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Recueil de poésies françoises des 15e et 16e siècles, morales ...

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POESIES FRANÇOISESDES XV' ET XVI' SIECLES


Pnris. Impr. Guirau<strong>de</strong>l el Jouaust, 338, rue S.-Honoré.


76^^ rRECUEILPOESIES FRANÇOISESDESXV«ETXVI« SIÈCLESMorales , facétieuses , historiquesRÉUNIES ET ANNOTÉESPAR M. ANATOLE DE MONTAIGLONAncien élève <strong>de</strong> l'école <strong>de</strong>s CharlesMembre rési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la Société <strong>de</strong>s Antiquaires <strong>de</strong> FranceTome VChez P.A PARISJann<strong>et</strong>, LibraireMDCCCLVI


Û33à~


Le Débat <strong>de</strong> la BamoiscUc <strong>et</strong> <strong>de</strong> la Dourgoise, noiu'cUcrnent iinpriiné à Paristrès bon <strong>et</strong> joieidx '.ng jour <strong>de</strong> may trouble <strong>et</strong> pluviemEn godant au doz ma chemise,Moitié courcé, moitié joveulx ,IEntre servilute <strong>et</strong> franchise,'Ainsi que jeuz la teste miseSur le bort <strong>de</strong> mon orillier,Me vint frapjter ung vent <strong>de</strong> biseQui me fist tout droit soumilier.En ce sommeil ,pour abrcigier,Eus lors maintes menues penséesPour adoulsir <strong>et</strong> engreigier,De riz <strong>et</strong> <strong>de</strong> plours enlacées;Puis , ses fantasics-là passées ,Volay en ung palais <strong>de</strong> tloursOù là ,par journées compasséesOn tenoit lechiquier d'Amours*.i .C<strong>et</strong>te pièce, que nou5 avons copiée sur l'exemplaire<strong>de</strong> M. Cigongne, est un in-4 gnlh., sans titre, <strong>de</strong> lo ff.,sous la sig. A-B, la première <strong>de</strong> 6 <strong>et</strong> la secon<strong>de</strong> <strong>de</strong> 4 fr".,.î6 lignes à la page. L'impression est souvent incorrecte.2, C'est-à-dire la cour ou le parlement d'Amours. On


,6 Débat <strong>de</strong> la DemoiselleDu lieu dit proprins <strong>et</strong> <strong>de</strong> laislre*Ne sçaroye la moitié conter ;Brief , cestoit ouvrage <strong>de</strong> maistre;Il n'y failloit m<strong>et</strong>tre n'ostcr ^ ;Livres n'y failloit point porter :Car gens d'Amours, qui là estoient,Savoient les drois sans reciterEt sur le champ en disputoient.Là ne gaignoient riens advocasPar ce que les parties proposentEt plai<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> (la) bouche leur cas ;Mais leurs conseilliers bien y glosent.Praticiens aller n'y osent ;Car c'estoient irestous coustumicrs.Et font les laixs <strong>et</strong> en disposentComme s'ils en estoient sommiers*.Si advint, ainsi que j'enlrayDedans le parc <strong>de</strong> l'auditoire,Que fronc à fronc je rencontrayDeux femmes dignes <strong>de</strong> mémoire,Commençant si très hault à braireQue on leur imposast silence;Mais onc(ques) ne se voulsirenltayreJusques elles eurent audience.se rappelle l'Echiquier <strong>de</strong> Normandie , dont M. Floquela écrit riiistoire au conimencenient <strong>de</strong> ses Étu<strong>de</strong>s sur leparlement <strong>de</strong> Normandie , <strong>et</strong> , à Londres , la cour <strong>de</strong> l'Echiquier,qui y existe encore avec ce nom.1. L'a«/r«, c'est Vatrium; mais proprins est-il pourpourpTis?~i. Imp.: ny ester.— 3.C'est-a-direleslois.— !\. Cf. la note, p. 3o.


ET DE LA Bourgeoise.L'une si esloit DamoiselleJeune ,gente , droite <strong>et</strong> ligièreGracieuse , tout oultre belleDe bel acueil , doulce manièreDigne d'estre grant tresorièreD'amans, querant avancement,Parlant en très bonne manièreNe trop peu ne trop largement.L'autre partie estoil Bourgoise,Gente , bien faicte <strong>de</strong> corpsaigeBruyant quelque part qu'elle voise.De grant maintien <strong>et</strong> hault courageTrès hardie <strong>et</strong> aspre en langaigePour ung homme à ses piéz confondre;Il n'est avocat , tant soit saigeQu'il n'eust grant paine à luy respondre.La Bourgoise commence.Geste Bourgoise commençaComme la première arrivéeA plai<strong>de</strong>r son cas çà <strong>et</strong> làDisant que en l'avoit grevéePar une enlrcprinse levéeContre elle sans occasionDont la court estoit abreuvéeEn requérant provision.La Damoiselle.Mes seigneurs , dist la Damoiselle,Jà besoing ne fcust <strong>de</strong> plaidierEn jugement ceste querelle,


,,Débat <strong>de</strong> la DemoiselleAins * se <strong>de</strong>ust par amys vui<strong>de</strong>r.En moy n'a tenu d'accor<strong>de</strong>r,Ainçoys mon povoir en ay fait;Mais oncques n'y veult accor<strong>de</strong>r,Tant se sent seure <strong>de</strong> son fait.La Bocrgoise,Vous dires ce qu'il vous plaira ;Mais icy, seur, avez grant tort.Car jà sçeu ne trouvé seraQue je refusasse onc acord ;De toucher plusieurs offrent fortPour les cueurs <strong>de</strong>s oyans atraire ;Mais tousjours ,quant ce vient au fortNe veullent plai<strong>de</strong>r ne acroire.LaDamoiselle,Je suis contente <strong>de</strong> ma partD'avoir ung seul juge <strong>et</strong> vous <strong>de</strong>uxPour ouyr nostre cause à partSans jà plai<strong>de</strong>r <strong>de</strong>vant tant d'yeulx.Aussi la chose en vauldroit mieuxAffin qu'alleurs le bruit n'en volle^Et encroire jeunes <strong>et</strong> vieulx,Regar<strong>de</strong>r si je feiz l'estolle*.LaBodrgoise.Vous parlez tousjours au plus loingDe là où le cueur si vous maine ;Prandre arbitres n'est jà besoingQui ne veult batre l'eaue en Seine.1. Imp. : Ainsy. — a. Peut-être la sotte, <strong>de</strong> stolida.


ET DE LA Bourgeoise.Nous sommes en court souveraine ;Céans n'y a faveur n'envie ;De tant prcscher ce n'est que peine :Qui l'aura millear [milleur?] si l'envie.LaDahoiselle.Quant est à moy, rien ne <strong>de</strong>man<strong>de</strong>Qui ne me sera <strong>de</strong>mandant ;S'on masault, faut que me <strong>de</strong>ffen<strong>de</strong>.En mon honneur <strong>et</strong> droit gardant.Sur vous avez tort evidant :La fin en monstrera le fait.Et sur ce point le Prési<strong>de</strong>ntLeur dist qu'ilz venissent au fait.La Bocrgoise.Mes seigneurs, il est véritéQue j'ay scrvy long temps AmoursEn froict, chaull, yvcr <strong>et</strong> esté,Où j'ay souffert maintes doulours,Et, combien que <strong>de</strong> nuyt[s] <strong>et</strong> joursJe soyc plus aisnée sus <strong>et</strong> jusNcantmoins ,pour ses grans atours.Elle veult aller au <strong>de</strong>ssus.La û amo is elle.De tant que le soleil est haultEt plus luisant que n'est la luneDe tant <strong>de</strong>vons aller plus haultQue le chappcron , sans blasmer unePour quoy ont Noblesse <strong>et</strong> FortuneBaillé l'onneur aux damoisellos ;


,Débat <strong>de</strong> la DemoiselleAinsi le veull raison commune ,Ne Taagen'y vault* <strong>de</strong>uxsencUes'.La Bocbgoise,Voire doncques les <strong>de</strong>rnièresTort ou droit, si iront <strong>de</strong>vantEt précé<strong>de</strong>ront les premières;Pour leur noblesse, trul avant ^ !Les saiges seront vers le bant* ;Tout sera pareil , clerc <strong>et</strong> maistre ;Ainsi verres doresnavantLes oisons mener les oyes^ paistre.La Damoiselle.Il n'est oyson, beste ne viau,Qu'il faille mener pasturer.Qu'aillons <strong>de</strong>vant n'est pas nouveau ;A cela vous <strong>de</strong>vez mirer.Bref, <strong>de</strong>ssoubz vous fault endurerEt Tavaller doubz ; c'est le point.De le gaigner par murmurerL'on ne le vous soufl'rera point.La Bocrgoise.Je ne veulx riens gaigner ne prandre*',Aussi le mien perdre ou donner ;Chascun vive sans entreprandre1. Imp. : veult. — 2. Le fruit <strong>de</strong> l'aubépine.3. Troue avant , troue ,je suis sonée.( Monologue <strong>de</strong> la Chambrière , dans ce recueil,t. 2, p. 25o.)4. Impr. : bout.—5. Impr. : ouyes.—6. Imp. : perdre.


ET DE LA Bourgeoise.iiSes faulx honneurs sans gouverner.Devant mapartient cheminer \Car jay droict <strong>et</strong> possession.S'en vous [y] laisse dominer,C'a esté par opression.La Damoiselle.Au regard <strong>de</strong> la joyssanceLes Damoiselles l'ont prcscripte ;Quant au droit , nous avons sentence ;Ainsi à mon fait je persiste.A vostre maxime qu'inciste ^Que l'aisnée doive estre maistresse,Ceste couUeur est trop p<strong>et</strong>ite ;Car icy n'a lieu droict daisnesse.La Bovrgo ise.Et , ce mon fait est si contraire ,Par Dieu, je le prouveray bienEt feissiez bien <strong>de</strong> vous en taire ;Car la noblesse n'y fait rien.Celle est noble qui faict du bien,Et peult porter livrée <strong>et</strong> armes;Nous sommes toutes d'un mesrien *;Pour Dieu , n'entrons point en ces termes.La Damoiselle.Vous laiserez la chose à tant;Par Dieu , seur, je le vous conseille,i. Imp. : napartient chemines.2. Inip. : qui inciste.3. Meirain , bois ; nous sommes toutes faites <strong>de</strong> même.


,,'2 Débat <strong>de</strong> laDemoiselleCar vous le perdrez tout contant:Devant yrons, qui que le vucille;Aussi sommes nous l'arbre <strong>et</strong> feuilleD'où Tonneur <strong>et</strong> [le] frui<strong>et</strong> prenez,Ne par vous bien ne s'appareille ,Se <strong>de</strong> nous vous ne Taprenez *.La Bo cr goise.Geste mensonge est dampnéeEt parlés trop arrogammenl;Car, dès que une femme est née,On lui baille premièrementChaperon pour abillement ;Aussi Thonneur <strong>de</strong>ulx est greigneur;Dire le vous veulx plainenient,Madame vault bien monsieur.La Damoiselle.Se ,par vostre propos , l'en porteChaperon au commencement,Et puis après l'en s'en déportePour prendre Tatour honyementCela <strong>de</strong>monstre clerementQue l'atour est plus noble chose ,Et par ce je prens jugement;(Ne) n'y fault aultre texte ne glose*.I. Imp. : ne le prenez.s. Brief , mon opinion seroitQue , pour terminer la querelle .Ceste fille cy <strong>de</strong>veroitS'abiller à mo<strong>de</strong> nouvelle ,Porter moytié drap, moitié toille,Moytié escarlatte <strong>et</strong> velours


ET DE LA Bourgeoise.i3L A Bo U RGOISE.Celle qui le chaperon laisse.Pour couvrechief <strong>et</strong> atour prendreCui<strong>de</strong>(r) monter, mais elle abaisse;Car ilz sont <strong>de</strong> toille trop tendre;Le vent les fait voiler <strong>et</strong> fendre* ;Mais le chaperon tousjours dure.Ne la pluye n'y peult estandrc ,Car il a ^ double couverture.La Damoiselle.Tous biens viennent <strong>de</strong> couvrechief 3,Et tient la personne plaisante ;Du chaperon n'est que meschief;C'est une chose trop pesanteQui ne fait point la femme gente ,Tant vient choir sur le coll<strong>et</strong>,Moytié bourgeoise <strong>et</strong> damoiselle,Moylié chapperons <strong>et</strong> atours.(Coquillart, L<strong>et</strong> drois nouveaulx, éd. <strong>de</strong>M.Tarbé.1,94-)i. La vieille expression latine <strong>de</strong> ventus teitilis leurconvient à merveille. On voit très fréquemment dans lesminiatures <strong>de</strong>s manuscrits du W* siècle <strong>de</strong>s voiles po-S2S sur le bonn<strong>et</strong> conique, longs par <strong>de</strong>rrière <strong>et</strong> par<strong>de</strong>vant, couvrant jusqu'à la bouche la figure, qui estaussi visible que s'il n'y eût pas <strong>de</strong> voile , <strong>et</strong> c<strong>et</strong> eff<strong>et</strong> estrendu avec tro[i <strong>de</strong> soin pour ne pas être la représentation<strong>de</strong> la vérité. C'étoit quelque chose d'analogue , commefabrication , à notre gaze d'argent.j. Imp. : Car ilz y a..3. Imp. ; crevechief.


,,,,i4Débat <strong>de</strong> la DemoiselleDont souvent telle en est dolenteQui porte le col maigre <strong>et</strong> lait.La Bocrgoise.Se vous dictes cela pour moy,Grant tort avez, ma damoiselleCar je cui<strong>de</strong> cstre, sur ma tby,Aussi gente que vous <strong>et</strong> belle ;Ma chair n'est point fardée <strong>de</strong> toilleNe n'a, Dieu mercy, que redire;Vous vous bruslez à la chan<strong>de</strong>lle ;Il me <strong>de</strong>splaist <strong>de</strong> le vous dire.La Damoisellb.Cela ne vous doit point <strong>de</strong>splaire,Ne moy pas trop csmerveiller.Il est saige qui se sc<strong>et</strong> taireSans <strong>de</strong> tant choses soy mesler;Se vous taichez à ravalerDroict, pour tant ne se mue <strong>et</strong> bouge;De vouloir au <strong>de</strong>ssus aller,Vous vous boutez à la mer Rouge.La BouRGOisE.Belle seur, parlons par raison ,Sans tirer à yre <strong>et</strong> vengence ;Quant ils sont <strong>de</strong>ulx d'une maisonVous savez qu'il y a ordonnanceQue Taisnée a la preeminance ,Et doit la jeune précé<strong>de</strong>r;Par quoy n'y a point d'aparanceDe me vouloir r<strong>et</strong>rogar<strong>de</strong>r.


ET DE LA Bourgeoise.La Damoiselle.Ce sont [là] tous regars suppostz.Et à vous [très] mal entendu ,Car cela n'est point à propos;Allez , vous y ay respondu.Pensez (que) pommes <strong>de</strong> capendu,Si sont plus nobles que chastaignes;D'y replicquer c'est temps perdu ;Je vous en dy bonnes enseignes.La Bourgoise.Vous entrés maintenant au boys ,Et vous allés parler * <strong>de</strong>s pommes ;Là n'est pas le chemin au boys ;Je vous respons que dames sommesEt aussi que vous <strong>et</strong> les hommesNous <strong>de</strong>vez honneur <strong>et</strong> service ;Versez <strong>de</strong> nous drois point ne sommes * :A vous n'a nully préjudice.La Damoiselle.De dire qu'ayez seigneurie,Vous n'en avez ne grain ne goucleEt est une vraye mocquerieD'ainsi oser hauser le cousle.Je dy plus, affin qu'on l'escoute.Que soubz nous estes en servaige ^Et si ne povez , somme touteD'un amant recepvoir hommaige.1. Imp. : parles.1. Déchues, <strong>de</strong> versus.


,,,«6 Débat <strong>de</strong> la DemoiselleLa Boubgoi se.Par Dieu , s'il tient <strong>de</strong> nous en fief,Tout du long l'en luy recevra,Et si n'avez pas le reliefOu le quint ' qui <strong>de</strong>u en seraCroyés qu'on vous en gar<strong>de</strong>ra ;Plus que vous on n'est serf ne biche;Ne rien on ne tient ne tiendraDe vous, m'amye, s'il n'est en friche.La Damoiselle.(Nous) avons seigneurie <strong>et</strong> justice,Ressort à souverainn<strong>et</strong>éJuges commis pour l'exercice ^,Pour puissance <strong>et</strong> auctorité.Mesmcs, quant ung amant bouttéEst en amours , vous le sçavezNous doit serment <strong>de</strong> feaulté ;Car lelz droiz nous sont reservez.La Bo urgoise.Tous amoureulx se viennent rendreA nous pour aprandre à savoir,Et povons d'eulx telz sermens prendreComme vous <strong>et</strong> le recevoir;1. Le relief, c'étoit le droit payé au seigneur lorsquechangeoit <strong>de</strong> mains un bien qui relevoit<strong>de</strong> lui. Il varioitselon les coutumes. Le quinl ou le quint relief, c'estla cinquième partie du prix <strong>de</strong> la terre vendue, qui étoilpayée, selon les localités, soit par l'ach<strong>et</strong>eur, soit par leven<strong>de</strong>ur, soit quelquefois par les <strong>de</strong>ux <strong>et</strong> par moitié.2. Imp. : rexcercite.


ET DE LA Bourgeoise. 17Oultre ,pour hommage <strong>et</strong> <strong>de</strong>voir,Nous baillent la bouche <strong>et</strong> les mains ,Sans bonn<strong>et</strong>, sans çainture^ avoir;Mais vous en passés bien à mains.La Damoiselle.Il nous font plus granl reverance ;Aussi nous appartient-il mieulx.Tout premier, pour obeyssancc,Eulx , à genoulx <strong>et</strong> clos les yculxPromectent que, jeunes <strong>et</strong> vieulxNous serviront sans contredire ;Mais voz vassaulx ne sont pas tieulxCar eulx mesnies n'en font que rire.La BouncoisE.Les miens ne brisent leur foyEmplus que les vostres, cousine.Et le mal, que cuidiez en nioy ,Feult estre en vous mesme, voisine;Brief , vostre cueur trestout <strong>de</strong>vineLes choses avant qu elles adviennent;Laissons noz Heures à ce signe 2 ;Celles qui sont bien si se tiennent.La Damoiselle.Par tout y a distinctionEt dy que tel amant peult estreDe si noble condicioni. Inip. : tainlure. — 2. Siijne est le sign<strong>et</strong> dont onmarque clans les livres l'endroit où l'on s'arrête ; celarevient donc à dire : Restons-en là sur ce point.P. F. V j


,,,,â8Débat DE la DemoiselleQue vous n'y avez que congnoislreComme s'ilz ont botte ou pié <strong>de</strong>stre *Ou vestus <strong>de</strong> velours ou soye ;Ains fault à nous, comme à leur maistreMalgré vous, qu'on nous les renvoyé.La Bocrgoise.De riens si ne sert la vestureQuant à la domination ;Car ceulx où Amours <strong>et</strong> NatureOn[l] fait leur operacionAins fault par <strong>de</strong>siracionQu'ilz passent tous par my noz mains ,El avons juridicionGomme vous tous, ne plus ne moins.La Damoiselle.Au moins n'avez pas droit d'aubaine,Ne n'oseriez en une festeS'a ung amoureulx fault l'alaineAller vers luy frocter sa testeNe m<strong>et</strong>tre jà main sans requeste,En quoy baillons auctorité ;Car, s'ilmeurt, les biens par conqueste ^Sont nostres sans difiicullé.La Bovjrgois e.S'il ch<strong>et</strong> par fièvre ou maladie1. On paur mt. Faut-il conclure <strong>de</strong> là qu'il a été unmoment <strong>de</strong> mo<strong>de</strong> d'avoir à chaque pied une chaussuredifférente, par exemi<strong>de</strong> une botte au pied droit <strong>et</strong> unsoulier au pied gauche? — a. On sait les vieux termes<strong>de</strong> droit conquét <strong>et</strong> acquêt.


ET DK LA Bourgeoise. 19Qui le viengne au cueur embrasserSans ce que personne le dieLe povons illcc r<strong>et</strong>lresscr,Chauffer, frotter <strong>et</strong> délasser.Et puis, si l'ame va <strong>de</strong>horsCe qu'il a <strong>de</strong>vons amasser.Car les biens ensuivent le corps.La D a m 1 s k l l e .Tout le contraire est vérité.Encores vous di-gc plus fort,Q'un gallanten amours boullé,Bruyant ou faisant son effortS'il a ,par <strong>de</strong>vise ou confortCol<strong>et</strong> <strong>de</strong> satin ou pourpoint,Posé qu'il n'y ait que le borl\Vous pour tant'^ n'en congnoistrez point.LaBoukgoisk.11 n'y a si grant maistrc ou seigneur,Plain <strong>de</strong> soyes perces ou violl<strong>et</strong>tesQui ne nous facent grant honneurDe leur bien <strong>et</strong> chières parfaicles;Car les tenons eu amour<strong>et</strong>tes ,Comme vous faictes, <strong>et</strong> ferons;A satin ne sommes suhjectes :C'est trop ravalle[rj chapperons.La Damoiskllk.Aussi voz cuisses sont p<strong>et</strong>ites'A les asseoir <strong>et</strong> tenir;1. Imp. : broct. — 2. Imp. : ponant.3. Imp. : Aussi noztcuisscz sont trop p<strong>et</strong>ites.


,50 Débat <strong>de</strong> la <strong>de</strong>îioisellrMais les noslrcs sont picçà duictcsPour les aynians entr<strong>et</strong>enirQue vous ne pourriez souslenir;En vos girons n onFt] pas les hausses ' ;Aussi n'ont gar<strong>de</strong> d'y venir,Car ils gasteroient là leurs chausses"-.La BounGOisE.De les n<strong>et</strong>toyer ou torcher,Dame ,pas n'en avez la peineEl, quant le vouldriés reproucher,Si vous prenez par la poiclrine,C'est vous qui gattez leur poulaine,De voslre grant g<strong>et</strong> <strong>et</strong> pourfit;Et sont illcc à grant alainc.Qui n'est pas souvent leur pourfit.LaDamoiselle.Quant il y a nopccs ou feste,De baiser ^ n'avez point puissance ;Trop bien savez hochier la teste). Cotgrave explique hausse par semelle <strong>de</strong> soulier <strong>et</strong>haulse par barrage pour élever l'eau.2. On sait l'usage <strong>de</strong>s hommes pendant tout le moyenâge <strong>de</strong> s'asstoir, dans les réunions , sur le bord <strong>de</strong>s robes<strong>de</strong>s femmes, sur <strong>de</strong>s carreaux , sur leurs manteaux ,ou même à terre, qui s'est conserve jusqu'au temps <strong>de</strong>sPrécieuses. (Cf. dans c<strong>et</strong>te collection la préface du Dictionnaire<strong>de</strong> Somaize, I ,p. xxii.)3. On sait le long usage, réservé aux gens <strong>de</strong> bonnesmaisons, <strong>de</strong> baiser les femmes suiiabouche par manière<strong>de</strong> salut. H n'a cessé complètement qu'au XVI[e siècle, où


ET DE LA Bourgeoise. 21Par manière <strong>de</strong> contenanceAu moins se vous navez licenceEt congé <strong>de</strong> nous |3ar avantQui est bien grant expérienceQue nous <strong>de</strong>vons aller <strong>de</strong>vant.La Bourg disk.Que nous vous <strong>de</strong>mandions congié ,Mal au cueur ne vous fera guières ;Mais vous avez cela songé :Assez en estes couslumiérc.Point ne suis voslre chamberière,Je veux bien que vous le sachezEt que jà n'yrez la premièrePour chose que vous quaqu<strong>et</strong>iez.LaDamoiskf. lr.Nous sommes icy eu justice;Se c'est raison , rendurerés.On entent bien vostrc malice;Faictcs du pis que vous pourrelz;Car au <strong>de</strong>rnier vous apaiserezNon obslant vostre gros langaige,Ne pas maislresse ne serez :Qui se taist, souvent fait que saigc.LaBouncoiSE.Pour vous je ne me tayray point,Ni ne me laisseray fouller :Puis que Tinjure lonneur pointloii s"en souvenoit encore , <strong>et</strong> la question <strong>de</strong> ThomasDiafoirus : Buistrai—je ,papa? doit être entendue dans cesens.


22 Débat <strong>de</strong> la DemoiselleJamais ne la vouldroie laisser ;Et brief, à vous ouyr parler,Sommes plus serves que varlelz,Ne pas dignes sommes d'allerPorter ^ après vous les balaiz^.La Damoiselle.Hz sonl en paradisterrestreQuant sus noz robbes les m<strong>et</strong>tons ,^'ailleurs jamais ne vouldroient estre.Tant doulcement là les traiclons ;S'ilz sont chaulx, nous les evantons^En les tirant par les cheveux,Et là les povres vall<strong>et</strong>onsNous font [lors] promesses <strong>et</strong> veulx.La Bocrgoise.Quant telz gens se viennent trotterVers nos gérons <strong>et</strong> qui recullent.Nous les faisons danser, saulter*Si fort que presque ilz s'afollent.Hz rient aux cieulx <strong>et</strong> en l'air voilent;Tout leur est ung, vallées, montaignes,El puis, s'il baisent ou acolent.S'en vont es haultes Alleniaingnes^.La Damoiselle.De baisiers prendre cl entamer1. Imp. : D'allez— Porteres. — 2. Les éventails. Usont encore celle forme dans l'Orient.3. Imp. ; evantrons, qui est peut-être pour evaulerons.4. Imp. : saulter, danser.ô. lisse croient au troisicnic cieL


ET DE LA Bourgeoise. 2%Amoureulx sent jà tout tannez ;Helas ! Ton les <strong>de</strong>veroit dragmer^Sans leur eslre si^ tosl donnez,Mais il [leur] sont liabandonncz.Ainsi chascun en veult avoir.Donc les haulx biens sont coiuempnez,Et y <strong>de</strong>vroit la court pourvoir.La Bourgoise,Je suis en (grant) pensée <strong>et</strong> esmoyEtvoudroye qu"il meust coustéUng traict <strong>de</strong> sanc [<strong>de</strong>] <strong>de</strong>surs moy^,Et que remè<strong>de</strong> y feust bouclé;Car ilz n'est si meschant crocléQui ne veille tendrela boucheEt qui n'ayt le bec apresléDe baiser avant qu'on luy touche.LaDamoiselle.Et certes, vous estes subgeclesDe nous servir <strong>et</strong> radresserPar <strong>de</strong>rrière noz collerectes,Quant le vent les fait reverser,Et estes tenues <strong>de</strong> trousserNos robbcs, quant saillons en place,Puis, pendant ce qu'allons dancer,Vous <strong>de</strong>vez gar<strong>de</strong>r nostre place.i. De Drachma. Cf. t. III, p. io5.2. Imp. : <strong>et</strong>.5. Qu'on m'eût saignée ,qu'on m'eût tiré une pal<strong>et</strong>te<strong>de</strong> sang.


,24 Débat <strong>de</strong> la DemoiselleLa BODBGOISE.Geste maxime là est faulseEt par[l]e trop arrogamment.S'il ch<strong>et</strong> sur nous brou<strong>et</strong> ou saulce.Quant on les veult m<strong>et</strong>tre ou dresser.Tenus estes <strong>de</strong> ratisser*Les taiches <strong>de</strong> vostre cousleauPuis , <strong>de</strong> (la) table voulions passer.Vous <strong>de</strong>vez tirer le tresteau^.La Damoiselle.En vostre cas n'a aparanceQui se puisse en riens soustenir,Et voit-on bien que c'est vengenceQui vous fait cela maintenir;Si gros cueur n'y fault plus tenir;Car tous jours aurons les honneurs;Aussi à nous voiez venirAujourd'uy les plus grans seigneurs.La Bourgoise.Seigneurs cvnt libéral arbitreD aller où est leur bon désir,Et n'avez aucun droict ne tiltre^Dont nous en puissez <strong>de</strong>ssaisir;1. Imp. : rutissez.2. Comme on le voit dans les miniatures, les tables àmanger, surtout quand elles étoient d'une certaine dimension, n'étoient posées que sur <strong>de</strong>s tréteaux ; c'étoitun moyen <strong>de</strong> leur donner à volonté la gran<strong>de</strong>ur dont onayoit besoin. Mais la strophe entière est une allusion àtoute autre chose. — 3. Inip. : ue nestre tiltre.


ET DE LA Bourgeoise. 25Car ilz prennent plus <strong>de</strong> plaisirDe baver' avec chapperons,Qui * t'ont d'eslre à terre <strong>et</strong> gésirlllcc eniprès sur voz talions.La Dabioiselle.Vous n'avez habits ne joyaulxPour cueurs à amans resmouvoir,Chesnez d'or, coliers ne anneaulxDe velours à les recevoir.Aussi n'oserez-vous avoirRobes ne couvertes <strong>de</strong> soye,Ne gorgias, donc on peult veoirLe l<strong>et</strong>in qui donne grant joye ^.1 Parler. — î.î'out qu'ils.5. Dans les miniatures du XV^ siècle on peut voir;quand le sureot est ôté, ou même seulement quand il estouvert, que la robe <strong>de</strong> <strong>de</strong>ssous, à manches justes <strong>et</strong> montantjusqu'au cou, est percée à l'endroit <strong>de</strong>s seins <strong>de</strong> <strong>de</strong>uxouvertures ron<strong>de</strong>s garnies d'une toile transparente quiles laissoit voir dans leur entier, <strong>et</strong> qui pouvoit être ouim morceau rond seulement un peu plus grand que l'ouverture,ou plus probablement, Coigrave le traduisantpar gorger<strong>et</strong>te, un fichu entier qui ne paroissoit que l'a<strong>et</strong> autour du cou. C'est précisément ce qu'on nommoitgorgias, <strong>de</strong> la gorge qu'il montroit. Il suffira <strong>de</strong> ce passage<strong>de</strong> Coquillart :Un gorgias à pointe uséel'our faire lelins à aureilles(éd. Tarbé, I, 99 ; Hecueil III, 23G),<strong>et</strong> <strong>de</strong> celui <strong>de</strong> Marot dans le Blason du beau Telin (éd.in-4° <strong>de</strong> Lengl<strong>et</strong>-Dufresnoy, II , aSg) :T<strong>et</strong>in qui moufles <strong>et</strong> repoussesTon gorgias <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux bons poulses.


leur,26 Débat DE la DemoiselleLaBourgoise.Se n'avons robbes <strong>de</strong> satinPour faire monstre ou eslandart,Nous portons le p<strong>et</strong>it patinEt la bo<strong>et</strong>e [botte?] faulve à couvert,El pensez q'un beau cors<strong>et</strong> vert,Ou une chause bien tiréeVault bien ung tctin <strong>de</strong>scouvertEt robbe <strong>de</strong> soye figurée.L A Damoisell E.Vous resamblés beaucoup d'oyseaulxQui n ont que la langue <strong>et</strong> la bouche ;Du premier leurs chans * sont beaulx ;Mais enfin leur voys en rcprouche.Bref, vostre fait au mien n'aproucheEn plus que fait coton à bourre.D aller <strong>de</strong>vant là je ne touche ;C'est à <strong>de</strong>main ; on le vous fourre.La Bourgoise.Mais c'est dommaige , belle dame,Qu'on ne (vous) souffre pour vos beaulx yeulxDevant tous villanie <strong>et</strong> blasme ,Et qu'on endure tous les jeux.Parler toujours n'est pas le mieulx ;Au fol l'on baille la massue ;Jeusnes yront <strong>de</strong>vant les vieulx ;Nous sommes bien : ma dame sue.1. Imp,-.La Dam 01 sel le.Quant n'y aroit raison, ne livre,champs.


ET DE LA Bourgeoise. 27Ne droict ([uc raison naturelle ,Si fault-il conclure <strong>et</strong> ensuivreQue lonneur pour nous s'appareille ;Oultre se l'une <strong>de</strong> nous vueilleVous menés [mener?] à feste ou [à] dance,Ce n'est que pour estre sa vielle •Et en lieu d'aultre contenance.La B ourgoise.De ce ne vous <strong>de</strong>vez doubler,Car jamais tant d'onneur n'avez,Sinon quant nous daignés hanter ^ ;Mesmes, tout le bien que sçavezDes bourgoises aprins l'avez.Par quoy honneur <strong>et</strong> révérenceTous jours faire vous leur <strong>de</strong>vez :Ce vous y oblige ^ conscience.La D am 01 s elle.Or laisons cela à par soyEl parlons ung peu par raison•,Je vous <strong>de</strong>man<strong>de</strong> en bonne foyC'a vous*, qui en toute saisonConvient gar<strong>de</strong>r vostre maisonEl en gros ouvraige employer,Est^ d'en donner telle raisonComme avons , cl si grand loyer.I. Sa vielle , l'instrumcnl <strong>de</strong> musique qui sert à fairedanser, cl alors le vielleur, qui accompagne celui qui lepaie; ou sa vieille , son chaperon , comme le seroit unevieille femme. — i. Imp. : vous dq gncs hautcr. — 3.Inip. : oglige. — 4- hiip. : nous. — 5. I)t.


,,Débat DE la DemoiselleLa Bourgoise.Seur, <strong>de</strong> cela si vous laisez,Car, ains que soyez esveilléeMes gorgias sont empesez*Et ma robe toute liabillce.Si no soyez esmerveilléeDes grans biens que povons fincrDonc vous <strong>de</strong>vriez eslrc privée,Qui dormez jusques à disner.La D AMOISELLK.Coucher si tost ne povons pasComme vous, quant il fault dancer;T[e]lle est ou lit qui ne dort pas,Qui a bien ailleurs où penser.Et, se peine avons sans cesser,D onneur doncques sommes plus dignesQue vous, qui vous allez mucerEt couchicr avec voz gelinnes-.L'Acteur.Sur 3 ce point cy les <strong>de</strong>ulx partiesSe prindrent si fort à noiserDe paroi les très mal parties ,Et tant que ,pour les appaiser.Leur fut dit qu'il yroienl baiserL'uys en bas , se plus caqu<strong>et</strong>oient,Et ,pour leurs <strong>de</strong>balz apaiser,Les gens d'Amours là y estoient.Y ouït lors ung vieulx advocalzQuerant son fourreau <strong>de</strong> lunecles ;1. Cf. p. 25. - 1. En iiiènie temps que les poules3. Imp. : Sont.


ET DE LA Bourgeoise.2gQui avoit entendu leurs <strong>de</strong>batzTant joua à clugnes-mussectes *.« Nulles informations faictesN'y a », dist-il , « du cas qui court..4ussi sont matières secrètesDont nous rapportons à la court.Il est question seullementDu droit <strong>de</strong> partie à partiePar quoy ne povons bonnementNous cslire ne faire partiePour par oster la départie(Et) cmpeschemcnt <strong>de</strong> voye <strong>de</strong> fait.Se la chose esloit convertieEn enqueste , seroit bien fait.Le prési<strong>de</strong>nt lors se levaEt dit : « L'en y advisera ;On voit bien comme tout en va,Mais la court bref y pourvoyra;L'une <strong>et</strong> l'autre <strong>de</strong> vous - mectraDevers la court en son endroitEl , ne vous chaille , on vous feraA chascunc justice <strong>et</strong> droict. »A tant furent fermées les portes.Et appellc(e)s les coustumiers ^,(En) qui congnoissent toutes les sortesDesdroys <strong>de</strong>rniers <strong>et</strong> premiers.Les loix croissent en leurs vergiers,t. A cligne-niuscue. Peut-être l'auteur a-t-ii eul'intention <strong>de</strong> faire en même temps un jeu <strong>de</strong> mots surdunes. — -2. Imp. : bous. — 5. Qui ont étudié les coulumes,cf. p. 6.


,,,,3oDébat DE la DemoisellePar quoy il ne leurs coustc guièr[e]sEt en jugent comme sommiers *Ou exprès en tels matières.Car la Bourgoise ilec souvent,Derrière l'uys si escouloitEt croy bien qu'el ouyst le ventQue son fait très mal se portoit.Si vint une; (<strong>de</strong>s) seigneur(s) qui heurtoitPour assister en jugement,Et alors , comme il ca(|uestoitElle entra <strong>de</strong>dcns privéemenl.« Holà ! » , dist-elle , messieursA vous icy me viens complaindre;Vous sçavez que toutc[s] faveursS'i font à lollir <strong>et</strong> restraindre ;Aussi chascunle doibt bien craindre,Car il n'est droit si bault montéQuon ne face le pire <strong>et</strong> mendreQuant on y a la voulenlé.« Or est-il vray que ma partieA <strong>de</strong>ulx <strong>de</strong>s seigneurs qui sont cyParla yer à la départieDonc j'ay [eu] ung pou <strong>de</strong> soucy.Combien que <strong>de</strong> leur mercyM'aient offert beaucoup <strong>de</strong> biens,i. Imp. : sonimieres. Par sommiers notre auteurentend : qui connoissent les Sommes, nom fréquemmentdonné aux livres encyclopédiques sur une science. Onconnoît la Somme ihéoUxjiqiie <strong>de</strong> saint Thomas d'Aquin elles nombreuses Sommes <strong>de</strong> droit. — Cf. p. 6.


ET DE LA Bourgeoise. 3Neantmoins je vous suply cyQui ne soient point au jugement. «Les <strong>de</strong>ux seigneurs ung pou rougirentParquoy le Prési<strong>de</strong>nt sy dist :« M'amye, qui sont ceux qui le virent'Pour ordonner <strong>de</strong> rintcndil?Car d'ainsi charger sans nicsditNous courrouçons <strong>et</strong> increpons. »Et alors elle respondist :« On leur a donné les chappons. »La court <strong>de</strong> ce cas fut troubléeCombien que ne fut avéré.Et eut sur ce grant asemblée,El par tous fut délibéréQue le procès qui avoit duréA juger jà [si] longuementSeroit reveu el reviré,Et regardé plus amplement.Cependant la Bourgoise allaSoy recomman<strong>de</strong>r en mains lieux.Et à tous les seigneurs parlaEn leur riant du blanc <strong>de</strong>s yeulxAffin que son fait vaulsist mieulx,Qu'elle sentoit fort empiré ;Riais qui est au jugement d'eux11 ne doibt point estre asseuré.Or advint que le lan<strong>de</strong>mainTous les conseillers visitèrent1. Irap. : voient.


,,,32 Débat <strong>de</strong> la DemoiselleTout le procès <strong>de</strong> main en main ,Et sur icelluy obvièrent ;Ce fait, les parties appellerèntPour leurs arreslz venir oyr,Dont toutes <strong>de</strong>ux tant seffraièrentQui cuidèrent evanouyr.Adonc le Prési<strong>de</strong>nt va dire :«. Or çà, amyes, je vous dire*,Nous ne cessasmes huy <strong>de</strong> lireVoz procès qui a tant duré,Et avons tout considéré,Voz raisons <strong>et</strong> faiz percmptoires,Et, tout bien veu <strong>et</strong> sçavouré,La court vous appoinctc contraires.« Et ,pour le cas qui est incertainChascunne <strong>de</strong> vous produiraQuatre tesmoings <strong>de</strong><strong>de</strong>ns <strong>de</strong>main;Mais ,jusques ordonné seraLa Demoyselle joyraPar manière <strong>de</strong> rccreanceEt en <strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> vous yra ;Nous le vous disons par sentence. »Tout à coup <strong>de</strong> ce jugement,Qui sembloit estrc merveilleux.Geste bourgoise eust tel tourmentQue (les) lermes lui vindrentaux yeux;Puis fist ung souspir vers les cieulx.Disant que, son finoit <strong>de</strong> toille.Quelle seroit ,par ses bons dieux,[El] qui qu'en groignast , damoiselle.1. Iiiip. : je vous vculx dire.


ET DE LA Bourgeoise. 33Alors, comme tout esbloy,Tremblant me prins à mervelUer,Et du débat plus rien n'oy ;Si commençay à ra'esveillerEt adrccer mon orillier,Qui avoil lors beaucoup affaire,Et dis que pour une nuyl veillerQue je rcvelleroye ristoirc.Ainsi vous voyez le DebalDe la Bourgoisc <strong>et</strong> DamoiscUe,Que j'ay récite par esbal,Pource que la chose est nouvelle;Mais guères ne vaull la querelle;Chascun soit eontenl* <strong>de</strong> ses biens;Il n'est <strong>de</strong> paix chose plus belle;Qui n'a suffisance, il n'a riens.Cy (inist le Debal <strong>de</strong> la Damoiselle <strong>et</strong> <strong>de</strong> laBourgoise. Imprimé à Paris pour GuillaumeBigneaux, dcmourant aubout du Pont au Meuniez.1. Imp. : contempt.P. F.V


.La Complainte <strong>de</strong> France.noiH'eUement.ImpriméM. D. LXVIII^.La Complainte <strong>de</strong> France.Sonn<strong>et</strong> i^î^alan, trop envieux <strong>de</strong> ma prospérité,5


La Complainte dk France. 35Mais tout cela n'a peu moindrir ma dignitéAins m'a fait honorer <strong>de</strong> maint triomphe insigne.Dont Renommée a faict r<strong>et</strong>entir sa huccine,Qui a rendu Satan tout outre <strong>de</strong>spilé.Alors il m'a esmeu une guerre civile,El certes celle-là m'a esté plus qu'hostile ,Mayant quasi reduitto à mon <strong>de</strong>stin final.excellent bon-heur, quand je suis invincibleSi ce n'est par les miens !douleur indicible,Quand les miens ont le cœur <strong>de</strong> procurer ce mal !Sonn<strong>et</strong> 2.Di-moy, mon fils aisné, ma substance plus chèreMon oingt <strong>et</strong> mon esleu , <strong>de</strong> tes frères le roy,Roy sur tant <strong>de</strong> milliersmon mieux aimé, di-moy,Quel traittement fais-tu à ta dolente mère?C'est moy, moy qui le suis , <strong>et</strong> non ceste étranQui a saisi la place en violant la loy;[ gère,C'est moy qui te produis le moyen , le <strong>de</strong>quoy.Qui te fay redouter, qui fay qu'on te révère.Ceste cy tend à mcstre en mon seing l'cstrangcrEt le fait à cela par ton conseil ranger.Abusant <strong>de</strong> ton aage , encores peu instruite.Si peus-tu bien juger que le dommage mien,Où elle a mis son gaing. est proprement le tien;Sur qui regneras-tu quand je scray <strong>de</strong>slruicte ?Sonn<strong>et</strong> 3.Rcveille-toy, mon fils, revien à toy un jour,


,,,,36 La ComplainteEt voy que lu as mis le feu en tes entrailles,Qu a ton propre dommage en fureur tu travaillesEt fay guerre à ta paix <strong>et</strong> banis ton séjour.Ta noblesse, qui est <strong>de</strong> toy tout à Tentour,Sont les nerfs <strong>de</strong> ton corps ; elle fail que tu ailles,Que tu ayes vigueur ; elle fail tes batailles ;Elle est ton haut rempart ; elle est la forte tour.Me voudrois-tu peupler <strong>de</strong> nation estrange?A peine qu'à un joug pareil elle se rangeNe si fi<strong>de</strong>llement, <strong>et</strong> se faut asseurerQue, si tu ne veux point <strong>de</strong>s tiens Tobeissance,Quijà par <strong>de</strong>ux mil ans mainliennent la puissance.Moins elle te voudra nouveau prince endurer.Sonn<strong>et</strong> 4.Mon prince <strong>de</strong> Condé, mon attente secon<strong>de</strong>,combien j ay pour toy d'extrême afflictionQuand je voy que ton zèle <strong>et</strong> bonne affectionSont repu tez pour crime aux yeux <strong>de</strong> ce faux mo n<strong>de</strong> !Il suffit toutes fois que ton faict lui respon<strong>de</strong>Auquel on ne peut voir un poincl d'ambitionAins un zèle tout pur à la religion,Et au bien <strong>de</strong> moy, mère en mal'heure fécon<strong>de</strong>.En mal'heure je faux, puisque je t'ay produit:Car, quoy que ton <strong>de</strong>ssein m'apporte un aigre fruictSi voy -je bien qu'il tend à la gloire divine ;Et, puisqu'il est ainsi ,plaindre je ne m'en veux,Ains ,pour un mal reçeu ,j'en veux recevoir <strong>de</strong>ux,Car je sen tout mon bien naislre <strong>de</strong> ma ruine.


DE France. 87Sonn<strong>et</strong> 5.Si lu navoy produit <strong>de</strong>s cnfans <strong>de</strong> ton corps,Je ne t'estimeroy point femme, Catherine,Car tu aime la guerre,œuvre non féminine,Et nourris mes enfans en armes <strong>et</strong> discors.Je l'ay veue en mon camp entre nos liommesAyse en oyant tonner canon <strong>et</strong> coulevrinc, [fortsOyant le tabourin, la tromp<strong>et</strong>te <strong>et</strong> sourdine,Au lieu <strong>de</strong> violons, <strong>de</strong> lues * <strong>et</strong> doux accords.Allas-tu pas forger le couteau à Dayonne*,Qui m'a fait ceste playe ? Est-ce pas toy, félonne ,Qui empcsche la paix que je désire tant ?Tu n'es point en cela femme selon l'usage;Mais tu l'es en ceci d'avoir cerveau mal sage,Le cueur vindicatif <strong>et</strong> l'esprit inconstant.Sonn<strong>et</strong> 6.Le sage roy hebrieu, ne pouvant bien jugerDe <strong>de</strong>ux femmes laquelle estoit d'un enfant nirre,Fit semblant <strong>de</strong> vouloir <strong>de</strong>ux parties en faire.Pour après sa moitié à chascune ajuger.1. C'est l'orthograiilie habituelle au XVI« siècle. LesDiscours non plus mélancoliiiues que divers se teniiineutpar « la inanicre <strong>de</strong> bien <strong>et</strong> justement entoucher les lues<strong>et</strong>guilernes. »2. L'entrevue qui eut lieu à Bayonne entre Catherine,la reine d'Espagne, sa fille, <strong>et</strong> le duc d'Albe , est <strong>de</strong>i565.


,,38 La ComplainteLa fauce mère adonc consentit <strong>de</strong> léger;Mais la vraye pria que plustost TeslrangèreEust le tout que moitié, <strong>et</strong> ce fut preuve claireQue l'enfant esloit sien <strong>et</strong> issu <strong>de</strong> sa chair.Ainsi, quand je poursuy la paix à toute instance.Pour ne voir dcsmembrer ma chair <strong>et</strong> ma substance,Je monstre que je suis mère sans fiction.Et, quand tu dis qu'il faut la bataille donnerAvant que d'en parler, tu fais haut resonnerQue tu es estrangère <strong>et</strong> sans affection.Sonnel 7.Si je me plain bien fort , ce n'est point par fein-On voit assés combien j'en ay juste raison, [tise ;Quand je voy au milieu <strong>de</strong> ma riche maisonEt voy aux quatre coings une grand' flamme esprise.Estaindre la voudront le Rhein <strong>et</strong> la Tamise * ;Mais l'Espagne entr<strong>et</strong>ient le bois <strong>et</strong> le tison ;L'Italie l'allume <strong>et</strong> verse à grand' foisonDe l'huyle par <strong>de</strong>ssus; le Suisse l'attise.Cinq à six boutefeus prennent gar<strong>de</strong> à toute heureQu'on n'apporte <strong>de</strong> l'eau <strong>et</strong> que le feu ne meure,Craignans, si on l'cstaint, qu'on les esteigne après.Je cerche <strong>de</strong>s sourgeons ; mais je suis espuisée.Et nalens plus. Seigneur, que ta pluye ou rousèe,Laquelle viendra tard, si tu ne le tiens près.Sonnel 8.Le m.ala<strong>de</strong> pressé <strong>de</strong> lièvre continue1. Parceque ce sont <strong>de</strong>s pays protestants.


DE France.Voyant le mé<strong>de</strong>cin qui luy prom<strong>et</strong> santéAppréhen<strong>de</strong> le bien qui luy est présenté,Et <strong>de</strong>sjà s esjouyl <strong>et</strong> son mal atténue.3gJ'en feroy tout ainsi ; mais ma <strong>de</strong>sconvonueNe me rend point dobject meilleur représenté,Par lequel mon esprit puisse estre contenté.Dont il faut que mon mal en tout temps continue,La guerre m'a quasi tiré l'amc hors du flanc;En la paix on me lire hors du corps tout le sang.Car sangsues <strong>et</strong> loups me mor<strong>de</strong>nt à toute heure.Ily a toutefois du changement un peuCar j'ards or'à grand' flammes <strong>et</strong> lors à p<strong>et</strong>it feu ;Jugez <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux morts laquelle est la meilleure.Sonn<strong>et</strong> 9.coTTibien jeseroy heureux en mon malheurSi tout ce que j'ay dit estoil ma seule plainte ;Mais je sens en mon cœur une plus forte atteinte,Une plus gran<strong>de</strong> playe <strong>et</strong> plus aspre douleur;Je pouvoy esgaler en triomphe <strong>et</strong> valeurRome , Athènes , Carthage , ayant esté enceinteDe magnanigmes fils triomphateurs <strong>de</strong> crainte.Desquels les temps <strong>et</strong> temps eussent chanté l'honneur.Race <strong>de</strong> Colligm, tu m'estois pour Camilles,Phocions, Annibals, si, sans guerres civiles.Eussent couru sur moy l'Occi<strong>de</strong>nt, le Levant.Mais je sens par mes bras mes forces dissi-Si seras-tu pourtant dicte mes Machabées [pées;En soustenant comme eux laloy du Dieu vivant.


,,,4oLa ComplainteSonn<strong>et</strong>lo.Charles, que penses-lu? Quelle fureur l'agite,Dcsjà par si longtemps captivant ta raison ?Tu ressemble celuy qui se m<strong>et</strong> en prisonOu, pressé d'un chaut mal , en bas se précipite.Comman<strong>de</strong> seulement que les armes on quitte,Et chacun s'en ira paisible en sa maison ;D'autant que j'ay d enfans Dieu t'a fait donnaison.Se réservant, sans plus, leur conscience quitte;Puis que Dieu l'a voulu, ils le veulent aussi;Pourquoi ne te veux-tu contenter <strong>de</strong> cecivolonté rebelle, o audace rebourse!Laisse à Dieu son <strong>de</strong>voir, qu'il ne t'oste le lienLe donnant à quelqu'un qui luy ren<strong>de</strong> le sien ;Croy que telz changemcns viennent <strong>de</strong> telle^ource.Sonn<strong>et</strong>ii.combien tu serois grand <strong>et</strong> victorieuxCharles, si tu voulois ton heur voir <strong>et</strong> comprendrecombien ce Louys% qui fait son nom estendreDesjà par l'univers, te rendroit glorieux !Combien <strong>de</strong> Chaslillon l'esprit laborieux ,La vaillance <strong>et</strong> vertu, ieroit ton sceptre estendre !Tu pourrois esgaler <strong>et</strong> Cire <strong>et</strong> Alexandre,Qui se servoyent ainsi d'hommes industrieux.1. Louis I", prince <strong>de</strong> Condé, chef avec Coligny duparti protestant , <strong>et</strong> qui <strong>de</strong>voit un an après mourir àJarnac du coup <strong>de</strong> pistol<strong>et</strong> <strong>de</strong> Montesquiou.


DE France. 4»Mais ces marmous<strong>et</strong>eaux possedans ton oreilleT'emplissontd'unmal-heur qui jamais ne sommeilleD 'autant qu'ils fuycnt Dieu <strong>et</strong> Dieu les fuit aussi.Chasse-les donc aussi , <strong>et</strong> la table soit ceinteDe ces gens vertueux ayans <strong>de</strong> Dieu la crainte.Et lors tu auras d'aise autant qu'as <strong>de</strong> souci(s).Sotinct 12.Ne le joug violent, ne le faschous <strong>de</strong>sdaing.Ne le cuisant mespris, ne l'oppression dure,Ne le droit <strong>de</strong>snié , ne la reçeue injureOnt peu faire sonner les armes dans mon seing.L'avare italien , imposeur souverain ,Lequel ja si long-temps indignement j'endure.Ne le sceptre insolent d'une virague impure.'Ont peu à mes enfans m<strong>et</strong>tre l'espée en main.Le seOl désir d'avoir libre la conscience ,Selon l'edict du Roy, avecques la <strong>de</strong>fenceDe leur vie cerchée , à la guerre ont fait lieu.Jugez qui est plusjuste, ou ses subj<strong>et</strong>s surpendrePour ce qu'ils craignent Dieu, ou sa vie défendre,La liberté <strong>de</strong> l'ame <strong>et</strong> la loy <strong>de</strong> son Dieu.Sonn<strong>et</strong> i3.A l'heure que Saùl fut <strong>de</strong> Dieu délaissé,Il <strong>de</strong>manda conseil à la femme <strong>de</strong>vine ,Par quoy dès len<strong>de</strong>main il frappa sa poictrineDe son espée propre ainsi qu'un insensé.1. Nous n'avons pas conservé c<strong>et</strong>te forme francisée,mais la forme purement latine virago.


,,42 La ComplainteSes enfants furent morts , son peuple fut chasséDu Philistin vainqueur; tout ainsi, Catherine,Nous jugeons, en voyant sur toy le même signe ',Que Dieu t'a <strong>de</strong>jectée <strong>et</strong> qu'il est courroucé.Sont ce pas les <strong>de</strong>vins qui le font ainsi tendreA ruiner ton fils pour enrichir ton gendre-?combien est <strong>de</strong>ceu ton esprit curieux !Mais veux-tu bien sçavoir une choze très vraye ?Dieu frappera ton gendre <strong>et</strong> toy <strong>de</strong> dure playe,Et le peuple <strong>de</strong> Dieu sera victorieux.Sonn<strong>et</strong> i4.Que me sert d'emplir l'air <strong>de</strong> cris espouvan tables ?Que me sert d'implorer mon roy à mon secours ?Que me sert <strong>de</strong> plorer <strong>et</strong> les nuicts <strong>et</strong> les jours?Que me sert <strong>de</strong> semer mes escrits lamentables ?Mon roy ne m'entend point; ses conseillersdamnablesLe tiennent en furie; eslrangers ont le coursEn son privé conseil, <strong>et</strong> on les croit tousjoursEncore que leurs fins on voye dommageables.Sa mère le nourrit en. plaisir <strong>et</strong> délicesMesme luy fait tenir escole <strong>de</strong> tous vices,A fin que quelque foys il ne revienne à soy.1. On sait tout ce qu'on a dit <strong>de</strong> la croyance <strong>de</strong> Catherineà rastrologie.a. Pliilippe 11, qui avoit épousé Elisab<strong>et</strong>h, la filleaînée <strong>de</strong> Catherine <strong>de</strong> Médicis, en lôôg, à la suite dutraité <strong>de</strong> Cateau-Cambrésis.


DE France. 43Ceux qui veulent m ai<strong>de</strong>r me ruinent sans cesse;Comment seray-je donc sans appuy ny adresse ?Nenny,carj'ay mon Dieuquiestmon premier roy.Sonn<strong>et</strong> i5.Banquiers, clerjaux\ faquins, bougres <strong>et</strong> maquereaux,[sance?Jusqu'à quand aurez -vous sur mon peuple puis-Jusqu a quand la vertu sera sans recompenseEt les lasches auront couronnes <strong>et</strong> chapeaux ?Mon ordre*, qu'on donnoit jadis aux actes beaux,En signe <strong>et</strong> pour guerdon <strong>de</strong> prouesse <strong>et</strong> vaillance,Jusqu'à quand sera-il l'amorce <strong>de</strong> meschance?Jusqu'à quand sera-il salaire <strong>de</strong>s bourreaux?Jusqu'à quand verra Ton honorer le rebelle?Jusqu'à quand verra l'on reculer l<strong>et</strong>i<strong>de</strong>lle'i'[Dieu?Jusqu'à quand voudra l'homme estre maislre <strong>de</strong>Seigneur, regar<strong>de</strong> icy <strong>et</strong> voy ces entreprises,El , <strong>de</strong>stournant tes yeux <strong>de</strong> nos fautes commises,Oste à Satan le règne <strong>et</strong> te m<strong>et</strong>s en son lieu.Sonn<strong>et</strong> 16.N'estoit-ce point asscs que toute ma noblesseFustcn armes bandée à ma <strong>de</strong>struction?Que mes hommes gaillars <strong>de</strong> leur vocationFussent disirais , à tin d'cnlendre à mon oppresse '1. Prêtres, gens du clergé.— q. L'ordre <strong>de</strong> S.-Michel.


,,,^iLa ComplainteMes temples fussent ars , <strong>et</strong> toute leur richesseFust au soldat mutin escheute en portion?Mes marchans <strong>et</strong> bourgeois tissent la factionDe la guerre sanglante, au trafic donnant cesse?Que mes gens <strong>de</strong> labeur, trois <strong>et</strong> trois fois pillez,Veissentlespoir <strong>de</strong> ran,leursbeauxblezperillez?Que mes viles <strong>et</strong> forts rachatassent l'outrage?fureur furieuse!enragée rage!On m<strong>et</strong> larme en la main <strong>de</strong> mon peuple insensé !Quel Phalaris la fait? Quel Néron l'a pensé?Sonn<strong>et</strong> 17.Alors qu'un patient n'a plus soin <strong>de</strong> sa vie.Mais fait tout au rebours <strong>de</strong> ce qui luy est bonLe mé<strong>de</strong>cin fasché le m<strong>et</strong> à l'abandonFait bri<strong>de</strong>r ses chevaux , <strong>et</strong> soudain s'en va vie.Mais, si le mé<strong>de</strong>cin lui-mesmes le convieA suivre son plaisir <strong>et</strong> son opinionC'est signe qu'il appelle à la successionLe plus proche héritier, lequel il gratifie.Tout ainsi tu le perds, Charles, pour ton plaisir,Et ton conseil meschant atlise ton désir.Voulant gratifier quelque autre à ton dommage.Mais le veux-tu tromper? Conclu bien lost la paixSans avoir ton ad vis , <strong>et</strong> ne la romps jamais ;Tu guariras bien lost, <strong>et</strong> il mourra <strong>de</strong> rage.Sonn<strong>et</strong> 18.Mon roy, veux-tu sçavoir quel bon-heur lu au-Si tu voulois chérir ceux à qui lu fais guerre ?[rois


DE France. 45Voy combien leur renom a survolé <strong>de</strong> terreCombien d'hommes vaillans se rengenl à leurs loix.Voy comment ils font teste à un pape, à <strong>de</strong>ux rois;Voy les braves effects d'un fouldre sans tonnerre ;Voy un camp bien fourni qui en trois jours s'asscr-Voy un vœu résolu aux extrêmes <strong>de</strong>stroicts. [re;Sur tout voy la faveur <strong>de</strong> Dieu en leursempriscs,Et comment il réduit les ruses <strong>et</strong> surprisesDe tous leurs ennemis en fumées <strong>et</strong> vent.Si tu vois tout cela , tu verras bien encoreCombien il est requis qu'on les aime <strong>et</strong> honore;Car lu ne trouveras ces perles au Levant.Sonn<strong>et</strong>ig.Sénat, non plus sénat ' , ains boutique marchan<strong>de</strong>De haine , <strong>de</strong> faveur <strong>et</strong> <strong>de</strong> corruption.Certes, je n'ay pour toy ma moindre aftliclionNe trouvant point en toy l'ai<strong>de</strong> que je <strong>de</strong>man<strong>de</strong>.Jadis tu cscoutois la plainte <strong>et</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>De mes enfans foulez ; mesmes la passionDes rois ne <strong>de</strong>stournoit ta saincte affection,Et les rois honoroyent alors ta vertu gran<strong>de</strong>.Tu foules maintenant par tes arrcsts les bons,Tu adjuges leurs biens aux mutins <strong>et</strong> félons.Tu es <strong>de</strong> l'oppresseur <strong>de</strong>s justes le refuge;Tu fay execute[u]r <strong>de</strong> ton iniquitéMon peuple furieux : aussi, pour vérité,Un tel exécuteur est digne d'un tel juge.1. C'est-à-dire le Parlement.


