Les sédiments anthropiques

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456 GÉOLOGIE DE LA PRÉHISTOIREpoussières en tant qu’objets isolés, peu adaptée égalementà une approche quantitative ou semi-quantitative des différentstypes; mais elle donne une image irremplaçable desrelations spatiales entre les éléments. Les décantations nedonnent, par définition, pas d’indication sur l’organisationspatiale ; elles sont, par contre, un excellent moyen d’observationet de quantification des poussières isolées. Destypes rares, ou très petits, sont facilement mis en évidence.Nous ne nous étendrons pas ici sur la première de cestechniques décrite en détail dans un autre chapitre de cevolume ; nous l’utiliserons seulement à titre d’illustrationlorsque le besoin s’en fera sentir.La préparation des décantations fait appel à une techniquesimple et relativement rapide, qui permet de traiterde très nombreux échantillons. Une petite quantité de sédimentest mise en suspension dans l’eau (0,5 g de sédimentpour environ 200 ml de liquide). La dissociation des agrégatsest obtenue à l’aide de quelques gouttes d’eau oxygénée(110 vol.). Après agitation, un prélèvement de la suspensionest déposé sur une lame de verre. Le temps quisépare l’agitation de la suspension du prélèvement est fixé,pour les analyses de routine, à 25 secondes. Il peut être réduitou augmenté en fonction de la taille des particules quel’on souhaite observer. La décantation et le séchage despoussières sur la lame se fait simplement sur une plaquechauffante à faible température. Le montage définitif est ensuiteeffectué au baume du Canada dont l’indice de réfractionest parfaitement adapté à l’étude des différents types depoussières rencontrés.La seule limitation concerne les matériaux solubles et lesrestes organiques fragiles (pollens et spores par exemple)qui peuvent être en partie détruits lors de la phase préliminairede dissociation à l’eau oxygénée, bien que celle-cisoit très courte.L’observation se fait ensuite au microscope pétrographique,à un grossissement de 200 fois pour l’estimation desabondances, et de 400 à 1000 fois pour les comptages et lesanalyses morphologiques de détail. Des dispositifs optiquesparticuliers, comme le contraste interférentiel Nomarsky,sont particulièrement bien adaptés à l’étude de la fractionisotrope – l’opale d’origine végétale – des poussières.Il est alors possible d’observer et de quantifier, à partird’une préparation unique, tous les constituants de la phaselimoneuse du sédiment, qu’ils soient détritiques, néoformésou anthropiques.Des objets originaux : définitionet caractérisationSans être nécessairement liées à la présence humaine,l’homme n’est pour rien dans la genèse d’un phytolithaire!les poussières ne prennent le qualificatif d’anthropique quepar leur forte concentration dans le site archéologique,concentration qu’aucun processus naturel ne saurait expliquer.Elles peuvent alors constituer, seules ou en mélange,de véritables unités sédimentaires.Peu variées, elles sont le plus souvent d’origine végétale.Nous les présenterons successivement, en commençant parles plus fréquemment rencontrées.Les phytolithaires d’origine oxalique ou POCCLes phytolithaires oxaliques (planche photo 1i) peuventêtre présents dans tous les organes végétaux, racines comprises.Ils sont constitués soit d’oxalate de calcium monohydraté,la whewellite, de formule CaC 2O 4.H 2O, soit d’oxalatede calcium di-hydraté, la weddellite, de formuleCaC 2O 4.2H 2O. Ces deux minéraux cristallisent dans deuxsystèmes cristallins différents : monoclinique pour le premier,quadratique pour le second. Les habitus cristallinssont distincts, mais le caractère qui permet de les différencierle plus nettement est leur biréfringence : faible pour laweddellite (Ng-Np = 0,031), extrême pour la whewellite(Ng-Np = 0,160). Ces deux minéraux, solubles dans lesacides forts, ne sont pas affectés par l’acide acétique.Ils ne se conservent pas dans les sédiments au delà dequelques années, sauf conditions tout à fait exceptionnelles.Leur intérêt paléoécologique ou archéologique seraitdonc nul s’ils n’avaient la propriété de se transformersous l’effet de la chaleur – entre 430 et 510 °C – en carbonatede calcium tout en gardant les caractères morphologiquesdu cristal originel (et non de la cellule végétale,comme on l’affirme parfois). Les agrégats micro-cristallinsainsi obtenus, images fidèles des cristaux d’oxalate de calcium,sont appelés pseudomorphoses d’oxalate de calciumen calcite (ou de façon plus condensée POCC).Dérivées de cristaux oxaliques monocliniques ou quadratiques,il est très contestable de les décrire par