Le médicament est plus onéreux (<strong>de</strong> 15 à 20 %) pour un patient africain que pour son homologue français <strong>de</strong> par la séquence-achat sur une base prix grossistes hors taxes + frais d’acheminements + taxes loca<strong>le</strong>s + marges du répartiteur + marges <strong>de</strong>l’officinal –Cette situation aberrante fait <strong>le</strong> lit <strong>de</strong>s comportements déviants que nous dénonçons.Etu<strong>de</strong> <strong>de</strong> cas : l’Ordre <strong>de</strong> Malte France (OMF) en Guinée ConakryLa Guinée est un pays côtier offrant une faça<strong>de</strong> maritime <strong>de</strong> 300 km, situé à l’Ouest <strong>de</strong> l’Afrique, est indépendant <strong>de</strong>puis1958 lorsque Sékou Touré a dit « Non » au général <strong>de</strong> Gaul<strong>le</strong>.Le coup d’Etat <strong>de</strong> Décembre 2008, à la mort <strong>de</strong> Lansana Conté, a mis ce pays au ban <strong>de</strong>s institutions inter<strong>nationa<strong>le</strong></strong>s. Le paysse situe parmi <strong>le</strong>s moins avancés, et son PNB par habitant ne cesse <strong>de</strong> chuter.D’une superficie moitié environ <strong>de</strong> la France, el<strong>le</strong> est peuplée d’environ 10 millions d’habitants, dont 44% <strong>de</strong> moins <strong>de</strong> 15ans, avec quatre régions naturel<strong>le</strong>s : la basse Guinée (région côtière 18 %), la moyenne Guinée (région montagneuse 22 %), lahaute Guinée (région <strong>de</strong> savane 40%) et la Guinée forestière (20 %)Les autorités loca<strong>le</strong>s ont ainsi segmenté en 4 régions sanitaires, et l’Ordre <strong>de</strong> Malte France OMF gère la moyenne Guinéeautour du Fouta Djalon.C’est une région très touchée par <strong>de</strong>s pathologies tel<strong>le</strong>s que VIH / SIDA / tuberculose, l’ulcère <strong>de</strong> Buruli, la trypanosomiasehumaine africaine, la lèpre, l’onchocercose, et <strong>le</strong> dracunculose.Les programmes élargis <strong>de</strong> vaccination ont permis d’enrayer tétanos et poliomyélite. Reste que <strong>le</strong> pays a été fortement touchéces 10 <strong>de</strong>rnières années par <strong>de</strong>s épidémies <strong>de</strong> fièvre jaune, <strong>de</strong> méningites cérébro-spina<strong>le</strong>s, <strong>de</strong> rougeo<strong>le</strong>, <strong>de</strong> choléra, et <strong>de</strong>shigelloses.Le secteur pharmaceutique est constitué <strong>de</strong> 230 officines, 40 points <strong>de</strong> vente, et 10 laboratoires d’analyse biomédica<strong>le</strong>.La mé<strong>de</strong>cine et la pharmacopée traditionnel<strong>le</strong>s sont utilisées par 80 % <strong>de</strong> la population.La structuration publique <strong>de</strong> la santé s’établit sur 5 strates- 516 postes <strong>de</strong> santé fonctionnels- 391 centres <strong>de</strong> santé- 32 hôpitaux préfectoraux / centres médicaux <strong>de</strong> communes- 7 hôpitaux régionaux- 2 hôpitaux nationauxLa structuration <strong>de</strong>s ai<strong>de</strong>s coopératives était jusqu’alors parfaitement compartimentée :- USAID et GTZ : lutte contre <strong>le</strong> Sida, santé <strong>de</strong> la reproduction (gestion, formation, marketing, qualité <strong>de</strong>s soins,partenariat avec <strong>le</strong>s usagers- Coopération française : organisation offre <strong>de</strong> soins, réseau hospitalier, formation <strong>de</strong>s ressources humaines- Coopération canadienne : prise en charge IST, surveillance épidémiologique, riposte aux épidémies- Coopération japonaise : domaine