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Pour lire le rapport - Ipis

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60 International A<strong>le</strong>rt La comp<strong>le</strong>xité de la gestion des ressources dans un contexte de fragilité de l’État : une analyse du secteur minier dans l’arrière-pays du Kivu613.4 Présence de groupes armés et violations des droits de l’hommeL’implication des soldats des FARDC dans <strong>le</strong> secteur minier et <strong>le</strong>s chaînes logistiques est une tendanceincontestab<strong>le</strong>. Il faut cependant établir ici une distinction claire entre <strong>le</strong> contrô<strong>le</strong> « institutionnel »des mines par <strong>le</strong>s FARDC et <strong>le</strong> pouvoir et l’influence qu’exercent <strong>le</strong>s soldats des FARDC pour <strong>le</strong>urprofit personnel. Cette distinction est importante à la lumière de l’attention portée actuel<strong>le</strong>menten RDC au problème des « minerais de conflit ». C’est la différence qui existe entre des économiesde guerre pouvant potentiel<strong>le</strong>ment être utilisées par des groupes armés pour financer l’effort deguerre et ce qui semb<strong>le</strong> être, dans <strong>le</strong> cas présent, des économies souterraines avec des soldatsutilisant <strong>le</strong>ur pouvoir, <strong>le</strong>ur influence et <strong>le</strong>urs vastes réseaux pour consolider et conserver des basesde pouvoir hors du contrô<strong>le</strong> de l’État. Une économie souterraine est « faci<strong>le</strong>ment détournée par<strong>le</strong>s combattants, directement ou par <strong>le</strong> biais d’une coopération étroite avec des entrepreneurscriminels. Par conséquent, <strong>le</strong>s économies souterraines se transforment souvent en économies decombat, tout en fournissant un revenu aux élites criminel<strong>le</strong>s et aux structures mafieuses 217 ».Des informations, qui ont été confirmées par la mission sur <strong>le</strong> terrain, révè<strong>le</strong>nt que <strong>le</strong>s soldats desFARDC sont impliqués dans <strong>le</strong>s secteurs miniers des territoires de Bafwasende et de Mambasa.Leurs activités semb<strong>le</strong>nt extrêmement bien organisées par <strong>le</strong>urs officiers supérieurs et reproduisent<strong>le</strong>s mêmes schémas que l’économie marchande zaïroise d’avant-guerre, qui a été criminalisée plustard, pendant <strong>le</strong>s guerres du Congo. En effet, « <strong>le</strong> développement de réseaux commerciaux nonofficiels ne décou<strong>le</strong> pas seu<strong>le</strong>ment des conflits récents mais doit être analysé en prenant en comptela nature même de l’État zaïrois d’avant-guerre […] ces anciens réseaux locaux parallè<strong>le</strong>s et <strong>le</strong>séconomies de guerre actuel<strong>le</strong>s étant intimement liés, il est extrêmement diffici<strong>le</strong> de distinguer cesréseaux « criminalisés » […] de la situation d’avant-guerre 218 . »L’autre tendance qui a été observée est l’application d’un système de taxation illégal, de la part desFARDC et de la police nationa<strong>le</strong> congolaise (PNC), souvent sous la pression de <strong>le</strong>urs supérieurs.Cette pratique reflète, dans ses motivations et son application, cel<strong>le</strong> des agents du gouvernementqui perçoivent des taxes illéga<strong>le</strong>s, et sera traitée plus en détail ci-après.Opienge, dans <strong>le</strong> territoire de BafwasendeComme nous l’avons déjà fait remarquer, <strong>le</strong>s informations provenant de la région d’Opienge sontrares. En raison de la dynamique des conflits dans cette zone, <strong>le</strong>s informations, particulièrementcel<strong>le</strong>s concernant <strong>le</strong>s Maï-Maï des groupes Kumu et Simba, devront être vérifiées, puisque <strong>le</strong>séquipes de recherche sur <strong>le</strong> terrain n’ont pas pu avoir