Le temps, la durée et les délais

Contrats PublicsNicolas Jeanjean, acheteur publicFiches pratiquesLe temps, la durée et les délaisdans les marchés publics1. Problématique de la gestion du tempsdans les marchés publicsIl est souvent reproché au code des marchés publics la lenteur de ses procédures, en raisondes délais incompressibles qu’il mentionne. Nonobstant le récent relèvement des seuils qui a permisgrâce au peu de formalisme de la « procédure adaptée » d’en réduire les délais, la passationd’un appel d’offres nécessite encore plusieurs mois.Ces délais de procédure relativement longs sont perçus comme une contrainte forte pour un acheteurdont l’activité s’inscrit dans une « course contre la montre » permanente. Cela le conduit biensouvent à précipiter la définition des besoins et l’exécution du marché ; deux étapes pour lesquellesle code n’impose pour ainsi dire aucun délai. Or la précipitation de ces deux phases est à l’originede toutes les difficultés rencontrées (besoins inappropriés, mauvaise exécution, contentieux, etc.).Dans un contexte de professionnalisation des achats publics et de mise en place progressive de politiqued’achat, seule une approche globale de l’ensemble des délais permet d’assurer la maîtrise etla réussite des achats, notamment des plus complexes.Pour ce faire, la personne responsable des marchés peut (ou doit) prendre le soin de planifier etd’anticiper toutes les phases de l’achat, du début de la définition des besoins à la fin complète del’exécution du marché, en passant bien évidemment par la procédure.2. Gestion du temps et définition des besoins :hâte-toi lentement…Placée sous le sceau de l’efficacité de la commande publique et de la bonne utilisation desdeniers publics, la définition des besoins est la clé de voûte de tout le processus d’achat ; elle déterminele bon déroulement de toutes les étapes ultérieures (choix d’une procédure adéquate, de l’allotissement,définition des obligations respectives des parties, détermination des critères de sélection,choix du meilleur candidat, etc.).Le temps nécessaire à la définition des besoins est à la libre appréciation de l’acheteur public. Lecode ne prescrit aucun délai, « seulement » un résultat à atteindre : rédiger un cahier des charges.Dans la pratique, de plusieurs jours à plusieurs mois (ou années dans certains cas) peuvent êtrenécessaires. Une description précise de toutes les taches liées à la définition des besoins et leur planificationdeviennent un exercice déterminant. Citons classiquement trois étapes : le recensement des besoins ; la rédaction des cahiers de charges ; la validation du dossier.▼Contrats Publics / N° 40 - janvier 200555

Fiches pratiquesPour les dossiers les plus complexes, le processus de définition des besoins – forcément plus long –peut s’articuler autour des trois étapes suivantes : l’argumentation des idées consistera à formaliser de façon claire et objective le projet ; l’étude d’opportunité définira les objectifs et le champ du projet, évaluera les chargeset les coûts (bilan économique du projet), indiquera les impacts et contraintes ; l’étude de faisabilité exprimera les besoins identifiés, déterminera une enveloppe budgétaireet les moyens humains nécessaires…3. Gestion du temps et procédures de passationdes marchés : les délais du code tu respecteras…Le code des marchés publics fixe les délais qui jalonnent le déroulement des procédures. On noteraque la plus grande majorité des délais imposés par le code ne trouve à s’appliquer qu’aux procéduresformalisées (appels d’offres ou dialogue compétitif par ex.) et non à la procédure adaptée.ÉtapesProcéduresDélaisRéf. CMPDérogationsObservationsPublication des avis depublicité au BOAMPAOO, AOR, MN et DCnormal : 11 j.urgent : 6 j.Art. 40Art. 40Éléments complémentairesà apporter audossier de candidaturepar les fournisseursAOO, AOR, MN et DCDélais qui ne doivent pasexcéder 10 j.Art. 52Délais identiques pour tousles candidatsConvocation de la CAOAOO, AOR, MN et DC> 5 j. avant réunionArt. 23Réception des plis et descandidaturesAOOnormal : > 52 ou 22 j.Art. 39 et 57Avis de préinformation (i)Certains marchés de travaux (ii)urgent : > 15 j.Art. 57Certains marchés de travaux (ii)Urgence non imputable àla PRMAORnormal : > 37 ou 22 j.Art. 60Certains marchés de travaux (ii)urgent : > 15 j.Art. 60Urgence non imputable àla PRMMNnormal : > 37 ou 22 j.Art. 65Certains marchés de travaux (ii)urgent : > 15 j.Art. 65Urgence non imputable àla PRMDC> 37 j.Art. 67(i) 22 jours si l’avis de préinformation a été publié dans les conditions de l’article 39 (l’avis de préinformation doit avoir été envoyé à la publicationcinquante-deux jours au moins et douze mois au plus avant la date d’envoi de l’avis d’appel public à la concurrence et contenir autant derenseignements que ceux énumérés dans l’avis d’appel public à la concurrence, pour autant que ces renseignements soient disponibles au moment del’envoi de l’avis de préinformation).(ii) 22 jours s’il s’agit d’un marché de travaux dont le montant est compris entre 230 000 et 5 900 000 euros HT.56Contrats Publics / N° 40 - janvier 2005

