Les sédiments anthropiques

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464 GÉOLOGIE DE LA PRÉHISTOIREFigure 6. Restitutionfactorielle des deux moteursprincipaux dela sédimentation dansle marais de Gabian-LaResclauze.1. Le premier facteur est unfacteur « d’anthropisation »;les points échantillons ontdes abscisses d’autant plusfortes que les sédimentsd’origine anthropiqueconstituent une partimportante de l’échantillon.2. Présence cumulée desdescripteurs de l’habitat.Chaque carré correspondà l’occurrenced’un descripteur ayant traità la présence humaine.En noir : silex, os ou charbon ;en hachures verticales : POCC ;rond noir : fragment de testbrûlé de gastéropode ;en grisé : empreintesde monocotylédones brûlées ;en blanc : élémentsallochtones dans les diversesfractions granulométriques.3. Le deuxième facteurrestitue l’activité dela source (d’après Brochier1990).Figure 6. Factorial reconstruction of the two main causes of sedimentation in Gabian-La Resclauze marsh.1. The first factor is an anthropogenic one; samples points have high abscissa when anthropogenic deposits form a importantpart of the sample.2. Black: flint, bone or wood-charcoal; vertical hatching: pocc; black dot: burnt gastropod shell; grey: prints of burned Poaceae;white: allochtonous material.3. The second factor reconstruct the spring flow (after Brochier 1990).tantes entre les variables physico-chimiques (température,pH, conductivité, [PO 4], [NO 3]…) caractérisantl’eau des lacs et la composition de leur flore algaire. Ilest apparu que l’équilibre entre diatomées et chrysophycéesétait fortement dépendant de l’état trophique du milieu.Les périodes d’eutrophisation rapide, correspondantgénéralement à une perturbation anthropique dubassin versant, entraînent la prolifération des diatoméeset la raréfaction des chrysophycées d’où l’indicateur D/C(nombre de frustules/nombre de statospores) proposépar J.-P. Smol en 1985.Les conditions de conservation des algues siliceusessont relativement mauvaises en milieu archéologique comparéesà celle que l’on rencontre dans les milieux lacustresou palustres ; les diatomées, en particulier, y sontsouvent très fragmentées. L’indicateur D/C dépend doncégalement des phénomènes de conservation différentielle(Brochier 1993). Pour ces mêmes raisons, il paraît beaucoupplus simple de compter tout fragment de valve dediatomée comme une unité et non, comme dans la définitionoriginelle, deux valves pour une frustule. Le problèmene se pose pas pour les statospores qui sont toujours retrouvéescomplètes.Les dépôts du Néolithique moyen de la Baume deFontbrégoua dans le Var fournissent une bonne illustrationdes potentialités offertes par l’étude des algues siliceusesd’eau douce. La baume, vaste caverne creusée dans les dolomies,s’ouvre à mi-versant au dessus du ruisseau duJonquier, dans le lit duquel des dépôts palustres et travertineuxn’ont cessé de s’accumuler pendant la plus grandepartie de l’Holocène. Les dépôts d’âge néolithique moyen sedécomposent, sur 110 cm environ, en une quinzaine d’unitéssédimentaires qui ont pour caractère principal une trèsforte charge en poussières (phytolithaires et sphérolites

Les sédiments anthropiques – Méthodes d’étude et perspectives 465principalement) dérivées de l’accumulation d’excrémentsde petits ruminants (Brochier et al. 1992). Les algues siliceusesd’eau douce, très fréquentes, montrent que le ruisseaudu Jonquier était régulièrement visité par les troupeaux.La grotte, pendant toute cette période, est utiliséeuniquement comme abri pour le bétail. Les datations absoluesdisponibles se rassemblent en deux groupes homogènes(aux sens du χ 2 ) : le premier autour de 4350 cal. BC,le second autour de 3790 cal. BC. Autrement dit, la sédimentationapparaît instantanée pendant deux courtes périodesséparées par trois à cinq siècles. Ce caractère trèsrapide de la sédimentation est également démontré parl’énorme part que prennent les poussières anthropiquesdans le sédiment (jusqu’à 58 % de limon, alors que partoutailleurs dans ce remplissage, très largement formé desables dolomitiques, ils oscillent autour de 10 %). Tout sepasse comme si, pendant ce court moment, les apports détritiquesétaient dilués dans d’énormes masses organiques.La question qui se pose alors, celle qui intéressera évidemmentle plus l’archéologue, est la suivante : deuxcourtes (?) périodes d’utilisation de la cavité par les bergerssemblent démontrées par les mesures du radiocarbone ; n’yen aurait-il pas plus, que dosage du 14 C, à la limite de sespossibilités compte-tenu des rapides vitesses d’accumulation,ne pourrait distinguer ? En d’autres termes, en combiend’unités archéologiques cohérentes l’ensemble néolithiquemoyen chasséen de Fontbrégoua peut-il être scindéet quelles sont les limites les plus judicieuses ?Une solution peut être trouvée en considérant l’évolutionde la fréquence des diatomées dans l’ensemble des alguessiliceuses (fig. 7). Trois cycles d’allure semblable –brusque augmentation suivie d’une dégression régulière –se succèdent durant ce court laps de temps. Chaque cycleest le reflet d’une brutale perturbation qu’il est légitimed’attribuer, compte-tenu des faciès rencontrés dans lagrotte, à une trop forte pression pastorale, à laquelle succèdeun lent retour vers des conditions plus oligotrophes.On peut y voir (une information à très haute résolution seraitnécessaire pour conclure), par exemple, la successionde décennies au cours desquelles, chaque année, la grottereçoit le troupeau et de décennies au cours desquelles l’exploitationdu vallon par les bêtes reste exceptionnel.L’utilisation pastorale du secteur apparaît ainsi très complexe; mais il est clair qu’un découpage en trois phases(sans doute très courtes, séculaires) est certainement plusconforme à la réalité. Enfin, on notera que l’évolution del’indicateur D/C peut permettre d’établir des corrélationsfines entre différents secteurs du site et, sans doute également,entre les différents sites néolithiques connus dans levallon du Jonquier et ses abords immédiats.Figure 7. Algues siliceuses et micro-chronologie. Évolutionde la fréquence relative des frustules de diatomées(par rapport à la somme frustules de diatomées et statosporesde chrysophycées) dans l’ensemble chasséen (couches 8-9à 27-28) de la Baume de Fontbrégoua (Var). Trois phasesde perturbation forte, occasionnant une certaineeutrophisation des zones palustres, se succèdent sur uneépaisseur de 110 cm ; elles sont suivies d’un retour progressifà la normale indiquant un relâchement (cycles plus longs,périodes d’utilisation plus courtes…) de la pression anthropique.Figure 7. Siliceous algae and micro-chronology. Evolution ofthe relative frequency of diatom frustules (against the sumdiatom frustule plus chrysophytes statospores) in the middlenéolithic, Chasséen, (level 8-9 to 27-28) of Fontbrégoua cave(South France, Var). Three strong anthropogenic disturbancepériod, giving rise to eutrophisation of marshes, followed oneanother through 110 cm depth; a progressive return toa normal state point to a decrease of anthropic pressure(longer cycles, shorter periods of use…).

