CHRONIQUE DE DROIT DE L'ARBITRAGE No 3 - Master Arbitrage ...
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<strong>CHRONIQUE</strong><br />
<strong>DROIT</strong> <strong>DE</strong><br />
L’ARBITRAGE<br />
<strong>CHRONIQUE</strong> <strong>DE</strong> <strong>DROIT</strong> <strong>DE</strong> L’ARBITRAGE N o 3<br />
Par le <strong>Master</strong> <strong>Arbitrage</strong> et commerce international<br />
de l’Université de Versailles-Saint-Quentin<br />
Sous la direction de Thomas Clay, directeur du <strong>Master</strong><br />
et doyen de la faculté de droit et de science politique de<br />
Versailles-Saint-Quentin<br />
PLAN :<br />
I. Une entaille dans le principe d’inarbitrabilité de la validité des brevets, par<br />
Valérie-Laure Benabou<br />
II. Obligation pour le demandeur à l’arbitrage de concentrer ses demandes et ses<br />
moyens, par Julien Maire du Poset<br />
III. Portée du devoir d’indépendance et d’impartialité de l’arbitre, par Marc Henry<br />
IV. Émergence d’un principe d’évaluation en équité du préjudice par l’arbitre ayant<br />
la mission de statuer en droit, par Anne-Lyse Roy<br />
V. La confirmation du contrôle distant de l’ordre public par le juge du recours, par<br />
Pierre Duprey<br />
VI. L’exequatur d’une sentence arbitrale attaquée au lieu du siège de l’arbitrage,<br />
dont le droit est soumis au Traité OHADA, par Stephan Adell<br />
I. UNE ENTAILLE DANS LE PRINCIPE D’INARBITRABILITÉ <strong>DE</strong> LA VALIDITÉ<br />
<strong>DE</strong>S BREVETS<br />
CA Paris, 28 février 2008 : Société Liv Hidravlika (RG n o 05/10577)<br />
Considérant que la question de la validité du brevet débattue de<br />
manière incidente à l’occasion d’un litige de nature contractuelle<br />
peut, ainsi que le relève l’arbitre, lui être soumise, l’invalidité<br />
éventuellement constatée n’ayant, pas plus que s’il s’agissait de la<br />
décision d’un juge, d’autorité de la chose jugée car elle ne figure<br />
pas au dispositif, qu’elle n’a d’effet qu’à l’égard des parties, de<br />
même d’ailleurs qu’une décision en faveur de la validité, les tiers<br />
pouvant toujours demander la nullité du brevet pour les mêmes<br />
causes.<br />
MOTS-CLÉS<br />
Arbitrabilité. Brevet. Nullité. Appréciation incidente. Effet inter partes. Absence<br />
d’autorité de la chose jugée.<br />
La Cour :<br />
(...)<br />
La société slovène Liv Hidravlika a introduit<br />
le 11 mai 2005 un recours en annulation à<br />
l’encontre d’une sentence arbitrale n o 12694/<br />
ACS/FM rendue le 23 mars 2005 sous les auspices<br />
de la Chambre de commerce internationale<br />
(CCI) par M. Hausmaninger, arbitre<br />
unique, qui statuant sur la base de la clause<br />
compromissoire d’un contrat de distribution<br />
(« contrat de commercialisation ») et d’un<br />
contrat de licence de brevet (« contrat de spécialisation<br />
») conclu avec la société française<br />
Diebolt, a jugé que :<br />
« I. 1. Les demandes de la partie demanderesse<br />
(et défenderesse reconventionnelle)<br />
En ligne sur Lextenso.fr Petites affiches - 3 OCTOBRE 2008 - N o 199 - 3
C HRONIQUE<br />
<strong>DROIT</strong> <strong>DE</strong> L’ARBITRAGE<br />
Liv de condamner Diebolt à payer à la partie<br />
demanderesse (et défenderesse reconventionnelle)<br />
Liv :<br />
a) la somme de 833.783,10 Q et intérêts légaux<br />
de 3,29 % pour 2003 (27.431,46 Q), de<br />
2,27 % pour 2004 (18.926,87 Q) et de 2,05 %<br />
pour 2005 (3.839,97 Q jusqu’au 23 mars 2005)<br />
et,<br />
b) la somme de 136.372,56 Q et intérêts légaux<br />
de 3,29 % pour 2003 (4.486,66 Q), de<br />
2,27 % pour 2004 (3.095,66 Q) et de 2,05 %<br />
pour 2005 (628,06 Q jusqu’au 23 mars 2005),<br />
sont justifiées.<br />
2. La demande de paiement de la partie<br />
demanderesse (et défenderesse reconventionnelle)<br />
Liv de 78.022 Q est rejetée.<br />
II. 1. Les demandes de la partie défenderesse<br />
(et demanderesse reconventionnelle) Diebolt<br />
de condamner Liv à payer à la partie<br />
défenderesse et demanderesse reconventionnelle<br />
Diebolt.<br />
a) 462.952,72 Q en paiement des factures<br />
(dont 300.000 Q en commissions pour violation<br />
d’exclusivité, 120.000 Q en commissions<br />
pour utilisation du brevet EP 0619265<br />
B1 et 42.952,72 Q en matériel délivré) et intérêts<br />