l’expression« cristaux rhomboédriques ». Les POCC forment la majeurepartie de ce que l’on appelle cendre de bois (Brochier1983a et b).Sous le microscope, leur texture grenue et leurs formesgéométriques sont caractéristiques. Observées en lumièrepolarisée analysée, la plupart des formes ne s’éteignent pas(ou très partiellement) lorsque l’on fait tourner la platine;ce ne sont donc pas des mono-cristaux mais des agrégatsmicro-cristallins (planche photo 1h, j, k) dont les composantsne sont pas optiquement orientés. Quelques exceptionsexistent cependant puisque les oxalates de calcium dequelques rares espèces (certains des prismes de Tilia platyphyllospar exemple) sont à l’origine de POCC formées decristallites dont les axes optiques présentent une orienta-

Les sédiments anthropiques – Méthodes d’étude et perspectives 457tion suffisamment cohérente pour provoquer une extinctiondroite quasi totale. Les POCC, généralement micritiques,peuvent parfois se présenter, en contexte archéologique,sous un faciès bien différent, microsparitique, qui n’a pourl’instant pu être reproduit au laboratoire (fig. 3).À partir de 600 °C environ, température banale dans unfeu de bois, les POCC sont progressivement transformées enchaux. Elles donnent alors naissance, par hydratation etcarbonatation, à de très fins carbonates secondaires.Les oxalates de calcium végétaux, et les POCC qui sontleur forme archéologique fossile, présentent un nombre deformes réduites et relativement ubiquistes. Celles-ci ne peuventêtre observées dans de bonnes conditions qu’à partirde décantations. Les grains y sont bien séparés et vus sousun angle constant. Les mesures, indispensables à unedétermination botanique sérieuse, ou les observationsfines, sont alors possibles.Sur 150 espèces ligneuses européennes, par exemple,une quinzaine seulement sont actuellement déterminables àpartir de cendres monospécifiques (ce qui n’est pratiquementjamais le cas en milieu archéologique, les taxons reconnuspar l’anthracoanalyse sont là pour nous le rappeler).À partir de cendres plurispécifiques, la liste de taxonsdéterminables est beaucoup plus réduite. Quelques formessont cependant suffisamment originales pour permettre dereconnaître quelques taxons, souvent au niveau spécifique.Le hasard fait que ces taxons, les pins et les deux espècesde tilleul en particulier, ont une signification écologiqueclaire : les tilleuls sont indicateurs de formations ferméescaducifoliées, les pins de formations plus ouvertes, pionnières,succédant souvent, dans les phases récentes del’holocène, à de fortes perturbations anthropiques.Toutes les espèces ligneuses ne produisent cependantpas, lors de leur combustion, les POCC si caractéristiquesdes cendres de bois. En prenant toujours en exemple lemême référentiel, une vingtaine de taxons produisent seulementdes micrites, en masses sans caractères spécifiques,parfois plus ou moins vaguement structurées en fibres ouen réseau (planche photo 1l).Les dimensions des POCC sont comprises dans un intervalleétroit centré autour d’une quinzaine de micromètres(fig. 4a). Le mode, qu’une simple analyse granulométriquemet facilement en évidence, est un bon moyen pour estimerleur abondance dans une unité sédimentaire.Soulignons enfin, pour clore la présentation de ce premiertype de poussière anthropique, qu’il est urgent d’introduireun minimum de rigueur dans les exposés en différenciantclairement les rarissimes oxalates de calcium végétaux,weddellite ou whewellite, de leurs descendants carbonatés,les POCC. Les interprétations géoarchéologiques qui découlentde la présence et de la conservation dans un sédimentde l’un ou l’autre de ces minéraux sont bien différentes !Les micro-charbons, génétiquement associés aux POCC, nenécessitent pas un long développement. Ils représentent letype le plus commun de poussière anthropique, tant dans lessédiments anthropiques primaires que secondaires. À partird’une certaine taille, il devient très difficile, voire impossible,de distinguer sous le microscope le micro-charbon dela suie. La quantification, facile à partir de décantations,peut être précisée par la mesure de la perte au feu à 500 °C.Figure 3. Pseudomorphose d’un cristal maclé d’oxalatede calcium en calcite (POCC) d’angiosperme dicotylédone.Remarquer l’engrènement des unités microsparitiques.Microscopie électronique à balayage.(Grotte de Santa Maira, province d’Alicante, Néolithique ;cliché C. Verdasco).Figure 3. Calcitic pseudomorph after twined dicotyledonousAngiosperm calcium oxalate cristal (POCC). Note the closemaching of microsparitic units.(Santa Maira cave, Alicante country, Neolithic; photo C. Verdasco).

