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Matériaux du patrimoine et altération. Analyses ... - Mediachimie.org

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STROUD DISTRICT LOCAL PLAN: DRAFT FOR DEPOSIT - NOVEMBER 1999APPENDIX 638 Parsonage Wood SO882032 Chalford Ancient Woodland39 Blackness Banks SO880024 Chalford, Thrupp LimestoneGrassland40 Coaley Wood, Coaley Peakand Coaley Wood Quarries41 Cotswold Commons andBeechwoods including:A-Painswick BeaconB-Cranham CommonC-Sheepscombe CommonD-Buckholt WoodE-Rough Park WoodF-Pope’s WoodG-Castle End WoodH-Bailey’s PincottI-Saltridge Wood andSaltridge Common WoodJ-Cranham WoodK-Workman’s WoodL-Blackstable WoodST787996 Coaley, Uley Ancient Woodland,Scrub, LimestoneGrassland,Geological(Part GWTReserve)SO81/SO91Cranham,Painswick,Miserden, UptonSt.LeonardsAncient Woodland,LimestoneGrasslands(GWT Reservesincluded)42 Gravelpits Wood ST760968 Dursley Ancient WoodlandSSSILargely SSSIalso NNR43 Hermitage Wood ST754977 Dursley Ancient Woodland44 Mole Grove SO786074 Eastington Ancient Woodland45 Church Covert SO766147 Elmore Ancient Woodland46 Groundless Pool SO791161 Elmore W<strong>et</strong>land47 Hockley and St.Martin’sWoodsSO782141 Elmore Ancient Woodland48 Shatford Grove SO769141 Elmore Ancient Woodland49 Frampton Pools SO753073 Frampton onSevernW<strong>et</strong>landSSSI50 Upper Severn Estuary SO715055 Frampton onSevern,Slimbridge,Fr<strong>et</strong>herne withSaul51 Lock Meadow SO755094 Fr<strong>et</strong>herne withSaul52 Saul Gravel Pits SO751091 Fr<strong>et</strong>herne withSaulEstuary, FloodMeadows andDykesNeutral GrasslandW<strong>et</strong>land53 Lower Stone Wood ST673945 Ham and Stone Ancient WoodlandSSSI, SPA,RAMSARSite Grid Ref. Parish Description StatutoryDesignation54 Severn Estuary ST630980 Ham and Stone Estuary, Mud Flatsand SaltmarshSSSIproposed SPAand RAMSAR141


La chimie <strong>et</strong> l’arttion entre l’acide gallique <strong>et</strong>les ions Fe 2+ <strong>du</strong> sulfate defer, qui, en présence de l’oxygèneambiant, con<strong>du</strong>isent àune oxydation de Fe 2+ en ionsFe 3+ , avec la formation d’uncomplexe dit binucléaire.Déjà connue dans l’Antiquité<strong>et</strong> très répan<strong>du</strong>e auMoyen Âge, c<strong>et</strong>te rec<strong>et</strong>te s’estaffinée au cours <strong>du</strong> temps parl’ajout d’un « liant » tel que lagomme arabique, dont le rôleest d’ajuster la viscosité del’encre <strong>et</strong> faciliter l’écriture.100Figure 4Des manuscrits anciens ont étéabîmés au cours <strong>du</strong> temps par desencres ferro-galliques.2.1. L’encre ferro-gallique<strong>et</strong> le papier : qu’est-ce quec’est ?2.1.1. La chimie de l’encreferro-galliqueLes encres ferro-galliquessont des préparations élaborées,comportant bienen ten<strong>du</strong> <strong>du</strong> fer, mais aussi destanins, ces substances <strong>org</strong>aniquesque l’on trouve dansde très nombreux végétaux :pépins de raisins ou écorcesde chêne ; on les r<strong>et</strong>rouv<strong>et</strong>ypiquement dans le vin, maisaussi le thé. Un exemple deprécurseur de tanin bienconnu est l’acide gallique, undérivé <strong>du</strong> phénol présent dansla noix de galle, d’où le nom« ferro-gallique » donné àl’encre (Figure 5).La rec<strong>et</strong>te générale desencres ferro-galliques est lasuivante (Figure 5) : on prendde l’extrait de noix de galle– ce qui revient à en récupérerl’acide gallique – <strong>et</strong> onle mélange avec <strong>du</strong> sulfatede fer. On obtient un précipiténoir qui peut alors êtreutilisé comme encre. Que sepasse-t-il chimiquement ? Ilse pro<strong>du</strong>it en fait une réac-2.1.2. La chimie <strong>du</strong> papierQuant au papier sur lequelon écrit, il est essentiellementcomposé de cellulose.La cellulose est un polymère,constitué par l’enchaînementd’un très grand nombre demolécules glucose, environ3000 molécules, reliéesentre elles par des liaisonsfortes appelées « liaisonsglycosidiques » (Figure 6). Cesont ces longues chaînesde glucose qui confèrent aupapier sa souplesse <strong>et</strong> en fontla solidité.2.2. Comment l’encre peutelledétruire le papier ?Dès lors que l’on écrit, on créela rencontre entre deux milieuxchimiques qui vont pouvoirréagir ensemble progressivement.Les chimistes ontproposé deux mécanismespossibles perm<strong>et</strong>tant d’expliquercomment l’encreferro-gallique peut détruire lacellulose <strong>du</strong> papier :− La cellulose est hydrolysée: dans l’encre ferrogallique,le fer se trouve ensolution aqueuse sous formed’ions ferreux Fe 2+ ou ferriques