de 4,26 % pour 2003, 2004 et jusqu’au<br />
23 mars 2005 (48.874,23 Q);<br />
b) 1.042.474 Q au titre de commissions pour<br />
violations d’exclusivité en 2003 et 2004 ;<br />
c) 40.000 Q au titre de commissions pour l’utilisation<br />
du brevet EP 0619265 B1 en 2003,<br />
sont justifiées.<br />
2. La demande de la partie défenderesse (et<br />
demanderesse reconventionnelle) Diebolt de<br />
faire interdiction à Liv, sous astreinte, d’utiliser<br />
le brevet EP 0619265 B1 sans autorisation<br />
préalable de Diebolt est justifiée.<br />
3. Les demandes de paiement de la partie<br />
défenderesse (et demanderesse reconventionnelle)<br />
Diebolt concernant le paiement<br />
de :<br />
a) 282.127,41 Q en paiement des factures<br />
(dont 180.000 Q en commissions pour utilisation<br />
du brevet EP 0619265 et 102.127,41 Q<br />
en autres créances) ;<br />
b) 1.042.474 Q au titre de commissions pour<br />
violation d’exclusivité en 2005 et 2006 ;<br />
c) 1.000.000 Q en réparation de préjudice subi<br />
à cause des violations d’exclusivité en 2003<br />
et 2004 ;<br />
d) 60.000 Q au titre de commissions pour<br />
l’utilisation du brevet EP 0619265 B1 en<br />
2003 ;<br />
e) 100.000 Q au titre de dommages-intérêts<br />
à cause de l’utilisation du brevet 0619265<br />
B1 en 2003 ;<br />
f) 80.000 Q au titre de compensation des frais<br />
subis par Diebolt pour la constitution d’une<br />
documentation ;<br />
sont rejetées.<br />
4. La demande de la partie défenderesse (et<br />
demanderesse reconventionnelle) Diebolt<br />
concernant l’implication conjointe et solidaire<br />
de Liv Pstojna d.d. est rejetée.<br />
III. 1. Les demandes justifiées de Liv sont<br />
compensées avec les demandes justifiées de<br />
Diebolt le 18 mars 2005.<br />
2. Liv est condamnée à payer à Diebolt la<br />
somme de 560.736,61 Q.<br />
3. Le Tribunal fait interdiction à la partie<br />
demanderesse (et défenderesse reconventionnelle)<br />
Liv, sous astreinte de 2.000 Q, par<br />
violation, d’utiliser le brevet EP 0619265 B1<br />
pendant la validité du contrat de spécialisation<br />
sans autorisation préalable de Diebolt.<br />
IV. Décisions sur les coûts d’arbitrage :<br />
1. Diebolt est condamnée à payer à Liv une<br />
somme de 21.130,52 Q (frais de Liv) et de<br />
USD 4.792,77 (frais de la CCI).<br />
2. Les coûts de l’expertise sont partagés à<br />
parts égales entre Diebolt et Liv. La CCI remboursera<br />
à Liv et à Diebolt le reliquat des<br />
avances faites par les parties, à hauteur de<br />
respectivement 394,87 Q ».<br />
La société Liv Hidravlika soulève trois<br />
moyens d’annulation, la nullité de la convention<br />
d’arbitrage (CPC, art. 1502-1), le nonrespect<br />
du principe de la contradiction (CPC,<br />
art. 1502-4), la contrariété de la reconnaissance<br />
ou de l’exécution de la sentence à<br />
l’ordre public international (CPC, art. 1052-<br />
5 o ). Elle conclut à la condamnation de la<br />
société Diebolt aux dépens.<br />
La société Diebolt conclut au rejet du recours<br />
en annulation, à la condamnation de<br />
la société Liv Hidravlika à lui verser une<br />
4 - Petites affiches - 3 OCTOBRE 2008 - N O 199 En ligne sur Lextenso.fr
somme de 30.000 Q au titre de l’article 700<br />
du Code de procédure civile et à supporter<br />
les dépens.<br />
L’affaire initialement appelée pour plaider<br />
le 2 novembre 2006, a été renvoyée à la mise<br />
en état en raison d’une procédure de redressement<br />
judiciaire ouverte en Slovénie<br />
concernant la société Liv Hidravlika, laquelle<br />
s’étant avérée être une procédure de<br />
concordat amiable, aucun organe de cette<br />
procédure ne devait être mise en cause.<br />
Sur ce, la Cour :<br />
Sur les moyens d’annulation pour nullité<br />
de la convention d’arbitrage et contrariété<br />
de l’exécution de la sentence à l’ordre<br />
public international (article 1502-1 o<br />
et 5 o du Code de procédure civile) :<br />
La société Liv Hidravlika rappelle qu’elle a<br />
soulevé l’incompétence de l’arbitre pour statuer<br />
en matière de brevets mais que celui-ci<br />
n’en a pas tenu compte, or l’attribution du<br />
brevet et sa validité intéressent les tiers et<br />
aucune convention d’arbitrage ne pourrait<br />
donner à des arbitres le pouvoir de se prononcer<br />
sur ces questions qui relèvent de la<br />