vaccination et construction d’infrastructures <strong>de</strong> santéLes ONG jouent un rô<strong>le</strong> clé dans <strong>le</strong> financement et la mise en œuvre <strong>de</strong>s soins <strong>de</strong> santé dans la lutte contre <strong>le</strong> VIH / Sida, pourla santé <strong>de</strong> la reproduction, pour la nutrition / allaitement, pour la lutte contre la cécité, <strong>le</strong> paludisme, la lèpre, la tuberculose,et l’ulcère <strong>de</strong> Buruli.Historiquement <strong>de</strong>puis l’indépendance, l’Ordre <strong>de</strong> Malte France s’occupait <strong>de</strong>s léproseries. Depuis 1985, il lui est dévolul’ensemb<strong>le</strong> <strong>de</strong> la moyenne Guinée pour la mise en application <strong>de</strong> la Politique Nationa<strong>le</strong> <strong>de</strong> Lutte contre la Lèpre (PNLCL) et<strong>de</strong>puis 1993, la Politique Nationa<strong>le</strong> <strong>de</strong> Lutte contre la Tuberculose (PNLCT). Sur <strong>le</strong> reste <strong>de</strong> la Guinée, nous avons nosdispensaires <strong>de</strong> soins inscrits dans la carte sanitaire d’ensemb<strong>le</strong>.Le rô<strong>le</strong> premier du pharmacien humanitaire OMF en Guinée est <strong>de</strong> sécuriser <strong>le</strong>s approvisionnements en médicaments, endispositifs médicaux, en réactifs (pour analyse <strong>de</strong>s crachats), en matériels divers. Pour exemp<strong>le</strong>, dans <strong>le</strong> cas d’espèce :- <strong>le</strong>s traitements <strong>de</strong> la lèpre sont mis gracieusement à sa disposition par la <strong>Pharmacie</strong> Centra<strong>le</strong> <strong>de</strong> la Guinée (PCG),avec quelques aléas possib<strong>le</strong>s à anticiper.- <strong>le</strong>s traitements <strong>de</strong> la tuberculose sont adressés 2 fois par an par OMF (théoriquement fournis gratuitement par OMS)selon un planning convenu pour chaque exercice- <strong>le</strong>s médicaments essentiels sont acheminés 2 fois par an <strong>de</strong>puis la Centra<strong>le</strong> Humanitaire <strong>de</strong> référence IDA / PaysBas, rapportés à envoi précé<strong>de</strong>nt16/18CR Séance académique du 7 octobre 2009
Sont éga<strong>le</strong>ment gérés <strong>le</strong>s compléments alimentaires (Plumpy Nut) pour lutter contre la dénutrition, <strong>le</strong>s désinfectants, <strong>le</strong>sconsommab<strong>le</strong>s <strong>de</strong> toute nature pour <strong>le</strong>s lieux <strong>de</strong> soins, <strong>de</strong>s matériels <strong>de</strong>s plus variés <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s potences pour perfusion,jusqu’au cuir pour <strong>le</strong> cordonnier, <strong>de</strong>s lits mécaniques, <strong>de</strong>s fauteuils, <strong>de</strong>s matériels pour <strong>le</strong>s ateliers d’ergothérapie <strong>de</strong>s lépreux,etc.L’achat <strong>de</strong>s médicaments auprès <strong>de</strong> centra<strong>le</strong> d’achat humanitaire, la recherche <strong>de</strong> donateurs <strong>de</strong> matériels <strong>de</strong> secon<strong>de</strong> main(hôpitaux, institutions) est réalisée et financée par la direction <strong>de</strong>s produits <strong>de</strong> santé <strong>de</strong> l’Ordre localisé à Paris.Le pharmacien humanitaire OMF s’impliquera directement dans <strong>le</strong> dédouanement et <strong>le</strong> contact avec <strong>le</strong>s autoritésadministratives à la réception au port <strong>de</strong> Conakry.Basé à Pita, vil<strong>le</strong> principa<strong>le</strong> <strong>de</strong> moyenne