L'Association est une association caritative à vocation inter<strong>nationa<strong>le</strong></strong> (ONG); el<strong>le</strong> gère, en France, <strong>de</strong>s activités re<strong>le</strong>vant dudomaine social et <strong>de</strong>s structures médico-socia<strong>le</strong>s, notamment en faveur <strong>de</strong>s personnes handicapées ou <strong>de</strong>s personnesdépendantes (âge, Alzheimer, etc.). Dans <strong>le</strong>s pays <strong>le</strong>s plus pauvres ou touchés par <strong>le</strong>s conflits ou <strong>le</strong>s catastrophes naturel<strong>le</strong>s,souvent en partenariat avec d’autres ONG, el<strong>le</strong> œuvre pour affirmer la préva<strong>le</strong>nce <strong>de</strong> la justice et <strong>de</strong> l’équité auprès <strong>de</strong>populations vulnérabilisées, en s’impliquant directement dans <strong>le</strong> champ <strong>de</strong>s soins aux personnes.Les va<strong>le</strong>urs fondamenta<strong>le</strong>s <strong>de</strong> son action reposent sur <strong>le</strong> secours aux plus faib<strong>le</strong>s selon sa Charte fondatrice qui disait déjà il ya 900 ans : « sans distinction d'origine ou <strong>de</strong> religion ».Un établissement pharmaceutique est localisé à Versail<strong>le</strong>s. Il approvisionne et <strong>de</strong>ssert 176 centres <strong>de</strong> soins en Afriquesubsaharienne parmi <strong>le</strong>squels 5 hôpitaux et 5 léproseries. Ces centres sont soit <strong>sous</strong> la responsabilité directe <strong>de</strong>s Œuvres, soit<strong>de</strong>s dispensaires affiliés à <strong>de</strong>s congrégations qui partagent <strong>le</strong> même idéal.Pour illustrer <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> <strong>de</strong> l’Ordre <strong>de</strong> Malte France (OMF) dans cette vocation humanitaire, citons son implication dans la luttecontre la lèpre. L’Ordre <strong>de</strong> Malte a mis en place et continue une politique <strong>de</strong> financement <strong>de</strong> la recherche fondamenta<strong>le</strong> et <strong>de</strong>la recherche appliquée en créant <strong>de</strong>ux bourses annuel<strong>le</strong>s <strong>de</strong> 100.000 $ chacune, alors que l’OMS avait, il y a quelques années,déclaré trop tôt la fin <strong>de</strong> la Lèpre comme gran<strong>de</strong> cause humanitaire. L’OMS, <strong>de</strong>puis, est revenue sur cette désastreusedécision. Cela illustre aussi l’importance <strong>de</strong>s Associations caritatives ou humanitaires dans la prise <strong>de</strong> conscienceinter<strong>nationa<strong>le</strong></strong> dans <strong>le</strong> domaine <strong>de</strong> la santé.Le rô<strong>le</strong> du pharmacien humanitaireLe rô<strong>le</strong> du pharmacien humanitaire est sensib<strong>le</strong>ment <strong>le</strong> même quel<strong>le</strong> que soit l'organisation qui l'emploie à titre bénévo<strong>le</strong>.Nous développons successivement trois parties se rapportant à- la vision du pharmacien engagé dans la pratique <strong>de</strong> l’humanitaire- l’abord toujours uti<strong>le</strong> à rappe<strong>le</strong>r sur <strong>le</strong>s spécificités <strong>de</strong>s pays en développement- l’illustration <strong>de</strong>s plus concrètes au travers d’un exemp<strong>le</strong> <strong>de</strong> cette conjonction du pharmacien en milieu économiquementpauvre, en situation sanitaire proche du dénuement, mais dans une relation à la personne <strong>de</strong>s plus authentiques et <strong>de</strong>s plusriches.Le pharmacien dans la pratique <strong>de</strong> l’humanitaireQuel<strong>le</strong> que