire riche, non seulement dans le récit,pourtant laconique, mais également dans les images texturées, colorées et naïves quien dévoilent beaucoup sur la véritable trame narrative. <strong>Le</strong>s déambulations de MonsieurLapin et de Monsieur Canard, deux personnages quisemblent avoir tout pour être amis, sauront maintenir lesuspense puisque ces deux comparses se croisentsouvent, sans pourtant se connaître...SI PRÈSNatalia ColomboImagine32 p. | 12,95$Un récit sur l’amitié pure, où l’onréalise qu’il est parfois si simple depasser à côté du bonheur; doncégalement si simple de l’attraper auvol! Dès 4 ansQuoi de plus amusant qu’une histoire dont le rythme est rapide et où les péripétiesn’attendent pas la fin d’un chapitre pour se déployer? De prime abord, Gus sembletout à fait ordinaire. Mais il a une amie, Flo, qui l’entraîne sans cesse dans denouvelles galères. Cette fille énergique, qui parle encore plus qu’une pie, a eucette fois une drôle d’idée : grimper à la cime d’un pin pour atteindre la Lune!Chose imaginée, chose faite, voilà nos deux acolytes en cavalesur l’astre de la nuit. Ils y feront des rencontres surprenantes,et différentes aventures ne tarderontpas à se présenter à eux. <strong>Le</strong>sGUS ET FLO, NUITBLANCHE SUR LA LUNEEsther Poirier (texte) etFabrice Boulanger (ill.)Pierre Tisseyre104 p. | 9,95$superbes illustrations de FabriceBoulanger viennent ajouter unetouche de folie supplémentaire àcette histoire déjà extraordinaire.Dès 8 ans


C’est à l’université,grâce à un professeurpassionnant, queNathalie Ferraris esttombée amoureuse deslivres pour enfants.À tel point qu’elle acommencé à encritiquer, puis àen écrire.AU PAYS DES MERVEILLESLA CHRONIQUE DE NATHALIE FERRARISlittérature jeunesseBêtises de jeunesseJ’ai un oncle de sept ans mon aîné. Il s’appelle Mario. Quand j’étais petite et qu’il devaitveiller sur moi, il m’entraînait dans ses folles aventures. Que de bêtises il m’a fait faire!Afin d’obtenir un seul quartier de l’orange qu’il épluchait, Mario me demandait, toutsourire, de compter jusqu’à deux cents. Pour ne pas payer l’entrée au ciné-parc deSaint-Eustache, il me faisait escalader le mur de pierres qui entourait le populaireendroit. <strong>Le</strong> matin, il prenait un malin plaisir à étaler une couche bien épaisse de beurred’arachides sur mes rôties et riait de me voir mastiquer comme une vache. Ah oui,Mario aimait beaucoup aussi me caler au fond de la piscine. Un vrai grand frèrepour moi!Bêtises d’aîné, de cadet et de benjaminEn matière de bêtises et de fratrie, l’auteur Cary Fagan s’y connaît. Étant le plus jeuned’une famille de trois garçons, il a plongé dans sa boîte à souvenirs pour raconter, sousle ton de la confidence, quelques anecdotes de son enfance dans un album remplide tendresse et d’espièglerie.Ainsi, comme le montre Mes grands frères et moi, il y a un certain avantage à être leplus jeune de la famille. N’est-il pas sécurisant en effet de savoir qu’on peut comptersur ses grands frères quand arrive un malheur? Qui d’autre qu’eux organiserait desfunérailles pour un lézard vert? Qui déborderait d’autant d’imagination qu’eux dansleurs jeux? Et qui d’autre ferait fuir à toutes jambes trois méchantes sœurs?d’ouvrir la fenêtre pendant qu’il pleut, de tirer sur la guirlande du sapin de Noël,d’arroser le petit frère au lieu des fleurs et de sauter à la corde à danser dans la cuisine.Quant à l’album C’est pas moi…, il montre l’inverse de ce qu’affirme un garçon, quinie avoir craché sur la vitre, fait monter le chien sur la table pour lécher les assiettes,renversé le pot de peinture rouge, coupé les cheveux de sa petite sœur ou lui avoirfait peur avec une araignée, et sauté sur le lit avec le chien.Se terminant sur ces deux phrases « Mais j’ai FAIT EXPRÈS de déposer un gros bisousur la joue de papa pour me faire pardonner! » et «Mais C’EST MOI qui ai déposé ungros bisou sur la joue de maman pour me faire pardonner! », ces petits livres carrésau style minimaliste ne se résument pas à une simple énumération de mauvais coups.Au contraire, ils apprennent au lecteur, grâce au dessin, les conséquences que peuventavoir les petites et les grosses bêtises. Dommage que ces livres n’aient pas existé aumoment où mon oncle se transformait en tortionnaire!Bêtises d’un petit qui veut devenir grandEn général, plus ils vieillissent, moins les enfants se livrent à toutes sortes de bêtises.Mon oncle Mario a mûri, et le plaisir qu’il prenait à me ridiculiser s’est transformé envolonté de m’apprendre des choses. Ensemble, nous avons vu le film Il était une foisdans l’Ouest et nous avons écouté tous les albums du groupe <strong>Le</strong>d Zeppelin. Luidevenait jeune adulte, moi préadolescente.Mais être le benjamin comporte aussi des désavantages. Mon oncle Mario me l’a bienmontré, et les grands frères du protagoniste de Mes grands frères et moi aussi. Ilsl’ont prouvé en échappant le héros alors qu’il n’était qu’un bébé d’une semaine. Ils luiont fait croire qu’il était riche en faisant passer de la pyrite de fer pour des pépitesd’or. Ils l’ont impliqué dans un incendie déclenché par des pétards et dans unejoute de soccer intérieur qui s’est terminée par le bris d’une figurine en porcelainerapportée d’Italie.Je ne me souviens pas m’être vengée des idioties de mon oncle. Mais le héros de Mesgrands frères et moi, lui, sait se défendre. Ayant une peur bleue du modèle réduit dumonstre de l’un de ses frères, le benjamin décide de passer à l’action : il donne undollar à l’aîné afin que ce dernier détruise à coups de marteau l’hideuse créature!Mise en valeur par les illustrations au style rétro de Luc Melanson, cette histoire decomplicité, d’admiration, de maladresses et de bêtises fera assurément rire les jeunes.Elle risque aussi de faire sourire les parents qui ont craqué pour le film C.R.A.Z.Y.Bêtises de frère et sœur<strong>Le</strong> tandem Pittau & Gervais est reconnu pour son humour grinçant et irrévérencieux.Dans J’ai pas fait exprès… et C’est pas moi…, l’auteur et l’illustrateur présentent ungarçon et une fillette qui en font voir de toutes les couleurs à leurs parents.<strong>Le</strong> premier album met en vedette une jeune fille qui dit ne pas avoir fait exprès dejeter le poisson rouge dans les toilettes, de refermer la porte sur la main du petit frère,Dans l’album Mais je suis déjà grand!, l’écrivain Michel Piquemal met en scène Piccolo,à qui ses parents disent qu’il est trop jeune pour aller seul dans la rue et pour regarderdes films de grands. Tenant à prouver qu’il n’est plus un bébé, Piccolo prépare ledéjeuner… et fait brûler les rôties. Il arrose les plantes… et inonde le salon. Petitesbêtises, mais bêtises quand même!Paru dans la collection Piccolophilo, cet album se termine par des jeux, desinformations et des réflexions sur des grandes questions : qu’est-ce que devenir grandet comment être une bonne grande personne? Un autre livre qui aurait pu figurerdans la bibliothèque de mon oncle!MES GRANDSFRÈRES ET MOICary Fagan (texte) etLuc Melanson (ill.)Scholastic32 p. | 10,99$J’AI PAS FAITEXPRÈS…Pittau & GervaisGallimard26 p. | 12,75$C’EST PAS MOI…Pittau & GervaisGallimard26 p. | 12,75$MAIS JE SUISDÉJÀ GRAND!Michel Piquemal(texte) et ThomasBaas (ill.)Albin Michel32 p. | 11,95$LE LIBRAIRE • JUIN-JUILLET 2011 • 63


