454 GÉOLOGIE DE LA PRÉHISTOIREdehors des objets dont la nature pétrographique, ou la morphologie,est incompatible avec un transport naturel, que cen’est pas l’observation individuelle des fragments qui serapertinente. Une des voies qui peut être suivie pour mettre enévidence de tels apports <strong>anthropiques</strong> grossiers fait appel àl’analyse fine des distributions granulométriques.Deux distributions théoriques asymétriques décrivent,avec une approximation raisonnable, les cas rencontrésdans l’étude des formations superficielles : la distributionlog-normale et la distribution de Rosin-Rammler. Toutesdeux se symétrisent, parfaitement pour la première, partiellementpour la seconde, par une simple transformation logarithmiquedes dimensions (fig. 1).Dans les contextes sédimentaires où les transports sontfaibles ou nuls – un cas extrêmement fréquent en milieuarchéologique – il a été montré depuis longtemps que lesFigure 1. Distributions granulométriques, tronquées par commodité à 5 mm (- 2,67 PHI), des galets actuel du Coulon (Vaucluse)et de ceux de quelques sites mésolithiques de cette vallée. De petits galets calcaires sont présents, en quantité variable suivantles époques, dans les dépôts mésolithiques. Ils ont été systématiquement chauffés, quelle que soit leur taille, à hautetempérature (600 à 700 °C). Du Tardiglaciaire à la période actuelle, les distributions granulométriques des galets calcairesprélevés en contexte fluviatile s’ajustent toujours au modèle log-normal [a]. <strong>Les</strong> galets extraits des dépôts mésolithiques [c et d]s’ajustent également bien à ce modèle et démontrent ainsi que des échantillons représentatifs de galets étaient prélevés dansle lit de la rivière, en d’autres termes, qu’aucune dimension particulière n’était privilégiée.De haut en bas et de gauche à droite : [a] distribution log-normale ajustée d’un échantillon de galets actuels prélevés au niveaude Notre-Dame-de-Lumière ; [b] pour illustration, distribution de Rosin ajustée aux mêmes données, remarquer l’asymétrie ;[c] distribution granulométrique des galets mésolithiques de Roquefure 2, histogramme : données brutes ; courbe en trait plein :courbe gaussienne ajustée aux observations ; [d] distribution granulométrique des galets mésolithiques de l’abri du Centre.L’axe des abscisses est gradué en unités PHI. (d’après Brochier et Livache 1996, modifié).Figure 1. Granulometric distributions, truncated at 5 mm (-2.67 PHI), of present day gravels of Coulon river (Vaucluse) and ofriver gravels of some mesolithic sites of this valley. Small river gravels occurs, in variable amount according to age, in mesolithicdeposits. They were, whatever their size, heated to high temperature (1100 to 1300 °F). From Late Glacial to current day,granulometric distributions of river gravels always fit to log-normal model [a]. River gravels from mesolithic sites [c and d] alsofit to this model, showing that representative samples were carried from the river bed; in other word, no particular size wasprefered. [a] fitted log-normal distribution of present day river gravels; [b] as an example, same sample fitted to a Rosindistribution; note the asymmetry; [c] granulometric distribution of mesolithic river gravels from Roquefure 2 rock-shelter,histogram: raw data; solid line: fitted gaussian curve; [d] granulometric distribution of mesolithic river gravels from Centre rockshelter.Abscissa axis in PHI units. (after Brochier and Livache 1996, modified).