456 GÉOLOGIE DE LA PRÉHISTOIREpoussières en tant qu’objets isolés, peu adaptée égalementà une approche quantitative ou semi-quantitative des différentstypes; mais elle donne une image irremplaçable desrelations spatiales entre les éléments. <strong>Les</strong> décantations nedonnent, par définition, pas d’indication sur l’organisationspatiale ; elles sont, par contre, un excellent moyen d’observationet de quantification des poussières isolées. Destypes rares, ou très petits, sont facilement mis en évidence.Nous ne nous étendrons pas ici sur la première de cestechniques décrite en détail dans un autre chapitre de cevolume ; nous l’utiliserons seulement à titre d’illustrationlorsque le besoin s’en fera sentir.La préparation des décantations fait appel à une techniquesimple et relativement rapide, qui permet de traiterde très nombreux échantillons. Une petite quantité de sédimentest mise en suspension dans l’eau (0,5 g de sédimentpour environ 200 ml de liquide). La dissociation des agrégatsest obtenue à l’aide de quelques gouttes d’eau oxygénée(110 vol.). Après agitation, un prélèvement de la suspensionest déposé sur une lame de verre. Le temps quisépare l’agitation de la suspension du prélèvement est fixé,pour les analyses de routine, à 25 secondes. Il peut être réduitou augmenté en fonction de la taille des particules quel’on souhaite observer. La décantation et le séchage despoussières sur la lame se fait simplement sur une plaquechauffante à faible température. Le montage définitif est ensuiteeffectué au baume du Canada dont l’indice de réfractionest parfaitement adapté à l’étude des différents types depoussières rencontrés.La seule limitation concerne les matériaux solubles et lesrestes organiques fragiles (pollens et spores par exemple)qui peuvent être en partie détruits lors de la phase préliminairede dissociation à l’eau oxygénée, bien que celle-cisoit très courte.L’observation se fait ensuite au microscope pétrographique,à un grossissement de 200 fois pour l’estimation desabondances, et de 400 à 1000 fois pour les comptages et lesanalyses morphologiques de détail. Des dispositifs optiquesparticuliers, comme le contraste interférentiel Nomarsky,sont particulièrement bien adaptés à l’étude de la fractionisotrope – l’opale d’origine végétale – des poussières.Il est alors possible d’observer et de quantifier, à partird’une préparation unique, tous les constituants de la phaselimoneuse du sédiment, qu’ils soient détritiques, néoformésou <strong>anthropiques</strong>.Des objets originaux : définitionet caractérisationSans être nécessairement liées à la présence humaine,l’homme n’est pour rien dans la genèse d’un phytolithaire!les poussières ne prennent le qualificatif d’anthropique quepar leur forte concentration dans le site archéologique,concentration qu’aucun processus naturel ne saurait expliquer.Elles peuvent alors constituer, seules ou en mélange,de véritables unités sédimentaires.Peu variées, elles sont le plus souvent d’origine végétale.Nous les présenterons successivement, en commençant parles plus fréquemment rencontrées.<strong>Les</strong> phytolithaires d’origine oxalique ou POCC<strong>Les</strong> phytolithaires oxaliques (planche photo 1i) peuventêtre présents dans tous les organes végétaux, racines comprises.Ils sont constitués soit d’oxalate de calcium monohydraté,la whewellite, de formule CaC 2O 4.H 2O, soit d’oxalatede calcium di-hydraté, la weddellite, de formuleCaC 2O 4.2H 2O. Ces deux minéraux cristallisent dans deuxsystèmes cristallins différents : monoclinique pour le premier,quadratique pour le second. <strong>Les</strong> habitus cristallinssont distincts, mais le caractère qui permet de les différencierle plus nettement est leur biréfringence : faible pour laweddellite (Ng-Np = 0,031), extrême pour la whewellite(Ng-Np = 0,160). Ces deux minéraux, solubles dans lesacides forts, ne sont pas affectés par l’acide acétique.Ils ne se conservent pas dans les sédiments au delà dequelques années, sauf conditions tout à fait exceptionnelles.Leur intérêt paléoécologique ou archéologique seraitdonc nul s’ils n’avaient la propriété de se transformersous l’effet de la chaleur – entre 430 et 510 °C – en carbonatede calcium tout en gardant les caractères morphologiquesdu cristal originel (et non de la cellule végétale,comme on l’affirme parfois). <strong>Les</strong> agrégats micro-cristallinsainsi obtenus, images fidèles des cristaux d’oxalate de calcium,sont appelés pseudomorphoses d’oxalate de calciumen calcite (ou de façon plus condensée POCC).Dérivées de cristaux oxaliques monocliniques ou quadratiques,il est très contestable de les décrire par l’expression« cristaux rhomboédriques ». <strong>Les</strong> POCC forment la majeurepartie de ce que l’on appelle cendre de bois (Brochier1983a et b).Sous le microscope, leur texture grenue et leurs formesgéométriques sont caractéristiques. Observées en lumièrepolarisée analysée, la plupart des formes ne s’éteignent pas(ou très partiellement) lorsque l’on fait tourner la platine;ce ne sont donc pas des mono-cristaux mais des agrégatsmicro-cristallins (planche photo 1h, j, k) dont les composantsne sont pas optiquement orientés. Quelques exceptionsexistent cependant puisque les oxalates de calcium dequelques rares espèces (certains des prismes de Tilia platyphyllospar exemple) sont à l’origine de POCC formées decristallites dont les axes optiques présentent une orienta-

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