compétence des juridictions étatiques.<br />
Considérant que la société Liv Hidravlika a<br />
soulevé l’incompétence du tribunal arbitral<br />
pour statuer en matière de brevets en réponse<br />
à la demande de la société Diebolt<br />
de réparer le préjudice subi du fait de l’utilisation<br />
non autorisée de ses brevets par la<br />
société Liv Hidravlika en violation du contrat<br />
de spécialisation ;<br />
Que l’arbitre a rejeté l’exception d’incompétence<br />
au motif notamment que « même<br />
un litige concernant la validité d’un brevet<br />
ou d’une marque peut être résolu par arbitrage,<br />
en acceptant la limite de la juridiction<br />
de l’arbitre, à savoir qu’une telle résolution<br />
n’a d’effet qu’entre les parties de l’arbitrage »<br />
(sentence, point 6.9.1) ;<br />
Considérant qu’il est constant que les litiges<br />
portant sur des contrats relatifs à l’exploitation<br />
des brevets, comme le contrat de<br />
spécialisation entre les sociétés Diebolt et<br />
Liv Hidravlika, qu’il s’agisse d’interprétation<br />
ou d’exécution du contrat, sont arbitrables ;<br />
Qu’au surplus, la question de la validité du<br />
brevet débattue de manière incidente à l’occasion<br />
d’un litige de nature contractuelle<br />
peut, ainsi que le relève l’arbitre, lui être soumise,<br />
l’invalidité éventuellement constatée<br />
n’ayant, pas plus que s’il s’agissait de la décision<br />
d’un juge, d’autorité de la chose jugée<br />
car elle ne figure notamment pas au<br />
dispositif, qu’elle n’a d’effet qu’à l’égard des<br />
parties, de même d’ailleurs qu’une décision<br />
en faveur de la validité, les tiers pouvant<br />
toujours demander la nullité du brevet pour<br />
les mêmes causes ;<br />
Que les deux premiers moyens d’annulation<br />
ne sont pas fondés ;<br />
Sur le moyen d’annulation pour nonrespect<br />
du principe de la contradiction<br />
(article 1502-4 o du Code de procédure civile)<br />
:<br />
La société Liv Hidravlika insiste sur le nécessaire<br />
respect du principe du contradictoire<br />
qui fait partie intégrante de l’ordre public<br />
procédural et soutient que les pièces<br />
qui lui avaient été demandées par l’arbitre<br />
concernant la liste des produits vendus en<br />
exécution du contrat de commercialisation<br />
ont été produites sans être prises en compte<br />
pour autant et que de ce fait, le débat contradictoire<br />
à propos de ces pièces susceptibles<br />
d’établir le préjudice de la société Diebolt,<br />
n’a pas eu lieu.<br />
La société Liv Hidravlika ajoute que l’arbitre<br />
s’est fondé sur une méthode d’évaluation<br />
du préjudice proposée par la société Diebolt<br />
sans inviter au préalable les parties à faire<br />
valoir leurs observations sur cette méthode<br />
et sur les résultats auxquels elle conduit.<br />
La société Liv Hidravlika dit encore que son<br />
mémoire en réplique déposé le 27 décembre<br />
2004 a été exclu des débats alors qu’elle<br />
avait sollicité une extension de délais et<br />
qu’elle n’a pas disposé d’un délai raisonnable<br />
pour faire valoir ses observations, d’autant<br />
que le droit français de l’arbitrage international<br />
n’enferme la procédure arbitrale<br />
dans aucun délai impératif.<br />
Considérant que la société Liv Hidravlika n’établit<br />
aucune violation du contradictoire en affirmant<br />
simplement, contrairement aux énonciations<br />
de la sentence selon lesquelles elle<br />
n’a en réalité rien produit en dépit des injonctions<br />
de l’article (p. 35, 42, 55 et 65 de la sentence),<br />
que les pièces qu’elle dit avoir versées<br />
n’ont pas été soumises à un débat avec son<br />
En ligne sur Lextenso.fr Petites affiches - 3 OCTOBRE 2008 - N o 199 - 5
C HRONIQUE<br />
<strong>DROIT</strong> <strong>DE</strong> L’ARBITRAGE<br />
(1) Cf. déjà : JCP E 2008. 1325, note Ch. Caron ; JCP G<br />
2008. I. 164, § 6, obs. J. Béguin, et D. 2008. 1325, note<br />
R. Meese (sur une autre question).<br />
(2) Cf. notamment : F. Perret, L’arbitrabilité des<br />
contentieux en matière de brevet d’invention, in Liber<br />
amicorum Claude Reymond, Autour de l’arbitrage,<br />
Litec, 2004, p. 229.<br />
(3) V. pour une opinion hostile à cette compétence,<br />
G. Bonet et Ch. Jarrosson, L’arbitrabilité des litiges de<br />