École ActiveCollection AlbumsÀ saisir à 5-6 ans et à cultiver jusqu’à 8-9 ansPar Josée-Anne Paradis et Alice MéthotDernier « opus » d’Agota KristofAgota Kristof, à qui l’on doit la célèbre « Trilogie des jumeaux », épopée de deuxgarçons bien particuliers dans un pays sous l’occupation allemande, où famine etdouleur font partie du quotidien et où ils perdent peu à peu leur enfance, vientd’être couronnée par le prix Kossuth, la récompense culturelle la plus prestigieuseen Hongrie. Pour l’occasion, le <strong>libraire</strong> vous propose de vous replonger dans cetteœuvre marquée par la noirceur et la solitude, grâce à Romans, nouvelles, théâtrecomplet, publié dans la collection « Opus » du Seuil (1038 p., 54,95$). Un très belouvrage pour une si grande écrivaine!Quelle chance tuas!Prix : 17,95 $40 pages 25,55x 25,5 cmISBN : 978-2-35263-040-1Chaude la planètePrix : 18,95 $36 pages 26 x 26 cmISBN : 978-2-35263-018-0Papilles et Molécules aux États-Unis<strong>Le</strong>s livres de François Chartier Papilles et Moléculeset Recettes de Papilles et Molécules (La Presse) sontde véritables références dans le monde de lagastronomie et du vin. Pas étonnant, donc, que lesÉtats-Unis s’y intéressent autant! Dès 2012, lelivre de vulgarisation scientifique des arômesvinicoles, signé du populaire sommelier, seradisponible chez nos voisins du Sud auxéditions Wiley. Il s’agira du quatrième pays àacquérir les droits de Papilles et Molécules, qui avaitremporté le prix du Meilleur livre de cuisine au monde 2010 aux Gourmand WorldCookbook Awards.C’est moi la plusverte!Prix : 18,95 $34 pages 24,5 x 34,5cmISBN : 978-2-35263-012-8Une belle plante!32 pages 28 x 21,5 cmISBN : 978-2-35263-036-4Oko et l’oiseauPrix : 18,95 $30 pages 24,5 x 34,5 cmISBN : 978-2-35263-013-5Collection OHÉ la science!Autres titres :À l’eau! <strong>Le</strong> cycle de l’eauISBN : 978-2-35263-020-3<strong>Le</strong> tigre mange-t-il de l’herbe?ISBN : 978-2-35263-005-0Déménagement de la Librairiedu Centre du QuébecLa Librairie du Centre du Québec, membredes Librairies indépendantes du Québec(LIQ), à Drummondville, s’est jointe augroupe Buropro le 1 er octobre dernier. Quelquefois, le changement a du bon puisque depuisle 21 avril, le commerce est déménagé au 1050 boul. René-Lévesque, suite 200. Nouveauxlocaux, mais mêmes <strong>libraire</strong>s attentionnés pour les clients! Rappelons que la LibrairieSt-Jean, de Victoriaville, fait également partie, depuis peu, du groupe Buropro. Pourde plus amples informations ou tout simplement pour les curieux qui voudraientquelques choix de lecture et des commentaires critiques sur des ouvrages, visitez leLibrairieducentre.ca.64 • LE LIBRAIRE • JUIN-JUILLET 2011Adresses sous-marinesÉcosystème marin32 pages 21 cm x 27 cmISBN : 978-2-35263-014-2Un look nature!L’adaptation38 pages 21 cm x 27 cmISBN : 978-2-35263-010-4Distributeur exclusif au CanadaL’aventure du pollenISBN : 978-2-35263-008-1Ils ont du ressort! L’élasticitéISBN : 978-2-35263-033-3Ma petite usine! <strong>Le</strong>s organesISBN : 978-2-35263-015-9<strong>Le</strong>urs chers petits!La reproductionISBN : 978-2-35263-016-63770, BoulevardIndustriel, Sherbrooke(Québec)Canada J1L 1N6Téléphone : 514 525-4442Sans frais : 1 800 597-3116Télécopieur : 514 525-4443Internet : www.adl.qc.ca Courriel : commandes@adl.qc.caDaniel Bélanger écrivainL’auteur-compositeur-interprète Daniel Bélanger enfilel’habit d’écrivain le temps de faire paraître Auto-stop, unrécit-tirade en prose qui lance la nouvelle collection desAllusifs ayant pour thème <strong>Le</strong>s peurs. Après Erreurd’impression, il s’agit du second ouvrage de fiction duchanteur, qui s’est fait connaître grâce à l’album <strong>Le</strong>sInsomniaques s’amusent en 1992. En moins d’une centainede pages, Auto-stop explore la peur d’exister à travers leshumeurs et les errances d’un homme parti à la rencontred’une femme en Italie. On reconnaîtra sans mal dans cetexte la plume de l’auteur du « Parapluie » et de « Rêver mieux », qui, pour leprésent numéro, s’est prêté au jeu du Libraire d’un jour (p. 10).


LE LIBRAIRE CRAQUE!bande dessinéeMONTEFIORINO. LA MANO (T. 1) Paris, 2010. Dans un hôpital, un médecin sesouvient de ses années de jeunesse où lui etses amis avaient créé un groupe d’extrême gauche, La Mano. C’est son récit quenous suivrons. La couleur et le graphisme suggèrent une certaine nostalgie del’Italie d’hier, notamment grâce à l’utilisation de teintes marron et beige, presquedélavées, qui permettent de circonscrire une époque. Bienque le scénario et les dessins racontent une fiction, le dossierplacé à la fin de l’album met en contexte les « années deplomb » en Italie et retrace les événements liés aux Brigadesrouges : un sujet rarement traité en bande dessinée. Ces« années de plomb » permettent donc aux auteurs d’aborderles tribulations de cinq amis que l’Histoire et les actionssépareront. Au final, l’album présente une facette plushumaine, souvent effacée, de l’activisme.Éric Gougeon ImagineLA PROMESSE : NEW YORK.SHERMAN (T. 1)Philippe Thirault et Alberto Pagliaro, Dargaud, 52 p., 24,95$Dans le premier tome de la série « Sherman », ilest question d’une vengeance savammentorchestrée. Cette vengeance s’abat sur le fils deSherman, candidat à la Maison-Blanche, qui semble lié au passé sulfureux de sonpère. Un album où le jeu de reconstitution du puzzle est savoureux, autant dupoint de vue de la narration que de celui du dessin. À ceteffet, les couleurs nous projettent dans l’Amérique desannées 30 et 60. À la lecture, on ne peut échapper à latentation de tisser des liens avec l’histoire de la familleKennedy. Puis, d’autres comparaisons, plus cinématographiques,nous viennent à l’esprit. Dès les premièrespages, j’ai adhéré à la proposition de Desberg et Griffo. Sixalbums sont prévus. Notons que les deux premiers tomes ontété publiés simultanément. Éric Gougeon ImagineStephen Desberg (texte) et Griffo (ill.), <strong>Le</strong> Lombard, 48 p., 19,95$OKLAHOMA BOY (T. 1)<strong>Le</strong> premier tome des aventuresd’Oklahoma Boy nous plonge, dès lespremières planches, dans un univers délirant de religion. De ses premièresmeurtrissures à ses hallucinations où anges et démons luiapparaissent, Oklahoma Boy nous offre une fenêtre sur cettenaïveté extrémiste tellement d’actualité aujourd’hui. <strong>Le</strong>dessin peu orthodoxe, tout en courbes et délires de ThomasGilbert, dont il s’agit de la première bande dessinée, rendavec fidélité ce Sud des États-Unis, tel qu’il était au débutdu XX e siècle. Ravage d’ignorance du monde, de connaissancede la foi : Oklahoma commettra l’irréparable d’abord ici, puis,là-bas, dans cette Europe en guerre, lors de la deuxièmepartie de ce triptyque. Des planches dérangeantes, à dévorer.Jean-Philip Guy Du SoleilThomas Gilbert, Manolosanctis, 64 p., 29,95$LE DRAGON BLEU Pierre Lamontagne tient à Shanghai une galerie d’artoù sont exposées les œuvres de Xiao Ling, sa jeuneamante et protégée. De passage en Chine pour y conclure une démarched’adoption, Claire Forêt — ancienne compagne de Pierre — trouve chez lui unendroit où loger. De ce triangle amoureux, fait deretrouvailles et de confrontations, découleront deschangements inattendus et définitifs pour chacun. À l’instardes protagonistes et de la Chine qu’elles mettent en scène,les illustrations oscillent constamment entre la tradition etla modernité. Ainsi certaines planches évoquent-elles lesestampes chinoises de jadis, bien qu’elles donnent à voir unpanorama résolument contemporain. Il en résulte un romangraphique bouleversant et d’une rare beauté, à l’image de lapièce mythique de Robert <strong>Le</strong>page et Marie Michaud dont ilest la fidèle adaptation. François Martin Clément MorinRobert <strong>Le</strong>page, Marie Michaud (texte) et Fred Jourdain (ill.), Alto/Ex Machina, 176 p., 34,95$LE CHANTEUR SANS NOM Avec cet album, Arnaud <strong>Le</strong> Gouëfflec et le génialdessinateur Olivier Balez ressuscitent avec brio unegloire d’avant-guerre que le temps qui passe avait laissée sur le quai de la gare.