,46 La ComplainteSonn<strong>et</strong> 20.[dre;Je ne veux plus crier, je ne veux plusmeplain-Je ne veux plus blasmer que mon propre mesfait ;Je recognoy, Seigneur, que le mal qu'on m'a faitProvient <strong>de</strong> mes péchez , <strong>et</strong> point ne le veux fain-[dre.Je sçay que c'est ta main qui m'a voulu attaindre,Pour me faire sentir mon extresme forfait;Je le son bien aussi, mais je sçay que TeffectDe ta merci est grand <strong>et</strong> ne vous veut esteindre.Je sçay que tu voudras me le faire sentir,Car lu es véritable <strong>et</strong> ne pourrois mentir.Qui as dit qu'on t'invoque au milieu <strong>de</strong> l'oppresse.Je t'invoque, mon Dieu, ainsi qu'as estably;Mais ne tar<strong>de</strong> à venir long temps ,je te supply,Car tu enlens mon mal <strong>et</strong> cognoy ma foiblesse.^Fin.cux-tu sçavoir quel est Testât <strong>de</strong> nostreFrance?^ Un jeune roy mené par un peuplemal duit,Mené d'un Hespagnol , d'un moyne <strong>et</strong> d'un fauxMené par une femme extraiite <strong>de</strong> Florence, [bruit,Un conseil bigarré qui cache ce qu'ilpenseL'artisan capitaine , un camp sans chef conduit,


DE France.Un pays <strong>de</strong> papistes <strong>et</strong> hugucnotz <strong>de</strong>struit,^jL'esiranger qui pour nous à noslre mal s'avance,L'ennemy qui, fuyant, s'en va mocquant <strong>de</strong> nous,Le grand en noslre camp contre le grand jaloux,Mille nouveaux estats, mille empruns sans trafic,Lajuslice sous pieds, le marchant faicl les lois,Paris vil[l]e frontière! malheur loutesfois.Qui parle <strong>de</strong> la paix est ennemy public'.Sur Tanagramatisme <strong>de</strong> Gaspard <strong>de</strong> CoUigny,admirai <strong>de</strong> France : Là gyst grand police.Comme sous Juppiterla mer est commandéePar Neptune bridant les flots impétueux,Ainsi par l'Admirai tous ces séditieuxOnt eu sous nostre roy leur rage bien bridée.Prince , dont la gran<strong>de</strong>ur est par ce sage aidéeDe conseil <strong>et</strong> dadvis <strong>et</strong> d'esploits belliqueux.L'honneur premier t'estdcu plus qu'à aucun <strong>de</strong> ceuxQui ont la pauvre France à ceste fois gardée.Et puis qu'cnsemblement tous vous bayez le viceEt voulez restablir <strong>de</strong> Dieu le pur service.Ensemble aussi l'honneur en avez mérité ;Mais, pour restituer ce qui est tant gasté1. Comme rcnlrelacement^<strong>de</strong>s rimes féminines <strong>et</strong> masculinesest partout observé, je croiiois que l'auteur avoitécrit Iraficqiie, orthographe très usitée a c<strong>et</strong>te époque,<strong>et</strong> pubticque en trois syllabes, comme son original ;;ui/(-CttS.


48 La Complainte <strong>de</strong> France.En l'Eglise <strong>de</strong> Dieu par ceste papauté ,Là pour cerlain y gisl une très grand police.onn<strong>et</strong>, en forme d'epitaphe, sur la mort<strong>de</strong> monsieur <strong>de</strong> Nevers.Je te pry, viateur, arreste un peu tes pasPour nie dire quelle est cesle grand' sépultureOù <strong>de</strong> diverses vois j'ois <strong>de</strong>bas <strong>et</strong> murmure.Quel est cil que la Parque a conduit au trépas?— C'est le duc <strong>de</strong> Nevers , celer ne le veulx pas,Qui ,quoy qu'en France eust pris long-temps saNe peut onc oublier la perverse nature [nourriture,Du corrompu Romain, où nasquit icy bas*.Et, pour bien amen<strong>de</strong>r ce naturel défaut,11 se fil courtisan , <strong>et</strong> a franchi le saultQu'ils appellent <strong>de</strong> n'estre huguenot ne papiste.Lors le grand Eternel ,pour arresler le coursDe ses meschanc<strong>et</strong>ez, luy fit finir ses joursEn mourant courtisan , romain <strong>et</strong> atheiste.1. Nous ferons remarquer que le seul duc <strong>de</strong> Nevers<strong>de</strong> c<strong>et</strong>te époque qui soit né en Italie est le inari d'Henri<strong>et</strong>te<strong>de</strong> Clèves , le Louis <strong>de</strong> Gonzague venu à dix ansà la cour d'Henri II, en 1549. Il ne mourut qu'en 1596;mais nous serions disposé à croire que notre sonn<strong>et</strong>n'est qu'une épitaphe satirique. 11 est d'ailleurs le premierduc <strong>de</strong> Nevers.


49O<strong>de</strong> sacrée <strong>de</strong> lEglise française sur les misères<strong>de</strong> ces troubles huictiesmes <strong>de</strong>puis vingt-cinqans en çà. Imprimé noui'ellenient. i586*.O<strong>de</strong> sacrée <strong>de</strong> VEglise françoyse sur lesmisères <strong>de</strong> ces troubles.'astre qui l'an fuiant ramcineij^^^ Commence sa huicticsmc peinevf^« Depuis que la fureur <strong>de</strong>s cieuxTonne <strong>et</strong> foudroie sur la FranceSans qu'il naisse aucune apparanceD'un temps serainel gracieux.France est au navire semblableQui n'a masl, ny voile, ny cableQui ne soient rompuz <strong>et</strong> cassez,Et se j<strong>et</strong>te encore à la ragei. C<strong>et</strong>te remarquable pièce, qui, îi côté <strong>de</strong> certainesstrophes un peu trop Ronsardieiines, en a d'autres duplus beau seulinient dans le fond <strong>et</strong> dans la forme, a étéréimprimée en fac-similé par M. Gratct-Duplcssis eni834 , chez Garnicr fils, à Chartres , à /|8 exemplaires.P. V. V. •*


,,,5oO<strong>de</strong> <strong>de</strong> l'EgliseD'un huictiesme <strong>et</strong> fâcheux orage,Oublieuse <strong>de</strong>s maux passez.Son gouvernail est cbeut en l'on<strong>de</strong>,Dont elle floUe vagabon<strong>de</strong>Au seul vent <strong>de</strong> sa passion ;Jà du naufrage elle s'approche,Heurtant à l'insensible rocheDe sa longue obstination.France meurt par sa propre vie;France est par sa force affoiblieEt sa gran<strong>de</strong>ur la m<strong>et</strong> à bas;Son tant fleurissant diadèmeDevient estranger à soy-mesme,Quant soy-mesme il ne cognoist pas.France faict ce que n'a peu faireL'armée <strong>de</strong> son adversaireSoit <strong>de</strong> l'Espagnol bazannéSoit <strong>de</strong> ceste perruque blon<strong>de</strong>Qui n'a autour <strong>de</strong> soy que l'on<strong>de</strong>Pour borne <strong>et</strong> limite assigné '.Mais enfin faudra qu'elle senteQue sa puissance est impuissantePuisqu'elle veut se ruyncr,Et que c'est un esclave empireQuand on veut ses subjeclz <strong>de</strong>struirePour sur ses subjectz dominer.Qui a point veu le frénétique.Lorsque l'ar<strong>de</strong>ur du mal le pique,1. C'est-à-dire <strong>de</strong>s Anglais.


SUR LES TROUBLES.5lCacher son glaive dans son flanc?L'enragé Françoys luy ressemble,Meurtri <strong>et</strong> meurtrier tout ensemble,Se baignant en son propre sang.Il prcnt son plaisir à se battre,Pensant son ennemy combatre,Et mesconoit tous ses amys;Ceux qui pour sa langueur souspirentEt qui la santé luy désirent.Il les tient pour ses ennemys.La France est troublée ainsi commeQuant le vin est espris en l'hommeQui ch<strong>et</strong> <strong>et</strong> ne pense pas choir ;Mala<strong>de</strong>, elle pense estre seine;Travaillant, ne sent point sa peine;Voyant sa mort, ne la peut voir.Du sang saoulée <strong>et</strong> cnyvrée ,De sang est encore altérée,Et, plus en boit ,plus boire veult;Ainsi qu'un hidropique foyc,Qui en beuvant reçoit grand' joye ;Mais ce plaisir enfin luy <strong>de</strong>ult.Quelle est ceste forcencryoEt quelle est ceste yvrogneryeDont le François est transporté?L'idolâtrie où il se plonge,S'efforçant <strong>de</strong> loger mensongeEn la maison <strong>de</strong> vérité.Il ne se veult rendre docilePloyant son col soubz l'Evangile;


,,,,O<strong>de</strong> <strong>de</strong> l'EgliseMais ,cndurcy <strong>de</strong>dans son cœur,11 cuy<strong>de</strong> vivre en la mort mesme,El dire bien quant il blasphème,Et estre sage en sa fureur.Quoy que soit, le François tesmoigneQu'il est frénétique <strong>et</strong> yvrognePrivé <strong>de</strong> sens <strong>et</strong> <strong>de</strong> raison.Celuy dresse mal sa <strong>de</strong>meureQui contre soy-mesme labeureFaisant choir sur soy sa maison.Jà par huict foys l'espée a prise,Dont il a transpercé l'Eglise,Et dans son estomach fenduFaict tiédir la pointe trenchanteBaignant la terre rougissanteDes ruysseaux <strong>de</strong> sang espandu.A l'enfant on oste la vieEs bras <strong>de</strong> sa mère qui cryeQui s'efforce, qui le <strong>de</strong>ffendEt qui veult sentir la premièreLe coup <strong>de</strong> l'espée, meurtrièreDe la mère <strong>et</strong> <strong>de</strong> son enfant.Le père a veu , en sa vieillesseMourir le filz <strong>de</strong> sa jeunesse,Et d'une lamentable voixLe père pleuroit la misèreDe son filz, <strong>et</strong> le filz du père,L'un <strong>et</strong> l'autre mourant <strong>de</strong>ux fois.Les soldatz brutaux <strong>et</strong> farouchesOnt souillé les pudiques couchesDes mariz tout <strong>de</strong>vant leurs yeux.


SUR LES TROUBLES. 53Yeux ternis d'angoisses exlrêmcs,Qui voudroient n eslre plus eux-mesmesPour ne voir cas si odieux.La vierge , en son florissant aageA esté proye <strong>de</strong> leur rage,Sans qu'on l'ait osé secourir ;Sa mère ,présente <strong>et</strong> liée ,En attendant d'estre tuéeMouroit jà <strong>de</strong>vant que mourir.Le barbare n'a pas eu crainteD'ouvrir la mère estant enceinte,Oui , d'un précipité tourmentRend son fruict , son fruict qui bouillonneEn son sang, alors qu'on lui donnePlustost fin que commencement.Quoy plus? L'air, les champs, les rivières,Sont tcsmoings que les mains meurtrièresNous ont ostè vie <strong>et</strong> repos :L'air r<strong>et</strong>entit <strong>de</strong> cris <strong>et</strong> plaintes ,Du sang les rivières sont teintesLes champs blanchissent <strong>de</strong> nos os.Où es-tu? Reviens, ressucitc,Prophète <strong>et</strong> roy israëliteQui as prévu d'antiquitéDes bons les assaux , les alarmesEt as <strong>de</strong> l'Eglise les larmesPrédit à la postérité.que mes yeux ne sont fontaines,Sortons du rocher <strong>de</strong> mes veines,


,,,,54 O<strong>de</strong> DE l'EglisePour faire fleuves voyagers ',Qui, sur Teschine <strong>de</strong> leur on<strong>de</strong>^Me portassent par tout le mon<strong>de</strong>Pour conter tout aux eslrangersLJ yrois au pais <strong>de</strong> l'Aurore,Et aux sablons recuilz du More,Et jusqu'à l'Espagnol félon,Qui voit coucher la grand' lumière.Et à la gcnt qui sent premièreLe froid du sifflant Aquilon.J'abreuverols toute la terreDes nouvelles <strong>de</strong> ceste guerreDes massacres pernicieux,Des maux, <strong>de</strong>s misères, <strong>de</strong>s pertes.Que les Fidcllcs ont souffertes.Pour le redire à leurs neveux.Mémoire , Mémoire immortelleDe ma foible voix je t'appelleEt entre tes mains je rem<strong>et</strong>zToutes ces cruautés passéesEt contre l'Eglise exercées.Pour les remarquer à jamais.Arrache à l'oublieux silence1/impitoyable violenceQui va contraignant, poursuyvant»Qui chasse ,qui tuë ,qui briseCeux qui ayment la vraye EgliseEt le peuple du Dieu vivant.1. C'estrà-dire voyageurs»


SUR LES TROUBLES. 55Que ta main noire <strong>et</strong> lai<strong>de</strong> traceD'un ancre que le temps n efface,Des meurtres tant <strong>de</strong>smesurésDes hommes... que dis-je , <strong>de</strong>s hommes?Mais <strong>de</strong>s tigres ,par qui nous sommesAssailliz , meurtriz , dévorés.Conjoin ce siècle avecques l'aageDe la pliaraonique rageEt <strong>de</strong> l'orgueil assyrien.Contre les maux <strong>de</strong> noz églisesPlus grands que toutes entreprisesQue jamais fil le Syrien.Néron le malin s'esbahisseDe voir surmonter sa malice ;Dojnician le furieuxTrouve cesle fureur nouvelle ;Diocl<strong>et</strong>ian, au pris d'elle,Soit dicl miséricordieux!Jadis Rome fut détestable ;Rome est encore abominablePlus qu'elle n'a jamais esté ;Que Rome à Rome face place ;Rome aujourd'huy Rome surpasseEn horrible meschancelé.Mais que fais-je, helas? Pourquoy est-ceQue , chargé <strong>de</strong> douleur, j'abaisseMa veue aux hommes terriens?Pourquoy tiens-je courbe ma teste,Alors qu'cstonnô je m'arresteA la terre <strong>et</strong> à ses moyens ?


,,,,.5GO<strong>de</strong> <strong>de</strong> l'EgliseJ'eslcve à toy mes yeux , ô sireDe labisnie <strong>de</strong> mon martyreA loy, dont la gran<strong>de</strong> gran<strong>de</strong>urSurmonte la haute machineQui d'un cours mesuré chemineEt ne se lasse en son labeur,'A loy , dont la gloire supresmeN'a semblable à toy que soy-mesmeQui es tout <strong>et</strong> tout est en toy ,Dont la majesté infinieEst seulle cause <strong>de</strong> ma vieEt <strong>de</strong> tout ce qu'icy je voy.Ta puissance nous manifesteLes rayons du grand œil céleste,Qui roulle , roulle tout autourDe son asseurée carrièreEt sème l'or <strong>de</strong> sa lumièreDont il nous mesure le jour.Ta sagesse conduit le mon<strong>de</strong>La terre, l'air, la mer profon<strong>de</strong>.Et ta bonté les entrelient;Ta libéralité comman<strong>de</strong>Au champ labouré qu'il nous ren<strong>de</strong>Le grain qui la vie souslient.Du ciel la terre est arrouséeEt <strong>de</strong>s larmes <strong>de</strong> la rouséeQui <strong>de</strong> son esmail espanduVa couvrant la plaine mouilléeSi lost que l'aube resveillécRameine le jour attendu.


SUR LES TROUBLES. 5;Voyant poindre la première herbeVoyant l'Esté dorer la gerbe ,Voyant Autonnc rougissantDu sang <strong>de</strong> la grappe vermeille ,Voyant <strong>de</strong>s glaces la merveille ,Je voy que tu est tout puissant.tout puissant, tout bon, tout juste,Qui rengcs soubz ton bras robusteLes plus roi<strong>de</strong>s colz <strong>de</strong>s mpschans,Voy ta gent à <strong>de</strong>my <strong>de</strong>fiaicte ,Voy nostre vie , qui est faicteLa proye <strong>de</strong>s glaives tranchans.Le sang , le sang <strong>de</strong>s tiens, redon<strong>de</strong>Et ruisselle parmy le mon<strong>de</strong>,Répandu ainsy comme l'eau ;Leurs corps gisent sans sépultureServans aux bestes <strong>de</strong> pasture ,Privez <strong>de</strong> l'honneur du tombeau.Dieu ,ton Eglise opprimée,Ta gent à <strong>de</strong>my consommée ,Est exposée à l'abandon ;Baignée en ses larmes , se j<strong>et</strong>teAux pieds <strong>de</strong> ta bonté parfaicteTe <strong>de</strong>mandant grâce <strong>et</strong> pardon.Mon Dieu , mon Seigneur, je confesseQue je t'ay offencé sans cesse,Ne cheminant selon ta loy.Helas! ma grand ingratitu<strong>de</strong>Mérite un chastiment plus ru<strong>de</strong>Que tous ces maux que je reçoy.


,,,,,58 O<strong>de</strong> <strong>de</strong> l'EgliseJe n'ay ta parole sacrée.Comme je <strong>de</strong>bvois, révérée;Mes ténèbres ont combatuContre la clarté <strong>de</strong> ta faceMa lasch<strong>et</strong>é contre ta grâceMon vice contre la vertu.Mais pourquoi ta parole saincteSeroitelle en ma playe attainleEt percée par mon coslé ?Las ! faudra-il qu'elle , innocenteEt très juste , l'opprobre senteQue moy coupable ay mérité ?Sois garent <strong>de</strong> ta gloire propreVan géant le blasphème <strong>et</strong> l'opprobreDont les meschans t'ont diffamé ,Les meschans qui contre ta gloirePensent <strong>de</strong>sjà avoir victoirePar leur bras contre moy armé.Je t'appelle, ô souverain juge,Affin que la majesté jugeEntre moy <strong>et</strong> tes ennemys ;Je t'appelle, ô Dieu équitable,Affin que me soys secourableAinsi que tu me l'as promis.Que la gran<strong>de</strong> clémence tieneEfface la grand faulte mieneEt me lave au sang précieuxDe celuy qui , souffrant ma peineM'a acquis l'attente certaineDe la <strong>de</strong>meure <strong>de</strong> les cieux.


SUR LES TROUBLES. 5qDonne Thonnciir <strong>de</strong> ta victoireA ceux qui désirent ta gloire,Haussant la sccourable main ,Qui, m<strong>et</strong>tant lin en mon opresse,Face tant que ma p<strong>et</strong>itesseTriomphe <strong>de</strong> l'orgueil mondain.Tiré as ta gent ancienneDe la misère égyptienne,Ta gent qui a veu doscouvertsLes creux vaisseaux <strong>de</strong>s eaux profon<strong>de</strong>s,Foullant les cach<strong>et</strong>tes <strong>de</strong>s on<strong>de</strong>sEt passant à sec autravers.Dieu puissant <strong>et</strong> redoutableToujours à toy-mesme semblable,Voy doncques ma captivité ;Change ma foiblesse en puissanceMa peur en joie <strong>et</strong> asseurance ,Ma servitu<strong>de</strong> en liberté ;Et fay que le ciel <strong>et</strong> la terreEt ce que l'un <strong>et</strong> l'autre enserreSe resjouisse en le servant,Que tout à son tout face hommage,Et que tous d'un mesme courageT'adorent seul , ô Dieu vivant.Ainsi soit-il.Fin.


,,6oLes trois 3Ioj-s <strong>et</strong> les troisVifzLe premier Mort.I e ne vous aportons nouvelles[Qui ne soient bonnes ou belles,]0u plaisans ou à <strong>de</strong>splaisance ,'Prendre vous fault en pacience ,Car ne peult eslre aullremenl.Beaulx amis, tout premièrement,Non obstant quelconques richessePuissance, honneur , force ou jeunesse ,Nous vous dénonçons tout <strong>de</strong> voirQu'il vous convient mort recepvoirUne mort, (he)las ! si douloureuse,X. Nous donnons c<strong>et</strong>te pièce d'après l'exemplaire possédépar M. Cigongne <strong>de</strong> l'édition indiquée par M. Brun<strong>et</strong>(IV, 620) : c'est un in-4 gothique <strong>de</strong> 6 ff. Le titre,orné d'un grand L historié, occupe le milieu du premierfeuill<strong>et</strong>, dont le verso est blanc. La première l<strong>et</strong>tre dutexte est laissée en blanc avec l'intention <strong>de</strong> donner l'espaced'une l<strong>et</strong>tre peinte. Nous ferons remarquer que ceDit <strong>de</strong>s trois Morts a été fréquemment imprimé. Nousl'avons trouvé dans toutes les éditions <strong>de</strong> la Danse Macabreque nous avons vues, bien que M. Crapel<strong>et</strong>, qui l'apublié, d'après le nis. 7695, à la suite <strong>de</strong> sa secon<strong>de</strong> édition<strong>de</strong>s vers <strong>de</strong> Thibaud <strong>de</strong> Marly, ait dit que c'étoit


Les trois Mors <strong>et</strong> les trois Vifs. 6iSy amère , sy angoisseuseQue les mors, qui en sont délivre,Ne vouldroient jamais revivrePour mourir encor <strong>de</strong> tel mort.Et , après que vous serés mortTout ainsy que povres truans ,Vous serez hy<strong>de</strong>ux <strong>et</strong> puantz,Des nostrcs <strong>et</strong> <strong>de</strong> nos livrez,Et vos âmes seront livrez,Je n'en dy plus, mais c'est du pire.Il me suffist assez <strong>de</strong> direDe voz meschans corps la misère.Qui ne sont pas d'aultre matièreCertainement, comme nous sommes.Naguères estions puissans hommes;Or sommes telz comme vous voiez.Se vous voulez, si pourvoiez ^.une pièce différente, parcequ'elle n'avoit que iC8 vers.C'est une erreur . c'est bien la même pièce, a la différenceprès d'un certain nombre <strong>de</strong> vers en moins. J'aidonné la pièce entière d'après le ms. 73 lo, dans l'éditionfrançoise <strong>de</strong> l'Alpbabct <strong>de</strong> la Mort que vieut <strong>de</strong> publierM. Tross; <strong>et</strong> , en reproduisant ici la seule éditionséparée que je connoisse <strong>de</strong>s Trois Morts, je donne ennote les vers qui n'y figurent pas. J'ajouterai quela complainte <strong>de</strong> la Damoyselle ne se ti'ouve pasdans la Danse Macabre , <strong>et</strong> que j'ai traité la question<strong>de</strong>s différentes leçons <strong>de</strong>s Trois Morts <strong>et</strong> <strong>de</strong>s Trois Visdans la préface <strong>de</strong> l'Alphab<strong>et</strong> <strong>de</strong> la Mort que j'indiquoistout à l'heure.i. Et bien y <strong>de</strong>pvez pourvéoir.Quant en nous vous poveï véoir


Car vos corps ,qui sont plains d'ordure ,,,,,,,,Les trois MorsLe second Mort.Poiirvoiez-y, se vous voulez ,Aultremenl que vous ne soûlez :Car certes la Mort vous espiePour vous oster du corps la viePlus brief(ve)mcnt que vous ne cui<strong>de</strong>zQui estes sy oultrecui<strong>de</strong>zQue pour ung pou <strong>de</strong> joie vaine,Ung pou <strong>de</strong> plaisance mondaineQui est <strong>de</strong> sy courte duréeTost venue, plus lost alée,Voulez perdre la joie fineDe paradis ,qui point ne fine ,Et ,qui pis est , dampnéz serés.Aultrement n'en cschapperésMais ce sera sans délivrance.Comment avez-vous tel plaisance,Dictes- vous, meschans orguilleux,En ce mon<strong>de</strong> cy périlleux.Où il n'a que divisionsDiverses tribulationsPuis guerre, puis mortalité?Tous jours nouvelle adversitéRevient, avant que l'autre faille.Vous ne savez homme sans failleComme <strong>de</strong> vous il adviendraEt quel loyer Mort vous rendra.Aller fera ù pourriture.Tels comme vous ung temps nous fumes',Tels vous serez comme nous sommes.


ET LES TROIS ViFS. 63Tant soit puissant , vueille ou non vuçilleQui ne seuffre <strong>et</strong> qui ne se <strong>de</strong>ulle.Aliieurs doncques repos qucrez.Car cy point ne le trouverez *.Le tiers Mobt.folle gent mal adviséeQuant je voy ainsy <strong>de</strong>sguiséeDe divers habitz <strong>et</strong> <strong>de</strong> robes,Et d'aultres choses que tu robes,Ta puante charongne à versEt prens <strong>de</strong> tort <strong>et</strong> <strong>de</strong> travers,Ne il te chaut donc te viengneMais que ton estât se maintiengnc ;Quant je revoy tes faulx <strong>de</strong>litzDe vins , <strong>de</strong> vian<strong>de</strong>s, <strong>de</strong> litz.Lez grans excès, lez grans oultragesDonc ceux qui font les labouragesAux champs <strong>et</strong> pour toy se travaillent,Tous nuz , <strong>de</strong> fain crient <strong>et</strong> baillent ;Quant je voy tel gouvernement,Je double que soubdainementTelle vengeance ne s'en faceQue tu n'aycs temps ne espaceRepos aurés en paradisSi croire vous voulez es disDes saiges qui conseillent faireCe que faire est nécessairePour l'aquerir <strong>et</strong> pour l'avoir.Riens mieulx nulluy ne peut avoir.Faictes <strong>de</strong>s biens plus que poveï ;Autre chose n'emporterés.


,,,64 Les trois MorsScullement <strong>de</strong> crier mercy.Cui<strong>de</strong>z-vous toujours régner cy,Foulz mesclians, <strong>de</strong> maie heure nez,Qui en ce point vous démenez?Nennin, ncnnin; vous y mourrez.Faictes du pis que vous pourrez ;Lors arez perdurable vieBonne ou malc, ne doublez mie.Dieu est juste , il paiera'.Lepremier Vif.saincte croix ,par ta puissanceDonc je voy cy la remembrance,Gar<strong>de</strong> mon corps <strong>et</strong> ne consentzQue je per<strong>de</strong> au jour d'huy le sensPour cesle gente hy<strong>de</strong>use <strong>et</strong> morte,Que lelz nouvelles nous apporte,Nouvelles dures <strong>et</strong> perverses,Las , entre les choses diversesTouchans nostre fragilitéDe quoy nous ont dit vérité 2.1. Selon ce que chascun fera.Faictes <strong>de</strong>s biens , n'atten<strong>de</strong>z pasQue ceulx d'après vostre trespasPour vous en facent qu'amez chier.Qui ne vous vouldroient aproucher.En la terre vous porterontEt tosl après vous oublierontEt telz cui<strong>de</strong>z vos bons araysQui sont voz plus grans ennemys.s. Mon povre cueur <strong>de</strong> peur trembleQuant troismors ainsi vont ensembleDeffigurés , hi<strong>de</strong>ux , divers ,Tous pourris <strong>et</strong> mengés <strong>de</strong> vers.


ET LES TROIS ViFS.G5Le premier dit, bien m'en souvient,Que mort endurer nous convientA grant angoysse <strong>et</strong> granl douleur,Donc il me fist muer couleur.Et <strong>de</strong>s amcs dist une choseQue <strong>de</strong>clairer ne veult ne n'ose:Je croy, c'est <strong>de</strong> leur dampnementEn enfer perdurablement.Telz nouvelles ne sont pas bonnes.Lasse nous , chelifves personnes !Pourquoy nous fist oncques Dieu naistreEn ce nieschant mon<strong>de</strong>, pour estreSi tost livrez à telordure?De ma vie n'ay jamais cure.Car je voy que les gens qui viventTant <strong>de</strong> maleur<strong>et</strong>ez ensuiventQue je prise trop mioulx assezLe povre estât <strong>de</strong>s irespassez'.Le second Vif.Est-ce donc à bon essienlQue la Mort nous va espiantEt qui nous fault ainssy morir?N'cst-il homme qui secourirEn puisl, pour or ne pour argent?Helas! convient -il jeune gentA telle horribl<strong>et</strong>é venir?Oncques ne m'en pcust souvenir;Car tousjours sans fin dureraOù celiiy <strong>de</strong>s vis finera ,Et on lestât qui tuusjours dureCliascun vivre doit meslrc cure.1'. F. V. 5


,,,,66 LestroisMorsMes je vois bien que c'est à certes ;J'en voy les enseignes apcrles.De mort passerons les <strong>de</strong>strois,Et <strong>de</strong>vcnrrons comme ses trois;C'est la fin <strong>de</strong> notre besongne.Helas! helas ! meschante charongne.Mais que lu faces tes plaisirs,Tesvoulentez , tes faulx désirs.Il ne te chault du rémanent.Or véons nous bien maintenantQue par ioy nous sommes <strong>de</strong>ceuQui jusques à cy t'avons creu ;Et <strong>de</strong> nos âmes peu te chaultSe elles ont ou froit ou chault.Fy, charongne que rien ne vaulx ,Tu aymes mielx les grans chevaulxLes beaulx habits , si pou durablesEt telles choses corrumpablesPour ton meschant corps <strong>et</strong> rebelleQue lu ne fais une ame belle i.Le tiers Vif.Certes , c'est bien dit ; mais au fort11 n'y a point <strong>de</strong> <strong>de</strong>sconfort ;Tous nous convient passer ce pas.1. Et si sces bien que tu mourrasEt en la terre pourriras ,Où l'ame pardurablementEn joye vivra ou en tourment ,Pensons doneques <strong>de</strong> bien finer,Que en joye puissons finer.Bon y fait penser quant on peull;Souvent on ne peult quant on veult.


ET LES TROIS Vifs.Q>-]Et je croy Dieu ne nous hait pasMes beauix seigneurs <strong>et</strong> beaulx amisQuant ces trois mors nous a transmisQui donné nous ont congnoissanceDe la mort <strong>et</strong> <strong>de</strong> la meschanceQui nous vient finer nostre joye.Helas! jamais je ne cuydoyeQue ce temps y nous <strong>de</strong>ust faillir,Ne que Mort osast assaillirTelz gentilz gens comme nous sommes.Mais je voy bien que riches hommesSont lelz <strong>et</strong> <strong>de</strong> nulle valueNe plus ne mains que gent menue ;N'en parlons plus , c'est tout néant.Maintenant je suis cler veantQue la joie du mon<strong>de</strong> est briefve,Et la fin d'elle point <strong>et</strong> griefve.En enfer est horrible paine ,En paradis a joie plaineSur toutes joies délectable ,Et l'une <strong>et</strong> l'autre est perdurable.Or eslisons ,je vous emprieDorénavant la meilleur partie.Fol est qui choisit <strong>et</strong> départQuant il eslist, la pire part *.C(/ ^nsnl les irois Mors <strong>et</strong> les trois Vifz.Deji voyes avons <strong>de</strong>vant nos yeulx ,Nous qui vivons , jeunes <strong>et</strong> vieux ,Une à joje <strong>et</strong> à repos niaine ;L'autre à tourment <strong>et</strong> i peine.Pour joye <strong>et</strong> repos avoir


,,,G8La COÎIPLAINCTELa Complaincte <strong>de</strong> la Bamoyselle.FA,.ne fois fus sur toutes autres belleMais par mort suis ores <strong>de</strong>venue telle.^ Ma chair estoit trèsdoulce, fresche <strong>et</strong>tendreOres est elle toute tournée en cendre;lîien faire fault.Doit-on sçavoir(Jui mal fait <strong>et</strong> ne se repontIlaura peine <strong>et</strong> lorment.Dans son Tableau <strong>de</strong> la sculpture mo<strong>de</strong>rne, M. ÉmericDavid, chose rare pour c<strong>et</strong> excellent esprit, s'est singulièrementtrompé lorsque, dans les trois chevaliers vivants<strong>et</strong> les trois chevaliers morts que Dubreul dccrivoitau portail <strong>de</strong>s Innocents, il se <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à quelévénement cela se rapporte, <strong>et</strong> y voit une union <strong>de</strong> lastatuaire <strong>et</strong> <strong>de</strong> riiistoire civile : c'est notre histoire <strong>de</strong>strois Morts <strong>et</strong> <strong>de</strong>s trois Vifs. Voici du reste le passage<strong>de</strong> Jacques Dubreul [Anliquilés <strong>de</strong> Paris , Paris, lôîg,p. 621-622) : «Au portail <strong>de</strong> l'église, qui est à maindroict, à côté d'icelle (la tombe <strong>de</strong> saint Richard, crucifiéà Pontoise par les juifs) , l'on voit en figures <strong>de</strong>ron<strong>de</strong>-bosse <strong>de</strong> trois chevaliers passans par <strong>de</strong>dans unbois, <strong>et</strong> trois morts à l'opposite, aussi dans un bois,lequel fit faire <strong>et</strong> ériger Monsiciu" Jean , duc <strong>de</strong> Berry,l'année i4o8, pour l'ornement du lieu auquel il voulutêtre enterré après sa mort, ainsi que les vers suivansle tesmoignent, gravez le long <strong>de</strong> la corniche qui soustientlesdites figures :En l'an mil quatre cents <strong>et</strong> huicl,Jean , duc <strong>de</strong> Berry, très-puissant.En toutes vertus bien instruitEt prince en France florissant,


DE LA DaMOYSELLE.Gç)Mon corps estoit très plaisant <strong>et</strong> très gentOr est liy<strong>de</strong>ux à voir à toute gent.Je me souloie souvent vcstir <strong>de</strong> soye,Par humain cours lors cognoissantQu'il convienl toute créature.Ainsi que Nature consent.Mourir <strong>et</strong> tendre à pourriture ,Fit tailler icy sa sépultureDes trois Vifs, aussi <strong>de</strong>s trois Morts,Va <strong>de</strong> ses <strong>de</strong>niers la factureEn paya par justes nccords,Pour mcDstrer que tout humain coriis,Tant aje biens ou gran<strong>de</strong> cité ,Ne peut éviter les discordsDe la mortelle adversité.L'oncq", pour avoir félicité ,Ayons <strong>de</strong> la mort souvenir,Afin qu'après perplexitéPuissions aux saincls cieux parvenir.Prions pour le prince susditEt ensuivons sou intendit.Aux quatre coins dudit portail sont peintes les armes<strong>de</strong> la maison <strong>de</strong>s ducs <strong>de</strong> Beri-y ;plus , sous une chacune<strong>de</strong>sdites figures est attachée dans le mur unegran<strong>de</strong> pierre remplie d'un nombre <strong>de</strong> vers françoisconinie si iesdites figures parloient ensemble <strong>et</strong> respondoieutensemble , lesquels j'obm<strong>et</strong>s pour n'ennuyer lelecteur.» Go<strong>de</strong>froi, dans ses annotations sur Vllistoire<strong>de</strong> Charles YI, Paris, i653, in-fol., a redonné, p. 674,la même inscription, mais n'a pas donné davantage ledialo(jne. Il nous eût été curieux <strong>de</strong> voir si c'est une<strong>de</strong>s leçons que nous possédons. Pons Guillebert , <strong>de</strong>M<strong>et</strong>z, presque contemporain du bas-relief, en connoissoitbien le suj<strong>et</strong>. «Là, dit-il, ce sont engigneusemententaillées <strong>de</strong> pierre les yniages <strong>de</strong>s trois Vifs <strong>et</strong><strong>de</strong>s trois Mors.»


,,,70 COMPLAINCTE DE LA DaMOYSELLE,Orendroil fault que toute nue soye ;Fourrée estoie <strong>de</strong> gris <strong>et</strong> menus versOr sont en moy par tout fourrez les vers ;Engrant palais me logoie à mon vueil.Or suis logée en se p<strong>et</strong>it serqueil ;Ma chambre esloit <strong>de</strong> tapis aournée,Or est d'yraignes ma chambre avironée ;De tous esloie nommée dame chiéreQui ores me voit n'en fait semblant ne chière;Maint s'enclinoit qui prez <strong>de</strong> moy passoit,Compte n'en fait nul qui prèz <strong>de</strong> moy soit;Par tout estoit ma beaulté racomptécPlus n'en est bruit ne nouvelle comptée.Si pense celle que beaulté va croianlOue tous jours va sa vie en décroissant,Soyt ores dame, damoiselle ou bourgoyse;Face donc bien tandis qu'elle en a Taise,Ainsque <strong>de</strong>viengne comme moy, pourvoir,telle.Car chascune est, comme ay esté, mortelle,Quotidie moriimhir, quoticUe enim <strong>de</strong>miliiraliqua pars vile, el, lune quoque cum crcscimus,vita <strong>de</strong>crescil :Exemplis SenecxK1. Le passage se trouve dans la 24* épître; il faulseulement lire morimur.


Ihambcrièrcs'Le Caqu<strong>et</strong> <strong>de</strong>s bonnes Chaniherières^ <strong>de</strong>clairantaiilcunes finesses dont elles usent versleurs maistres <strong>et</strong> maistresses. Imprimé parle comman<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> leur secrétaire, maisirePierre Babill<strong>et</strong>.,avec la manière pourcongnoistre <strong>de</strong> quel boys se chauffe Amour ^Le Caqu<strong>et</strong> <strong>de</strong>s bonnes Chambericres., vucillcz nioy pardonner)Si je pr<strong>et</strong>eiidz <strong>de</strong>scotivrir voz fincssesiï'SiM ^^ Il culcn'Jz point les bonnes blazonncr;Cliantibcrières, vueillcz moy pardonner.Aux maulvaises je vueil le lorl donner,Que chascun sçait plus communes qu asnesscs ;Chamberières, vueillcz moy pardonnerSi je prclendz <strong>de</strong>scouvrir voz finesses.i. Nous avons eu sous les yeux trois éditions, ou,pour mieux dire , trois réimpressions <strong>de</strong> celte pièce :Tune faite à Paris pour Jean <strong>de</strong> Lastré, <strong>de</strong>meurant prisle collège <strong>de</strong> Rlieims, titre encadré; — l'autre à Rouen,chez Nicolas Lescuyer, près le grant portail Nostre-Dame, dans laquelle rien n'est plus a sa place , <strong>et</strong> nous


,, ,,72 Le Caqu<strong>et</strong>Je ne vouldroye aux bonnes faire oultrage,Marry scroys si aullre le faisoil;J'aymerois mieulx mourir <strong>de</strong> malle raigcQue <strong>de</strong> vouloir aux bonnes faire oullraige;Chreslien n'est qui pourchasse dommaigeA son voysin ,quoy que p<strong>et</strong>it il soit;Je ne vucil donc aux bonnes faire oultraigeMarry seroys si aultre le faisoit.Je parle à vous , mes dames les servantes ,Qui chascun jour estes par tout en ventesComme marée ou macquereaulx es hallesNe <strong>de</strong>mandans qu'à jouer <strong>de</strong>s cymballes.Je parle à vous, malheureuses putains.Par qui honneur d'ung chascun sont cstains ,Quant lesblasmez <strong>de</strong> voz langues infaicles;Je parle à vous, non point que m'ayez faiclesFâcheries , mais à d'aultres assez,Ausquelz avez <strong>de</strong>s maulx tant amassezQu'on n'y sçauroit aulcun remè<strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre,Tant au varl<strong>et</strong> palfrenier, comme au maistre.Vous vous nommez chamberières , mais damesavons trouvé inutile d'indiquer les absur<strong>de</strong>s transpositions<strong>de</strong> c<strong>et</strong>te édition, qui porte au titre le chiffre i5 ,numéro <strong>de</strong>s réimpressions qui sont sorties <strong>de</strong> celte boutique;— l'autre aussi à Rouen, chez Costé. Elle a été,<strong>de</strong> nos jours, réimprimée j>ar M. Silveslre, dans sesPoésies gothiques françaises (Paris, i83i, <strong>de</strong> l'impriinerie<strong>de</strong> Crapel<strong>et</strong>, in-8 <strong>de</strong> i8 pages); mais comme,selon son usage, il n'y a mis aucune indication, nous nesavons s'il a eu sous les yeux une édition différente.


<strong>de</strong>sbonnesChamberières, 7Estes partout, <strong>et</strong> en sçavez voz games;Dames estes, car trop plus aysementVivez quelles ; oyez quoy <strong>et</strong> comment :Il vous convient avoir pour serviteurSecr<strong>et</strong> <strong>de</strong> quoy* ; chascun son nom sçait bien ,Car il n'y a par tout si grant seigneurQui sans <strong>de</strong> quoy puist dire ou faire rien ;Si ne 1 "avez , il fault trouver moyenDe le trouver <strong>et</strong> tenir pour servantOu aultrement (que) pour certain je me tienPar fin chemin vous l'yrez poursuyvant.De quoy nourrist les macquerelles.De quoy nourris! les macquereaulxDe quoy taict vendre les pucellesDe quoy nourrist les larronneaulx ,De quoy faict maint raportcur faulxDe quoy pucelles faict nourrissesDe quoy faict au mon<strong>de</strong> maintz maulxAux endormys en telz délices.Trouver convient façon davoir domaineEscuyère <strong>de</strong> toute la mayson ,Et ,pour l'avoir, il faut qu'on se pourmaineEn endurant <strong>de</strong> tous oultre royson^,Ou premier faull flatcr, tant qu'achoysonElles trouvent d'eslre la cliambcrioreQui achcptra la chair <strong>et</strong> le poysson ;De celles là, Dame^, gard le <strong>de</strong>rrière.1. On a déjà vu ce mot dans ce volume, p. 55.a. Outre raison. — 3. C'est-à-dire la Vierge.


,,74 Le Caqu<strong>et</strong>Par le moyon <strong>de</strong> domaine ont <strong>de</strong> quoyPour leur servant <strong>et</strong> pour leur compaignic :Si <strong>de</strong>man<strong>de</strong>z ou comment, ou pourquoy,Je le vous dis pour vray, rien ne vous nye:A icelle vous donnez grant poignyeDe monnoye pour aller au marclierY aclupler vivres pour la mesgnye,Mais bien souvent jouent du dcsmarclicr.Or, quant <strong>de</strong>maine à bien ferrer la mulie ,Et quant Roger* vient pour servir, supsonElle dira: a C'est chose ridicuîle« Vouloir tenir céans ce taulx garson ;a Passez-vous-en, dame, cesle saison:« Je feray bien seulle ce qu'est à faire;« Contentez-vous, madame, <strong>de</strong> rayson.»El par ainsi nul ne va au contraire.Des faulses clefz <strong>de</strong> la cave faict faireEn abusant l'ouvrier par son caqu<strong>et</strong>Et puis après, pour tout le cas parfaireAultrcs semond pour faire le bancquct.Pensez, dame ,pensez au grant acquestQu'elle vous faict : la bonne servanteQue vous avez ! Est-il point vray , Marqu<strong>et</strong>?Folle Despense est [en] cest art sçavanle.Vous vous servez <strong>de</strong> ces vieilles ridées :C'est pour sçavoir qu'en faict en la maysonQuant n'y estes ; anesses <strong>de</strong>sbridéesUn les doibt dire <strong>et</strong> nommer par rayson.Ed. <strong>de</strong> Lastré : Qu'au logis.


DES BONNES ChAMBERIÈRES.j5Vostre logis est où la garnisonDe macqucreaulx se relire <strong>et</strong> putains.Pardonnez-moy si n"ay par niesprisonVoulu mentir, mais ay le vray allains.Puis, quant ce vient que vous estes aux champs,Pour que le cueur trop souvent ne leur faille,11 fault du vin pour niieulx passer le temps,Roire à plain pot, sans en cballoir la maille,Tousjours avoir ou flacon ou bouteille*.Ne <strong>de</strong>meurer sans vin en la cuysine ;Pour le cacher ne fault manteau ne fueille.Car pour mentir font bien la bonne myne.« Sus ,grant chière ! madame n'y est poinct ;Beuvons d'autant à tous noz bons amys.Sus, grant chière! chantons en conlrcpoinct,Et ne craindrons en rien noz ennemys.Depuis le temps qu'à servir m'enlremys,J'ay triumphc <strong>et</strong> si triumpheray ;Boyre dautant je n"ay jamais obmisEt du meilleur; ainsi achcveray.«. Sus, grant chère ! mon maistrc est riche assez ;A ce jambon , sus ! menons rusterie :Sus, sus, buvons ! les morccaulx sont passez;Sus! qu'en noz faictz il n'y ayt mocquerie !S'il n'y a rien , sus ! à la boucherie ,Et grant chière tandis qu'avons sayson;Gar<strong>de</strong> n'avons <strong>de</strong> coups d'artillerie.De nous dcffcndre entendons la raysoa.1. Cf. t. 4î p- i35.


,76 LeCaqu<strong>et</strong>« Avoir convient pastcz du pâtissier,Et les escripre au compte nostre maistre.Le myen amy ni'avoit promis cy hyerQu'à Genlilly * feroit la nappe m<strong>et</strong>tre,Et si me fist par ma Iby luy prom<strong>et</strong>treQue luy feroye au r<strong>et</strong>our compaignie ;Mais d'y aller ne m'osay entrem<strong>et</strong>tre ;Tout seul y fut; amy, Dieu te benye.« Sus ,grant cliière ! ayons le menestrierPour achever nostre feste entreprise ;Chamberières n'ont jamais q'ung estrier ;De chevaucher la manière ont aprise.Prenons amys du tout à nostre guyse.Chantons , dançons ; <strong>de</strong>s biens avons assez.Malheureuse est qui <strong>de</strong> la mort <strong>de</strong>vise ;Ceulx qui sont mors , ik sont tous trespassez. »Et puis , dames ,que dictes-vous d'icclles ?Vous leurs laissez es mains tout vostre bien ;Pensiez-vous point qu'elles fussent pue ellesA les congnoistre à leur rusé maintienEt fine mine? Ha! tout n'ay dit: rien, rien.11 fault avoir en kaftesme raisinsFigues ,pruneaulx <strong>et</strong> noix par fin moyen ,Pour le bancqu<strong>et</strong> appresler aux cousins.! quelz cousins! Vray Dieu! quel cousinaige!Quelle amytié ! quel consanguinité !Je crois qu'ensemble ilz font ung beau niesnaigcToutes les nuictz ; telle est la vérité.I . P<strong>et</strong>it endroit près <strong>de</strong> Paris <strong>et</strong> du côté <strong>de</strong> Montrouge.Celle nieution montre que la pièce est parisienne.


,,,DES BONNES ChAMBEP.IÈRES. 77Crr.imicz-vous point juslicc n'equilé,(juant, par voz cas luxurieulx parfaire,Assignez lieux ; <strong>de</strong> telle iniquitéVueillez sortir el du tout vous r<strong>et</strong>raire.« Sîadame vient, il se fault r<strong>et</strong>irer;Tost, mon amy, tost sortez par <strong>de</strong>rrière;5!a maisiresse sepourroit fort irer;Four tant, amy, r<strong>et</strong>irez-vous arrière: [berière,— Dieu vous gard, dame !»— a EtpuiSjmacham-Avez-vous bien nostre logis gar<strong>de</strong>z? »! nu elle est saoulle ! ! que la première *Est encore pleine , <strong>et</strong> vous n y regar<strong>de</strong>z !Respond Perr<strong>et</strong>te <strong>et</strong> dict à sa maistresseQue <strong>de</strong>goustée elle est, <strong>et</strong> fort <strong>de</strong>bille ;Depuis huyl jour[s] <strong>de</strong> soy plaindre n'eut cesse ;C'est qu'el n a point eu assez la bille - ;El ne dict point qu'il fault sortir la villeEt qu'il est bon <strong>de</strong> prendre l'air <strong>de</strong>s champsQue son amy appreste son aguillePour luy donner le p<strong>et</strong>it passelemps.Puis maintenant il fault aux champs allerSe recréer pour n'cstre plus mala<strong>de</strong>Et pour ce fault à madame parlerEn souspiranl el faisant la fanfa<strong>de</strong> ;Dire ne fault qu'elle veult l'estrapa<strong>de</strong>Et que long-temps elle a soif endurée:Le sien amy appreste la salla<strong>de</strong>,Le harenc sor, le pain, pinte <strong>et</strong> bourrée.i. Costé : pannctière. — 2. Cf. t. 2, p. 274.


,,,78 Le Caqu<strong>et</strong>On est marry : c'est <strong>de</strong> la maladyeDe Perr<strong>et</strong>te ,qui est mal disposéeEt a ficbvre; voulez-vous que vous dye?Le mal qu'elle a est qu'elle est fort lassée :Huyct jours [y] a qu'elle ne s'est point couchée,Car tout la nuict a fallu banqu<strong>et</strong>er,Boire ,gaudir, sans nulle reposéeChanter, danser, triumpher, caqu<strong>et</strong>ter.Je laisse là le surplus <strong>de</strong> l'affaire ,Et ayme mieulx à d'aultre place fairePour en escripre au long ce qu'il leur semble ;Mais j'achcpvray les dictz d'elles ensembleQuand elles sont [ensemble] à la rivière.« Dieu ! que vous estes bonne ouvrière ,Guillem<strong>et</strong>le , nostre voisine !Par mon serment ,je ne vois signeD'oysiv<strong>et</strong>é en vostre affaire.Vueillez-moy près vous place faire.»— a Heu* ! que vous estes matineuscVeu que n'avez esté oyseuseToute lanuyct; dont vient cela? »— « Pardicques , <strong>de</strong>puis que ceulx-làOnt heurté à l'huys <strong>de</strong> Perr<strong>et</strong>te.Enda, m'amye Guillem<strong>et</strong>teLa dame, tant est fort noysive.N'a cessé parler <strong>de</strong> lessive ;C'est une très maulvaise dame. »— « La mienne est trop meilleure femme.1. Costé : Dieu.


,,,DES BON.NES ClIAMBERIÈRES. 79Mais noslre niaislre ne vaull rien ;Il osl plus rechigné (j'ung chien ;On ne peult rien à son gré faire ;Il ne faict que crier <strong>et</strong> braire.Mais, (lis, est-ce après <strong>de</strong>sjcuner? »— « Sur ma foy, je ne puis jeûner,Tant me trouve mal au malin ;Si je ne bois ung bon talin ,Je no fais bien tout la journée. »— « Tu me semblés mal atournce.Je te diray , cesle bigotte ,Ma maislresse, cesle marmolle ,Hyer faisoit <strong>de</strong> la renclierie ,Et ,pensant faire fascherie ,Ne se vouloit aller coucherPrès le maistre, ne luy toucher,Mais vouloit faire ung licl à partQuoy qu'elle en voulsist pour sa partDeux piedz voire, pour tout le moin ,Plustost aujourd'huy que <strong>de</strong>main ;Car elle ayme assez ung tel jeu.Elle disoil qu'avoit faict veuPour le mal <strong>de</strong> son amarry.Ne coucher avec son maryLes vendredys ne samedysEl sembloit, à oyr ses dictz ,Qu'elle eust mal en son p<strong>et</strong>it ventre ;Mais je croys bien que l'on y entreAssez souvent sans chausse-pied. »— « Ma maislresse est femme <strong>de</strong> pied ;De faire lelz veux el n'a gar<strong>de</strong> ;


,,,8oLe Caqu<strong>et</strong>Elle se mect à laclvant-garclePour recepvoir les premics coups.Le maislre n'y pense beaucoiips ,El croys bien que point ne s'en double.Aulcunesfoys <strong>de</strong> nuicl j'escoutc,Quant ilz sont ensemble couchez ;La dame luy dict : « Approchez;Mon mary, <strong>et</strong>, pour ce malinN'oubliez point mon picotin.»Incontinent ,pour le vray dire,Contraincte suis, force <strong>de</strong> rire ,Mordre les draps pour mieulx me taire.Oullre y a ung prothcnotaireQui souvent vient à noslre lioslel.Je ne vous mentz, le cas est telSeullemenl pour nostre maislresse ;Mais j'ay songé quelque finesseEt plus fine que tu ne pense,11 luy faict dancer une dance,Combien qu'il ne soitmenestrier;Il la chevauche sans cslrier.Sans avoir esperon ne botte ,Le triliory en basse notte^ >:•— « Mais pourquoy fusse que sortisDu logis Chose ^ ? » — « J'en pai'lis1. On connoît la danse br<strong>et</strong>onne du triliory, <strong>et</strong>, quantau Irihonj en basse noile, on voit facilement ce dont ils'agit, quand on se rappelle, dans Rabelais, le sensqu'il donne toujours aux basses marches.a. Il est curieux <strong>de</strong> trouver déjà c<strong>et</strong>te expression poursignifier un nom propre qu'on ne dit pas.


,,,,,DES B O N N E S C II A M B E U I È R E S.Pour ung p<strong>et</strong>it <strong>de</strong> fanlasie;Sur moy y avoil jalousie ,Quoy que cause n'y eust <strong>de</strong> l'estre,Sinon aulcuncsfoys mon maistreMe rioyl <strong>et</strong> faisoit <strong>de</strong>s toursPar joyeus<strong>et</strong>é; mais d'amoursIl ne m'en supplia jamais.Or quant il m'eut prié, voir mais;Il ne l'a point faict pourtantPosé le cas qu'en s'esbatanl,Le plus souvent il me tastoitQuant personne au logis n'esloitMais au surplus il n'y a rien.Par plusieurs foys ,par fin moyen ,M'a promis <strong>de</strong> faire ma festeMais je n'ay pas esté si besteEt, quoy qu'on dit qu'il m'aime fort,Et au regard <strong>de</strong> ce rapportJe n'en compte pas une maille.Au fort aller, vaille que vaille,J'en congnois ung à marierQui me requiert, sans me lyerA ces recliignar<strong>de</strong>s maislresscs.Qui me donra pour moins les gressesEt quatre ou cinq francs , n'esse rien ?Et me promect faire aultrc bien ;Mais ,pour iiner tous mes propos ,J'auroye faultc <strong>de</strong> repos. »— «Vien çà, que dis-tu <strong>de</strong> ' Perr<strong>et</strong>teQui <strong>de</strong> chascune ainsi caqu<strong>et</strong>te ? »I. Nous ajoutons ce mot d'après Costé.P. F. V 6


,,,82 Le Caqu<strong>et</strong>— « Je te dis vérité ; ma foy,Elle dict merveille <strong>de</strong> toy,Que tu n'es qu'une larronnessoUne villaine , menteresse,Or<strong>de</strong>, puante, becquerelle.Et dit que lu es macquerelleDe ta maistresse <strong>et</strong> d'ung gros moyne ,Et dicl que la nuict tu la meincAu cloistre faire sa raison ;Que tu es dame en la maison,Mesmcs que couche avec le maistre;Y veulx-tu point remè<strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre? »— « Or regar<strong>de</strong> Tor<strong>de</strong> truan<strong>de</strong>El' le faict à qui luy <strong>de</strong>man<strong>de</strong>L'or<strong>de</strong> , int'aicie , vieille pourrie.Je ne seroye point marryeSi elle dysoit vérité.C'est pour ce que j'ay recitéA son maistre la grant finesseQue feist chez la recommandresse;Elle a servy à leur val<strong>et</strong>,Celluy qui s'appelloit RaouU<strong>et</strong>;Vray est ,je l'ose maintenir,Car je luy veis ung jour tenirSon cas , en l'ouvroir en passantEt croy qu'esloiten mal pensant.Une aullresfoys <strong>de</strong>rrière TuyLa veis tout au plus près <strong>de</strong> luy,Et croy que tant elle approchaQue toute platle il la coucha ;Au reste ilz feirent là leur feste. »


,,,,DES BOISNES ClIAMBERIÈRES. 83— «Parlons d'aullre: c'est une bcsteInfaicle, or<strong>de</strong>, plaine <strong>de</strong> vice.Avcz-vous point une nourrissePour gar<strong>de</strong>r le p<strong>et</strong>it entantDe vostre hostel? Je la liay tantElle est tant or<strong>de</strong> <strong>et</strong> tlaleresse ;D'elle on l'eroit bien une farce*.Mais jamais en maison ,que sacheOù soit enfant à nourriture ,Ne serviray : ce n'est qu'ordure;Cela me faict tant mal au cueur !Encore ay-je plus granl douleurQu'il fault aller à la rivièreEt luy cstre sa chamberièreA cesle nourrisse breneuse,Et si encore est envieuseDes gens ;[vrayment] c'est très mal faict.Tout mon cas est lavé <strong>et</strong> faict.Veulx-tu venir? Je te diray,Une auliresfoys te compterayDe ma maislresse bon proposComment elle boit à plains potzQuant noslre maistre n'y est pointComme elle chante en contrepointAvec son amy par amours ;Mais, pour présent, le temps est coursHeure est que la nappcje m<strong>et</strong>te.Adieu je te dis, Guillem<strong>et</strong>te. »Finis.1. C'est-à-dire, elle seroil blen<strong>de</strong> nature à fournirle suj<strong>et</strong> d'uue Farce.


,84 Le Caqu<strong>et</strong> <strong>de</strong>s Cham'berières.De quel boys se chauffe Amour.mour fait feu <strong>de</strong> tremble <strong>et</strong> <strong>de</strong> serment'Qui couleur rouge en pallefontchangerCar,daulantplusqu"il se chauffe ardamment,Plus fort il iramble es glassons <strong>de</strong> Danger.Quant au second , Amour sçait vendangerJusqu'au serment, durant le doulx martyre;Il n'est substance , il n'est rien qu'il n'attire;Si vous aviez <strong>de</strong> biens une montjoye,Et vert <strong>et</strong> sec , tout y va , tout y lireAu feu d'Amour, qu'on nomme courte joye.Qiioy quil advienne.1. L'auteur joue sur le ilouble sens que donnent facilementle nom du bouleau ou tremble, <strong>et</strong> celui <strong>de</strong> lavigne, sarment, légèrement modifié.