<strong>Matériaux</strong> <strong>du</strong> <strong>patrimoine</strong> <strong>et</strong> <strong>altération</strong>Figure 5La rec<strong>et</strong>te de l’encre ferro-gallique, c<strong>et</strong>te encre ancienne avec laquelle oncalligraphiait les parchemins à la plume d’oie.Figure 6Le papier est fait de cellulose,un polymère comportant de trèslongues chaînes de glucose, qui luiconfèrent sa souplesse.101


La chimie <strong>et</strong> l’art102Fe 3+ , qui tendent à s’associerrapidement avec les ionshydroxydes OH - fournis parl’eau, formant avec eux descomposés stables. Au coursde c<strong>et</strong>te réaction sont libérésdes protons H + , responsablesde l’acidification <strong>du</strong> milieu. Or,les liaisons glycosidiques de lacellulose sont sensibles auxmilieux acides, <strong>et</strong> dans de tellesconditions, elles ont tendanceà se rompre. Chimiquement,c<strong>et</strong>te rupture est une réactiond’hydrolyse de la cellulose(voir Encart « Derrière ladégradation <strong>du</strong> papier ancien, lachimie »). Ses longues chaînesde glucose en sortent raccourcies,ce qui se tra<strong>du</strong>it par uneperte de la souplesse <strong>du</strong> papier<strong>et</strong> une fragilisation.− La cellulose est oxydée :dans ces conditions acides,l’oxygène ambiant peut luiaussi intervenir dans leprocessus de dégradation <strong>du</strong>papier. Il peut en eff<strong>et</strong> survenirune réaction entre l’oxygène <strong>et</strong>les ions ferreux de l’encre, quientraîne des réactions radicalairesen cascade, aboutissantà la formation de radicauxhydroxyles OH° (voir l’Encart« Derrière la dégradation <strong>du</strong>papier ancien, la chimie »).Ces radicaux instables attaquentles liaisons glycosidiquesde la cellulose ; leschaînes se rompent, la cellulosese dépolymérise.C’est ainsi que les chimistesont tenté d’expliquer àl’échelle moléculaire pourquoile papier est endommagé, làoù l’encre est passée. Afin dene plus se laisser prendre parce phénomène qui dégradenos précieux manuscrits<strong>et</strong> mène à la perte de notre<strong>patrimoine</strong>, les scientifiquesont voulu analyser expérimentalementle mécanismede dégradation dans le temps,afin de mieux l’appréhender.C’est alors que l’on a fait appelau synchrotron…2.3. Décortiquer ladégradation <strong>du</strong> papier :entrée en jeu <strong>du</strong> synchrotronDès le dépôt de la goutte d’encresur le papier, que se pass<strong>et</strong>-ildans les premières heures,dans les premiers jours, dansles premières semaines <strong>et</strong>mois ? Que se passe-t-il véritablementdans les premiers centjours qui suivent la naissanced’un manuscrit ?2.3.1. Suivre la dégradation encontrôlant les conditionsPour repro<strong>du</strong>ire ces conditionsau point de départ, on aréalisé une expérience où l’onplace dans une série d’éprouv<strong>et</strong>tesdes échantillons depapier en cellulose 20 . Sur ceséchantillons, on a déposé soitune simple solution de Fe 2+ ,soit une encre ferro-gallique,contenant donc <strong>du</strong> fer <strong>et</strong>de l’acide gallique. Aprèsséchage, les échantillons ontété stockés pendant plusieursmois à température ambiante,dans différentes conditionsbien contrôlées en humidité<strong>et</strong> oxygène (Figure 9). Lesconditions repro<strong>du</strong>isant cellesoù les archives sont conservéescorrespondent à environ50 % d’humidité relative, avecla quantité d’oxygène usuelledans l’atmosphère. On jouesur les conditions expérimentalesen supprimant soit20. Le papier utilisé ici est unpapier standard récent, en cellulosepure (papier de filtrageWhatman [1]).