<strong>Le</strong> chanteur sans nom, c’est Roland Avellis, chanteur de romances et de bluettesdans les années 30, masqué d’un loup noir et prisonnier d’unconcept publicitaire à l’époque de sa gloire. Ami de Piaf etd’Aznavour, bambocheur insatiable, au péril de sa santé etde sa réputation, Avellis a laissé dans la mémoire de ceuxqui l’ont connu un souvenir plein d’ambiguïté. Transforméen fantôme, il assiste et commente l’enquête que mène à sonsujet l’auteur de l’album, remettant en place, au fil desentrevues, les morceaux d’une vie dont le triste destinévoque celui d’une époque révolue.Christian Girard PantouteArnaud <strong>Le</strong> Gouëfflec (texte) et Olivier Balez (ill.), Glénat, 116 p., 34,95$APNÉEMon coup de cœur de l’année en BD québécoise! <strong>Le</strong> dessinsobre et l’écriture subtile de Zviane (La plus jolie fin dumonde) nous happent, nous plongeant dans les profondeursdépressives d’une jeune musicienne. <strong>Le</strong> thème explorépourrait paraître noir, mais la jeune auteure s’en sort trèsbien et arrive, grâce à sa sensibilité toute féminine, à noustoucher sans nous alourdir. Des cases tout en longueur,comme des paysages, s’ouvrent sur un dessin minimalistetout en rondeur qui vient s’opposer avec le thème principal.Voilà une belle parution pour Pow Pow, une maison d’éditionqui en est encore à ses débuts. J’ai hâte d’en voir plus!Anne Gosselin PantouteZviane, Pow Pow, 82 p., 16,99$BRUME. PETITES HISTOIRES POURL’ENVIRONNEMENTLa maison d’édition CFSL Ink a pourhabitude de sortir des sentiers battus afind’explorer d’autres façons d’exploiter labande dessinée. Cette fois encore, elle nous fait cadeau d’un ovni, avec Brume,qui comprend dix-neuf histoires que l’on pourrait qualifier de nouvelles, si l’onconsidère leur format et leur chute souvent inattendue. C’estl’occasion de découvrir des dessinateurs, scénaristes, coloristesplus ou moins connus qui abordent le thème del’environnement. <strong>Le</strong> constat est, vous vous en doutez,alarmant, et le talent du collectif permet de lever le voile surdes réalités que l’on a trop tendance à oublier : la disparitionde certaines mers, la consommation galopante de viande, lenombre d’espèces en voie d’extinction... Oui, la BD peutconscientiser sans faire la morale, et on s’en réjouit!Tania Massault PantouteCollectif, CFSL Ink, 272 p., 47,95$BYE BYE BABYLONE. BEYROUTH 1975-1979 <strong>Le</strong> 13 avril 1975, Lamia Ziadé etsa famille sont allés déjeuner à lacampagne. Quelques heures plus tard, alors qu’ils étaient de retour à Beyrouth,la guerre a éclaté. L’insouciance fit place à la peur et aux longues nuits sanssommeil. Ce roman graphique raconte les premières annéesdu conflit libanais telles qu’elles ont été vécues par unepetite fille de 7 ans. <strong>Le</strong>s images du bonheur y côtoient cellesde la dévastation de la guerre. <strong>Le</strong>s planches portant sur lesdifférentes armes utilisées sont particulièrement frappantes,surtout qu’elles sont précédées par des illustrations d’uneboîte de céréales et d’une bouteille de ketchup, symboles dela vie d’avant. Un récit troublant par son texte et par laforce d’évocation de ses dessins.Marie-Hélène Vaugeois VaugeoisLamia Ziadé, Denoël, 240 p., 44,95$LE LIBRAIRE • JUIN-JUILLET 2011 • <strong>65</strong>


LE LIBRAIRE CRAQUE!bande dessinéeLES MUTANTS DE LA LUNE ROUGE.UNE AVENTURE D’EL SPECTRO (T. 1)<strong>Le</strong>s auteurs désiraient tout d’abord faireun film sur El Santo, célèbre catcheurmexicain, mais le projet est tombé à l’eau.Qu’à cela ne tienne, c’est El Spectro, copie presque conforme du premier qui s’estmanifesté à leur imagination, et leur a permis d’accoucher d’une excellente BDtout en style et en rebondissements. Véritable hommage àla bande dessinée franco-belge d’après-guerre par sa facture,les aventures d’El Spectro, sorte de James Bond masqué,nous amènent dans des lieux exotiques. Belles filles etvoitures performantes, espionnage et fantastique formentun amalgame au service d’un récit bien développé auxcouleurs accrocheuses. Tout ce qu’on peut souhaiter auxauteurs est de continuer à publier les aventures du fantômeécarlate et tiens, pourquoi pas, d’en faire un film!Harold Gilbert SélectYves Rodier et Frédéric Antoine, <strong>Le</strong> Lombard, 56 p., 19,95$FRED : L’HISTOIRE D’UNCONTEUR ÉCLECTIQUEC’est en fouillant dans les BD de mon père,vers 8 ans, que j’ai rencontré Fred. J’étais tropjeune pour décrypter les subtilités de sonhumour et pour me rendre compte du caractère spécial de son univers. Jepartageais sûrement avec lui cette vision éclectique du monde, souple commemon esprit pouvait l’être à cet âge. Me voilà maintenant,encore une fois avec Fred et Philémon, partageant un bonmoment de lecture avec cette biographie originale :Philémon posant des questions et Fred répondant enracontant sa vie avec toute l’imagination et le talent deconteur qui le caractérisent si bien, offrant même quelquesplanches de l’époque. Me voilà captivée par l’histoire de cethomme prêt à tout pour suivre ses rêves, ne sacrifiant rien,surtout pas son imagination et sa passion pour la bandedessinée. Anne Gosselin PantouteFred, Dargaud, 120 p., 51,95$LES CHOIX DE LA RÉDACTIONAvec Motel Galactic, les bédéistes Pierre Bouchard (L’Île-aux-Ours) et Francis Desharnais(Burquette) s’aventurent en territoire étranger : l’espace intersidéral. Dans ce récit descience-fiction du terroir, Pierre Bouchard 2.0, alter ego de l’illustrateur, parcourt l’universde planète en planète à la recherche d’informations concernant son « original », l’hommedont l’ADN a servi à son clonage. Une série d’aventures rocambolesque en résultent,donnant à voir un futur où la Terre n’est plus qu’un dépotoir et dans lequel la créationartistique, le cinéma ou le dessin par exemple, est désuète. Absurde au possible,accumulant les gags et se moquantouvertement de notre société (parMOTEL GALACTICFrancis Desharnais (texte)et Pierre Bouchard (ill.)Pow Pow112 p. | 22,99$exemple, on peut voir Régis Labeaumesouffler une neige synthétique dans unhiver artificiel!), Motel Galactic est unalbum réjouissant.Après avoir dormi quinze ans dans les archives de la revue Croc, Jérôme Bigras reprenddu service! C’est avec délectation qu’on renoue avec l’explosif banlieusard. Son créateur,Jean-Paul Eid, n’a pas perdu la main, à tel point que <strong>Le</strong> fond du trou représente son œuvrela plus aboutie. Traversée par une véritable cavité d’un pouce et quart de diamètre, labande dessinée donne dans la haute voltige narrative. <strong>Le</strong>spersonnages doivent regarder où ils mettent les pieds, car