La présentation <strong>de</strong> mes seigneurs les Enfans<strong>de</strong> France, faictc par très liaulte princesse^ madame Alicnor, royne <strong>de</strong> France,avec Vaccomplissement <strong>de</strong> la paix <strong>et</strong> proufitz<strong>de</strong> mariage. Ai'ec pri^>ilège. (i53o^.)lix est fuite ; les enfants sont renduz;Françoys festcnt; Espaigne rend sa fleurFurs contre vont ; les clercz sont entendus;Rliûtles sera <strong>de</strong> bref en sa vigueur.Peuple, qui as tant craint oulirance,Loué soit Dieu ! la paix est faicte ;1. Lacroix du Maine (éd. <strong>de</strong> Rigoley <strong>de</strong> Juvigny, t. 5,p. iC4; a connu <strong>et</strong> nous apprend l'auteur <strong>de</strong> celle pièceanonyme: «Nicolas Hauville. Il a mis en lumière undiscours en vers françois <strong>de</strong> la présenlalion <strong>de</strong> Messeigneursles enfants <strong>de</strong> France par M"ie Aliéner , avecracconiplisscmenl <strong>de</strong>là paix <strong>et</strong> profitz <strong>de</strong> mariage, <strong>et</strong>c.;imprimé. » On ne peut pas donner d'une manière plusexacte le tilre <strong>de</strong> cotte pièce, qui est un in-8 golh. <strong>de</strong>4 ff. <strong>de</strong> 3o lignes. Au frontispice un bois représentant les<strong>de</strong>ux enfants remis par M'"^ Aliénor à un personnage enrobe. — Comme une <strong>de</strong>s pièces les plus curieuses sur la


,,,B6La PrésentationFrance , Espaigne en font la fcste ;Accordé est le mariage;Prie Dieu que soil vray héritageDe Tesdit faict, paix <strong>et</strong> concor<strong>de</strong>;Jésus nous doint miséricor<strong>de</strong>Et noz princes en leur puissanceVueille gar<strong>de</strong>r par sa clémence.Amen.A la îouengc <strong>de</strong> noz très illustres <strong>et</strong> très puissansprinces l'Empereur <strong>et</strong> nostre sire le Roy trèschrestien, roy <strong>de</strong> France, pour la paix, accor<strong>de</strong>t mariage faict.^ oblcs princes <strong>de</strong> la fay Iheologalle,Conservateurs d'une pensée esgaleQui a langue , main , ne art d'cscriplurePour diviser par relhoriquc seureLes grans vertus que avez unanimes?Tant aient esté <strong>de</strong>s princes magnanimesQui aient voulu pour la foy catholiqueVivre <strong>et</strong> mourir en concor<strong>de</strong> uniqueComme Judas <strong>et</strong> ces bons Machabées,Ce neanlmoins ne passent voz pensées,captivité <strong>de</strong>s jeunes princes , nous rappellerons le touchantrapport <strong>de</strong> l'huissier Bodin , envoyé vers eux parleur père. Il a été publié par M. Jubinal dans le Journal<strong>de</strong> rinslilul historique, 2^ série, t. 4, i844? P- 344-5i<strong>et</strong> dans ses L<strong>et</strong>tres à M. <strong>de</strong> Salvandy sur quelques uns <strong>de</strong>smanuscrits <strong>de</strong> la Bibliothèque royale <strong>de</strong> La Haye, in-8,Paris, Didron, 1846, p. 35 <strong>et</strong> 119-126.


,,DES Enfans <strong>de</strong> France. 87Très illustres princes <strong>de</strong>s chrcsliens;Car fermement je vueil dire <strong>et</strong> sousticnsQue l'amytié que avés concordécLes Turs rendra en leur loy discordéeDe leurs mauvais inlcntis tous confus;France en a fait à toute joye les feuzPour les grans biens qu a veu estrc advenus;Car avec Paix les enfans sont rendus ,Qui nous seront on bref temps le support.Paix tout conclud, nous rend un tel confortQue nul , tant soit <strong>de</strong> si p<strong>et</strong>ite grâceEntièrement n'est qui ne cherche <strong>et</strong> traceDe si hault bien à remercier Dieu ;Chascun le sçait <strong>et</strong> le veoit en tout lieu.Donné vous a Paix ung los primitifQui ne sera jamais diminutif,Distinctement <strong>et</strong> très bien ordonné ',Que Dieu nous veult la donner maintenant;Chacun <strong>de</strong> vous est son vray lieutenant ;De luy tenant le sommaire en terreConservateurs pour noslre foy conquerreAvez esté tousjours d'un bon accord ;Jamais par vous ne vint aucun discordPour batailler comme du bon Jésus;Cai)ilaincs, vous viendrez au <strong>de</strong>ssusDe voz désirs. Puys que la paix est faicteA cesle heure , Theresie infaiclePrendra sa fin en l'abisme profun<strong>de</strong>;Puys que la paix est concordéc au mon<strong>de</strong>I . Il manque ici un vers, <strong>et</strong> il faut avouer que la perten'est pas gran<strong>de</strong>.


,,88 La PrésentationLuthériens <strong>et</strong> aultres infi<strong>de</strong>llesPrendront leur fin cl toutes leurs cautellesCar Jésus a pourvcu à noz affaires;Voiscnt ailleurs pourchasser leurs repères,Sans plus avoir espace ne <strong>de</strong>ffaictcPuysque Jésus la bonne paix a faicte.A très illuslre <strong>et</strong> impériale princesse Madamel'Arciduchesse d'Aiistriche , Bégenle <strong>de</strong>s Paysd'embas, douairière <strong>de</strong> Savoye.Très illuslre <strong>et</strong> haulte princesse,La paranimphe <strong>de</strong> concor<strong>de</strong>De <strong>de</strong>scripre je vay, princesse,Sus le Mars qui la paix discor<strong>de</strong> ;Je vous requier miséricor<strong>de</strong>Se j"ay failly en ce présent :Bon sens n'est pas lousjours présent.A très excellente <strong>et</strong> 1res notable princesse Madameladuchesse d'Angoulesme <strong>et</strong> Anjou, comtesse duMaine <strong>et</strong> mère du roy nostre sire.Las, qui sera celuy qui se tairaOu cessera, quant <strong>de</strong>scripre pourraImmortel los <strong>de</strong> vous , noble régente?Sans vous la paix ,qui les pays régente.En exil fust, <strong>et</strong> le peuple perdu.Dame <strong>de</strong> prix , le Piscard esperduEn son langaige estoit <strong>et</strong> mis à fin ;Sans bon moyen , à voz verluz afinA lospilal s'en alloit tout le mon<strong>de</strong>.Bref, sans la paix, regnoit la guerre immun<strong>de</strong>;


DES Enfans <strong>de</strong> France 89Vostre bonlé, <strong>de</strong> charité la fleur,Ouvert nous a <strong>de</strong> paix le point asseur.Il seroitbien ingrat <strong>et</strong> imparfaictEn ce mon<strong>de</strong> qui ne vouldroit par t'aictMonslrcrbon cueur à si haullc princesse.En tant qu'a iait carccrcr Mars qui cesse,Rendre on vous doibl grand mercy à jamays.Et prier Dieu pour vous à checun mays.Dame d"lionneur, <strong>de</strong> Mars escrips je faitz ;Vostre bonté lemprisonne en cris t'aitz.Rendu avés, se chascun l'entent bien.Ouvert aussi nostre désiré bien.11 est ainsy, <strong>de</strong> ce ne me vculx taire ;Raison perm<strong>et</strong> que j'en soye notaire ,El toutes foys en la fin je vous meclzGardant <strong>de</strong> vous les parfaicls entremeciz.S'ensuyt laConfédération du inaiiage.?a chose communément qui plus unafM^^nimeà faire paix <strong>et</strong> concor<strong>de</strong> frères^i^enlre frères, parens entre parens, <strong>et</strong>^semblablement roys entre roys, est <strong>et</strong>procè<strong>de</strong>, ou par dons, ou par amys, ou par légations,mays le plus souvent est par bonnes confédérations<strong>et</strong> constitutions <strong>de</strong> mariages. Adonc,comme soit que on a faict autrefoys assavoirbonne seur<strong>et</strong>é <strong>et</strong> perpétuelle paix, amytié, ligue<strong>et</strong> confédération, estre faicte, conclute <strong>et</strong> accor-


goLa Présentationdée entre noz très haulx , très excellens <strong>et</strong> trèspuyssans princes Charles, par la grâce <strong>de</strong> Dieuempereur, roy <strong>de</strong> Germanie <strong>et</strong> <strong>de</strong> Castilie, <strong>et</strong>Françoys ,par la grâce <strong>de</strong> Dieu , roy <strong>de</strong> Franc<strong>et</strong>rès chreslien, <strong>de</strong> sorte <strong>et</strong> manière que d'yci enavant toutes armes, hostillitez, tumultes <strong>et</strong> liaynescesseront entre eulx , leurs subgès <strong>et</strong> vassaulx ,comme avoit esté disposé, le V. jour d'aoust l'an<strong>de</strong> grâce mil cinq cens XXIX ,par le moyen <strong>et</strong>intervention <strong>de</strong> très haultes <strong>et</strong> très excellentesdames ma dame Marguerite, archiduchesse d'Autriche, duchesse douaireère <strong>de</strong> Savoye , tante duditempereur, <strong>et</strong> <strong>de</strong> ma dame Loyse <strong>de</strong> Savoye,duchesse d'Angoulesme <strong>et</strong> Anjou, comtesse duMaine <strong>et</strong> mère dudit roy très chrestien. Aprèstoutes les bonnes concordances predictes tenues<strong>de</strong>puys ledit temps en la forme <strong>et</strong> manière qui avoitesté conclud <strong>et</strong> <strong>de</strong>visé, <strong>et</strong> par le mariage qui sefaisoit <strong>et</strong> accordoit entre nostre très illustre <strong>et</strong>très chrestien roy <strong>de</strong> France <strong>et</strong> très illustre <strong>et</strong>excellente princesse ma dame Aliéner,seur dudiclempereur, pour mieux tenir leurs promessesfalotes que pour <strong>de</strong>monstrer <strong>et</strong> <strong>de</strong>clairer que estoientbons <strong>et</strong> fidèles amis, ont mis à excecutionleurs dictz <strong>et</strong> accordz par effectz : car tout premièrementl'empereur a rendu el faict livrer nozbons conservateurs <strong>et</strong> princes très <strong>de</strong>sirez ,quisont le chef <strong>de</strong> France , sains <strong>et</strong> en bonne délibération,voulans tenir totallement ce queavoyentpromis leurs legatz <strong>et</strong> procureurs ou lieutenans.Avec ce n'a différé, comme avoit promis , aiesbailler, qui a esté bonne occasion <strong>de</strong> luy tenir


,DES Enfans <strong>de</strong> France. 91aussi la promesse <strong>de</strong> mariage faicte par très noble<strong>et</strong> très honneste monseigneur le vicomte <strong>de</strong>Turrene \ procureur en ladicte paix faictepournostre sire le roy. Ledit mariage sera cause enFrance <strong>et</strong> es autres régions <strong>et</strong> royaumes <strong>de</strong> sigrant bien que nulne seroit penser ne souhaiterchose plus convenable tant a Dieu que au mon<strong>de</strong>.Les peuples <strong>de</strong>s provinces ne marchandoient, nefrequentoient ensemble ,par quoy les régionsavoient <strong>et</strong> souffroient souventesfoys gran<strong>de</strong>s nécessités.Mays maintenant les marchand pourrontconverser <strong>et</strong> marchan<strong>de</strong>r les ungz avec les autres<strong>de</strong> toutes marchandises non prohibées <strong>et</strong> <strong>de</strong>ffendues,<strong>et</strong> avec ce aler, venir <strong>et</strong> séjourner, r<strong>et</strong>ournerrespectivement en leurs dictz pays, tant parmer, eaue doulce ,que terre , seurement <strong>et</strong> saulvement, sans aucun <strong>de</strong>stourbier ne empeschemcnt,en poyant les droictz <strong>et</strong> <strong>de</strong>niers acoustumezd'ancienn<strong>et</strong>é. Item , ledit mariage sera causeque les roys crestiens, accords <strong>et</strong> unanimes, seassembleront ensemble comme vrays conservateurs<strong>de</strong> la foy, <strong>et</strong> iront contre les impugnateurs<strong>de</strong> nostre foy catholique , contre les infidèlesTurcs, Sarasins, hérétiques <strong>et</strong> aultres gens nonchresliens ,pour gar<strong>de</strong>r que la loy <strong>de</strong> Jesuchristne soit violée <strong>et</strong> effacée par telles personnes, quine cherchent aultre chose qu'à la impugner ouseduyre ; mays en peu <strong>de</strong> temps on la verra crois-1. François II <strong>de</strong> la Tour, né en 1497, mort le 12juill<strong>et</strong> i5ji. Ce fut iiiênie lui qui épousa, par procuration,Eléonore, au nom <strong>de</strong> François I^f.


92 La Présentationtre <strong>et</strong> multiplier, puys que si bonne confédérationest faicle entre les chrestiens ; car chacun roy àson povoir se efforcera <strong>de</strong> chastier <strong>et</strong> envahyr lesdictsennemys <strong>de</strong> nostre dicte foy chrestienne.Aussy ledict mariage sera cause <strong>de</strong> la vie, santé<strong>et</strong> bonne prospérité <strong>de</strong> plusieurs bons princes <strong>et</strong>vaillans capitaines , hommes d'armes <strong>et</strong> honnestesgens <strong>de</strong> guerre, lesquelz, par fortunes ou rencontres,eussent peu estre succombés ou occis. Lemariage aussi sera cause <strong>de</strong> la <strong>de</strong>ffense <strong>et</strong> tuission<strong>de</strong> l'Eglise, qui par guerre estoit molestée <strong>et</strong>en plusieurs lieux du tout <strong>de</strong>populée. Semblablement,les femmes vefves <strong>et</strong> orphelins seront,mieulxsoustenus par leurs maistres <strong>et</strong> seigneursen conservation <strong>de</strong> leurs droitz qu'ilz n'estoientpar le temps <strong>de</strong> la guerre, à cause que leurs seigneurs,qui sont aministrateurs <strong>de</strong> justice, n'ipovoient vaquer à cause du trouble <strong>et</strong> empeschement<strong>de</strong> la guerre. Item , le povre peuple, laboureurs<strong>et</strong> marchans, seront <strong>de</strong>ffenduz d'un tas<strong>de</strong> meschans voleurs laronceulx ,qui par avantavoient acoustumé les piller <strong>et</strong> <strong>de</strong>srober leursubstance soubz couleur <strong>de</strong> dire qu'ilz estoientgens <strong>de</strong> guerre, comme s'ilz eussent voulu direqu'ilz leurs feroientla guerre. Avec [ce] le povrepopulaire estoit mengé <strong>et</strong> rançonné d'ung tas <strong>de</strong>satrapes qui n'avoyent puyssance ne vouloir <strong>de</strong>rendre les tributz <strong>de</strong>s tailles <strong>et</strong> aultres subci<strong>de</strong>sà nostre sire le roy, par quoy vivoient en touteIribulation. Maintenant, par ceste bone paix <strong>et</strong> mariages, leur seront faictz grâces <strong>et</strong> sabatz si trèshonnestement qu'ilz beneiront <strong>et</strong> loueront Dieu


DES Enfans <strong>de</strong> France.gS<strong>de</strong>s bonnes confédérations, <strong>et</strong> chacun vivra entransquilité, remercians Dieu <strong>de</strong> la bonne part <strong>et</strong>conjunction <strong>de</strong> mariage. Marchans , laboureurs <strong>et</strong>aultres gens mecanicques congnoistrontia gran<strong>de</strong>utilité qui est venue en France par ce noble mariage, car jlz pourront marchan<strong>de</strong>r <strong>et</strong> communiqueravec marchans estranges <strong>de</strong> toutes régionschrestiennes, où pourront plus gaignierque en leur pays, parquoy plus honnestementpourront entr<strong>et</strong>enir leur estât <strong>et</strong> famille.Finablement toutes gens, <strong>de</strong> tous estatz <strong>et</strong>vacations, <strong>de</strong> toutes nations <strong>et</strong> contrées, doibventremercierDieu, qui par sa grâce a inclinéles cueurs <strong>de</strong> nosditz princes <strong>de</strong> venir <strong>et</strong> con<strong>de</strong>scendreau bien <strong>de</strong> ceste paix pour nous tantdésirée, faisant fin, priant nostre Seigneur Jésusqu'il luy plaise <strong>de</strong> sa grâce <strong>et</strong> miséricor<strong>de</strong> que,après la truition <strong>de</strong> ceste paix temporelle, nouspuissons sentir <strong>et</strong> gouster la doulceur <strong>de</strong> la paixspirituelle. Amen.Remercions le liault Dieu <strong>de</strong> là sus,Françoys, Br<strong>et</strong>ons, Angevins, Tourangoaulx,Picars, Normans, Bourguignons ctManceaulx;De nez désirs nous sommes au <strong>de</strong>ssus ;Rêverons Dieu comme les vrays vassaulx,Pays que la paix <strong>et</strong> le bon mariageSont assemblez par loy cl vray ouvrage.Finis


,La Complainte du Commun Peuple à Vencontve<strong>de</strong>s Boulangiers qui font du p<strong>et</strong>itpain <strong>et</strong> <strong>de</strong>s Ta^erniers qui brouillent le bonvin , lesquelz seront damnez au granddiable s'Hz ne s'amen<strong>de</strong>nt. Ai'ec la louange<strong>de</strong> tous ceux qui vitrent bien <strong>et</strong>la chanson<strong>de</strong>s brouilleurs <strong>de</strong>vin. A Paris, pour Nicolasle Heudier, rue Sainct-Jaques, prèsle collège <strong>de</strong> Marmontier. i588'.La Harangue <strong>et</strong> fameuse Epitaphe <strong>de</strong>s bons<strong>et</strong> loyaux Tai>erniers, avec la Complaincte<strong>de</strong>s bons vins dcfaicts par Brouillerie.la louange <strong>de</strong> tous ceux qui bien vivent,Soy gouvernant selon Dieu <strong>et</strong> raison,1^ Qui <strong>de</strong> bon cueur leur estât tosl poursui-Ne faisant tort en aucune saison! [vent,Pareilles gens méritent la maison1. Celte pièce, in-8 <strong>de</strong> i4 pages, est évi<strong>de</strong>mment laréimpression d'unepièce antérieure. Entre autres raisons.


,,Complainte contre le.s Taverniers,qSNommé le lieu l<strong>et</strong>rès haull paradis;Los biens mondains leur viennent à foison.Cela estseur, sans aucuns contredis.Autres y agamis <strong>de</strong> tant beaux dis.Mais en leur faict n'est que tout vitupère ;A toute heure telles gens sont maudisDe toute gent, <strong>de</strong> ["enfant <strong>et</strong> du père.Faisant la fm <strong>de</strong> ma harangue courteFort je me plains <strong>de</strong>s mauvais taverniers;N"a pas long-temps , en mangeant d'une tourte ,Je fus trompé d'aucuns fins allesniers.J'entens trompeurs attrapans grans <strong>de</strong>niersDeçà , <strong>de</strong>là, ne leur chaut <strong>de</strong> quel lieu ,El font [tousjours] vendanges sans panniers.En eux [jamais] n'y a ne ris , ne jeu ;Leurvandange, ainsi quej[e l'Jentens,Ce faict <strong>de</strong> nuict, ayant force chan<strong>de</strong>lle;Le len<strong>de</strong>main plusieurs sont mal conlans,Leur faisant boire purée' guère belle.Quelque femme, ayant teste rebelle,A eux viendra : « Vostre vin n'est pas bon ,Baillés-m'en d'autre sans que prenne querelleQue nul n'enten<strong>de</strong> ma voix ditteà hault son. »Après viendra quelque pauvre garçonune <strong>de</strong>s meilleures qu'en puisse donner est précisémentl'absenec <strong>de</strong> la première pièce annoncée dans le titre :La complainte du commun pcuiile à rencontre <strong>de</strong>s boulan—gicrs qui font du p<strong>et</strong>it pain. Cf. la note à la page i^i dutome 4 <strong>de</strong> ce <strong>Recueil</strong>.1. Rabelais appelle le vin la purée septembrale.


, ,,,,,96 La ComplainteAyant esté <strong>de</strong> son maislre battuLequel dira fort piteuse chanson ,Sur le pavé estant très mal vestu.Le tavernier, obstiné <strong>et</strong> lestu ,Fort usera <strong>de</strong> certaine menasseContre le pauvre [<strong>et</strong> piteux] malotruLuy faisant bien [une] lai<strong>de</strong> grimasse.Geste femme <strong>de</strong> grant cueur <strong>et</strong> audasseSera servie , craignant quelque rapport ;Le pauvre diable, n'ayant que la picasseCertainement n'aura nul reconfort.N'esso pas mal d'un bon vin pur <strong>et</strong> fortLe brouyllasser avec une bessière' ?Si un chascun estoit <strong>de</strong> mon accord ,Pas ne porteroient si pleine gibessière.Regar<strong>de</strong>z-moy ma dame la vessière ;Quand elle aura un hoste à son plaisir,Elle le traictcra d'une si vive chèreQu'impossible est à l'œil mieux le choisir.Ce doux mignon estant à table assisDe son hoste <strong>et</strong> madame l'hostesse,Luy sera dit : « Mengez , le jeune iils ;Vous n'eussiez sceu trouver meilleure adresse. »Estant assis <strong>de</strong>vant ceste déesseContemplera son maintien gracieuxEt puis après se feront la caressePrenant plaisir doux <strong>et</strong> sollacieux.Cependant l'hoste, fort avaricieux,1. Cf. t. 2, p. SJl.


,,,DU COMMUN Peuple. 97Ne pense point la besongne qui ce faictCar le diable , caut <strong>et</strong> malicieuxA aveuglé ce pauvre homme imparfaict,En brouillassant ,passant toute la nuictDedans sa cave , ainsi que <strong>de</strong> coustume.Les jeunes gens prennent là leur <strong>de</strong>sduit ,Dont c'est à l'hoste double perte <strong>et</strong> fortune.Ilpensera du gallant la pecuneAvoir, ainsi que d'autres il a eu ;Mais, tout ainsi que se tourne la luneQuand est au plain , son bien est <strong>de</strong>spendu.J'en cognois bien à qui l'argent renduLeur a esté, <strong>et</strong> doublé davantage.De maintes gens cela est entenduQue tel recueil mérite bon partage.Autres venans, ayans bien bon vouloirLeur bien traicler en beuvant <strong>de</strong> bon vin ,A la servante tosl le feront sçavoir,Sans l'escrirc en papier ne parchemin.Elle, entendant fort bien le patelin,Les contentera doucement <strong>de</strong>parollc.Voilà comment pauvres gens par cheminEn sont servis partout à tour <strong>de</strong> roUe.Si je me plains à madame Thostesse,L'advertissant du mauvais traictcment.Elle respondra, ainsi qu'une contcsse :« C'est grand pitié endurer tel tourment!« J'aymerois mieux» , ce dit, « par mon serment,a Avoir affaire à quelque homme <strong>de</strong> bien« Lequel n'empcsche servante ny servent« Qu'avoir affaire à blistres qui n'ont rien ! »P. F. V 7


,,98 La ComplainteLa conclusionDe tous (ces) taverniersSans illusion,Seront fariniers ;Mais <strong>de</strong> leur farineNe feront point pain :Autant les premiersComme les <strong>de</strong>rniersJe tiens soubz ma main.Leur grand brouillerieEl barbouillerieNe les sauvera.Ce n'est que folieEl melencolieQui leur en viendra.Pandu soil-il qui se faindra !Quand sont ensemble, se disent l'un à l'autre:« De brouillasser tout bien nous en viendra;A ! il n'est tel que d'estre fin <strong>et</strong> autre. »Ces brouillassons commençant à venirInconlinanl sont <strong>de</strong>venus fort richesEt puis après ce font entr<strong>et</strong>enir,Leur estimant ainsi que mauvais riches.En <strong>de</strong>spit d'eulx fault qu'ils <strong>de</strong>viennent chichesOu du premier, s'ils veuUent parvenir,Et puis après ils saultent comme bisches.Enmy la rue, <strong>et</strong> pour mon souvenir,Bien près <strong>de</strong> moy il y a un jeune hommeQui fort brouille, quand vient vers la minuit,Que puis dix ans n'avoit vaillant la pomme ;Mais maintenant tout sur luy luy reluit.


,DU COMMUN Peuple. 99Au plain du jour ses voisins fort luy nuisent ;Pourcequ'ils ont sur luy quelque regard.Je sçay fort bien que giières ne luy duisent,Bien les voudroit <strong>de</strong>nieurans autre part.De tout le mal <strong>et</strong> brouillée brouillerieS'ils faisoicnl droit <strong>et</strong> n'estoient point larrons ,Et leurs mesures fussent justes <strong>et</strong> poUies,Ce seroil pour contenter noz barons.Mais pour un pot hardiment baillerontTrois chopines, ou bien peu <strong>de</strong> surplus;A leur jugement taillerontEt n'en feront ne prou ne plus.Pensez- vous qu'un joueur <strong>de</strong> flus*Ne face quelquefois brouillerie?En brouillant prendra comme glus,Faisant à chascun tromperie.Tous les brouilleurs sont <strong>de</strong> Dieu mauldils,Et <strong>de</strong> sa puissance interdits.Brouilleurs <strong>de</strong> gens , <strong>de</strong> vins <strong>et</strong> <strong>de</strong> procez ,De marchandise causant tort <strong>et</strong> excez ,Et ouvriers abusant <strong>de</strong> leur peine ,Ne travaillant le long <strong>de</strong> la sepmaine.Le bon travail cl œuvre <strong>de</strong> raisonFait en la fin une riche maison ;Mais le mauvais consomme la personne ,Le rendant matte plus que cil qui massonne1 . « Puis, le verd estendu, l'on <strong>de</strong>sployoit force chartes,force <strong>de</strong>z <strong>et</strong> renfort <strong>de</strong> tabliers. Làjouoyt au flux, àla vole, à la prime, à la pille, k la triumphe, <strong>et</strong>c.» {Gargantua,chap. XXII.)


,,,100 La ComplainteLe long du jour, qui est œuvre poisant.Mais en la nuicl quelque peu reposantEt au dimanche il se resjouyra.Avec quelqu'un, son semblable , il iraJouer une heure ou <strong>de</strong>ux pour le gouster.Avec cela penseront bon vin gousterDans la taverne ou à un cabar<strong>et</strong> ;A eux viendra la servante ou varl<strong>et</strong>Pour <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r : « De quel vin voulez-vous ?« En voulez-vous à six ou à huict soûls« Ou du meilleur? Dix soûls vous coustera. »Et celuy mesme par le trou passeraQue sont passez les <strong>de</strong>ux premiers nommezDont en tastant seront tousestonnez.Lors se loveront tout soudain <strong>de</strong> la tableCognoissant bien le bien n'eslre stable.Ils en penseront boire ailleurs du meilleur;Mais <strong>de</strong> fortune , mère <strong>de</strong> tout malheur,Ne buront point que piquasse * brouyllée ,Qui leur rendra la gorge enrouillée.I. Nous disons encore piqu<strong>et</strong>te.


,,DU COMMUN Peuple.loiLa Complainte <strong>de</strong>s Bons Vins, tant estrangersque du pais, àTencontre <strong>de</strong>s mais très<strong>de</strong> Brouilleric.,uediray-je, moy qui suis vin <strong>de</strong>Gresse,\a quibeuveurs me font tant <strong>de</strong> caresse.Quant une fois tout peur me peut tenir?A peine en France puis-j<strong>et</strong>ouldroilvenirQue je ne sois tourmenté <strong>et</strong> brouille ,Des mariniers tempeslé , fort mouillé ,Et quand je suis en la main <strong>de</strong>s chartiers ,Aiant ostédu beau vaisseau le tiers ,Contraint ils sont <strong>de</strong> pure caue le remplir.De leurs maislres je les fais <strong>de</strong>smentir,Les appellans : « Larrons, trompeurs , meschans.Vous <strong>de</strong>struisés nous tous, pauvres marchausEt avez fait ce que nous pensions faire.Nous ne sçaurions nullement satisfaireAu paiement que vous avez promis.Vous nous avez en pareil ordre misQue sont ceux là tous i)rès <strong>de</strong> mandier ;Jamais à vous ne nous voulons fier :Trop fins estes pour nostre art <strong>et</strong> pratiqueCe scroitpour avoir boutiqueGarnie <strong>de</strong> vin <strong>et</strong> cave vui<strong>de</strong>.L'n marchant aucunes fois cuidcAvoir bon vin qui ne la pas. »J'estime bien que tous vins ont leur casPareillement ainsi que l'on ma fait ;Si d'aventure <strong>de</strong>s chartiers n'est <strong>de</strong>ffaicl


,,,,,,,,102 La ComplainteL'on trouve assez d'ouvriers pour ce faire,Pour cestuy œuvre achever <strong>et</strong> parfaire.Plaignant ainsi les autres vins que moy,Vous en orrez le piteux <strong>de</strong>sarroy.Vin d'AlIican , Muscal<strong>de</strong>l, Malvoysie,Vin <strong>de</strong> Gascoigne , bon vin <strong>de</strong> RommenieVin blanc d'Anjou , d'Orléans <strong>et</strong> d'AuxerreBons vins d'Onis, <strong>de</strong> Beaune<strong>et</strong> Sancerre,Confortez-moy ; sans vous je suis <strong>de</strong>ffaictLe très bon vin n'empire le parfaict.En respondant tous d'un commun accord :« Bon vin <strong>de</strong> Grèce, excellant, cler <strong>et</strong> fort,Comment osez <strong>de</strong>vant nous faire plains?Nous sommes tant barbouillez <strong>et</strong> <strong>de</strong>stalnsQue, quand seroit pour un pauvre maneuvre11 ne sçauroit <strong>de</strong> nous faire bon oeuvre.Quand nous sommes en cave bien rassisSi l'un en a <strong>de</strong>s pièces cinq ou sixOu dix ou douze, ils croislront<strong>de</strong> moytié.Maintenant, c'est plus grant pitiéQue ne fustonc, par mon serment.Nous endurons plus <strong>de</strong> tourmentLa nuict plus cent fois que le jour.Quelc'un , nous faisant mauvais tour.Nous remplira d'une bessière ;Puis le brasseur à la grand gibessière.Fort bien garnie <strong>de</strong> tout ce qu'il luy faultPour nous venir donner l'assaultPremièrement aura sa grand pancarteQui ne tiendra pour pinte ,pot ou carteMais un grand ceau juste <strong>et</strong> bien mesuré ;Vous en pouvez estre tout asseuré.


,,DU Commun Peuple.io3Son voirre aura ou sa monstre d'argent.Sa chambrière au corps long , bel <strong>et</strong> genlSa bobesque <strong>et</strong> chan<strong>de</strong>lle allumée,Sa tenaille dure cl bien asserce ,Sa clef à vin, sa vrille toute preste,Soy tourmentant pour faire son aj)prestc.N'oublions pas son marteau , ses faulc<strong>et</strong>s ,Son antonnoir pour faire les vercès^Ne son gibl<strong>et</strong>, <strong>et</strong> aussi son bondon ,Avec le pain, le morceau <strong>de</strong> jambon.Des mesures plus je ne parleray :Je leur laisse tout sur la conscience. »A mon œuvre fin je ferayPour les laisser en pacience :Tels brouilleurs n'ont grand confianceEn Dieu ny en ses fais haultains ;Mais <strong>de</strong> <strong>de</strong>smesurée scienceDe rapine sont tous attains.Chanson.De cabas <strong>et</strong> brouillerieNe vient que malle fin.Et toute tromperieVient <strong>de</strong> brouilleurs do vin.La nuit , à la chan<strong>de</strong>lle ,Attendant le matinFont tromperie nouvelleTous ses brouilleurs <strong>de</strong> vin.1. Pour verser <strong>de</strong>dans le tonneau.


,,,,,io4La ComplainteCeux qui pensent bien boireUne fois <strong>de</strong> bon vinPour leur teste refaireN'ont que du piscantin.Si quelqu'un leur rapporteLeur vin trouille , brouillé ,Attendant à la porte,Parfois sera mouillé.Et quand quelque diablesseLeur vin raporteraD'une gran<strong>de</strong> hardiesseHautement leur dira :a Changez-moy ma boytureEt vous ferés très bien ;Autrement je vous jureQue n'y gaignerez rien. »Le brouilleur, craignant honteQu'il ne soit diffamé,En tiendra fort grant conteVoulant d'elle eslre aymé.Cy autrement faisoitLa langue serpentineEl' le diffameroit,Reprochant sa rappine.Ayant faict quelque offenceLa personne est craintifEt à toute heure pense ;Sans cesse il est captif.Ils abusent le royDe leur courte mesure.


,,DU COMMUN Peuple.io5C'est offcncer la loy :Est-ce pas grand injure?Quelque vieille bessière,•Au lieu <strong>de</strong> très bon vinLe vendront aussi chère :Est-ce pas grand larcin ?Je prie à joincles mains,Le soir <strong>et</strong> le matinQue Dieu doint malenconireA tous brouilleurs <strong>de</strong> vin.Fin <strong>de</strong> la Harangue el fameuse epilaffe <strong>de</strong>sbons cl loyaux taverniers , avec lacomplainte <strong>de</strong>s Bons Vinsel la chanson <strong>de</strong>D ravilier ie.


,io6Le Dict <strong>de</strong>s Pays, ai>ecles Condicions <strong>de</strong>s femmes<strong>et</strong> plusieurs aultres bêles bala<strong>de</strong>s^.oiir ce qu'on dit, <strong>et</strong> lost <strong>et</strong> tart,I Que bien qui va tout d une part,N'est pas trop bon à recor<strong>de</strong>r 2,Dire vous vueil <strong>et</strong> racompterLe bien qui est, tout en ung mont,1 . Celte pièce a été souvent imprimée. Nous la donnonsd'après une édition <strong>de</strong> 4 ff- in-8 gothique, ayant au frontispicele bois <strong>de</strong> Thonime en robe parlant à un jeunegarçon en jaqu<strong>et</strong>te, <strong>et</strong> au verso le bois d'un homme engran<strong>de</strong> robe à manches parlant à une armée. Nousconnoissons encore c<strong>et</strong>te pièce à la suite <strong>de</strong> VEpître dubon frère qui rend les armes d'amour à sa sœur damoiselleen Lyonnais, impression gothique, où le titre <strong>de</strong> noirepièce est celui-ci : Cy commence le dict <strong>de</strong>s Pays; maison n'y trouve ni les Comman<strong>de</strong>ments joyeux, ni la Balla<strong>de</strong>,ni les Conditions <strong>de</strong>s femmes. M. Pichon en indiqueaussi une édition à la suite du Dialogue du Mon—dain <strong>et</strong> du Ccleslin. — De notre temps elle a été réimprimée,d'après une édition portant pour titre : Le dict <strong>de</strong>spays joyeiilx avec les Condicions <strong>de</strong>s femmes, <strong>et</strong> plusieursautres belles balla<strong>de</strong>s (il n'y en a toujours qu'une seule),avec les dix coinman<strong>de</strong>mentsjoyeux, par M .Techener,qui ne


Le Dict <strong>de</strong>s Pays. 107En mainte part parmy le mont^.Les bons pastcz sont à Paris*,Or<strong>de</strong>s trippes à Saint-Denis;A Saincl-Omer bonnes chairs auras,Et bonnes porées à Arras^ ;raimpriniée qu'à .lo exemplaires, <strong>et</strong> Ta ajoutée au mêmenombre d'exemplaires du volume qu'il a publié sous l<strong>et</strong>itre : Procèz <strong>et</strong> amples examinulions sur la vie <strong>de</strong> Cures—me—Prenanl, <strong>et</strong>c. (Voir la <strong>de</strong>scription du volume dansM. Brun<strong>et</strong>, t. 3, p. S/p.) Noire pièce y occupe les dix<strong>de</strong>rnières pages. Enfin, en 1847, M. Grat<strong>et</strong>-Duplessis,dans sa Bibliographie parémioloijique (Paris, l'otior, in-8,p. 135-37), en a donné une autre réimpression d'aprèscelle qui se trouve aux feuill<strong>et</strong>s 2o5-2o6 <strong>de</strong> l'exemplaireunique du <strong>Recueil</strong> d'anciennes poésies fran(;oisPS daté<strong>de</strong> 1697, <strong>et</strong> maintenant entre les mains <strong>de</strong> M. Dutuit. (Cf.Brun<strong>et</strong>, 1, 770, <strong>et</strong> une note <strong>de</strong> ce <strong>Recueil</strong> , I, i/jS.) L'annéesuivante, M. Duplessis a reproduit le nitMue texte dansle Velil trésor <strong>de</strong> poésie récréative, qu'il a publié sousle nom d'Hilaire le Gai (Paris, Passart, i848, in-32,p. 4.!-44 <strong>et</strong> 539).2. A rappeler, à remémorer. Encore usité dans le patoisartésien.3^lmpr. : mon<strong>de</strong>. Dans le recueil daté <strong>de</strong> lôgy, lecommencement est différent:Pour ce que c'est le commun bruitQue toute terre ne produitToutes choses, dire vous veulxLes biens qui sont en divers lieux.4. Pastés <strong>de</strong> Paris [Dit <strong>de</strong> rAposloitc, dans Crapel<strong>et</strong>,Proverbes <strong>et</strong> dictons populaires).5. <strong>Recueil</strong> daté <strong>de</strong> 1697 :Beufs <strong>et</strong> moutons sont A Arras,A Sainct Orner les pourceaux gras.


.,io8Le DictA Calays est le bon poissonEl bonne moustar<strong>de</strong> à Dijon* ;En Flandre el Artois sont bons beurres,AFlavigny^ les grandz mesures,L'édition imprimée k la suite <strong>de</strong> VEpitre du bon frère'donue :Bonnes poires sont à Arras.Nous avons préféré porées, soupe fort commune en Picardie.Le Dit <strong>de</strong> rAposloile, dès le XIII« siècle, se sert<strong>de</strong> celte locution : porée d'Arras. Pnrée signifie aussi lesnerbes dont est faite c<strong>et</strong>te soupe. Les Evangiles <strong>de</strong>s Quenouilless'en servent toujours dans ce sens : « Quantpoix ou poiroe boueillent au pot (éd. Jann<strong>et</strong>, p. 36). —Qui cueille ou eslit la porée le samedy après nonne pourledimence cuire <strong>et</strong> niengier (p. 54). — Pour estre <strong>de</strong>luy fort amée, je lui feroie niengier une poirce d'herbescueillies la nuict S. -Jehan (p. 74). »1La moutar<strong>de</strong> <strong>de</strong> Dijon est citée dans le Dit <strong>de</strong> l'Aposloile.Les Proverbes <strong>de</strong> Mielot, au XV^ siècle , en parlentaussi :Il n'est moutar<strong>de</strong> qu'à Dijon.Dans sa Description <strong>de</strong>s villes <strong>de</strong> France , Grogn<strong>et</strong> nemanque pas <strong>de</strong> la rappeler à l'article <strong>de</strong> Dijon :Se j'ay oublié la moustar<strong>de</strong>,Neantmoins aux banqu<strong>et</strong>z ne far<strong>de</strong>;On l'appelle par excellenceMeilleure moustar<strong>de</strong> <strong>de</strong> France.On pourra d'ailleurs voir sur ce suj<strong>et</strong> un Essai sur l'histoire<strong>de</strong> la moutar<strong>de</strong> <strong>de</strong> Dijon, Dijon , E. Jobard, i854,in-8, que nous connoissons par le compte-rendu qui ena paru dans VAthenxum français, i854, numéro du 25novembre, p. iio5.2. Arrondissement <strong>de</strong> Semur (Côte-d'Or). — Saint-


DES Pays. 10,9Les bonnes faulx à Espernay,Et les gros <strong>de</strong>tz sont à Tournay;A Londres escarlates fines,Et bons draps vcrmeilz à Malines ;Les grandz boys sont à Orléans *,Et bonnes tartes à Dourlans^;A NicoUe est le bon fil blancs,Et bons drapz royez sont à Gand* ;Bon vert [<strong>et</strong>] bon pers sont en Ypres.Denys , dans les Curiosités d'Oudin , est aussi renommépour ses gran<strong>de</strong>s mesures.1. La grand forest d'OrléansEst mer à qui est <strong>de</strong>dans.(Proverbes en rimes <strong>de</strong> Le Duc , i665.)2. Doullens ouDourlens, a 6 lieues au nord d'Amiens.3. Le Dit <strong>de</strong> iWpostoile parle <strong>de</strong> drap blanc <strong>de</strong> Nicolle.En France il y a un Nicole dans rarrondissement d'Agen ;mais il s'agit ici <strong>de</strong> Lincoln en Angl<strong>et</strong>erre. Ces <strong>de</strong>uxvers du fabliau <strong>de</strong> la Maie honte, par Hugues <strong>de</strong> Cambrai, le démontrent évi<strong>de</strong>mment :Li vilains bautemcnt parole :« Rois <strong>de</strong> Londres <strong>et</strong> <strong>de</strong> Nichole,« Fai m'escouler <strong>et</strong> si m'entent. »{Méon , III , 207, vers 76-78.)Un vers <strong>de</strong> Marie <strong>de</strong> France, dans le Lai d'Ywenec(éd. Roquefort, I, 274),Ne n'ot son per jusqu'à Incole,nous montre le chemin fait par le mot pour arriver àc<strong>et</strong>te forme <strong>de</strong> Nicole.4. Draps rayés. Ce vers <strong>et</strong> le précé<strong>de</strong>nt manquentdans le <strong>Recueil</strong> <strong>de</strong> iSgy.5. Dans le <strong>Recueil</strong> <strong>de</strong> 1697 :Les bons camelotz sont à Ypre.


,,110 Le DictEt en Auge ' per[é] <strong>et</strong> cildrc ;Les bons mires sont en Salcrne^ ,Les ours es montaignes <strong>de</strong> Berne 3,Les chau<strong>de</strong>ronnicrs sont en Dinant*,Et les bons cuyrs sont en Braibanl;En Touraine les bons faucheurs;A Douai sont les bons fa<strong>de</strong>urs^ ;Au Perche est la grosse aumaille^.Et à Millan les bonnes mailles ' ;A Lyon sont les taverniersEn Lombardie les usuriers^;A Bourges sont les fourleressesA Sainct-Quaniin les grosses fesses ;i. Le pays d'Auge, dans la Basse-Normandie, célèbreencore aujourd'hui par la quahté <strong>de</strong> ses pommes.2. On sait la popularité pendant tout le moyen âgedu livre <strong>de</strong> rec<strong>et</strong>tes appelé VEcole <strong>de</strong> Salerne.3. On sjit que, par suite <strong>de</strong> ses armoiries, Berne along-temps élevé <strong>de</strong>s ours dans les fossés <strong>de</strong> la ville. Onsait peu maintenant que le fameux, le premier, le seulvrai ours Martin <strong>de</strong>s Parisiens, avoit été amené <strong>de</strong>Berne au commencement <strong>de</strong> ce siècle, <strong>et</strong> mis au Jardin<strong>de</strong>s Plantes, oii il est mort en exil, tout comme un roi.4. La chaudronnerie, c'est-à-dire le travail du cuivrerepoussé, appliqué aussi bien aux œuvres d'artqu'aux ustensiles usuels , a été si célèbre à Dinantqu'elle en a reçu le nom <strong>de</strong> dinan<strong>de</strong>rie.5. Les bons poètes. On sait quel nombre <strong>de</strong> sociétéslittéraires florissoient dans les villes <strong>de</strong>s Flandres.6. Aumaille, toutes bêtes h cornes.7. Milan a été long-temps célèbre pour ses armuriers.8. Ce vers <strong>et</strong> les cinq précé<strong>de</strong>nts manquent dans le<strong>Recueil</strong> <strong>de</strong> iSgy.


DES Pays.Les grous * cons sont en Portugal,mEn Arragon^ maint bons cheval ;Les grans chouars en Allemagne ^El grosses couilles en Lorraine*,Les grans vanteurs en Picardie ,Et bons buveurs en Normandie^ ;En Haynault sont les Henuyers^,Et en lîausse les cscuyers^.Le [très] bon sel est à Salins .1. Gros dans rédition réinipriuiée par Tccliener <strong>et</strong>dans le Rpcueil <strong>de</strong> iSg;, Grous est peut-être pour gloiis.1. Espaiijne dans le <strong>Recueil</strong> <strong>de</strong> lôgy. LeDil<strong>de</strong>rAposloile\)âv\ei]csmulez- d'Aragon.— 3. Ed.gotli. :sont en Espagne.4. Rabelais, dans le chapitre De Vorigine <strong>et</strong> antiquitédu grand Pantagruel (liv. II, cli. i*'') : « D'iceulx sont<strong>de</strong>scendues les couilles <strong>de</strong> Lorraine, lesquelles jamaisn'habilcnt en bragu<strong>et</strong>tes; elles tombent au fond <strong>de</strong>schausses. » Yoy. la singulière explication donnée parFleuiy <strong>de</strong> Bellingen dans son Etijmologie ou explication<strong>de</strong>s Proverbes français , La Haye, i656,p. 210.5. Ces <strong>de</strong>ux vers manquent dans le recueil <strong>de</strong> iSgy.6. Le recueil <strong>de</strong> 1697 remplace ce vers par celui-ci :Quant au versHt les baults clochers à Angiers.En Haynault sont les Heniiyers,il est peut-être moins naïf qu'il ne paroît <strong>de</strong> primeabord , <strong>et</strong> on y peut trouver un sens ironique en se rappelantcombien Torgueil <strong>de</strong>s gens du Hainaut est célèbredans les proverbes du XV« siècle.7. La misère <strong>de</strong>s pauvres gentilshommes <strong>de</strong> Beauceest un <strong>de</strong>s suj<strong>et</strong>s <strong>de</strong> raillerie le plus employés :Hz cluiuscnt ungz vielz bro<strong>de</strong>quins;Trie, trac, on traine les patins ;C'est à tel brouct, telle saulce,


,.112 Le DictFemmes bien faictes àProuvins*,A Romully^ ougnons <strong>et</strong> aulx,A Aubervilliers les navaulx ^ ;Les grandz mules sont en Esture* ;En mer advient mainte adventure ;Et <strong>de</strong>sjuner tous les matinsComme les escuyers <strong>de</strong> Beaulce.(Coquillart, Monologue du gendarme cassé, éd.Tarbé, I ,i56.)« En mémoire <strong>de</strong> quoy les gentilz hommes <strong>de</strong> Beauce<strong>de</strong>sjeunent <strong>de</strong> baisler, el s'en trouvent fort bien <strong>et</strong> n'encrachent que mieux. » (Rabelais, liv. I, ch. 17.) Bouaventure<strong>de</strong>s Périers s'en moque dans sa 74*^ Nouvelle,<strong>et</strong> Eutrapel dit à leur propos : « Trois à une épéecomme en Beauce. » D'Esternod, dans son Tableau <strong>de</strong>sambitieux <strong>de</strong> la cour [Variétés historiques <strong>et</strong> littéraires, IV,p. 43), a mis en ces vers nobles :ces obereaux <strong>de</strong> BcausseQui <strong>de</strong> rbomme n'ont rien que le simple haut-<strong>de</strong>-chaussele proverbe populaire :En gentilhomme <strong>de</strong> la Beauce,Gar<strong>de</strong>r son lit faute <strong>de</strong> chausse,rappelé par M. Fournier, en même temps qu'une comédie<strong>de</strong> Moutfleury.1. Ces <strong>de</strong>ux vers manquent dans le <strong>Recueil</strong> <strong>de</strong> 16972. L'édition à la suite <strong>de</strong> VEpistre du bon frère donneRomuily ; le recueil <strong>de</strong> 1697 a : Remply sont. Il y a enFrance plusieurs localités du nom <strong>de</strong> Romilly, dansl'Aube, l'Eure, l'Eure-<strong>et</strong>-Loir <strong>et</strong> le Loir-<strong>et</strong>-Cher.3. Aubervilliers, près <strong>de</strong> Saint-Denis. Le <strong>Recueil</strong> <strong>de</strong>x597 donne :A ^ augirard force naveaux.4. Les Asturies.


,,DES Pays.En Italie sont' les cendaulx,Et en Savoie mons <strong>et</strong> vaulxBonnes montaignes en Forest^Et en Puille maint 3 bon genest;En Orte-* est le bon saffran ,h3El bons rasouers sont à Guingan ,Le bon haren sor à BoulongneEl bonnes toilles en Bourgongne^;A Lucques sont les bonnes soyes ^,Et le bon papier est à Troyes.Les bonnes sarges sont à RainsEt à Nevers sont les bons tains'.1. Edition à la suite <strong>de</strong> VEpislre du bon frère: EnYtalie.a. Forez, province <strong>de</strong> France entre le L;-onnois <strong>et</strong> leDauphiné.3. La Pouille, province du royaume <strong>de</strong> Naples.4. « Prenez <strong>de</strong>mie once <strong>de</strong> saffran d'Ort séché <strong>et</strong>battu. » {Menagier <strong>de</strong> Paris, t. a , p. 246.) Dans le P<strong>et</strong>itJehan <strong>de</strong> Saintré, il est question <strong>de</strong> raisins <strong>de</strong> Corinthe<strong>et</strong> <strong>de</strong> Orte, c'est dire que c'est une ville <strong>de</strong> Grèce ou<strong>de</strong>s îles <strong>de</strong> la Méditerranée.5. Ce vers <strong>et</strong> les sept précé<strong>de</strong>nts manquent au recueil<strong>de</strong> 1597, qui donne par contre ces <strong>de</strong>ux vers :Gran<strong>de</strong>s foires à la GiiibrayKt bonnes toilles à Cambray.Guibray, célèbre par sa foire, est un faubourg <strong>de</strong> Falaise.6. Cendax <strong>de</strong> Lucques , dans le Dit <strong>de</strong> VApostoilc.7. Le recueil <strong>de</strong> i.'ig? donne c<strong>et</strong>te leçon, qui estmeilleure :Anvers est le lieu <strong>de</strong>s bons tains.P. F. V 8


,,ii4Le DictA Gennes sonl les arbaleslriersEt en Escosse les archiers';Les grandz moulons sont en Berry,Potz <strong>et</strong> godctz à Savignys,En Poitou el à la RochelleLe bon vin blanc qui eslincelles;A Clervaulx'' sont les grosses miches,Et à Fleurance^ gens moult chiches;1. On se rappelle la gar<strong>de</strong> d'areliers écossois longtempsattachée à la personne <strong>de</strong>s rois <strong>de</strong> France, <strong>et</strong>dont quelque érudit <strong>de</strong>vroit bien écrire riiistoire; ellepourroit être le suj<strong>et</strong> d'une 1res curieuse monograptile.2. « 11 y en a une espèce à Savigny en Beauvoisis queje cui<strong>de</strong> qu'en France n'y en a point <strong>de</strong> semblable,car elle endure un merveilleux feu , <strong>et</strong>c. » (Palissy, Desterres ifurgile , éd. <strong>de</strong> M. Cap, i8/i4, in-i-i, p. 3oo.) —« Et d'advantage pour emporter d'iceulx vins, il y a <strong>de</strong>grandz arbres pleins d'estocz, ausquels pen<strong>de</strong>nt les flacons,barilz <strong>et</strong> bouteilles <strong>de</strong> toutes sortes, lesquelz chascunpeult emplir d'icelluy vin <strong>et</strong> enqiorterlà où il veult,toutes foys les meilleurs pour ce faire sont noz beaulxflacons <strong>de</strong> Beauvais, qui sont azurez <strong>et</strong> bons à merveilles,<strong>et</strong> se gar<strong>de</strong> mieulx le vin en iceulx longuement <strong>et</strong>frais <strong>et</strong> sans corrompre, comme j'ay tousjours ouy direà ceulx <strong>de</strong> nostre ville <strong>de</strong> Beauvais <strong>et</strong> à ceulx <strong>de</strong> Savignie<strong>et</strong> <strong>de</strong> Leraule, qui sont les lieux là où on les faict.»{Les navigations <strong>de</strong> Panurge, chap. 22.)3. Pierre Grogn<strong>et</strong>, Molz dorez du sage Cathon , t. 2fol. 72 recto :A Enjou <strong>et</strong> à La RochelleLe bon vin blanc moult estincelle.4. Clairvaux, fameux par son abbaye, est àîieiies <strong>de</strong> Troyes.— 5. Florence.


,DES Pays.ii5A Coulongiic est le relingot*,L'uylle d'olive en Languedoc,Espices sont à Montpellier,Bons draps gris - à Monlevillier,Les bonnes car|)es sont en Sone^,Le bon barenl blanc en Gascongne,[El] à Paris est la grand aulneEt le bon vin si est à Beaulne-*;En Artois sont les bons froniens,En Frise les gran<strong>de</strong>s jumens,Les belles femmes en Champaigne ,Bons chevaucheurs en Aleniaigne^,Et si n'est ville que Paris,Ne faulx bourgs que [<strong>de</strong>] Saincl-Denis,Ne forteresse que Dijon,1. Nous ne savons ce qu'il entend par relingot. Ala place <strong>de</strong> ce détail , le recueil <strong>de</strong> 1697 donne :Et à Calais la bierre au broc.2. Les draps blancs (<strong>Recueil</strong> <strong>de</strong> i.'ig?). Montivilliers,encore célèbre par ses fabriques <strong>de</strong> draps , est à <strong>de</strong>uxlieues du Havre.3. En Saône, Une <strong>de</strong>s éditions gothiques <strong>et</strong> le recueil<strong>de</strong> 1697 donnent Seine, qui, si la rime y étoit, seroitmeilleur, non comme plus juste, mais comme plus proverbial.4. Ces <strong>de</strong>ux vers manquent dans le recueil <strong>de</strong> 1597.5. Le recueil <strong>de</strong> 1697 :Et les amoureux en Br<strong>et</strong>.ngne.Bonaventure Des Périers (conte 85) emploie c<strong>et</strong>te expressiondans un sens ridicule ; « (Il avoit; <strong>de</strong>s chausses<strong>de</strong>schiqu<strong>et</strong>ées aux talons, tirant par le bas, commeaux amoureux <strong>de</strong> Brctaigue; si faux, ce n"éloient pas<strong>de</strong>s chausses , c'étoit <strong>de</strong> la crotte bordée <strong>de</strong> drap. »


,,1 iC Le DicTNe [<strong>de</strong>] bour<strong>de</strong>au qu'en Avignon'.En France <strong>et</strong> en BeauvoisinHz boivent voulentiers matin.Se ne croyez que ce soit voir,Si y allez partout sçavoir.Icy endroit finent mes ditz.Dieu nous doint paix <strong>et</strong> paradis^.Finis ^.1. « (Pantagruel) vint en Avignon , où il ne feut troysjours qu'il ne <strong>de</strong>vint amoureux, car les femmes y jouentvouluntiers du serrc-cropière ,parceque ce est terre papale,n (Rabelais, liv. II, ch. 5.)2. A la place <strong>de</strong>s dix <strong>de</strong>rniers vers, le recueil <strong>de</strong>iôgy a ceux-ci :Iln'est force que <strong>de</strong> couillonsllemueraens que <strong>de</strong> croupions ,Crote que <strong>de</strong> l'aris cl HanEt vérole que <strong>de</strong> î'iouan ,Et , si vous ne me voulés croire,Allés y voir après vin boire.Sur l'expression vérole <strong>de</strong> Rouen,\. le tome 4<strong>de</strong> ce <strong>Recueil</strong>, p. 219 <strong>et</strong> 258. C<strong>et</strong>te réputation vient-elle <strong>de</strong> ceque, Rouen étant le port où débarquoientles vaisseauxd'Amérique, ce pût être la ville où l'on en souffrit lespremiers ravages ?5. L'édition mise à la fin <strong>de</strong> VEpistrc du bon frèredonne, au lieu <strong>de</strong> Fini^ le mol Amen.


,,DES Pays. 117S^eiisuivcnt les dix cominan<strong>de</strong>mcasjoyculx^.Nape <strong>de</strong> béguineM<strong>et</strong>z d'avocat,Feu <strong>de</strong>my ars,Lit <strong>de</strong> bourgeois.Chair qui s'estent,Pain cuyt <strong>de</strong> minuit,Vin <strong>de</strong> confesseur,Draps <strong>de</strong>my usez,Repos <strong>de</strong> chanoine.El hoste qui rien ne prent.Bala<strong>de</strong> fort joyeuse.lus n'ay tel chouart que souloye,Je ne sçay s'il est vif ou mort ;Ilest couché <strong>de</strong>dans ma broyé&iL Mala<strong>de</strong>. Je croy qu'il se dort.J'en ay au cucur grant <strong>de</strong>sconfort.Sur ce ne sçauroye que penser;De le coupper fusse d'accordS'il ne' me servist à pisser.Maintes fois il m'a donné joyeEl faitm<strong>et</strong>tre en danger <strong>de</strong> mort,Faire aussi plus que ne povoyeChanter, dancer <strong>et</strong> saultcr fort;Mais maintenant il est d'acortQue je me voise reposer.Et dit : « Mon maistre", beuvés fort;(i Je vous scrviray <strong>de</strong> jjisser. «i. On les a déjà vus inipriiiics h la suite du nêbat <strong>de</strong>Kiilure <strong>et</strong> <strong>de</strong> Jeunesse, que nous avons donné dans notr<strong>et</strong>roisième volume, p. 96.


,i t8 Le DigtJ ay veu le temps que n'espargnoyeEstroit, large, foible ne fort,Et le boutoye où je povoyePour luy donner son réconfort ;Mais certes je voy que j'ay tortEt que rien n'y vaull le penser :11 n'en liôve, c'est le plus fort,Sinon quant a fain <strong>de</strong> pisser.Prince ,quant il est sur le bortA peine se peult~il leverPour cui<strong>de</strong>r faire son effort ;Mais luy convient aller pisser.S^ensnwent les IX manières <strong>de</strong> conditions<strong>de</strong>s femmes ^.Premièrement.a hardie est celle qui attendroit bien''K^<strong>de</strong>ux hommes à ung trou.La preu<strong>de</strong> femme est celleipaulmes velues.qui a les1. C<strong>et</strong>te éiiuméralion se trouve dans tant <strong>de</strong> manuscrits<strong>et</strong> dans tant d'imprimés, qu'il est inutile <strong>de</strong> tenterl'indication <strong>de</strong>s endroits où on la trouve. A la fin du XVI^siècle, on la lit dans les Contes d'Eutrapel (éd.<strong>de</strong>M.Guichard,i84'2, in-iQ, p. 107), <strong>et</strong>, plus tard, il parut en1621 une très spirituelle pièce qui en est le développement: Belles cl diverses complexions amoureuses <strong>de</strong>sfemmes <strong>et</strong> filles du temps. A Paris, chez Julien le Din<strong>de</strong>,(gouverneur <strong>de</strong> Mau-youvert, à renseigne <strong>de</strong> la Pierre <strong>de</strong> bois.


DES Pays. 119La couar<strong>de</strong> est celle qui m<strong>et</strong> la queue entre lesjambes.La bonne chrestienne est celle qui n'ose couchersans prestre.La honteuse est celle qui cueuvre ses yeulx <strong>de</strong>ses genoulx.La paoureuse est celle qui ne ouse couchersans homme.La <strong>de</strong>spileuse, c'est celle que, quant on luybaille ung coup, elle en baille <strong>de</strong>ux.La paresseuse est celle qui le lairoit pourir <strong>de</strong>dansavant qu'elle l'en ostast.La débonnaire est celle que, ({uant on luy haulceune jambe , elle haulce l'autre.Finis.


