458 GÉOLOGIE DE LA PRÉHISTOIREFigure 4. Distributions granulométriques, tronquées à 2 µm (9 PHI), de quelques poussières <strong>anthropiques</strong>. À gauche (a) : cendrede bois expérimentale, le mode est très net entre 12,5 et 16 µm ; à droite (b) : un migon chasséen provenant de la couche 17de la Baume de Fontbrégoua ; le deuxième mode (à partir de 63 µm, 4 PHI) est essentiellement constitué de phytolithaires,le troisième, centré sur 8 µm (7 phi), correspond en partie aux sphérolites (d’après Brochier 1983b, modifié).Figure 4. Granulométric distributions, truncated at 2 µm (9 PHI), of some antropogenic dust. Left: experimental wood ash,the mode, between 12.5 and 16 µm, is sharp. Right: middle neolithic « migon », Fontbrégoua cave, level 17; the second mode(from 63 µm, 4 phi, onwards) is principally formed by phytoliths, the third, around 8 µm (7 PHI), arise in part from sperulites(after Brochier 1983b, modified).<strong>Les</strong> phytolithaires siliceuxApparu dans la première moitié du XIX e siècle, le termephytolithaire reste attaché aux noms de Struve, Ehrenberget Darwin. Georges Deflandre, en 1963, en donne la définitionsuivante : « <strong>Les</strong> phytolithaires réunissent tous les corpusculessiliceux d’origine végétale rencontrés isolés àl’état fossile ou subfossile ». On y ajoutera, bien évidement,ceux que l’on observe dans les végétaux actuels. Unconsensus, visant à rassembler sous le terme génériquephytolithaire l’ensemble des minéralisations végétales(oxaliques, siliceuses et carbonatées 1 ) s’est peu à peu imposéces dernières années.1 <strong>Les</strong> phytolithaires carbonatés sont en très large majorité constitués de cellulesracinaires calcifiées (B. Jaillard 1987) ; ils résultent très directementde l’interaction sol-racine et n’ont, bien évidemment, pas de significationanthropique. Ils peuvent cependant apporter d’intéressantes précisions surl’histoire sédimentaire des dépôts archéologiques.On retrouvera dans la littérature francophone deuxtermes pour désigner ces objets : phytolithaire et phytolithe,ce dernier tantôt substantif masculin, tantôt féminin.Le simple respect des règles de priorité dans la nomenclaturegéologique et paléontologique impose le terme phytolithaire(n.m.) créé par Ehrenberg semble-t-il en 1846.L’énorme contribution anglo-saxonne à la discipline à partirde la deuxième moitié du XX e siècle, ignorant les travauxpionniers d’Ehrenberg, a imposé le terme phytolith, quisemble apparaître sous la plume de Ruprecht en 1866. Ilne nous semble pas y avoir de raisons justifiées pour nepas conserver le genre masculin au terme phytolithaire(Deflandre 1963) ou à son dérivé phytolithe (Riquier en1960 hésite entre les deux genres, pour Taugourdeau-Lanzet al. en 1976 phytolithe est clairement un substantif masculin).<strong>Les</strong> deux termes, parfaitement synonymes, peuventêtre employés indifféremment.