soit la filière suivie en fin d’étu<strong>de</strong>s, <strong>le</strong> cursus <strong>de</strong> formation initia<strong>le</strong> <strong>de</strong>s pharmaciens s’avère indispensab<strong>le</strong> dans lamise en œuvre <strong>de</strong> la pratique humanitaire. Cependant, il n’est pas suffisant. Des formations complémentaires appropriées,proposées par certaines facultés afin d’acquérir une compétence dans l’ai<strong>de</strong> humanitaire, s’avère uti<strong>le</strong> en vue <strong>de</strong> faciliter <strong>le</strong>urintégration à <strong>de</strong>s missions ou à la coopération pharmaceutique.Cette compétence repose d’abord sur une formation théorique <strong>sous</strong> forme <strong>de</strong> DU (diplôme universitaire) « <strong>Pharmacie</strong> Ai<strong>de</strong>Humanitaire » puis sur une formation pratique <strong>de</strong> plusieurs mois sur <strong>le</strong> terrain. En outre, certaines facultés dispensent encinquième ou sixième années une vingtaine d’heures <strong>de</strong> cours dédiés au registre humanitaire.Cette formation est nécessaire pour permettre aux pharmaciens <strong>de</strong> comprendre <strong>le</strong> nouvel environnement dans <strong>le</strong>quel s’insèreson exercice professionnel. En effet, la chaîne du soin dans laquel<strong>le</strong> <strong>le</strong> pharmacien humanitaire va <strong>de</strong>voir s’intégrer est assezloin <strong>de</strong> cel<strong>le</strong> connue dans nos pays. Dans <strong>le</strong> domaine humanitaire, on côtoie la misère, l’éloignement, <strong>le</strong> défaut <strong>de</strong> ressources,la pénurie <strong>de</strong> praticiens, <strong>le</strong> fatalisme attachés aux attitu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> chacun <strong>de</strong>s acteurs sur place. Les impedimenta seront <strong>de</strong> faitnombreux dans la pratique professionnel<strong>le</strong> du pharmacien humanitaire :- médicaments inadaptés aux besoins <strong>de</strong>s populations ;- médicaments périmés ;- médicaments présentant un conditionnement et un résumé <strong>de</strong>s caractéristiques produits en langue étrangère ;- médicaments hygroscopiques altérés par <strong>le</strong>s conditions tropica<strong>le</strong>s (chaud & humi<strong>de</strong>) ;- médicaments <strong>de</strong>vant être conservés dans la chaîne du froid ;- médicaments essentiels en rupture <strong>de</strong> stocks ;Ce <strong>de</strong>rnier point –la rupture <strong>de</strong> stocks- révè<strong>le</strong> la sensibilité voire la dépendance aux transports (quand ce n’est pas aufinancement ou bien à la politique <strong>de</strong>s Etats !) et à tous ses aléas logistiques liés à l’affrètement maritime pour <strong>le</strong>s pays <strong>de</strong> lacôte (conteneurisation, durée du transport, priorité), aux difficultés <strong>de</strong> continuation en transport routier pour <strong>le</strong>s pays enclavés,au choix <strong>de</strong> l’aérien pour <strong>le</strong>s zones dangereusement exposées (Tchad, Est <strong>de</strong> la RDC, etc.).Chaque rupture dans <strong>le</strong> mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> transport est source <strong>de</strong> vulnérabilité en regard <strong>de</strong>s prédateurs habituels. Que ce soit dans uncontainer sur un quai <strong>de</strong> livraison, dans un entrepôt <strong>de</strong> consignation en douanes, <strong>le</strong>s documents qui accompagnent <strong>le</strong>smarchandises signa<strong>le</strong>nt, pour eux, la présence <strong>de</strong> médicaments… c'est-à-dire d’un produit à forte va<strong>le</strong>ur ajoutée, considérécomme un luxe. Il est d’autant plus regardé comme un produit <strong>de</strong> luxe que beaucoup <strong>de</strong> personnes ne peuvent se l’offrir :nombre <strong>de</strong> containers en dépit du plombage apparemment intact sont ainsi « visités » avant <strong>le</strong>ur réception fina<strong>le</strong>.14/18CR Séance académique du 7 octobre 2009