DERRIÈRE LA DÉGRADATION DU PAPIER ANCIEN, LA CHIMIEL’hydrolyse de la celluloseL’encre ferro-gallique contient des ions ferreux Fe 2+ <strong>et</strong> ferriques Fe 3+ qui réagissent avec l’eaupour former des hydroxydes de fer Fe(OH) 2<strong>et</strong> Fe(OH) 3, ce qui con<strong>du</strong>it à la libération de protonsH + . Le milieu ainsi acidifié est favorable à la réaction d’hydrolyse de la cellulose, par rupturede ses liaisons glycosidiques (Figure 7).<strong>Matériaux</strong> <strong>du</strong> <strong>patrimoine</strong> <strong>et</strong> <strong>altération</strong>Figure 7En milieu acide, les liaisons glycosidiques qui contribuent au maintiende la structure de la cellulose se rompent par hydrolyse. Le papier ensort très fragilisé.La dépolymérisation oxydative de la celluloseLes ions ferreux Fe 2+ de l’encre réagissent avec l’oxygène ambiant pour générer des espècesradicalaires instables, qui vont elles-mêmes être engagées dans une succession de réactionsgénératrices de nombreux radicaux, notamment les hydroxyles OH°, <strong>du</strong> fait de l’acidité <strong>du</strong>milieu. Ces derniers entrent dans un cycle de réactions où intervient l’oxygène, aboutissant àl’oxydation de la cellulose (Figure 8).Figure 8En présence d’encre ferro-gallique, d’oxygène <strong>et</strong> en milieu acide, tous les ingrédientssont réunis pour favoriser le déclenchement d’une cascade de réactions radicalaires,qui aboutissent à l’oxydation de la cellulose, laquelle se dépolymérise [1].Si ces mécanismes chimiques peuvent théoriquement perm<strong>et</strong>tre de rationaliser les phénomènesde dégradation <strong>du</strong> papier, aucune relation directe n’a encore été établie entre la quantitéd’ions Fe 2+ , mesurée sur un certain nombre de documents anciens, <strong>et</strong> l’avancement de ladégradation. Les conditions d’humidité <strong>et</strong> d’aération ont aussi leur rôle à jouer.103