le trou dela page de droite permet d’accéder au passé,LE FOND DU TROUJean-Paul EidLa Pastèque56 p. | 19,95$tandis que celui de gauche projette tout droitdans le futur. <strong>Le</strong> bédéiste maîtrise à laperfection ces allées et venues temporelles, detelle sorte que l’histoire n’a pas d’issue. UneBD sans fond et un plaisir de lecture sans fin.bande dessinée<strong>Le</strong> duo qui nous avait offert India Dreams revient en force avec une nouvelle aventure,celle de deux solitaires en apparence banals, soit un camionneur et une femme décidéeà le suivre sur les routes nord-américaines. S’y dévoilent, grâce aux illustrations à lagouache d’un réalisme saisissant, les splendeurs de l’hiver, entre le froid mordant et laneige encombrante, la beauté des érables en couleurs en même temps que les somptueuxdéserts des États-Unis. De La Tuque aux chutes Niagara, en passantpar les verts pâturages du Wyoming et la chaleur de l’Arizona, lelecteur sera transporté, auFAR AWAYMaryse et Jean-François Charles(texte) et Gabriele Gamberini (ill.)Glénat142 p. | 39,95$Pour prendre du recul par rapport à sa vie, Harold visite son aïeule dans leur patelinnatal, en Bretagne. Ce qu’il y découvrira est cependant loin d’apaiser ses angoisses : undemi-frère inconnu, le retour de son père en région, des pulsions insoupçonnées… Ilrencontrera Mathilde, cette fille au carpe diem chantant qui possède un serpent, clind’œil à la symbolique de la virilité. Durant son séjour, Harold verrases mœurs, plus urbaines, heurtées par les mœurs rurales etcomprendra qu’à 19 ans, on en sait bien peu sur la vie et surl’amour. Notons que cette histoire, dont leMARCHE OU RÊVELaurel et ElricDargaud80 p. | 22,95$même titre que le seront lesdeux protagonistes, dans unroad novel où l’issue n’est pasla destination finale mais, bienentendu, le chemin lui-même.scénario et les dessins sont signés Laurel —à qui l’on doit les illustrations de Journal deCarmilla et Enquêtes surnaturelles de Mina —n’est pas sans rappeler Parfum de lilas(Mécanique générale, 2010).66 • LE LIBRAIRE • JUIN-JUILLET 2011Drôle et intelligent : voilà une BD qu’on lit autant un samedi après-midi pour rire aux éclatsqu’un lundi soir, pour oublier le métro-boulot-dodo. <strong>Le</strong>s tribulations des personnages, descacatoès et la famille à qui ils appartiennent, ne sont pas sans rappeler les thématiquesretrouvées dans les Mafalda. <strong>Le</strong> papa ovipare a une opinion sur tout, mais s’avère être unmilitant de salon. Son fil, quant à lui plus naïf et insouciant, posecandidement les questions qui font réellementréfléchir. Ainsi, les dérives environnementales,LA FIN DU MONDE.ASYMPTOTE (T. 1)Simon Banville<strong>Le</strong>s 400 coups48 p. | 17,95$sociales, financières et politiques de notremonde sont mises en scène avec une touchede cynisme et un regard engagé. <strong>Le</strong> contextesociopolitique du Québec n’aura jamais semblési risible… et si accessible!Après « <strong>Le</strong>s formidables aventures de Lapinot » et l’épopée des « Donjon », voilà que<strong>Le</strong>wis Trondheim s’engage dans une nouvelle série décapante pour le plus grand plaisirde ses lecteurs. Mi-fantastique mi-humoristique, « Ralph Azham » s’inscrit décidémentdans la lignée des créations précédentes du bédéiste. Ralph est-il un bon à rien ouseulement malchanceux? Chose certaine, il est devenu le paria du village, lui qui étaitpourtant destiné à devenir l’Élu. Arrivera-t-il à surmonter lesattaques quotidiennes de sesEST-CE QU’ON MENT AUXGENS QU’ON AIME?RALPH AZHAM (T. 1)<strong>Le</strong>wis TrondheimDupuis46 p. | 19,95$concitoyens (plus cons que citoyens,entre nous)? Et si le destin n’avait pasdit son dernier mot? L’aventure ne faitque commencer pour ce canard auxcheveux bleus, et on ne peut que s’enréjouir.


CES AUTEURS QUI TIENNENT LA ROUTER OBERTO~B OLANOLa littératureest dangereuseCe printemps, la parution du roman 2666 de l’écrivain chilien RobertoBolaño dans la collection Folio doit être considérée comme unévénement littéraire; celle-ci rend désormais accessible à un prixraisonnable l’un des premiers grands romans du XXI e siècle. Rien demoins. Parallèlement, Christian Bourgois éditeur poursuit la mise envaleur posthume de l’œuvre en éditant Entre parenthèses, unregroupement d’essais iconoclastes à l’image de l’auteur. Voici doncquelques mots subjectifs sur un écrivain qui conduit ma passionlittéraire à son paroxysme.ParIan Lauda, de la librairie <strong>Le</strong> FureteurAyant récemment accédé au Monde éternel — en succombant, en 2003, auxcaprices d’un foie rebelle —, Roberto Bolaño voit désormais son Œuvre(façon de parler...) susciter les éloges qui lui sont dus. Il est vrai qu’une œuvreachevée est plus facile à juger, mais nous connaissons également la grandetimidité de l’Histoire littéraire, dont les grands honneurs ne s’appliquentsouvent qu’aux morts…Celui qui attira d’abord l’attention en tant que membre fondateur de l’infraréalisme(un obscur mouvement littéraire des années 70, qu’il parodied’ailleurs dans son roman <strong>Le</strong>s détectives sauvages), s’est toujours considérécomme un poète, privilégiant cet angle d’approche avant de se convertirsérieusement au roman, au début des années 1990. C’est à cette époque,également, que la critique souligne enfin son œuvre; une reconnaissance quiculmine en 1999 avec le Prix Rómulo Gallegos (considéré comme la plushaute distinction littéraire de l’Amérique latine).Pour ma part, j’ai découvert l’écrivain grâce aux bons conseils d’un ami quia goûté aux éditions originales espagnoles. J’ai pourtant hésité à dépenserpresque 60$ pour ramener chez moi cette promesse d’insomnie en forme debrique qu’est 2666. Inutile de dire que ce doute fut vite oublié.Dans sa folie des grandeurs, le roman fait penser à Sous le volcan de MalcolmLowry. Plus de 1000 pages subdivisées en quatre sections (lesquellesauraient pu êtres éditées séparément, comme le laissaient entendre lesdernières volontés de l’auteur, qui souhaitait maximiser les revenus etassurer un héritage sérieux à ses enfants). L’unité du livre fut cependantconservée : heureusement, puisqu’elle ne fait aucun doute. Malgré lamultiplication des genres abordés, le style de Bolaño n’obéit qu’à ses propresnécessités et passe de l’intrigue amoureuse du roman psychologique au romanpolicier macabre, puis au récit de guerre — le tout ponctué d’une forte dose d’humournoir, qui uniformise le ton. Avec un peu de recul, on s’aperçoit que l’ampleur del’entreprise romanesque est si colossale qu’elle accentue ce vertige d’un mondelabyrinthique, mais complet.Malgré la multiplication des genres abordés, le style deBolaño n’obéit qu’à ses propres nécessités.Roman sur le cauchemar et l’horreur du Mal, comme son titre énigmatique l’indique,2666 a pour point central l’atroce série d’assassinats de femmes qui terrorise etmystifie depuis 1993 les habitants de la ville mexicaine de Ciudad Juarez, et qui fit àce jour plus de 1600 victimes, selon Amnistie internationale. Ces meurtres, dont laplupart n’ont jamais été résolus, passèrent rapidement de simples faits divers à uneforme de phénomène macabre, et hantèrent longuement l’écrivain à la fin de sa vie.C’est aussi de cet aspect inexplicable des évènements qu’a germé l’idée d’une forcemaléfique planant sur les évènements. Un mal invisible (ne l’est-il pas toujours?),dont l’absence de logique et de morale accentuent la véracité d’un récit basé sur desfaits. Roman sur l’invisibilité, donc, où l’excuse d’une intrigue (la recherche d’unécrivain mystérieux à l’image de Thomas Pynchon) est élaborée pour consolider lecanevas de l’histoire. <strong>Le</strong>s personnages de Bolaño ne sont que les acteursd’événements qui dépassent, en importance, les conséquences individuelles et dontl’ampleur est digne d’une saga où tout se croise et se déforme dans le kaléidoscopedes époques et des intrigues.2666, comme plusieurs livres de Roberto Bolaño, finit par faire partie de nous,tellement on y croit. Dans son discours d’acceptation du prix Rómulo Gallegos, quel’ont retrouve parmi les courts essais d’Entre parenthèses, l’écrivain évoque l’idée quela littérature, lorsqu’on s’y dédie corps et âme, est un métier dangereux.2666Folio1358 p. | 24,95$ENTRE PARENTHÈSES :ESSAIS, ARTICLESET DISCOURS(1998-2003)Christian Bourgois480 p. | 44,95$LE LIBRAIRE • JUIN-JUILLET 2011 • 67