Fiches pratiquesAOO : appel d’offres ouvertAOR : appel d’offres restreintMN : marché négociéDC : dialogue compétitifÉtapesProcéduresDélaisRéf. CMPDérogationsObservationsRéception des offresAORnormal : > 40 ou 22 j.Art. 39 et 62Avis de préinformation(i)Certains marchésde travaux (ii)urgent : > 15 j.Art. 62Urgence non imputable àla PRMDC15 j.Art. 67Envoi des cahiers des charges etdes documents complémentaires parla PRMAOOAORtvx et serv. : 6 J.fournitures : 4 j.aucunArt. 57Envoi des renseignementscomplémentaires sur les cahiersdes chargesAOOnormal : 6 J.urgent : aucunArt. 57AORnormal : 6Art. 62urgent : 4 j.Production par le titulaire pressentides certificats fiscaux & sociaux exigésAOO, AOR, MN et DCAucunArt. 53Délai à fixer par la PRMInformation des candidats du rejetdes candidatures/offresAOO, AOR, MN et DC« Dès que [la PRM] afait son choix »Art. 76Informations relatives àla non-attribution ou non-notificationdu marché du fait de la PRMAOO, AOR, MN et DC« Dans les plus brefsdélais » une fois ladécision priseArt. 76Motif du rejet de chaquecandidature/offresAOO, AOR, MN et DC15 j.Art. 77À compter de la réceptiond’une demande écriteNotification du marchéAOO, AOR, MN et DC10 j.Art. 76Entre la date à laquelle ladécision est notifiée aux candidatsnon retenus et la datede signature du marchéEnvoi de l’avis d’attributionAOO, AOR, MN et DC< 30 j.Art. 80À compter de la notification dumarché(i) 22 jours si l’avis de préinformation a été publié dans les conditions de l’article 39 (l’avis de préinformation doit avoir été envoyé à la publicationcinquante-deux jours au moins et douze mois au plus avant la date d’envoi de l’avis d’appel public à la concurrence et contenir autant derenseignements que ceux énumérés dans l’avis d’appel public à la concurrence, pour autant que ces renseignements soient disponibles au moment del’envoi de l’avis de préinformation).(ii) 22 jours s’il s’agit d’un marché de travaux dont le montant est compris entre 230 000 et 5 900 000 euros HT.Contrats Publics / N° 40 - janvier 200557

Fiches pratiquesDÉLAI D’EXÉCUTION DES PRESTATIONS DU MARCHÉLe ou les délais d’exécution doivent être fixés par l’acheteur dans son cahier des chargesou précisés par le fournisseur dans sa réponse à l’appel d’offres.DURÉE D’EXÉCUTION DES BONS DE COMMANDELa durée maximale doit être précisée dans le cahier des charges.DÉLAI DE VÉRIFICATION DE LA BONNE EXÉCUTION DES PRESTATIONSLe ou les délais de vérification de la bonne exécution des prestations doivent être fixés par l’acheteurdans son cahier des charges ou précisés par le fournisseur dans sa réponse à l’appel d’offres.DÉLAI DE GARANTIELe ou les délais de garantie doivent être fixés par l’acheteur dans son cahier des charges ouprécisés par le fournisseur dans sa réponse à l’appel d’offres.Exemple de planification complète :de la définition des besoins à l’exécution des marchésContrats Publics / N° 40 - janvier 200559