La chimie <strong>et</strong> l’art2.3.2. Les techniques pouranalyser la dégradationIl s’agit maintenant de suivrela dégradation des échantillonsde papier. Pour cela,il faut en suivre les acteursprincipaux (les ions Fe 2+ <strong>et</strong>Fe 3+ ) <strong>et</strong> les eff<strong>et</strong>s, c’est-àdireles diminutions de tailledes chaînes de polymère dela cellulose. Pour suivre lespremiers, on fait appel aurayonnement synchrotron(Figure 10), qui donne accèsau rapport Fe 2+ /Fe 3+ . Poursuivre les eff<strong>et</strong>s, on mesurela viscosité des échantillonsà l’aide d’un viscosimètre,puisque l’on sait que les polymèressont d’autant plusvisqueux que les chaînes sontplus longues.Figure 9Des échantillons de papier stockéspendant cent jours, soumis au testde la dégradation par l’encre.Figure 10la présence d’eau, soit laprésence d’oxygène, afin d’appréhenderleurs influencesrespectives sur la dégradation<strong>du</strong> papier.L’équipe <strong>du</strong> Professeur K. Janssens, en collaboration avec le DocteurV. Rouchon, utilise la spectroscopie d’absorption X au seuil des élémentslégers (« X-ray absorption near-edge spectroscopy », XANES) pourmesurer les quantités de fer présentes dans les échantillons de papier.C<strong>et</strong>te technique performante, utilisant le rayonnement synchrotron,présente l’avantage de ne pas intro<strong>du</strong>ire de nouvelle dégradation surle matériau analysé. Dans un tel proj<strong>et</strong> de recherche, les analyses sontréalisées par une équipe qui se relaye jour <strong>et</strong> nuit !2.3.3. Les résultats :qui est responsablede la dégradation ?Les acteurs sont a priorinombreux : le fer, l’acidegallique, l’oxygène, l’eau…L’expérience nous donne desréponses.Pour tous les échantillons,on s’aperçoit que la longueurmoyenne des chaîne de cellulosediminue avec le temps,passant de 3000 à 2000 unités,<strong>et</strong> ce, d’autant plus rapidementque l’échantillon est aucontact avec l’oxygène. On peutdonc conclure que l’oxygènefavorise l’endommagement104


de la cellulose. Pour appuyerc<strong>et</strong>te conclusion, on constateque le taux en ions Fe 2+contenus dans les échantillonsstockés en présenced’oxygène diminue plus rapidementpar rapport à ceuxstockés en milieu désaéré.Or, on supposait bien que lesions Fe 2+ étaient impliquésdans les mécanismes d’oxydationradicalaire de la cellulose(voir l’encart « Derrière ladégradation <strong>du</strong> papier ancien,la chimie ») ; ainsi, leur diminutionsigne bien l’existenced’une réaction d’oxydation.Quant à l’eau, on remarquequ’elle ne joue pratiquementaucun rôle dans la dégradation<strong>du</strong> papier.Qu’en est-il de l’influencede l’acide gallique ? Pour lesavoir, il faut comparer leséchantillons mis au contact deFe 2+ seul, <strong>et</strong> ceux au contactd’une encre ferro-gallique. Onest alors frappé de voir qu’aubout de quatre-vingt jours, lesions Fe 2+ <strong>du</strong> premier échantillonont disparu, alors quedans le second échantillon,sa concentration se maintientaux alentours de 40 %,<strong>et</strong> l’on observe une dégradationbien plus importante dela cellulose ! L’encre s’avèredonc être plus dégradanteque les seules solutions defer. Les mesures montrenten fait clairement qu’aprèsquatre-vingt jours, le papierimbibé de solution de Fe 2+ nesubit plus de dégradation,alors que le phénomène sepoursuit sur le papier imbibéd’encre. Cela suggère l’idéed’une régénération des ionsFe 2+ dans l’encre, ce qui luiperm<strong>et</strong> d’agir sur le papier surune période beaucoup pluslongue, <strong>et</strong> donc de con<strong>du</strong>ireà une détérioration plusconséquente. Effectivement,les chimistes expliquent quel’acide gallique est lui-mêmeoxydé en un composé capablede régénérer ces ions Fe 2+ .Ainsi, le rayonnement synchrotrona été un outil d’analysenon destructive qui apermis aux scientifiques decomprendre les phénomènesresponsables de la dégradationdes documents ancienspar l’encre ferro-gallique enprésence d’oxygène. C<strong>et</strong>teconnaissance est une aideprécieuse pour les conservateursde musées <strong>et</strong> debibliothèques, qui peuventalors choisir les conditions destockage les meilleures pourassurer une protection efficacede notre <strong>patrimoine</strong>.Mais le rayonnement synchrotrona ren<strong>du</strong> encore d’autresservices à l’Art… Passons aumonde de la peinture.3La dégradation descouleurs : le jaunede cadmiumDe nombreux nouveauxpigments ont été développéspar une in<strong>du</strong>strie chimiqueémergente à la fin <strong>du</strong> XIX e siècle<strong>et</strong> au début <strong>du</strong> XX e . Beaucoupde ces nouveaux matériauxsurpassaient les pigmentstraditionnels, par l’intensitéde leur couleur, leur pur<strong>et</strong>é,leur pouvoir couvrant <strong>et</strong> leurfaible coût. Tous cependantne sont pas chimiquementstables à long terme.Au début <strong>du</strong> XX e siècle, denombreux artistes, parmilesquels on peut citer le belgeJames Ensor <strong>et</strong> le néerlandaisVincent Van Gogh, ontutilisé dans leurs tableaux un<strong>Matériaux</strong> <strong>du</strong> <strong>patrimoine</strong> <strong>et</strong> <strong>altération</strong>105