,La Complainte <strong>de</strong> Venise^.ieu éternel, <strong>de</strong>s astres gouverneur^yà ^^ possesseur <strong>de</strong> paix <strong>et</strong> union \iJe te requiers,^W/^exaulce ma clameur;feÊ^ Par ta doulceur miligue la fureur.Haine <strong>et</strong> rigueur qui vient dans ma région ;i. In-8 goth. <strong>de</strong> 4 ff.. Au titre trois fragments <strong>de</strong> boisgravés mis à côté l'un <strong>de</strong> l'autre ; à gauche une bordure; au milieu une maison , en avant d'un rempart ; àdroite un homme <strong>de</strong>bout, en longue robe, tenant <strong>de</strong> lamain gauche son bonn<strong>et</strong>, el <strong>de</strong> l'autre une cédule scellée.On lit au <strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> sa tête :Borgois <strong>de</strong> Venise ,Doublez l'entreprise.C<strong>et</strong>te pièce a été analysée par l'abbé Gouj<strong>et</strong> [BibUulhèquefrançaise, X, p, 92-95), qui la croyoit du même auteurque VA rrest donné par le tjrant Conseil <strong>de</strong> France contrele roi <strong>de</strong>s Romains; mais ce <strong>de</strong>rnier est <strong>de</strong> Maximien ,qui l'a signé dans un acrostiche final , <strong>et</strong> rien ne prouveque la complainte soit du même auteur. — Comme onle verra, l'arrêt est antérieur à la ligue <strong>de</strong> Cambrai,alors que le roi <strong>de</strong> France étoit l'allié <strong>de</strong> la sérénissimeseigneurie contre Maximilieu ; la Complainte est , au


,,La CiOMPLAlNTE DE VeMSE. 1 2 1Ayglc <strong>et</strong> Ia'Oii assemblent leur légion ' ;Vindicalion cherche le Porc-cspic^;Sur tous autres je cloubte <strong>et</strong> crains son pic.Corrige-nioy si en riens j'ay niesfaitPar autre fait exempte <strong>de</strong> la guerre ;Mon train se meurt, mon peuple se <strong>de</strong>ffait;Je voy leffait que mon péché infaictDiscord reffail pour me ruer jus à terre;Mon cueur se serre pour double du caterre;Qui me vient qucrre pour me m<strong>et</strong>tre en ses mains ;Gens avares font <strong>de</strong>s cas inhumains.Si avarice m'a tenu en ses lasJ'en dis hclas ! congnoissant mon péchéEt certifie que mes bourgeois sont lasDu faulx soûlas <strong>et</strong> rapineux amasQue par son cas chacun estoit taché ;Si j'ay tasché avoir trésor cachéEt cmbusché en ma possession,Homme sage vit <strong>de</strong> provision.De mon trésor j'ay par tout acquestéEt conquesté terres cl héritages;Par usure aux princes j'ay portéEt en<strong>de</strong>bté contre leur voulcnté ;contraire, postérieure k la ligue <strong>de</strong> Cambrai ,qui <strong>de</strong>vintsa raison d'être <strong>et</strong> en motiva les craintes <strong>et</strong> les doléances.Nousferons remarquer aussi que toute c<strong>et</strong>te pièceest écrite en vers équivoques.I. L'Empire <strong>et</strong> l'Espagne.2. Le porc-épic est le corps <strong>de</strong> la <strong>de</strong>vise <strong>de</strong> Louis XIl,Continus <strong>et</strong> eminus.


122 La ComplainteIver <strong>et</strong> esté, ilz m'ont rendu bornages ;Plusieurs passages, rives [bords] <strong>et</strong> rivagesJ ay pris pour gaiges <strong>et</strong> mis en ma saisine;Celuy vil mal qui use <strong>de</strong> rapine.misérable ! il m'en fauldra fouyrOu m'enfouyr en terre comme vers.Hellas! mon Dieu! vueillez mes plains ouyr,Fais-moy jouyr <strong>de</strong> paix pour resjouyrSans m'esblouyr <strong>de</strong> lolz assaulx divers;Car les revers <strong>de</strong> guerre sont pervers ,Faulx <strong>et</strong> convers pourtollir toute joye;Qui se repent <strong>de</strong> bon cueur larmoyé.Où iray-je? où sera ma r<strong>et</strong>raicte?Las ! je rcgrclle ,g<strong>et</strong>tanl du cueur souspirs ;Fortune m'a produicle <strong>et</strong> pourtraiclc.De faulse traicte qui tout mal interprèle,Et qui s'aprest(r)e pour veoir ses <strong>de</strong>splaisirs;Mes folz désirs sont passez, <strong>et</strong> plaisirsS'en vont gésir au lict tendu <strong>de</strong> dueil ;Sur tous pecbez Dieu <strong>de</strong>sprise orgueil.Cambray, cité scituée dans l'Empire,Pour toy j'empire <strong>et</strong> suis en doleance ;On y forgea la paix* que princes inspire;Tout d'une lire me donner grief martyre.Et <strong>de</strong>sconfire mon trésor <strong>et</strong> chevance ;Ma mort s'avance <strong>et</strong> sens <strong>de</strong>sjà souffrance1. La ligue conclue contre les Vénitiens entre le papoJules II, l'empereur Maxiniilien, Louis XII <strong>et</strong> Ferdinandle Catholique, fut conclue à Cambrai, en i5o8,par le cardinal d'Auiboise <strong>et</strong> Marguerite d'Autriche.


,;,DE Venise.i23Venir <strong>de</strong> France pour se venger sur moy ;Celuy qui craint vil toujours en esmoy.Ay-je erré en la foy calholique ?Chacun s'applique à me l'aire diffame ;Le temporel <strong>et</strong> siège apostolique,Par voix unicque <strong>et</strong> sans nulle rcplicqueOnt pris la picque pour m'oster loz <strong>et</strong> famé.Nostre-Dame ! à toy je me reclameDe corps <strong>et</strong> d amc, comme ta povre serve;r.ar je voy bien qu'il fault que je m asserve.bon légat, qui avez charge du cas.Prenez ducatz <strong>et</strong> me donnez silence ;Je vous requiers qu'en faciez le pourchasEt que combalz soient du tout mis au bas,Avec <strong>de</strong>balz sans escu ne sans lance;Douleur se lance contre moy à oultrance;Je crains violence <strong>de</strong> guerre <strong>et</strong> <strong>de</strong> ses failz;Gens qui ont peur sont à <strong>de</strong>my <strong>de</strong>ffailz.Puis que teiz princes sont ainsi lyezEt alyez pour mon granl démérite.Riches bourgois, vous serez excilliez,Pris <strong>et</strong> pilliez ; Espaguolz sont <strong>de</strong>slyezEt esveillez pour vous donner la fuicte ;Vostrc conduiclc fut à malheur produicteEt mal <strong>de</strong>sduicte ;j'en auray le meschiefL'ng corps ne peult vivre sans avoir chiof.Folle arrogance m'a servie d'enscigneur;Car sans seigneur ay tousjours voulu vivre.Sans redoubler prince , tant fust greigneur.Dont mon honneur viendra à déshonneur


,,,124 La ComplaintePar grant horreur, se assault on me livre ;Je voy le livre qu'on escript livre à livreCe qu'on délivre pour payer les gens d'armes ;Après tous ridz viennent les grosses larmes.Je sens venir guydons <strong>et</strong> estandarsAussi tant d'arcz pour me m<strong>et</strong>tre à fin ;Je sens venir les piétons portant dartz,Et les souldars qui, par force ou par artzOnt le dieu Mars esleu pour <strong>et</strong> à finQu'il fust affin <strong>de</strong> Roy <strong>et</strong> <strong>de</strong> FJaulphin ,Qui est saige <strong>et</strong> fin pour telle charge avoir;Liberté vault trop plus que riche avoir.Dedans mon parc on veult partout semerEt imprimer trois nobles fleurs <strong>de</strong> lys;L'Aygle <strong>de</strong> sable' veult son vol entamer,Par terre <strong>et</strong> mer gripper doulx <strong>et</strong> amerPour affamer mes bourgois tant jolys ;Harnois polys sont du tout abolys ;Par mes <strong>de</strong>lictz j'ay perdu tout adveu.Communément on dit que Dieu veult jeu.Aux Genevoys' je <strong>de</strong>voye prendre exempleCler <strong>et</strong> bien ample , considère <strong>et</strong> comprisMon grant effort ,qui au leur si ressembleEt si me semble, mes crismes mis ensemble,Dont j'en tremble, car j'ay plus fort mespris;Hz furent pris <strong>et</strong> du mal fait repris ,1. L'aigle héraldique <strong>de</strong> l'Empire est noir, ce qui , enblason, s'appelle <strong>de</strong> sable.2. Les Génois.


Et r<strong>et</strong>ourné sa roue inconstante ;.,,DE Venise.i25Par quoy je crains qu'il ne me fera grâce,Que <strong>de</strong> tel pain telle souppe on me face.Fortune ru<strong>de</strong> a sur moy <strong>de</strong>stournéTout mon heur à grant malheur a tourné,El aorné discord mal atornéTout escorné <strong>de</strong> guerre militante ;H prent la sente pour venir dans ma tenteAyant actantc <strong>de</strong> ma joye priver;Aj)rès l'esté on veoil venir l'yver.Possible n'est <strong>de</strong> faire résistance;Quant je pense , mieulx me vauil tenir coy;Car je provoy <strong>de</strong> France la puissanceEl leur vaillance , ensemble l'aliance,Par ordonnance qui viennent ruer sur moy ;Je sens l'eiTroy; on sonne lebeffroy ;Raison pourquoy ? A mercy me fault rendre ;l^Iieulx vauUfouyr que tel dangier attendre.Adieu, trésor riche, innumerable,A nul comptable pour la grant quantité-,Adieu, trésor aux François aggreable,El recevablc, pour mon péché coulpablc.Trop misérable <strong>de</strong>vant tous récité.Dcsloyaulté m'est en nécessité;C'est vérité ;justice ainsi l'ordonne;Mal est gardé cil que Dieu habandonne.L' A C T E U BVenise ainsi s'en alloil rcgr<strong>et</strong>ant,Se complaignant <strong>de</strong> la guerre future.


,,126 La Complainte <strong>de</strong> Venise.Parmy la voyc lousjours larmes geclantDisant : « Je voy venir telle avanture ;Le Porc-espic veult dresser sa poinctureEt me picquer <strong>de</strong> son pic jusque(s) au cueur »,Et fort craignoit ce puissant belliqueurLoys, douziesme en tiltre <strong>de</strong> ce nom,Lequel a eu aux Ytalles vigueurEn acquérant bruyt , loz <strong>et</strong> bon renom.Lors, comme folle, hors du sens <strong>et</strong> raison,S'escria hault par dueil <strong>et</strong> <strong>de</strong>splaisanceDisant : « Je pers mon honneur <strong>et</strong> chevanc[e]. »Tout par honneur.


,127Ïj amant dcspoiiri'cu <strong>de</strong> son esperit cscripi'antà samyc, voulant parler le courtisanai>ec la Responce <strong>de</strong> la dame. — On lesvend à Paris , en la rue Ncuft'c Noslre-Dame , à Vensaiirne Sainct-iSicolas^Le biau jeune fils parlant à sa dame.ladainc ,je vou-rayme tan ;P May ne le dite pa ])Ourtan Les musaillc ont <strong>de</strong>-rozcille.iCcluy qui f<strong>et</strong> les gran merveille,Nous doin bien lo couché enscmLlc';Car si vou-rayme, ce me semble,,1. Nous donnons c<strong>et</strong>te pièce d'après une édition séparéeque nous avons trouvée dans le cabin<strong>et</strong> <strong>de</strong> M. Cigongne,p<strong>et</strong>it in-8, en l<strong>et</strong>tres ron<strong>de</strong>s, <strong>de</strong> 4 f-, 28 versà la page. Au litre, le bois d'une vieille femme en capuchonparlant à une jeune dame. Elle se trouve, commeon sait, dans un certain nombre d'éditions do Marot;mais, comme l'a remarqué Lengl<strong>et</strong>-Dufresnoy, qui l'adonnée dansson édition (La Haye, 1731, in-4,t. i,p.58i-7), elle y est indiquée comme par un autre que Marot.


128 L'Aman"Si for que ne vou Tore dize,El vou Tay bien voulu escrizeAffin <strong>de</strong> paslé <strong>de</strong> plus loing.Pensé que j'avoy bien beroingDe <strong>de</strong>venir si amouzeu ;! que^ je scsoy heuzeu !Ha! madame la ranchesie,Se n'est que vostre^ fachesic,Non pa pour vou le reprochez ;Mais, si lo que je veu touchezVostre joly t<strong>et</strong>in mol<strong>et</strong>^.Vous m'appelle p<strong>et</strong>y fol<strong>et</strong>En nie diran : « Laissé cela;a Vous n'avé rien caché ilà ;Ce texte , auquel se rapporte à peu près la réimpressiondonnée récemment par M. Duplessis, nous ne savonsd'après quelle édition <strong>de</strong> Marot, dans son Pelit trésor<strong>de</strong> poésie récréative (Paris, Passard, 1848, in-ôa, ]). 48-55), est un peu différent du nôtre. On pense bien que,dans une facétie <strong>de</strong>stinée à se railler <strong>de</strong> la prononciation<strong>de</strong>s incoyahles du XVI^ siècle, nous ne pouvions penserà donner toutes les variantes, qui portent pour la plupart,je ne dirai pas sur l'orlhograplie, mais sur la façon<strong>de</strong> mal écrire les mots. Il y a, outre cela ,quelquesvariantes <strong>de</strong> texte; nous donnons les plus importantes,renvoyant ceux qui voudroient comparer conipléteineniles <strong>de</strong>ux textes à l'édition <strong>de</strong> Lengl<strong>et</strong>-Dufresnoy.Cdiez lui , le titre est Epistre du beau fils <strong>de</strong> Pazy; dansl'édition suivie par M. Duplessis, L<strong>et</strong>tre du biau filz <strong>de</strong>Pazy à. S071 annje, ~- J'ajouterai que la clef <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te facétieest la substitution perpétuelle <strong>de</strong> la l<strong>et</strong>tre R à la l<strong>et</strong>treS, <strong>et</strong> réciproquement.1. Sans cela. — q. Par vous j'aycerte.— 3. Douill<strong>et</strong>.


,A SA MyK. 129« Dieu ! vous <strong>de</strong>vcné mau privé.« Où pcnsé-vou cslre arrivé ? »Et me faite lay<strong>de</strong> grimasse,Et, tout ainsi qu'une lymasseQui ses dcu cornuclion relise,Je me rccully san mo dise STou quinau <strong>et</strong> tou marniitcu,Quan la dame a le cucur pileu,C'est une si joycurc - cliore !Et, dit le Roman 3 <strong>de</strong> la Rore,Si une fille est orgueilleureC'est une chore pezilleurePour un biau jeune fi <strong>et</strong> sage,Car il n'y a si biau viraygeQui ne s'en voire esgratigné.May cncor, qu'arié-vou gaignéSi j'en niouzoy ou cnvizon?Ha! cueur plus dur qu'un polizon.Tan tu me donne <strong>de</strong> travauSi tu sçavié sen que je vau,Tu férié <strong>de</strong> moy plus grant feste*.J'ay eu le pry <strong>de</strong> l'orbalcsle ^ ;Je chante comme ung pazoqu<strong>et</strong>;Je ne voua jamais san bouqu<strong>et</strong> ;J'ai plus <strong>de</strong> bonn<strong>et</strong>z que <strong>de</strong> leste ;1. A la place <strong>de</strong> ces quatre vers donnés par l'éditionséparée, on trouve ces <strong>de</strong>ux autres :Et ni« faite si gnre mineQue je me cache en la cuyrine.2. Playrante. — 3. Impr. : Norman. On a reconnu l<strong>et</strong>rop fameux Roman <strong>de</strong> la Rose. — 4- Cas <strong>de</strong> moy pcutestre.— 5. L'albaleslrc.P. F. V.


,,,î3oL'AmantJ'ai mon biau pourpoiu <strong>de</strong>s gran fesleDes jour ouvrier <strong>et</strong> <strong>de</strong>s dimanche;Tou les moua <strong>de</strong>u cheumire blanchePour estre ny sale ny or;J'ai eslé jusques à NiortDrejà <strong>de</strong>u foi pour voyz le mon<strong>de</strong>.Il est vray que vou-resle blon<strong>de</strong>Et aussi blanche comme laict * ;Mais aussy je ne suy pa laidCar chascun me dit en main* lieu :« Adieu , hau , le biau ti , adieu ;« Adieu , hau ; respon se tu veu« Le biau fi au jaune cheveu. »Et croy que très bien il Fenlcn<strong>de</strong>,Car j ay les cheveu qui me pen<strong>de</strong>Desu la chemire froncée;La p<strong>et</strong>ite jambe troucéePour dancer haye <strong>de</strong> Br<strong>et</strong>aigneEt les passepié d'Allemaigne ^.Il est vray qu'à la basse danceJe ne vien pa à la cadanceMay <strong>de</strong>s branle <strong>et</strong> <strong>de</strong> la recoupe.Des <strong>de</strong>u pié je les vou recoupeMenu comme chair à pasté.Le fy <strong>de</strong> Guillaume Gassé*Au pry <strong>de</strong> moy n'est qu'un canar ^ ;J'en veu bié croize Jan Benar ^1. Et blanche comme neige ou laict.a. Tout.3. Pour dancer branle <strong>de</strong> ChampagneEt les triory <strong>de</strong> Br<strong>et</strong>aigne.4. Matuzin Gâté. — 5. Oyron. — 6. Beron.


,,A SA Mye.i3iOu ChauvvD, à qui Dieu partloin.A propo , vous souvicn-t'y poinDu jour (le la Sin-Nicoula,Que j'elien tou dcu si très laD'avoir dancé? Vous commcnsite,Aussi très bien vou ' rachevile.C'est au jardin; mon pcze" cntry,D'avantuze^ me renconlryAuprès <strong>de</strong> vou, <strong>et</strong> si * j'avoyTourjou l'yeu <strong>de</strong>su votre voy,Laquelle me sembly <strong>de</strong>puy ^Aussy claize que l'iau <strong>de</strong> puy '' ;May se Piar nou regar<strong>de</strong>tQui <strong>de</strong> gran jalourie ar<strong>de</strong>t^,Et, quan II m'eu^ bien cspié,Vou me marchiste sur le piéSi for, en me serran la mainQue j'en clochy le len<strong>de</strong>main.1. La dance <strong>et</strong> aussy. — a. Quan mon pÈze au jardin.3. Auprès <strong>de</strong> vou. — 4« Je m'en souvien <strong>et</strong> que.5. Laquele avé, chore certaine.6. Qu'iau <strong>de</strong> fontaine.y. Qui <strong>de</strong> jalourie enrag<strong>et</strong>.8. Nous eut.


La R es ponceLa Responce <strong>de</strong> la<strong>de</strong> Paris.Dame au jeune pizoiir vou repondre , mon amy,J'ai vcu votre l<strong>et</strong>tre à <strong>de</strong>my;Car en la lirant arrivilMon mazy, qui presque la vit '.Et Dieu sçay si je fu faschée ^ !J'eusse voulu estre cscorchéesParmanda, voyze toute morte-';Mais ce que plu^ me reconforte,C'est que mon mazy n'en vy rien,Et aussi que je sçay tro bienQui n'en eu pas esté conlan ^.Nostre aprcnti vin cscoutanPour oy ce qui ' me disel ;May mon pauvre cueur soupis<strong>et</strong>De fachesie <strong>et</strong> <strong>de</strong> tristesse ;Si je n'eusse esté la maistresse,3Ion amy, j'estès affolée.Vostre Icstre m'a consolée1. L'impression séparée n'a qu'un vers au lieu <strong>de</strong> ces<strong>de</strong>ux :Car mon mazy lor airivit.2. Peneure. — 3. A l'heure.4. Bien loin mananda voize morte.5. Une chore.6. Au lieu <strong>de</strong> ces trois vers :Au pi-rallé qu'il ne l'a lueKi lira, car je l'ay rompue;Si m'en parla il nonobstan.7. Ce que mon mazy.


,,,,DE LA Dame.i33Quan j'ay congneu que m aymelz tan.Je ne lo veu croize pourlanCar les hommes son tou Irompeur,Et les femme on lourjour peurD elre par leurs dys aburéeJ'enten qui ne son pa rurée ',Et <strong>de</strong> moy, la mercy à Dieu,Je puy bien allez en tout lieuEt fréquentez parmy le mon<strong>de</strong> 2.Vous m'écrive que je sui blon<strong>de</strong> ,3Iay je croy qui vous playt à dise;Aussy je ne m'en foua que risc ;Si suis-je comm' un' aultre belle.Vous m'escripvé que suy rebelleEt ,quan vou me voulé touchezQue je ne vou laisse aprochez.Il est bien vray que je m'en fâcheCar une belle dame cacheTou les jour <strong>et</strong> le plus souvenSon biau t<strong>et</strong>in <strong>et</strong> son dcvan ^.Par vostre lelre vous vantéQue comme un oyreau vous chanté ;Je vou respon qu'en sui bien ayre,Car, quan je sezois en malayre,Vostre chant me rejouyr<strong>et</strong>.Un jour mon mazi me dir<strong>et</strong>Celle au moins qui ne son lurée.Sans rien craindre <strong>et</strong> lianler le monda.Il est vray ; aussy je ne sacheFemme laquelle ne se facileQuant on m<strong>et</strong> la maiu ticip avanA son sein ou ù sou dcvan.


,i34La ResponceQui voudr<strong>et</strong> sçavoir la muriclePour la chanter en la bouticlc.Vous me mandé ^ par votre l<strong>et</strong>reQu'avez ^ le pri <strong>de</strong> TalbalestreEt qu'este fort propre <strong>et</strong> mignon ^,Tourjour vcslu comme un oignon*,Don en cela vou m'avé faictUng singulier plairir parfaict^,Car c'est Ihonneur d'ung biau jeune hommeD'avoir habillement gran somme,Et aussi que c'est la rairon ^Qu'un biau ti ' <strong>de</strong> bonne maironS<strong>et</strong> tourjou for bien^ acoulré.De ma part je vou-ray monstre,Si vou -rave bonne memoiseNotre jeu <strong>de</strong> bille d'yvoiseEt ma zobbe d'un fin dra noir.Vous varri<strong>et</strong>z, si voullc voir,Tou mes manchcsons <strong>de</strong> velour.Mes sollié ,qui ne son pas lourPour enjambez noste russiau ^,i. Aussi avé.— 2. Gaigné.3. Après ce vers on trouve celui-ci :Knsuivan le nouvel urage.4. Ayant beaucoup d'habits, aussi nombreux que lespelures <strong>de</strong> l'oignon.5. A la place <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux vers :Je vons en priré davantage.6« El est, me semble, bien rairon.7. Enfan.8. Mieulx que les autres,9. Ce vers manque.


,,,LE LA Dame.i35El ma cote <strong>de</strong> dra <strong>de</strong> sau *Bien tainle, que me la donnaLe sise Jan, qu'en ordonnaEt voulu par son teslamenQue je l'eusse soubdainemen*.Si j'estien tou <strong>de</strong>u ^ ensembleJe vou contezoy, se me sembleCent mile bon p<strong>et</strong>i propo;Toute nuy je per le repoTant <strong>et</strong> si for en vou je pense;Je ne s<strong>et</strong>* quelle recompenceVou m'en ferez; si suis-je seuseQue n'attenl maintenant ^ que l'hcuseQue vou reveni<strong>et</strong>z <strong>de</strong> Lyon.Vou me donrelz** un milionDe biau cordon <strong>de</strong> saye finePour en donné à ma voyrine ',Laquele à vou se recomman<strong>de</strong>.Autre chore je ne vou man<strong>de</strong>Qu'autant*, en ung mo comme en ccnQu'à vou-raymé mon cueur consen,1, De drap du siau. Sur le drap qu'on fabriquoit kUsseau, p<strong>et</strong>ite ville près <strong>de</strong> Carcassonne, <strong>et</strong> qu'on appelabien vile drnp du sceau. Cf. une note <strong>de</strong>s Variétés littéraires<strong>de</strong> M. Fournier, t. 3, p. 37.— L'édition <strong>de</strong> Marotm<strong>et</strong> ce vers comme rime :Que j'ay fai faire <strong>de</strong> nouveau.2, Ce vers <strong>et</strong> les trois précé<strong>de</strong>nts ne sont que dansl'édition séparée.3, A c<strong>et</strong>c heure. — 4- Sçay.5. Que je n'atten tou jeu. — 6. Et m'aportié.7. Courine. — 8. Sinon.


i36La Responce <strong>de</strong> la Dame.Vou suplian, mon dou-ramy,N'estre à respondre endormy.*Si ne vené bien to icy :Car je ses<strong>et</strong>z en gran soucySi je n'av<strong>et</strong>z <strong>de</strong> vo nouvele.Je prie à Dieu qui seyint teleQue pour vray je la vou <strong>de</strong>sise.Et à tant fesay fin d'escrise.De Pazis ce jour <strong>et</strong> anQue je m'en ally droit à Lan *.Finis,1. Me recrize.a. A la place <strong>de</strong> ces quatre versQue je les souhaite <strong>et</strong> <strong>de</strong>sise.Adieu ije suis lasse d'ecrise.


,.Le ^^rant regr<strong>et</strong> <strong>et</strong> complainte du preux <strong>et</strong>vaillant capitaine Ragot, très scientifîcqueen Vart <strong>de</strong> parfaicte belistrerie^Le Ragot sur lequel on a écrit c<strong>et</strong>te pièce <strong>et</strong> la suivante,qui Tapiielle Jehau Ragot , est un fameux bélîtredu XYI*^ siècle. « Je croj', dit Brantôme dans la viedu maréchal <strong>de</strong> Slrozzi ,que , si l'on eust esté curieux<strong>de</strong> recueillir les bons mots, traicts <strong>et</strong> tours dudict Brusqu<strong>et</strong>,on en eust fait un très gros livre, <strong>et</strong> jamais il nes'en vist <strong>de</strong> pareils, <strong>et</strong> n'en <strong>de</strong>splaise à Pinan ,à Arlod,uy kVillon,nyàRagot,ny àMor<strong>et</strong>, nyà Chicot.» (Ed. duPanlhéon littéraire, i, 176.) Le [ilus long passage queje connoisse sur lui est dans la pièce gothique <strong>de</strong>Jehan Chaperon, Les gratis reyrelz <strong>et</strong> complaintes <strong>de</strong> Ma<strong>de</strong>moiselledu Palais, que nous donnerons dans notrerecueil <strong>de</strong> pièces sur Paris. Comme Ma<strong>de</strong>moiselle seplaint d'être forcée <strong>de</strong> travailler aux fossez <strong>de</strong> Paris , cequi m<strong>et</strong> la pièce à l'année i536 (Cf. Sauvai, i,43)>elle ajoute , <strong>et</strong> l'on y trouvera même une allusion à lapremière <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux pièces que nous publions :Hellas! Ragot, prince <strong>de</strong> povrclé ,Tous vos regrctz m'ont les miens ramoiitus ;Vous estiez cil remply d'humillitt!Vray innocent en giant cotell<strong>et</strong>é ;Santti avez dus aguillons pointus;Hardi estiez comme le grant Artlius ,l. P<strong>et</strong>it in- 8 gothique, <strong>de</strong> 4 feuill<strong>et</strong>a.


,,i38Le grant Regr<strong>et</strong>Alliez par tout pour trouver vostre vie ;Sur vostre corps les foys [sic pour fou<strong>et</strong>s) avei sentus,Qui est pour vous ung nompareil sautus ;Mais ee vous a pour bien rendu laCenfortez vous <strong>et</strong> laissez là envie;vie.Soyez contant du bien qu'on vous veult faire ;Tenez-vous quoy : Raison sera servieSy elle n'est <strong>de</strong> bref aux cieulx ravie.De raandier vous n'avez plus affaire.Je le dis, moy , <strong>et</strong> cy pourrés bien faireGau<strong>de</strong>amus; mais moy je suis dullanteEn tour mon cœur j'ay douleur entasséTant que ne puis souffrir ma grand mesaise,Et vous, Ragot, preud'homme ramassé,Venez m'ay<strong>de</strong>r à soullas ramasse[r].Par là il paraîtroit qu'il vivoit encore à c<strong>et</strong>te époque ;cependant , dès i53.î, date <strong>de</strong> la publication <strong>de</strong> son secondlivre, Rabelais eniployoit Tiniparfait en parlant <strong>de</strong>lui dans le plaidoyer du seigneur <strong>de</strong> Baisecul ; «Lesmaroufles avoient jà bon commencement à donner l'estrindoreau diapasonUn pied au feuEt la teste au milieu ,comme disoit le bon Ragot. » Liv. a , chap. ii. Marotou du moins l'auteur, quel qu'il soit , <strong>de</strong> VEpistre <strong>de</strong>i'Asnc au Coq, responsive <strong>de</strong> celle du Coq en l'Asne, enparle aussi :Voillà d'ont vint la grand coUèreQue Rafçot n'osta son bonn<strong>et</strong>.(Ed. <strong>de</strong> Lengl<strong>et</strong>-Dufresnoy, in-4, t. 3, p. 4o4-)Et aussi Henri Estienne, parlant <strong>de</strong> la cour dans l'un <strong>de</strong> sesDialogues du nouveau langage français italianisé: « Pathelin<strong>et</strong> Ragot y ont-ils toujours force disciples?» Déjà, en15^7 (Cf. sur c<strong>et</strong>te date Brun<strong>et</strong>, t. a, p. 244 )» Ragotavoit pris tout à fait le caractère d'un voleur : car Noëldu Fail , faisant parler dans le chapitre 1 1 <strong>de</strong> ses Propos


,DU CAPITAINE Ragot.liîgrustiques <strong>et</strong> facétieux le gueux Tailleboudin , l'imlignefils du bon Thenot du Coing, lui fait dire : « Entrenous tous il y a trafics , monopoles , changes , banquesparlements, juridictions ,frains, mots <strong>de</strong> gu<strong>et</strong> <strong>et</strong> officespour gouverner uns en une province <strong>et</strong> autres enl'autre.—Quoi ?— Nous nous connoissons ensemble , voirsans jamais nous être vus , avons nos cérémonies propresà notre métier, amirations, serments pour inviolablementgar<strong>de</strong>r nos statuts, que feu <strong>de</strong> bonne mémoireRagot , notre anlccesseur,a tirés <strong>de</strong> beaucoup <strong>de</strong>bonnes coutumes, <strong>et</strong> avec ajouté <strong>de</strong> son esprit, auxquelsobéissons autant que faites à vos lois <strong>et</strong> coutumes, néanmoinsque les nôtres ne soient écrites. » (Ed. <strong>de</strong> M. MarieGuichard , Paris, Gosselin , iS.'p, in-12.) C'est laseule fois que Ragot est ciié par Noël du Fail , ce quin'empêche pas que l'édition <strong>de</strong> i575(Brun<strong>et</strong>, ibi<strong>de</strong>m], <strong>et</strong>aussi, selon La Croix du Maine, celle <strong>de</strong> Ljon, 1576,ne portent le titre tout à fait immérité <strong>de</strong> Les ruses <strong>et</strong>pnesses <strong>de</strong> Ragot, capitaine <strong>de</strong>s gueux <strong>de</strong> riiostière, <strong>et</strong> <strong>de</strong>ses successeurs. Dans l'édition <strong>de</strong>i633, d'après laquelleM. Michel a donné ce passage (Etu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> philologiecomparée sur l'argot, i856, p. xxxvij, note 9 , on afondu les <strong>de</strong>ux titres, <strong>et</strong> le livre s'appelle Discours d'aucunspropos rustiques , ou Les ruses <strong>et</strong> les finesses <strong>de</strong> Ragot, <strong>et</strong>c.Guillaume <strong>de</strong>s Autelz, dans sa Mitistoire baragouyne<strong>de</strong> Fanfreluche <strong>et</strong> Gaudiciton, en parle aussi :« Aprèsque Gaudichon fut sorti <strong>de</strong> Paris, il avoit plus <strong>de</strong> coillonsque <strong>de</strong> <strong>de</strong>niers, <strong>de</strong> quoy il fut très joyeux, ayanttrouve commodité <strong>de</strong> veoir ce qu'il désire tant, c'est h.sçavoir <strong>de</strong> hanter un p<strong>et</strong>it la vie <strong>de</strong>s gueux , car il fuictbon sçavoir conmie chacun se gouverne, <strong>et</strong> luy estoitbien advis que <strong>de</strong> tous les cstats <strong>de</strong> ce mon<strong>de</strong> ne luyresloit ii cognoistre que l'honorabilificabilissime manière<strong>de</strong> vivre <strong>de</strong>s coquins, laquelle il avoit tant ouy priser à


i4oLe grant Regr<strong>et</strong>ceux qui avoient aulresfois cogneu le bon compère Ragotà Paris. » (Chap. 12; p. 54 <strong>de</strong> la réimpression à60 exemplaires donnée par M. Veinant, Paris, Jann<strong>et</strong>,i85o, in-16.) On sait que la Mitistoire paroît avoirété imprimée à Lyon dès i549, <strong>et</strong> la l<strong>et</strong>tre du père<strong>de</strong> Gaudichon (p. 29) y est datée <strong>de</strong> i543. Dans leprologue <strong>de</strong>s Navigations <strong>de</strong> l'anurge il est aussi question<strong>de</strong> P>agot. L'auteur y dit qu'il veut suivre la vérité unpeu à gauche pour ne pas tomber dans un fossé <strong>et</strong> serompre la jambe , « au moyen <strong>de</strong> quoy je fusse contrainct<strong>de</strong> la suyvre à quatre paltes, ou avec <strong>de</strong>s potencesou guym<strong>et</strong>tes, comme ce vray pro]3liète Ragot. » Cedétail est curieux. Celui que donne Tahureau dans sesDialogues du Democrilique <strong>et</strong> du Cosmophite, <strong>et</strong> qui a étécité par Le Duchat, seroit encore plus curieux s'il étoitvrai. Tahureau parle <strong>de</strong>s seigneurs qui <strong>de</strong>scen<strong>de</strong>nt <strong>de</strong>bélîtres : « Tesmoin l'elegant <strong>et</strong> insigne orateur bilistralunique Ragot, jadis tant renommé entre les gueux<strong>de</strong> Paris , comme le paragon , roi <strong>et</strong> souverain maislred'iceux , lequel a tant fait en plaidant pour le bissacd'autruy ,qu'il en a laissé <strong>de</strong> ses eufans pourveus avec<strong>de</strong>s plus notables <strong>et</strong> fameuses personnes que l'on sçauroittrouver. Et qui doute que, si tels enfans sont gens<strong>de</strong> bien, toutesfois <strong>de</strong> bon esprit <strong>et</strong> secrètement meschaus,que leur richesse ne s'augmente , <strong>et</strong> qu'estantpoussez amont par le vent <strong>de</strong> quelque bonne fortune,ils ne puissent acquérir grands biens <strong>et</strong> réputation? Etvoila la personne <strong>de</strong> Ragot Monsieur, premier gentilhomme<strong>de</strong> sa race ,qui aura <strong>de</strong> beaux neveux si Dieuplaist. » (Ed. <strong>de</strong> Rouen , 1689, p. i34-5.)Au commencement du XVII" siècle le nom est toujoursemployé. D'Aubigné, dans la <strong>de</strong>scription <strong>de</strong> tapisseriessatiriques par laquelle il termine son Baron <strong>de</strong>Fœneste, le place danscelle du Triomphe <strong>de</strong> la Gueuserie :c( Les mareschaux <strong>de</strong> camp qui traînent ceste cadène


DU CAPITAINE RaGOT.l4lsont Ragot <strong>et</strong> du H:il<strong>de</strong> (celui-ci étoit le premier val<strong>et</strong><strong>de</strong> chambre <strong>de</strong> Henri III). » (Liv. 4» chap. 20, édit.M. Mérimée, p. 558.) Enfin nous empruntons à une note<strong>de</strong> M. Michel ,qui précè<strong>de</strong> celle déjà indiquée, ces <strong>de</strong>uxautres passages : « Aux arballelriers les traicts <strong>de</strong> Ragot,ferrez <strong>de</strong> <strong>de</strong>nts <strong>de</strong> poisson. » (Les eslrc'uies universelles<strong>de</strong> Tahariii, édit <strong>de</strong>s Joijeitsele: , p. lo), <strong>et</strong> dansLa response à la viisère <strong>de</strong>s clercs <strong>de</strong>s procureurs , el parmadame Choisel<strong>et</strong> <strong>et</strong> consorts , ses disciples, Paris, 1627,in-8, p. i4 :un nombre <strong>de</strong> canailles,Qui font plus que Ragot , ce grand maislre <strong>de</strong>s gueux,Que la gloire faict vivre encore parmi eux,De subtils <strong>et</strong> bons toursL'expression familière <strong>et</strong> encore usitée <strong>de</strong> faiseur <strong>de</strong>ragots , <strong>de</strong> bour<strong>de</strong>s grossières , <strong>de</strong> rabâchages , <strong>de</strong> rayot-/^r pour rabâcher, vient peut-être <strong>de</strong> notre héros, à moinscependant que le mot ne lui soit antérieur, <strong>et</strong> ne lui aitété appliqué comme surnom. Le Dictionnaire <strong>de</strong> l'Académiedonne ii rayol le sens <strong>de</strong> « qui est <strong>de</strong> pciite taille,court <strong>et</strong> gros », <strong>et</strong> par là c'est avec raison que M. Michel,qui renvoie [ibi<strong>de</strong>m, p. 35o) à <strong>de</strong>s passages oit le motest pris dans c<strong>et</strong>te acception, y voit l'origine <strong>et</strong> le sensdu nom que Scarron a donné à l'un <strong>de</strong>s personnagesridicules <strong>de</strong> son Roman comique, à Ragotin. Comme onl'a vu, Ma<strong>de</strong>moiselle du Palais appelle déjà Ragotpreud'homme ramassé.


,,,l42Le GR A NT II E GUETL'Acteur.^Uu temps passé que Justice dormoilEt gens malins avoient sus nous puis-s^'ice(^^\Wl[ rcgnoitLe temps qui court pour lors point neCar povr<strong>et</strong>é venoit en abondanceDont à présent loue la divine essanceQue vers chascun son œil a débandé \Et povresgens reçoivent leur substance ;C'est fait ainsy que Dieu l'a commandé.Dieu éternel ,plaise toy soubstenir,Entr<strong>et</strong>enir, régir <strong>et</strong> gouvernerBons justiciers, dont t'a pieu nous munirEn ce mon<strong>de</strong>, où paix puisse régner.Comme Justice a voulu l'ordonner,Dont avons veu en Paris l'ordonnance,Du povre peuple, à qui on doit donner;Avoir convient pitié <strong>de</strong> sa samblance.Plusieurs ont veu la belle <strong>de</strong>monstrance,Et n'ont voulu en rien leur corriger,Parquoy plusieurs belitres sans doutanceBattre a fallu <strong>de</strong> verge <strong>et</strong> fustiger.Ragot, sa femme, en ont eu le dangerEt sy avoient leur portion sans crainte ;Mais ,pour le mal qu'a voulu rédiger,Cy par escript ay couché sa complainte.1. Imp. : Debardé.


,,DU CAPITAINE RaGOT.i i^Cf coinmance la Complainte <strong>de</strong> Ragot , remémorantles bons tours <strong>et</strong> bonnes repuesfranches qu'avoir souloit le temps passé,<strong>et</strong> premièrement en parlant à Fortune.Ragot en complainte.Fortune ! qui jadis m'estoie mèreFortune! tu m'as <strong>de</strong>ccuOù ne trouvai tel juge ou maire ;Mais il fault que le mal digère ;Fol ne croyt tant qu'il ayl receu ;Nonobstant, sy l'eusse aperceuOu congneu, t'ait n'eusse tu-pas;Toutes tbys, c'est fait <strong>et</strong> conceu,Parquoy j'ay perdu maints repas.Le jour du grant vcndredy sainct,[JcJ commençay perdre ma proye ;Justice fait tous mes mala<strong>de</strong>s sains :Borgnes, bossus , boyteux, vont droit par voye ,Et qui plus est belle boutique avoyeDe brouelez (sic) où estoient faulx visages [(stc)";Excommuniez, esnases, foudroiez dont ma proyeSe per trop , sont p<strong>et</strong>is mes gaiges.L'un sans nez, l'autre sans sorvelle ,L'autre mala<strong>de</strong> <strong>de</strong> sainct Cosme disoitEl <strong>de</strong> tous ceulx emplaisois mon escuelle ;Grant mal me feist, car on me <strong>de</strong>struisoil ;Le plus mala<strong>de</strong> <strong>de</strong> boire <strong>de</strong>visoit;Tripes avions, p<strong>et</strong>is pâtés, grans chère ;


,,;,i4iLe GRANT Regr<strong>et</strong>De belislrcr ungchascun advisoit;Au mauvaiz vin nul ne niesloil 1 anclière.Sus les <strong>de</strong>grez <strong>de</strong> la Sainctc-Chapellc,Où ma boutique je soulois estaller,Plus je n y voys , dont par ma foy japelleTelle pratique me convient ravaller ;Aulcune foys se venoit conseillerA moy quelque [toute] jeune pucclleAulc\in gallant aussy pour me railler.11 est bien seur que jamais ne chancelle.La rue neufve, le pardon sainct Dcnys,L'autel Dieu à la chaire sainct Pierre,Helas ! helas ! j'en suis du tout <strong>de</strong>misDont j ay le cueur plus dur que n'est la pierre.Chascun à rente je prenoiz sans enquerreMala<strong>de</strong> on non, à cartcrons <strong>et</strong> centz.On dit bien vray : Qui ne peult doit requerre ;Qui perl le sien, il pert le sens.Helas! au long <strong>de</strong>s Augustins,Joignant ung mur près la rivière,J'y recevoie tant bons lopinsD'une sy gentechamberière;Messages faisoys par <strong>de</strong>rrière ;Faignant <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r pour DieuAu povre Ragot : Ma mie chèreTrouver il vous fault en tel lieu.I. On pouvoit aussi le prononcer en <strong>de</strong>ux syllabes,car dans ce volume même, p. 97, on a vu hlislres pourbelislres. On trouve aussi, t. 2 , p. 57, bellisirie pourbelistrerie.


,,,DU CAPITAINE RaGOT.i45Delà les ponlz je n'ay point <strong>de</strong> regr<strong>et</strong>;Et la raison? je n'y osoys hanter,Car, quant les aultres me tenoient en scgr<strong>et</strong>Povre chanson ilz nne faisoient chanter.Si pour messaiges m'y allois présenter,Fust pour Margot, Allison ou Tiphainne,Sy hault chanloye , il falloil <strong>de</strong>chanlC4"Et sy estoit <strong>de</strong> tous ceulx capilainne.Mille regr<strong>et</strong>z , mille souspirs,En mon cueur le jour se pormainne ;Car on m'a fait encore pisDont je suis en la grosse allainne.Car jusque <strong>de</strong>dans ma maisonOn a foullay el chassé mon gibier,Et puis feus mené en prison ;Las! se me feust gros <strong>de</strong>slourbier.Es lieux <strong>de</strong>dans le champ GaillardOn me cliarche , comme chez moy * ;Maint ma([uerellc <strong>et</strong> maint paillart,Ils font ,je vous promelz ma foy,Maquerelagos, venditions, quoy!De filles recelalionsSi font, dont je suis en csmoy,Voire par sens el millions.Si ne feust Coll<strong>et</strong>te ,ma femmeJe fusse mort <strong>de</strong> <strong>de</strong>splaisance1. Ceci est une nouvelle preuve que la pièce <strong>de</strong>s Regr<strong>et</strong>s<strong>de</strong> Ma<strong>de</strong>moiselle du Palais est postérieure auxRegr<strong>et</strong>s <strong>de</strong> Kagot, car elle s'y plaint précisément d'êtrechassée « <strong>de</strong> Champ Gaiilart <strong>de</strong><strong>de</strong>ns Copeaux. ».'. V . V. lo


i46 Grant Regr<strong>et</strong> du cap. Ragot.De perdre mon regnon <strong>et</strong> famé.Helas! helas! quelle doloancc!Mais Coll<strong>et</strong>te <strong>de</strong> sa puissanceMe reconforloit, dont conlau<strong>de</strong>La très divine precienceOui me conduye à Saincl Clau<strong>de</strong>*.J'en ai fait veu par ma mendicité ,Car nullement hanter je n'oseroieParmi Paris, en la ville ou cité,Pour pourchasser un <strong>de</strong>nier <strong>de</strong> monoie.De sur les champs j'en aquerré montjoie*.Car je sçais [bien] l'art <strong>de</strong> belistrerieEt <strong>de</strong> plistrer. Oea, pourveu que l'on m'oie,Col<strong>et</strong>te <strong>et</strong> moy feron joieuse vie.Messieurs , vueillés moi pardonnerSi j'ai regr<strong>et</strong> daller par ville ;Mains bons morceaulx on me souloit donner,Pour recompence aieu l'eslrille.1. Saint-Clau<strong>de</strong> en Franche-Comté, lieu fameux <strong>de</strong>pèlerinage, (^f. ce <strong>Recueil</strong>, t. 3, p. i3o. — 2. Imp. :Monnoie.Finis.


', , , . ,Le Testament du hault <strong>et</strong> notable hommeNommé Ragot, lequel en son viuantA affronté mainte fine personne.Achaptez lay <strong>et</strong> le payez contant 'Le préambule du Testament Ragot.Iehan Ragot , noble gueux en mon temps,Auaint <strong>de</strong> mal <strong>et</strong> peu garny <strong>de</strong> sens,ladis vaillant <strong>et</strong> liardy en bataille,' (iros, grant, fourny , carré, <strong>de</strong> belle tailleAssez l<strong>et</strong>tré, en science confit;Le plus hardy à la souppe qu'on fistEntre les gueux tenu le plus subtilPrest à repondre, bien garny <strong>de</strong> babilAssez congneu par toute la citéDelà les pons <strong>et</strong> Université ;Mais ,par fortune <strong>et</strong> nompareil dommageDame Atropos, <strong>de</strong> son cruel oullraige.1. C<strong>et</strong>te pièce, que nous avons copiée sur l'exemplaire<strong>de</strong> M. Cigongne,cst un in-8 <strong>de</strong> 4 ff-goth.. <strong>de</strong> 12 lignesà la page. Le quatrain est seul sur le recto du frontispice.


,,,i48Le TestamentMe* livre assault, <strong>et</strong> fault que je délaisseMon salverne^, mon ravant el ma blesseEt que je parle, dont j'ay le cueur dolent,Par quoy je veulx faire mon testamentEt disposer <strong>de</strong> mes possessionsAprès plusieurs belles possessionsOii j'ay usé souvent <strong>de</strong> ma pratique ,Me monstrant fort <strong>et</strong> non pas limaticque^.Pour attraper souventes foys billon,J ay excédé maistre François Villon.Quant en menaiges, j'en ay fait plus <strong>de</strong> milAyant le bruyt d'ung franc poisson d'apvril*,1. Imp. : Ma.2. Le coul«comme une salverne, dit Rabelais (livre4, chap. 3i), ce qui ne suffiroitpas pour nous en indiquerle sens, si l'on ne trouvoit dans le livre <strong>de</strong> l'Ilesonnante, chap. 35 : « Voyrres à pied, voyrres a cheval,cuveaux, r<strong>et</strong>ombés, hanapz, jadaulx, salvernes, tasses,guobel<strong>et</strong>z. » M. Michel, qui a relevé ce mot, p. 376,n'a pas connu ceux <strong>de</strong> Ravant <strong>et</strong> <strong>de</strong> Blesse.3. Lunatique (?)4. Dans la Résurrection <strong>de</strong> Jénin LanJore, que j'aicopiée à Londres :Sus que suis-je? — Poysson d'apvril.Poysson d'apvril! — VoylA le cas.— Et voyre,mais je n'entens pasQue c'est à dire. — Voicy rage.Quant on m<strong>et</strong> une pie en cage ,Que luy aprenl-on <strong>de</strong> nouveauA dire? Parle. — Macquereau.— Clerice , tu es tout gentil ;Maquereau , c'est poisson d'apvril ;Ainsi es—tu, je te le jure.{Ancien Théâtre franc ou , t. a. p. 3i.)


,,DE Ragot.Par quoy tous gueux, en prenant vostre mot,Ayez mémoire du bon [Jehan] Ragot.i49Congnoissant donc que ma vie veull fin prendre,Et que mon corps veull <strong>de</strong>venir [en] cendre,Et délaisser le train que j'ay aprins.Qui n'a plus rien l'aulruy ne sçauroit rendre;Qui a bien fait il n'est pas à reprendre;Tel veull bien prendre qui est souvent reprins.Ce nonobstant ,pour venir à mes finsDevant le peuple qui est icy présent.Tous Cor<strong>de</strong>liers , Carmes <strong>et</strong> Augustins,Gueux <strong>de</strong> Lubie, cagnardiers*, goufarins.Soyez tesmoings <strong>de</strong> mon grant testament^.Cy est <strong>de</strong>clairé en brief motLe testament du bon Ragot.celle fin que mon corps, noble <strong>et</strong> preux,^^ ^*^'''PO"''''y ^^ consommé en terre,fÈ^^M>Kfe3\^ Par quatre ou cinq <strong>de</strong>s plus notables gueuxDu grand [coesre ?] je comman<strong>de</strong> <strong>et</strong> syEstre eslevé en ymage <strong>de</strong> pierreEl par compas ou plomb<strong>et</strong> ou esquierre.Au tour <strong>de</strong> moy seront tous mes miracles ,[veux1. Cf. ce recueil, t. i, p. 3ii.2. Comme on verra, ce testament est une iinitatiou<strong>de</strong> ceu\ <strong>de</strong> Villon, ce que l'expression eniiiloyée <strong>de</strong> mongrant testament rend plus évi<strong>de</strong>nt encore. Le Testament<strong>de</strong> Taste-Vin ,que nous avons donné dans notre troisièmevolume, en venoit aussi.


,,,,,i5oLe TestamentA celle fin qu'en toutes habitaclesA tousjours mais [il] soit fait mentionDu bon Ragot la conversation.Quant <strong>de</strong>s membres pour m<strong>et</strong>tre en reliquaireJe considère qu'il est bien nécessaireEn délaisser à ces bons Augustins,Car maintes foys ont eu <strong>de</strong> mon affaire.Par quoy icy. sans qu'en rien je diffère.Je vculx penser sourvenir à leurs fins;Pour apprendre à tromper les plus finsEt assembler d'argent une grant masse.Je laisse [à eux] mes secrelz tant divins,Et ma langue pour m<strong>et</strong>tre [en] une chasse.D'autre costé , affin que chascun sacheDe mon dccèz la pure véritéJe délaisse à toute bonne placeDe mes pinsons* une grant quantité,Et tous ceulx[-là] qui <strong>de</strong> mendicitéVeullent vivre <strong>et</strong> faire les grans chèresJe leur laisse ,pour leur nécessité ,Mon brevière où sont tant <strong>de</strong> prières.Tous grevarains, marau<strong>de</strong>s , cagnardièresQui <strong>de</strong> prier ne sçavent la façonLisent <strong>de</strong><strong>de</strong>ns mes livres ou brevièresSouventes fois ; apprendront leur leçon.I . C'est-à-dire voleurs :Car vostie argent, trop débonnaire princeSans point <strong>de</strong> faulte est suj<strong>et</strong> à la pince.(Cl. Marot, Epitre au roi pour avoir été dérobé, éd.Lengl<strong>et</strong>-Dufreinoy, in-4, t. 1, p. ^5i..)


,,,, ,DE Ragot.i5tGens affolez , sans sens <strong>et</strong> sans raisonQui dans les boes sont couchez comme veaulxLisez mes fais sans faire mention :Vous trouverez tout plain <strong>de</strong> faitz nouveauls.A celle fin que <strong>de</strong> moy soit mémoire,Je veulx laisser à perpétuité ,Sans nullement penser à vaine gloireTous mes livres à rUniversilé ,Et qui plus est, esmeu <strong>de</strong> charité,Je délaisse humblement ma cervelleSur les <strong>de</strong>grez <strong>de</strong> la Saincte-Chapelle.Après aussi , considérant le cas ,De Chastell<strong>et</strong> je ne veulx oublierCes procureurs <strong>et</strong> jeunes advocalz ;Affin d'aller plus visle que le pasJe leur laisse <strong>de</strong>s muUcs en yver,Et, davantaige je propose laisserA ung grant tas <strong>de</strong> poslulans en court.Des biens assez tout prestz à emprunter,Jcusner souvent quant leur argent est court.A tous vrais gueux qui brouent<strong>de</strong>ssus le gourt 'Je leur laisse, pour toute recompense.Mon kalendrier: car, soit mu<strong>et</strong> ou sourt.Borgne , boiteux , contrefait, tort ou court11 trouvera <strong>de</strong>dans toute science.Et à tous ceulx qui ayment la pience^1. Cf. le Diclionnaire d'argot, p. 75 <strong>et</strong> 194.a. Qui aiment à boire. On a souvent vu dans ce recueil


,i52LeTestameistJe leur laisse, pour souverain butin,A <strong>de</strong>sjuner, sans aucune dispence,Quatre jambons <strong>et</strong> six flacons <strong>de</strong> vin.Aux mendians qui vont par le cheminSans porter croix daulbertS ne pied, ne hernie.Je veulx escripre <strong>de</strong>dans mon parcheminQue je leur donne ma blesse <strong>et</strong> salverne;A tous gallans qui vont à la taverneEt n'ont argent pour y laisser ne gage,Au lieu <strong>de</strong>picque, hallebar<strong>de</strong> ou guisarme,Ils porteront l<strong>et</strong>tres d escorniflage^.Aux nourrices <strong>et</strong> femmes <strong>de</strong> mesnageJe veulx laisser, afin qu'ilz soient contentes.Mon billouart ' pour leur faire <strong>de</strong>s tentes.Du résidu <strong>de</strong>s membres démon corpsJ'ay ordonné que tout soit inhuméEn grant honneur, sans <strong>de</strong>batz ou discorsPar mes suppotz, au lieu que j'ay nommé.les mots pier,pion<strong>et</strong>iiiot, dans le sens <strong>de</strong> boire, <strong>de</strong> buveur<strong>et</strong> <strong>de</strong> vin.1. Je sçay ma jacqu<strong>et</strong>le engagerQuand je suis d'baubert un peu niinse.Le Varl<strong>et</strong> à louer (dans ce iiecueil , t. i, p. 80).Cf. aussi la Farce <strong>de</strong> Marchandise (dans l'AncienThéâtre français, t. 3, p. afio).2. Onconnoît la l<strong>et</strong>tre d'Escorniflerie par Jean d'Abondance.Notre ami Ed. Fournier a publié, dans ses Yariéléslilléraires, t. 4, p. 47-5?, une l<strong>et</strong>tre d'Écornifleriequi en est un remaniement postérieur.3. Rabelais dit bitloual. Cf. les Erolica verba, dans leglû3saire <strong>de</strong> <strong>de</strong> l'Aulnaye.


,,,DE Ragot.Quant au regard <strong>de</strong>s biens qu'ay amassezTant en chasteaulx, en villes <strong>et</strong> citez,Je les laisse à mes hoirs <strong>et</strong> parensi53De quoy seront trcstous recompensez ;Quattro vieulx poiz <strong>et</strong> <strong>de</strong>ux voirres cassezMes vieulx procès ,principal <strong>et</strong> <strong>de</strong>spens.Leshaulx faiz d'armes que jay fait en mon tempsSont registrez en la Gran<strong>de</strong> Cronicque ;De doulx poyson j'ay servy maintes gensEn plusieurs lieux, nuyt <strong>et</strong> jour, en tous temps:Chascun se mesle [d'user] <strong>de</strong> sa praticque.Quant au regart <strong>de</strong> mes habillemens ,De mon manteau , <strong>de</strong> mon savon branlantJe [les] laisse aux Quatre- Mendiaus ;De pieçà sont ordonnez pour telz gensPour les resouldre <strong>et</strong> bouter en avant;Mes haulx tapis que j'ay boutez <strong>de</strong>vantAux bonnes festes auprès <strong>de</strong>s Auguslins,Je les laisse à ces povres cocquinsPour estaller <strong>et</strong> tenir leurbouticque:Chascun se mesle d'user <strong>de</strong> sa praticque.Quant <strong>de</strong>s grisons ^ que j'ay tant démenez ,Sur la dure fait trotter cinq <strong>et</strong> quatre ,J'ay proposé qu'ilz seront ordonnezAux mé<strong>de</strong>cins , car je les ay donnezAux Jacopins pour souvent leur esbatre.Probablement les poux.


,,,,i54Le Testament <strong>de</strong> Ragot.Ce nonobstant , sans en faire <strong>de</strong>batreTous caignardiers en seront possesseurs :Les disciples ensuyvent les docteurs.Pour faire fin <strong>de</strong> mon grand testamentEt qu'en bref temps soit monstre à chascunOn peult gaigner, pour tout vray qui ne ment,Quatre bottées plaines <strong>de</strong> vray pardon ,Et , qui plus est , ma bénédictionQui vault beaucoup. Je donne ung plain potA tous ceulx-là qui, par dévotion,Escouteront le testament Ragot.Finis.


.,,i55Dialogue plaisant <strong>et</strong> récréatifs entremeslé <strong>de</strong>plusicurfi discours plaisons <strong>et</strong> facétieux enforme <strong>de</strong> Coq-à-VAsne^QUATRAIN.Lecteur, qui que tu sois, auras pour agréable,S'ilte plaist, <strong>de</strong> bon cœur ce livr<strong>et</strong> <strong>et</strong> recueilQui t'est [cy] présenté comme un m<strong>et</strong>s délectable.Ne luy refuse point ton gracieux accueil.Inlerlocitleurs : P, DP.'ay veu, n'a pas long-temps, la fortuneimprosporc[nully.Se jouer <strong>de</strong> plusieurs <strong>et</strong> n'cspargnerN'est-ce pas hors saison recevoir <strong>de</strong> son[pèreLas ! ô Dieu ! que diray-je, grant tristesse <strong>et</strong> ennuy ?Quel exemple, bon Dieu ! peut avoir aujourd'huyLa mondaine jeunesse qui par-cy va errant?Vous verrez que partout elle sera hors d'esmoy,Voyant quitter le droit, abandonner la foy,i. Nous reproduisons c<strong>et</strong>te pièce d'après l'édition,avec titre encadré, publiée « à Rouen, chez Loys Costé,libraire, rue Escuyôrc, aux trois ff-f couronnées »,4 ff.in-8. Elle a été reproduite dans les Joyeusctez , t. 9,en jo pages, mais avec l'indication à Paris : <strong>de</strong> sorte que


—i56Dialogue plaisantS'appuyer bien souvent sur un peuple ignorant,Sans cesse varier, pire que par <strong>de</strong>vant :Voilà ce qu'il m'en semble, ruminant à par moy ^.D.Je vous diray présentementCe qui en est [en] un moment.P.Or, dites-donc, sans plus tar<strong>de</strong>r.D.De ce ne pourrez ignorer.P.Je m'esbahis d'ainsi voir l'ignorantEstre sur tous prisé <strong>et</strong> révéré,Et plus qu'un Dieu le voir mieux adoré.Or n'est cela pource qu'argent comptantIl a en main : il en fault donc avoirSi voulez estre dit homme <strong>de</strong> sçavoir.D.C'est pitié quand comman<strong>de</strong>mentnous ne savons si c'est d'après la même édition, ou sice mot à Paris ne remplace pas l'indication <strong>de</strong> Costé.Quant à la pièce elle-même, il se pourroit bien qu'elleeût comme origine une ancienne farce qui y seroit misérablementmise en pièces. On se faisoit peu <strong>de</strong> scrupule<strong>de</strong> piller les farces. Ainsi dans une pièce <strong>de</strong> ce volume,le Caqu<strong>et</strong> <strong>de</strong>s Chamberiéres,ïes quarante-quatre versqui commencent : Je te diray ceste bigotte ( p. 79-80 )viennent <strong>de</strong> la Farce <strong>de</strong>s Chamberiéres qui viennent à lamesse <strong>de</strong> cinq heures. Cf. Ancien Théâtre François ., t. a ,p. 436-39.1. Ce coupl<strong>et</strong> est peut-être un sonn<strong>et</strong> mal transcrit,dont le second quatrain n'a plus que son premier vers.