accès à la majorité des espaces s’étendantau sud et à l’est d’Opienge. Les données fournies par <strong>le</strong>s parties prenantes n’ont donc pas puêtre confirmées.Les difficultés rencontrées par l’équipe de recherche pour accéder aux mines, même cel<strong>le</strong>s souscontrô<strong>le</strong> des FARDC, sont peut-être révélatrices d’une implication illéga<strong>le</strong> des soldats et de <strong>le</strong>ursofficiers sur ces sites. Bien sûr, l’observation faite ci-dessus concernant <strong>le</strong>s systèmes d’économiesouterraine a fait l’objet de recherches et a été discutée lors des entretiens menés sur <strong>le</strong> terraindans la partie sud du territoire de Bafwasende. Il existe des preuves claires que <strong>le</strong>s soldats desFARDC tirent profit de l’exploitation et du commerce de minerais, en se servant des opérationsmilitaires pour entrer dans la région. Les troupes, déployées par <strong>le</strong>s FARDC dans la région pourdes opérations militaires, imposent rapidement <strong>le</strong>ur présence et <strong>le</strong>ur pouvoir dans <strong>le</strong>s mines 219 .Le 908e bataillon, sous <strong>le</strong>s ordres du colonel Alain Ilunga et basé dans la vil<strong>le</strong> de Bafwasende,contrô<strong>le</strong> toute la partie est de la zone d’opérations de Bafwasende. 220 . D’après certainesallégations, <strong>le</strong>s soldats de ce bataillon des FARDC auraient recruté, souvent sous la menace, desjeunes des villages environnants pour travail<strong>le</strong>r à la mine. Ces derniers seraient éga<strong>le</strong>ment obligésd’accomplir des tâches ardues, comme <strong>le</strong> transport des marchandises depuis et jusqu’à la mine.Récemment, il a été <strong>rapport</strong>é que « des exactions systématiques et généralisées de la part desFARDC continuent d’être signalées <strong>le</strong> long de l’axe Bafwanduo-Elonga (908 e bataillon) » 221 . Ces« exactions » incluent <strong>le</strong> travail forcé, l’extorsion, la taxation illéga<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s arrestations arbitraires,<strong>le</strong>s vio<strong>le</strong>nces sexuel<strong>le</strong>s, et mêmes des mains coupées pour présomption de complicité avec <strong>le</strong>s Maï-Maï. D’après <strong>le</strong>s informations disponib<strong>le</strong>s, <strong>le</strong> 908 e bataillon serait impliqué non seu<strong>le</strong>ment dans <strong>le</strong>trafic de minerais mais aussi dans celui de viande de brousse et d’ivoire.Il est important de sou<strong>le</strong>ver, dans <strong>le</strong> cadre de ce <strong>rapport</strong>, la question de cette tendance à l’usurpationmilitaire dans <strong>le</strong>s zones d’exploitation minière, puisque l’on pense que <strong>le</strong>s ressources naturel<strong>le</strong>sconstituent la raison des affrontements continus qui opposent <strong>le</strong>s FARDC et <strong>le</strong>s Maï-Maï àl’intérieur et autour du parc, même si <strong>le</strong> dialogue social et politique est perçu comme <strong>le</strong> seul moyenréel de rétablir la paix dans la région 222 . Plusieurs entretiens laissent entendre que <strong>le</strong>s FARDC neveu<strong>le</strong>nt pas trouver de solution de partage du pouvoir en raison des schémas commerciaux établis,et ont donc adopté une approche militaire très dure afin de maintenir <strong>le</strong> contrô<strong>le</strong> sur la région.De plus, <strong>le</strong> conflit prolongé dans la région d’Opienge attire des fonds destinés aux opérationsmilitaires, ce qui potentiel<strong>le</strong>ment offre des opportunités de détournement pour la hiérarchie de la9e région militaire. D’après <strong>le</strong>s mêmes sources, <strong>le</strong>s autorités politiques pourraient être complices.En mai 2010, une tentative de la part d’un dignitaire local agissant au nom de la SOMINDO pourentamer <strong>le</strong> dialogue avec <strong>le</strong>s