La chimie <strong>et</strong> l’artFigure 11Dans son tableau L’Intrigue, JamesEnsor utilisait une large panopliede pigments brillants.pigment jaune clair appeléjaune de cadmium, de formulechimique CdS (sulfure decadmium). Mais en regardantde près les tableaux utilisantce pigment jaune, on découvrede p<strong>et</strong>ites taches blanchesanormales à la surface de lapeinture.Pour comprendre la formationde ces taches <strong>et</strong> donc laperte de couleur <strong>du</strong> jaune decadmium dans ces peintures,les scientifiques ont étudié lesphénomènes chimiques enjeu grâce à l’outil <strong>du</strong> synchrotron.3.1. Un jaune très prisé, maisproblématiqueLe peintre James Ensor (1860-1949) a souvent utilisé dansses tableaux comme L’Intrigue(Figure 11) toutes sortesde couleurs très brillantes,telles que le bleu de Prusse(chapeau bleu), parfoisnommé le « premier pigmentmoderne », ou encore levert d’émeraude. Ces deuxpigments sont des dérivés del’arsenic <strong>et</strong> sont aujourd’huiinterdits à cause de leurtoxicité. Quant au jaune, sonanalyse montre la présencede chromate de plomb ou desulfure de cadmium.Vincent Van Gogh (1853-1890) a également utilisé <strong>du</strong>jaune de cadmium, commeen témoignent les analyseseffectuées sur les Bottes defoin (Figure 12). Des prélèvementsde ce pigment ontété réalisés afin de l’étudier ;leur examen au microscope apermis d’y observer de p<strong>et</strong>itestaches blanches…L’anomalie se r<strong>et</strong>rouvedans un autre tableau deJ. Ensor, Nature morte auchou (Figure 13) : le pigmentjaune <strong>du</strong> coin droit en bas <strong>du</strong>tableau présente égalementdes taches blanches, que l’ondistingue bien par contrasteavec la partie peinte de la toileque l’on découvre une fois lecadre r<strong>et</strong>iré. En quatre-vingtsans, ces taches blanches sontdonc apparues progressivement,probablement sousl’influence de la lumière <strong>et</strong> del’humidité, alors que la partieinférieure, non exposée, neprésente pas ces signes d’<strong>altération</strong>.Que s’est-il donc passé avecle jaune de cadmium pourqu’apparaissent au fil <strong>du</strong>temps ces taches blanches ?Pour comprendre le phénomène,les scientifiques l’ontpassé à la loupe, à l’échellemoléculaire.106


<strong>Matériaux</strong> <strong>du</strong> <strong>patrimoine</strong> <strong>et</strong> <strong>altération</strong>Figure 12Dans les Bottes de foin, VincentVan Gogh a utilisé beaucoup dejaune de cadmium.Figure 13Des taches blanches apparaissentsur la peinture jaune de Naturemorte au chou (J. Ensor, 1921).Lorsque l’on soulève le cadre,on voit que la peinture jaune quiétait couverte est épargnée par ladégradation.107