,,ET RECREATIF,lOJN'est point gardé en aucun lieuEt sans cesse blasphème-[on] Dieu.Ne craignant point son jugement,Se parjurer en escient,Dissimuler bien proprement,Se dire habile plus que cent,Empeschcr d'un chascun l'affaire ,Faire mourir un populaire,Cela sçail uns, las ! trop bien faireQue je ne nommes à présent.P.Despeschons <strong>et</strong> serrons bagage ;11 me fault bien tost avancer;De grâce , vous me ferez sageDe me dire , sans varier,Qui est ccluy-cy qui comman<strong>de</strong>.D.C'est un qui vient sans qu'on le man<strong>de</strong>.P.Mais que veut-il maintenant dire?D.Il est sans cesse remply d'ire,Voulant un chacun contredire.Et dit qu'il n'est pas question ,Se présentant l'occasionPour ladvenir <strong>de</strong> recevoirCeux que l'on voirra comparoir.P.Raison ! Je n'entens mot (à) son dire ;C'est sa couslunie <strong>de</strong> mesdire;


,i58Dialogue plaisant[Tout maintenant] je le voy bien;Doresnavanl il doit eslireAutre suj<strong>et</strong>, car cesluy ne vaut rien.D.Il n'y va <strong>de</strong> bond ni <strong>de</strong>) voilée.Et me rapporte à l'assembléeSi cela mérite avoir lieu.P.Mais à propos, parlons du jeu ;Voulez -vous faire une partie?Je suisD.content; que voulez-vous?P.Que toutes choses my partiesS'accommo<strong>de</strong>nt mal entre nous tous.D.Vous estes un granl faint-neant;Je m'asseure que pour néantN'estes dit tel ; mais cependantNe <strong>de</strong>meurons en bon chemin.P.C'est assez brouille[r] parchemin.D.Esbahy suis d'un entre tousQui se voit si souvent jalouxQuand il oy parler du public.P.Faut-il donc plus parler <strong>de</strong> trie ?


ET RECREATIF.iSyD.Encore moins d'aucun eslrif.P.la chose plaisante <strong>et</strong> belleA riiomme vivre gayementEt qui peut, sans aucun payement,Rire bien à point avec elle !D.Vous changez <strong>de</strong>sjà <strong>de</strong> propos.Maintenant vous disiez merveillesEt <strong>de</strong> vray choses nompareillesQu'il vous plaira dire en brefs mots.P.J'avois choisi un argumentAssez plaisant, <strong>et</strong>, pour certain,Je mattendois sçavoir commentJe pourrois parvenir à gain.D.Tout à coup voulez estre sage;Estes-vous jà en mariage?,P.Oui ,par ma foy, <strong>et</strong> si avantQue j'en tombe presque <strong>de</strong>vant,Et plus ne me peux soustenir ,Ni la mignonne entr<strong>et</strong>enir.D.Si vous avez esté jadisHomme <strong>de</strong> bien loin, se dit-on.Plusieurs <strong>de</strong> ce trop esbahisNe le sont pas sans grand raison.


i6oDialogue plaisantP.Je suis saisi <strong>de</strong> malle tache ;Ce n est sans cause ,je le voy,Et m asseure que la pela<strong>de</strong>Je n ay gaigné avec le doy.D.Est-ce point quelque mal <strong>de</strong> reinsDe quoy si souvent tu te plains?P.Nenny, ma foy, ce n'est qu'un flus,Duquel suis presque toutD.reclus.Là, là, ce n'est pas [un] grant cas.P.Non , si j'avois quatre ducatz ;Ce me pouroit un peu ai<strong>de</strong>rPour l'apolicaire <strong>et</strong> barbierPayer, pour ne sçay quelle drogueA moy baillez pour la verolle ;Et <strong>de</strong> sçavoir là où ce fustQue la gaignay, ma foy ne sçay ;Je sçay fort bien qu'entre <strong>de</strong>ux culsCela se congnoist a l'essay,Qu'on la peut gaigner quant <strong>et</strong> quant ',Et par ce diable <strong>de</strong> <strong>de</strong>vant,Duquel on ne peut se saouler,1. L'imprimé ajoute ici, à la fin <strong>de</strong> la ligne, la syllabeBu, qui, si elle n'est pas une faute d'impression,en ma-peut être l'indication d'une exclamation à fairenière <strong>de</strong> jeu <strong>de</strong> scène.


ET RECREATIF.l6lEt tout pour avoir bricoUéAvec une jeune guenon.Qu'au diable soit la nation ,Et l'heure, <strong>et</strong> l'assignation !Tout <strong>de</strong> ma bourse j'ay vuidéEt mon corps pas trop empiré.D.n'est que la présence honnesieIlDe l'amie au vray besoin,Et ne peut-il ,qui n'en a point,A sa mignonne faire feste.P.Il sera donc réputé beste.Pourquoy?D.P.Pour n'avoir peu bien satisfaireD'avoir aussi mis à ce faireUn gros lourdaut <strong>et</strong> faint-neantQui n'a puissance <strong>de</strong> bien faire.Aussi le fait-il pour néant.Fin.P. F V.


lG2Le Rousier <strong>de</strong>s Dames, sive le Pèlerin cTAmours,nouvellement composé par messireBertrand Besmarins <strong>de</strong> Masan * .UActeur à son très singulier amy messireJehan Serre, <strong>de</strong> Carpentras"^,vm ogitant à par moy, ces jours <strong>de</strong>rniere-|j^ ment passez, par ta trop diuturne absence,en quel estât te pouvois <strong>de</strong> présenttrouver, ignorant la obstaculepar lequel la main a esté par si longue espacelente à nous faire sçavoir le train <strong>de</strong> la tienne in-1. Duverdier, qui a un article sur Bertrand Desniarins,cite <strong>de</strong> lui c<strong>et</strong> ouvrage, <strong>et</strong> aussi un autre volume,nommé Les cinq parcelles d'amours , imprimé cliez DenysJanot, Paris, 1539, in-16, qu'on n'a pas encore r<strong>et</strong>rouvé.Du Rosier <strong>de</strong>s Dames on ne connoît qu'un exemplaire,«^ui vient <strong>de</strong> la vente du baron d'Heiss (catalogue <strong>de</strong>1785, n° a56), <strong>et</strong> qui a été récemment réimprimé en facsimilépar M. Auguste Veinant (in-32 gothique <strong>de</strong> 26feuill<strong>et</strong>s, tiré à 62 exemplaires. Paris, Jann<strong>et</strong>, iSSa).C'est d"après c<strong>et</strong>te réimpression que nous pouvons ledonner a notre tour à nos lecteurs. Nous remarquerons


Le Rousikr <strong>de</strong>s Dames.iG3columité, certainement le mien aggreste calamec'est voulu ingérer à toy rescripre , dont, congnoissantle tien optatif vouloir estre procline àentendre choses nouvelles, suis esté d'acord avecma affectante voulentë ,que à ce faire continuellementm'instimuloit , te faire sçavoir pour récréation<strong>de</strong> ton curieux enten<strong>de</strong>ment ung nouveaucas compris dans ce p<strong>et</strong>it opuscule ,lequel lisantplus amplement luy pourra estre <strong>de</strong>clairé , nonobstant que Taye voulu abbrevier,non que parcrainte d atidier les lecteurs ou auditeurs d'iceliuy,lesquelz humblement supplie que leur bon plaisirsoit vouloir excuser mes incongueuz <strong>de</strong>ffaulx <strong>et</strong>linalimphées erreurs, suppliant aussi la très clémentegrâce <strong>de</strong>s dames que si leur dis nullementque le titre porte Desmarius . <strong>et</strong> non Dcsmarim ; maisnous suivons plutôt rorthographe <strong>de</strong> Duverclier. Quantau nom <strong>de</strong> Masan, dont il fait suivre son nom, ilya <strong>de</strong>ux localités <strong>de</strong> ce nom en France, l'une à neuflieues <strong>de</strong> L'Argentière , dans l'Ardèche, Fautre aunelieue <strong>et</strong> <strong>de</strong>mie <strong>de</strong> Carpentras. C'est celle-lii dont il s'agitévi<strong>de</strong>mment.2. Marot a écrit une épitaphe d'un Jean Serre, excellentjoueur <strong>de</strong> t'arces, <strong>et</strong> l'auteur du Banqu<strong>et</strong> <strong>de</strong>x Cham—briéres a parlé aussi <strong>de</strong> son talent (Cf. ce <strong>Recueil</strong> , t. 2,p. 285-86) ; mais nous ne savons pas plus qu'alors sice Jean Seire,<strong>de</strong> Carpentras, étoit le môme personnage.Cela est possible, puisque Desmarins a imprimé ix Paris.Quant a. celte dédicace, on la croiroil écrite par l'écolierlimousin ; il est impossible <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre plus <strong>de</strong>conscience à «<strong>de</strong>spumer la verbocination latiale». Jen'ai pas besoin <strong>de</strong> faire remarquer a quel <strong>de</strong>gré on r<strong>et</strong>rouveici l'iniilalion du Roman <strong>de</strong> la Rose.


,,,,iG4Le RousiERchose qui leur soit <strong>de</strong>splaisante ,que leur plaisenioy benignement pardonner <strong>et</strong> non point furieusement<strong>et</strong> par vigueur increper, car je n'entendsdire d'elles aultrement, sinon tout ainsi que j'enpuis congnoistre la vérité.Le Pèlerind'Amours.'ng jour, pensif, plain <strong>de</strong> tristesse,Estant en dueil moult endurcy,^ Cherchant par tout trouver lyessePour m'eslongner d'ung tel soucyEt pour monstrer <strong>de</strong> tout cecy,D'aller en ung pellerinaigeJe proposay, bien loing d'icy,Passant au boys par mon soulaige.Quand fus au boys, sous le feullage,Estant assis sous la verdure,Mon dueil ailleurs print son passaige,Dont à gaudir soudain mis cure,Tant que la nuyt estoit obscureAins que laissasse ces beaulx lieuxAusquelz jadis le dieu MercurePrint maint repos avec les dieux.Je ne croy point que soubz les cieulxSe trouve un lieu plus plaisantPlus mignon ne délicieux,Car celle joye est produisant,Jadis Paris n'pstoit gisantQuant livra la pomme à Venus


,,DES Dames.iC5Dont c'est le lieu qu'est moult duisantA ceulx qu'Amours a maintenus.C'est le lieu là où PiramusDcvoit trouver dame ThisbéeLà où , comme dit OvidiusS'occirent tous <strong>de</strong>ux d'une espée.Bien fut mauldicte l'assembléeDe ces <strong>de</strong>ux loyaulx amoureux,Ausquelz la vie fut embléePar ung couvre-chef malheureux *,1. L'histoire <strong>de</strong> Pyrame <strong>et</strong> <strong>de</strong> Thisbé, qu'Ovi<strong>de</strong> n'acertainement pas inventée, lui a dû toute sa fortune, <strong>et</strong>c'est parcequ'elle figure au liv. 4 <strong>de</strong>s Métamorphosesqu'elle a été si souvent reprise <strong>et</strong> imitée. Les indicationsqui vont suivre paroîtront peut-être déjà trop nombreuses,<strong>et</strong> sans aucun doute elles sont encore bien incomplètes.Leyser [Hisloria po<strong>et</strong>arummedii xvi, p. 2086<strong>et</strong> 2088) a donné <strong>de</strong>ux poèmes latins du moyen âge surce suj<strong>et</strong>. Gracian Dupont, faisant une allusion à c<strong>et</strong>tehistoire, cite en marge Architrenius, lib. llll epigrammat.Ce doit être le poème écrit sous ce titre par Jean<strong>de</strong> Hauteville, qui vivoit sous Philippe-Auguste, <strong>et</strong>dont l'ouvrage, dirigé contre les vices du genre humain<strong>et</strong> divisé en neuf parties, fut imprimé à Paris en 1617.Au XV'ï siècle on le r<strong>et</strong>rouve dans <strong>de</strong>ux sennonilaireslatins ,cités par M. Robert dans son édition <strong>de</strong>s fables<strong>de</strong> La Fontaine, l'un allemand, Johanncs Gristch (sermon33\ <strong>et</strong> l'autre , Jacques <strong>de</strong> Lenda , franciscain quiprêchoit à Paris ^folio 64). Gracian Dupont citoit encoreSlroza paler , lib. I Erolicorum : c'est Titus VespasienStrozzi, prési<strong>de</strong>nt du conseil <strong>de</strong>s douze <strong>de</strong> Ferrare,mort en i5oi, <strong>et</strong> dont les poésies latines ont été publiéesen i5i3, avec celles <strong>de</strong> son fils Hercule, par Ai<strong>de</strong>


i66Le RousierForccnné , lyon furieux ,Par quelle raison as- lu prisLe couvre-chef? Car vaulsist mieulx,Maiiuce. Enfin Dreux du Radier (Bibliolhèqiie du Poilou,nouT. <strong>et</strong> liv. 3 , p. 86) nous apprend que Gilbert Banchereau, <strong>de</strong> Poitiers ,qui vivoit à la fin du XV|e siècle,avoit a. 22 ans écrit un poème <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> neuf centsvers sur ce suj<strong>et</strong>, dont au XVIe siècle on s'est beaucoupoccupé , <strong>et</strong> jusque dans les Flandres, puisque MathieuCasteleyn ,poète flamand <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te époque , en afait un poème qui se trouve dans l'édition <strong>de</strong> ses œuvrespubliée à Rotterdam en 1616. Quant aux François,il faut citer d'abord la traduction en vers <strong>de</strong>s Métamorphosespar Philippe <strong>de</strong> Vi!ry, sans s'inquiéter <strong>de</strong>straductions postérieures , <strong>et</strong> le fabliau <strong>de</strong> Pyramus <strong>et</strong> <strong>de</strong>Tisbé publié dans les fabliaux <strong>de</strong> Méon (t. 4, p. 326-354). Au XVIe siècle, Gracian Dupont (Controverse dusexe féminin, fol.172) parle <strong>de</strong> Tliisbé, non plus avecéloge, mais seulement comme suici<strong>de</strong> <strong>et</strong> dans l'énumération<strong>de</strong>s femmes qui se sont tuées :De la belle Tisbé, amye <strong>de</strong> Pyramus.Helas ! Tisbée , <strong>de</strong> beaullé souveraine,Unand Pyramus veiz près <strong>de</strong> la fontayne ,Ne fuz-tu pas inhumaine amoureuseDe le tuer, <strong>et</strong> très que malheureuseDe son espèe le meurlriz laschement.L'ont es dampnéc , comme croiz fermement!Pour Amadis Jnmyn ,qui a écrit l'histoire en vers élégants(les Annales l'oéliqnes en ont cité quelques uns,IX, 196); pour G. De la Roque (Œuvres, 1087, p. 34i),ils en sont revenus à Ovi<strong>de</strong>, sans y mêler, comme GracianDupont, <strong>de</strong> sentiment par trop chrétien. Je ne feraiqu'indiquer le récit <strong>de</strong> La Fontaine dans ses Filles <strong>de</strong>Miilée — il est dans toutes les mémoires , — <strong>et</strong> , après


,DES Dames. 167Las! qu'Atropos te eut surpris;D'ung chascun tu en es repris,Dont tu seras [tout] fulminé ;avoir rappelé la complainte qu'on imprime encore àEpinal, je passerai aux pièces <strong>de</strong> théâtre, celle <strong>de</strong>Théophile, jouée en 1617; la pièce en prose <strong>de</strong> Pug<strong>et</strong><strong>de</strong> la Serre, imprimée en i63o; la tragédie <strong>de</strong> Pradon,jouée en 1674; l'opéra <strong>de</strong> Jean-Louis-Ignace <strong>de</strong> la Serre,sieur <strong>de</strong> Langla<strong>de</strong> ,joué en 1726 avec la musique <strong>de</strong>Rebel <strong>et</strong> Francœur, <strong>et</strong> souvent repris; les parodies quien furent faites en 1726, 1740 <strong>et</strong> 1759 (Cf. Dictionnaire<strong>de</strong>s Ihéâlres, in-i2,t. 4? 1767, p. 3o8-3i5, <strong>et</strong> Anecdotesdraynatiques, in-ii, 1. 1, 1775; p. 76-77), <strong>et</strong> enfin un<strong>et</strong>ragédie en trois actes <strong>de</strong> M. E. Bruneaux, du Havre,imprimée chez Barba en 1823.En italien, il faut rappeler que la moitié du chant 29<strong>de</strong> VAmoTosa Yisione <strong>de</strong> Bocace est consacré à ce récit,<strong>et</strong> qu'il existe un poème en ottava rima appelé loInnamoramento <strong>et</strong> la Morte di Piramo <strong>et</strong> Tishc , dont M.Libri possédoit quatre éditions anciennes (Cf. son catalogue,n"' 1144 à 1147'. Conmie Bocace en avoitparlé, Chaucer ne pouvoit manquer <strong>de</strong> s'en occuper aprèslui. Aussi, dans son poème intitulé the Legend of ijoodwomen , une d'elles, c'est la secon<strong>de</strong>, est the Legend ofTisbe of Babilon [Works of Chaucer, London , Moxon1843, gr. in-8, p.4i5-4i7). Sous le rapport dramatique,l'Italie n'a qu'une malheureuse Tisbe, componimeulo permttsica, jouée à Ferrare en 1697 (Allacci , Drammaturgia,1755, in-4, col. 768), <strong>et</strong> l'Angl<strong>et</strong>erre n'auroit rien siShakespeare n'en avoit fait l'étourdissante para<strong>de</strong> que,dans le Songe d'une nuit d'été, les charpentiers d'Athènesrépètent au travers <strong>de</strong>s féeries d'Oberon <strong>et</strong> jouentsérieusement <strong>de</strong>vant Thésée. L'esprit du maître paroîtavoir donné le ton, car dans les Thealrical remembrances,


,,,,i68LeRousierMais pendant' ce lieu <strong>de</strong> hault prisFut alors moult contaminé.Quand j'euz plus avant cheminéAprès que la nuyt se décline,Et que je fus illuminéPar Aurora la matutineUne religion carmeline^Je vis <strong>de</strong>vant mon auctentique ;D y aller tost je fis estimePour ouyr messe sans replicque.Quant je fuz là ,je vis vrayementLes religieux du monastèreQui servoient Dieu dévotementEn ordonnant <strong>de</strong> leur mistère ;Hz lenoient la vie austèreEt leur église bien parée ;Certes cecy je ne veulx taire.Car elle cstoit moult décorée.Lors qu'euz fine mon oraisonVouloir me print soubdainementpubliées parEgcrton en 1788, je ne trouve sur ce suj<strong>et</strong>que <strong>de</strong>ux pièces (Cf. p. i46 <strong>et</strong> 194). L'une, <strong>de</strong> RichardLeveridge, jouée en 1716, est a comic niasque,e\. l'autre,anonyme <strong>et</strong> jouée en 1746, est a mock opéra. Du reste, sisur ce suj<strong>et</strong> <strong>de</strong> Pyrame <strong>et</strong> <strong>de</strong> Thisbé il y a quelque cliosequi puisse être considéré comme hors ligne, ce n'estrien <strong>de</strong> sérieux, ce n'est ni Ovi<strong>de</strong>, ni La Fontaine, maisla fantaisie <strong>de</strong> Shakespeare.1. Cependant.2. Un couvent <strong>de</strong> carmes. On dit encore entrer en religion.


,,, ,,,DES Dames.i6yD'aller visiter leur maisonLaquelle estoit honnestcment.Je la vis [tout] vrayementJusques à la bouteiilerie ;Mais moult <strong>de</strong>siray gran<strong>de</strong>mentDe visiter lenfermerie.Toulesfoys les chambres <strong>de</strong>rrièresCertainement d'eulx entendisQu'elles estoient les enfermièresDont resembloit ung paradis;Cent mille foys plus que ne disEstoient belles, je vous promelz ;Le château <strong>de</strong> Priam jadisNe fut si beau oncques jamais.Puis, quant vint sur l'heure <strong>de</strong> nonne,Je me partis <strong>de</strong> ce convent,Et par le boys tournis en sommeAutant parfont que paravant;Mais puys en bricf je vis <strong>de</strong>vantDe mon chemin ung beau repaire.Auquel les amans bien souvent,Sans mal penser, se vont r<strong>et</strong>rairc.Mais ,puis que j'y fus arrivéMon cueur fut rempli <strong>de</strong> plaisanceCar <strong>de</strong>vant Thuys y ay trouvéDeux mais, qui sont par excellence.Toutesfois y avoit différenceCertainement en quantité ;Car l'ung n'estoit point, sans doubtance,Plus grant que l'autre , en vérité.


,,170 LeRousierSur le plus grand ,par sainct GermainVis ung enfant sumptueusemcnt,Qui tenoil ung arc en sa main,Frappant le cueur d'ung pouvre amant:C'estoit Cupido, vrayement,Comment je croy, point n'en lais doubleLequel en tous lieux seurementAmoureux [fort] craint <strong>et</strong> redoubte.Sur l'autre p<strong>et</strong>it may qu'ay ditA voit ung cucur dans une presse \Signifiant sans contreditQu'on eust mercy <strong>de</strong> sa <strong>de</strong>stresse.Tantost du logis la maistresseS'apparust, par quoy, sans redit,Moy <strong>de</strong>monstranl ceste noblesse,Comme s'ensuit moy respondil.L'IloSTESSE DES AmOCHS.Gay pèlerin. Dieu vous doint joye,Honneur, santé, aussi liesse!Quel chemin est, aussi la voye,Où vous allez? Où est l'adresseQue vous lirez? Vous fais promesseDe le sçavoir ay granl désir.Repensez voslre gentillesse,Et <strong>de</strong>visons, s'avez loysir.Le Pellerin.Dame ,puis qu'est votre plaisirDe scavoir où prens mon voyage1. Sous un pressoir.


,,,DES Dames. 17;Dire ne vous veulx <strong>de</strong>splaisirCar j ay juré dans mon courageN'en dire rien à personnageTant soit <strong>de</strong> grand auctorité :Car ung amant n'est tenu saigcSe dans son cueur n'a loyaulté.L'HOSTESSE.Certes, il est bien vérité,Et ce que dictes point ne nye :Amant qui n'a fidélité11 est remply <strong>de</strong> villennie;Mais loutesfoys je vous supplieQue je sache voslre pensée ;Dictes-la-moy ,je vous emprieNe vers quel part est adressée.Le Pellebin.Très voulentiers le vous veulx dire,Moy promeclant premièrementQue à tous, mais sans contredire,Vous le tiendrés secrètement.Par quoy saches certainementQue vois au veu <strong>de</strong> jouyssancoPour obtenir entièrementT)e mes amours quelque allégence.L'HoSTESSE.Avez-vous ferme espéranceDe obtenir alleigementDe vos amours? Sans point doubtanco.Vous souffrirez donc maint tourment;Car il y a maint empcschcmcnl


,,,LeBousierQui empcschera vostre entente :Qui vcult jouyr liabondaniment,Fault que aye grâce <strong>et</strong> bonne rente.Le Pellerin.De tout cela suis indigent;A ung cliascun est trop publicque;Je n ay grâce , or ne argent ;Mais Doulx-Espoir par sa praticqueMe conduyra , car je m applicqueSuyvre son train seignourieulx.Espoir me tient , espoir me picque ,Attendant <strong>de</strong> luy avoir mieulx.L'HOSTESSE.Si vous plaist , laissons ce propos ;Mais dictes-moy, je vous suppliePrenant icy vostre reposVostre bourdon que notifie ?De le sçavoir ay t'anlasie ;De bleu <strong>et</strong> d'or est oolouré ;Par quoy , dictes que signifieDont ainsi soit biscoloré ?Le Pellerin.Le bleu loyal est figuré ,Quoy que soit dict par Malle-Douche,Et l'autre part,où est douré,Dit que com l'or ne craint reprouche.Dont, si par chemin point m'aprouche,Faulx-Raport le felonnieuxQue les amans durement toucheLe frapper sera curieux.


DES Dames. 178L'HOSTESSE.Entendre veulx par quel raysonVoslre chapeau est taint <strong>de</strong> noir ;Aulires couleurs ont mleulx saisonAux amoureux, à dire voir.Semblablcment vouldrois sçavoirDe Yostre manteau la substance,Qui est tout blanc: vostre pouvoirDonner m'en peult la congnoissance.Le Pellbrin.Le chapeau noir fait <strong>de</strong>monstranceQue ung amant qu'aymer pourchasseDoibt avoir moult ferme constanceQuant <strong>de</strong> sa dame a la grâce ;Ung qui d'amours poursuyt la chasse,Et en aymant est bien amé,Doit maintenir en toute plasseCelle qui Tayme ,ou est blasmc.Mon manteau blanc est dénotantEn toutes pars humilité.Car vraycment, com est patent,Orgueil n'est fors que vanité.Ung amant doibt pour véritéEstre plaisant <strong>et</strong> gracieux ;Si orgueil l'a supeditô,Sera hay com vicieux.L'HOSTESSE.Je m'esbahys semblablcmentPour quoy portez voslre boug<strong>et</strong>tc


,174 LeRousierTainte aussi visiblcmenlD'une belle couleur viol<strong>et</strong>tePareillement vostre jasqu<strong>et</strong>te ;Dictes -moy aussy, s'il vous plaist,Pourquoy <strong>de</strong> crystallin est faicte,Ains que <strong>de</strong> boys est plus parfaict.Le Pèlerin.D'amans avez veu à foysonEt en avez logé souventIcy, <strong>de</strong>dans voslre maison ,Et cecy n'estes point sçavant :Ung pèlerin qui va rcsvantEl jour el nuyct parmy le mon<strong>de</strong>,En ce que querez si avantEst-il possible que respon<strong>de</strong> ?L'HOSTESSE.Je vous diray où je me fon<strong>de</strong>.Par quoy vous <strong>de</strong>man<strong>de</strong> ce cas;Je prie à Dieu qui me confon<strong>de</strong>Si vis jamais ung tel tracas ;Tous les amans n'enten<strong>de</strong>nt pasD'amours la finesse entière,Dont, ains qu'ailleurs loignez le pas,Declairez-moy ceste matière.Le Pèlerin.Ma gibessière <strong>de</strong> viol<strong>et</strong>Dénote en secr<strong>et</strong> vertueux ,Car à ung amant est moult l<strong>et</strong>S'estre secr<strong>et</strong> n'est curieux,Et ma jasqu<strong>et</strong>te, en tous lieux,


,,DES Dames.iDénote aussi, vous fais promesse,Que ung amant <strong>de</strong> mieulx en mieulxLe doibt curer <strong>de</strong> gentillesse.L'HOSTESSE.Dessoubz les cieulx on ne veil hommeQui nullement vous soit semblable,Ne qui cusl les piedz <strong>de</strong> tel l'orme ;NuUy à vous n'est comparable.Voicy ung cas moult admirable :Les piedz comme ung cerf avez,Qui <strong>de</strong> courir n'est saliable.Incessamment, droit <strong>et</strong> travers.Le Peleri?(.Ung vray amant n'est point diversNullement à ma pourtrailure*;Mes piedz voyés à yeulx ouvers,Avisez bien ma stature,Car ung droit amant <strong>de</strong> natureDoibt avoir les piedz comme moy.Et qui soit vray, je vous asseureQue vous diray rayson pour quoy.Ung cerf qui est par le ramage ^Court haull <strong>et</strong> bas agillementEt ne craint point, au vert bocage,Pluye ne vent aulcunementAussy ung qui est parfaict amant,Lors que sa dame le <strong>de</strong>man<strong>de</strong>1. Ne diffère en rien <strong>de</strong> moi.a. La ramée, la forêt.


,,176 Le BousierIl vient à elle hastivementPour faire ce que luy comman<strong>de</strong>.L'HOSTESSE.Vous estes cVestrange fasson ,Ayant ung quaqu<strong>et</strong> autenticque;Chantez ung peu quelque chansonCar maint pèlerin, sans répliqueDe chanter bien souvent s'applicqueQuand il est au pied d une porte.Chantez donc quelque chant antique,Et ne prenez point la voix forte.Le Pèlerin.De chanter vrayement m'acor<strong>de</strong> ;Acordans suis les discordans;Accor<strong>de</strong>r donc te veulx ma cor<strong>de</strong>.Accors , soyez bien recordansEt par doulx acors acordans.Par bon accord si me recor<strong>de</strong>Acor<strong>de</strong>ray les mal cordans.Puis que <strong>de</strong> chanter je macor<strong>de</strong>^i .Ce déplorable jeu sur c<strong>et</strong>te consonnance a été on nepeut plus fréquent au moyen âge, <strong>et</strong> je n'en citeraicomme exemple que la cinquième strophe du Dit <strong>de</strong>sCor<strong>de</strong>liers <strong>de</strong> Rutebeuf (Cf. ses Œuvres publiées parM. Jubinal, t. i, p. i85), <strong>et</strong> la fin <strong>de</strong> son Dit <strong>de</strong>Notre-Dame(t. 2,p. 23). Laphrase populaire que saventencore les écoliers : Quand un cordier cordant veut décor<strong>de</strong>rsa cor<strong>de</strong>,succès <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te pointe.<strong>et</strong>c., est un témoignage subsistant du


,DES Dames. 177Chanson du Pèlerin, sur : Tons les regrclz;.Vrays cu<strong>et</strong>irs genlilz , d'Amours suyvans laVenez à nioy ; humblement vous sup|)lye [voye,Fin que <strong>de</strong> vous Tordonnance je voye,Ains que d'icy je tasse <strong>de</strong>sparlye.Dame Venus , <strong>de</strong>s amans la montjoyeEn mes durs plains oyés-inoy, je vous prie.Vous requcraulque vous m'oUroyezjoye,Car vostre suis lanl que seray en vie.Sceptre <strong>de</strong> pris du servant qui larmoyéAyez pitié, veu que mercy vous crye;Prenez en gré son cueur, qu'il vous ottroyeBenignement, par doulce courtoysye.Parmy le boys du Kegrel le convoyéAvecqucs Uuoil, (jui amant mortit'ye,Dont par <strong>de</strong>spoir, <strong>de</strong>dans la silve coye*,Luy conviendra tiuir sa maladye.Sus le ramage qu au moys <strong>de</strong> may verdoyé,Rossignolct, chantant en melodycMon grief soucy, saluant en grantjoyeDes amoureux la noble com|)aignye.Le Pkllerin.Puis que ma chanson ay finccEt (juavez mes clians r<strong>et</strong>enus,Quelque aumosue me soit donnée1. La forêt tramiuillc.P. F. V 11


,,,,1/8 LeRousierA riionncur <strong>de</strong> dame Venus;Plusieurs amans, avez tenusDedans vostre hostcUerieDont, pour passer mes pas menusFaictes-moy bien, je vous en prie.L'HOSTESSE.D'argent n'estes nécessiteux;Voslre gest* est indicatifD'en prendre, dwit seriez honteuxS'on 2 vous en esloit largilif ;Par quoy <strong>de</strong> cueur très affectifVous logcray dans mon repaire ,Si d'y loger avez motif.En vous traiclant comme mon père.Oultre cela point ne vous nyeDe vous donner ma bonne grâceSans point y penser villenie ,Car folles amours ne pourchasseEn vous assurant sans fallaceQue j'ayme à bonne intentionEt jouyssance moult dédiasse,Gardant honneur sans fiction.Le Pellerin.Je vous mercye humblementQuant le logis m'abandonnezLequel reçoys courtoysementAussi l'amour que me donnez ;Mais marry suis que r<strong>et</strong>enezDes amoureux lardant désir;1. De gestus. — 2. Inip. : Bon.


,,DE S Dames. i-gCar par vous ne sont gucrdonnezOuanl n'ont en fin tout leur plaisir.Mais dictes-moy, si vous agréeQuelz gens vous logez voulenticrs,Car je sçay qu'en ceste contréeY viennent gens <strong>de</strong> tous inestiersComment riveriers*, bonn<strong>et</strong>iers,Painctres, merciers, apothicaires,Reven<strong>de</strong>urs <strong>et</strong> veluiiers,D'escolliers, aussi <strong>de</strong> notaires.L'HOSTESSE.Certainement, trestous les logeEt l'ung <strong>et</strong> l'autre , vous prom<strong>et</strong>zEt, quant me plaist, je les <strong>de</strong>sloge,Carie cueur ferme n'euz jamais.Vous asseurant que à jamaisR<strong>et</strong>iens lousjours les escolliers ;Car sur toutes gens à tous maisDans mon parqu<strong>et</strong> sont familiers.Toutesfoys moult suis affectante,Je vous prom<strong>et</strong>z en vérité ,Et <strong>de</strong> sçavoir seray contenteQuel art avez exercitéDont, sans faire prolixité,i. Nous ne savons pas exactement le sens <strong>de</strong> celteexpression. Peut-être, comme le mot rivercux , cite parCotgrave, a-t-il trait à <strong>de</strong>s occupations relatives auxfleuves. Dans Ducange, le mol riparius est indiquécomme ayant le sens <strong>de</strong> gar<strong>de</strong> <strong>de</strong>s rives d'un fleuve, ou<strong>de</strong> gens qui portent le poisson <strong>de</strong>s côtes dans l'intérieur<strong>de</strong>s terres (^Nouv. éd., t. 5, p. 776).


,i8oLeRousierDictes-moy l'art qu'en Irelenez,El ne comptez mendacilé ;Vérité au cueur r<strong>et</strong>enez.LePellerin.Puis qu'escoliers vous maintenez.Je me rens vostre serviteur ;Doulcement donc les soul)stenezCar <strong>de</strong> leur train suis zélateur.Cupido ! d'amours recteur,Aux escolliers donnez lycsse,Et <strong>de</strong> leur bien soys protecteurEn augmentant leur gentillesse !L'HOSTESSE.Bruyt triumphant, joye sans cesseSoit aux escolliers gracieux;Car vrayement suis leur hostesseEn <strong>de</strong>spitanlles envieux;Vive le train soUacieuxDes escolliers par terre <strong>et</strong> mer!Car leur maintien délicieuxForce mon cueur à les aymer.Après les nobles chevaliers.Les clercs on doit bien sublimer.Où sont comprins les escolliers,L'eslat <strong>de</strong>squelz n'entends blasmer.Car il est digne d'estimer,Pour quoy tousjours l'ay maintenu :Donc, s'il vous plaist, vueillez nommerLe lieu dont estes cy venu.


, ,DES Dames.iSiLePkllerin.Je viens tout droit <strong>de</strong> la contéDe Venisse certainementD'ung lieu rempli d"ameniléQu'on dit Carpentras vrayement',Dedans lequel sumptueusementReluyt beaullé par excellence ,Plaisir <strong>et</strong> tout esbalementDont c'est le vray clos <strong>de</strong> plaisance.Malle-Bocche al'Hostksse.Hé! pouvre femme, Dieu vous gard!Où s'en vont diriger voz pas ?A vostre bien n'avez regardEt vostre mal ne voyez pas ;Vostre vouloir n'a nul compas;Certes, vous estes aveugléeD'avoir logé ce satrapasDont vostre honneur sera emblée.Vous estes plus infortunéeQue femme qui soit en ce mon<strong>de</strong> ;De la malheure estes née ;.Meschief sur vous, helas ! abon<strong>de</strong> ;Vostre enten<strong>de</strong>ment où se fon<strong>de</strong>De vouloir cslre accompaignécD'escoUiers où malheur redon<strong>de</strong>?De tout soûlas estes esloignée.i. Ceci prouve que par la conté <strong>de</strong> Venisse, l'auteurveut dire le Conitat-Vcnaissin. Dans les documentslatins il est appelé Comitatus Vindasciiius,


,«82 LeRousierDechassez-les haslivement.Car ilz ne sont que proditeurs,Et ne croyés point leur serment,Car vrayement sont trop menteurs ;Hz sont les plus fins inventeursDe mensonges <strong>et</strong> flaterieQui soient au mon<strong>de</strong> , <strong>et</strong> détracteurs :Hz ne songent que tromperie.L' HoSTESSE.Las !que mauldicte fut ma vieLa première fois que je le vy !Car trop soubdain j'en fuz ravyeLe premier jour que le trouvy;A plusieurs dire j'ay ouyQu'il faut congnoistre ains qu aymer;Mais mon vouloir moult fut ravyQue ce dit ne peusse estimer.L'ACTEDR.R<strong>et</strong>ourne-t'en, pouvre amoureux.Tu es pellerin malheureux ,Si droictemcnt le puis congnoistre;De perdre tu es dangereuxL'hostessc. Pouvre douloureux,En amour plus ne te fault m<strong>et</strong>tre ;Je ne sçay nul si parfaict maistreQui en amours souvent ne muse:Cueur femenin plusieurs abuse.A leurs begnins atouchemensVous fiez-vous, pouvres amans?Vous estes tous bien abusez ;


,,,DES Dames.Leurs gestz ne sont qu'abusemensDont troublent voz entcn<strong>de</strong>mens.Si en amours n'estes rusezCertainement trop vous musez,Car iiz n'ont que <strong>de</strong>cepvcmens:Quitezdonc leurs esbatemens.i83De Sanson qu'est-ce qu'on en dit,De Salomon ne <strong>de</strong> David * ?Je m'en raportc aux escriptcurs.On sçalt assez , sans contredit,Qu'en femme y a peu <strong>de</strong> crédit ;Leurs regardz sont souvent menteursEt leurs parlers sont détracteurs,Et leurs paroUes attaictées :Bien le sçail qui les a hantées.D'elles jamais n'euz l'acointance,Leur grâce ne leur congnois.sance ;Donc leur dis tout à l'advcnlurc ;Toutes ne sont d'une alliance,D'ung cueur, ne d'une contenance ;Toutes ne sont d'une nature;Mais loutesfoys ,je vous asseurcFemmes ont le cueur amiable;Mais leur amour est variable.Ne voyez-vous icellehostcsse.Que le pcUerin moult oppresse,Rcgclter hors <strong>de</strong> sa maisonPar Malle-Douche la perverseI. Cf. le Début <strong>de</strong> l'homnie <strong>et</strong> <strong>de</strong> la femme <strong>de</strong> GuillaumeAlexis. (Dans ce recueil, t. i, p. 2 <strong>et</strong> 4-)


i84Le RoisiERQui jour <strong>et</strong> nuyt jamais ne cesseComm<strong>et</strong>tre aux amans traysonCertes, en tout temps <strong>et</strong> saison ,Amours sont belles, gracieuses;Mais femmes sont malicieuses.Femmes d amours font maintes minesEt <strong>de</strong>vons aymer monstrcnt signes,Vous ayment tousjours à travers;Femmes ont leurs fassons bénignesEt leurs parolles si très finesQue voz secr<strong>et</strong>z rendront ouvers;Puis <strong>de</strong>rrier vous, tout à renvers,Diront : Va-t'en ,pouvre abusé !Ung amant doibt estre rusé.Comment l'Hoslesse <strong>de</strong>schasse le Pellerin <strong>de</strong> samaison pour ce que luy a dit Malle-Bouche.L'HOSTESSE.Mon amy, point ne suis contenteDe vous avoir tant hébergé,Par quoy vous convient sans attenteDe ces repaires <strong>de</strong>sloger.Car vous me pourriez dommagcr.Selon cequej'ay entendu;De ce logis vous fault bouger.Car vous me seriez cher vendu.Le Pellerin.Malle-Bouche TambicieuseM'a assailly superbement,Car par langue astucieuse


,,,,DES Dames.i85We sens navré trop gricfvement ;Mais <strong>de</strong> ce qu'a dit elle nient,Couleuvre qu est dosidieuse,En me blasonnanl fauisemenl:Sa paroUe m'est odieuse.Gouffre <strong>de</strong> dueil , viscère affreuse,Que t'ay-je fait, dont ru<strong>de</strong>mentTa langue moult contagieuseM'avoit blessé si aigrement,Tousjours parlens occultemcntDerrier les gens com furieuse?Dire je ne puis aultremenl :Ta parole m'csl odieuse.Venus, princesse gracieuseProsternez , vous prie humblementGeste serjjcnt malicieuse ^Qui nous meurtrit visiblementEt la m<strong>et</strong>tes haslivemcntDedans Cosite avec Méduse :Car, je vous prom<strong>et</strong>s scurementSa paroUe mest odieuse"^.Hercules ,jadis qui conquistCacus le monstre audacieulxPourquoy est-ce qu'il ne vainquis!I .' Adonc commença à faire un grief souspir <strong>et</strong> laissala fenestre <strong>et</strong> saillisl en l'air, <strong>et</strong> trespassa les vergiers,<strong>et</strong> lors se mua en forme <strong>de</strong> serpent moult gran<strong>de</strong>, grosse<strong>et</strong> longue comme <strong>de</strong> XV pies. » (Melusine, par Jehand'Arras, éd. Jann<strong>et</strong>, p. 558.) — i. C<strong>et</strong>te strophe <strong>et</strong> les<strong>de</strong>ux précé<strong>de</strong>ntes forment une balla<strong>de</strong>.


,,,,,i86Le Ro us 1ERCe gros dragon astucieux?Veu que le dart délicieuxDe Cupi<strong>de</strong> Hercules touche ,Certes, il est trop occieulxQuant ne m<strong>et</strong>a mort Malle-Douche.Qui eusse dit, aussi penséDes femmes la perversité !Certes, il est bien insenséQui en amours est inscité.Amours n'est qu'infelicitéAbusant souvent maintes gensDont, com l'acteur a recitéPlusieurs en viennent indigens.Puis que logis me fault changer,Me voyant banni <strong>de</strong> Plaisance,Allé m'en suis, pour abbreger,Ailleurs pour trouver allegence.Et si ne sçavois sans doubtanceOù je <strong>de</strong>usse mes pasconduyre,Car en lieu n'avoit asseuranceOù je me sceusse bien reduyre.Toutes foys parmy la saulsoye.Pensant en mes maulditz malheursBuissons <strong>et</strong> lan<strong>de</strong>s transpersoyePour oublier mes grans douleursLà où je vis plusieurs voleurs*Qui parle boys suyvoyentla chasse.Et d'oyseaulx <strong>de</strong> maintes couleursQue moult chantoient en celle plasse.I. Plusieurs gens se livrant à la chasse au vol.


,,DES Dam ES. 187Mais vraycment, quand à laDu vert bocage je me vis,Certainement ung beau jardinTrès sumptueux je y trou vis,Où maintz amans, à mon advisDessoubz Tombrctle d'une rosefinC'estoiont, longtemps avoit, ravis,Laquelle là esloil enclose.Lorsque m'aprouchay <strong>de</strong> l'entrée.Pour voir celluy plaisant eslaigeUne damoiselle ay trouvée,Qui se tenoit sur le passage.Me disant en son beau langaigeQue point n'avois auctoritéD'y entrer oultre son couraige,Et qu'estoit dame Vérité.Toutesfoys, par doulce équité,Elle me fist tost ouvertureEl me mena par tout coustéDu beau jardin vcoir la verdure.Et puis me disl en bien peu d'heure :« Très douk pellerin , Dieu vous gard ;C'est le beau jardin, vous asseureCertainement, <strong>de</strong> Doulx-Regard. »Soubdaincment luy respondisPour quoy ainsi on le nommoit,Et elle me dit : « Car jadisLa court <strong>de</strong>s dames s"i tenoit,Dont tout vray amant y venoitPour vcoir leur train soullacieux


! Le,,,,RousierMais tost aymer les convenoitPour leur doulx regard gracieux.Par doulx regard on suyt amoursPar doulx regard se font balla<strong>de</strong>s,Par doulx regars on fait mains tours,Par doulx regars on touche auba<strong>de</strong>sPar doulx regard maintes gamba<strong>de</strong>sSe font en Tair logicrementPar doulx regard <strong>et</strong> par œilla<strong>de</strong>sFemmes déçoivent maint amant.Par doulx regard joyeusementVivent tousjours les amoureux;Par doulx regard certainementMaintz se reputent bien heureux;Qui trop s'i fie est dangereuxQue doulx regard ne le abuseDont qui en sera paoureuxEn ces doulx regars point ne muse.Regardz n ont point <strong>de</strong> loyaullé ;Regardz ne sont que tromperie;Regardz au lieu <strong>de</strong> feaultéSont tous remplis <strong>de</strong> mocquerie.Qui ne regar<strong>de</strong> ne varie ;Regar<strong>de</strong>z donc loyallement,Car quant à moy, sans menterie,Voys au jardin succinctement. »Donc , advisant la grant beaultéDe ce jardin plain <strong>de</strong> fleur<strong>et</strong>tesUng beau rousiery vis plantéDens ung parqu<strong>et</strong> plain <strong>de</strong> viol<strong>et</strong>tes


,,,DES Dames. 189Produisant roses joli<strong>et</strong>tcsAyant plusieurs belles couleurs,Dont <strong>de</strong>meurant soubs ses ombr<strong>et</strong>tes,Je ne sentoys point mes douleurs.Quant advisé songncusenientDe ce rousier euz TexcellenceJe proposay entièrementM enquerrc quelle est sa substance ,Dont Vérité est en présence,Qu'à dire vray jamais ne fuyi;M'en fist apcrle dcmonstranceMe respondant comme s'ensuyt :Descriplion du rosier moralisé sur les femmes.V HUIT É.Sur ce rousier d'aménitéOù toute beaulté est assise.Certainement la qualitéDes femmes y est bien comprise,Toy prom<strong>et</strong>tant que qui adviseDe ce beau rousier la statureDira que pour vray y est miseDes i'enmios toute la nature.LkPelle ri rf.Voicy très belle pourlraictureEt sumptueuse comparaison ;Mais vrayement most moult fort obscureVéu ((ue sauil hors <strong>de</strong> raison.Le rousier on toute saisonEst triumphant <strong>et</strong> autenlique,


,,igoLe RousierEl femmes sont à grand foisonRemplies <strong>de</strong> haine trop inique.Au rcusicrn'a rien que bonté ,Plaisir, soûlas <strong>et</strong> jouyssance ;Mais femmes n'ont qu'iniquitéEt <strong>de</strong> meschicfz en abondance;Elles sont pleines dinsolenceNe querant onc que vanité ;Toutes ne sont d'une allianceMais la pluspart en vérité.LePellebin.Tout cola ay-je bien notéA long temps; par ma conscience,En femme n'a quecruaultéEt <strong>de</strong> langueur ont aifluence;Mais donnez-moy la congnoissanceDe ce beau rosier florissant,Me monstraut par expérienceLe plaisant lieu d'où est yssant.Vérité.Dieu supernel, hault <strong>et</strong> puissantQui <strong>de</strong> tout le mon<strong>de</strong> est créateur.Toutes choses fut commençant;Donc <strong>de</strong>s rosiers fut l'inventeur;De tout par tout il est recteur ;Dececy ne s'en faull enquerre.Dont comment très bon conducteurFait les rousiers sortir <strong>de</strong> terre.


,DES Dames.igiLa terre aujourd'huy est remplieEisa <strong>et</strong> là <strong>de</strong> plusieurs vices,Jaçoit que Dieu l'ait aoomplieDe ses haulz dons <strong>et</strong> bénéfices;Ci sur terre n'a que mallicesMalheur <strong>et</strong> toute abusion,Je concluz par clères indicesFemmes en sont l'occasion.LePellerin.Trestoul cela je vous concè<strong>de</strong> ,Sans y faire opposition ,5Que par femmes tousjours procè<strong>de</strong>Haines <strong>et</strong> malédiction ;Mais, je vous prie, instructionDonnez-moy icy en peu d'heureQu'est dénotant sans fictionDe ce beau rousier la verdure.Vérité.La couleur ver<strong>de</strong> est <strong>de</strong>monstranlDes femmes la plaisante faceLeur mine, aussi leur beau semblant,Dont maint estime estre en leur grâce.Du rousier la verdure est casseSoubdain (lu'il sent une gollée ;Aussi quant femme trente ans passeSa beaullé s'en est alée.Le Pelleriw.Le rousier est en son fucillageRempli <strong>de</strong> gracieus<strong>et</strong>é;Son regard est en tout passage


192 Le RousierPlaisant, quant vient au temps d'esté ;Mais aux branches grant quanliléY a d'espines qui sont pointues ,Dont qui le touche en cruaulléPoingnent, si ne sont abatues.Vérité.Les femmes aussi seu rementOnt celle mesmcs qualité ;Car leur face maintes foys ment ;Bien sçait celluy qu'elle a tenté.Soubz la couleur d'humilitéUne femme tousjours t'oindra,Mais puis, c'cUe peust, par fauls<strong>et</strong>éSois asseuré qu'elle te poindra^.Comme le rousier est plaisantDurant le printemps qui verdoie,Et que roses sont |iroduisant.Le cueur humain les veoir s'esjoye;Aussi la femme en toute voyeEst belle durant sa jeunesse ;Mais puis après se tienne coye;Nul n'en tient conie en sa vieillesse.Le Peli-erin.Le rousier est moult décoréPourceque roses il [iroduit,Il en est aymé, lionnoré,1. Allusion au vieux in'overbe:Oignez vilain , il vous poindra ;Poignez vilain , il vous oindra.


,,,DES Dames. igSCar son fruict à gens <strong>de</strong> bien duit;Ung arbre qui ne porte fruictIlestmauldit totallement,Dont, luy donnant son sauf conduit,Couper le faull entièrement.Vérité.Femmes qu au rosier sont semblablesPortant quelque fruict en leur temps,Elles ne sont point misérables;Vivent en honneur, com j'eniens.Et <strong>de</strong>s aullres point ne prêtonsD'en dire mal , car n'est raison ;Dieu leur envoyé <strong>de</strong>s enfansQuant sera leur temps <strong>et</strong> saison.LePellerin.Certainement j'ay veu souventQuant une rose est espandieUngz XV jours q'ung p<strong>et</strong>it vent,La <strong>de</strong>ftlourit, vous certifie ;Je ne sçay point que signifieDont, si vous plaist, apertementLe me dire vous en supplie :Les fleurs ne durent longuement.Vebité.Tout ainsi que certainementLa rose au vent n'est pcrnianable ,Je vous promeclz par mon sermentQue la femme est variable;Ung peu <strong>de</strong> vent doulx , amiable,Qu'à poi se sentira par rueP. F. V.,3


,194 LeRousierUne rose qu'est délectableDe ses fueilles la rendra nue.Aussi vous dis que une femmeA une rose est comparable;D'elles nentens dire diffame.Ne nulle chose improperable ;Mais , soubz ung amy cordiableQui les aye longtemps servies,Leur voulenté est tant muableQue soubdain sont d'aullruy ravyes.LePellerin.Si d'amours une femme est prise,Bien que t'ayme, je suis certain,S'ung aultre y vient qui te <strong>de</strong>spriseElle te lairra bien soubdain.Le cueur <strong>de</strong>s femmes est si vainQue, bien qu'il te ayent estably,Par ung mol <strong>de</strong> quelque villainElles te m<strong>et</strong>tront en oubly.Verit é.Ung peu <strong>de</strong> vent abat la roseEn luy estant tost sa bellesse ;Ung beau semblant, à bouche close.Des femmes romp toute promesse ;Par ung seul mot la femme laisseSa premieraine voulenté ;Mais celles-là qui ont sagesseTousjours au cueur ont loyaulté.Le Pelle ri n.Femmes font semblant vous aymer,


,DES Dames. igSEl si vous aymentà travers;Femmes sont dignes <strong>de</strong> ItlasmerPar leurs fassons <strong>et</strong> motz divers.Regar<strong>de</strong>z y à yeulx ouvers,Et congnoistrés, vous certifie,Qu'il est bien mauldict <strong>et</strong> perversCelluy qui en femme se fie.Vérité.Que fist à Sanson DalidaQuant le livra aux l'hilistins,N'a Hercules DejaniraQuant le fist mourir par venins?Une femme par ses enginsNe trompa-elle aussi Virgile ,Quant à ung pannicr il fut prinsEt [puis] pendu cmmy la ville* ?LeP EL l eh in.Régnant le bruit <strong>de</strong>s HebraiquesJudich tua HoUofernèsi. Voyez dans le travail sur Virgile l'Enchanteur publicpar M. du Méril dans ses Mélanges archéologiques,Franck, i85û, in-8, le passage inédit d'un <strong>de</strong>s Renaisle eontrefnil où c<strong>et</strong>te aventure est racontée (p. 44^-44)' On a déjà vu c<strong>et</strong>te aventure, qui se trouve, bien entendu,dans les Faidz merveilleux <strong>de</strong> Virgile, rappeléedans ce recueil :Virgile saige <strong>et</strong> enlanduFut à la corbeille paiuluJusqu'à ce qu'on le <strong>de</strong>slya.(Debiil <strong>de</strong> l'Hoiiiine <strong>et</strong> <strong>de</strong> la Femme ,t. i, p. 5 )Les poètes du même temps y font souvent allusion.


i()6LeRousierPar subtillitez <strong>et</strong> pratiquesEt par engins trop forcenés ;Elle monstroit <strong>de</strong> l'aymer, mais,Pource qu'on luy en fist requeste,Elle ne tina onc jamaisQu'en dormant luy couppa la teste.Ainsi je rappellerai à côté ce vers <strong>de</strong> la Nef <strong>de</strong>s Princes(D ii) qui dit que Luxure a faitPendre Virgille hault en ung corbillon ,Cl ceux <strong>de</strong> Gracian Dupont (f° 49) 'Que (lirons-nous du bonhomme Virgille ,Que lu pendiï si vray que l'Evangile?Pour les passages <strong>de</strong>s auteurs qui ont raconté celteaventure, je renverrai à la noie <strong>de</strong> M. du Méril (p.448, note 4, Cf. aussi 474-5), <strong>et</strong> à celle <strong>de</strong> M. Gustavelîrun<strong>et</strong> [Notice sur le roman en vers <strong>de</strong>s Sept Sages <strong>de</strong>Rome, Paris, 1839, in~8, p. 35-4o',; ils indiquent am~plement les sources <strong>et</strong> les ouvrages. Dans les arts c<strong>et</strong>t<strong>et</strong>radition auroit aussi toute une histoire. Montfaucon adécrit une tabl<strong>et</strong>te d'ivoire où elle est sculptée (Antiquitéexpliquée, i. 5, partie 3, p. 356). Elle se voit jusquedans les églises, aux miséricor<strong>de</strong>s <strong>de</strong>s stalles <strong>de</strong>Rouen (Cf. Langlois, Stalles <strong>de</strong> la cathédrale <strong>de</strong> Rouen,p. 173, note), à Saint-Pierre <strong>de</strong>Caen (Cf. Tabbé <strong>de</strong> La^Me., Essais historiques sur la ville <strong>de</strong> Caen , n . 97-98).Ce suj<strong>et</strong>, <strong>et</strong> aussi celui qui le suit, c'esi-à-dire lafemme à laquelle les gens viennent rallumer leur flambeau, a été aussi très fréquemment gravé par les vieuxmaîtres allemands du XV« siècle , <strong>et</strong> aussi par ceuxdu XVI^. Une énumérationcomplète nous enlraîneroittrop loin ; il suffira <strong>de</strong> citer parmi les graveurs qui lesont traités Lucas <strong>de</strong> Ley<strong>de</strong>, Aldtorfer, George Pencz <strong>et</strong>Sa<strong>de</strong>ler.


,,,,DES Dames. 19;Eve^ jadis, notre grand mère,El fist pocher, je vous affieAdam qui fut le premier pèreDe tous humains, vous certifie.En luy baillant du fruict <strong>de</strong> vieDont fusmes tous empoisonnez ;Car, com dict saincte théologie ,A mort fusmes habandonnez.Vérité.Femmes sont causes <strong>de</strong> tous niaulx ;Par femme tout mal se déployé ;Femmes sont cause <strong>de</strong> Iravaulx;Par femmes on port bien <strong>et</strong> joye ;Femmes sont cause qu'on larmoyé;Par femmes plusieurs portent armes ;Aullremcnt dire n'en sçauroyeCar femmes onc ne furent fermes.N'y eut-il jamais en lieu femmesQu'ayent fait mourir leurs maris?Certes, si a, dont sont infâmes;Par femmes maintz sont jà pourris.Que dist-on jadis <strong>de</strong> Paris?Quelle fin fist par dame llelaine?Les Troyens en furent marrisCar Troye <strong>de</strong> feu en fut plaine.LePelleuin^.Voy6s-vous , sans menterie,1. Iinpr. : Que.2. A partir d'ici jusqu'à la fin do la pièce, on remarqueraque l'auteur a adopté une autre mesure.


,iQ8Le RousierQu'abus <strong>et</strong> <strong>de</strong>cepvementEt toute meschanterieEst aux femmes vrayemenl.Ne les cherchez nullement.Et point n'en serez reprins ;Car vous dis finablement :Les plus rouges y sont prins *.Bon faict fouir amour<strong>et</strong>tesEt <strong>de</strong>s femmes racoinlance ;Regar<strong>de</strong>z cestes fill<strong>et</strong>tesTiennent fine contenance;R<strong>et</strong>irez <strong>de</strong> leur présenceA tous mais vostre visaige ;Ne cherchés leur congnoissance,D'amours ne se cure ung saige.Ve RITK.Dames , si trop ru<strong>de</strong>mentEn vous dresse ma sentence.Il vous plaira doulcementMe pardonner par clémence ;Aux bonnes ne dis grevance,Rien <strong>de</strong> mal , <strong>de</strong> <strong>de</strong>splaisance ;Je dis qua^ <strong>de</strong> saiges femmes;Néanmoins n'y a en abondance.Sans mentir, qui sont infâmes.Equité à l'Acteur.Sus le genre masculinParle ung peu par équité,'1. Cf. 1. 1, p. 257, <strong>et</strong> t. 3, p. a66. — 2. Impr. : Quia.