À l’agendaPar Josée-Anne Paradis et Alice MéthotNoces de bois et livres de pochepour HéliotropeEn 2011, les éditions Héliotrope célèbrent leurs noces de bois. En effet, voilà déjà cinq ansque cette maison nous offre des romans, des essais et des beaux livres de qualité et debelle facture, faisant la part belle à des auteurs du Québec, mais également étrangers. Àla barre de cette maison, Olga Duhamel et Florence Noyer peuvent se réjouir du succèsgrandissant de leur entreprise. Des titres comme Vu d’ici tout est petit et Sacré dépanneur!contribuent à leur rayonnement. L’année 2011 est également pour Héliotrope l’occasionde sortir une nouvelle collection, de format poche cette fois. <strong>Le</strong>s deux premiers titresannoncés sont les rééditions des remarquables <strong>Le</strong> ciel de Bay City de Catherine Mavrikakiset C’est quand le bonheur? de Martine Delvaux. À vous de les découvrir!Une chance qu’elles s’ont<strong>Le</strong> collectif d’artistes Triad réunit trois femmesexceptionnelles, Sylvie Dagenais, France <strong>Le</strong>blanc etAndrée Bastien, trois sœurs de cœur et d’esprit liées parles difficiles épreuves de la vie. Ensemble, elles ont choiside transcender leurs expériences personnelles à traversl’art, et de ce projet est née une série d’œuvresépoustouflantes. Dans Une chance qu’on s’a, livre publiéaux Éditions du passage, elles accompagnent leurs toilesdes paroles de Jean-Pierre Ferland, un auteur dont leschansons sont porteuses d’espoir. Et si ce n’était pas suffisant pour convaincre lesamateurs de beaux-arts et de poésie, sachez qu’une partie des fonds recueillis par la ventede cet ouvrage sera remise à trois associations chères aux artistes, Suicide Action, laSociété canadienne de la sclérose en plaques et la Société canadienne du cancer. Quellebelle façon de joindre l’utile à l’agréable! (104 p., 32,95$)La promenade des écrivains (divers thèmes proposés)Tous les samedis et dimanches du 1 er mai au 30 octobre 2011Départ de la Bibliothèque du Vieux-Québec (37, rue Sainte-Angèle)promenade-ecrivains.qc.ca12 e Carrefour international de théâtreDu 24 mai au 11 juin 2011Différents lieux et théâtres à Québeccarrefourtheatre.qc.caFestival de la poésie de Montréal(anciennement Marché de la poésie)Du 24 au 29 mai 2011Place Gérald-Godin et autres lieuxmaisondelapoesie.qc.caFestival TransAmériquesDu 26 mai au 11 juin 2011Place des Arts et autres salles à Montréalfta.qc.caBazar de livres28 et 29 mai 2011Diverses bibliothèques de la Ville de Québecbibliothequesdequebec.qc.caClubs de lectureDu 7 juin au 20 août 2011Diverses bibliothèques de la Ville de Québecbibliothequesdequebec.qc.ca<strong>Le</strong>s Correspondances d’EastmanDu 4 au 7 août 2011À Eastman (Estrie)lescorrespondances.ca68 • LE LIBRAIRE • JUIN-JUILLET 2011ERRATUMUne erreur d’impression s’est glissée dans la publicité deséditions La Caboche de notre précédent numéro. <strong>Le</strong> titre dutémoignage de Francyne Nadeau aurait dû se lire comme suit :<strong>Le</strong> cancer a donné un sens à ma vie. Cet ouvrage, récit d’espoiret de courage, est relaté par une femme qui a dû surmonternon pas un, mais deux cancers. Par ses mots, FrancyneNadeau cherche ainsi à montrer à ceux qui partagent soncombat l’importance de s’accrocher à la vie, et de se battrecorps et âme pour elle.L’équilibre sacré, de David Suzuki, suggestion de notre <strong>libraire</strong>d’un jour Laure Waridel, dans le numéro précédent, a étéréédité, revu et augmenté par le Boréal en novembre 2007.C’est sous cette bannière qu’il est maintenant disponible, etnon chez Fides.Une erreur d’impression a chamboulé les couleurs de lacouverture de L’escapade sans retour de Sophie Parent (VLBéditeur). Voici ce à quoi aurait dû ressembler l’illustration!Une étude alarmante sur les revenus des écrivainsL’Observatoire de la culture et des communications du Québec (OCCQ) publiait récemmentles résultats d’une étude portant sur les revenus des écrivains québécois. <strong>Le</strong>s statistiquesqu’ils en ont tirées sont pour le moins désolantes. L’enquête fait la distinction importanteentre les revenus provenant de la pratique littéraire et les revenus provenant la plupart dutemps d’un emploi « de jour ». En effet, 78% des écrivains tirent leurs revenus d’activitésprofessionnelles n’ayant aucun rapport avec l’écriture, même s’ils consacrent 43% de leurtemps de travail à la création. Ceux pour qui écrire représente plus des deux tiers du tempsalloué au travail auraient les revenus les plus faibles de tous. Plus alarmant encore, <strong>65</strong>%des écrivains québécois ont gagné moins de 5000$ grâce à leur production littéraire en2008. Seulement 13% des écrivains gagneraient au-delà de 20 000$ par année, ce qui nese situe pas très loin du seuil de la pauvreté. Pourtant, 81% d’entre eux possèdent undiplôme universitaire.Décès d’un <strong>libraire</strong> de la librairie du SoleilLibraire originaire de Montréal, Richard <strong>Le</strong>gault est décédé le 17 avril dernier. Ce derniera commencé sa carrière en 1979 à la Librairie Garneau. Devenue en 1982 la LibrairieTrillium, elle est rachetée par la Librairie du Soleil en 1995, où il poursuivit son travailjusqu’en 2009. Parallèlement, il fit partie de l’équipe de Québec Édition, de 2001 à 2007,et fut ainsi amené à pratiquer son métier de <strong>libraire</strong> dans différents salons du livreinternationaux. En 2010, il mit son expérience au service de la Librairie du Centre àOttawa. Libraire dévoué et apprécié de tous, il sera longtemps regretté dans le monde dulivre au Québec.