La chimie <strong>et</strong> l’artFigure 14L’analyse par le synchrotron apermis d’élucider très précisémentla composition chimique del’échantillon de peinture.3.2. D’où viennent les tachesblanches ? Passage au test<strong>du</strong> synchrotronDes échantillons de cepigment ont été prélevés pouranalyse. Le microscope électroniqueà balayage a d’abordrévélé que les taches blanchesse sont formées sur la surface<strong>du</strong> jaune de cadmium, <strong>et</strong> nefont pas partie de ce pigment.L’analyse a ensuite été pousséeau niveau des élémentsconstitutifs de ces taches,lesquelles se sont cependantrévélées instables sous lefaisceau électronique, rendantl’analyse difficile. C’estalors que l’on a fait appelau synchrotron ESRF deGrenoble, en utilisant enparticulier une techniqued’analyse par fluorescence X.À la suite d’une collaborationavec le Centre de recherche <strong>et</strong>de restauration des muséesde France (voir l’encart « LeC2RMF, un grand laboratoiredédié au Patrimoine »,<strong>du</strong> Chapitre de P. Walter),diverses cartographies ont étéréalisées sur des échantillons<strong>du</strong> pigment.Que révèlent ces cartographies? On observe bien dansla partie jaune la présence decadmium <strong>et</strong> de soufre, composantle sulfure de cadmiumCdS <strong>du</strong> pigment d’origine.Par ailleurs, dans le matériaublanc/transparent que l’onvoit, on détecte également<strong>du</strong> cadmium <strong>et</strong> <strong>du</strong> soufre, cequi confirme l’hypothèse queles taches blanches se sontformées à partir <strong>du</strong> pigmentjaune. Mais ces éléments nes’y trouvent probablement passous la même forme ; <strong>et</strong> l’analyseau synchrotron à l’aidede faisceaux de rayons X trèsfins va perm<strong>et</strong>tre de connaîtreen particulier le degré d’oxydation<strong>du</strong> soufre : soufre (S),sulfure (S 2- 2-) ou sulfate (SO 4) ?Grâce à une spectroscopied’absorption des rayons X,on a pu d’une part confirmerque le soufre contenu dans lapartie jaune est toujours biensous la forme de sulfure (CdS)108


<strong>et</strong> d’autre part on a trouvéque celui contenu dans lapartie blanche se trouve sousla forme de sulfate (CdSO 4),ce qui correspond à la formeoxydée <strong>du</strong> soufre (Figure 14).Ce que tra<strong>du</strong>irait ce scénario :CdS jaune+ 2 O 2→ CdSO 4 blanc:le sulfure <strong>du</strong> pigment jaunea été oxydé par l’oxygène del’air en sulfate, formant alorsles taches blanches.On sait désormais de manièrecertaine qu’il faut conserverles toiles peintes avec lejaune de cadmium à l’abri del’air, afin d’éviter leur dégradation.Enfin, grâce aux cartographies,on peut visualiserjusqu’à quelle profondeurl’oxydation <strong>du</strong> pigment aeu lieu, <strong>et</strong> ainsi en dé<strong>du</strong>ireune vitesse de progressionde l’oxydation, informationégalement importante pourles conservateurs de musées.Dans ce cas précis, il apparaîtque le front d’oxydationa progressé d’environ d’unedizaine de micromètres enquatre-vingts années, desprofondeurs de la toile vers lasurface.4Les dessous d’uneœuvre d’art :Un coin d’herbe deVan Gogh4.1. Quand la peinture parlesur la vie <strong>du</strong> peintreAu cours de sa courte, maistrès pro<strong>du</strong>ctive carrière, lestyle de Vincent Van Gogh aévolué de manière radicale(Figure 15). Débutant commeFigure 15Autoportraits de Vincent Van Gogh(1853-1890). À travers sa courtecarrière, ses tableaux révèlentune évolution très marquée,artistiquement <strong>et</strong> chimiquement.<strong>Matériaux</strong> <strong>du</strong> <strong>patrimoine</strong> <strong>et</strong> <strong>altération</strong>109