464 GÉOLOGIE DE LA PRÉHISTOIREFigure 6. Restitutionfactorielle des deux moteursprincipaux dela sédimentation dansle marais de Gabian-LaResclauze.1. Le premier facteur est unfacteur « d’anthropisation »;les points échantillons ontdes abscisses d’autant plusfortes que les sédimentsd’origine anthropiqueconstituent une partimportante de l’échantillon.2. Présence cumulée desdescripteurs de l’habitat.Chaque carré correspondà l’occurrenced’un descripteur ayant traità la présence humaine.En noir : silex, os ou charbon ;en hachures verticales : POCC ;rond noir : fragment de testbrûlé de gastéropode ;en grisé : empreintesde monocotylédones brûlées ;en blanc : élémentsallochtones dans les diversesfractions granulométriques.3. Le deuxième facteurrestitue l’activité dela source (d’après Brochier1990).Figure 6. Factorial reconstruction of the two main causes of sedimentation in Gabian-La Resclauze marsh.1. The first factor is an anthropogenic one; samples points have high abscissa when anthropogenic deposits form a importantpart of the sample.2. Black: flint, bone or wood-charcoal; vertical hatching: pocc; black dot: burnt gastropod shell; grey: prints of burned Poaceae;white: allochtonous material.3. The second factor reconstruct the spring flow (after Brochier 1990).tantes entre les variables physico-chimiques (température,pH, conductivité, [PO 4], [NO 3]…) caractérisantl’eau des lacs et la composition de leur flore algaire. Ilest apparu que l’équilibre entre diatomées et chrysophycéesétait fortement dépendant de l’état trophique du milieu.<strong>Les</strong> périodes d’eutrophisation rapide, correspondantgénéralement à une perturbation anthropique dubassin versant, entraînent la prolifération des diatoméeset la raréfaction des chrysophycées d’où l’indicateur D/C(nombre de frustules/nombre de statospores) proposépar J.-P. Smol en 1985.<strong>Les</strong> conditions de conservation des algues siliceusessont relativement mauvaises en milieu archéologique comparéesà celle que l’on rencontre dans les milieux lacustresou palustres ; les diatomées, en particulier, y sontsouvent très fragmentées. L’indicateur D/C dépend doncégalement des phénomènes de conservation différentielle(Brochier 1993). Pour ces mêmes raisons, il paraît beaucoupplus simple de compter tout fragment de valve dediatomée comme une unité et non, comme dans la définitionoriginelle, deux valves pour une frustule. Le problèmene se pose pas pour les statospores qui sont toujours retrouvéescomplètes.<strong>Les</strong> dépôts du Néolithique moyen de la Baume deFontbrégoua dans le Var fournissent une bonne illustrationdes potentialités offertes par l’étude des algues siliceusesd’eau douce. La baume, vaste caverne creusée dans les dolomies,s’ouvre à mi-versant au dessus du ruisseau duJonquier, dans le lit duquel des dépôts palustres et travertineuxn’ont cessé de s’accumuler pendant la plus grandepartie de l’Holocène. <strong>Les</strong> dépôts d’âge néolithique moyen sedécomposent, sur 110 cm environ, en une quinzaine d’unitéssédimentaires qui ont pour caractère principal une trèsforte charge en poussières (phytolithaires et sphérolites

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