DANS LA POCHEDUMA KEYStephen King, <strong>Le</strong> Livre de Poche, 864 p., 14,95$Edgar Freemantle, travailleur de la construction, perd son bras etsubit des blessures sévères à la tête lors d’un accident de travail.Suivant les conseils d’un psychiatre, il s’isole en Floride afin des’adonner à la peinture, une activité censée l’aider à récupérer. À sasurprise, critiques et amis sont troublés par ses œuvres, de plus enplus violentes. Comme dans la plupart de ses écrits récents, StephenKing s’inspire de l’accident de la route qui a failli lui coûter la vie en 1999. Si lapremière partie du roman concerne la douleur physique et la frustration, le récitprend rapidement une tournure surnaturelle lorsque le personnage principal découvreles pouvoirs de son art.JULIET, NAKEDNick Hornby, 10/18, 384 p., 15,95$« Personne n’écrit sur la musique, ni sur sa place affective dans nosvies, comme Hornby », prétend The Observer. On est tenté de luidonner raison à la lecture du plus récent roman de l’auteur de Hautefidélité. Dans Juliet, Naked, un couple de quarantenaires fait unpèlerinage à Minneapolis sur les traces de Tucker Crowe, une rock starà la retraite. Duncan, l’éternel ado qui refuse de tourner la page desannées « sexe, drogue et rock’n’roll », entretient une véritableobsession pour le vieux musicien reclus, tandis qu’Annie se demande ce qu’elle fabriqueavec lui. Quand Crowe sort enfin de son mutisme après vingt ans, leurs vies volenten éclat.MAUVAISE FILLEJustine Lévy, <strong>Le</strong> Livre de Poche, 192 p., 12,95$La fille aînée de Bernard-Henri Lévy et du mannequin IsabelleDoutreluigne est une habituée des autofictions impudiques. Aprèsavoir exposé son douloureux divorce d’avec Raphaël Enthoven(l’ancien amant de Carla Bruni) dans Rien de grave (Stock) et sarelation tordue avec sa mère dans <strong>Le</strong> rendez-vous (Plon), continue salancée avec Mauvaise fille. Dans ce dernier récit familial, elle met enscène un papa Lévy en rock-star et une maman agonisante, alors quela « mauvaise fille » à son chevet attend elle-même un enfant. <strong>Le</strong> livre, qui deviendrasous peu un film réalisé par le compagnon de l’écrivaine, Patrick Mille, est comme lesprécédents : aussi beau qu’affligeant.LES OS DU DIABLEKathy Reichs, Pocket, 408 p., 13,95$<strong>Le</strong> docteur Temperance Brennan est une anthropologue judiciaire quicollabore avec le détective Slidell en cas d’enquête criminelleparticulièrement difficile à mener. Lorsqu’elle est appelée sur le terrainà identifier un crâne humain, elle découvre ce qui ressemble à unescène de sacrifice. Mais avant même qu’elle ait eu l’occasion decommencer son travail, un cadavre sans tête, sur lequel on a tracédes symboles sataniques, est retrouvé au fond d’un lac. Simplecoïncidence? <strong>Le</strong>s aventures de la sympathique Brennan, qui ont inspiré la populairetélésérie « Bones », se révèlent toujours un bon moment de lecture.LA VIE SEXUELLE D’UN AMÉRICAIN SANS REPROCHEJed Mercurio, Points, 382 p., 15,95$C’est connu : la grande faiblesse de John F. Kennedy était le sexe.Dans ce roman, Jed Mercurio a choisi d’exposer cette faiblesse sansménagement. On y croise donc deux secrétaires de la Maison-Blanche,noms de code Fiddle et Faddle, une riche héritière de Wall Streetsurnommée Fuddle, Ellen, une prostituée allemande, et, bienentendu, la pauvre Marilyn. Mais où est la Première dame dans toutça? Heureusement, la plupart des historiens réfutent les théories deMercurio, soulignant que Kennedy n’aurait jamais trouvé le temps d’avoir toutes cesmaîtresses, mais peu importe. La fascination qu’exerce la vie privée des chefs d’Étatcoureurs de jupons n’est pas prête de se tarir!ONZE PETITES TRAHISONSAgnès Gruda, Boréal, 296 p., 14,95$La trahison, arme ultime pour atteindre l’âme de certains individus?Pour les personnages d’Agnès Gruda, c’est le cas. Ces derniersincarnent parfaitement le rôle du fourbe, de façon pourtantinvolontaire. L’auteure, journaliste à La Presse depuis plus de vingtans, nous transporte avec brio, grâce une écriture libérée descontraintes journalistiques, dans des univers qui ne nous sont pasinconnus. Poussés par les contradictions qu’ils ont créées tout au longde leur vie, les protagonistes devront tous sombrer dans l’abysse de la tromperie poursurvivre à l’inattendu.MADMAN BOVARYClaro, Babel, 176 p., 12,95$L’original Claro pratique la mise en abyme façon schizophrène dansMadman Bovary, sorte d’hommage déjanté à l’inventeur du romanmoderne Gustave Flaubert. Lorsqu’une certaine Estée rompt avec notrenarrateur, celui-ci se jette à corps perdu dans la relecture de MadameBovary, s’y promène et s’y vautre jusqu’à se croire l’avatar tyranniquedu grand écrivain français. Emma devient alors sous sa plume unegarce imbuvable tandis que son Charles, lui, se fait cocaïnomanevicieux. Pourquoi pas? La prose de Claro, reconnu pour ses traductions d’auteurs difficiles(Thomas Pynchon, William T. Vollmann), est toujours audacieuse et explosive. Un régal.QUI ES-TU ALASKA?John Green, Gallimard, 416 p., 11,95$À 16 ans, Miles quitte sa Floride natale pour aller étudier au campusde Culver Creek, en Alabama. Mais il ne cadrera pas immédiatementavec son nouvel environnement. Lui, il lit des biographies pourapprendre quelles furent les dernières paroles des gens célèbres, ilporte des shorts trop grands, ne fume pas encore, ne boit pas encoreet n’a pas l’arrogance de son compagnon de chambre. Mais Alaskal’adoptera. Alaska, c’est cette jolie fille énigmatique, qui se moquedes conventions, aime le sexe et a un fier désir de liberté. Pour ce roman d’apprentissagehaut en rebondissements, John Green a reçu le Prix Michael L. Printz. Mentionnonsqu’on attend l’adaptation cinématographique pour 2013. Dès 13 ansLE CIEL DE BAY CITYCatherine Mavrikakis, Héliotrope, 294 p., 14,95$Grand Prix du livre de Montréal, Prix des collégiens et Prix des<strong>libraire</strong>s : en 2009, Catherine Mavrikakis tombait sur le Québeccomme une bombe. « Une œuvre dont on sort secoué, courbaturé,épuisé, mais franchement ébloui », pouvait-on lire alors dans LaPresse. <strong>Le</strong> roman met en scène deux sœurs, Denise et Babette,venues s’installer à Bay City dans les années 60, à la recherche deleur part du rêve américain. L’une d’elle donnera naissance à Amy,qui deviendra à son tour une jeune femme sexy, moderne, mais prisonnière d’un passéqu’elle n’a pas vécu, victime d’un immense sentiment de culpabilité. C’est son histoirequ’on suivra, alors qu’elle tentera de s’affranchir de son héritage.LE PARADOXE AMOUREUXPascal Bruckner, <strong>Le</strong> Livre de Poche, 288 p., 12,95$Comment l’amour, qui attache, peut-il s’accommoder de la liberté,qui sépare? <strong>Le</strong> voici, ce fameux paradoxe, auquel Pascal Brucknertente de trouver une solution depuis <strong>Le</strong> nouveau désordre amoureux,paru en 1977. Des Lumières, qui cherchaient à réconcilier l’amour etla vertu, au mouvement du Flower Power des années 60 et 70, lesentiment amoureux est-il demeuré le même? Invoquant divers« spécialistes des affaires du cœur », Casanova, Beauvoir, Freud, etc.,Bruckner passe en revue le désir et ses contraintes à travers les époques et lesrévolutions. Sa conclusion? « Il n’y a pas de progrès en amour. Il restera toujours del’ordre de la surprise. » Quelle bonne nouvelle!LE LIBRAIRE • JUIN-JUILLET 2011 • 69