Fiches pratiquesModèles de fiches de planificationEnvoi de la publicité au JOUEEnvoi de la publicité au BOAMPRéception des plisOuverture des candidaturesAnalyse des candidaturesCAO : choix des candidatures etouverture des offresAnalyse des offresCAO : choix de l’offreÉCHÉANCIER PROCÉDURE D’APPEL D’OFFRES OUVERTÉTAPES DATES OBSERVATIONSRédaction du rapport de présentationEnvoi à l’organe de contrôle 1Retour de l’organe de contrôle 1Envoi à l’organe de contrôle 2Retour de l’organe de contrôle 2NotificationEnvoi de l’avis d’attribution au BOAMPEnvoi de l’avis d’attribution au JOUE60Contrats Publics / N° 40 - janvier 2005

Fiches pratiquesFiches pratiquesÉCHÉANCIER PROCÉDURE D’APPEL D’OFFRES RESTREINTÉTAPES DATES OBSERVATIONSEnvoi de la publicité au JOUEEnvoi de la publicité au BOAMPRéception des candidaturesOuverture des candidaturesAnalyse des candidaturesCAO : choix des candidaturesEnvoi du DCERéception des offresCAO : ouverture des offresAnalyse des offresCAO : choix de l’offreRédaction du rapport de présentationEnvoi à l’organe de contrôle 1Retour de l’organe de contrôle 1Envoi à l’organe de contrôle 2Retour de l’organe de contrôle 2NotificationEnvoi de l’avis d’attribution au BOAMPEnvoi de l’avis d’attribution au JOUEContrats Publics / N° 40 - janvier 200561

Aymeric Ruellan, juriste-conseil.Fiches pratiquesContrats PublicsQuelle durée peut-on prévoir pour lesmarchés publics autres que fractionnés ?L’article 15 du code des marchés publics rappelle que, sauf exception, la durée d’un marchéest fixée en tenant compte de la nature des prestations et de la nécessité d’une remise en concurrencepériodique. Il n’y a pas de durée maximale prévue sauf dans le cadre des articles 35-III, 68et 71. Toutefois, la mise en concurrence doit être régulière et sa périodicité doit être appréciée parl’acheteur public en fonction à la fois de : l’objet du marché ; la convenance des prestations et des prix au besoin exprimé.Dans un courriel du 5 avril 2004, la direction des affaires juridiques (DAJ) du ministère del’économie et des finances indique que « pour apprécier cette durée, il peut être notamment tenucompte du temps nécessaire à la réalisation des prestations ou de la durée d’amortissement desmatériels nécessaires à l’exécution du marché ». La durée d’amortissement comptable des matérielspeut constituer une référence permettant de déterminer la durée optimale du marché, mais cecritère ne peut être considéré comme toujours totalement pertinent.En effet, lier la durée du marché à la durée d’amortissement des investissements consentis par lefournisseur peut paraître légitime lorsque le fournisseur consent une dépense en investissementdans le but de satisfaire la demande d’une seule collectivité à titre exclusif et sans possibilité deréaffectation du bien acquis.En revanche, dès lors que les équipements sont utilisés parallèlement ou successivement pour lecompte de plusieurs clients publics ou privés, il devient anormal de faire supporter par un seul clientpublic l’amortissement de ces équipements. En outre, cette pratique demeure peu compatible avecl’exécution de certaines prestations (ex. : travaux routiers ou opérations de construction) qui nécessitentla détention de moyens matériels suffisants susceptibles d’être mobilisés simultanément pourla durée d’exécution généralement brève sans que celle-ci n’équivale à la durée pluriannuelle desamortissements comptables. C’est donc au cas par cas que l’acheteur public doit déterminer la duréeoptimale du marché qu’il entend conclure.La DAJ a estimé qu’« une durée supérieure à cinq ans ne peut être dépassée que dans de rares cas[…]. En effet, les marchés publics devant être passés après mise en concurrence, il est nécessaireque la pression de la concurrence soit maintenue afin de pouvoir obtenir de meilleurs prix. Celan’est possible que si ces marchés n’ont pas une durée excessive. S’agissant, en particulier, de marchéssupérieurs à cinq ans, celle-ci ne peut être justifiée que si l’acheteur public peut démontrer[…] qu’elle est économiquement justifiée, notamment par des investissements importants financéspar le titulaire et qui deviennent la propriété de la collectivité publique » (1) .(1) RMP, n° 268, octobre 1992, p. 9.62Contrats Publics / N° 40 - janvier 2005

