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— 430 —des habitudes et de l'école littéraire du XIV* siècle, qui faisait dela critique mordante et audacieuse l'un de ses principaux mérites?Au nombre des exemples les plus hardis d'une telle innovationdans l'économie morale des mystères, il faut remarquer surtout ladeuxième partie du mystère de la Passion. On attribue l'apparitionde cette nouveauté à une influence politique; on y a vu Jean sansPeur préludant par ce moyen détourné à ses attaques envers sonrival, le duc Louis d'Orléans ; préparant ainsi l'opinion publiqueen sa faveur, et la tournant contre ce dernier au moyen d'allusionsfrappantes à tous les bruits alors semés dans Paris contre la reineIsabeau et le duc d'Orléans. Plus tard, Jean sans Peur devait sedébarrasser de ce rival par un assassinat.Dans l'intention de mettre en évidence les rapports du théâtreavec l'histoire contemporaine en France, M. Onésime Leroy aexposé avec beaucoup de soin le système de ces ingénieux rapprochements,montrant avec certitude l'effet de ces représentationsthéâtrales sur l'opinion publique, à Paris surtout, pendant les époquesde désordre et d'anarchie. A côté de ce genre de représentationspubUques et religieuses, il en existait un autre plus spécialementdestiné aux amusements intérieurs. Des grands seigneursappelaient dans leurs palais des joueurs de personnages, et deschanteurs publics, s'ils n'en avaient pas de particulièrement appartenantà leur maison. Les poètes des princes recevaient la missiondécomposer des poésies dialoguéespour servir à ces représentationstoutes divertissantes et de bouffonneries. La politique n'y figuraitque rarement.Le poète favori de Louis d'Orléans offre, dans le recueil de sesœuvres, de nombreux exemples de ces sortes de représentationsscéniques, que l'on doit ajouter à la série des faits qui se rattachentà l'histoire du théâtre en France. Du moins, nous semble-t-il quel'on peut regarder comme étant destinées à cet usage, celles despoésies d'Eustache Des Champs qu'il a intitulées lui-même : « Chan-« sons à deux visages, à jouer de personnages ; » ou encore « Le« Dit des IV offices de l'ostel, à jouer par personnages », et biend'autres qui sont réunies dans le manuscrit n" 7219, de la BibliothèqueImpériale.

— !i3\—Il y avait donc de petites scènes dialoguées, destinées, commenos proverbes, à varier l'emploi du temps dans le grand monde.Au milieu des fêtes pompeuses, au contraire, apparaissaient lesgrandes représentations théâtrales dans lesquelles les dialoguesn'occupaient qu'une place très-secondaire; les sièges simulés, lescombats sur terre et sur mer en étaient la partie principale, et lesSarrasins ou lesTurcs les victimes habituelles. Le manuscrit de laChronique de Saint-Denis, n" 8395, fol. 473, admirable volume dela fin du XIV* siècle, a reproduit dans l'une de ses belles miniaturesle spectacle (1) d'un siège simulé, donné à l'empereur d'Allemagnependant un repas qu'il prit dans le palais du roi Charles V.Le théâtre pieux s'associa donc aussi aux poètes de l'école duRoman de la Rose pour moraliser, sous forme de fiction dialoguée,les mœurs dépravées de l'époque : il s'y prit plus doucement, maisle but était le même.Après avoir sommairement analysé les ouvrages que nous venonsde citer, et qui renferment tous la critique sévère de certains vicesfort communs durant le XIV^ siècle, si l'on voulait essayer de chercherles causes de ces mauvaises mœurs, on ne pourrait peut-êtrepas se dispenser de remarquer la fausse direction prise par lesécrivains les mieux intentionnés, auteurs des livres d'éducation àl'usage des classes diverses de la société. Si l'on étudie ceux de ceslivres qui sont parvenus jusqu'à nous, et les écrits où sont consignésles préceptes en vogue à cette époque, on ne sera peut-êtrepas éloigné d'y trouver la source indirecte de toutes les singularitésde mœurs du XIV siècle.Les Uvres de moralechrétienne, composés pour la jeunesse desdeux sexes, ne sont pas purgés entièrement d'exemples qui, quoiquetirés de l'histoire, seraient de nos jours rejetés comme licencieux.Cet oubU des plus sages convenances seretrouve aussi dansla représentation des sujets de l'Histoire Sainte, comme ornement(1) On voit aussi en tête du manuscrit latin n» 7907-A, Cuntenaut le textelatin des comédies de Térence, un ancien théâtre probablement figuré d'aprèsles formes qu'on lui donnait au XlVe siècle.

— 430 —<strong>des</strong> habitu<strong>des</strong> et de l'école littéraire du XIV* siècle, qui faisait dela critique mordante et audacieuse l'un de ses principaux mérites?Au nombre <strong>des</strong> exemples les plus hardis d'une telle innovationdans l'économie morale <strong>des</strong> mystères, il faut remarquer surtout ladeuxième partie du mystère de la Passion. On attribue l'apparitionde cette nouveauté à une influence politique; on y a vu Jean sansPeur préludant par ce moyen détourné à ses attaques envers sonrival, le duc Louis d'Orléans ; préparant ainsi l'opinion publiqueen sa faveur, et la tournant contre ce dernier au moyen d'allusionsfrappantes à tous les bruits alors semés dans Paris contre la reineIsabeau et le duc d'Orléans. Plus tard, Jean sans Peur devait sedébarrasser de ce rival par un assassinat.Dans l'intention de mettre en évidence les rapports du théâtreavec <strong>l'histoire</strong> contemporaine en France, M. Onésime Leroy aexposé avec beaucoup de soin le système de ces ingénieux rapprochements,montrant avec certitude l'effet de ces représentationsthéâtrales sur l'opinion publique, à Paris surtout, pendant les époquesde désordre et d'anarchie. A côté de ce genre de représentationspubUques et religieuses, il en existait un autre plus spécialement<strong>des</strong>tiné aux amusements intérieurs. Des grands seigneursappelaient dans leurs palais <strong>des</strong> joueurs de personnages, et <strong>des</strong>chanteurs publics, s'ils n'en avaient pas de particulièrement appartenantà leur maison. Les poètes <strong>des</strong> princes recevaient la missiondécomposer <strong>des</strong> poésies dialoguéespour servir à ces représentationstoutes divertissantes et de bouffonneries. La politique n'y figuraitque rarement.Le poète favori de Louis d'Orléans offre, dans le recueil de sesœuvres, de nombreux exemples de ces sortes de représentationsscéniques, que l'on doit ajouter à la série <strong>des</strong> faits qui se rattachentà <strong>l'histoire</strong> du théâtre en France. Du moins, nous semble-t-il quel'on peut regarder comme étant <strong>des</strong>tinées à cet usage, celles <strong>des</strong>poésies d'Eustache Des Champs qu'il a intitulées lui-même : « Chan-« sons à deux visages, à jouer de personnages ; » ou encore « Le« Dit <strong>des</strong> IV offices de l'ostel, à jouer par personnages », et biend'autres qui sont réunies dans le manuscrit n" 7219, de la BibliothèqueImpériale.

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