propriété industrielle en droit français, in <strong>Arbitrage</strong> et<br />
propriété intellectuelle, Litec, IRPI, 1994, p. 61. Contra<br />
X. de Mello, L’expérience des arbitres ou l’espérance<br />
des arbitres, in <strong>Arbitrage</strong> et propriété intellectuelle,<br />
préc. p. 93, ou encore la position belge.<br />
adversaire ; que les énonciations de la sentence<br />
relatives au déroulement de la procédure<br />
font d’ailleurs foi, comme pour toute décision<br />
de justice, jusqu’à inscription de faux ;<br />
Considérant au demeurant que la règle de<br />
l’estoppel empêche la recourante de plaider<br />
devant le juge de l’annulation ne pas avoir<br />
été invitée à faire des observations sur la<br />
méthode d’évaluation du préjudice proposée<br />
par la société Diebolt alors qu’elle n’a<br />
pas soulevé quand cela lui était possible dans<br />
l’arbitrage l’irrégularité qu’elle dénonce<br />
aujourd’hui, qu’en tout état de cause, la société<br />
Liv Hidravlika est dans l’incapacité de<br />
démontrer que l’arbitre n’ait pas pris sa décision<br />
au vu des éléments de fait et de droit<br />
dont les parties avaient été amenées à débattre,<br />
si elle l’avait voulu tout au moins ;<br />
Considérant qu’est tout aussi irrecevable l’allégation<br />
de la recourante selon laquelle il y<br />
aurait également violation du principe du<br />
contradictoire en raison de la non prise en<br />
compte de l’arbitre d’une demande qu’elle<br />
aurait faite d’extension de délai pour<br />
conclure, mais dont nulle preuve n’a pu être<br />
rapportée, l’arbitre unique ayant au contraire<br />
affirmé que cela n’avait jamais été le cas,<br />
que le refus de celui-ci d’accueillir des commentaires<br />
de la société Liv Hidravlika après<br />
les délais fixés et dans des conditions arrêtées<br />
et connues des parties, n’est pas critiquable,<br />
la société Liv Hidravlika, en l’absence<br />
de toute démonstration concrète d’une<br />
violation des droits de la défense, ne pou-<br />
La Cour d’appel de Paris, par une<br />
décision habile et partiellement<br />
novatrice, s’est prononcée sur la<br />
délicate question de l’arbitrabilité<br />
de la validité du brevet, cherchant à donner<br />
pleine efficacité à l’instance arbitrale<br />
ayant à en connaître, indirectement, à<br />
l’occasion d’un contentieux contractuel<br />
(1).<br />
Il était reproché au licencié d’un contrat<br />
de spécialisation d’avoir exploité une invention<br />
au-delà des stipulations contractuelles.<br />
Ce dernier contestait ce grief, excipant<br />
notamment de la nullité du brevet.<br />
Le Tribunal arbitral saisi au principal du<br />
NOTE<br />
vant prétendre à des délais indéfiniment allongés<br />
pour conclure au prétexte qu’il n’y a<br />
pas de limite dans le temps à la procédure<br />
arbitrale en droit international français de<br />
l’arbitrage ; qu’il ne fait aucun doute que l’arbitre<br />
doit statuer dans des délais raisonnables<br />
;<br />
Que le troisième moyen d’annulation est<br />
également rejeté, aucun des arguments de<br />
la société Liv Hidravlika au titre du nonrespect<br />
du principe du contradictoire ne<br />
pouvant être par ailleurs retenus en raison<br />
de leur inexistence pour justifier une violation<br />
de l’ordre public international de procédure<br />
;<br />
Que le recours est rejeté ;<br />
Sur les dépens et l’article 700 du Code de<br />
procédure civile :<br />
Considérant que la société Liv Hidravlika<br />
supporte les dépens et verse une somme<br />
de 30.000 Q au titre de l’article 700 du Code<br />
de procédure civile à la société Diebolt ;<br />
Par ces motifs :<br />
Rejette le recours en annulation à l’encontre<br />
de la sentence CCI 12694/ACS/FM ;<br />
Condamne la société Liv Hidravlika à payer<br />
la somme de 30.000 Q à la société Diebolt<br />
sur le fondement de l’article 700 du Code<br />
de procédure civile ;<br />
(...)<br />
problème de l’inexécution contractuelle<br />
se trouvait, par conséquent, confronté à<br />
la nécessité de statuer sur la validité du<br />
brevet litigieux. Or le débat fait rage depuis<br />
longtemps sur l’étendue de la compétence<br />
arbitrale sur ces questions (2). Si<br />
l’arbitrabilité des contrats relatifs au brevet<br />
ne pose pas de difficulté, la doctrine<br />