Guinée, à trois heures <strong>de</strong> Conakry, son travail <strong>de</strong> gestionnaire <strong>de</strong>s dispensairesréparti sur <strong>le</strong> territoire <strong>le</strong> conduit à voyager très régulièrement. Il doit veil<strong>le</strong>r en outre à ce que tous <strong>le</strong>s processus : stérilisation,décontamination, incinération à l’hôpital préfectoral <strong>de</strong>s « safety boxes », etc …soient scrupu<strong>le</strong>usement respectés.Tous <strong>le</strong>s soins n’étant pas gratuits, <strong>de</strong>s contributions symboliques sont <strong>de</strong>mandées lorsque <strong>le</strong>s patients sont en mesured’acquitter. Le pharmacien participe à la réf<strong>le</strong>xion pour déterminer <strong>le</strong> montant <strong>de</strong> ces contributions mêlant consultation +traitement comp<strong>le</strong>t (toujours d’un coût majoré <strong>de</strong> quelques centimes s’il y a <strong>de</strong>s injections ou <strong>de</strong>s antibiotiques, fréquemmentgratuit pour <strong>le</strong>s autres médicaments). Selon <strong>le</strong>s postes <strong>de</strong> santé, selon <strong>le</strong>s régions, selon la participation communautaire <strong>le</strong>scontributions varient <strong>de</strong> 24 à 44 centimes d’Euro.Dans <strong>le</strong> cadre <strong>de</strong> la politique <strong>nationa<strong>le</strong></strong> <strong>de</strong> santé, l’Etat pourvoit <strong>le</strong>s centres <strong>de</strong> soins <strong>de</strong> paramédicaux (infirmiers, sagefemmes)et assure <strong>le</strong>ur rétribution. L’investissement et <strong>le</strong> fonctionnement du centre relève d’une politique communautaire <strong>de</strong>proximité.Dans <strong>le</strong>s dispensaires <strong>de</strong> moyenne Guinée, paludisme, infections pulmonaires, infections gastriques, infections génitourinaires,infections oculaires, <strong>de</strong>rmatoses, anémies, parasitoses, et plaies plus ou moins profon<strong>de</strong>s représentent 80% <strong>de</strong>spathologies communément rencontrées.Les résultats observésLèpre : En 1985, la population était <strong>de</strong> 1,2 million d’habitants avec une préva<strong>le</strong>nce <strong>de</strong> la lèpre <strong>de</strong> 21 / 10.000. 24 ans plustard, la population <strong>de</strong> la moyenne Guinée est <strong>de</strong> 2 millions d’habitants avec une préva<strong>le</strong>nce <strong>de</strong> la lèpre inférieure à 1 / 10.000(supposant que <strong>le</strong> mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> calcul soit i<strong>de</strong>ntique…).ODM dispose d’une flotte <strong>de</strong> 7 véhicu<strong>le</strong>s (pour l’ensemb<strong>le</strong> <strong>de</strong> la Guinée) et d’une quinzaine <strong>de</strong> motos pour <strong>le</strong>s prospectionsavancées réalisées par <strong>le</strong>s infirmiers.Le cordonnier <strong>de</strong> l’ODM, au centre <strong>de</strong> Pita, réalise prothèses et chaussures spécia<strong>le</strong>s (environ 150 paires par an) pour <strong>le</strong>slépreux. La prise en charge médica<strong>le</strong> pour <strong>le</strong>s lépreux est tota<strong>le</strong>ment gratuite pour toutes <strong>le</strong>s personnes dépistées positives etpour <strong>le</strong>ur proche.Cependant, <strong>de</strong>ux aspects <strong>de</strong>meurent sans réponse, la prise en charge <strong>de</strong>s séquel<strong>le</strong>s par la chirurgie réparatrice, la réinsertionprofessionnel<strong>le</strong> <strong>de</strong>s anciens lépreux. Or, la moyenne Guinée compte 15.000 