Notre pharmacien humanitaire pourra être aussi désemparé par la <strong>de</strong>nsité <strong>de</strong>s médicaments, <strong>le</strong> plus souvent contrefaits quipullu<strong>le</strong>nt sur <strong>le</strong>s trottoirs <strong>de</strong>s vil<strong>le</strong>s, apparemment en toute impunité et <strong>le</strong> manque <strong>de</strong> qualification <strong>de</strong>s personnels appelés àtravail<strong>le</strong>r avec lui.Sur ce <strong>de</strong>rnier point, l’on est souvent heureusement surpris <strong>de</strong> la capacité <strong>de</strong>s paramédicaux à assurer <strong>de</strong>s fonctions plussophistiquées que cel<strong>le</strong>s auxquel<strong>le</strong>s ils ont été formés.Le rô<strong>le</strong> du pharmacien humanitaire est :- d’organiser, <strong>de</strong> gérer, <strong>de</strong> distribuer, <strong>de</strong> former, <strong>de</strong> contrô<strong>le</strong>r <strong>le</strong> recueil <strong>de</strong>s besoins en médicaments essentiels(adéquation aux proportions <strong>de</strong>s pathologies rencontrées, et à <strong>le</strong>ur saisonnalité (pério<strong>de</strong> humi<strong>de</strong> / pério<strong>de</strong> sèche,l’approvisionnement sur <strong>le</strong> plan logistique et financier, la gestion et distribution <strong>de</strong>s médicaments et dispositifsmédicaux sur <strong>le</strong>s différents centres <strong>de</strong> santé- <strong>de</strong> sensibiliser et former <strong>le</strong>s personnels <strong>de</strong> santé au bon emploi <strong>de</strong>s médicaments et aux bonnes pratiques <strong>de</strong> gestion- d’apprendre comment détruire et éliminer <strong>de</strong>s déchets pharmaceutiques- d’exercer un œil critique sur <strong>le</strong>s pratiques <strong>de</strong>s laboratoires d’analyses (matériels, réactifs, techniques, témoinsd’étalonnage, etc.)Fréquemment, il lui sera <strong>de</strong>mandé d’al<strong>le</strong>r au <strong>de</strong>là <strong>de</strong> son rô<strong>le</strong> premier <strong>de</strong> pharmacien « logisticien » pour jouer d’autres rô<strong>le</strong>scomme celui d’hygiéniste ou même d’économiste <strong>de</strong> la santé.Ainsi, <strong>le</strong> quotidien du pharmacien humanitaire est tout autant <strong>de</strong> :- se battre pour l’hygiène : <strong>de</strong>puis <strong>le</strong>s sièges et <strong>le</strong>s sols <strong>de</strong>s sal<strong>le</strong>s d’attente jusqu’aux paillasses où l’on réalise <strong>le</strong>sgouttes épaisses- s’insurger en permanence contre la sa<strong>le</strong>té <strong>de</strong>s murs, <strong>de</strong>s blouses, <strong>de</strong>s divans d’examen au revêtement toujoursmoribond et au drap d’examen inexistant- faire <strong>de</strong> l’eau <strong>de</strong> javel, sans concession aucune, son allié constant!