et la jurisprudence sont divisées sur la<br />
possibilité pour l’arbitre de se prononcer<br />
sur la validité comme sur la nullité d’un<br />
brevet, en raison d’une contrariété de la<br />
décision à l’ordre public (3).<br />
En dépit de cet arrière-plan dubitatif, le<br />
Tribunal arbitral avait retenu sa compé-<br />
6 - Petites affiches - 3 OCTOBRE 2008 - N O 199 En ligne sur Lextenso.fr
........................................................................................................................................................................<br />
tence pour le tout, inspiré sans<br />
doute par le célèbre arrêt Labinal<br />
selon lequel que « l’arbitre apprécie<br />
sa propre compétence quant à<br />
l’arbitrabilité du litige au regard de l’ordre<br />
public » (4). Il avait donc estimé que<br />
« même un litige concernant la validité<br />
d’un brevet ou d’une marque peut être<br />
résolu par arbitrage, en acceptant la limite<br />
de la juridiction de l’arbitre, à savoir<br />
qu’une telle résolution n’a d’effet qu’entre<br />
les parties de l’arbitrage ». La sentence<br />
ayant fait l’objet d’un recours en annulation<br />
fondé sur l’article 1502 du Code<br />
de procédure civile, la Cour d’appel rejeta<br />
le recours en procédant à un très subtil<br />
distinguo.<br />
Elle considère tout d’abord, classiquement,<br />
que le litige contractuel soumis à<br />
l’arbitre relevait bien de sa compétence ;<br />
qu’il est « constant que les litiges portant<br />
sur des contrats relatifs à l’exploitation<br />
des brevets, qu’il s’agisse d’interprétation<br />
ou d’exécution du contrat, sont arbitrables<br />
».<br />
Elle se montre ensuite plus audacieuse<br />
sur le second point puisqu’elle estime que<br />
l’arbitre peut connaître de « la question<br />
de la validité du brevet débattue de manière<br />
incidente à l’occasion un litige de<br />
nature contractuelle » et que la décision y<br />
afférente n’est pas contraire à l’ordre public<br />
au double motif que « l’invalidité<br />
éventuellement constatée n’a pas l’autorité<br />
de la chose jugée dans la mesure où<br />
elle ne figure pas au dispositif et qu’elle<br />
n’a d’effet qu’à l’égard des parties ». L’arrêt<br />
porte une encoche, voire une entaille,<br />
au principe d’inarbitrabilité de la validité<br />
des brevets en acceptant que l’arbitre se<br />
prononce, même de façon incidente, sur<br />
cette question. Mais il le fait de manière<br />
prudente. Bien que soucieuse de proposer<br />
une solution opératoire, en évitant le dé-<br />
tour du sursis à statuer devant le juge<br />
judiciaire, la Cour d’appel cantonne les<br />
effets de l’appréciation arbitrale du brevet<br />
au seul litige entre les parties, c’est-à-dire<br />
à ce qui est strictement nécessaire pour<br />
vider le contentieux contractuel.<br />
À première vue, la Cour écarte ainsi toute<br />
ambition de conférer à la décision une<br />
portée erga omnes, et évite de s’aventurer<br />
sur le terrain glissant du prononcé de la<br />
nullité d’un titre délivré par une autorité<br />
publique. Il s’agit en réalité, pour l’arbitre<br />
de constater l’inopposabilité ou encore<br />
l’inefficacité du brevet entre les parties<br />
au litige. La solution n’est pas sans<br />
rappeler le recours connu du contentieux<br />
administratif et communautaire de l’exception<br />
d’illégalité : l’arbitre constate ici<br />
une nullité « par voie d’exception ». Les<br />
tiers, non liés par la sentence, peuvent<br />
donc continuer à traiter le brevet comme<br />
valide ou au contraire demander sa nullité<br />
en justice. L’ordre public est sauf.<br />
Toutefois, il est loisible de s’interroger<br />
sur le sens de la réserve émise par la Cour<br />
d’appel lorsqu’elle prend soin de rappeler<br />
que l’appréciation de la validité du brevet<br />
ne figure pas au dispositif et qu’elle n’est,<br />
par conséquent, pas revêtue de l’autorité<br />
de la chose jugée. Si une interprétation a<br />
contrario devait prospérer et qu’elle conférait<br />
une telle autorité au dispositif d’une<br />
sentence, devrait-on pour autant en déduire<br />
qu’une nullité ainsi prononcée aurait<br />
un effet erga omnes, y compris pour l’Inpi ?<br />
Ne serait-ce pas alors excéder à la fois le<br />
périmètre de l’ordre public et celui de<br />