Publié par <strong>Le</strong>s librairies indépendantes du Québec (LIQ), le <strong>libraire</strong> se trouveCENTRE DU QUÉBECEST DU QUÉBECLibrairie Baie St-PaulLibrairie A.B.C. Enr.CHEZ NOS LIBRAIRIES ASSOCIÉESCENTRE DU QUÉBECA.B.C. ENR.390, rue Saint-JosephLa Tuque QC G9X 1L6819 523-5828BUROPRO / LIBRAIRE DU CENTRE1050 boul. René-LévesqueDrummondville, QC J2C 5W4819-478-7878 | buropro@buropro.qc.caBUROPRO / LIBRAIRIE ST-JEAN505 Boul. Jutras estVictoriaville, QC G6P 7H4819-752-7777 | buropro@buropro.qc.caCLÉMENT MORIN4000, boul. des ForgesTrois-Rivières QC G8Y 1V7819 379-41531, Plaza de la MauricieShawinigan QC G9N 1C1819 539-8326www.cmorin.qc.cacmorin@cmorin.qc.caL’ÉCUYER INC.Carrefour Frontenac805, boul. Frontenac EstThetford Mines QC G6G 6L5418 338-1626L’EXEDRE910, boul. du St-Maurice,Trois-Rivières QC, G9A 3P9819 373-0202exedre@exedre.caLA CHOUETTE LIBRAIRIE483, avenue Saint-JérômeMatane QC G4W 3B8418 562-8464chouettelib@globetrotter.netLIBER LIBRAIRIE GÉNÉRALE166, boul. Perron OuestNew-Richmond QC G0C 2B0418 392-4828 | liber@globetrotter.netLIBRAIRIE BAIE SAINT-PAULCentre commercial le Village2, chemin de l'ÉquerreBaie St-Paul QC G3Z 2Y5418 435-5432BOUTIQUE VÉNUS21, rue Saint-PierreRimouski QC G5L 1T2418 722-7707librairie.venus@globetrotter.netJ.A. BOUCHER230, rue LafontaineRivière-du-Loup QC G5R 3A7418 862-2896libjaboucher@qc.aira.comL’HIBOU-COUP INC.1552, boul. Jacques-CartierMont-Joli QC G5H 2V8418 775-7871 | 1 888 775-7871hibocou@globetrotter.netLIVRES EN TÊTE INC.110, rue Saint-Jean-Baptiste EstMontmagny QC G5V 1K3418 248-0026 | livres@globetrotter.netLARICOCentre commercial Place-Chambly1255, boul. PérignyChambly QC J3L 2Y7450 <strong>65</strong>8-4141librairie-larico@qc.aira.comMODERNE1001, boul. du Séminaire NordSaint-Jean-sur-Richelieu QC J3A 1K1450 349-4584www.librairiemoderne.comservice@librairiemoderne.comPROCURE DE LA RIVE-SUD2130, René-GaultierVarennes QC J3X 1E5450 <strong>65</strong>2-9806librairie@procurerivesud.comMONTRÉALDE VERDUN4455, rue WellingtonVerdun QC H4G 1V7514 769-2321www.lalibrairiedeverdun.comLE PARCHEMINMétro Berri-UQÀM505, rue Sainte-Catherine EstMontréal QC H2L 2C9514 845-5243 | librairie@parchemin.caASSELIN5834, boul. Léger EstMontréal-Nord QC H1G 1K<strong>65</strong>14 322-841070 • LE LIBRAIRE • JUIN-JUILLET 2011SUD DE MONTRÉALMONTRÉALLibrairie Asselin enr.LIBRAIRIEProcure de la Rive sudDES GALERIESDE GRANBY INC.40, rue ÉvangelineGranby QC J2G 8K1450 378-9953contact@librairiedesgaleries.comMÉDIASPAUL250, rue Saint-François NordSherbrooke QC J1E 2B9819 569-5535librairie.sherbrooke@mediaspaul.qc.caPAULINES350, rue de la CathédraleTrois-Rivières QC G9A 1X3819 374-2722libpaul@tr.cgocable.caEST DU QUÉBECALPHA168, rue de la ReineGaspé QC G4X 1T4418 368-5514librairie.alpha@globetrotter.netLIBRAIRIE L'ALPHABET120, rue Saint-Germain OuestRimouski QC G5L 4B5418 723-8521 | 1 888 230-8521alpha@lalphabet.qc.caLIBRAIRIE A à Z79, Place LaSalleBaie-Comeau QC G4Z 1J8418 296-9334 | 1 877 296-9334librairieaz@cgocable.caL’OPTIONCarrefour La Pocatière625, 1 ère Rue Local 700La Pocatière QC G0R 1Z0418 856-4774 | liboptio@bellnet.caDU PORTAGECentre comm. Rivière-du-Loup298, boul. ThériaultRivière-du-Loup QC G5R 4C2418 862-3561 | portage@bellnet.caSUD DE MONTRÉALALIRE INC.17-825, rue Saint-Laurent OuestLongueuil QC J4K 2V1450 679-8211 | info@librairie-alire.comAU CARREFOURHalles de Saint-Jean120-145, boul. Saint-JosephSaint-Jean-sur-Richelieu QC J3B 1W5450 349-1072lie.au.carrefour@qc.aira.comCarrefour Richelieu600, rue Pierre-Caisse, suite 660Saint-Jean-sur-Richelieu QC J3A 1M1450 349-7111|lie.au.carrefour@qc.aira.comDAIGNEAULT1682, rue des Cascades OuestSaint-Hyacinthe QC J2S 3H8450 773-8586pierreb@librairiedaigneault.comLE FURETEUR25, rue WebsterSaint-Lambert QC J4P 1W9450 4<strong>65</strong>-5597info@librairielefureteur.caDU SQUARE3453, rue Saint-DenisMontréal QC H2X 3L1514 845-7617librairiedusquare@librairiedusquare.comGALLIMARD3700, boul. Saint-LaurentMontréal QC H2X 2V4514 499-2012librairie@gallimardmontreal.comLA MAISON DE L'ÉDUCATION INC.1000, rue Fleury estMontréal QC H2C 1P7514 384-4401librairie@maisondeleducation.comLE MARCHÉ DU LIVRE801, boul. De Maisonneuve EstMontréal QC H2L 1Y7514 288-4350question@marchedulivre.qc.caMÉDIASPAUL39<strong>65</strong>, boul. Henri-Bourassa EstMontréal-Nord QC H1H 1L1514 322-7341clientele@mediaspaul.qc.caMONIC INC.Carrefour de la Pointe12675, rue Sherbrooke EstMontréal QC H1A 3W7514 642-3070www.librairiemonic.comOLIVIERI5219, Côte-des-NeigesMontréal QC H3T 1Y1514 739-3639service@librairieolivieri.com


NORD DE MONTRÉAL | OUEST DU QUÉBECSAGUENAY-LAC-SAINT-JEANRÉGION DE QUÉBECL I B R A I R I EPANTOUTEHORS QUÉBECRouyn-NorandaLibrairieBuroPlus MartinLibrairie VaugeoisPAULINES2<strong>65</strong>3, rue MassonMontréal QC H1Y 1W3514 849-3585libpaul@paulines.qc.caNORD DE MONTRÉAL |OUEST DU QUÉBECPROMENADE SAINT-JOVITE976, rue de Saint-JoviteMont-Tremblant QC J8E 3J8819 425-3240librairie@promenadetremblant.comAU BOULON D'ANCRAGE100, rue du Terminus OuestRouyn-Noranda QC J9X 6H7819-764-9574librairie@tlb.sympatico.caBUROPLUS MARTIN18, rue Principale EstSainte-Agathe-des-Monts QC J8C 1J4819 326-2950 |livres@buroplusmartin.caCARCAJOU401, boul. LabelleRosemère QC J7A 3T2450 437-0690carcajourosemere@bellnet.ca3100, boul. de la Concorde EstLaval QC H7E 2B8450 661-8550info@librairiecarcajou.comDU SOLEILVillage Place-Cartier425, boul. Saint-JosephGatineau QC J8Y 3Z8819 595-2414soleil@librairiedusoleil.caEN MARGE141, rue Perreault EstRouyn-Noranda QC J9X 3C3819 762-4041librairie-enmarge@tlb.sympatico.caIMAGINE300-351, boul. SamsonLaval QC H7X 2Z7450 689-4624librairieimagine@qc.aira.comLA GALERIE DU LIVRE INC.769, 3 e AvenueVal-d'Or QC J9P 1S8819 824-3808galeriedulivre@cablevision.qc.caLINCOURT191, rue Saint-AndréVieux-Terrebonne QC J6W 3C4450 471-3142info@librairielincourt.comLU-LU INC.2<strong>65</strong>5, chemin GasconMascouche QC J7L 3X9450 477-0007administration@librairielulu.comMOSAÏQUE85, boul. BrienRepentigny QC J6A 8B6450 585-8500www.mosaiqueinter.comRÉFLEXION320, boul. Saint-JosephGatineau QC J8Y 3Y8819 776-4919390, boul. Maloney EstGatineau QC J8P 1E6819 663-3060LIBRAIRIE MARTIN598, rue Saint-ViateurJoliette QC J6E 3B7450 759-2822 | 1 800 909-2822www.librairiemartin.comBOYER LTÉE10, rue NicholsonValleyfield QC J6T 4M2450 373-6211www.librairiesboyer.qc.caPAPETERIE COMMERCIALE - AMOS251, 1 ère Avenue EstAmos QC J9T 1H5819 732-5201www.papcom.qc.caSERVICE SCOLAIREDE ROUYN-NORANDA150, rue Perreault estRouyn-Noranda QC J9X 3C4819 764-5166SAGUENAY-LAC-SAINT-JEANLES BOUQUINISTES392, rue Racine EstChicoutimi QC G7H 1T3418 543-7026bouquinistes@videotron.caCENTRALE1321, boul. WallbergDolbeau-Mistassini QC G8L 1H3418 276-3455livres@brassardburo.comHARVEY1055, avenue du Pont SudAlma QC G8B 2V7418 668-3170librairieharvey@cgocable.caMARIE-LAURA INC.2324, rue Saint-DominiqueJonquière QC G7X 6L8418 547-2499librairie.ml@videotron.caLA SOURCE240, rue BosséChicoutimi QC G7J 1L9418 543-4147librairie.lasource@videotron.caRÉGION DE QUÉBECGLOBE-TROTTERLA LIBRAIRIE DU VOYAGEPlace de la Cité2600, boul. Laurier, bur. 128Québec QC G1V 4T3418 <strong>65</strong>4-9779 | 1 888 <strong>65</strong>4-9779guide.globetrotter@qc.aira.comPANTOUTE1100, rue Saint-JeanQuébec QC G1R 1S5418 694-9748286, rue Saint-Joseph EstQuébec QC G1K 3A9418 692-1175www.librairiepantoute.comSÉLECT12140, 1 ère Avenue,Saint-Georges, QC, G5Y 2E1418 228-9510Sans frais 1 877 228-9298libselec@globetrotter.qc.caVAUGEOIS1300, avenue MaguireQuébec QC G1T 1Z3418 681-0254libvaugeois@septentrion.qc.caHORS QUÉBECLE BOUQUINCentre d’achat le Rond Point3409-24, rue PrincipaleTracadie-Sheila, N-.B. E1X 1C7506 393-0918lebouquin@nb.aibn.comDU CENTRE432, avenue Westmount, unité HSudbury ON P3A 5Z8705 524-8550 | 1 877 453-93441371-B, rue FisherNorth Bay ON P1B 2H2705 476-2402 | 1 888 722-9093435, rue DonaldOttawa ON K1K 4X51-877-747-8003ou (613) 747-1553, poste 3<strong>65</strong>1-877-747-8004 ou (613) 747-0866www.librairieducentre.comGRAND CIEL BLEU, LIBRAIRIEDU NOUVEL ONTARIO93, rue DurhamSudbury ON P3E 3M5705 675-6060info@librairiedunouvelontario.comPÉLAGIE221 boulevard J.D.