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R&F Analyse des pratiques Approches psychosociologique et ...

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Marie-Claude BÂIETTO <strong>et</strong> Ludovic GADEAUou non connaîte l'histoire <strong>des</strong> élèves, a-t-on le droit ou le devoir de regarder lesdossiers ? »Le moniteur explique qu'au fur <strong>et</strong> à mesure de la discussion, il se sentait lui aussi deplus en plus mal. Il ressentait les échanges entre les membres du groupe comme un<strong>et</strong>entative de banalisation d'un événement grave. Il imaginait tout le poids de la souf¬france, toute la détresse de c<strong>et</strong>te jeune enseignante qui venait raconter un drame <strong>et</strong>à qui l'on renvoyait un discours convenu, intellectualisé, trop à distance <strong>et</strong> sans douteà côté de l'aide qu'elle pouvait attendre.Après une dizaine de minutes d'échange, n'y tenant plus, le moniteur est intervenu,s'adressant à Sylvie par une formule au genre: « Qu'est-ce que vous attendez dugroupe, comment peut-on vous aidez? » Réponse de la jeune enseignante: « J'ai¬merais savoir ce que les autres auraient fait dans c<strong>et</strong>te situation ». L'interventionsemble avoir recentré l'échange sur le problème apprte par Sylvie, à savoir la cul¬pabilité consciente associée à la mort de c<strong>et</strong> enfant.Le travail du groupe de suivi portera sur l'intervention du moniteur au regard de l'af¬fect de culpabilité qui traverse la situation clinique de part en part.Le groupe <strong>des</strong> moniteurs saisit pleinement la dimension défensive qui anime toutd'abord le groupe de stagiaires, mais il ne perçoit pas ce qui probablement en fondel'origine. La tentative de banalisation dans laquelle s'était engagée le groupe de sta¬giaires, pour défensive qu'elle soit, commence à être entendue autrement: banaliser,c'est éviter la singularité, l'altérité, mais c'est aussi inscrire ou plutôt réinscrire l'autre(ou l'événement) dans le champ du commun. L'intervention du moniteur est mainte¬nant perçue comme ayant eu pour eff<strong>et</strong> de relier, de déplacer l'axe du travail. Laquestion « qu'est-ce que vous attendez du groupe? » perm<strong>et</strong> de re-lier le suj<strong>et</strong> isoléau groupe. « J'aimerais savoir ce que les autres auraient fait à ma place » se com¬prend maintenant plus complètement comme un appel à la reliaison, au partage. Onpeut la reformuler comme un appel pressent: aidez-moi à lever le poids de la cul¬pabilité !25Ce mouvement perm<strong>et</strong> d'approcher ce qu'il en est de la culpabilité que le moniteurpourrait, à son insu, favoriser par ses interventions. Lorsque les moniteurs viennentquestionner la culpabilité éprouvée par Sylvie, ils se trouvent confrontés à une limitereprésentative, comme s'il leur était impossible de rem<strong>et</strong>tre en question le raisonne¬ment à peine implicite qui amène Sylvie à se vivre comme la cause du drame. Ils tien¬nent donc, comme fascinés par ce qu'il contient, pour une reproduction fidèle <strong>et</strong>objectif, le discours de c<strong>et</strong>te jeune enseignante. Tout fonctionne comme si, derrièrel'empathie, derrière le réel désir d'aide à l'égard de Sylvie se glissait l'indice d'uneindépassable <strong>et</strong> insupportable vérité: avoir été l'agent de ce qui arrive à l'autre.RECHERCHE <strong>et</strong> FORMATION N° 39 - 2002

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