l’arbitrage ?<br />
Valérie-Laure BENABOU<br />
Agrégée des Facultés de droit<br />
Professeur à l’Université de Versailles Saint-Quentin<br />
Directrice du laboratoire Dante<br />
(4) CA Paris, 19 mai 1993, RTD com. 1993. 494, obs.<br />
J.-Cl. Dubarry et E. Loquin ; Rev. arb. 1993. 645, note<br />
Ch. Jarrosson ; Clunet 1993. 957, note L. Idot ; Europe<br />
1993. 299, et 300, obs. L. Idot ; Contrats, conc., consom.<br />
1993. 136, note L. Vogel ; LPA 1995, n o 26, p. 7, note<br />
S. Rottman.<br />
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C HRONIQUE<br />
<strong>DROIT</strong> <strong>DE</strong> L’ARBITRAGE<br />
(5) Cass. civ. 1 re , 28 mai 2008, JCP G 2008, act. 411,<br />
obs. J. Béguin ; JCP G 2008. I. 164, § 3, obs. J. Béguin ;<br />
D. 2008, act. 1629, note X. Delpech ; Rev. arb. 2008,<br />
note L. Weiller (à paraître) ; Dr. et proc. 2008. 233.<br />
(6) Cass. Ass. plén., 7 juill. 2006, Bull. Ass. plén. n o 8;<br />
Bull. info. Cour cass. du 15 octobre 2006, rapport<br />
Charruault, note R. Koering-Joulin, avis<br />
A. Benmakhlouf ; D. 2006. 2135, note L. Weiller ; JCP G<br />
2007. II. 10070, note G. Wiederkehr ; JCP G 2006. I. 183,<br />
§ 15, obs. S. Amrani-Mekki ; Procédures 2006, repères<br />
n o 9, obs. H. Croze et no 201, obs. R. Perrot ; Dr. et patr.<br />
2007. 113, obs. S. Amrani-Mekki ; RTD civ. 2006. 825,<br />
obs. R. Perrot ; Rev. huissiers 2006. 348, note<br />
N. Fricero ; Gaz. Pal. 2007. 398, note Gain ; RDI 2006.<br />
500, obs. Ph. Malinvaud.<br />
(7) Cass. civ. 1 re , 16 janvier 2007, Bull. civ. I, no 18, JCP<br />
G 2007. IV. 1359 ; Cass. com., 20 février 2007, Bull. civ.<br />
IV, n o 49, RTD civ. 2007. 128, obs. R. Perrot, JCP G 2007.<br />
IV. 1634.<br />
(8) Cass. civ. 3 e , 13 février 2008, JCP G 2008. II. 10052,<br />
note L. Weiller.<br />
II. OBLIGATION POUR LE <strong>DE</strong>MAN<strong>DE</strong>UR À L’ARBITRAGE <strong>DE</strong> CONCENTRER<br />
SES <strong>DE</strong>MAN<strong>DE</strong>S ET SES MOYENS<br />
Cass. civ. 1 re , 28 mai 2008 : Société G et A Distribution SARL<br />
(pourvoi n o 07-13.266)<br />
Attendu qu’il incombe au demandeur de présenter dans la même<br />
instance toutes les demandes fondées sur la même cause et qu’il<br />
ne peut invoquer dans une instance postérieure un fondement<br />
juridique qu’il s’était abstenu de soulever en temps utile.<br />
MOTS-CLÉS<br />
Concentration des moyens. Application à l’arbitrage. Autorité de la chose jugée.<br />
L’arrêt commenté fixe de manière<br />
claire et simple la portée de l’autorité<br />
de chose jugée d’une sentence<br />
arbitrale (5). Il s’agissait de l’une<br />
des nombreuses affaires Prodim ayant données<br />
lieu à des arbitrages en matière de<br />
distribution. La société Prodim et la société<br />
G et A Distribution avaient conclu<br />
un contrat de franchise le 2 février 1994<br />
contenant un article 6 qui interdisait au<br />
franchisé, en cas de rupture du contrat,<br />
d’utiliser une autre enseigne pendant une<br />
durée d’un an. Le contrat avait été résilié<br />
le 25 octobre 1996 par la société G et A<br />
Distribution qui arborait une enseigne<br />
concurrente le 7 juillet suivant. Le franchiseur<br />
a donc saisi un tribunal arbitral en<br />
vertu d’une clause compromissoire contenue<br />
dans le contrat. Les arbitres le déboutèrent<br />
de sa demande de dépose d’enseigne<br />
en violation du contrat tout en remarquant<br />
qu’aucune demande de dommages<br />
et intérêts n’avait été formulée. Face à<br />
cet échec, la société Prodim saisit un second<br />
tribunal arbitral et demanda cette<br />
fois-ci des dommages et intérêt pour violation<br />
de l’article 6 du contrat par la société<br />
G et A Distribution. La sentence du<br />
second tribunal sera annulée par la Cour<br />
d’appel de Caen au motif que le tribunal<br />
arbitral a été irrégulièrement constitué. La<br />
Cour d’appel sera par la suite sanctionnée<br />
par la Haute juridiction car elle avait refusé<br />
d’évoquer l’affaire alors qu’elle en<br />
NOTE<br />
avait le pouvoir et le devoir. L’affaire est<br />
ensuite renvoyée devant la Cour d’appel de<br />
Versailles qui rejette une fin de non-recevoir<br />
soulevée par le défendeur fondée sur<br />
l’autorité de chose jugée de la première<br />