- rappe<strong>le</strong>r qu’une moustiquaire imprégnée ne doit présenter aucune déchirure et que son imprégnation a une durée <strong>de</strong>vie limitée- rappe<strong>le</strong>r sans cesse que la stérilisation en autoclave est obligatoire pour tous <strong>le</strong>s matériels à usage multip<strong>le</strong> au contact<strong>de</strong>s mala<strong>de</strong>sSeuls <strong>le</strong>s médicaments figurant à la nomenclature <strong>de</strong>s essentiels <strong>de</strong> l’OMS doivent être prescrits au mala<strong>de</strong>. Ce problème nese pose pas en milieu rural où <strong>le</strong>s seuls médicaments <strong>de</strong>s ONG sont accessib<strong>le</strong>s dans <strong>le</strong>s dispensaires associatifs, par contre envil<strong>le</strong> <strong>le</strong>s usages sont tout autre : il advient comme dans <strong>le</strong>s centres <strong>de</strong> santé publique que <strong>de</strong>s médicaments plus récents, maissurtout plus onéreux soient recommandés au mala<strong>de</strong> ; <strong>le</strong> pharmacien doit veil<strong>le</strong>r à l’économie <strong>de</strong> sa gestion autant qu’à cel<strong>le</strong><strong>de</strong>s mala<strong>de</strong>s. Il doit être un garant vigilant du ratio prix / efficacité.Spécificités <strong>de</strong>s pays en voie <strong>de</strong> développementOn estime que l’ensemb<strong>le</strong> <strong>de</strong>s ONG représenterait 10% du PNB mondial. Ce chiffre est considérab<strong>le</strong>.Les populations concernées par <strong>le</strong>ur action n’ont pas <strong>de</strong> couverture socia<strong>le</strong>. Les pays concernés ont un déficit en structures <strong>de</strong>soins conventionnel<strong>le</strong>s. L’accès aux médicaments essentiels est diffici<strong>le</strong>. Ces pays sont atteints <strong>de</strong> p<strong>le</strong>in fouet par <strong>le</strong>s gran<strong>de</strong>sendémies (drame du Sida) avec réduction <strong>de</strong> l’espérance <strong>de</strong> vie dans un grand nombre et un impact économique considérab<strong>le</strong>.Du fait <strong>de</strong> ne pouvoir accé<strong>de</strong>r aux soins, en Afrique subsaharienne, on estime que :- 10 millions d’enfants <strong>de</strong> moins <strong>de</strong> cinq ans meurent chaque année- 500.000 femmes décè<strong>de</strong>nt <strong>de</strong>s suites <strong>de</strong> <strong>le</strong>ur grossesse- 17 millions <strong>de</strong> personnes meurent <strong>de</strong> maladies infectieusesCertes, l’OMS rappel<strong>le</strong> que la santé doit être une priorité <strong>de</strong>s politiques publiques et <strong>de</strong> l’ai<strong>de</strong> publique au développement, etdisposer d’un financement stab<strong>le</strong>, dont un minimum estimé à 40 dollars par habitant par an pour <strong>de</strong>s services <strong>de</strong> base. Il fautse rendre compte comme nous <strong>le</strong> montrerons ultérieurement avec l’exemp<strong>le</strong> <strong>de</strong> la Guinée / Conakry que certains dispensairesne disposent en tout et pour tout pour ses achats <strong>de</strong> médicaments que <strong>de</strong> 500 dollars par an pour environ 5.000 habitants.Les directions <strong>de</strong>s pharmacies <strong>de</strong>s pays africains combattent <strong>le</strong>s médicaments trottoirs et luttent contre <strong>le</strong>s importationsilléga<strong>le</strong>s. Reste que par manque <strong>de</strong> moyens, et par manque <strong>de</strong> volonté politique affirmée, jamais <strong>le</strong> commerce illégal n’aautant prospéré.Qui pénètre dans une véritab<strong>le</strong> officine en Afrique ? Moins <strong>de</strong> la moitié <strong>de</strong> la population.Les raisons sont d’abord économiques, viennent ensuite la géographie <strong>de</strong>s lieux, <strong>le</strong>s mœurs, avec <strong>le</strong> recours à la pharmacopéetraditionnel<strong>le</strong>, et l’analphabétisme qui pèse invariab<strong>le</strong>ment son poids <strong>de</strong> préjugés.15/18CR Séance académique du 7 octobre 2009