La chimie <strong>et</strong> l’artFigure 16Quel secr<strong>et</strong> cache Un coin d’herbe(1887), de Van Gogh ?Figure 17A) Un coin d’herbe, peint à Parisen 1887 ; B) Vue par radiographieaux rayons X <strong>du</strong> portrait d’unepaysanne, probablement peinten 1884 à Nuenen (Pays-Bas) ;C) Même portrait, vu parréflectographie Infrarouge.peintre conventionnel dansson village natal de Nuenenaux Pays-Bas, il a évolué endix ans de manière brillantevers un style totalementpersonnel. Au cours de cesannées, une évolution trèsclaire dans le choix <strong>et</strong> l’usagedes pigments ne pouvait paséchapper à l’œil <strong>du</strong> chimiste.On constate par exemple qu’àpartir de son séjour à Paris,il a commencé à utiliser lesmêmes couleurs que lespeintres impressionnistes,comme le jaune de cadmiumdont nous venons de parler(paragraphe 2).À certains moments de savie, Van Gogh a probablementconsidéré ses précédentesœuvres comme obsolètes,<strong>et</strong> choisi de les recouvrir parde nouvelles compositions.Un coin d’herbe (Figure 16),p<strong>et</strong>ite toile peinte pendant sapériode parisienne <strong>et</strong> actuellementconservée au muséede Kröller-Müller (Otterlo,Pays-Bas), va nous en donnerune bonne illustration, avecune merveilleuse surpriserécemment dévoilée par lesscientifiques.En eff<strong>et</strong>, la radiographie dec<strong>et</strong>te toile a révélé le portraitd’une paysanne, cachéderrière le champ d’herbedepuis près d’un siècle ! Ceportrait date probablementde sa période dite conventionnelle,lorsqu’il vivait aux Pays-Bas (Figure 17).4.2. Un coin d’herbe sousl’œil <strong>du</strong> synchrotronSuite à c<strong>et</strong>te découverte excitante,notre équipe a convaincula conservatrice <strong>du</strong> muséeoù le tableau était conservéd’aller le faire analyser parle synchrotron de Hambourg.Le tableau a alors été montéA B C110


sur un plateau motorisé, puisexaminé pour analyse élémentairepar fluorescence X(Figure 18). Toutes les précautionsont été prises pour évitertoute dégradation de l’œuvrependant l’examen ; ainsiles analyses ont <strong>du</strong>ré troissecondes par position… maispour pas loin de 90 000 positions! Cela correspond àplusieurs jours d’analyse.Les spectres obtenus attestentde la présence de nombreuxéléments tels que le cuivre(Cu), intervenant dans le vertémeraude, ou le cobalt (Co)contenu dans divers pigmentsbleus, dont Van Gogh s’étaitdéjà servi pour ses précédentstableaux ; mais témoignentégalement de la présenceplus inhabituelle d’antimoine(Sb), entrant dans la compositiond’un nombre limité depigments, que l’on ne soupçonnaitpas être utilisés parVan Gogh !C<strong>et</strong>te découverte a intrigué lesscientifiques, autant qu’ellepeut intriguer des historiensd’art. Pour apporterune réponse « chimique », lepigment est passé au spectromètred’absorption desrayons X, afin de savoir sousquelle forme se trouve l’antimoine.L’analyse a révéléqu’il s’agit d’un antimonatede plomb Pb(SbO), autrementdit un pigment connu sous lenom de jaune de Naples. Ona ainsi prouvé que ce pigmentétait utilisé par Van Gogh, ceque confirmeront d’autresanalyses approfondies.Pour poursuivre l’étude, desanalyses spectroscopiquesont été réalisées pour établirdes cartes de répartition deséléments détectés, informationtrès riche pour remonterau travail même <strong>du</strong> peintre.Ainsi, des cartographies <strong>du</strong>Coin d’herbe ont été réaliséespour les différents élémentsdécelés (Figure 19) <strong>et</strong> perm<strong>et</strong>tentde déterminer pour queldessin, l’herbe ou le portrait,les pigments contenant cesdivers éléments ont servi. Ilest apparu que l’antimoine,au même titre que le mercure<strong>et</strong> l’arsenic, est un composantdes pigments utilisés pourpeindre le portrait caché.Figure 18Un Coin d’herbe, délicatementanalysé par fluorescence desrayons X. On obtient un spectre quirévèle l’ensemble des élémentschimiques présents dans lapeinture. La présence d’antimoine(Sb) a particulièrement attirél’attention des chimistes.<strong>Matériaux</strong> <strong>du</strong> <strong>patrimoine</strong> <strong>et</strong> <strong>altération</strong>Intensité des rayons XÉnergie (keV)111