sentence. L’arrêt de la Cour d’appel de<br />
Versailles est cassé par la première chambre<br />
civile de la Cour de cassation car « il<br />
incombe au demandeur de présenter dans<br />
la même instance toutes les demandes fondées<br />
sur la même cause et il ne peut invoquer<br />
dans une instance postérieure un fondement<br />
juridique qu’il s’était abstenu de<br />
soulever en temps utile ».<br />
Par cet arrêt, la Haute juridiction transpose<br />
à l’arbitrage sa jurisprudence relative<br />
à l’élargissement de la notion de cause (I)<br />
et impose au demandeur de rassembler<br />
ses demandes ayant la même cause devant<br />
le tribunal arbitral (II).<br />
I Visant les articles 1351 du Code civil et<br />
1476 du Code de procédure civile, la Cour<br />
de cassation rappelle sa solution relative à<br />
l’autorité de chose jugée et à l’élargissement<br />
de la notion de cause en affirmant<br />
que le demandeur « ne peut invoquer dans<br />
une instance postérieure un fondement juridique<br />
qu’il s’est abstenu de soulever en<br />
temps utile ». Cette solution a été énoncée<br />
dans un arrêt très remarqué de l’Assemblée<br />
plénière de la Cour de cassation (6)<br />
qui a été déjà reprise (7) et même étendue<br />
au défendeur (8). Dans l’arrêt commenté,<br />
la première chambre civile décide d’éten-<br />
8 - Petites affiches - 3 OCTOBRE 2008 - N O 199 En ligne sur Lextenso.fr
........................................................................................................................................................................<br />
dre cette solution à l’arbitrage obligeant<br />
ainsi le demandeur à présenter<br />
tous les moyens de nature à<br />
fonder sa demande devant le tribunal<br />
arbitral, sans en conserver dans sa<br />
manche.<br />
D’après l’article 1476 du Code de procédure<br />
civile, la sentence arbitrale a, dès<br />
qu’elle est rendue, l’autorité de chose jugée<br />
relativement à la contestation qu’elle<br />
tranche. Or l’article 1351 du Code civil<br />
dispose que l’autorité de la chose jugée ne<br />
peut jouer que lorsque les parties, la cause<br />
et l’objet sont identiques. L’objet du litige<br />
est l’avantage auquel prétend une<br />
partie et que conteste l’autre (9) alors que<br />
la cause est le fondement direct et immédiat<br />
du droit invoqué (10). En l’espèce, le<br />
demandeur n’avait pas formulé, lors de la<br />
seconde instance, une même demande<br />
fondée sur un moyen différent mais bien<br />
une demande différente fondée sur le<br />
même moyen juridique. La Haute juridiction<br />
a répondu en étendant, à juste<br />
titre, à l’arbitrage sa jurisprudence relative<br />
à l’élargissement de la notion de<br />
cause par un obiter dictum.<br />
II La Cour de cassation énonce en outre<br />
« qu’il incombe au demandeur de présenter<br />
dans la même instance toutes les demandes<br />
fondées sur la même cause ».<br />
Contrairement à ce qui a pu être proposé<br />
(11), l’apport principal de l’arrêt ne concerne<br />
pas la cause mais bien l’objet du<br />
litige. En effet, devant le tribunal arbitral<br />
le franchiseur s’était fondé sur la violation<br />
de l’article 6 du contrat par le franchisé<br />
afin d’obtenir la dépose de sa nouvelle<br />
enseigne. Devant le refus du tribunal<br />
arbitral, le franchiseur a présenté une<br />
nouvelle demande en dommages et intérêts<br />
toujours fondée sur la violation de<br />
l’article 6 par le franchisé. La demande<br />
est donc ici différente dans les deux instances<br />
mais la cause est la même : la violation<br />
de l’article 6 du contrat. L’objet du<br />
litige est donc différent dans les deux instances<br />
et la fin de non-recevoir ne devait<br />
pas jouer. Cependant, la Cour de cassation<br />
décide que cette nouvelle demande<br />
se heurte à l’autorité de chose jugée de la<br />
sentence arbitrale.<br />
La loyauté devenant un véritable principe<br />
directeur du procès (12), il paraît normal<br />
d’imposer au demandeur de présenter<br />
toutes ses demandes et tous les moyens<br />
pouvant les fonder lors de la même instance.<br />
Il n’est pas étonnant que la Cour<br />
de cassation énonce cette nouvelle règle<br />
en matière d’arbitrage qui est le lieu de la<br />
loyauté des parties et de la compétence<br />