<strong>Les</strong> sédiments <strong>anthropiques</strong> – Méthodes d’étude et perspectives 459<strong>Les</strong> phytolithes siliceux prennent naissance dans ou entreles cellules végétales. Ils sont constitués d’un minéral isotrope,hyalin, faiblement réfringent (n = 1,42) : l’opale. Lafaculté de concentrer (activement ou passivement) la silicedans les tissus, à partir de l’acide monosilicique du sol, esttrès inégalement répartie dans le règne végétal. La polymérisationsous forme de gel, puis d’opale (SiO 2, nH 2O), estparticulièrement active dans les organes aériens, ceux danslesquels l’évapotranspiration est maximale. À la mort de laplante (ou à la chute des feuilles et des fruits des végétauxpérennes), les phytolithaires sont incorporés dans les horizonssupérieurs du sol et alimentent le cycle du silicium.Au cours de la formation du phytolithe intracellulaire, lecytoplasme se trouve souvent emprisonné. Cette matière organiqueoccluse, parfaitement protégée de toute pollution,peut être datée par dosage du 14 C résiduel (Wilding et al.1967, Mulholland et Prior 1993).<strong>Les</strong> phytolithaires résistent bien aux températures modérées,celles qui sont les plus fréquemment atteintes dans lesfoyers. Le passage au four des échantillons de référence estd’ailleurs une des deux méthodes de préparation communémentpratiquées (dry ashing). Des modifications, d’autantplus fortes que les phytolithaires sont fins, apparaissentparfois dès 600 °C. Une absence de transformation jusqu’à800 °C est cependant un cas de figure très commun (Runge1998). La reconnaissance, sous le microscope, des phytolithes« brûlés », en dehors des cas où des traces de fusionsont perceptibles, est à la fois difficile et controversée. Ilsemble toutefois que l’on puisse conclure positivement dansles cas de forts brunissements dus à la matière organiqueoccluse. L’incendie de gerbes de blé ou d’avoine, de réservesde paille, ont souvent donné naissance à des verressiliceux bulleux, parfois très colorés, aux compositions chimiquesoriginales (Vélain 1878, Folk 1982 par exemple).<strong>Les</strong> températures atteintes, déduites d’expériences de laboratoiresemblent comprises entre 900 et 1 100 °C. Le lentrefroidissement de ces verres a pour conséquence la cristallisationde nombreuses espèces minérales dont les plusfréquemment rencontrées sont des pyroxènes (augite etwollastonite) ou de la silice (tridymite).<strong>Les</strong> Poacées sont sans conteste les plus gros producteurs.<strong>Les</strong> morphotypes produits ne permettent généralementpas une détermination spécifique ni mêmegénérique; ils permettent cependant souvent de préciser lapartie de la plante d’où provient le phytolithe ; une informationqui n’est pas sans intérêt pour l’archéologue. L’objetphytolithe ne porte pas, en effet, en lui-même, à la différenced’un grain de pollen par exemple, le ou les caractère(s)morphologique(s) caractéristique(s) d’un taxon,que celui-ci soit une espèce, un genre ou une sous-famille.Chaque taxon produit généralement plusieurs formes, denombreuses formes sont communes à plusieurs taxons(Riquier, 1960). Cette particularité est soulignée dansl’abondante littérature anglo-saxonne par les termes demultiplicity et de redundancy.Contrairement à ce que l’on observe dans les végétationstropicales, productrices de nombreux morphotypes souventoriginaux, les végétations tempérées non graminéennesproduisent peu de phytolithaires siliceux spécifiques.Un gros travail de recherche fondamentale estencore nécessaire afin d’utiliser au mieux les potentialitéstaxinomiques des phytolithes.<strong>Les</strong> méthodes de préparation des échantillons détailléesci-dessus permettent d’observer les phytolithaires siliceuxdans d’excellentes conditions. Ceux-ci doivent cependantêtre suffisamment nombreux dans l’échantillon brut, ce quiest généralement le cas des dépôts archéologique récents.<strong>Les</strong> dépôts pléistocènes ou de la première partie del’Holocène, généralement pauvres en phytolithes, nécessitentune préparation plus complexe mettant en jeu un trigranulométrique, une décalcification et une concentrationsur liqueur dense (2,3 < d < 2,4).<strong>Les</strong> dimensions des phytolithes siliceux sont beaucoupplus variées que celles des phytolithes oxaliques (ou desPOCC). Leur taille est comprise dans une large fourchette,entre quelques micromètres et une (parfois même des)centaine de micromètres. <strong>Les</strong> dimensions les plus fréquentessont comprises entre 10 et 50 micromètres(planche photo 1a à f).Compte-tenu de l’excellente résistance mécanique et chimiquede ces poussières, quelques contraintes taphonomiquesdoivent être respectées. Le caractère local de l’accumulation,qu’elle soit naturelle ou anthropique, estcertainement la condition la plus importante. On évitera,par exemple, les dépôts fins des grands fleuves qui rassemblent,dans des proportions difficilement quantifiables, lestémoignages des étages de végétation successifs traversésquelques dizaines, voire quelques centaines, de kilomètresen amont du point d’échantillonnage.La calcite sphérolitiqueCe n’est qu’à partir de 1983 qu’ont été décrites, dans des sédimentsarchéologiques holocènes, des cristallisations calcitiquessphérolitiques de très petite taille d’origine animale,et qu’ont été détaillés leur mode de formation et leur significationarchéologique (Brochier 1983a et suivant). Pendantde nombreuses années, malgré leurs caractères optiques etleurs comportements chimiques, elles ont été considérées,par la plupart des micromorphologues, comme des cristallisationsoxaliques d’origine végétale. De très rares études,