,,,,DES Dames. 199Car certes le femeninTu as assez tourmenté,Où trop grant iniquitéPar femmes test imputée.Servez donc la qualitéCar il oui bien méritée.L'Acte CR.Vrayement, c'est vérité,Qui contre les femmes dict,D'en dire mal il est tenté.Qui les blasme, il est mauldict;En elles n'y a nul reditNomplus que à ung bon angeDont j'entendz , sans contreditA escripre à leur louange.Femmes n'ont que gentillesse,Hommes que meschanselc ;Femmes n'ont au cueur ru<strong>de</strong>sseLes hommes y ont cruaulté ;Les femmes ont charité,El les hommes ont rigueur ;En femmes n"y a que bonté.Et aux hommes que langueur.Que ferions- nous, misérables.Si sans femmes nous trouvions?Noz faitz scroicnt bien j)itoyables ;Sans elles point ne vivrions,Puisque damnez nous serionsVous asseuranl qu'en ce mon<strong>de</strong>


,,,200 Le RousierJamais nul bien ne aurions :En femmes tout bien abon<strong>de</strong>.Par femmes tout bien redou<strong>de</strong>,Desduyt cl consolation :Car d'elles est sortie l'on<strong>de</strong>Dont avons salvation ;Des humains la ré<strong>de</strong>mptionVint par la Vierge Marie ;Enfanta sans corruption.Gloire luy soit infinie !Femme ne fut oncques si belleNe <strong>de</strong> si grand ])uritè ;Elle fut mère <strong>et</strong> pucelle,Et(la) fleur <strong>de</strong> virginité;C'est l'arbre d'aménitéEt la tour <strong>de</strong> forteresse,Exemple d'humilitéEt le vray clos <strong>de</strong> noblesse.De ce mon<strong>de</strong> est la princesseEt aussi la royne <strong>de</strong>s cieulx;Louange luy soit sans cesseEt à son filz gracieux ;Sur tous les anges glorieuxAu ciel divin est la régenteEt sur les sainctz en tous lieuxVrayement, <strong>et</strong> est prefulgente,Éqdité.nature féminine !Tu peulx bien laisser tristesseCar celle Yîerge bénigne


,,,,,DESDames.Illumine ta prouesse ;N'y a-il pas aussi largesseDe saintes en paradisPar lesquelles es sans cessePlus noble que je ne dis?Ne sonl-ilz pas bien mauldisCeulx qui le veuUent blasmer ?Il sçavenl bien que jadisDieu la voulu sublimer.Point ne laisseray opprimerDe ces femmes l'aliance.Vive par terre <strong>et</strong> par merLa féminine accointance !Certainement, quand je pense.Femmes ont le cueur estable.Virgillc, sans point doubtance,En dit vray, <strong>et</strong> non point fableQuand parle du misérableEnée, remply d'oullrage,Et <strong>de</strong> Dido l'amiable,Qu'estoit royne <strong>de</strong> Cartage.Ne dist-il pas véritéD'Eney<strong>de</strong>s au quart livreDisant que par loyaultéDido vouloit Enée suyvreDont, quant vint qu'estoit délivreDe Enée le malotreu.Fut contente j)lus ne vivreDont se mist <strong>de</strong>dans le feu?Mainlz hommes sont prodilcurs


,,202 Le RousierEt remplis <strong>de</strong> vilennie;Des hommes qui sont menteurs,Mainte cité (en) est garnie,Ayant leur bouche remplieDe venin en tout passageBlasonnant , vous certiffie ,Mainte femme qu'est bien saige.N'estes-vous pas bien diversDire mal <strong>de</strong>s paovres femmes ?Les vostres ditz sont (bien) perversEt monstrent qu'estes infâmesDe vouloir blasmer les damesContre le droit à foison ;Certes leur inculpés blasmes ;Vous n'eustes jamais raison.L'ACTEDR.Qui soustient une maison ?Respon<strong>de</strong>z hastivement;Femmes en toute saison ,On le voit visiblement.Femmes tillent vrayementPour faire linseulx , chemises ;Couturent semblablementDont par moy seront hault mises.Eqdité.Femmes <strong>de</strong> vertus sont pleinesFemmes sont dignes d'aymer.Femmes ne furent oneques vaines,Femmes on doibt reclamer.Femmes ne fault déprimer,


,,DES Dames.2o3Femmes sont moull gracieusesFemmes on peult estimerQuand elles sont vertueuses.L'ACTEDR.Par femmes sommes nourrisFemmes donc f'ault maintenir ;Par femmes nulz (ne) sont marris,Femmes donc l'aull soustenir ;(Et) pour femmes entr<strong>et</strong>enirN'en vint jamais nul dommage,Mais les convient r<strong>et</strong>enirVrayement en mariage.Des femmes certainementHommes ne s'en passent myc;Sans hommes pareillementFemmes sont , vous certifie ,Comme une chose bagnieDe tout plaisir, se me semble,Dont par la grâce infinieDieu les mist au mon<strong>de</strong> ensemble.Cy fmisl le Bousier <strong>de</strong>s Daines.


'.204Les Dttz <strong>et</strong> ventes d'amours^L'A M A N Tcommence,e vous vens la blanche flour.©^ Damoiselle <strong>de</strong> bel atour,^ Je requiers avoir voslre amour,Comme celuy qui fort vous ameEt qui pour vostre amy se clame.1. Nous imprimons c<strong>et</strong>te pièce d'après trois éditionsgothiques, toutes trois sans date, <strong>et</strong> que nous allonsénumérer, sans rien préjuger sur l'ordre dans lequel ellesont pu paroître. L'une (A) est un in-8 <strong>de</strong> 8 ff.,ayant autitre le bois du religieux écrivant. L'autre (B) est un in-4<strong>de</strong> 10 ff. à 23 lignes ; le feuill<strong>et</strong> <strong>de</strong> titre a le grand Lgrotesque pour initiale <strong>de</strong> Les ventes d'amours, <strong>et</strong> en têtedu texte on lit : S'ensuivent les ventes tfamours. La <strong>de</strong>rnière(G), que nous avons trouvée chez M. Cigongne, est unin-8 <strong>de</strong> 8 ff. <strong>de</strong> 24 lignes ; au <strong>de</strong>ssous du titre : Les ventesd'amours, est un bois <strong>de</strong> l'amant <strong>et</strong> <strong>de</strong> l'aniie <strong>de</strong>bout <strong>et</strong> separlant. — Quant à la pièce elle-même, je n'ai pas besoin<strong>de</strong> dire que c'étoit un jeu <strong>de</strong> société, <strong>et</strong> l'un <strong>de</strong>splus délicats, dans lequel, comme dans celui encoreusité <strong>de</strong> : « Je vous vends mon corbillon. Qu'y m<strong>et</strong>-on ? » on<strong>de</strong>voit donner un gage ou payer une amen<strong>de</strong> quand onne disoit rien, ou quand on disoit quelque chose quiavoit déjà été dit. Ce jeu étoit même ancien, car au


Les DiTz <strong>et</strong> ventes d'Amours. 2o5L'A M YE.Amy, je suis jolye <strong>et</strong> coincte.Le Dieu d'amours m'ad''un dart poincte,Et m'a dit que nul ne me prieS'il n'a d'amours la seigneurie.XIV6 siècle on trouve dans les œuvres <strong>de</strong> Christine <strong>de</strong>l'isan, sous le litre <strong>de</strong> Jeux à vendre, une série <strong>de</strong> strojihestout à fait dans le goût <strong>de</strong> celles <strong>de</strong> notre pièce, quin'est que Tinipression remaniée <strong>de</strong> pièces antérieures.Pans le précieux manuscrit du XV


2o6 Les DitzL'Amant.Dame ,je vous vens ces trois pommes ^ ;Mon cueur aussi vous habandonne.Recevez-les par courtoisie,Le dieu d'amours si vous en prie ^.L'A M TE 3.M'amour aurez par telle manière,Mais que vous dictes la manièreDe ces trois ponimes qu'en ferayEt en quelle guise les donray *A <strong>de</strong>ux pères <strong>et</strong> à <strong>de</strong>ux tilz :M, Brun<strong>et</strong> (t. 5 , p. no <strong>et</strong> 40^"^ indique, <strong>et</strong> engrand nombre , d'autres éditions ; mais nous n'avonspas tenu à les conférer toutes, comme nous aurions faitpour une pièce d'une autre nature. On comprend facileineiitque, pour unepièce <strong>de</strong> ce genre, il y a pour ainsidire autant <strong>de</strong> textes que d'éditions ou <strong>de</strong> copies, <strong>et</strong>, àforce <strong>de</strong> variantes, nous serions arrivé à ne plus savoircomment l'imprimer. On a dit que c<strong>et</strong>te p<strong>et</strong>ite pièce aété comprise dans les œuvres d'Alain Cliartier ; mais sesDeman<strong>de</strong>s <strong>et</strong> Responces d'amours (Conf. les <strong>de</strong>rnières pages<strong>de</strong> l'édition in-fol. goth. <strong>de</strong> Pierre Caron) sont toutautre chose.1. B, G : C<strong>et</strong>te pomme. — 2. B : Le vous attrie ; C :le vousottrie.3. Les quatre strophes suivantes, dans B <strong>et</strong> C, sontplus loin, après la strophe <strong>de</strong> l'estrain plain <strong>de</strong> flours,4. B, C : Je vous vens ces troys belles pommes,Qui sont à partir à trois hommes,Chascun la sienne, c'est bien vi-ay ;En tel guise les vous donray.


—,,ET VENTES D'AmOURS.TtOJC'est la manière que je dis ,Et à chascun la sienne entière.L'Amant.Je vous vens la lance ferréePar bonne espérance attachée ;Sur quatre miroucrs ' d'argentEst - ung oyscl bel el gentQui <strong>de</strong> voiler point ne repose,Assis sur une passe rose 3.A qui j'ay tout mon cueur donnéI-e benoist jour luy soit donné.L'Amye.Je vous vens le beau grain courtoys;11 ne le fist ne duc ne roys ;Une dame le pourpensaQui par long temps pensé y a ;Le grain y est, si le ven<strong>de</strong>z,Et, se j'en ris, si me baisez.L'Amant.Chascun vous vent , <strong>et</strong> je vous donne3Ion cueur; aussi vous habandonneLe corps aussi *, tout tant que j'ay.Le don est p<strong>et</strong>it, bien le sçay;Recevez-le par courtoisieMa mignonne ,je vous en prie ''.i. B, C : Branch<strong>et</strong>es.2. B,C : Avec.—3. B : Basserose. — 4" B : Tous mes biens, <strong>et</strong>.5. B, C : Mais <strong>de</strong> bon cueur le vous ottroye ;Recepvez'le , je vous en prie.


2o8Les DitzL' Amte.Je vous vens l'Ave Maria ;Mon cucur avez, autre ne Fa *.Se aymer vouloye par amoursJe n'aymeroye autre que vous.L'Amant.Je vous vens patenostre d'ambre ;Vostre manière lui ressembleEt tire le foslu ^ àsoy,Si faictes vous le cueur <strong>de</strong> moy.L'Amte.Je vous vens l'esglantier fleury,Qui au bois croist sans point d'estruy;Les oiseaux y sont sans <strong>de</strong>srois ^,Chantant très fort à doulce voix'*.Je y vouldroie avoir à soûlasLe mien amy entre mes ^ bras.V Anx-sr.Je vous vens la bource <strong>de</strong> soye.S'en ung lieu secr<strong>et</strong> vous tenoyeEt vostre amour vous <strong>de</strong>mandoye,Dites-moy se point je l'auroye.L'A M Y E.Je vous vens la fueille <strong>de</strong>** ronce.1. B, C : Mon cueur est mien que nul n'y a.2. B, C : La paille. — 3. B : par <strong>de</strong>sjoix; C : Per(lesjoix. — 4. B : Trestous a haulte voix. — 5. B : Ses.6. B : du.


ET VENTES d'ÂMOURS. 209Je no vous dy pas ma responce.Une autre fois plus à. loisir,Je vous diray tout mon plaisir.L'Amant.Belle ,je vous vens l'espervier.Qui a les gelz d'amours aux pieds.Damoiselle ,je vous requiersQue me prestez vostre espervierJusqucs à tant qu'il m'ail aprisLe jeu d'amours qui m'a surpris.L'Am V E.Je vous vens la rose vermeille,Tout le rosier avec la fueille.Pour à son aise cstreJe trouve escript par l<strong>et</strong>treQue jeune dame qui bien aymeEn grant <strong>de</strong>duyt la vie maine i.L' Am a NT.Je vous vens le ram "^ d'olivier ;Au <strong>de</strong>ssus a ung espervierQu'une dame y lisl attacherPour les fins amoureux 3 cspier,Et dit qu'il ne se bougera1. B,C : Je vous vens la rose vermeille.Qu'est si belle que c'est merveille.Dame qui par amours bien aymeEn grant <strong>de</strong>duyt sa vie maine.2. A : Grain.3. B,C : Les fines amours.P. F. V. ,4


210 Les DitzJusqucs à tant qu'il se vendra,'Qui oncques amours ne fauldra -,L'Amye.Je vous vens la fueille d'espervanche,La fleur <strong>et</strong> toute sa branche 3,Car la fleur <strong>et</strong> fueille appartientA celuy qui jolys se tienf*.Dictes -nioy, foy que me ^ <strong>de</strong>vez ,Se vous l'cspervier osterez,Et se vous serez si hardy *"Que vous tienne pour mon " amy.L'A M AN T.Le rossignol joly vous vens,Qui d'amours va tousjours chantant >*.Aymez, dame; le temps s'en va,Lequel jamais ne reviendra ^ ;Aymez tant qu'estes en jeunesse :Amours n'ont cure <strong>de</strong> vicUesse.L' Amye.Je vous vens la'" viol<strong>et</strong>te;Elle est plaisante <strong>et</strong> doulc<strong>et</strong>te'*,1. B,C : Que cil. — î. Faulsa.3. B,C : La feuille, la fleur <strong>et</strong> la branche.4. Vers donné seulement par B <strong>et</strong> C. — 5. Ed. aureligieux : vous. — 6. A : Ne si serés si hardy. — 7.Vray.8. Je vous vens le rossignol<strong>et</strong>(Jui cbante ung chant si doulcel<strong>et</strong>.9. Seulement dans B. — xo. La belle.— 1 1. B,C. Elle est si souefve <strong>et</strong> si doulc<strong>et</strong>te.


,ET VENTES d'AmOURS. 211El plus près <strong>de</strong> [la] Icrre ^ croistMon cucur vit en aniourètesEn quelque part qu'il soit 2.L'Amant.Je vous vcns l'odorant viol<strong>et</strong>te :C'est une fleur qui est in<strong>de</strong>tte ;Elle croist bas, elle croist hault.Accolez-moy, le cueur me taultL' Amte.Je vous vcns Taguille affiléeDe filblanc parmy compassée.Dieu doinl bon jour à mon amyCar tousjours je^ pense en luy.L'Amant.Je vous vens la marjolaine*'.Dame ,voslre doulce allaineSi granl doulceur' me fait sentirEt mon cueur si fort reverdir ;Car, certes , se mort j'estoyePour Yostre doulcour (vif) reviendroye *.'.I. Et auprts (lo la terre croist.a. Au commencement du vers, B <strong>et</strong> C ajoutent joyeus,3. Celte strophe n'est donnée que par les <strong>de</strong>ux éditionsB <strong>et</strong> C.4. B,C : Enfilée. — 5. B,C : Toutes foysque.6. B : Margholeine. — 7. A : Douleur.8. B,C ; Et mon cueur très fort rcverdoyeTant que, se mort du tout j'esloje,Par vo doulceur je reviendroye.


Quant12 Les DiTzL' A MTE.Je vous vens la viol<strong>et</strong>te i.De joye mon cueur si vol<strong>et</strong>te,Quant je voy voslre doulx vis,Sur tout bel à mon advis'-'.L'Amant.Je vous vens le verd^ papcgault.D'aymer loyaulment ne m en cliault,Car on voit tout apertementQue qui bien ayme loyaumentD'amours il ne peut bien jouyr.Pour ce m'en veulx-je repentir*.L' Amve.Je vous vens je ne sçays pas quoy.Je ne sçay la raison pour quoyAmours me font tant <strong>de</strong> penccr^Que je ne sçay quel part tourner.L'Amant.Je vous vens la marjolaine '',Vous avez si doulce alayne',Voluntiers vous baiseroyc,Et autre mal ne vous feroye^.1 B : en tête du vers, a <strong>de</strong> plus : Aniy.2. D,C-.je voys vostre doulx ris ,Gran<strong>de</strong>ment je m'esjouys,3. A n'a pas le mot verd. — l\. B,G : Départir.5. C : Aillieurs me fault si fort penser.6. B : Marjliolaine.: 7. B,C SouefQère vo douce aleine.: 8. B,C Mais j'ay grant peur qu'escondit soye.


Pour,ET VENTES D'AmOUUS.2i3LA M TE.Je \t)us vcns la fleur * du pré blancCe qu'aCticrt à maint amant-,Peu parler <strong>et</strong> bien pencerEt sa manière bien gar<strong>de</strong>r.L'Amant.Je vous vens la fleur d'aubcspine.Pour voslre amour mon cueur ne fineD'estre en penscment nuyt <strong>et</strong> jour SSans avoir respil nesejour^.L'Am VE.Je vous vens le cueur du lyon.Vostre cueur <strong>et</strong> le mien lion''Ensemble , d'un commun accord ,Sans départir jusqu'à la mort.L' A.'.I AN T.Je vous vens la saincture d'or.Dame, sachez que aultre trésorNe désire, d'or ne d'avoir,Fors que la vostre amour avoir.L' Amye.Je vous vcns la verge' d'argent.Se vostre cueur <strong>et</strong> le mien ne ment,i.B,C: L'herbe.s. B,C : Ce qu'affierl A ung vrai amant.3. B,C : bien parler <strong>et</strong> raieulx ayiiipr.4. A : Sans nul séjour. — 5. A : Repos nuyt <strong>et</strong> jour.6. B : Si sont; C; Si son.7. Cf. ce recueil, t. 4, p- 16.


2 14 L E s D I T ZNous mènerons très bonne vie,Vous <strong>et</strong> moy, sans * départie.L'Amant.Je vous vens le cueur du lieparl.Jà Dieu en mon cueur n ave part,Se vous n'estes la créaturePour qui le plus <strong>de</strong> mal j'endure.L' Amye.Je vous vens la toison d'or contemps.Amours m'ont dit <strong>et</strong> racontéQue vous avez usé vostre tempsSans point faire <strong>de</strong>loyaulté ^.L'Amant.Je vous vens le beau pain d'amours^,Et vous asseure <strong>de</strong> mes amours•'^Mais que vous pensiez <strong>de</strong> bien faireA tousjours sans jamais^ r<strong>et</strong>raire.L' Amye.Je vous vens le joly bouton ;Mon cueur si est en la prisonD'un très plaisant <strong>et</strong> débonnaire ;Mais <strong>de</strong> son nom je me vueil taire.;1. C : Sans nulle.2. B,C : Je vous vens d'op ung plain tonneau.Amo^s si m'ont dit <strong>de</strong> nouveauQue vostre temps avez uséSans avoir d'amours abusé.3. B : Bon ; A : Le pain.4. B,C : Je vous aymeray tous mes jours.5. B,C : Vous en.


DeET VENTES d'AmOURS.2i5L'Amant.Je vous vens le joly boulon.Belle, (le mon cuour vous fait don 'A lousjours mais <strong>et</strong> sans rclrairc.Tenez ma foy, je le vueil faire ;Et, pour mieulx affermer la chose,Je vous baisasse , mais je n'ose.L'Amye.Je vous vens ce que vueil avoir.Aymer tousjours sans décevoirEt soy penser par - courtoisieD'avoir la grâce <strong>de</strong> sa niye.L'Aman t.Je vous vens la pomme parée.Se voulez faire qui ^ m'agrée,Soyez sage <strong>et</strong> ordonnéeEt du corps bien renommée *.L' Amyk.Je vous vens ce que je n'ay myc :C'est le soûlas que cueur d'amycDésire avoir quant il est prins ,Dont j'ay esté souvent surprins •.1. A".mon cueur vous fais le don,2. B : Pour; A : Penser sans. — 5. B: Qu'il ;A:Chose qui.4. C : Soyez sage <strong>et</strong> renommiSeEt <strong>de</strong> vo corps bien atournée.5.C: C'est le soûlas lequel amyeDésire avoir sus la verdure ,Afûa que son amour plus dure.


2i6Les DitzL'Amant.Je vous vens la blanche lumière.Ung doulx rcgart à simple chèreMe fait mon cueur en tel lieu m<strong>et</strong>treDont jamais ne le quiers tlcm<strong>et</strong>tre.L'Amte^.Je vous vens la fleur <strong>de</strong> la vingne.Je vous prie qu'il vous souviengneDe celle que tant vous aymezEt que ne Toubliez jamais.L'Amant.Je vous vens la rose vermeille.Foy que vous doy, trop m'esmerveilleQui <strong>de</strong> m'amours vous <strong>de</strong>sconseiile.Plus tosl seroit pré sans ver<strong>de</strong>urEt chargeroit toute autre fleurQue je fusse sans vostre amours.L'Amte.Je vous vens la fleur du loricr^.On doit avoir mercy <strong>et</strong> pitiéDe son amy, quand on le sçaitQu'il est loyal amy parfaict.1 C<strong>et</strong>te strophe ne se trouve pas dans A.2. Au lieu <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux vers, un seul dans B <strong>et</strong> CQue je misse ailleurs mon cueur.3. B : <strong>de</strong>votie; C :d'ortie.


.,ET VENTES d'AmOURS. 217L'Amant.Je vous vens la fleur jolye ^Marchant d'amours ne suis-je mye^ ;3Iais la Iby que je doy à vous ,Je vous ayme bien par amours.L' Amte.Je vous vcns la fleur <strong>de</strong> l'ormeau ,Et 3 belle dame <strong>et</strong> beau joyau ;Quant elle est <strong>de</strong> bonté garnye,Or ne argent ne la vaultmye.L'Amant.Je vous vcns la fleur <strong>de</strong> viol<strong>et</strong>te,Où elle est belle <strong>et</strong> bien doulcelteEt bien près <strong>de</strong> la terre croist.Bon jour ait m'aniye * où qu'elle soit.I/Am YE.Je vous vcns la rose d'Amiens.Mon cueur est vostre, non pas miens.Dont faut-il que je m'en délivre;Helas ! sans cueur je ne puis vivreSe par amours ne me donnezVostre cueur qui le mien avez.L'Amant.Je vous vcns le cueur <strong>de</strong> lyon^.Et <strong>de</strong> mon cueur vous fais le don,1 . B : <strong>de</strong> lye ; C : du lys. — q. G : Mie je ne suis.3. C .-En. — 4. B,C : Dieu gard m'amye.5. B,C : le noble lyon.


2i8Les DitzSans en osier morcel ne pièceMais loul entier, qu'il ne <strong>de</strong>spèce.L' Amye.Je vous vens la pâte du lyon.Amours si le* font par raison.De grant folye s enlremelroitCil qui <strong>de</strong>ffaire le vouldroil^.L'Amant.Je vous vens le fraiz formage.Vous avez gratieux visagePour vray amant réconforter^,Bouche f<strong>et</strong>isse <strong>et</strong> le viz cler.Belle au genl corps <strong>et</strong> très saige,Ven<strong>de</strong>z ailleurs le frais formaige.-*L'Amye.Je vous vens la marguerite.Qui bien layme , il s'y <strong>de</strong>licteCar elle croist en verdoyant.Et sur le vermeil ^ croist le blanc.La dame <strong>de</strong> vostre maisonEst-elk^<strong>de</strong> telle façon?L'Amant.Je vous vens l'herb<strong>et</strong>te.D'une amour doulc<strong>et</strong>teï.C : se. — 2. A : l'amour <strong>de</strong> nous vouldroit.3. B : Desconforter.4. B,C: Vostre. — 5. A : Sur la vermeille.6. B : Eut faicte ; C : Elle est <strong>de</strong> <strong>de</strong>.


,ET ve>:tes d'Amours. 219Fait-il bon aymer,Pour le temps passer !L'Amye.Je vous vcns Therbc <strong>de</strong> TorlieQui me piccfue ,point <strong>et</strong> tVemic ' ;Qui me frcmie, picque - <strong>et</strong> pointDe vostre amour je n'en veuix point ^.L'Amant.Je vous vcns l'cstrain plain <strong>de</strong> floursQui ne me pourra lyer d'amours *Et me fist jurer sur ses sainsFoy que je doy ^ ses blanches mains.Que point n'en donroys à jaloux ,Fors à puccUe qui ayme par amour''.L'Amye.Je vous vcns la rose espanoye.Saichez <strong>de</strong> vray que vostre aniyeSuis du tout entièrement,Pour faire tout vostre talent'.1. A : forniye.2. A : Qui fort me picque <strong>et</strong> point.3. B : je veulx le point.4. B,C: Qui me donna le lien d'amours.5.B,C:doy en.6. 1J,C : Que point ne scroyc jnlouxFors d'aymer par amours.C donne c<strong>et</strong>te variante dans le <strong>de</strong>rnier vers :Fors <strong>de</strong> ma dame par amours.7. C<strong>et</strong>te Strophe ne se trouve que dans A.


220 Les DitzL'Amant*.Je vous vens le rosier franc ,Ce qu'afticrt à ung vray amant.Belle manière entre les gens,Et luy tenir honnestement'^.Pour parler, non pas pour rioler,De vray cueur aymer <strong>et</strong> celer.L'Amye.Je vous vens la pomme blandurerQui parle d'ung seul bien aymer,Daymer <strong>et</strong> <strong>de</strong> vrayes amours.Amours, c'est souverain trésor.Trésor d'amours vault milion d'orQuant vrays amoureux tiennent leur per3.L'Amant.Je vous vens le barat d'aymer*Que, quant à vos amours viendréss,1. C<strong>et</strong>te strophe <strong>et</strong> les quatre suivantes sont placées,dans B <strong>et</strong> C , au commencement, après la strophe <strong>de</strong>VAve Maria.2. B,C : Et soy tenir joly <strong>et</strong> gent.3. B,C : Je vous vens la pomme blandurelQui est odorant, iloulx <strong>et</strong> bel,Mais mon amy je dis encorQu'il n'est si souverain trésorQue bien <strong>et</strong> loyaulment amerQuant vrays amans trouvent leur per.4. B,C : le daulphin <strong>de</strong> mer.5. B,C : Quant vouldrés par amour aymer.


,.,ET VENTES d'A M U R S221Faicles semblant (raiiltruy anier^:De vostre amour plus jouyrés.L'A SITE.Je vous vcns du pré la verdure.Ung doulx regard par adventureFait bien à amy ou à amyeSans que la bouche le die myc ^.V Aman t.Je vous vens la verte emeraul<strong>de</strong>.Par le sang bieu, que^ m'amye, baul<strong>de</strong>,Cointe, jolye, belle <strong>et</strong> gente,Est trùs plaisant selon mentente-*.L'Amye.Je vous vens Icspy <strong>de</strong> froment.Je ne suis pas bien attrayant;Je feray feste à ung chascunEt si n'en aymeray-jo que ung.L'Amant.Je vous vcns la belle esmerau<strong>de</strong>.1. C : qyc {loint n'aymez.5. C : l'ail avoir amy ou aniyeSans ce que la bouche 1& die.3. B,C : j'ay.4. Après c<strong>et</strong>te strophe, B m<strong>et</strong> dans la bouche <strong>de</strong>l'amie , <strong>et</strong> avant la strophe <strong>de</strong> la patenostre d'ambrecelle-ci :Amy, je vous vons ceste pomme.Je vous aime plus que nul liomme.Mais ne me parlez <strong>de</strong> baudisc,Car je n'en fuz jamais aprite.


122 Les DitzPucelle , ne soyez si bau<strong>de</strong> ',Saulcun <strong>de</strong> voslre amour vous pryeNe luy respon<strong>de</strong>z2 villennye ;Mais, si le jeu ne vous plaist bien,Dictes que vous n'en l'erés rien.L'Amye.Je vous vens la fleur d'aubespine.Pour^ voslre amour mon cueurne fineD estre en pensement nuyt el jour,Sans avoir respit ne séjour.L' Amant.Dame, je vous vens la kalendre *.Si vous prie que , sans plus attendre,Vueillez avoir <strong>de</strong> moy mercyEt me prenez pour vostre amy s.L'Amye.Je vous vens le faulcon ramage.Tant me semblés courtois <strong>et</strong> sage,Loyal <strong>et</strong> <strong>de</strong> manière gcnle ,Et du tout à vous me présente.L' Ac tkcr''.Or s'en vont, amans' acomplis1. A, au lieu <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux vers , donne seulement :Pucelle , ne soyez point esbahieS'aulcun amant d'amours vous prie.2. C : De luy respondre. — 3. Par.4- Calandre, sorte d'allou<strong>et</strong>te {Dictionnaire <strong>de</strong> VAcadémie).5. B,C : Et moy tenir vostre amy.6. C<strong>et</strong>te indication ne se trouve que dans B.7. C : amours.


,ET VENTES b'ÂMOURS. 223Pour faire tous leurs bons désirs.Nul n'en doit avoir <strong>de</strong>splaisir,Puis que cliascun fait son plaisir


224La Prognoslication <strong>de</strong>s Pi-ngnosticationsnon seulement <strong>de</strong> ccste présente annéeM. D. XXXVII, mais aussi <strong>de</strong>s aidtres àvenir, voire <strong>de</strong> toutes celles qui sont passées,composée par maistre Sarconiorosnatif <strong>de</strong> Tartarie, <strong>et</strong> secrétaire du très illustre<strong>et</strong>très puissant roy <strong>de</strong> Cathai, serf<strong>de</strong> Vertus. M. D.XXXVII'.Prognostication <strong>de</strong>s Prognostica tiens jiour foustemps à jamais sur toutes aultrcs véritable, laquelle <strong>de</strong>scoci're Vimpudcnce <strong>de</strong>sp rogn ostiqueu rsHon<strong>de</strong> mondain, trop mondaincmcntmon<strong>de</strong>,[mon<strong>de</strong>,!fl(^V(ii K Mon<strong>de</strong> avcuclé, mon<strong>de</strong> sot, mon<strong>de</strong> im-'-- ' - Dont vient cela que, soit en prose ouTu vas ccrchant par tout, les yeulx ouvers,[vers,1. In-8 <strong>de</strong> 8 ff., dont le <strong>de</strong>rnier blanc, sous les signaturesA-B., 24 lignes à la page. Sans doute impriméà Paris par Jehan Morin, car les caractères sontles mêmes que ceux <strong>de</strong>s Disciples <strong>de</strong> Marol contre Sagon,


,,,,La Prognostication. 225Si tu verras point choses non pareillesEt qu'à tous molz lu lièves les oreilles?curieux, jamais n'es à requoy;Tu vas querant tousjours je ne sçay quoy ;Je ne sçay quoy aussi ne fais-tu pas ,Et bien souvent pars ton temps <strong>et</strong> tes pas.Je ne croy point, à veoir tes mo<strong>de</strong>s sottesQue fol ne sois , ou que tu ne rassottes.Ou bien , à veoir ta mine <strong>et</strong> contenanceQue ne sois prest à tumber en enfance.Pourquoy t"cs tu orendroit amusé?Mais que quiers-tu, abuseur abusé,Qui abusant veulx bien en abuz estreEt d'abuser te dis docteur <strong>et</strong> maistre?Chasses-tu pas après abusion,Cuydant trouver prognosticationOù il y ait <strong>de</strong>s nouvcaulez nouvelles?affamé belislre <strong>de</strong> nouvelles !Paovre altéré coquin <strong>de</strong> vanité!Qu'en est-il mieux à ta mondanité?N'en auras-tu jamais, nonny, ce pense,Assez remply ta bcsassc ou ta panse ?N'est-il aucun qui s'en apperceoivc oresEt prenne esgard comment tu les dévores,Considérant ung peu les belles breschesLesquelles fais en ces nouvelles frcsches?Car tu les prens avant le temps haslées,La Ilu<strong>et</strong>erie <strong>et</strong> leurs adherenlz, avec lesquels elle est reliéedans un recueil factice conservé à la Bibliothèqueimpériale (Y. 45o3), ainsi que d'autres pièces publiéespar ce libraire dans la même querelle.P. F. V ,5


226 La PROGNOSTICATIONEl sont par toy iiicontinoiU guaslées ;Tu ne les fais que tasler ung |jelil.Puis tout soubdain tu en pers l'appelitEt celles-là qu'as eues ce malin,Sonljà autant vieilles qu'un vieil i)atin.Tu les sçais bien mendier à la guiseDe porte en porie<strong>et</strong> dVglise en église,Et ,que pis est, pour paour d'estre au basacAu racompler, tu melz tout en ton sac ,Et tant lu es les nouvelles leschanl.Que tu prens tout , le bon <strong>et</strong> le moscliant ;Car bien souvent les laulses <strong>et</strong> meschanlesSont celles-là jiour lesquelles plus chantes.Si Ion ta taicl quelque aumosne bien grasse.Dire ne faull combien en sçais <strong>de</strong> grâce ;Avec telz biens enflé comme ung crapault,El remonté tout ainsi qu'un marpaullTu vas <strong>et</strong> cours ça <strong>et</strong> là par ces rues.En les mengeant <strong>et</strong> rongeant toutes cruesTe repaissant <strong>de</strong>s neut'ves amassées ,Sans plus penser aux vieilles jà passées.Mais s'iladvient que, quelque diligenceQu'en ayes taict, nul <strong>de</strong> ton indigenteNayt prins pilié , <strong>et</strong> que la tienne questeN'ayi proitiié en <strong>de</strong>man<strong>de</strong> ou recjucslo.Tu es bien ici <strong>et</strong> <strong>de</strong> telle natureQu'incontinent en fais à l'aveniure ;Puis en garnis les sacz <strong>de</strong>s soufi'releux ,Les autres guenx, qui en sont discilcux ;Ainsi tu fais que <strong>de</strong> tes bribes vainesRemplir s'en vont <strong>et</strong> les os <strong>et</strong> les veines.Or en cecv loi es- lu manifest'


,,DES PrOG NO STIC AT ION S. 227Car, quand tu voys qu'ilz eu font leur grandïesteCe nonobstant que les aycs trouvées,Tautosl<strong>de</strong> loy sont bonnes aiiprouvées;Tu les reprens , tu les prises <strong>et</strong> notes,A belles <strong>de</strong>ntz avec eulx les grignolles,En te saoulant <strong>de</strong> tes nouvelles faussesComme un£,'souillard cuisinier <strong>de</strong> ses saulses.J'en ris en moy, chesque fois que j'y pense,De tel excès <strong>et</strong> <strong>de</strong> telle <strong>de</strong>spenseEt du dcguast que <strong>de</strong> nouvelles fais.Dont les reliefz sont pourriz <strong>et</strong> infectz ,El bien souvent, ô glouton <strong>de</strong> nouvelles,T'ay veu happer les vieilles pour nouvelles ,Quelque vieil bruyt, quelque fable ou mensonge,Comme le chien (|ui ses os d autan ronge ,Ausquelz il prent appétit aussi bon,Comme il feroit à quelque bon jambonOu beurre fraiz sur croustes <strong>de</strong> pains blancz ;A tout le moins il en faict les semblans ;Ainsi fais-tu <strong>de</strong>s nouvelles moysics ,Lesquelles sont souvent par toy choisiesEt d'app<strong>et</strong>il soubdaincment briffées,Si elles sont par quehju'ung rechauffées.Or en es -lu tant gloul que tu l'apreslesA les manger avant qu'elles soient prestes.Mais il t ennuyé que trop lard tu <strong>de</strong>meures ,Si ne les as plus tost crues que meures ;El, maintes fois, soient grosses ou menues,Gripper les veulx, .lins qu'elles soient venues.Jlais lu en es si dangereux siftlcur.Que tu les quicrs encor manger en fleur,El, comme ou dict en ung commun proverbe,


228 La PrognosticationManger les vculx comme ion blé en herbe;Mais la fain est <strong>de</strong> telle véhémenceQue mesme en vculx manger grains <strong>et</strong> semence.Pour donc fournir à telle nourritureEt en avoir amas <strong>et</strong> fourniture ,De celles-là qui ne sont encor nées,Vouluntiers oys les haultz sons <strong>et</strong> cornéesDe ceulx qui font prognosticationToute nouvelle à la munition.Là, mon amy, à ces nouvelles chaul<strong>de</strong>s,Ainsi qucnfans après leurs baguenau<strong>de</strong>s \Ou ces mignons à dancer l'antiquaille.Tu en as prou là encor en TescailleD'or <strong>et</strong> d'argent, d'alcquemie <strong>et</strong> d'ivoire ,De toute sorte , <strong>et</strong> plusieurs autres voire ;Et, si n'estoit que prodigue en es tant,Tu en aurois pour cent ans tout contant;Car tuentendz. si elle ne convientA cestuy an, c'est pour celuy qui vient,El si celuy n'y trouve rien d'exprès,M<strong>et</strong>z-la à poinct , sera pour l'autre après ;Car elle peult autant estre à profit,Comme elle estoit l'année qu'on la feit.Or je t'en veux bailler une pour toutes,A celle fin que plus tu ne te doubles.Il est bien vray que prognosticateursSemblent avoir esté expilateursOu crochelcurs par leur art gent^ <strong>et</strong> n<strong>et</strong>Du hault trésor cl divin cabin<strong>et</strong>Et avoir veu tout ce que Dieu nous cache1. Fruit du baguenaudier. - a. Imp :argent.


,,DES Prognostications. 229Secr<strong>et</strong>tcnicnt, voire sans qu'il le sacheEt avoir leu en ses sacrez registresLa fin <strong>de</strong>s roys, <strong>de</strong>s papes <strong>et</strong> belistres,Puis les fuseaux <strong>et</strong> toutes les menéesDes sœurs qu'on dict fatales <strong>de</strong>stinées ,Et <strong>de</strong>srobé avec leurs lunaisonsDe l'avenir les temps <strong>et</strong> les saisons ,Et avoir prins tout en leur sphère entièreComme tous ratz <strong>de</strong>dans une ratière.Dont puis après, <strong>de</strong> plumes bien délivresHz nous en font <strong>et</strong> composent <strong>de</strong>s livres ,En prophanant du hault Dieu les secr<strong>et</strong>zOu babillant leurs songes indiscrelz.Là <strong>de</strong> tous cas jugent asseurément,Comme ung meurtrier, lequel asseuré mentEn affermant <strong>de</strong> tous les acci<strong>de</strong>iilzFeablement comme arracheurs <strong>de</strong> <strong>de</strong>ntz.Brief , rien n'y a dont ne tiennent proposPar leur parfaict Asiralabe <strong>et</strong> Compos.Mais ilz ne font aucunes mentionsDe leurs progno-d'abus-slicalions.A sçavoir mon si telle marcliandiseAura son cours, quoy que le marchant dise.Pour tant fault-il, pour uiig [)eu pracliquerEn cesluy art, d'elles proi^nostiquer.Par ainsi donc, ô mon<strong>de</strong> lunatique,Ayes pour tous cesluy seul prognostiquc :C'est que pour vray tous tes prognosliqucursSont <strong>et</strong> seront ou mocquez ou mocqueurs ;Et tiens cecy pour ung mot bien notableQu'ilz ne diront rien qui soit véritablePour ccstuy an, ny pour l'autre à venir,


23oLa PrognosticationNy à jamais, s'il l'en pciilt souvenir ;Et qu'ainsi soit, je l'en rendray raison.Va l'en clierclier par loute ta maison ;Si trouveras <strong>de</strong>s almanaclis les bricquesEt puis l'en viens visiter les chroniquesEl esplucher, afin que myeulx t'asseures.De receveurs ephemeri<strong>de</strong>s sures ,Les confronlanl pour congnoistre <strong>et</strong> sçavoirOù ilvaull myeulx sa foy <strong>et</strong> fiance avoir.Là verras-tu par efieclz evi<strong>de</strong>ntzCombien leurs dictz sont aux faiclz discordantz.Et si lu veulx <strong>de</strong> cccy <strong>de</strong>s tesmoings,Tu en auras dix mille pour le moins,Qui le diront : «. Mon almanach est faux;J'y ay trouvé plus <strong>de</strong> cinq cens <strong>de</strong>faulx. »— « Mon almanach , dira l'un, ne vaull rien. »Ce dira l'autre : « Aussi ne faict le mien.))Plusieurs diront ainsi pareillement :« Le mien, qui a façon pareille, ment. »Puisqu'ainsi est doncquos que les passez,Ny cculx qui sonl<strong>de</strong> nouveau compassez.N'ont rien en eulx qu'on ne puisse <strong>de</strong>sdire,Fault-il pas bien prognosliquer <strong>et</strong> direQue les futurs seront aussi semblablesEt n'y aura que mensonges <strong>et</strong> fables ,Si qu'on verra que prognosticaleursNe sont sinon foiz, mocqueurs<strong>et</strong> menteurs,Chasseurs, preneurs, ven<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> faribolles,Et que leur faict n'est que vaines parolles?Que iiourroienlilz dire du temps qui vient,Quand du passé mesme ne leur souvient,Duquel ilz ont menti <strong>et</strong> mcnliroicnt;


,,DES PROGNOSTICATIONS.23lCar quel il fut à grand peine diroient.vanité! o oyscux gaudisseurs!Aymez ,prisez , reçeuz <strong>de</strong> guarisseursDe gens lesquelz n'ont point do maulx extrcsmesDes guarisseurs , mais guarisseurs culxmcsmes,Qui , en jasanl <strong>de</strong> leurs humours stypliques,Vont conlrouver plusieurs raisons coliquesPour, quand souvent ilz t'aillent à leur cure,Dire qu'il tient à Saturne ou Mercure,Laissons-les la en ce terrestre esmoyLaissons-les là, étalions, toy <strong>et</strong> moy,Là-hault es cioulx, pour vooir d'astrologieJ/arl <strong>et</strong> la fin <strong>et</strong> comme elle est régie.Despêclie toy, pose <strong>de</strong> chair ta charge,Tant enchargoable <strong>et</strong> qui si fort te chargeAfin que sois à voler plus<strong>de</strong>hait.Sus , est-ce faict ? Or volons à souhaitPar ce bel air, auquel Dieu nous convoyé.Quelle te semhle cslre <strong>de</strong>s cioulx la voye?A ton advis, faict-il pas moillour cstreEn ce doulx vol qu'en ce dur nid terrestre?3Iontons lousjours , ne vise jà là-bas,Où l'on triumphe, où l'on faict mainlz esbas,Liève la teste <strong>et</strong> n'entre en phantasicDe regar<strong>de</strong>r Europe , Afrique, Asie,Où ung chascun y domine a son tour;N'y pense point, sera pour le r<strong>et</strong>our.Or vois-tu la Jésus Christ en ce lieu.Qui est assis à la doxtre <strong>de</strong> DieuLequel doit estre <strong>et</strong> est ton esporan^e,Ton seul appui <strong>et</strong> ta ferme asscurancc.Le voy-tu là, le Vivant immortel


232 La PrognosticationLequel te peult rendre après la mort tel?Cestuy te soit pour horoscope uniqueDont tu prendras pour certain pronostiquePour l'avenir, car Luy est véritéSans t'abuser à la téméritéDeceulx lesquels, pour remplir bourse <strong>et</strong> panse,De leurs abus te font belle dispense.Escoute bien <strong>de</strong> ses dictz l'épilogue ;L'as-tu oui? Or l'en viens, astrologue,Et ne crains point par ces douze maisons.Souffise nous si au maislre plaisons,Lequel sçaitmyeulx ce que nous faict besoingQue ne pourrions, avec tout nostre soing,Songer, prévoir, penser ne désirer.Tu eusses bien là voulu <strong>de</strong>mourer ;Je le cognoys; mais il n'est pas possibleJusqu'à la fin <strong>de</strong> ta chair corruptible.Or maintenant, si tu es rien discr<strong>et</strong>De l'avenir tu enicndz le secr<strong>et</strong>;Tu le sçais myeulx, voire, je te prom<strong>et</strong>z.Que ces divins ^ ne le sçeurent jamais ;Car il t'a dict, le vivant qui faict vivre.Que renuncer il te fault pour l'ensuyvre,Sans prendre en soy soucy du len<strong>de</strong>mainAins seulement du temps qu'on a en main ;Car les Payons quièrent toutes ces chosesQue, s'iladvient qu'icelles leur soient closes.Chercher les font à leurs sotz astrologuesQui leur en font Dieu sçait quelz catalogues.Où chascun d'eulx ses mensonge récite;i. C'est-à-dire <strong>de</strong>vins.


,,DES Prognostications. 233Et davantage a dict qu'il n'est liciteA nous sçavoir les temps <strong>et</strong> les momontzQue Dieu a mis hors noz enlen<strong>de</strong>menlzHors <strong>de</strong> nos sens cl nostre congnoissancc ,Et réservez à sa seule puissance.Va maintenant, <strong>et</strong> <strong>de</strong> Dieu te mesfiesEt à CCS beaux astrologues te fiesLesquelz jamais n'ont sçeu <strong>de</strong> Dieu l'afaire.Et, s'ilz l'ont sçeu, ils le dévoient bien taire.Non feras <strong>de</strong>a , jà Dieu ne plaise aussiAuquel lucroy. Or, f;iis que tout cccyTanlost à tous racontes <strong>et</strong> révèles.A Dieu te dy, altéré <strong>de</strong> nouvelles.Lequel, afin que merveille te donnesDe seshaultz t'aictz t'en doint en brief <strong>de</strong> bonnes.Au seul Dieu honneur el (jloire.Fin.


Dep/oration sur le trespas <strong>de</strong> très noble princesseMadame Mas^dalaine <strong>de</strong> Franceroyne d'Escoce (iSJj).Au Palais, par Gilles Corroz<strong>et</strong> <strong>et</strong> Jehan André,libraires. Ai'ec privilège *e par le prevost <strong>de</strong> Paris, il est permis^ à Gilles Corroz<strong>et</strong>, libraire à Paris, <strong>de</strong>^^ livre intitulé : La <strong>de</strong>ploration sur lamort <strong>et</strong> trespas <strong>de</strong> feue <strong>de</strong> bonne mémoire madameMagdaleine <strong>de</strong> France, en son vivant royned'Escosse, <strong>et</strong> <strong>de</strong>ffence à tous aultres <strong>de</strong> ne imprimerou faire impiimer ledict livre jusques d'huy1. In-8 <strong>de</strong> 4 ff- (le 28 lii;nes à la page. Au titre unbois en largeur avec un homme <strong>et</strong> une femme agenouillésauprès d'un cadavre presque nu. En publiantles Nuptiaux Virelays faidspar Branville sur le mariage<strong>de</strong> Ma<strong>de</strong>leine <strong>de</strong> France , j'ai consacré une note à sonhistoire (tome 3, p. a5-3o ). J'y ajouterai ce passaged'un rajiport d'un agent anglais sur ce f|ui se passoiten France, rapport publié pai M. Delpit dans sonpremier volume <strong>de</strong> flofKWf«/.s français en Angl<strong>et</strong>erre, quin'a malheuieusement pas eu <strong>de</strong> suite : « Le roy d"Es-


Trespas <strong>de</strong> la PiOYNE d'Escoce. 235en ung an, sur peine <strong>de</strong> confiscation <strong>de</strong>sdiclz livres<strong>et</strong> d'amen<strong>de</strong> arbitraire. Faict le vendredi,cinquième jour d'octobre mil cinq cens trente-sept.Signé : J. Morin'.Mag. Vnlesiœ Franrisri ValcsiiRci(. Gnl. fiUieelreg. Sruli r()nju


«36 TrespasVers funèbres sur la mort <strong>de</strong> très noble damemadame Mag<strong>de</strong>leine do France ,roijne d'Escoce.orcc d'amour <strong>et</strong> perte regrelée,g^-^ Espoir perdu <strong>et</strong> noblesse esclatée,^^ Me font jileurer <strong>et</strong> escriprc ces vers^"^ Pleins <strong>de</strong> douleurs <strong>et</strong> <strong>de</strong> soupirs divers.Amour me dit qu'à ce je m'humilie ,La perte aussy m'y conlrainct <strong>et</strong> m'y lie ,Et font en moy sy véhéments allarmestiu'ilz font saillir du fond du cueur les larmes,Que j'ay mcslez avecques ma douleur,Dont j'ay escript ceste noire coulleurEn tem[ts <strong>de</strong> dueil <strong>et</strong> en funèbres jours,Car c'est mon vueil d'estre triste tousjours.D'ont vient cela qu'ainsy je me lamenteEt que j'escriptz complaincte sy dolente?Ce dueil vienl-il d'estre fol amoureux.Dont tant <strong>de</strong> gens ont esté langoureux?Hélas ! nenny ; fol amour ne me mordEt ne me poingt; mais l'effort <strong>de</strong> la mortM'aflige tant que je perds la puissanceDe recouvrer gaie resjouyssance.Suys-je tout seul qui seuffre ceste angoisse?Suys-je tout seul en qui dueil apparoisse?Je dy que non, car toute nationPlaingt <strong>et</strong> lamente en désolationEt faict ung dueil qui en dueil persévèrePour ceste mort tant cruelle <strong>et</strong> sévère.


,,,LE LA ROYNE D'EsCOCE.aSjDe quelle mort Uens-jc tant mon proposC'est <strong>de</strong> la mort qui a mis en reposLe noble esprit <strong>de</strong> la royne d'Escosse.Hélas ! que c'est une perte très grosseDe veoir le corps <strong>de</strong> tant illustre damePasle gésir soubz ténébreuse lame.Ah! chef d'honneur, <strong>de</strong> toute vertu pleine,Fleuron du liz , ah ! royne MagdaleineTu es bien tost <strong>de</strong> France départiePour sy soubdain du tout cslre amortie.Ah ! tendre tlcur, puisque la cruaultéD'auslèrc mort aexlaincl ta beaullé,Le cler soleil ses rays r<strong>et</strong>ireraEt <strong>de</strong> long temps clarté ne donnera,Et, qui plus est, en auront grand souffranceLes Escossoys <strong>et</strong> tes amys <strong>de</strong> France.Ah ! noble corps tant doulcement nourry,Aymé, traicté , tu es tantost pourryAu grant regr<strong>et</strong> <strong>de</strong> ton espoux royalQui tant estoit amiable <strong>et</strong> loial.Mais nonobstant que ce gent corps pourrisse.Dame Vertu, qui estoit sa nourriceA sa bonté en tant <strong>de</strong> lieux seméeQu'à tout jamais vivra par renommée ,El n'y aura aucuns lieux tant eslranges,Là où ne soycnt comptées ses* louangesSa grant doulceur, sa grâce , sa noblesseEu regr<strong>et</strong>ant c<strong>et</strong>te tendre jeunesseQui a passé le pas où chascun tire.1. Impr. les.


238 TrespasEscoce en pleure <strong>et</strong> la France en soupire ;L'une n'a plus <strong>de</strong> dame <strong>et</strong> <strong>de</strong> maistresse ;L'autre a perdu, dont elle est en <strong>de</strong>stresse,Un <strong>de</strong>s rameaux du blanc <strong>et</strong> très sainct lizOù elle avoit ses plaisirs <strong>et</strong> <strong>de</strong>litz,Voire bien tost après que l'excellenceDe ceste fleur fut hors <strong>de</strong> sa présence.Quant el partit <strong>de</strong> ce pays fiançoysChacun disoit : a Quelque pari ([ue tu soys.Où que lu voise, ô dame tant nolableTu n'auras point ung aer si délectable. »Disoil après la lurbe populaire :a Ceste dame est tant douice <strong>et</strong> débonnaire ,Tant délicate en complexion tendreQue le gros aer où elle espère tendre ,Passant la mer, la pourra suffoquerEt sans povoir <strong>de</strong> mort la révoquer.»qu'elle fut regrelèe <strong>de</strong> gens,Tant <strong>de</strong>s plus grans, <strong>de</strong>s riches ,qu'indigens,Quant elle fut à ce roy espousée.Non qu'on eust paeur qu'elle fust mal posée,Mais pour autant que, n'estant plus Françoyse,Elle seroit désormais Escossoise.Obslanl cela, France en fut <strong>de</strong>spourveueEt <strong>de</strong> son corps elle perdit la veue ;Le souvenir toutes fois <strong>de</strong>mouraEn ce pays qui tousjours l'honora.Escosse après en eut pocessionQui tout soubdain en feit la cession;Car Airopos brandit son dard contre elle ,Et , la navrant, luy fit playe morlelle ,


,DE LA ROYNE d'EsCOCE. 23()Faisant ce corps tant triiiniphant sécherComme elle t'aict à toute humaine chair.Puis qu'ainsy est , il n'est nul qui me rie ,Qu'il ne me face <strong>et</strong> tienne compagniePour clespleurerce regr<strong>et</strong>é décèsEt en pleurant faire piteux excès.Doncques , François aiant d'honneur les lustres ,Et vous aussi, Escoçois très illustres,Pleurez, pleurez, <strong>et</strong> regr<strong>et</strong>ez la perte.Qui ne peult estre au mon<strong>de</strong> recouverte.Anorioz ce grant roy , le sien père ,Qui pour cela <strong>de</strong> joye plus n'espère,El à l'espoux donnez soulagementPour supporte!' quelque peu son tourment, [mesMais j'ay grant paour qu'ayant aux yeulx les lar-Aux cœurs royaux n'accroissiez les aliarmesDe nouveaux pleurs; sy est ce que coniraincteMouille les youlx dont il chct larme maincte.Or pleurez doncques tous les humains ensemble,Et moy à part, ainsy que bon me semble,Je pleureray; le mien cueur s'y allume,L'encre le veult, le papier <strong>et</strong> la [)lume;Icelle plume autres vers ne peult faire.Que <strong>de</strong> doulleur pour ce piteux affaire !Ah ! seigneur roy , la mort a mis à finDe ta grand mer le plus noble daulphin ^ ;Puis as perdu , dont je fays plaingls <strong>et</strong> pleursDe ton jardin la plus belle <strong>de</strong>s tleurs;Mais loutesfoys je le congnois sy fort». Allusion à la mort du fils aîné <strong>de</strong> François I", leDauphin Fraiiçois, nioriea tô56.


I!Et24oTrespasQue n'en prendras doinmaigcux <strong>de</strong>sconfort,Monslrant aux liens que le pleurer <strong>et</strong> plaindreNe peult les loix <strong>de</strong> noire Mort contraindre.Puisqu ainsi est , suyvant cest exemplaireMon pleur prent fin , ma plume se veult taire;De tant gémir n'ay plus si gran<strong>de</strong> enviePensant qu elle est <strong>de</strong> terre aux cieux ravie.Plus que moins.Epilaphe <strong>de</strong> la dicte dame.\^\ quelqu'un dit que c'est mondanitéQu'un tombeau soit décoré <strong>de</strong> richesseque cela ne sert qu'à vanité, [chesscFusse pour roy , roync , duc ou du-Cc nonobstant , Vertu , saincte déesseA faict orner ce tombeau glorieuxD'or <strong>et</strong> d'azur, <strong>de</strong> marbre précieux.Non pour raison d'avoir au mon<strong>de</strong> gloireMais c'est aftin qu'à chacun soit notoireQue <strong>de</strong>dans luy un corps gist <strong>et</strong> repose,Qui ces honneurs mérite <strong>et</strong> plus grant chosePour ce qu'il fut <strong>de</strong> bonté habitacleEt <strong>de</strong> Jésus le temple <strong>et</strong> tabernacle;L'esprit là hault est plus <strong>de</strong> dieu ayméQue le bon corps n'est cy bas estimé ;Et cest honneur luy est propre <strong>et</strong> idoyne.Hélas ! c'estoit la très illustre royneDes Escossoys , fille du roy <strong>de</strong> France,


DE LA ROYNE d'EsCOCE.24lQue mort a prins <strong>et</strong> <strong>de</strong>ffaict à oultranceA Lislebourg, où pleurs <strong>et</strong> <strong>de</strong>uil habon<strong>de</strong>;L ame est à Dieu , le corps sommeille en transe,Et le renom nous en <strong>de</strong>meure au mon<strong>de</strong>.Plus que moins.P. F V. 16


242Beploration <strong>de</strong> Robin,Et les regr<strong>et</strong>z faitz dans son cueurD^afoir eu pour son larrecinLe fou<strong>et</strong> tout nud en <strong>de</strong>shonneui'.Epistre faicte en <strong>de</strong>plovationQuafaict Piobin à s'amye <strong>de</strong> Vernon.Epistre <strong>de</strong> la munière <strong>de</strong> Vernon \^gnon.Respondantà (^cel/e <strong>de</strong>) Robin ^ boncompa-La grâce <strong>de</strong> Robin, <strong>et</strong> remissionPrésentée par la munière <strong>de</strong> Vernon.Plus les prières <strong>et</strong> do/ts faictz par RobinA cehiyqui Va marié, <strong>et</strong> burent bon vin.Avec prii'ilège. A Paris, chez GuillaumeNyi>erd, imprimeur^.1. In-8goth.<strong>de</strong> S feuill<strong>et</strong>s. lléimpriniéparM.Silvestredans ses Poésies gothiques fraiiçoises{\m])r. <strong>de</strong> Crapel<strong>et</strong>,i83i,in-8 <strong>de</strong> i8p.).—D'après notre pièce, ce personnageparisien étoit une esjtèce <strong>de</strong> ménétrier qui s"en alloit surson âne jouer <strong>de</strong> maison en maison <strong>de</strong> la cornemuse <strong>et</strong><strong>de</strong> la flûte. Sa réputation étoit gran<strong>de</strong>, <strong>et</strong> l'on avoitmême fait sur lui une chanson qui commençoit : Mamère, je veulx Robin. Il vivoit avec une fille qui s'ap-


Iogr<strong>et</strong>z,Défloration <strong>de</strong> Robin. 243Epistre du révérend seigneurEt maistre Robin au lecteur.Nobles seigneurs, je vous prie d'amytiéQue vous lisez irctous en grand piliéLes miens regrclz ,qui sont icy escriptzVous protestant, puis qu'on ma chastiô,Ne faire tort à nul, ne mauvaistié,Par quoy je sois <strong>de</strong> Justice repris.Les Re"-r<strong>et</strong>z .[<strong>et</strong>] pleurs , <strong>et</strong> gran<strong>de</strong> fâcherieJ ay dans mon cueur <strong>de</strong> la grand mocqueric^^^^^ Qui à tousjours <strong>de</strong>sus moy sera faicte ;l'auvrc Uobin, ton œuvre est trop infecte;A cestc fois larron es réprouvé ;La larrecin sur toy on a trouvé ;Tu ne le peulx à personne nyer.peloit , <strong>de</strong> son nom ou <strong>de</strong> son sobriqu<strong>et</strong> , la Meunière <strong>de</strong>Vernon, <strong>et</strong> qui paroît avoit été assez bien dans les bonnesgrâces d'un cardinal. Mais , comme il convient à unménétrier, Uobin <strong>et</strong> ses amis ne valoient pas graud'-chose. Ils volèrent un jour un plat d'argent, <strong>et</strong> Robin,pris <strong>et</strong> condamné, fut, un mardi au matin , nous dit lapièce, mis sur son âne, promené à coups <strong>de</strong> verges, <strong>et</strong>,comme les l<strong>et</strong>tres burlesques <strong>de</strong> rémission mises sous lenom <strong>de</strong> la Meunière sont datéesdu iSoudu ^3 avril i556,il est probable que c<strong>et</strong>te condanmatiou fut subie par le


244 DéflorationOr, qui plus est, toy, estant prisonnier.Las confessé à toute la justice.Par quoy chascun a <strong>de</strong> ton faict notice,Et, à la fin que fusses niieulx cogneu,Le juge a faict m<strong>et</strong>tre ton corps tout nu;l'areillement aussi a ordonnéQue lu serois sur un asne mené.Et puis fou<strong>et</strong>té avec cinq compagnions,Lesquelz estoient, ainsi que toy, larrons.Pour abréger, un teigneux bien abilleM'a bien fe[s]sé par les coinqs <strong>de</strong> la villeQui est à moy honte perpétuelle ;Pas ne pensois avoir fortune telle :Car à me veoir ,ainsi comme je croypauvre diable dans ce mois-là même. Un vers du sonn<strong>et</strong><strong>de</strong> la fin indique que la déploration <strong>de</strong> Robin avolt déjà étéimprimée plusieurs fois à Paris, <strong>et</strong> l'on cite sur le mêmesuj<strong>et</strong> une autre pièce gothique :uLa repentance du mariage<strong>de</strong> Robin <strong>et</strong> complaincle sur sa ficsligacion, avec la chan~çon nouvelle», imiirimée à Paris, chez Nyverd, <strong>et</strong> dontl'auteur se nomme B. <strong>de</strong> Gourmont. 'Cf. le catalogue LaVallière, no 2941, <strong>et</strong> Brun<strong>et</strong>, t. j, p. 5o.) Un volume<strong>de</strong> prose, imprimé au commencement du XVIle siècle,s'appelle la Fluste <strong>de</strong> Robin, en laquelle les chansons <strong>de</strong>chaque mestier s^égayent , <strong>et</strong> vous y apprendrez la manière<strong>de</strong> jouer <strong>de</strong> la fluste ou bien <strong>de</strong> vous en taire. C'estune suite <strong>de</strong> plaisanteries libres dans le goût du chapitre<strong>de</strong> Rabelais sur les alliances étranges du pays d'Ennasin(liv. 4, chap. 9). Je le rappelle surtout parcequ'ony voit le mot <strong>de</strong> flûte associé au nom <strong>de</strong> Robinqui peut être pour quelque chose dans le proverbe :Ilse souvient toujours à Robin <strong>de</strong> ses flûtes.