La chimie <strong>et</strong> l’artFigure 19Cartographies de la toile pourchacun des éléments constitutifs,qui témoignent combien VanGogh aimait à utiliser toutessortes de pigments. L’antimoineSb <strong>et</strong> le mercure Hg composaientles pigments <strong>du</strong> portrait, alorsque le chrome Cr <strong>et</strong> le cobaltCo composaient ceux <strong>du</strong> Coind’herbe.Connaissant maintenant lacomposition de la peinturecachée, on a pu reconstituer leportrait d’une paysanne néerlandaise(Figure 20), que VanGogh aurait peint trois annéesavant de le recouvrir par sonCoin d’herbe. C<strong>et</strong>te hypothèseest confortée par des comparaisonsavec d’autres toiles<strong>du</strong> peintre datant de la mêmeépoque, qui présentent dessimilitudes de style (Figure 21).La découverte d’un nouveautableau de Van Gogh plusd’un siècle après sa mortest sans doute la raisonpour laquelle c<strong>et</strong>te dernièreétude, largement saluéepar la presse, a eu un grandr<strong>et</strong>entissement, <strong>et</strong> ce bienau-delà de la communautéscientifique. La presse françaiseécrivait alors : « UnVan Gogh peut en cacher unautre » !Le synchrotron, un compagnon de l’Art112Au-delà <strong>du</strong> tournant qu’a marqué le rayonnementsynchrotron dans l’histoire des découvertesscientifiques, l’essor de la technique d’analyseassociée, non destructive, s’est accompagnéde découvertes intéressantes, susceptiblesde servir l’Art : authentification <strong>et</strong> datation


Figure 20La révélation, par cartographieà l’antimoine, au mercure <strong>et</strong> àl’arsenic.<strong>Matériaux</strong> <strong>du</strong> <strong>patrimoine</strong> <strong>et</strong> <strong>altération</strong>Figure 21Le portrait de la paysanne dateprobablement de la périodenéerlandaise de Van Gogh. Le stylede c<strong>et</strong>te peinture se rapprochepar exemple des Mangeurs depommes de terre, datant de lamême période. On note trois ansaprès – ce qui est beaucoup sur lesdix ans de carrière de Van Gogh –un tournant flagrant au niveau <strong>du</strong>style <strong>et</strong> des couleurs, avec Un coind’herbe.113


La chimie <strong>et</strong> l’artd’œuvres pour l’histoire de l’Art (comme nousl’avons vu avec Van Gogh) ; conservation <strong>et</strong>protection <strong>du</strong> <strong>patrimoine</strong> culturel dans lesmusées ou les archives, face aux <strong>altération</strong>sdans le temps, grâce à la compréhension desmécanismes de dégradation (exemples del’encre ferro-gallique, des tableaux d’Ensor<strong>et</strong> de Van Gogh) ; restauration d’œuvres d’art,réalisée dans les laboratoires de musées, telque le Centre de recherche <strong>et</strong> de restaurationdes musées de France (C2RMF).L’accès à un synchrotron reste cependantcoûteux <strong>et</strong> difficile ; on ne peut y analyser queles obj<strong>et</strong>s qui méritent une analyse approfondie<strong>et</strong> qui peuvent ainsi servir de référence pour desétudes moins détaillées. De plus, les discussionssur l’authenticité ne sont pas vraiment l’enjeudes recherches que les scientifiques entendentmener pour l’instant, car les techniquesactuellement maîtrisées ne le perm<strong>et</strong>tentpas toujours. C’est pourquoi aucune étudesur les attributions d’œuvre n’a été soumiseà la puissance d’analyse d’un synchrotron,mais de telles recherches pourront peutêtreêtre envisagées d’ici quelques années.Dans tous les cas, des techniques d’analysescomplémentaires restent nécessaires, commela spectrométrie de masse, qui est mieuxadaptée à l’analyse des pigments modernes, deplus en plus complexes <strong>et</strong> variés.Bibliographie114[1] Chevallier E., Durand-Jolibois R., Meunier N.,Carlier P., Monod A. (2004).« Fenton-like » reactions ofm<strong>et</strong>hylhydroperoxide and<strong>et</strong>hylhydroperoxide with Fe 2+ inliquid aerosols under troposphericconditions. AtmosphericEnvironment, 38 : 921-933.


La chimie <strong>et</strong> l’artCréditsphotographiquesFig. 2B : EPSIM 3D/JF Santarelli,Synchrotron Soleil.Fig. 2C : Synchrotron Soleil.

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