Fiches pratiquesNous retenons de cette réponse que la DAJ estime que cinq ans constituent une durée maximaleet que les marchés prévoyant une durée supérieure ne permettent pas d’obtenir desconditions économiques optimales en prix et en qualité de service, du fait de l’absence de remiseen concurrence (2) . Au-delà de cinq ans, il s’agit donc d’exceptions.Aussi, lorsque l’objet du marché nécessite de la part de son titulaire des investissements techniques,organisationnels ou financiers importants qui impliquent d’être amortis sur la duréedu marché, il est possible de dépasser une durée de trois ans. C’est le cas, par exemple, pour lesmarchés de nettoyage, de restauration et pour les marchés d’infogérance informatique.Le Guide du nettoyage des locaux, édité en novembre 1999 par la DAJ, tout en recommandant auxacheteurs publics de prévoir, pour ces marchés, une durée d’un an et « de ne pas dépasser trois ans,afin de remettre les prestations en concurrence à intervalles périodiques raisonnables », indiqueque « pour les marchés nécessitant de la part de l’entreprise des investissements matériels particulièrementcoûteux et justifiés par l’objet du marché, cette durée peut exceptionnellement êtreportée à cinq ans » (3) .En ce qui concerne les marchés de collecte et d’évacuation des ordures ménagères, la DAJ a estiméque si ceux-ci sont à quantités fixes (ex. : nombre de containers et de ramassages hebdomadairesnon susceptibles d’évoluer sur un périmètre géographique donné), ils peuvent avoir une durée decinq ans. Si le marché nécessite une prise en compte de l’évolution prévisible des besoins, à raisonnotamment de l’extension du périmètre géographique à desservir, il peut prendre la forme d’unmarché à bons de commande (4) .Lorsqu’il souhaite prévoir dans ses marchés une durée supérieure à trois ans, l’acheteurpublic a tout intérêt à prévoir des clauses particulières permettant de limiter la durée du contrat etde sortir de la relation contractuelle en cas de problème (clauses de résiliation du marché) et d’adapterla forme du marché afin de leur donner une souplesse quant à la durée. Il conviendra alors de prévoirun marché fractionné avec une tranche ferme et une tranche conditionnelle ou optionnelle.En cas d’instabilité, des clauses qui permettent de mettre fin à la relation contractuelle avant sonterme peuvent être prévues dans le marché :• Les parties peuvent ainsi accorder à l’une ou l’autre partie la faculté de « mettre fin aucontrat » (résiliation unilatérale)• L’acheteur public, conscient des difficultés qu’il pourrait rencontrer en cours d’exécutiondu marché, peut prévoir les circonstances qui lui permettront d’y mettre fin alors mêmeque le terme du contrat initialement prévu n’est pas atteint.Une clause de « hardship » peut également être prévue, par exemple « si par suite de circonstancesd’ordre économique ou commercial survenant après la signature du contrat et en dehors des prévisionsnormales des parties (exposé des cas de figure intéressant le contrat : variations très importantesdes conditions économiques, augmentations du prix des matières premières, en cas d’événementspolitiques graves, modification de la législation…) l’économie des rapports contractuels venait à êtremodifiée au point de rendre préjudiciable pour l’une des parties l’exécution de ses obligations, etc.(description du régime choisi : suspension, avenant, résiliation avec préavis »).(2) Il ressort d’une réponse ministérielle de 1998 qu’« il revient à la personne publique d’apprécier au cas par cas la duréenécessaire à l’exécution du contrat, avec pour objectif d’organiser une concurrence régulière des fournisseurs permettant devérifier la convenance des prestations et des prix au besoin exprimé » (JOAN, n° 15 AN (Q) du 13 avril 1998, p. 2078-2079).(3) Disponible sur www.finances.gouv.fr/daj/guide/gpem/5719/5719.htm(4) RMP, 3/99, p. 3.Contrats Publics / N° 40 - janvier 200563