Maï-Maï près de Balobe indique l’importance des intérêts miniersdans la région et pourrait suggérer que <strong>le</strong>s acteurs locaux traditionnels et du monde des affairesne pensent pas que <strong>le</strong>s solutions militaires vont suffire à el<strong>le</strong>s seu<strong>le</strong>s à résoudre ce conflit prolongé.Néanmoins, tous <strong>le</strong>s bataillons opérant dans la région ne font pas l’objet d’accusations aussi gravesde violations des droits de l’homme. Le 103 e bataillon, sous <strong>le</strong>s ordres du major Mbenza Pepeet qui contrô<strong>le</strong> actuel<strong>le</strong>ment l’axe Bafwabalinga-Opienge-Balobe, ferait d’après <strong>le</strong>s informationsdisponib<strong>le</strong>s un véritab<strong>le</strong> travail de reconstruction et de stabilisation de la région. 223 Depuis sondéploiement, <strong>le</strong>s conditions de sécurité et <strong>le</strong>s relations avec la population loca<strong>le</strong> <strong>le</strong> long de l’axeBafwabalinga-Opienge se sont améliorées.Peu d’informations filtrent à l’extérieur concernant <strong>le</strong> comportement des Maï-Maï dans <strong>le</strong>s zonesqui sont sous <strong>le</strong>ur contrô<strong>le</strong>. Apparemment, <strong>le</strong>s mineurs artisanaux seraient autorisés à extraire<strong>le</strong>s minerais, contre <strong>le</strong> paiement de « taxes » au major Luc. Les Maï-Maï seraient éga<strong>le</strong>mentimpliqués dans <strong>le</strong> trafic d’ivoire et de viande de brousse. Aucune preuve n’a été trouvée pour venirconfirmer <strong>le</strong>s rumeurs selon <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s <strong>le</strong> major Luc remettrait de l’or, des diamants et de l’ivoire àdes politiciens au niveau local et national qui, en retour, lui fourniraient des armes. Ces rumeurssemb<strong>le</strong>nt être propagées par <strong>le</strong>s militaires 224 . Bien que la possibilité que des négociants de Beni etde Butembo, ou que des FARDC du Nord-Kivu, fournissent des armes aux Maï-Maï en échangede minerais ait été évoquée durant ces recherches, il semb<strong>le</strong>rait qu’une grande partie de ces armesait été prise aux FARDC. 225 . Les rumeurs sur une collaboration entre <strong>le</strong>s Maï-Maï du groupeKumu et <strong>le</strong>s FDLR semb<strong>le</strong>nt éga<strong>le</strong>ment sans fondement 226 . En revanche, une collaboration avec<strong>le</strong>s Maï-Maï du groupe Simba de Lubutu et ceux du groupe Oninga du Nord-Kivu paraît tout àfait plausib<strong>le</strong>. 227 .217 Transforming War Economies: Chal<strong>le</strong>nges for Peacemaking and Peacebuilding, Wilton Park, Rapport, p. 13.218 VLASSENROOT K., ROMKEMA H., The Emergence of a New Order? Resources and War in Eastern Congo, dans <strong>le</strong> Journal of HumanitarianAssistance, octobre 2002. http://jha.ac/artic<strong>le</strong>s/a111.htm219 Les paragraphes suivants concernant <strong>le</strong> comportement des FARDC sont basés sur des entretiens sur <strong>le</strong> terrain menés en juin et juil<strong>le</strong>t2010.220 Y compris Bafwasende centre, Bafwanduo, Avakubi, Bigbulu et, jusqu’à ce qu’il en ait été repoussé récemment par <strong>le</strong>s Maï-Maï du majorLuc, <strong>le</strong>s zones plus au sud, vers Ndonga et Elonga.221 Rapport confidentiel.222 Entretiens sur <strong>le</strong> terrain, juin 2010.223 Entretiens sur <strong>le</strong> terrain, juin 2010.224 Cf. AFP, Combats dans <strong>le</strong> nord-est de la RDC: plus de 30 tués depuis fin mai (armée), 22 juin 2008.225 « Neuf mitrail<strong>le</strong>uses prises au 908e Bn ».226 Il existe plusieurs <strong>rapport</strong>s de la MONUC sur des Maï-Maï affrontant <strong>le</strong>s FDLR afin de <strong>le</strong>s garder à l’écart de <strong>le</strong>ur terre nata<strong>le</strong>.227 Rapport confidentiel de l’ONU.

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