anciens lépreux dont 3.000 souffrant <strong>de</strong>séquel<strong>le</strong>s. Seuls 20 d’entre eux ont à ce jour pu bénéficier <strong>de</strong> chirurgie réparatrice.L’Ordre <strong>de</strong> Malte procè<strong>de</strong> à un recensement <strong>de</strong> tous <strong>le</strong>s villages <strong>de</strong> lépreux, afin d’étudier une possibilité <strong>de</strong> missionchirurgica<strong>le</strong> ; <strong>de</strong> plus il soutient <strong>le</strong>s centres <strong>de</strong> santé primaire <strong>de</strong> ces villages en <strong>le</strong>s dotant <strong>de</strong> médicaments. Cependant,beaucoup d’anciens lépreux ne survivent que grâce à la mendicité.Tuberculose : Chacune <strong>de</strong>s 10 préfectures <strong>de</strong> Moyenne Guinée dispose d’un centre <strong>de</strong> traitement antitubercu<strong>le</strong>ux et d’unlaboratoire d’analyse <strong>de</strong>s crachats. En 1993, la préva<strong>le</strong>nce était à 47 / 10.000. L’occurrence du sida conduit la préva<strong>le</strong>ncedésormais à plus <strong>de</strong> 60 / 10.000. Le protoco<strong>le</strong> standard <strong>de</strong> traitement sur 6 mois est bien entendu celui préconisé par l’OMS.Selon <strong>le</strong>s experts <strong>de</strong> l’OMS, <strong>le</strong>s laboratoires sont encore trop souvent inexistants, <strong>le</strong>s lacunes en matière d’inspection et <strong>de</strong>diagnostic, et la non-observance <strong>de</strong>s six mois <strong>de</strong> traitements ont augmenté dramatiquement la fréquence <strong>de</strong>s tubercu<strong>le</strong>uxporteurs <strong>de</strong> MDR – TB (Multi-Drug Resistant Tuberculosis), puisqu’apparaissent désormais en Afrique du Sud <strong>de</strong>s patientsultra-résistants XDR – TB. Qu’en est il en Guinée, nul ne <strong>le</strong> sait puisqu’aucune étu<strong>de</strong> n’est conduite sur <strong>le</strong> sujet … <strong>le</strong> CDCd’Atlanta est très pessimiste pour ce pays.ConclusionsLe missionnaire, dans sa mission d’assistance humanitaire et socia<strong>le</strong>, a été remplacé par <strong>le</strong>s bénévo<strong>le</strong>s <strong>de</strong>s ONG.Le pharmacien humanitaire à l’Ordre <strong>de</strong> Malte France opère dans un cadre <strong>de</strong> travail bien défini tant au siège que sur <strong>le</strong>smissions <strong>de</strong> terrain en Afrique. Il est responsab<strong>le</strong> <strong>de</strong> la politique <strong>de</strong>s médicaments essentiels adaptés et sé<strong>le</strong>ctionnés <strong>de</strong> concertavec <strong>le</strong>s dispensaires <strong>de</strong> santé et <strong>le</strong>s hôpitaux locaux. Il définit et met en œuvre <strong>le</strong> cahier <strong>de</strong>s charges <strong>de</strong>stiné aux centra<strong>le</strong>shumanitaires dans <strong>le</strong> cadre très contraint et limité <strong>de</strong>s budgets d’une ONG. Il s’assure <strong>de</strong> <strong>le</strong>ur envoi et réception à bon port,selon un agenda offrant <strong>de</strong> se <strong>sous</strong>traire aux ruptures <strong>de</strong> stocks (hors cadre épidémique). Il doit organiser, gérer <strong>le</strong>s contrainteslogistiques inopinées, former <strong>le</strong>s acteurs <strong>de</strong> terrain au bon usage <strong>de</strong>s médicaments, certifier que <strong>le</strong>s recommandations et <strong>le</strong>sprotoco<strong>le</strong>s <strong>de</strong> soins OMS soient bien respectés. Ces éléments à caractère technique doivent être en parfaite harmonie avec une17/18CR Séance académique du 7 octobre 2009