<strong>Les</strong> sédiments <strong>anthropiques</strong> – Méthodes d’étude et perspectives 455distributions granulométriques des fragments sont mieuxdécrites à l’aide de la « loi de broyage » de Rosin qu’àl’aide de la loi normale ; à tel point que la qualité de l’ajustementaux deux distributions théoriques (normales ouRosin) peut être utilisée pour décrire le degré d’évolutiond’un sédiment (Kittleman 1964, Schleyer 1987).L’utilisation par l’homme de fragments grossiers, pour un(ou des) besoin(s) particulier(s) peut laisser dans la zonehabitée une masse caillouteuse importante. Pour chaqueusage, le choix du module optimal est à l’origine de distributionsparticulières, tronquées ou à étendue réduite, qui nes’ajustent plus aux modèles « naturels ». Plus la qualité del’ajustement est mauvaise, plus forte est la probabilité d’êtreen présence d’une accumulation anthropique. Des cas pluscomplexes peuvent se produire lorsque des activités différentesse déroulent au cours d’une même phase d’occupation;elles peuvent alors donner naissance à plusieurs populationsdistinctes qui se combinent en une distributionrésultante pluri-modale. La qualité de l’ajustement des distributionsconstitue ainsi la donnée première de toute approchesédimentologique en contexte archéologique.À l’inverse, cette technique permet également de montrerque certains éléments grossiers que l’on sait être accumuléspar l’homme, à cause de leur nature pétrographique ou deleur morphologie, ont été prélevés à l’affleurement sansaucun choix. C’est le cas, par exemple, des petits et énigmatiquesgalets fluviatiles calcaires si caractéristiques des dépôtsmésolithiques du Vaucluse présenté sur la figure 1.L’homme peut également être à l’origine de modificationsdes fragments grossiers. <strong>Les</strong> plus évidentes sont naturellementcelles qui sont liées à l’usage du feu : fissurations, cupules,fractures et coloration. Cependant, la reconnaissancede ces stigmates, comme celle d’ailleurs de charbons (oumicro-charbons) de bois dans un sédiment, n’a pas nécessairementune signification anthropique ! N’oublions pasque les incendies naturels, certes rares, se produisent detemps à autre. Ce n’est qu’associés à d’autres témoins de laprésence humaine à l’intérieur même du lieu habité, et lorsqu’untransport naturel de ces éléments peut être exclu, queces modifications peuvent, sans conteste, être attribuées àl’homme. Ces considérations prennent un poids particulierlorsqu’il s’agit de traiter des débuts de l’usage du feu.Toutes les roches réagissent peu ou prou aux élévationsde température. Une gamme étalon, facilement obtenueavec un four à moufle, doit être établie dans chaque cas.Elle permet de définir les seuils thermiques au delà desquelsles modifications macro – ou microscopiques se produisent(fig. 2). Dans une même classe pétrographique, lesseuils varient d’une roche à l’autre tout en restant du mêmeordre de grandeur. Pour les calcaires et les molasses, parexemple, le début du rougissement peut être fixé autourde 270 °C; les teintes rouges s’intensifient ensuite et persistentjusque vers 500 °C ; l’intervalle 600 – 700 °C (etmême 800 °C pour certains calcaires) est le domaine desteintes grises ; au delà le blanchiment localisé, puis total,caractérise la transformation en chaux.Ces approches sédimentologiques impliquent, cela vasans dire, l’échantillonnage et le traitement de volumes importantsde sédiment. Plusieurs dizaines de kilogrammesde fragments rocheux sont très vite nécessaires lorsquel’on prend en compte des cailloux atteignant la dizaine decentimètres.<strong>Les</strong> poussièresD’une taille comprise entre quelques dizaines et quelquesmicromètres (soit la fraction limoneuse augmentée d’unepartie des sables les plus fins) les poussières sont sansconteste les éléments qui témoignent avec le plus de nettetéde la présence et des activités humaines.Technique de préparationet d’observationDeux techniques microscopiques complémentaires sontutilisées en routine : l’observation de lames minces issuesde blocs indurés de sédiment ; l’observation de décantationsde cette fraction granulométrique. Chacune de cesdeux techniques a son intérêt, et chacune a également seslimites. La lame mince est peu adaptée à l’observation desFigure 2. Exemple de gamme étalon sur calcaire obtenueau four à moufle. Température maximale : 700 °C.Figure 2. Example of standard colorimetric range obtained byheating limestone in a furnace. Maximum temperature:700 °C (1292 °F).