,,,,,,DE Robin. 245Il y avoit gens plus qu'à rentrée d'un royLesquelz disoieni entre eulx : « Voillà RobinDessus son asne <strong>et</strong> gentil haudouin,Lequel bien fort est <strong>de</strong> verges escarmoucheDe peur qu'il soit mordu <strong>de</strong> [quelque] mouche.»Ainsi s'en vont les gens [fort se] mocquantDe moy, Robin, dont je suis fort dolant;Mais loulesfois j'ay encore reconfortQue je suis vif, <strong>et</strong> non pas du tout mort;Aussi <strong>de</strong> bref l'on m<strong>et</strong>tra en oublyLe mien mal faict , <strong>et</strong> seray restablyAinsi qu'eslois, avec les gens <strong>de</strong> bienQu'ilz ne voudroient m'en reprocher en rien.Pareillement j'ay assez bonne ruseDe bien jouer à tout ma cornemuseEt , <strong>de</strong> la tluste ,j'en scez , à dire voir.Presque à peu près ce qu'il en fault sçavoir;Parquoy jediclz qu'encore du bon vinDedans Paris boira le bon RobinKt <strong>de</strong> Robin tousjours on parleraEt <strong>de</strong>s chansons <strong>de</strong> Robin on fera ,Et à tousjours sera bruict <strong>de</strong> Robin ,Qui eut le fou<strong>et</strong> un mardy au matin.En parle dont qui en parler vouldra;Le temps passé jamais ne reviendra;Je ne pensois ,je le prens sur ma vieAvoir jamais si gran<strong>de</strong> villanie.Peult estrc dont tel est <strong>de</strong> moy mocquant,Qui en aura quelque jour bien autant;Nul donc <strong>de</strong> vous ne soit <strong>de</strong> moy mocqueur,Je vous supplie humblement <strong>de</strong> bon cueur;Ce que j'ai faict, c'cstoit par importance


246 DeplorationParce qu'eslois en très grand indigenceD'avoir un asne pour mon corps supporter,Car autrement je ne me puis porter.Quand on me voit, cbascun se prent à rire,Et les enfans se preignent tous à direQuand ilz s'en vont au soir quérir du vinA haute voix : « Ma mère ,je veulx Robin. »Il n'y a ville , ainsi qu'il m'est advisOù <strong>de</strong> Robin on ne face <strong>de</strong>vis;Ne vueillez donc Robin m<strong>et</strong>tre en oubly ;S'il a vers vous aucunement faillyJe vous requiers à tous benignementGrâce <strong>et</strong> pardon , vous faisant bon sermentDe son vivant ne faire larrecin;Pardonnez donc , messeigneurs , à Robin.Fin <strong>de</strong> la Deploration Piobin,Epistre faicte en <strong>de</strong>plorationQua faict Robin à sa mye <strong>de</strong> Vernon.a bien aymée <strong>et</strong> très loyalle amye.Je n'ay repos, ne heure ny <strong>de</strong>mye,'i'À p Sinon penser incessamment à vous;Aussi jecroys qu'avez eu grand cour-Du grand malheur, las! qui m'est survenu; [rouxPour un larron suis maintenant tenu.A cesle foys j'ay perdu mon honneur,


,,DE Robin.Dont ccsl à vous <strong>et</strong> à moy <strong>de</strong>shonneur;^47Avant cela j estois du tout aymé ,Et <strong>de</strong> chascun gran<strong>de</strong>ment estimé;11 n'y a pas la personne du RoyQu'il n'ayc sceu le bruit qu'on faict <strong>de</strong> moy.N'est-ce pas donc maintenant grand dommageD'avoir fou<strong>et</strong>é un si beau personnageComme je suis, <strong>et</strong> aussi [très] sçavant?Croyez , ma mye, que j'en suis fort dolant;Je croys aussi qu'avez le cueur niarryDe veoir ainsi vostre pauvre maryA hontaige maintenant d'un chascun:Car tout partout est son fait tant commun.Pour dire vray, m'amye cordialle,J'ay eu le fou<strong>et</strong> par Paris <strong>et</strong> aux HallesTant que le sang démon corpï dcpuroil,Et si cliascun <strong>de</strong> moy si se mocquoit;Non voilà ])as une pauvre amytiéQue <strong>de</strong> Robin on n'eût' autre pitié?V'ous rescrivant, je vous jure mon ame,Que <strong>de</strong> mes yeulx y tumboit grosse larme.Pareillement je me tiens tout aseurQue lire icy vous n'aurez pas le cueur,Car il auroit le cueur bien endurcyNon pas plourer en lisant ce mal cy.Et encor plus, qui m'est grand <strong>de</strong>sconfort,Je vins à pied , car mon asne estoit mortDont à présent je suis à grand esmoy :Car tout le mon<strong>de</strong> en ha chanson <strong>de</strong> moy ,Disant cela : « Voilà comme RobinI. Impr. : n'avoit.


248 DéflorationHa eu le fou<strong>et</strong> pour son grand larrccin. »Pour ce vous prie <strong>et</strong> requiers, ma mignonne.Que <strong>de</strong> ce faict autre ordre on n'y donne ;Si je pouvois aller, sachez <strong>de</strong> vray [voir]Que <strong>de</strong> bon cueur je vous fusse allé veoir.Et si vous eusse compte plus amplementLa fascherie que j'ay journellement,Tant pour mon asne <strong>et</strong> le fou<strong>et</strong> que j ay eu.El vous , m amye , à qui je suis tenuMonstrez-moy donc à ce coup pardoulceurSi vous maymés fermement, <strong>de</strong> bon cueur;11 vous fault doncq, sans plus guère arrester,Ma doulce amye, vers moy vous transporter,A celle fin que je vous puisse direCela que pas jen'ay loysir d'escripre.Ce nonobstant , il ne fault pas cesserAinsi la chose <strong>et</strong> du tout la lais[s]er;Je vous supplie que vous ne faillez pasVous en aller, plus viste que le pas ,Devers le roy luy faire humble requesteQue sois receu en bancqu<strong>et</strong>z <strong>et</strong> [en] feste,El , si larron suis jamais ,par sainct PolJe veulxque soys estranglé par mon col.Allez-y donc, puis qu'ainsi je le veulx,Et vous serez tousjours mon cueur amoureulx ;Les genlilz hommes, bourgeois <strong>et</strong> marchantz ,Quand ilz oront <strong>de</strong> loy les jollys chantz ,Hz te iront veoir d'une bonne amityé ;Tu auras donc une très grand pitiéLes recevant humblement à ton lieu ,Fusl pour l'argent ou pour l'honneur <strong>de</strong> Dieu.Donc à présent monstre-toy charitable


,,DE Robin. 249A ton amy <strong>et</strong> aussi amyabicToy suppliant <strong>de</strong> m'envoyer response,Ou autrcmenl je ne t'estime une once.Fin <strong>de</strong> l'epistre à Robin.Epistre <strong>de</strong> la mustiière <strong>de</strong> VernonB.espondant à Robin, bon compai'gnon.'^iix>-\=;j\ pi'ès avoir ouy la grand complaincte ,'^^^^) ^^ ^^ ^"^^ presque <strong>de</strong> grosse larmeesteinte ;Mon doulxamy, vous avez fort souffert,Vous estre ainsi à telle peine offcrl ;N'eussiez-vous sceu <strong>de</strong> ce faict faire apeauQue vous laisser ainsi batre la peau?Ce nonobstant, ainsi qu'ay ouy dire,Ke mot d'apeau ne vous failloit pas dire:r.ar bien peult estre eussiez esté pendu ,Dont <strong>de</strong> douleur mon cueur sefeust fendu.Ce fust donc faict bicnsaigement à vous.Je n'en auray au moins si grand courroux ,El voilà donc qui me donne confort.Que, Dieu mercy, vous n'en estes jias mortDont ne Icrrons à nous bien rcsjouir,El nous lientcr, pour noz amours jouir.Si vous avez eu le fou<strong>et</strong> fermement.C'est peu <strong>de</strong> cas: on en donroit autantA un enfant s'il avoil offensé.Je prens le cas que vous avez dansé


25oDéflorationEt fait voz monstres par les rues <strong>de</strong> Paris ;Une autre foys ne soyez pas repris.Vous fustes certes un peu trop diligentD "aller ainsi liaper ce plat d'argent ;Une autre foys ne faicles pas ainsi.El, d'autre part, vous mandés qu'en soucyVous languisez tout pour l'amour <strong>de</strong> moy,N'en prenez point un si [très] grand esmoy,Car vous sçavez qu'il est par tout renomDe la musnière que l'on dict <strong>de</strong> Vernom.Si vostre nom a bruit, vous sçavez bienPareillement qu'aussi en ha le mien.Je m'en vois donc, pour le faire plus court,Pour vostre fait tout fin droit à la court.Et aux seigneurs je feray ma compl[a]incte,Affin que soit ceste grand faulle cstaincteEt, si je puis, <strong>de</strong> l'argent d'eulx auray,Et puis après je vous acheplerayUne jument ,pour vous porter par voye.Mais toutefois je n'ay pas au cucur joye ,Car on m'a dict que vous este[s] paillardEt que tousjours hantez le Champ Gail[l]ardA tout le moins ne gaignez la vcrolle :Car je vous dis, noie /. bien ma paroHeQue ne voudrois jamais, matin ne soir,En mon logis aucunement vous veoir,Quand vous aurez le chancre <strong>et</strong> les poulains;Ce m'est tout un, pour cela plus ny moins.Mais d'autre cas je vous veulx bien man<strong>de</strong>rExpressément <strong>de</strong> vous en bien gar<strong>de</strong>r;En ce faisant vous me ferez plaisir.Pareillement ,j'ay assez bon désir


,,DE Robin. 2De bien pourveoir à toul[e] voslre affaire;Par quoy, amy, ne vous vueille déplaire,Prenez tousjours le mal en patienceEt , si Dieu plaist ,je feray diligenceSur les propos lesquelz m avez mandé;Pour tant à Dieu soyez recommandé.Bien plus à plain je vous eusse rescripl;Mais tant troublé j ay mon pauvre espritQue je n'ay plus ne force ne courage;Une autre foys j'en diray davantage.Fin <strong>de</strong> l'epilre <strong>de</strong> la miisnière <strong>de</strong> Vemon.La grâce <strong>de</strong> Robin <strong>et</strong> rémissionPrésentée par la musniére <strong>de</strong> Vernon,ien licureuxestqui ha tousjours voscuToute sa viesansreprchension; [cheu,iJien licureux est à qui oncq ne mes-Et <strong>de</strong> justice n'eut oncq punition;bien heureux est qui prlnt correctionDe soy-mesme, sans que nul en eust peine,Et à autruy n'eut onc dissention;Bien heureux est, la chose est [très] certaine.Fusse un roy , un duc ou capitaine,[Fusse] un bailly, prevost ou advocat,Fusse un abbé , evesque ou chanoineBourgeois, marchans, ou usant <strong>de</strong> quelque art,


202 DeplorationTant soit begnin , doulx <strong>et</strong> <strong>de</strong> belle part,Saige, discr<strong>et</strong>, ou <strong>de</strong> autre efticase.Que <strong>de</strong> malheur il n'en ayt quelque part,Ou quelque faulte en sa vie il ne face.On ne peult pas tousjours eslre en grâceDe son seigneur, maislre ou du commun ,Que aucunes fois on ne se trove en place ,Là où on ne soit diffamé par quelque un ,Oududyable, quiesl tant importun,Aucunement il n'ait tentationEn ce mon<strong>de</strong> je n'en sache point un ,Et qui puisse eslre sans imperfection.Et qui a faict tort, faull satisfactionFaire en ce mon<strong>de</strong>, qui n'est que transitoire ,Ou bien souffrir la con<strong>de</strong>nnationDu puys d'enfer; la chose est notoire.Et, si aucun ,par quelque mesprison,A esté pris <strong>et</strong> bouté en prison ,Et advenu luy soit quelque fortune ,Si ne fault il que chascun l'importune ;Mais survenir à sa nécessité.Pour acquérir le don <strong>de</strong> charité.Or est ainsi que le pauvre» RobinPuis peu <strong>de</strong> temps , avoit faict un butinEn quelque lieu , sans aller à la guerreEn Bourgongne, Flandres ou Angl<strong>et</strong>erre ,Duquel forfaict il a esté punyPar sus le dos , <strong>et</strong> <strong>de</strong> son asne bany ;Mais sa femme , tant bonne <strong>et</strong> honeste,De qui on a <strong>de</strong><strong>de</strong>ns Paris faict feste.Nous ha requis, par humble amytié.


,,,,DE Robin. 253Que nous eussions <strong>de</strong> son Robin pillé,Et que eussions à le remestre en grâceFour ce trouver en tous bons lieux <strong>et</strong> place,Où ilpuisse jouer <strong>de</strong> sa mus<strong>et</strong>e.Pour resjouir juvenceaux <strong>et</strong> tillelles,Et par la ville se puisse pourchasserSans que nully le puisse empesclier.Et, pour ces causes. Nous, <strong>de</strong> grand pitié mue,Après avoir sa requesle receue.Mais toutesfois ne voulons arroguerOu a justice je puissions dcroguer,Ains supplier <strong>de</strong> ne prendre à injureCe passeleinps cy mis par escriptureEn survenant à tous mal avisésSelon le cas dont fus abusés.Nous entendons que Robin dorcsnavantSus quavalin', ou bien une jument,Sans contredicl yra parmy Paris,Où ilpourra re({ucrir ses amys,El si faisons à tous cnfans défonceQu'au dict Robin il ne facent nuysance,Ains le laissent jouer paissiblementParmy Paris <strong>de</strong> son doulx instrumentPour resjouir les femmes tant priséesEl , sur peine <strong>de</strong> tavernc[s] brisées,Luy défendant <strong>de</strong> plus ne r<strong>et</strong>ournerA tel mesfaictz, mais bien s'en <strong>de</strong>stourner.De peur d'estrc chatoillé par la gorge.Donné <strong>et</strong> faict le propre jour Sainci George ,i. Impr. : Soit <strong>de</strong>ssus un quavalin.


254 DeplorationQue l'on dict [mil] cinq cens cinquante six.Le treiziesme jour [<strong>de</strong> ce mois] d apvril '.Fin <strong>de</strong> la Remission.Les prières <strong>et</strong> dons, fai<strong>et</strong>z par RobinA celluy qui l'a marié , dont burent bon vin.'^^^e prie à Dieu qu'il vous doint pauvr<strong>et</strong>é,tm Yver sans feu , vieillesse sans maisonVès) Grenier sans bled en l'arrière saison ,Cave sans vin tout le long <strong>de</strong> l'esté.Je prie à Dieu qu'à bon droict ou raisonN'ayez chez vous riens qui ne vous <strong>de</strong>splaiseTant que ,pour eslre un peu mieulx à vostre aise,Vous pourchassiez estre mis en prison.Je prie à Dieu que vous rencontriez seizeToutes les fois que livrerez <strong>de</strong> dix.Et qu'il vous doint <strong>de</strong>ux maistres estourdis,Et une femme qui jamais ne se taise.Je prie à Dieu que , sans hoste ou fourrier ,Vous poursuyviez à la court quelque affaire ,Et qu'il vous doint, pour diligence faire,Le trot rompu d'un cheval <strong>de</strong> courrier.Je prie à Dieu, le roy <strong>de</strong> paradis.Que, <strong>de</strong>spourveu, adventure allez querre,1 . Il y a ici erreur du poète ou mauvaise leçon ; Saint-Georges n'est pas le i3, mais le 23 avril. On pourroillire : Le vingt <strong>et</strong> troiziesme jour d apvril.


,,,DE Robin. 255Seul , incongncu , en eslraiigière terre,Non eiUcndu par signes ne par dicLz.Je prie à Dieu, qui seul peiilt tout parfaire ,Qu'à vous se vienne un marchant ataclier ,Qui, nuyct cl jour, ne l'ace que presclierDe voslre <strong>de</strong>bcte <strong>et</strong> <strong>de</strong> luy satisfaire.Je prie à I-tieu que ,pour honneur acquerreEt mériter couronne <strong>de</strong> laurier,^ ous ne pensiez qu'àvous tenir gorrier,Brave en la court <strong>et</strong> couard en la guerre.Je prie à Pieu que, pour vous empescher.Il vous doint six douzaines <strong>de</strong> procèsForte partie , un juge sans accèsFoiblc advocal fors qu'à prendre <strong>et</strong> pescher.Je prie à Dieu qu'il vous prcigne un accèsDe longue peur <strong>et</strong> froi<strong>de</strong> jalousieQu'un autre n'ait vostrc femme choisie ,Pour l'cspouser après vostre décès.Et, si c'est trop à vostre fantasie.Ayez, sans plus , un amoureux soucyTel que le mien, <strong>et</strong> dame sans mercy ',Qui du chaultmal vous m<strong>et</strong>te en frenasie.Je prie à Dieu que ,quand vous mentirés,Hors <strong>de</strong> la bouche une <strong>de</strong>nt puisse yssir,Ou autromeiil qu'il vous puisse sortirUn gros ostront, dont vous <strong>de</strong>junerés.Je prie à Dieu que, quand vous voudrez chier,Que vous n'ayez clarté en nulle sorte1. Souvenir du titre <strong>de</strong>là pièce d'Alain Chartier.


256 DeplorationEt qu'en la main une ortie bien fortePuissiez trouver pour torcher le brodier.Je prie à Dieu que vous soyez coquEt sur la teste ayez la forte taigneEt la fièvre incessamment vous teingne ,Ayant tousjours amauruyttes* au cul.Encore veulx-je, après tous cesmaulx-cy,Qu'il n'y ait homme au mon<strong>de</strong> qui vous pleigne,Et que chascun vous estime <strong>et</strong> vous tienneNon digne <strong>de</strong> pris; je le veulx, il sera ainsy.Iluictain faict aux seigneurs <strong>de</strong> Pariscriant inercy.oblcs seigneurs, bourgeois , aussi marchands,Quand vous lirez ma DeplorationTant à la ville , aux faulxbourgscomme aux champsAiez <strong>de</strong> moy humble compassion.Ce nonobstant, par récréation,N'oubliez pas, le soirny le matin,De chanter tous, par bonne affection,A haulte voix : « Ma mère ,je veulx Robin. »1. Hémorrhoï<strong>de</strong>s.


,,Sonn<strong>et</strong> comprenantDE Robin. 267sommairement laComplaincte <strong>de</strong> Robin.ay perdu en un coup ma bonne renommée,Lasne qui me portoit ma vescellcd argentL amour du Cardinal , ma pucclle au corps genl,La femme <strong>de</strong> Robin vulgairement nommée.Ma belle cornemuse est <strong>de</strong>sja abismée;Ma chanson outre plus un chascun va forgeant ;Ma Deploration, <strong>et</strong> mon estât changeant,Par plusieurs à Paris est <strong>de</strong>sjà imprimée.J'ay perdu tout cela, <strong>et</strong> troys foys encor plus,Par quoy <strong>de</strong> ma pilié les arrestz sont concluzQu'après avoir souffert si ru<strong>de</strong>s algara<strong>de</strong>sMille cmprisonnemenlz, mille chansons, es-Je n'ay finablcment gaigné <strong>de</strong>dans Paris [criptz.Que <strong>de</strong>s mains d'un galant cent mille fou<strong>et</strong>a<strong>de</strong>s.De fortune une.Bien plus à plain ferois relationDes faiclz Robin , si j'avoys le loisir;Ce que j ay faict, ce n'est que pour plaisirEt pour donner à aucuns récréation.Qui en vouldra, si se transporteDevant le Palays la grand porte*.i. Signature <strong>de</strong> Nyverd, qu'on a déjà vue dans ce <strong>Recueil</strong>,Cf. t. 2, p. 223, 23o.P. F. V. .7


258Le Débat <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux Demoiselles^ l'une nomméela Noire <strong>et</strong> Vautre laTannée.Ious connoissons <strong>de</strong> ce Ik'bat fameux <strong>de</strong>uxImanuscrits , trois éditions anciennes <strong>et</strong> une^)éiinpVession nio<strong>de</strong>rne, que nous allons dé-•rire successivement. Le plus ancien manuscritA; ligure au catalogue du duc <strong>de</strong> La Vallicre (t. 2,n" 2837, p. 281-3); il a été acquis par la Bibliothèquedu roi , où il porte le n" i5i du fonds La Vallière. C'estun p<strong>et</strong>it in-4 sur parclieuiin <strong>de</strong> 2 1 feuill<strong>et</strong>s ;<strong>de</strong>ux ont<strong>de</strong>s encadrements peints <strong>et</strong> une miniature. La iiremièrereprésente l'auteur à genoux , offrant son livre à unefemme vêtue <strong>de</strong> rouge <strong>et</strong> assise à droite ; une autrefemme , assise à gauche , <strong>et</strong> qui semble indiquer à l'auteurd'offrir son livre, non à elle, mais k l'autre femme,est vêtue d'une robe bleue bordée d'hermine. Les <strong>de</strong>uxfemmes ont <strong>de</strong>s bonn<strong>et</strong>s pointus avec un couvrechef <strong>et</strong> unvoile, ce que n'ont pas «eux <strong>de</strong> leurs suivantes. Au fond,un ri<strong>de</strong>au <strong>de</strong> velours brodé d'or avec <strong>de</strong>s fleurs <strong>de</strong> lysdans le <strong>de</strong>ssin. Par les bonn<strong>et</strong>s <strong>de</strong>s femmes ,par le vêtementcourt <strong>de</strong> l'homme, c<strong>et</strong>te miniature accuse le pleinmilieu du XV^ siècle. La secon<strong>de</strong> miniature représentela Noire <strong>et</strong> la Tannée sur le premier plan, <strong>et</strong> au fond l'auteurécrivant. Le manuscrit est suivi <strong>de</strong> la copie <strong>de</strong> <strong>de</strong>uxnotes, l'une <strong>de</strong> <strong>de</strong> Boze, l'autre <strong>de</strong> La Monnoye, sur lesquellesnous reviendrons.Le second manuscrit (B) appartient à M, le baron


,Débat <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux Demoiselles. 269Jérôme Piclion ,qui nous Ta gracieusement communiqué.Outre notre Débat, qui en occuiielcs vingt-un premiersfeuill<strong>et</strong>s, c'est-à-dire ii peu près le tiers, il contientle Débat du Gris <strong>et</strong> du Noir <strong>et</strong> un certain nombre<strong>de</strong> balla<strong>de</strong>s <strong>et</strong> <strong>de</strong> ron<strong>de</strong>aux. Tout à la (in on lit ces lignes,écrites par un <strong>de</strong> ses anciens possesseurs : «Jepromelz sur ma foy à vous , madame ,que , dès incontinentque seray au Mans , feray faire vostre livre <strong>et</strong> levous envoyray. G. <strong>de</strong> Lux<strong>et</strong>nbourel^.n De nos jours il aappartenu à M. Méon, puis à M. <strong>de</strong> Soleinne, <strong>et</strong> M. Pichonl'a acquis a l'amiable <strong>de</strong> ses héritiers, parceque celivre, ainsi que quelques autres étrangers au théâtre,avoit été laissé en <strong>de</strong>hors du catalogue. La forme <strong>de</strong>l'écriture ,qui est fort élégante , <strong>et</strong> le costume <strong>de</strong>s personnages<strong>de</strong>s miniatures , finement exécutées accusentla fin du XV^ siècle.Deux <strong>de</strong>s éditions anciennes figurent dans le curieuxrecueil gothique qu'on appelle: Le Jardin <strong>de</strong> plaisance <strong>et</strong>fleurs <strong>de</strong> rhétorique. Dans l'édition imprimée à Lyon parOlivier Arnoull<strong>et</strong> pour Martin Broulion (C) , il occupe lesfeuill<strong>et</strong>s cxx verso à cxxvi recto; dans l'édition (1); donnée à Paris par la veuve Tre|iperel <strong>et</strong> Jehan Jehannotrue Neufve-Nostre- Dame, à l'Escu<strong>de</strong> France, les feuill<strong>et</strong>scxxxv verso à cxli recto. Celte secon<strong>de</strong> éditionporte au <strong>de</strong>rnier verso la date xlvii, c'est à-dire i547 ;mais nous ne pouvons donner la date <strong>de</strong> la seule éditiongothique séparée que nous connoissions E) , <strong>et</strong>dont nous avons vu un exemplaire chez M. Cigongne.C'est un p<strong>et</strong>it in-8 <strong>de</strong> 20 ff., sous les signatures A-Bavec ce titre : Le Débat <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>moyseltes , l'une nomméeyoyre <strong>et</strong> l'autre Tannée. Elle a 26 lignes à la page,1. Trois membres <strong>de</strong> la famille <strong>de</strong> Luxembourg, qui furenttous trois cardinaux , ont été évéques du ^!ans: Thibaud , <strong>de</strong>1468 à i474; Philippe, <strong>de</strong> i474 ^ iSoy; François, <strong>de</strong> 1607 àiSog, <strong>et</strong> <strong>de</strong> nouveau Philippe, <strong>de</strong> lâog ù i5ig. G. <strong>de</strong> Luxembourg<strong>de</strong>vûit être <strong>de</strong> leur famille.


26oLe Débat<strong>et</strong> au titre un bois <strong>de</strong> trois femmes à la porte d'nnctente , avec vue sur la mer, une barque remplie <strong>de</strong> soldats.C'est celle qui a été suivie dans la réimpressiondonnée chez Didot, en 1825 * ,par M. <strong>de</strong> Bock^.Malheureusement, c<strong>et</strong>te édition gothique séparéeest tout à fait incorrecte; non seulement il y manque<strong>de</strong>s vers , mais , à la fin , <strong>de</strong> même que dans la pièce <strong>de</strong>Bau<strong>de</strong> (cf. t. 4, p. i75\ l'imprimeur avoit changé levers 011 se trouvoit le nom <strong>de</strong> l'auteur, c<strong>et</strong>te édition duDébat <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>moiselles remplace par <strong>de</strong>s vers insignifiantsceux oii il étoit question <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux dames auxquellesles damoyselles convenoient <strong>de</strong> soum<strong>et</strong>tre leurdébat, mention tout à fait intéressante <strong>et</strong> que nous <strong>de</strong>vonséclaircir.La Tannée, qui ouvre la première l'avis <strong>de</strong> s'en rapporterà <strong>de</strong>ux femmes <strong>de</strong> maison, disant:Quant est <strong>de</strong> moy, je choisy celleQui est duchesse d'Orléans ,<strong>et</strong> la Noire lui répondant:Or <strong>de</strong> ma part je vueil très bienPour juger ma douleur extresmeEt pour tenir le party mien ,Sa seur, contasse d'Angoulêmeil reste à savoir ce qu'étoient ces <strong>de</strong>ux sœurs, l'unecomtesse d'Angoulême, l'autre duchesse d'Orléans. Pour1. Le débat <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>moyselles , suivi <strong>de</strong> la vie <strong>de</strong> saintHar<strong>et</strong>ic, avec d'autres poésies du X7= siècle, avec <strong>de</strong>s noies <strong>et</strong>un Glossaire, in-8 <strong>de</strong> 176 pages. Le débat <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux damoyselle*y occupe les pages 3-67. Nous avons déjà donné dans ce recueilla vie <strong>de</strong> saint Harenc (t. 2, p. SaS-Sa) , le débat <strong>de</strong> Nature<strong>et</strong> <strong>de</strong> Jeunesse (t. 3, p. 84-96), le débat do Vin <strong>et</strong> <strong>de</strong>l'Eau (t. 4. p. 103-21) ; dans ['Ancien théâtre françois , le débatdu Corps <strong>et</strong> <strong>de</strong> l'Ame (t. 3, p. 325-36) , <strong>et</strong> nous donneronsla complainte du Trop tard marié, dans les œuvres <strong>de</strong> Gringore.2. L'un <strong>de</strong>s fils <strong>de</strong> Jean-Nicolas Etienne, baron <strong>de</strong> Bock, surli'quel M . Th. <strong>de</strong> Puymaigre a écrit une notice dans son volume.Poètes <strong>et</strong> romanciers <strong>de</strong> la Lorraine, M<strong>et</strong>z, 1848, p. 215-36.


DE DEUX Demoiselles. 261La Monnoye , dont l'opinion , analysée par <strong>de</strong> Bure dansle Catalogue La Vallière, a été suivie par M. <strong>de</strong> Bock<strong>et</strong> par M. Champollion-Figeac\ la comtesse d'Angoulêmeseroit « Louise <strong>de</strong> Savoie , mère <strong>de</strong> François!«'', <strong>et</strong>dont le comté d'Angoulême ne fui érigé en duciié qu'al'avènement <strong>de</strong> son fils, <strong>et</strong> la duchesse d'Orléans seroitJeanne , fille <strong>de</strong> Louis XI , <strong>et</strong> femme <strong>de</strong> Louis , ducd'Orléans ; comme , lorsqu'il <strong>de</strong>vint roi <strong>de</strong> Francesous le nom <strong>de</strong> Louis XII, il la répudia, la pièce nepourroit être ni postérieure à 1498, ni antérieure ;i i488,époque du mariage <strong>de</strong> Louise <strong>de</strong> Savoye. » Si nous ne possédionsque le second manuscrit , rien ne s'opposeroità c<strong>et</strong>te opinion , <strong>et</strong> la réflexion que Jeanne <strong>et</strong> Louise n'étoientpas sœurs, mais seulement cousines germainespar leurs maris, ne seroit pas même suffisante pour empêcher<strong>de</strong> l'adopter. Mais la présence du premier manuscritla rend impossible : costumes <strong>et</strong> écriture accusenttrop positivement le milieu du XV^ siècle pour qu'onpuisse se défendre <strong>de</strong> le reconnoîlre. La note <strong>de</strong> <strong>de</strong>Boze, laissée <strong>de</strong> côté par <strong>de</strong> Bure a. cause <strong>de</strong> la plusgran<strong>de</strong> réputation <strong>de</strong> La Monnoye , donne la véritableexplication : «Les <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>moiselles, dit-il , conviennent<strong>de</strong> s'en rapporter, l'une à la duchesse d'Orléans, l'autreà la comtesse d'Angoulême , sa sœur ; elle est appelléesœur <strong>de</strong> la duchesse d"Orléans, non qu'elle le fùl véritablement, mais parceque ces <strong>de</strong>ux princesses avoientépousé les <strong>de</strong>ux frères. La duchesse d'Orléans étoit Marie<strong>de</strong> Clèves, femme <strong>de</strong> Charles, duc d'Orléans,qu'elle perdit en i465, <strong>et</strong> qui mourut elle-mêmeen 1487.La comtesse d'Angoulême étoit Marguerite <strong>de</strong> Rohan,femme <strong>de</strong> Jean d'Orléans, comte d'Angoulême, veuvei. Dans le compte rendu du volume <strong>de</strong> M. <strong>de</strong> Dock ,publiédans lu Bull<strong>et</strong>in universel <strong>de</strong> M. <strong>de</strong> Ferussac, 7' section (Scienceshistoriques, anlitiuilés ,philologie), t. 5, i8a6, n" 25/,p. 181-3.


202 Le Débaten 1467 <strong>et</strong> morte en 1496.» Connue le remarque <strong>de</strong>Boze, le mot <strong>de</strong> sœurs leur convient parfaitement Marie<strong>de</strong> Clèves a épousé Charles d'Orléans en i44o, <strong>et</strong>Marguerite <strong>de</strong> Rolian a épousé Jean d'Orléans le 3iaoût i446 : la pièce est donc postérieure à celte date;file est forcément antérieure à 1487, année <strong>de</strong> la mort<strong>de</strong> celle <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux fennnes qui mourut la première , <strong>de</strong>sorte qu'il en faut placer la date entre i4/i6 <strong>et</strong> i486.Maintenant, quel en est l'auteur? Nous n'avons pas d'élémentspour résoudre c<strong>et</strong>te question d'une manière positive.Nousremarqueronsccpendant que le manuscrit <strong>de</strong>M. Pichon offre à la fin une suite <strong>de</strong> balla<strong>de</strong>s <strong>et</strong> <strong>de</strong> ron<strong>de</strong>aux,dont voici les premiers vers, bons d'ailleurs àindiquer :Balla<strong>de</strong>s.h' vers. — Je menrs <strong>de</strong> soif auprès <strong>de</strong> la fontaine.Refrain. -- Or regar<strong>de</strong>z se tel homme se joue.I^' vers. — Entre courroux <strong>et</strong> peu <strong>de</strong> joye.Refrain. — Ce matin que l'on recommence.I^' vers. — Demeurant à Félicité.Refrain. — En l'ermitaige <strong>de</strong> Soucj.levers. Dessus la grand'mer <strong>de</strong> jeunesse.Refrain. — Par le vent <strong>de</strong> melancolye.Ron<strong>de</strong>aux.Mes yeulx vont à folle adventure.Sot œil , rapporteur <strong>de</strong> nouvelles.Mon cueur se eoniplaint <strong>de</strong> mes yeuls.Et savez-vous qui me lya 1Pour les niaulx dont je suis si plaia ,Las qui ay p<strong>et</strong>it souspir,Ou milieu d'espoir <strong>et</strong> <strong>de</strong> double.Fn la forest <strong>de</strong> longue actente.ayant pour refrain :Soucy me veult hanter souvens.


BE DEUX Demoiselles. 263l'our mon cuenr va Désir en quesle.Pour tous les maulx d'amour guérir.A la porte <strong>de</strong> Desiriers.Las ! je Tayme mieulx que personne,ron<strong>de</strong>au à contre-vers.Ung corps lasné garny d'un cruel dueil.De l'erbe <strong>de</strong> doulce pensée.Tendys que mes yeulx <strong>de</strong> la teste.Une pièce <strong>de</strong> la strophes <strong>de</strong> 8 vers commençant :Après recommandationOu tiltre qu'on doit faire en lectre.Enfin ces quatre ron<strong>de</strong>aux, qui sont écrits, non <strong>de</strong> lamain posée d'un copiste , mais d'une façon tout à faitcursive :Tout à par moy afin qu'on ne me voie.Tons les regrès que sus la terre sont.Joye nie fuit <strong>et</strong> douleur me court seure.^!on plaisir est hors <strong>de</strong> tout bien avoir.La première <strong>de</strong>s balla<strong>de</strong>s , écrite sur l'un <strong>de</strong>s thèmestraités a. i'envi par les poètes qui gravitoient autour <strong>de</strong>Charles d"Orléans, est imprimée dans ses (ruvres sous lenom <strong>de</strong> Simonn<strong>et</strong> Caillau (od.<strong>de</strong> M. Varie Guichani, p.i38); le second ron<strong>de</strong>au <strong>et</strong> le septième s'y trouvent, p. 396<strong>et</strong> 070 , <strong>et</strong> toujours avec le même nom. Il est donc possibleque les autres p<strong>et</strong>ites pièces soient <strong>de</strong> lui , <strong>et</strong>, puisque laduchesse d'Orléans, à laquelle est dédié le Débat <strong>de</strong>s<strong>de</strong>ux damoyselles, est la propre femme <strong>de</strong> Charles d'Orléans,<strong>et</strong> que Simonn<strong>et</strong> Caillau étoit <strong>de</strong> la cour littérairedu duc Charles, il n'y a rien qui s'ojjpose à ce que leDébat soit <strong>de</strong> lui. Mais il n'y a là qu'un commencement<strong>de</strong> preuve, <strong>et</strong> nullement une certitu<strong>de</strong>.


264 Le DébatLe Bcbat <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux Demoiselles^ Vune nomméela Noire <strong>et</strong> l'autre laTannée.TMf^ es dames, j aporte nouvelles^c<strong>de</strong>ux femmes cointes cl belles.^5^/1 11En amours trop <strong>de</strong>sconforlées \Qui se sont à vous raportéesPour juger vray ^ <strong>de</strong> leurs querelles.Embusché me suis <strong>de</strong>rrière ellesPour ouyr leurs plaintes mortelles;En escript les ay rapportées.Mes dames, <strong>et</strong>c.Point ne sçavent les jouvencellesQue leurs paroUes telles quellesAye jusqu a vous transportéesSi soient^ par vous confortées,Se jamais sont <strong>de</strong>ssoubz * vos esles.Mes dames , <strong>et</strong>c., ouloir m'est prins d'escripre icyQu'en la saison qu'arbres florissent,,Hors d'un manoir^ aux cbampsissy;Pour vcoir les biens qui <strong>de</strong> terreEt comme oyseaulx se resjouissent[yssent1. Ce vers manque dans les imprimés.2. B :Mieulx juger.3. B: Soient donc. —4- B- tombent soubz.5. B : d'un vergier.


,,,DE DEUX Demoiselles. 265Quant voient leurs pers' arriver.Aussi comme herbes reverdissentA l'issue du temps d'ivcr.Par une solitaire yssue,En une sente me vins rendre ,Qui esloit pavée ^ <strong>et</strong> lissueDe fleur<strong>et</strong>tes <strong>et</strong> <strong>de</strong>rbe tendre ;Là maint roussignol <strong>et</strong> calendreGuy 3 sur arbres chanter moult bienEt en chantant en bas <strong>de</strong>scendreDont la veue me lisl grant bien.Bref, le plaisir que j'y prenoyeMes maulx tant oublier faisoitQu'à eslre joyeulx j'aprenoyeMon cucur, à qui tout* dcsplaisoit:Car nulz <strong>de</strong>s oyseaulx ne taisoitLeurs sons, se <strong>de</strong>vant eulx me veissent;Ainçoys chascun d'eulx se aisoitA chanter chans qui resjouissent.Par le sentier me pourmcnoycRegardant les arbres el fleurs ;Ainsi à mes maulx fin tenoyeQui sont""" eslictc'' <strong>de</strong> douleurs:Car ung homme noyé en pleursEn ce lieu se fust rejouy,Ou ileusl esté <strong>de</strong> maleursPlus plains que je ^ n"ay point ouy.1. B . leur père. — q. C, D: paiiile.3. A :Veys. — 4- A : tant. C, D : a tant.5. B : est. — 6. A : sont eslevez.7. A: Plus reniply que.


266 Le DébatEn cheminant ce doulx cheminJe n euz guéres avant estéQue trouvay l'huiss<strong>et</strong> d'un jardinOuvert ;lors <strong>de</strong>vant m'arrestay.Adonc pcnsay que ,pour l'estéAucuns prenoil <strong>de</strong>dans esbat;Si euz soubdaine voulentéD'y entrer sans plus <strong>de</strong> débat.Oultre le jardin une espace'Avoit ung hostel très plaisantOù je trouvay'^ ains qu'arrivasseGens qui granl bruit aloient faisant.Se fuz ung p<strong>et</strong>it <strong>de</strong>splaisantQue je ne savoye <strong>de</strong> leur estre ;Mais je cuy<strong>de</strong> que <strong>de</strong> présentBien sçay quelz gens ce pevent estre.Bref, au jardin me r<strong>et</strong>rahy;Mais à l'entrée ne vy personneDont fus un p<strong>et</strong>it esbahyQue nul en ce lieu mot ne sonne.Une maison, par semblant bonne ,Seoit en ung bout du vergier,Où 3 bien proprement y consonnePour en l'esté s'i herbergier.Si vins à l'huys <strong>de</strong> la maison,Marchant tout bellement le pas,Et lors entendy la raisonI. B: jardrin.a.B: Oùj'enlray; ouy.3. A: Que.


DE DEUX Demoiselles. 267De <strong>de</strong>ux femmes, qui par compas »Devisoient, sans celer le pas *,L'une à Tau ire leurs entreprinses,Qui me fut un plaisant repasD'oyr femmes si bien aprinses.A Teure que là jarrivay,J'entendy bien à leur langageQu'avoient fort estrivé pour vray^ ;Aussi le monslroil leur visage.Brief , leur conseil <strong>et</strong> leur ouvrage 3N'esloit que sur faiz amoureux.Par quoy je prins peine <strong>et</strong> courage*D'escouter leurs faiz malheureux^.Lors m'embuché en ung lieu noir.Où je croy que nulle d'entre ellesNe m'éust veu là remouvoir *^Sans avoir clarté <strong>de</strong> ' chan<strong>de</strong>lles.Ainsi, pour oyr <strong>de</strong>s nouvelles,D'escouter prins tant^ pascicnccQue j'ay cy escript^ leurs querelles,Dont sans charger *" ma conscience.1 . B :sans celer ung pas.2. A : Qu'ilz avoient fort estrivé.3. B: couraige. — !\. B: usaige.5. B : cas doloureux.6. B: Ne m'eustsçeu ouirn'apparcevoir.7. B : ou.8. A, B ; D'escouter tout prins.9. A : Tantquay escriptes. B : Et en escript mis.«o. A: Et fut sans chargier. B : Dont chargée sans.


268 Le DébatDe moy à elles n'y avoilQ'un p<strong>et</strong>it Ireilliz entre <strong>de</strong>ux ;Autre <strong>de</strong>stour ne me sçavoitGarenlir <strong>de</strong> la véue d'eulx.Ainsi j'oy leur cas pileux,Que je relins le mieulx que sceu ';Mais bien souvent j'esloie doubteuxD'estre en mon embusche apperceu.Et, pour leur fait mieulx concevoir,A lavesture prins fort gar<strong>de</strong>,Affin que pcusse appercevoirSe joye ou <strong>de</strong>splaisir les gar<strong>de</strong>.Mais tant plus leurs habilz regar<strong>de</strong> ,Je ne sçay que faire <strong>de</strong> direQu'Amours les picque <strong>de</strong> sa dar<strong>de</strong>,Ou leur maintien me fait mesdire^.L'une avoit sa robe tannée ^,Qui bien <strong>et</strong> beau luy advenoit ;Plus belle ne vy <strong>de</strong> l'annéeDe Testât qu'elle maintenoit ;Ung bonn<strong>et</strong> ses cheveux tenoit,Et par <strong>de</strong>ssus ung queuvre-chief'*,Qui souvent alloit <strong>et</strong> venoitQant luy faisoit le vent^ meschief^.i. B: Et r<strong>et</strong>ins au mieulx quejesçeu.2. B : leur fait mal dire.3 Le manuscrit B dit toujours tasnée.4. B : couverchief.5. B : fist lèvent <strong>de</strong>.6. B : C'est-à-dire le haut bonn<strong>et</strong> conique , au somm<strong>et</strong>duquel est attaché le voile qui flotte au vent ; c'est


,,,DE DEUX Demoiselles. 269Bien me souvient que sa ceintureEsloit faicte d'un tissu noir;Gar<strong>de</strong> ne prins à la ferrure;D'or fut, je le cui<strong>de</strong> savoir ;Mais bien vous vueil ranientevoirQue sa robbe estoil doubléeD'un fin veloux, ce croy pour veoir\Qui esloit <strong>de</strong> coleur violée'^.Encore estandi-je mes yeulxSus la couverte <strong>de</strong>s t<strong>et</strong>ins,ffin que dise le vray mieulxDes couleurs que belles ^ je tins ;Son baz fut noir, cela r<strong>et</strong>ins,Et la pièce <strong>de</strong> <strong>de</strong>ssoubz noire ;De damas fust ou <strong>de</strong> satins ,Mais je ne sçay pas* lequel croire.En son habit la regar<strong>de</strong>r,11 n'est cucur, tant soit d'amours^ las ,Qui <strong>de</strong> l'amer se sceut gar<strong>de</strong>rOu il''hait d'amours les soûlas;Ung amant tumbc en ses lasReffusé d'elle , par responceA grant droit pourroit dire: « Helas!La plus du mon<strong>de</strong> me renonce. »ainsi qu'elles sont représentées dans la secon<strong>de</strong> miniaturedu ms. A.I, B : D'un velours, ce cui<strong>de</strong> <strong>de</strong> voir.3. B : De coleur belle <strong>et</strong> vioUée.3. Imp. : telles. — 4. B : Sauroye.5. B : <strong>de</strong> dueil. — 6. B : S'il ne.


270 Le DébatMoult sembloit femme <strong>de</strong> façonEt' au maintien <strong>et</strong> au" langage;Aprins avoit bien la leçonQue doit sçavoir noble courage ;Je croy qu'elle soil bonne ^ <strong>et</strong> saige,De tant que je mV sçay congnoislre,Et que nature en son ouvrage^La fisl pour plus son loz accroistre.L'autre avoit une noire robbeVa sembloit, à son parler fort,Une femme que l'on dcsrobbe ,Ou à qui amours t'ait grant tort.Toulesfoiz , selon son gcnl port,Je ne me feusse avisé oncquesQu'elle eust porté nul <strong>de</strong>sconfortEn nulle manière quelconques.Sa robbe me sembla ^ doubléeNe plus ne moins que l'autre esloit,Et <strong>de</strong> même " couleur violée ;Mais si grant pourfil ' ne portoil.Lcgorgias qu'elle mectoitFut noir <strong>et</strong> le lac<strong>et</strong> aussi ;Autre couleur ne la vestoitQue les troiz que j'ay nommez^ cy.1 . B : Tant. — 2. B : comme en.3 A, B : belle.4. B : couraige. — 5. B : sembloit.6. B: telle.7. C, D : pompe. E: prouffit.8. A, B : je nomme.


,,DE DEUX Demoiselles. 271De tout rabillement <strong>de</strong> lesteA sa compaigne ressembloit,Mais pas tant n'est fenniie <strong>de</strong> fcsteQue la Tannée me senibloit.En parlant , la voix lui trenibloitEl puis par fois changcoit couleur,Comme celle où 's'assembloilSoubz gent maintien dure doleur.De tanné esloit sa sainclureEt d'or joyeusement garnye ;Mais bien sembloit, à lesmaillcure^,Femme <strong>de</strong> plaisance bannye :Car <strong>de</strong> larmes granl compaignieVy aux mordans <strong>et</strong> à la boucle ^,Qui monstroit ,par raison unieQue grand dueil son gent cueur * emboucle.Entre elles noise ne tençonNe vy fors que"" parfaiz esbas ;Chascunc avoit'une chauçonEn ses mains , dont vint leurs <strong>de</strong>batz ;Etparloicnl puis liault, puis bas;Mais j'esioyc d'elles si prèsi. B : en qui celle.a. Sur les ceiiUurcsémaillées, voyez le Glossaire dulivr<strong>et</strong> <strong>de</strong>s émaux du Louvre <strong>de</strong> M. <strong>de</strong> Labor<strong>de</strong>, verOoCeinture , p. 196-7, aux articles I, V <strong>et</strong> Z. — Les <strong>de</strong>uxéditions du Jardin <strong>de</strong> plaisance ont : a resmasure.3. B : Vy au mordant <strong>et</strong> à la bougie.4. B: Que gent cueur sou grant <strong>de</strong>ul.5. B : Je ne vy mais.


272 Le DébatQue j'enlendi au long leur cas,Ainsi qu'il est mis cy après.Tantost mes tables apprestayPour les chançonn<strong>et</strong>tcs escripre ;Mais certes gaires n arrcstayQue lune commença à lire.Lors escripvy <strong>de</strong> chaul<strong>de</strong> tireLe dit* <strong>de</strong> la chançon première,Qui me sembla bien , au vray direLa ryme d'une bonne ouvrière.Celle qui la chançon lisoitEstoit celle qui Tavoit faite ;A sa compaigne <strong>de</strong>visoitLe cas pourquoy la fist^ si faicte :« Je suis , se dist-elle 3, <strong>de</strong>ffaicte ;Veez cy tout mon cas par escripl.Si soye *<strong>de</strong> conseil reffaictePar vous en l'onneur ^ Jhesucrist. »Lors la Noire vestue dit :« Vostre cas <strong>et</strong> le mien sont <strong>de</strong>ux,Et si est rnon cas'' plus mauditQue le vostre <strong>et</strong> plus plain <strong>de</strong> dueil :D'une personne est' amoureuxQue chascun jour puis voir d'ueil* ;1. B : Delict. — a. B : l'avoit.3. B : En lui disant : « Je suis.4. B : Je soye donc. C, D : Si suis-je.5. B ; en nom <strong>de</strong>.6. A : cuer. — 7. CD: suis.8. A, B : souspire <strong>et</strong> dueil.


.,,DE DEUX Demoiselles. 278Mais mon fait est si malheureuxQue n'ay <strong>de</strong> luy riens à mon vueil. »La Tannée.Helas! je fusse bien oureuseSi je vcisse une licure le moisCeluy <strong>de</strong> quy suis amoureuse ;Mais je ne le voy nulle foiz.Encor, se j'ouysse sa voix,Ce me fust ung grant reconfort.Or advisez <strong>de</strong> nos <strong>de</strong>uz droizLaquelle se plaint plus à fort. «L'A C T E U BA ces molz , la noire veslueVoit la chançon <strong>de</strong> sa compaigneEt puis après pas ne s'est teue ',Ains s'en esmerveille <strong>et</strong> se seigneLuy disant : « Scur, je vous enseigneEt monstre par vifve raison ^Que mon cucur plus en lermes baigneQue le voslrcen toute saison. »La Chançon <strong>de</strong> la Tannée "*.Fort me seroit <strong>de</strong> l'endurerLe mal que je seuffre à toute heurePour ung seul, <strong>de</strong> qui je suis seure1. A : point n'est testue.2. Ce vers manque dans les imprimés.3. B , C, D, E: Chanson.P. F. V. ,8


274 Le DébatQue loing <strong>de</strong> moy ne peut durer.Sans le voir, je puis asseurcrQu'il n'est plaisir qui me sequcure.Fort me seroil <strong>de</strong> l'endurerLe mal que je seuffre à toute heure.Et sioseroie-je' jurerQue son cueur avecques moy <strong>de</strong>meure,Et que le mien ,qui plaint <strong>et</strong> pleure,Est vers lui pour y <strong>de</strong>mourcr.Fort me seroit.La Noire?.De vostre ami ne vous souvientAussi souvent qu'à moi du mien ,Car la chose où l'ueil n'advient^.Le cueur n'y pense guères bien.Nul ne sauroil nombrer combienJ'ay <strong>de</strong> mal quant mon amy voyEt que ne lui puis dire rienDe la doleur que je reçoy.La Tannée*.Je vous respondray sur cecy,Mais que vostre chançon je voyeAu regard <strong>de</strong> vostre soussy.Quant est à moy, si je l'avoye^.Je cui<strong>de</strong> bien savoir la voyeD'en estre tantost <strong>de</strong>hors mise;1. B: bien. — a. C, D,E la Tannée.— 3. A n'attent.— 4- C<strong>et</strong>te indication manque dans C <strong>et</strong>D.5. Quant à moy, se je le avoye.


Commence,DE DEUX Demoiselles. 275Au moins s'en lieu TappercevoyeOù sceusse parler' a ma guise.La Noire.Veez cy la chançon : lisez-la ;Je n'y vueil ny oster ny mectre ;J'ay tout le^ malheur qui est làJIis3 en escript <strong>de</strong>dans la lectre.Autre que vous n'y vueil commectrePour juger se j'ay bien ou mal ;A plus saige ne puis soubzmectreTout mon procès en gênerai.L'ACTEUB.Lors la vestue <strong>de</strong> tannéCommença* lire le dicté;Tandis mes tables ordonné ;Puis d'escripre tant^ m'acquitéQu'il est cy-<strong>de</strong>ssoubz'' recitéNe plus ne moins que l'entendisExcepté la diversitéDes motz qu'ilz dirent en tendis^.CnANÇON DE LANoiRE*.Plus ne vauldroit n'avoir point d'yeulx'-'Quant mon amy ne voy eu lieux1. B : Que parler y.9. C,D, E: tant <strong>de</strong>. — 3. B: Mais.4. B : à.5. B : à escripre.6. B : Ce qui est icy. G, D, E : Que cy <strong>de</strong>ssoulz ay.7. A : Des motz que diroient tandis.8. B, C, D, E : Chanson..— 9. B: nulzyeulx .


276 Le DébatOù je sçeusse parler à luy ;Certes ilz ne me font qu'ennuy ;Estre aveugle me vaulsist mieulx.Au moins je n'eusse soucy tieulxSe son doulx maintien gratieuxJe peusse veoir pour le jour d'huy,Plus me vauldroit , <strong>et</strong>c.Maultdits soient les envieuxEt le faulx danger ennuyeuxQui est marry du bien d'aultruy ;Helas, contre eulx mal ne poursuyEt sont mes cnnemys mortieulx.Plus me vauldroit, <strong>et</strong>c.Or, parLa Tannék.la foy que vous <strong>de</strong>vezDeclairez moy, se Dieu vous gardS'autre bien vous ne recevezDe luy fors sans plus* le regard;Car ung amant seroit cocquardS'il ne trouvoit ou lieu ou placePour <strong>de</strong>viser soit tost, soit'^ tard,A sa maistresse3, face à face.A ,La Noire.<strong>de</strong>a, sommes-nous en telz* termes?Mon amy est-il hors du sens?Vous en parlez comme clerc d'armes ;1 B : sans plus que.2. B : ou toust ou.3. B: Avec sa dame. — 4- A: ces.


DE DEUX Demoiselles. 277Pcnsez qu'il est très congnoissans ;Ciiy<strong>de</strong>z-Yous, se je voy ou sensQue Danger sur nous gecle l'ueilQue nous soyons si innocens 'De monslrer Tung à l'autre accueil.La Tannée.Mon amy est <strong>de</strong> moy bien loingEt a long- temps- que ne le vy ;Mais, s'il estoit là eu ce coing,Avecques les Dangiers, qui sont vifz2.Ma belle seur, je vous plcvysQue je luy feroye savoir,Fust ou par l<strong>et</strong>tre ou par dcvys,Ce que sur le cueur^ puis avoir.La Noire.Pour guérir <strong>de</strong> l'amoureux malNe faut-il fors que <strong>de</strong>viserDevant chascun en gêneraiSans plus grant* remè<strong>de</strong> ad viser?Si fait , <strong>de</strong>a ; l'on doit bien viserA trouver la place secr<strong>et</strong>teOù l'on peust à seur^ reviserL'amant <strong>de</strong> quoy on "^ a souffrète.La Tannée.L'honneur qui est en saigc dameEst comparé au fort rochier,1. A : ignorans. 1. C, D :vilz.3. C, D : scullement. — 4- ^ aultre.5. C, D, E : assez. — 6. B : <strong>de</strong> qui.


278 Le DébatQui ne peult eslre surprins d'ameNi que nul ne sc<strong>et</strong> eslochier^.S on ne vous sc<strong>et</strong> mal reprocher,Pour Dieu ! gar<strong>de</strong>z-vous <strong>de</strong> mesprendre;Devant boiteux ne faut clochier;J'en voy trop <strong>de</strong> sottes reprendre.La Noire.Se je n'eusse esté advisée,Encores n'a mie dix ans 2,J'eusse esté femme mespriséePar Malle-Bouche <strong>et</strong> 3 mesdisans.Mais, quant je vy leurs failz nuisans,Force me fut* changer maintienEt redoubter leurs motz cuisans,Dont^ trop dommageables m'en tien".Ainsi je' languis sans mol dire 8,Et vois couvrant ma pénitenceFaisant semblant que n'ay point d'yreOù je n'ay fors'-* que <strong>de</strong>splaisance ;Et, s'iladvient qu'on joue'" ou dance.Ou que l'on chante '^ ou que l'on rie,1. A : eslouchier.a. B : Encore ni'amye puis <strong>de</strong>ux ans.3. A: Par malles bouches.4. C, D, E : feist. — 5. B, C, D, E : Que.6. B : maintien. C, D, E ; je tien.7. C, D, E : que.8. A: mesdire. C, D, E : mal dire.9. B : Là où je n'ay.1 o. B : chante. — 1 1 . B : joue.


DE DEUX Demoiselles. 279je m'y mclz en lye ordonnance,Combien que soye en cueur marrie.Las, je suis loing <strong>de</strong> mon désir,El si vois chascun jour ma joye ;je n'ai fors que <strong>de</strong> l'ueil plaisir ;Parler, toucher je n'oseroyc ;Rien n'ay <strong>de</strong> tout ce que vouldroye';Les espies sont au passaige ;Trop redoubler ne les pourroye;i^ui ne les craint , il n'est pas saige.Je souffre mal ardant <strong>et</strong> chaultEt voy à 2 l'ueil ma guarison ;A nul qu'à mon amy n'eu chaullSe^ mon cueur est trop en prison;j'appelle <strong>de</strong> la trahison ;Dangicr m'oste mon bien à tort.Pugny soit <strong>de</strong> sa mesprison ,Ou luy envoyé Dieu la mort.Et cui<strong>de</strong>z-vous quel plaisir c'estQuant je me trouve en ung moustierEt que le mien amy* y estParlant à Guillaume^ ou Gaultier,Par le sacrement <strong>de</strong> l'autier ^lSa veue ' m'est si très amère1. Ce vers manque dans E.a. B : voyant.3. C, D, E : Las.4. C, D, E : amant. — 5. B: Boberl,ti. Ce vers a été gratté dans le ms. A.7. B,C, D, E: venue.


Mais.28oLe DébatQue ne dy heures ne psaullier.Ne ne pense à Dieu n"a sa mère.11 me rit , aussi foys-je à luy ;Nous • ne parlons fors que <strong>de</strong> l'ueiLTrop sommes subjeclz à aullruyQuant rien n'avons <strong>de</strong> nostre vueil.Se recepvons ou aise ou dueilRéconforter ne nous savonsNe monstrer l'ung à l'autre acueiLOr regar<strong>de</strong>z se bien avons.Nennil. Je le vous vueil prouver.Regar<strong>de</strong>z une femme enceinteQuand elle peuU en lieu trouverLe fruict où ne sc<strong>et</strong> faire actainteCertes, <strong>de</strong> mal est plus aclainteQu'elle n'estoit <strong>de</strong>vant sa veue ,Et est ce qu'il- luy fait contraincleL'ueil ,qui a sa plaisance veue.Ainsi pareillement je voyChascun jour la ricn^ que plus ame.Et n'y oseroye , sur ma foy,Toucher, pour double d'avoir blasme.Le grant feu sens bien qui m'enflammeEt si ne le pourroye estaindre.Ma guarison ,par Nostre Dame *Voy bien, <strong>et</strong> si n'y puis aciaindre.Je suis pugnie à la rigueur;1. C, D,E ;— 2. B: qui. A : Et ce qui plus.3. La chose , <strong>de</strong> res. C, D : le bien.4. Le mot dame est gvatté dans le vas. A , comme


DE DEUX Demoiselles. 281Le feu voy qui me fait brusierEl si n'ay force ^ ne vigueur,Ne povoir^ <strong>de</strong> moy reculer.Je ne cesse <strong>de</strong> calculerPour trouver remè<strong>de</strong>s diversEt ne sçay3 que dissimulerEn passant esté <strong>et</strong> yvers.Ainsi ma jeunesse se passeEn a<strong>et</strong>endant d luiy à <strong>de</strong>main ,El faull ([ue mon regard compasséDevant Faulx-Danger l'inhumain.Trop bien <strong>de</strong>s l<strong>et</strong>tres <strong>de</strong> ma mainLui baillay, quant temps aparçoy.Au surplus , ma seur, soir ne mainCertes , autre bien ne recoy !La Tannée.Se vous portez* granl <strong>de</strong>splaisir,Ma seur, ce n'est mye merveille,Car vous ne povez pas choisirCe que vostrc cueur vous conseille.Vous avez la puce en l'oreilleEt n'y savez remè<strong>de</strong> mcllrc.D'autre part, Dangier vous traveilleEt ne parlez fors que par l<strong>et</strong>tre.Ceulx ^ sont les maulx que vous avezplus haut les mots le sacrement <strong>de</strong> routier. 11 a eu unpossesseur bien scrupuleux.1. A : povoir. — a. A, B : vouloir.3. A, B : fais.4. B : De vous porter. — 5. B : Telz.