-GauthierShippagan NB E8S 1N2506 336-97771 888-PÉLAGIE (735-2443)pelagie@nbnet.nb.ca171, boul. Saint-Pierre OuestCaraquet NB E1W 1B7506 726-9777pelagie2@nb.aibn.comDU SOLEILMarché By33, rue GeorgeOttawa ON K1N 8W5613 241-6999soleil@librairiedusoleil.caABONNEMENT1 an (6 numéros)Responsable : André Beaulieu | 418 948-8775 poste 228Adressez votre chèque à l’attention de le <strong>libraire</strong>.Poste régulièreQuébec : 18,40$(TPS et TVQ incluses)Par voie terrestreÉtats-Unis : 50$Europe : 60$Autres provinces canadiennes 16,96$ (TPS incluse)Par avionÉtats-Unis : 60$Europe : 70$Abonnement pour les bibliothèques aussi disponible (divers forfaits).<strong>Le</strong>s prix sont sous réserve de modifications sans préavis. <strong>Le</strong>s prix pour l’étranger incluent la TPS.le <strong>libraire</strong>280, rue Saint-Joseph Est, bureau 5Québec (Québec) G1K 3A9LIBRAIRIES ASSOCIÉES ET PARTENAIRESConditions et forfaitsAndré Beaulieu418 948-8775 | abeaulieu@le<strong>libraire</strong>.orgLE LIBRAIRE • JUIN-JUILLET 2011 • 71


le <strong>libraire</strong>Volume 14, numéro <strong>65</strong>,Juin - Juillet 2011<strong>Le</strong>s <strong>libraire</strong>s craquent!ImagineDaigneaultPantouteÉDITIONÉditeur: <strong>Le</strong>s Librairies indépendantes du Québec (LIQ)Président: Denis <strong>Le</strong>BrunDirecteur: Dominique <strong>Le</strong>mieuxEric GougeaonMariane CayerAnne-Marie GenestChristian GirardAnne GosselinTania MassaultRÉDACTIONDirection: Josée-Anne ParadisRédacteur en chef: Stanley PéanAdjointe: Alice MéthotChroniqueurs: Normand Baillargeon, Simon-Pierre Beaudet, GilCourtemanche, Nathalie Ferraris, Laurent Laplante, RobertLévesque, Stanley Péan, Élisabeth VonarburgComité: Christian Girard (Pantoute), Johanne Vadeboncœur(Clément Morin), Caroline Larouche (<strong>Le</strong>s Bouquinistes),Michèle Roy (<strong>Le</strong> Fureteur).Journalistes: Rémy Charest, Catherine Larochelle, Dominic TardifLibrairie Boutique VénusHélène Talbot Lysiane DrewittGuylaine JacobChloé <strong>Le</strong>gaultChristian VachonIsabelle BeaulieuPRODUCTIONDirection: Josée-Anne ParadisMontage: KX3 Communication inc.Page couverture: Patrick BizierRévision linguistique: Yann RoussetClément MorinModerneCarcajouIMPRESSIONPublications Lysar, courtierTirage: 32 000 exemplairesNombre de pages: 76le <strong>libraire</strong> est publié six fois par année.Numéros 2011: janvier, mars, mai, juillet, septembre, novembreMathieu CroisetièreJohanneVadeboncoeurFrançois MartinDiane SkeatesMarie-SoleilCool-CottePUBLICITÉJosée-Anne Paradis 418 948-8775, poste 227Vaugeois<strong>Le</strong>s BouquinistesPaulinesDISTRIBUTIONLibrairies partenaires et associéesAndré Beaulieu 418 948-8775, poste 228abeaulieu@le<strong>libraire</strong>.orgwww.le<strong>libraire</strong>.orgTextes inédits - Actualité - Agenda - Coin des éditeursMarie-HélèneVaugeoisCaroline LaroucheShannon DesbiensKim <strong>Le</strong>blancMartine LamontagneÉdimestre: Cynthia Brisson | edimestre@le<strong>libraire</strong>.orgWebmestre: Daniel Grenier | webmestre@le<strong>libraire</strong>.orgSélectLa Maison de l’Éducation<strong>Le</strong> FureteurUne réalisation des librairies Pantoute (Québec), Clément Morin(Trois-Rivières), <strong>Le</strong>s Bouquinistes (Chicoutimi) et <strong>Le</strong> Fureteur(Saint-Lambert).Une production des Librairies indépendantes du Québec (LIQ).Tous droits réservés. Toute représentation ou reproductionintégrale ou partielle n’est autorisée qu’avec l’assentiment écritde l’éditeur. <strong>Le</strong>s opinions et les idées exprimées dans le <strong>libraire</strong>n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs.Harold GilbertMartinJocelyne VachonDu centreIsabellePrévost LamoureuxDu SoleilIan Lauda72 • LE LIBRAIRE • FÉVRIER - MARS 2011Fondé en 1998 | Dépôt légal Bibliothèque et Archivesnationales du Québec | Bibliothèque et Archives Canada |ISSN 1481-6342 | Envoi de postes-publications 40034260le <strong>libraire</strong> est subventionné par le Conseil des Arts du Canada etla SODEC | le <strong>libraire</strong> reconnaît l’appui financier dugouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livredu Canada pour ce projet.LE LIBRAIRE est disponible dans 80 librairiesindépendantes du Québec, de l’Ontarioet du Nouveau-Brunswick ainsi que dans700 bibliothèques affiliées aux CRSBP.Josée Pagéle <strong>libraire</strong>Véronique GrondinDaphné DeschateletsHamelStanley Péan Josée-Anne Paradis Dominique <strong>Le</strong>mieux Alice Méthot Denis <strong>Le</strong>BrunJean-Philip Guy


LES PHÉNICIENSCe livre explore les sourcesantiques et plurielles qui ont forgél’identité de la Thaïlande à traversdes témoignages, des étudeshistoriques et découvertes archéologiquesrécentes. Un patrimoineplurimillénaire, une iconographieadmirable et une analyse desdifférentes traditions artistiquesnous sont présentées.ISBN 978-8-86112-218-5208 pages Format : 29 X 32 cmCet ouvrage relate les momentsles plus significatifs de l’histoiredes Phéniciens par des récentesdécouvertes archéologiques quimettent en lumière en partiel’héritage phénicien.THAÏLANDE : TRÉSORSRSD’UNE CIVILISATION ANCIENNEISBN 978-8-86112-219-2208 pagesFormat:29 X 32 cmAUTOMOBILESOBILESISBN 978-8-86112-351-986112-351-9736 pages Format :16,5 X 16,5 cmLA MERISBN 978-8-86112-352-<strong>65</strong>04 pages Format : 16,5 X 16,5 cmMERVEILLESD’AMÉRIQUEISBN 978-8-86112-350-2536 pagesFormat:18 X 18 cmMERVEILLES DU MONDEISBN 978-8-86112-373-1440 pages Format:16,5 X 16,5 cmMAISONSMÉDITERRANÉENNESENNES978-2-80990-152-880990 8360 pagesFormat:28,22 X 31,2 cmL’auteur nous invite à visiter lesintérieurs de rêve d’un berceaude la civilisation et nous mèneà la découverte de sa géographiefascinante, avec toute l’habiletéde son art de photographe.Il pénètre dans les propriétés etidentifie les traits saillants de leurméditerranéité.Distributeur exclusif au CanadaCUISINE ASIATIQUEFACILE978-2-80990-185-8416 pagesFormat: 24,5 X 29 cmVéritable bible de la cuisineasiatique, cet ouvrage vouspermettra de faire entrer chezvous tous les parfums dépaysantsd’Orient, grâce à des recettessimples et exquises venuesd’Inde, de Chine, de Thaïlandeet du Japon.3770, Boulevard Industriel, Sherbrooke(Québec)Canada J1L 1N6 Téléphone : 514 525-4442Sans frais: 1 800 597-3116 Télécopieur : 514525-4443Internet : www.adl.qc.ca Courriel : commandes@adl.qc.ca500 MONUMENTS DENEW YORK978-2-80990-371-3978-2-80990-370-6640 pagesFormat :16,5 X 19 cm640 pagesFormat:16,5 X 19 cmATOMESUne exploration visuelle de tousles éléments connus dans l’univers978-2-80990-158-0222 pagesFormat :43 X 55 cm500 MONUMENTS DEPARISLE GRAND LIVREDU BOIS978-2-80990-197-9440 40 pagesFormat:27 X 31 cmm


Un vent de fraîcheurdansvotre été…é…Des lectures es vivantes, vantes, drôles et touchantes,maissurtout, divertissantes à souhait !


La vie chavire doucement…plus rien ne seracomme avant !Albin Michelwww.wiz.frÀ la recherche d’évasion,d’émotion on et de magie...répondra raà toutestvos attentes cet été!Que ce soitàLondresouCommentmenà New York,résister éiàlleurle chic est irrésistible ! beauté mortelle !

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!