282 Le DébatDesquelz à moy je vous voy plaindreNe nulz autres plus n'y sçavezQui facent voslre cueur estaindre.Las! moy, je me doy bien complaindre,Car il y a trop longue espasseQue je n ay sceu voir ne actaindreCelui qui tous les parfailz passe.Helas! il est si loing <strong>de</strong> moyQu'il ne me seroit i)as possibleD'y aller, dont c'est grant esmoyQue son gent corps m'est invisible.Mon mal en est si très terribleQu'a bien p<strong>et</strong>it que* ne trespasse.Pleust à Dieu qu'il me fust visibleCelui qui tous les parfaictz passe !Las! trop ennuyé à qui attendAprès homme <strong>de</strong> tel affaire ,Car <strong>de</strong> grans biens en luy a tantQue Nature ne puist mieulx faire;Luy seul doit ma douleur <strong>de</strong>ffaire.C'est <strong>de</strong>s acomplis l'oultrepasse ;Certes, en luy n'a que reffaire,Celuy qui tous les parfaictz passe HRiens ne m'est plus 3; meilleur n'y a,Hélas! <strong>et</strong> je ne le voy point !1. A: je. B: Qu'a bien peu que je.2. Les trois <strong>de</strong>rnières strophes forment une balla<strong>de</strong>.3. C'est la <strong>de</strong>vise <strong>de</strong> Valentine <strong>de</strong> Milan : « Riens nem'est plus, plus ue m'est riens. »


DE DEUX Demoiselles. 283Oncques ma bouche ne nya*Que sa bonté mon cœur n ait point -;Mais il me va trop ^ mal à pointDe ce qu'il est <strong>de</strong> moy si loing.Se j'en meurs, Dieu mêle pardoint.On voit Tamy au granl besoing.Je cui<strong>de</strong> qu'il ne soit point aise,Puis qu'autrement il ne me voit,Et qu'il souffre plus <strong>de</strong> mesaiseQue si souvent m'aparcevoit.Tousjours il me ramentevoitQu'il pensoit en moy jours <strong>et</strong> nuitz ,Et qu'ailleurs penser ne <strong>de</strong>voitPour oublyer tous ses ennuys.Ungmoys ne me duroit qu'une heureQuant il <strong>de</strong>mouroit près <strong>de</strong> moy;Hélas ! maintenant il <strong>de</strong>meure.Si loing que point je ne le voy.Il n'est pas bien aise ,je croy,Car il ne sc<strong>et</strong> si vive suis;S'il fust cy, se fust, par ma foy,Pour oublier tous ses ennuys.Oncques mais ne diz à aultruyNe par conseil, ne <strong>de</strong>visantCe que vous compte <strong>de</strong> celuyQui est entre les beaulx luisant.Pourtant n'allez ailleurs disant1. A: le nya.a. A : Car sa beauhé mon cuer espoint.3. A : très. B : si.


284 Le D EBATMon secr<strong>et</strong>, que dire vous puis.Car sienne me lient très prisantPour oublier tous ses ennuys'.Affln que nul débat ne ^ sour<strong>de</strong> ,Taisiez vostre fait <strong>et</strong> le mien ;Car vous seriez très sotte ^ <strong>et</strong> lour<strong>de</strong>,Si jamais vous en disiez * rien.Vous m'avez dit <strong>de</strong> vostre bienAu long, je croy, vos entreprinses.Lesquelles je celeray bien ;Pour tant gardons d cstre reprinses.La Noire.Croyez, <strong>de</strong> tout ce que me dictesJamais un seul mot n en diray ;Car oncques nul mal ne me feisles ;De vous certes ^ ne mesdiray,Tousjours le droit chemin irayTandis qu'ensemble hanteronsPour riens ne me conscnlirayQu'on sache ce que nous fesons."^Mais, pour au premier point venir.Sur la chançon que vous sçavezOseriez-vous bien maintenirQue plus <strong>de</strong> mal que moy avez ?1. Les trois <strong>de</strong>rnières strophes forment une balla<strong>de</strong>.2. B : qu'aucun débat n'y.3. B : savez très sote.4. B : Que si vous en diriés.5. B : pour tout. — 6. B: Reveller.


DE DEUX Demoiselles. 285Je treuve voz motz enclavezEt si fon<strong>de</strong>z à faire plaintesQu'il semble quaulres agravezNe se plaingnent fors que par faintcs.La Tannée.Chascun se <strong>de</strong>ult <strong>de</strong> son angoisse;L'un en a plus <strong>et</strong> l'autre moins.11 n'est mcstier * que vous ^ congnoisscLe mal que seuffre soir <strong>et</strong> mains.Mais <strong>de</strong>vant tous juges humainsA <strong>de</strong>batrc noz cas ensemble,Mes maulx sont trop plus inhumainsQue les vostres, seur, se me semble.Car vous voyez par chascun jourCe que plus <strong>de</strong>vez désirer,Qui vous est ung plaisant séjourEt qui vous gar<strong>de</strong> d'empirer.Mais moy, je ne sçay où tirerPour veoir cellui^ que je <strong>de</strong>man<strong>de</strong>,Et ne m'esbaz qu'à souspirer ;Dieu vueille que mon mal amen<strong>de</strong>*.La Noire.Quant on voit ce qu'on aymc bien,D'avoir trop plus on a désirQue si les yeulx ne veissent rienDe chose où le cueur prent plaisir,1. A: besoing.i. B : Ja n'est besoing que l'en.3. A , C , D, E : véoir ce.4. B : Dieu soulaige ma douleur gran<strong>de</strong>.


286 Le DébatMais chascun ne peult pas clioisir,Tous les jours voy ma guarison,Et n'ose remè<strong>de</strong> saisir ;Tant redouble fort trahison.La Tannée.Trahison redoubter <strong>de</strong>vez,Et les embusches <strong>de</strong> Dangier,Et, quant en lieu l'apercevrezDe luy vous ' <strong>de</strong>vez estrangier.Sur vostre amy n'a nul dangier.Au moins quant le voyez à i'ueil ;S'il fust en pays estrangier,Toutes <strong>de</strong>ux eussions pareil dueil.A Noire.Du dueil reçoy trop plus que vous,Je vous diray comment <strong>et</strong> quoy.Nous sommes en craincle <strong>de</strong> vous.Le mien amy <strong>et</strong> autant moy.El se bien près <strong>de</strong> moy le voy ,Ung seul mot ne luy ose dire ;Non pas toucher du p<strong>et</strong>it doy ;N'est-ce point donc pour morir d'ire ?La Tannée.Ouy, certes; mais toutes foisOn y peut remè<strong>de</strong> trouver.Tousjours n'est pas le loup au boys ;Il fault plus d'un jeu esprouver.Par tesmoings ne peult l'en prouver*1. B : Vous vous en.2. A: ne pu<strong>et</strong>-on trouver.


obbe.DE DEUX Demoiselles. 287Les faiz d'amours en aucun lieu ;Mensonge doit l'en controuver.Combien que le vray saiche Dieu.La Noire,Femmes mariées ou fillesPaillent souvent à leur aclente'.Et maintes foiz les plus subtilles ;On le voit chascun jour <strong>de</strong> rente.Jouer me fault le jeu d'actente;Mon cueur est en gaige jà mis,Mais Danger à pou près régente 2,Le pire <strong>de</strong> mes 3 ennemis.La Tannée.Espoir avez en aclendantQue Fortune vous ay<strong>de</strong>ra;De sa roue * vont <strong>de</strong>ppendantLes biens d'amours dont vous ferra ^Ung jour le fucillot^ tournera ;Rien n"a veu qui ne sc<strong>et</strong> qu'un tour;Mais moy jamais ne reffera'',Se <strong>de</strong> l'amy ne voy r<strong>et</strong>our.La N oike.Quant voy mon amy que tiens chier,Croyez que je seuffre grand paine1. B: entente.2. C, D, E : le tente. B: CarDangier <strong>de</strong> près le tormente.— 5. ses.4. B : — 5. B : doera. C, D, E : fera6. B, C, D, E: le festu.7. A: n'esjouyra.


?-88 Le DébatPuis que je n'en ose approucher ;Car Désir sans cesse m'actaineDe mainte pensée soubdaine,Et, se ce n'cstoit mon honneur,De mon mal me feroye * saineEt allegeroye ^ ma douleur.La Tannée.Vostre mal est bien peu <strong>de</strong> chose ;Quant à le comparer au mien ;Car vous voyez en chambre closeChascun jour vostre amy très bien,Et ne luy povez dire rien ;Cela vous est ung grant traveil ;Mais , à dire du bien le bienMon dueil est au vostre impareil.La Noire.Comment ce peust faire cecyQue vous ayez plus <strong>de</strong> soucyEt le cueur plus <strong>de</strong> dueil transsiQue moy dolente,Qui voy par chascun jour <strong>de</strong> rente.Passé a <strong>de</strong>s moys plus <strong>de</strong> trente,L'homme qui tant d'amours me ^ tenteQue je ne puisPenser ailleurs ne jours ne nuytz.Duquel en tel estât je suisQu'en la mer <strong>de</strong> dueil <strong>et</strong> d'ennuysNoyé mon cueur1. C, D; se seroit. B : je seroye.2. A, C, D, E ; Et allégera. — 3. B : ne.


DE DEUX Demoiselles.Car luy, qui est mon serviteurNe peult parler à moy asseur,Tant a <strong>de</strong> Danger grand fréeur,La faulce guecteQui <strong>de</strong> lueil 'çà <strong>et</strong> là furecte,Et semble qu'autre part ne guecteQu a <strong>de</strong>struire quelque - jeun<strong>et</strong>te ^Par son rapport.Mais avant me doint Dieu la mortQu'il soit si subtil ne si fortQue par luy mon honneur soit mort.Ainsi en Irance,Plus que * femme ^ qui soit en FrancePrès <strong>de</strong> m'amour languis <strong>et</strong>Or regar<strong>de</strong>z se à oultranceSuis combatue.Désir ' m'assault * Désir me tue ;D'autre part Dangier s'esvertue ;De faire ^ ma joye abatueVéez là <strong>de</strong> quoy.Devant ma face se tient quoyL'amy qui m'a promis sa foy,Et n'ose pas du p<strong>et</strong>itToucher à luy.doy'".trance''.i. A :<strong>de</strong> dueil. — a. A :celle,3. C, D : Jehano<strong>et</strong>te. — 4» B: qu'à.5. A, B: nulle.6. B : sans ce.7. A : Plaisir.— 8. B: mefault.g.B : rendre.10. B: ne grant ne poy.P. F. V.


290 Le DébatPensez comment ne ' quel ennuyCe m'est d estre en 2 craincte d'autruy.Autant autre jour qu'au jour d'huyPoint n'y voy myeulx.Je n'ay plaisir que par mes yeulx;Pour <strong>de</strong>viser ditz gracieulx ,Comme font amans en tous lieux,Possiblen'est.Sur ce point ne faictes arrestCar 3 mieulx que vous je sçay que c'est;J'ay essayé perte <strong>et</strong> acquest.Ne dictes point :« Que ne trouvez-vous bien à pointPour dire l'amer qui vous point? »Car jamais Dieu ne me pardointA mon besoingSe je n'ay quis<strong>et</strong> pris <strong>et</strong> loingEt remerché * maint secr<strong>et</strong> coing,Où Dangier, par son hatif ^ soing,N'eustjecté l'ueil;Mais oncques ne fut à mon vueilQue je sceusse compter mon dueilNe trouver lieu" tel que le vueilPour mon cas dire. -L'un mord <strong>et</strong> fait semblant <strong>de</strong> rire;L'ueil d'autruy en plus d'un lieu tire;1. A : <strong>et</strong> B: en.2. B: Je vifz <strong>et</strong> en.3. C, D : Que. — 4- A : reverchiê.5. A : actif.6. C, D, E: l'ueil.


DE DEUX Demoiselles. 291A coup <strong>de</strong> langue ne fault mire;La mort y touche *.Regar<strong>de</strong>r fault où l'honneur touche;Ung mauvais coup rué <strong>de</strong> boucheAbat le sion <strong>et</strong> la souche;Honneur vault moult ;Les honnerables par tout vontOù les sottes crainciives sont,Car jamais ne se trouverontEntre les bonnes,Pour ce quilz ont passé les bournesDes très haulx^ acomplies personnes,Autant roynes comme baronnesEn la parfin.On sc<strong>et</strong> 3 qui va le droit chemin ;Celer ne se peult larrecin-* ;Qui d'amours n'entend le latinAille à l'escolle,Car, quant ung saige ayme une folle,L'onneur <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux amans s'envoUe,Pour une seullccte parolleMal ordonnée,Dont l'amour est habandonnée ;Mieulx vauldroit estre emprisonnéeQue <strong>de</strong> mauvais loz estrenée ^.Ainsi conclusQiTil vault trop mieulx, <strong>de</strong> plus en plus.i.C, D, E : couche.a. B : d'estre.— 3. B : On ne sc<strong>et</strong>.4> B : Ccllcr ne se sauroit Katbin.5. A: estriveé.


292 Le DébatTaire son vueil en cueur reclusQue d'estre surprins à la gluzPar fol * langage.Bref, il fault estre en amours saigeC'est meslier <strong>de</strong> subtil ouvrage,Et ne croire pas son couraige ^Ne le raportQue font les yeulx au cueur à tort;Pour eulx je fus <strong>et</strong> suis d'acordD'amer homme , dont j'ay la mortCar je ne puisTrouver façon ne jours ne nuitz,De luy compter le mal où suis,Et meurs "* <strong>de</strong> soyf emprès le puys *,El syay faitDevoir pour luy dire mon fait,Et comment s'amour^ me <strong>de</strong>ffait ;Mais ,quant j'ay bien fait <strong>et</strong> refaitJe n'y voy tour,Ne bon aller, ne seur r<strong>et</strong>our 6,Et meurs en l'amoureux estour.Or n'est nulle % portant atour,1. A ; sot.Plus adollée,2. C, D: Ou avoir fault tousjours bon courage.Le vers manque dans E. — 3. B : mourant.4. Je meurs <strong>de</strong> soif auprès <strong>de</strong> la fontaineest l<strong>et</strong>hème d'une série <strong>de</strong> balla<strong>de</strong>s faites par Charlesd'Orléans <strong>et</strong> sa p<strong>et</strong>ite académie.5. B : Et com son amour.6. C, D : Ne bon alleur ne sceust r<strong>et</strong>our.7. B : une.


DE DEUX Demoiselles. 293Ne en tous cas ' plus <strong>de</strong>soUée,Et vous parlez à la voiléeDisant qu'estes plus affoUéeQue moy, helas !Qui voy mon bien <strong>et</strong> mon soûlasDevant moy <strong>de</strong> nostre amour las !Car il tient mon cueur en ses lasEt j'ay le sien,Par quoy tous <strong>de</strong>ux nous vouldrions bienFaire l'ung a l'autre du bien ,Mais que personne n'en sceust rienFors que nous <strong>de</strong>ux,Qui sommes si très malheureuxQue ne pourrions direnoz dculz^Ne nous trouver en lieu tous seulz.Dangier nous gar<strong>de</strong> ;C'est luy qui est^ noslre avant-gar<strong>de</strong> ;Autre que luy ne nous regar<strong>de</strong>.Nostre vueil <strong>et</strong> joye relar<strong>de</strong>.Or soyez seureQu'il n'est plaisir qui me sequcure.Quant mes yculx rient, mon cueur pleure.Velà comme mon faict <strong>de</strong>meure.IlQu'en dictes-vous?La Tannée.semble que vostre courrouxEfface les autres trestous ;Le mien m<strong>et</strong>tez tout* au dcssoubz1. B : N'en tous ses faiz.2. A : nous <strong>de</strong>ux. — 3. B : Rompt el brise.4. A : trop.


294 Le DébatVeu que je n ayPlaisir <strong>de</strong> lueil, <strong>et</strong> que ne sçayVoir ce que plus je aymeray.Je ne sçay pas que je feray,Quoy que diezQue brief estre morte voulriezCar, quant le mien travail auriezJe sçay bien que soubhaicteriezLe voslre avoir :Car, comme vous povez sçavoir,Je ne puis nul bien recepvoirNe mon amy appercevoirEn lieu du mon<strong>de</strong>.Par quoy il faull que vous respon<strong>de</strong>Que ma douleur est plus parfon<strong>de</strong>Que la voslre, <strong>et</strong> qu'en la roon<strong>de</strong>N'a si troublée.Bien doy mauldire son allée.Qui a toute ma joye emblée.Plus triste n'a en l'assembléePour bien aymerPar <strong>de</strong>çà ne <strong>de</strong>là la mer.Il ne vous faull mon ducil blasmer,Car, certes , il est plus amerQue ne seroitLe voslre quant il doublcroit.Mon cueur saige* vous en feroitQuant le vray vous <strong>de</strong>claireroitEn temps <strong>et</strong> lieu ;Et ne cui<strong>de</strong>z ^ que ce soit jeu1 . B : Juge. — 2. B : cui<strong>de</strong>z-vous.


DE DEUX Demoiselles. 296Et ne faictes serment ne veuQu'estes plus tristes , car, par Dieu MIl n'en est riensEt si, <strong>de</strong>vant toutes*, maintiensQu'en ung jour avez plus <strong>de</strong> biensQu'en toute rannée n'en tiens ^.Je m'en rapporteA gens saiges <strong>de</strong> nostre sorte.Qui jugeront ,je m'en fais forteQue plus <strong>de</strong> mal que vous je porteEn tous endroitzCar il n'est heure aux douze moysQue je ne soye bien mille foysEn divers pensemens estroysD'aler vers luy;Et, si je ne craingnoye autruy.Je cui<strong>de</strong> que , dès au jour d'huy,Iroye, sans doubter ennuy,En pèlerin.Et iroye seulle sans fin ;Mais la grant longueur du cheminM'en relar<strong>de</strong> soir <strong>et</strong> matin.Las ! esgaréeBien estes <strong>de</strong> sens séparéeQui vous tenez désemparéePlus que moy, qui suis* <strong>de</strong>meuréeVui<strong>de</strong> <strong>de</strong> joye,Sans rien voir <strong>de</strong> ce que vouldroyc,1. Par Dieu est gratté dans le ms. A.2. B : Plus, <strong>de</strong>vant toutes je.5. B : ne soustiens. — 4^ : sans.


29GLe DébatCar, si <strong>de</strong>vant moy le veoyeDe mes maulx tantost guariroyeSeiire en soyez.Et vous, qui le vostre voyez ,Dictes que plus vous esmayezQue moy ; certes ,pas ne croyezQu'il soit ainsi.Car, si le mien estoit icy,Posé qu'il n'eust <strong>de</strong> moy mercy.Sa veue osteroit mon soucy.Encore , au fortJe vous vueil prouver qu'avez tort.Vous sçavez bien qu'il n'est point mort.Quant <strong>de</strong>vant vous est sain <strong>et</strong> fortEn chambre closeEt moy à touteheure supposeQue le mien n'ait* <strong>de</strong> quelque choseDesplaisir, ou que mal reposePour mon amour,Ou qu'on luy face ung mauvais tour.Ou qu'il soit en mortel estour.Ou qu'il soit en meschant séjour.Tousjours en doubtc,Mon cueur <strong>de</strong> plus en plus se boute.Quand on dit nouvelles, j'escou tePour entendre se j'orray goutteDe son affaireCar, quant pense à son doulx viaire ^,Qu'on ne sauroit plus parfait faire ,X. B: ait.2 : C'est-à-dire visage. Le ms. A donne : attraire.


DE DEUX Demoiselles. 297Qui ne futformô que pour plaire.Lors mon dcsirMe fait comme morte gcsir.Adonc me fault seule' à loysirPorter secr<strong>et</strong> mon <strong>de</strong>splaisir,Affinqu'aulcunNe dye <strong>de</strong> moy en commun :« Ceste-là en ayme trop ung. »Ainsi ne s'aperçoit nesung^De mon penser.Je n'ay cure <strong>de</strong> m avencerA tousjours mornemenl penser;Toute troublée, voys dancerComme joyeuse,Combien que je soye ennuyeuse 3 ;Mais ,pour me monstrer gratieuse.Je feins n'estre point soucieuse*Ne (Icsplaisante ;Et, s'il advient qu'on rie ou chanteEn ce point navrée <strong>et</strong> moschante,Avecques les joyculx je liante^Tousjours pensive.Or regar<strong>de</strong>z comme j'estrive ;Avecques joye <strong>et</strong> dueil restrive^.L'ung j'entr<strong>et</strong>iens, l'autre je prive.Comme personneQui sa vie à mort abandonne.1. C, D : toute.2. B: aulcun. — 3. B :envieuse.4. B: Faings n'estre mclaiicolicusc.5. B . chante.6. B: En lieu <strong>de</strong> joye <strong>de</strong>ul arrive.


298 Le DébatC'est tout ung qui toile' ou donne;Je n'ay <strong>de</strong> nully chière bonneTelle que vueil.Nul ne peult apaiser mon dueilFors celluy que je ne voy d'ueil^Par 3 luy désire le sercueil*Et tin <strong>de</strong> vie,Pour faire Fortune assouvii.Qui a ma plaisance ravieEl amenée, par envye ^Qu'elle a sur moy.Plus malheureuse n'apperçoyEt croy que nul bien ne reçoy;Riens qui m'esjouisse ne voy''.Tousjours en peineÇà <strong>et</strong> là,Mala<strong>de</strong>, <strong>et</strong> contrefais' la saine.partout me pourmeineOr regar<strong>de</strong>z se je suis plaineDe <strong>de</strong>sconfort.D'en dire plus me lays au fort;Mais hier, en mon dueil plus fort,De faire ung ron<strong>de</strong>au fuz d'acordOù mon cas maint :1 . B : qui me toult. — 2. Ce vers manque dans E.3. C, D, E : Pour.4. B : Par lui me soubhaite en cercueil.5 . B : El enlevée par envye.C, D : El en vie n'est pas envie.E : Et ennemys par envie.6. Ces trois vers sont placés dans les différents textesdans un ordre différent,— 7. B ; faisant <strong>de</strong>.


DE DEUX Demoiselles. 299Piondcau.Helas! douleur incslraint,Angoisse me court seure^ ;Mille fois en une heureMon povre cueur se plaint;Mon malheur^ me contraintA désirer que meure 3.Helas î douleur mestraint.Ma pensée n aclainlA riens qui me sequeure ;Pour mon amy <strong>de</strong>meureEn dueil ,qui n'est pas fainct,Helas! douleur m'estraint.Plus <strong>de</strong> moy n'a <strong>de</strong>sconforlée ;Devant tous l'ozc maintenir;Nul n'a ma douleur supportée,ie m'en s(;ay bien à quoy tenir;Vostre cas voulez soustenirContre moy ; mais , à juger droitTort* vous <strong>de</strong>vroit appartenir,Qui bien jugeroit orendroil.La Noibe^.J'ay tout vostre ducil cscoutéi . Me court sus , me poursuit. — 2. A : C'est ce qui.s. B : Désirer que je meure.4. A: tout.5. Dans les imprimés <strong>et</strong> dans le ms. A c<strong>et</strong>te indicationest placée ii tort en tête <strong>de</strong> la strophe précé<strong>de</strong>nte.


3ooLe DébatEt le ron<strong>de</strong>au que m'avez* dit ;Amours vous a trop cher couslé ;Se vostre cas est si maulditPlus ne vueil faire contredit^ ;Tel se plainct en parolle fortQui <strong>de</strong>dans le courage rit.Maintien <strong>et</strong> vucil ^ sont mal d'accord.Nous laisserons en paix cela ;Dieu vueille garir vostre'* mal !Lisez ^ la chançon que velàOù mon cas gist en gênerai ;Vous savez qu'en espccialTousjours vous ay dit ma pensée ,Et mon secr<strong>et</strong> plus principalDe mon amour encommencée.Chançon <strong>de</strong> la Noire*'.Plus <strong>de</strong> moy n'a que le cueur <strong>et</strong> le vueil ;C'est la' chierté * <strong>et</strong> la fin <strong>de</strong> mon dueil ;Meillieur ne puis recouvrer soubz les cieux;Je suis bien seure que ne puis choisir mieulxMais à grant peine l'ose regar<strong>de</strong>r d'ueil^.Las ! <strong>de</strong> Danger l'embusche double tantQu'il me semble qu'en toute place tend'"1.qu avez cy.Alléguer n'y vueil contredit.<strong>de</strong>ul. — 4. A: nostre.Lirez. — 6. B, C, D, E : Chanson.ma. — 8. A: clarté.Mais <strong>de</strong>vers lui n'ose pas asseoir l'œil.Qu'en tous lieux est tendant.


DE DEUX Demoiselles.3oiA mesdire sur nostre amour celée.Plus <strong>de</strong> moy n'a , <strong>et</strong>c. ^Mon gent amy si le craint bien 2autantEt congnois trop qu'il en est mal content sEt qu'il en a <strong>de</strong>s douleurs grand meslée.Plus <strong>de</strong> moy n'a, <strong>et</strong>c.Rien ne m'est plus que veoir son bel acueil ;Deaultô, doulceur sont en luy sans* orgueil;Oncques ne vy plus parfait <strong>de</strong> mes yeux ;Dont j'ay conclu pour tout vray,cem'aist^ dieux,Qu'autre <strong>de</strong> luy jamais amer ne vueil.Plus <strong>de</strong> moy''.La Tanxée'.Vostre chançon me semble bonneEt est bien selon vostre cas ;Pour bien faire , le loz vous donne ;Mais toutes voies n'avez-vous pasLe cucur par** amours si au basQue vous en monstrez le semblant;Tous voz ennuys ne sont qu'esbasEnvers ceulx que voys assemblant^.Raportons-nous-en à raisonOu que nostre débat se cèle ;I . Manque dans A <strong>et</strong> B.3. B : le craint bien tout.3. B : Je congnois bien qu'il est Irùs mal conlcnt.4. E: son. — 5. E: sur mes.6. Ce <strong>de</strong>rnier coupl<strong>et</strong> manque dans C, D.7. C<strong>et</strong>te indication ne se trouve que dans A.8. A : pour. — 9. B: Qui me sont comblant.


3o2Le DébatPrenons <strong>de</strong>ux femmes <strong>de</strong> maison* ;Trop souslenez vostre querelle.Quant est à moy, je choysy celleQui est duchesse d'Orléans 2 ;De mon droit me soubzm<strong>et</strong>z à ellePlus qu'à tous les juges ^ anciens.La Noir e.Pour soustenir vray vostre tillreJe croy que plus dame <strong>de</strong> bienN'eussiez sceu choisir pour arbitre ;En faveur ne jugera rien.Or, <strong>de</strong> ma part je < vueil très bienPour juger ma douleur extresmeEt pour tenir le party mienSa seur, contesse d'Angoulesme^.La Tannée.Autreffoiz ung débat pareilJe viz<strong>de</strong>vant elle <strong>de</strong>bbalre,Et y estoient en ce conseilDes autres dames trois ou quatre ;Allons ung jour vers là esbatreEt leur <strong>de</strong>visons tout le faitJe suis lasse <strong>de</strong> m'y combattre ;Pour Dieu, que mon conseil soit fait!La Noire.Allons-y, sans plus longue actente :1. C <strong>et</strong> D : renom.ï. E : Qui a son cueur en lelz lyans.3. A: que à autre. — 4'C, D: Or <strong>de</strong> ma partie.5. E : Mais que je ne faille à mon esme.


DE DEUX Demoiselles.3o3Ce sont dames <strong>de</strong> saige affaire.Quant csUlo moy, je suis contenteSi le jugement vucillenl faire;Mais il fauldra* celer <strong>et</strong> taireQue le cas nous soit advenuCombien que savez le contraireVeu le débat qu'avons tenu.La Tannée.C'est bien dit, tenons ceste voyeDevant elles, à ma requeste,Affin que personne ne voyePour quoy nous faisons ceste enquesleNe que nous avons à la teste *Qui folie fait <strong>et</strong> la congnoist^En la fin en <strong>de</strong>meure bestePour la faulte* qu'il recongnoist.La Noire.Pour la nouvell<strong>et</strong>e saison.Qui est verdoyante <strong>et</strong> jolye,Yssons hors <strong>de</strong> ceste maison.Où n'avons que merencolicEt allons faire chère lye.Les dames noz cas jugeront;Plus en parler n'est que folie;J'advouc ce qu'ilz en feront.1. B: il faut tout.». C, D, E : Ne ce que nous avons en quesle.3. La dit , la confesse.4. B : fest


3o4 Le Débat DE DEUX Demoiselles.L'Acteur.Lors les amantes se levèrent,Et à leur <strong>de</strong>bbal prindrent' fin;En mon embusche me laissèrentEt allèrent vers le jardin ;Depuis par ung couvert cheminVins où je faisoye mansion";Là trouvay encre 3 <strong>et</strong> parcheminPour meclre mon entencion.Sy ay <strong>de</strong>scripte la merveilleTout au plus près <strong>de</strong> leur vouloir,Et comment chacune traveillePour son malheureux cas douloir,Et puis en fin ,pour mieulx valoir,Porlay aux dames le débat.Qui m'en veult m.al ne-* peult chaloir;Je n'y pense qu'en tout esbat.Explicita.1. B : niisreut.2. C, D : faisoyent mansion.3. A : ancre. B : enque.4. A : Qui mal me veult n'en.5. B : Cy fine le Débat <strong>de</strong> la Noire <strong>et</strong> <strong>de</strong> la Tasnée.


3o5La irrant Malice <strong>de</strong>s femmes '^^^^hosuchrist, qui tant aymaLos siens, qui d'onfer gelta,El <strong>de</strong> son sang les racliepta,Soit à ce mien commencemontEt me doint bon achèvement.Toy qui lis <strong>de</strong>dans ce livre.Fais que <strong>de</strong> femmes te délivres.1. C<strong>et</strong>te pièce, dont M. Cigongne possè<strong>de</strong> un exemplaire,est un in-8 goth. <strong>de</strong> 8 feuill<strong>et</strong>s, sous tes signaturesA-B, aa lignes à la page. — Nous avons déjà remarqué,à propos <strong>de</strong>s Présomptions <strong>de</strong>s femmes mon~daines, empruntées à Coquillart, combien les imprimeurshésitoient peu à m<strong>et</strong>tre n'importe quoi sousun titre piquant <strong>et</strong> bon pour la vente. Ici la tromperieest plus grossière encore. C'est un ramassis <strong>de</strong> verspris au hasard dans le Matheolus <strong>et</strong> même dans le Rebours; tantôt c'est le titre d'un chajiitre qui forme engénéral quatre vers conmiencés par comment, tantôt unebribe du texte prise n'importe où <strong>et</strong> sans souci <strong>de</strong> larime. Ceux qui voudront parcourir le Malheolus verrontla vérité <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te assertion. Les chapitres en p<strong>et</strong>its versn'y sont pas, mais on les trouvera, <strong>et</strong> en plus grandP. V. Y 30


3oGLa grant MaliceSi lu veois leurs opinions.Leurs meurs el leurs condicions ,Que je diray, si j'ay licence,Biencroy que par juste sentenceDevers ma partie saurasEt par droit les con<strong>de</strong>mpneras.Excuser me veulx en mes dictzQue <strong>de</strong>s bonnes point ne mesditz.Je nay voulenlé <strong>de</strong> mesdire,nombre , dans une leçon meilleure <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te Malice <strong>de</strong>xfemmes donnée par la Nef <strong>de</strong>s prinees <strong>et</strong> <strong>de</strong>s batailles <strong>de</strong>noblesse <strong>de</strong> Robert <strong>de</strong> Balsat, qui est suivie <strong>de</strong> toutessortes <strong>de</strong> pièces attribuées à Symphorien Champier, <strong>et</strong>imprimée chez Guillaume Balsarin <strong>de</strong> Lyon en i5o2.Page xlv verso à xlvii recto , on y trouve notre pièceainsi intitulée : « Cy commence ung p<strong>et</strong>it livre intituléDe la Malice <strong>de</strong>s femmes , lequel a esté recueilly <strong>de</strong> Matheolus<strong>et</strong> aultres qui ont prins plaisir a en mesdire paraffection <strong>de</strong>sordonnée, lequel est cy conté, non pourmesdire , mais par doctrine ,pour esviter aux inconvénientsqui peuvent advenir par femmes ,par quoy, s'ily a aulcuns motz qui soyent <strong>de</strong>spiaisans ou mordanssoyent attribués au bigame Matheolus. » Notre pièce,qui est la même , ne vient cependant pas directement <strong>de</strong>ce volume, car en les comparant on trouve que chacunea <strong>de</strong>s vers <strong>de</strong> plus <strong>et</strong> <strong>de</strong>s vers <strong>de</strong> moins que l'autre.Devant un texte <strong>de</strong> ce genre il n'y avoit rien a faire,<strong>et</strong> je lui laisse toutes ses incorrections; mais je <strong>de</strong>voisà la fois en signaler le plagiat, <strong>et</strong> donner néanmoins lapièce, pour que son litre ne manquât pas à c<strong>et</strong>te collection.M. Brun<strong>et</strong>, tome 3, p. i-jt, a remarqué que c<strong>et</strong>tepièce avoit été réimprimée plusieurs fois à la suite <strong>de</strong>la farce <strong>de</strong> Martin Bâlon.


DES Femmes.So;J'ayme trop mieulx à moy <strong>de</strong>sdireQu estre hay pour fol langaige.Dieu le sc<strong>et</strong> <strong>et</strong> le tiens pour haigeQu'envers femmes je n'ay haineNe riens je ne dis par atlaine.Fors pour mon propos colorer.On ne porroit trop honnorerLes bonnes <strong>et</strong> les vertueuses.Saulcunes en y a crueuscs,Qui vient <strong>de</strong> leur cruaulté,Et aultres hantent loyaultéQue à mal faire ne souffreroyentNe vilain cas n'endureroyent;Mieulx aymeroient à morirQue nul <strong>de</strong>shonneur encourir,Si je mens, je veulx qu'on me balte.Il convient que je translate ,Que je die ou que je me taise.Pour ce supply qui ne <strong>de</strong>splaiseSi <strong>de</strong> tout suis recordantAulcuns motz qui soyent mordans ,Car <strong>de</strong> moy ne procè<strong>de</strong> mieUne parolle ne <strong>de</strong>mieQui ne soit trouvée aux histoiresEt es anciens mémoires.Les lilles Lot aussi péchèrent,Avecques leur père couchèrent;De vin le vont tant abrevéQue en la fin soit enyvrè.Le vin si fort le surmontaQue sur ses <strong>de</strong>ux fdles monta;


3o8La grant MalicePar ses filles fust assalllyDisant : « Le mon<strong>de</strong> est i'ailly ;Si lu n'es assis laict exportTout le mon<strong>de</strong> annuyt se pert. »Se mirent à jeu avec son pèreSi fist Bi[b]lis avec son frèreA poine m'en porroye-je taire.Canacé jeut avec Molaire ;Son frère charnellement receutPar luxure qui la déceulHedie [Phèdre], fille du roy <strong>de</strong> Crète,Ne fut pas en amours discrète ;Elle aynia d'amour illicite ;Espose [esprise] fut pour Hipolile,Filz <strong>de</strong> son mary Theseus.Comment Philis d'amour enprinseSe pendit pour sa paillardise,Car trop <strong>de</strong>meuroit son amy ;Tard l'eusse faict pour son mary.Comment Dido, qui estoit roine.Par Luxure vint à ruineS'occist <strong>de</strong> sa propre espéeQu'estoil à son amy Enée.Mieulx luy vaulsist jamais estre née-Comment Calfurne son procèsPlai<strong>de</strong>oit à la court <strong>de</strong>s excèsEt, après son tort, pour refuge ,Alla monstrerson qui au juge.Comment Pasiphé fist son pèreMorir en très grant vitupère;Pour sa luxure manifesteElle luy fist coupper la teste.


DES Femmes.Paris fuma,Puis salumaD'amour soubdaine;SoqLa cité (leSa nef arma ;Tant escumaQue prinl HeleineDe beaulté pleineDont claniour vaineTroye enflamma;Mieulx luy vaulsist en malle estraineAvoir tremblé fiebvre quartaineDe tant ayme[r] ce qu'il ayma.De CandalèsEt d'HerculesLa mort reciteLes grans excèsQue pour penser [pourpense?] femme maul-L'on en <strong>de</strong>spileFemme escondite.De rechef si sçavoir voulez,Regar<strong>de</strong>z la mort d'Ypolite,Et comment Joseph en Egipte,En prison fut moult désolez.[dicteTarquin l'enfant ',Fort triumphantPar sa noblesseNul redoublantS'efforsa tantQui print Lucresse ;i .Singulière épithèle pour Tarquin le Superbe.


3ioLa grant MaliceQuant fut oppresse,Tost fut mestresseVengence ,que Tarquin le grantChasse <strong>de</strong> Romme en telle presse,Que faveur, armes , ne richessesNe luy sceurent porter garant.Voyès à tableFort lamentable 'De Piramus,L'estat immuableEt impielableDe Priamus.Regar<strong>de</strong>z plus.De TroillusEt <strong>de</strong> Hector, chevalier notableLa mort, <strong>et</strong> <strong>de</strong> Deiphebus,Qui par ung amour plein dabusFurent mis en fin misérable.De femme fineTost en ruineL'estat viendra.Et qui s enclineA sa doctrine.Mal luy prendraEt l'on porra,Yeoir qui vouldra.I. Imp. :Voyés à la tableFort mentable.Il faut lire :Voyés la fable, <strong>et</strong>c.


DES Femmes.3i iLire la mort <strong>de</strong> MelusincL'occasionClomotra,Les serpens <strong>de</strong> Cleopatra,La mort Semiramis tant digne.Saincte escriplure,Loy <strong>de</strong> natureDonne à congnoistrcQue par droictureL"homme a figureD'estrc le maislre ;Mais s'ilMis à seneslreveult estrePour servir femme <strong>et</strong> il endureC'est raison qu'on le mainc peslrc ;La teste [<strong>de</strong>jdans ung chevestreComme une beste , à la verdure.Du premier homL'istoire a nomQui est bien ample.Du fort SansonDe SalomonQui tist le templeSi dur exempleQue <strong>de</strong> tout remembre.Voire <strong>de</strong>s gens <strong>de</strong> si grant nomJe n ay voine, sursit , ne iremple'Qui <strong>de</strong> grant tremeur ne rempleDoublant d'avoir ung tel renom.I. C'est à dire : veine, sourcil, ni tempe.


3i2La grant MaliceEn brief te diray <strong>de</strong> femme la vie ,El lirons <strong>de</strong> la mort Urie,Pour Belsabé sa mulier.David la vit bien <strong>de</strong>spoillerEt laver en une fontaine.Elle fut <strong>de</strong> grand beaulté plaine ,Le roy David la convoita ;Vers Urie tant exploita.En la mort machina par l<strong>et</strong>tre.Joab elle fist à la mort mestrePar le comman<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> David;Ce fut mal faict , car Dieu le vitQuand puis espousa Belsabée.Sire, ne sçay, si m aisl Dieu ,Laquelle <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ulx vault le mieulx ,Ou la femme luxurieuse.Ou la mulier injurieuse.On(l) voit que femme qui forniqueVeult faire à son mary la nique ;Bien le sut tirer <strong>et</strong> tlalerEt applainer <strong>et</strong> grater,Et en <strong>de</strong>cepvant parcoustumeLe blandist <strong>et</strong> oste la plume.Ung vaillant acteur nous réciteQue femme qui mary <strong>de</strong>spiteEt <strong>de</strong> luy ne tient point <strong>de</strong> compteVault pis <strong>et</strong> est plus felonnesseQue n'est tigre ne leonnesse.Pour ce vêla <strong>de</strong>s femmes la maliceComme les anciens le te recite.Micheas dit : Gar<strong>de</strong> la boucheVers celle qui avec toy couche


DES Femmes.3i3Gar<strong>de</strong> bien quant elle t'embrasseQue chose[r] qui à celer faceNe luy soit jà par loy nomuiée.Aussi le dit bien PtoloméeEn Almagesle, son beau livre :Homme qui saigemeni se fainctA ce que sa langue refraincl.Escouste <strong>et</strong> soyes mes oyansBien ay leu ce que vous preuveQue les femme cy que l'on treuveDeçeurent tous les grans du mon<strong>de</strong>;Je ay raison, sur quoy je me fon<strong>de</strong> ;Si les plus grans sont <strong>de</strong>ceuz ,Dont sont sur les menuz cheuz.L'on dit si communément , ou mentz,Que le plus grant emporte le moinsQui furent les plus grans seigneursQui ouyrent parler <strong>de</strong>s meilleurs,De Salomon <strong>et</strong> d'Aristote ,Ce ne leur vault une escbarbote ,Senz , ne richesse , ne raisonTous furent mis hors <strong>de</strong> saison ;Par femmes furent surmontés,Deçeuz, vaincus <strong>et</strong> ait'olés.Par quoy vient maulx? pour pallardise,Car chascun veull faire à sa guise,Qui pour amour s'emblissentEt mes propos désobéissent.Pour femmes sortent maintes guerresEt omici<strong>de</strong>s en maintes terres,El les compaignons sont entr<strong>et</strong>uésPour paillar<strong>de</strong>s <strong>et</strong> pullcs mariées.


3i4La grant MaliceIl n'est pas <strong>de</strong> dix guerres uneComme l'on sçait chascun <strong>et</strong> chascuneQui par femme ne se commenceEl par leurs mauvaises semences.C'est le commencement <strong>de</strong> tout ouvrageTout mal en vient <strong>et</strong> toute rage;Plus point aigrement que serpent :Nul n'en point que après repent.Se ta femme par aventureNe peult avoir à nourritureEnfans par toy concepvoir,Elle te vouldra <strong>de</strong>cepvoir,Ainsi que pour enchantementEt si vendra <strong>et</strong> donneraEt tous tes biens déshéritera.Las ! qui prent femme par amourAprès en fault mainte clamour,Et tristesse <strong>et</strong> maie advenlureCar par la chaleur <strong>de</strong> luxureNe te doibt faire compaignie.Lors pour cause d'avoir lignéeEt pour soy <strong>et</strong> pour sermentEt se ses droictz trop aspreinentPeignent les gens en mariage ,Je dis que tu n'es * pas trop saigeCar Dieu l'ait 2 autant comme usureCeulx qui se couplent par luxure.Pour bon exemple en avez arreComme tous les sept maris <strong>de</strong> Sarre ;1. Imp. : ne.2. C'est-à-dire : hait.


DES Femmes.3i5Le diable ung <strong>et</strong> l'autre frappa;Mais Thobie en échappa,Qui se maria chastementEt se gouverna honnestemcnt.Mainte femme est par <strong>de</strong>hors belleQui par <strong>de</strong>dans n'est mie telle ,Car beaucoup <strong>de</strong> vices la laidistComme icy <strong>de</strong>dans vous ay dist.Hors <strong>de</strong> sens est <strong>et</strong> enraigôHomme qui est encouraigéD'espouscr femme pour beaultéQui doibt noicr en loyaulté.Comme une fiebvre <strong>de</strong>ffaceDe belle femme vis <strong>et</strong> face,Et ne dure que certain temps;Ainsi comme la fleur <strong>de</strong>s champsPer<strong>de</strong>nt beaulté en p<strong>et</strong>it d'heureQuant son[t] allainles <strong>de</strong> froidure ;Pluyes ou icmpesleles casse;La beaulté <strong>de</strong> femme toust passe.Certes ,homme n'est mie saigeQui veult belle femme gar<strong>de</strong>rPuis quelle se veult paindre <strong>et</strong> far<strong>de</strong>r.Ung homme vieil l'appellera.Par facon<strong>de</strong> la flateraEt Hector pour sa druerieMonstra sa chevalerie.Le riche pour s'amour avoirEt Narcisus cntour ira ,Pour sa beaulté s'enyvrera ;Chascun m<strong>et</strong>tra peine à la prendre ,Dont par assault la convient rendre.


3i6La grant MaliceQui auroit tous les jours <strong>de</strong> renteDix escuz fust pour les <strong>de</strong>spendreEt qu'à une femme s'abvisaIl n'auroil guère <strong>de</strong> reliqua ,Car une femme ung cy ellaQue d'ung homme bien tireraD'or <strong>et</strong> d'argent tant qu'elle pourra,Et puis quant plus rien n'y auraDe son paillard se trufera.Femme <strong>de</strong> vestement paréeA ung fumier est comparéeQui <strong>de</strong> neige fait couverture :Au <strong>de</strong>scouvrir appert l'ordure.Malheolus.Raige n'est <strong>de</strong> si chaul<strong>de</strong> flammeQui estraigne chaleur <strong>de</strong> femme;Plus aspre, plus fort est leur raigeQue n'est tempeste ny oraige.Femme qui veult souvent allerAux jculx sauller <strong>et</strong> danser,Ne peust eslre longuement caste ,Car Venus <strong>de</strong> trop près la haste ;Aussi ch'en la bonne citéAlloità la festivitéUne jouvencelle bénignePar son nom fust nommée DigneFille <strong>de</strong> Jacob le patriarche ;Grans maulx en vindrent à la marche ,Car elle fust <strong>de</strong>pucellée.Quant la chose fust revellée


DES Fkmmes.3i7A Jacob el à son lignaige ,11 en advint si grant donimaigeQue la cité ils abatircntEl tous les citoyens occirent.Qui prcnl femme pour ses <strong>de</strong>niersEt pour les biens <strong>de</strong> ses greniersNe pour la richesse briefmont,Je dis quil pesclie très griefmentContre les lois <strong>de</strong> mariages,Qui ne furent pas par les saigesEslably pour telle besoigne;Caton nous dit bel exemplaire :Ne prens pas femme pour donnaire ;On ne peult souffrir riche femme :Chascun jour à prix <strong>et</strong> à dragmeVouUlra ses richesses nombrer,11 se faict mauvais à umbrerDessoubz umbre <strong>de</strong> ce reproche,Car quant on licve <strong>et</strong> quant on couchePour noise mouvoir tenseraEl son pouvoir reprochera ,Disant : « Si ne m'ussiez espouse ,En pouvrelé estiés tombéMais les biens que vous ay apportéVous ont en richesse bonté , <strong>et</strong>c.L'on voit bien que au temps présentIl y aura ung honnne <strong>de</strong> bienQui prendra une iille en mariage;11 pensera qu'elle soyl bien saigeEt que soye fille pucellc ,A tout le moins sera fumcUe.Le bon homme qui sera sage


3i8 La Malice <strong>de</strong>s Femmes.Vouldra entendre à son mesnage ;Cuydant remoiislre[r] à sa femme ,Incontinent elle luy dira blasmeDisant : « Je ne prens point plaisirEn ce vieu veillard rassotyr. »Pour ce Ion voit que maintenantLa malice <strong>de</strong>s femmes vont criantDont à l'imprimeur <strong>de</strong>bvez pardonner,Car aux livres <strong>de</strong>s anciens l'a trouver,Si finist la Malice <strong>de</strong>s femmestlu'est imprimé nouvellementEt vous jure par mon sermentQue plaisir leur <strong>de</strong>vez faire souventPour avoir <strong>de</strong> la chemise le ventEt me reprenez si je ment.


Les Men>eiUe.s du mon<strong>de</strong> selon le temps quicourt, une balla<strong>de</strong> Francisque, <strong>et</strong> une autreballa<strong>de</strong> <strong>de</strong> Fespérance <strong>de</strong>s Henouyers ^Balla<strong>de</strong>.uisquc chascun est remply <strong>de</strong> malice,Puisquen servans n'a plus d'obeyssance,[lice,Puisque chascun ne quiert fors que ma-Puisque les femmes n'ont plus <strong>de</strong> contenance ,Puisque villains sont genlilz par finance,Puisque les hommes sont priez par pucelles ,Puisque l'on va quérir guerres mortellesPuisque pour bien on a honte <strong>et</strong> reprouchePuisqu'à filles mères sont maquerclles ,L'Entechrist vient, la fin du mon<strong>de</strong> approche.1. In-8 gotli. <strong>de</strong> 4 ff- Je 26 lignes ii la page. Le titreest encadré; un bois d'une foule qui paroît supplier leciel. Au verso du litre le bois d'un religieux assis h unpupitre. Au <strong>de</strong>rnier verso un bois plus grand d'unhomme tète nue parlant à un roi <strong>de</strong>bout; <strong>de</strong>rrière chacund'eux on aperçoit <strong>de</strong>ux personnages.


320 Les MerveillesPuisque faveur est en lieu <strong>de</strong> justicePuisque rigueur est en lieu <strong>de</strong> science,Puisqu'au commun n'y a plus <strong>de</strong> pollice,Puisqu'en prelalz n'a plus <strong>de</strong> sapience,Puisqu'en marchans n'a plus <strong>de</strong> conscience,Puisque tout va ainsi que par escuelles,Puisqu'en liabitz on quiert façons nouvelles.Puisque personne plus <strong>de</strong> Dieu ne s'aprouchcPuisque femmes <strong>de</strong>scouvrent leurs mamelles,L'Enlechrist vient, la fin du mon<strong>de</strong> approche.Puisqu'à nos clercz on baille beneffices,Puisque chascun [si] veult voiler sans elles.Puisque chascun veult user <strong>de</strong> vengeance.Puisque tout homme est honoré par vice ,Puisque flateurs ont en court audience,Puisqu'on achète sans payer, à créance.Puisqu'on cui<strong>de</strong> par l'air voler sans elles.Puisque femmes sont à leurs mariz rebelles.Puisque chascun a la main toute croche ,Puisqu'en <strong>de</strong>maine falasses <strong>et</strong> cautelles,L'Entechrist vient , la fin du mon<strong>de</strong> approche.Balla<strong>de</strong> Francisque.encontre soit <strong>de</strong> bestes feu gectans(f(1]ÎM^ Que Jason vit querant la toyson d'or,^' t^^**^ ^" transmué d'homme en beste septfii&ÂS ansAinsi que fut Nabugodosor,


DU MoKDE. 3«lOu pesle il ait , ou guerre aussi villaineQue les Troyens pour la prinse d'Helaine,Ou avallé soit avec TantalusEt Proserpine aux infernaulx pallus,Ou plus que Job soit en griefve souffrance,Tenant prison en la court DedalusQui mal vouldroit au royaulmc <strong>de</strong> France-Quatre mois soit en ung vivier chantantLa teste au Ions ainsi que le butor,Ou au grant Turc vendu <strong>de</strong>niers contantPour estre mys au hernoys comme un tor ' ;Ou trente ans soit comme fut Magdaleine.Sans drap vestir <strong>de</strong> linge ne <strong>de</strong> layne ;Ou soit noyé comme fut Narcisus,Ou aux chevculx comme Absalon pendus,Ou comme Judas fut par désespérance.Ou puist périr comme Simon Magus,Qui vouldroit mal au royaulme <strong>de</strong> France-Doresnavanl puist revenir le temps,C'est qu'on luy coule au ventre son trésor,Ou qu'il soit mis entre meuUes flotansEn ung moulin comme fut saint Victor,Ou transglouty à la mer sans alayneComme Jonas au ventre à la ballaineOu soit privé <strong>de</strong> la clarté Phebus,Des biens Juno <strong>et</strong> du soûlas VenusEt du dieu Mars soit pugny à oultrance,Ainsi que fut le roy Sardanapalus,Qui mal vouldroit au royaume <strong>de</strong> France.1 . Comme un taureau ; rimprimé a ut tor.P. F y. «I


I322 Les MerveillesPrince ,porté soit dos clers Eolus*En la forest où domine Glocus,Et soit privé <strong>de</strong> paix <strong>et</strong> d'espérance,Car cil n'est digne <strong>de</strong> possé<strong>de</strong>r vertusQui mal vouldroit au royaulme <strong>de</strong> France.Aullre balla<strong>de</strong> <strong>de</strong> l'espérance <strong>de</strong>s Henouyers.Jesucrist , le doulx vray plasmateur,Qui pour humains as souffert passion ,,Je te suply,mon Dieu, mon ré<strong>de</strong>mpteur,Des Henouyers avoir compassion,Et les gar<strong>de</strong>r <strong>de</strong> la divisionDu roy Françoys, père d'humilité,Et que sur eulx n'ayent quelque autoritéLes Espaignolz par perverse falace ;Envoyé leur la paix par charité ;Je te requiers par ta bénignitéQue Henoyers ayent <strong>de</strong>s Françoys la grâce,Si Henouyers ont esté détracteursPar leur orgueil , ire ou presumption ,Je te requiers que soys médiateur,Que <strong>de</strong>s François ayent l'adjunction;Preserve-les <strong>de</strong> l'indignationQuoy que souvent ilz aient bien mérité ;Eslargis leur amour <strong>et</strong> charité,i. Par les vents serviteurs d'Eole,


DU Mon<strong>de</strong>. 323Miséricor<strong>de</strong> , ea leur donnant la grâceEt, quant viendra à la nécessité ,Donne à ton peuple telle sécuritéQue Henoyers ayent <strong>de</strong>s Françoys la grâce»Tu as voulu eslre humain viateurPour recouvrer humaine nation ,Ne pren pas gar<strong>de</strong> aux l'aiclz <strong>de</strong> l'Empereur,Dont Henoyers ont persécution ;Tu voys présent leur bonne at'feclionQue lempercur est par eulx débouté ;Si le plaist , roy, leur donner liberté ,Ce que peulx bien , s'il te plaist, <strong>de</strong> ta grâceTout temps seront <strong>de</strong> ton aftinité ;Je te suply en toute humilitéQue Henoyers ayent <strong>de</strong>s Françoys la grâce.Prince Jhesus, unique en TrinitéVueilles donner, par ta bénignité,Paix <strong>et</strong> pardon, <strong>et</strong> toute guerre effaceAux Henouyers plains d'immondicité ,Si qu'en passant <strong>de</strong> mort l'extrémité ,Que Henoyers ayent <strong>de</strong>s Françoys la graco.Finis,FIN DU TOME CINQUIÈME.


325TABLE DES PIÈCESCONTENUES DANS CE VOLUME.109. Le Débat <strong>de</strong> la Demoiselle <strong>et</strong> <strong>de</strong> la Bourgoise,iio.nouvellement imprimé à Paris, très bon <strong>et</strong> joïeulx. 5La Complainte <strong>de</strong> France. Imprimé nouvellement.i568 34m. O<strong>de</strong> sacrée <strong>de</strong> l'Eglise françoyse sur les misères <strong>de</strong>ces troubles huictiesmes <strong>de</strong>puis vingt-cinq ans en çà.Imprimée nouvellement. i586 49112. Les trois Mors <strong>et</strong> les trois Vifz , avec la Complaincte<strong>de</strong> la Damoyselle 60n5. Le Caqu<strong>et</strong> <strong>de</strong>s bonnes Chamberières , <strong>de</strong>clairantaulcunes finesses dont elles usent envers leurs maistres<strong>et</strong> maistresses. Imprimé par le comman<strong>de</strong>ment<strong>de</strong> leur secrétaire maistre Pierre Babill<strong>et</strong> , avec lamanière pour connoistre <strong>de</strong> quel boys se chauffeAmour 711x4. La présentation <strong>de</strong> mes seigneurs les Enfants <strong>de</strong>France , faicte par très haulte princesse madameAlienor, royne <strong>de</strong> France, avec l'accomplissement<strong>de</strong> la paix <strong>et</strong> proufilz <strong>de</strong> mariage. Avec privilège(i53o) 85xi5. La Complainte du commun peuple k rencontre<strong>de</strong>s boulangers qui font du p<strong>et</strong>it pain <strong>et</strong> <strong>de</strong>s laver-


326 Table <strong>de</strong>s piècesniers qui brouillent le bon vin , lesquelz serontdamnez au grant diable s'ilz ne s'amen<strong>de</strong>nt. Avec lalouange <strong>de</strong> tous ceux qui vivent bien <strong>et</strong> la chanson<strong>de</strong>s brouilleurs <strong>de</strong> vin. A Paris, pour Nicolas leHeudier, rue Saint Jacques ,près le collège <strong>de</strong> Marmontier9411 6. Le Dict <strong>de</strong>s pays, avec les Conditions <strong>de</strong>s femmes<strong>et</strong> plusieurs autres beles bala<strong>de</strong>sio6117. La Complainte <strong>de</strong> Venise (i5o8) 120» 18. L'Amant <strong>de</strong>spourveu <strong>de</strong> son esperii , escripvant àsa mye, voulant parler le courtisan, avec la réponse<strong>de</strong> la dame. On les vend à Paris en la rue NeufveNotre-Dame, à l'ansaigne Sainct Nicolas. ... 127119. Le grand regr<strong>et</strong> <strong>et</strong> complainte du preux <strong>et</strong> vaillantcapitaine Ragot , très scientifique en l'art <strong>de</strong>parfaicte belistrerie (avec une note historique <strong>de</strong> l'éditeursur Ragot) .... * 137120. Le testament <strong>de</strong> Jehan Ragot 147in. Dialogue plaisant <strong>et</strong> récréatif entremeslé <strong>de</strong> plusieursdiscours plaisans <strong>et</strong> facétieux en forme d e coqà l'asnei55122. Le rousier <strong>de</strong>s Dames, sive le Pèlerin d'amours,nouveUement composé par Messire Bertrand Desmarins<strong>de</strong>Masan 162123. Les Ditz <strong>et</strong> ventes d'amours . ....... 204124. La Prognoslication <strong>de</strong>s prognostications, non seulement<strong>de</strong> cesleprésente année M. D. XXXVII, maisaussi <strong>de</strong>s aultres à venir, voire <strong>de</strong> toutes celles quisont passées , composée par maistre Sarcomorosnatif <strong>de</strong> Tartarie , <strong>et</strong> secrétaire du très illustre <strong>et</strong>très puissant roy <strong>de</strong> Cathai , serf <strong>de</strong> vertus.M.D.XXXVII 224125. Deploralion sur le trespas <strong>de</strong> très noble princesseMadame Mag<strong>de</strong>laine <strong>de</strong> France, royne d'Escoce. Au


CONTENUES DANS CE VOLUME. 32;Palais, par Gilles Corroz<strong>et</strong> <strong>et</strong> Jehan André, librairesAvec privilège (1637) ^34126. La Deploralion <strong>de</strong> Robin (i556) 242127. Le débat <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux Damoyselles, l'une nommée laNoire <strong>et</strong> l'autre la Tannée 268128. La grant malice <strong>de</strong>s Femmes 3o5129. Les Merveilles du mon<strong>de</strong> selon le temps qui court,une balla<strong>de</strong> Francisque, <strong>et</strong> une aultre balla<strong>de</strong> <strong>de</strong>l'espérance <strong>de</strong>s Hennoyers 319


v>t


P^l Montai glon, Anatole <strong>de</strong>1103 Gour<strong>de</strong> <strong>de</strong>B5 <strong>Recueil</strong> <strong>de</strong> poésiest,5 françoisesPLEASE DO NOT REMOVECARDS OR SLIPS FROM THIS POCKETUNIVERSITY OF TORONTO LIBRARY

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