des conseils. Il est toutefois possible de se<br />
demander si en visant l’article 1351 du<br />
Code civil la Cour de cassation n’a pas<br />
entendu étendre cette règle à tout acte<br />
juridictionnel.<br />
Julien MAIRE DU POSET<br />
Élève avocat<br />
Ancien étudiant du <strong>Master</strong> professionnel <strong>Arbitrage</strong><br />
et commerce international (vice-major)<br />
III. PORTÉE DU <strong>DE</strong>VOIR D’INDÉPENDANCE ET D’IMPARTIALITÉ <strong>DE</strong><br />
L’ARBITRE<br />
Cour Suprême de Suède, 19 novembre 2007 (case n o T 2448-06)<br />
Le lien professionnel entretenu par l’arbitre avec un cabinet<br />
d’avocats comptant une des parties à l’arbitrage parmi ses<br />
principaux clients constitue une circonstance objective de nature à<br />
créer un doute légitime sur son impartialité.<br />
MOTS-CLÉS<br />
Arbitre. Indépendance. Impartialité. Lien avec un cabinet d’avocats. Lien avec<br />
une partie.<br />
(9) G. Cornu (sous la dir.), Vocabulaire Juridique, PUF,<br />
2001, hoc verbo.<br />
(10) H. Motulsky, Pour une délimitation plus précise de<br />
l’autorité de la chose jugée en matière civile, D. 1968,<br />
p. 14.<br />
(11) J. Béguin, Autorité de la chose jugée : la règle du<br />
« groupement des demandes en début d’instance »<br />
s’applique à l’arbitrage, JCP G 2008, act. n o 411 et<br />
X. Delpech, Autorité de la chose jugée de la sentence<br />
arbitrale, D. 2008. 1629.<br />
(12) L. Weiller, Renouvellement des critères de<br />
l’autorité de la chose jugée : l’Assemblée plénière<br />
invite à relire Motulsky, D. 2006. 2135.<br />
En ligne sur Lextenso.fr Petites affiches - 3 OCTOBRE 2008 - N o 199 - 9
C HRONIQUE<br />
<strong>DROIT</strong> <strong>DE</strong> L’ARBITRAGE<br />
La Cour :<br />
(...)<br />
Judgment<br />
By reversal of the Court of Appeals’ judgment<br />
in the substantive matter, the Supreme Court<br />
sets aside the arbitration award between the<br />
parties rendered on 7 June 2004.<br />
By reversal of the Court of Appeals’ Judgment<br />
also regarding trial costs, the Supreme<br />
Court releases Anders Jilkén from the obligation<br />
to reimburse Ericsson AB for the trial<br />
costs in the Court of Appeals and obligates<br />
Ericsson AB to reimburse Anders Jilkén for<br />
trial costs in the Court of Appeals, in the<br />
amount of three hundred forty seven<br />
thousand (347.000) SEK, of which 245.000<br />
SEK constitutes attorneys fees, plus interest<br />
according the§6oftheInterest Act, from 5<br />
May 2006 until payment is made.<br />
Ericsson AB shall reimburse Anders Jilkén<br />
for trial costs in the Supreme Court, in the<br />
amount of four hundred eighty seven<br />
thousand five hundred (487.500) SEK, of<br />
which 425.000 SEK constitutes attorneys fees,<br />
plus interest according to§6oftheInterest<br />
Act, from the day of the Supreme Court’s<br />
Judgment until payment is made.<br />
The petition in the Supreme Court :<br />
Anders Jilkén has petitioned the Supreme<br />
Court to grant his plea in the Court of<br />
Appeals in the substantive matter, and release<br />
him from the obligation to reimburse<br />
Ericsson AB for the trial costs in the Court of<br />
Appeals and oblige Ericsson AB to reimburse<br />
his trial costs of the Court of Appeals.<br />
Ericsson AB has contested the change.<br />
The parties have claimed reimbursement for<br />
the trial costs in the Supreme Court.<br />
The Supreme Court has obtained an opinion<br />
from the Arbitration Institute of the<br />
Stockholm Chamber of Commerce.<br />
Opinion of the Court :<br />
The issue in the case is whether the challenged<br />
arbitration award shall be set aside<br />
because of the existence of circumstances<br />
that could give rise to doubts as to<br />
the impartiality of the arbitrator Johan Lind.<br />
Section 8 of the Arbitration Act (1999 : 116)<br />
provides that an arbitrator shall be impartial.<br />
An arbitrator shall, upon demand by<br />
from a party, be dismissed from the assignment<br />
if there is a circumstance that may call<br />
into question the impartiality of an arbitrator.<br />
Items 1-4 of the provision identify circumstances<br />
that are always to be considered to<br />
give rise to doubts as to the impartiality of<br />
an arbitrator. The list is intended to exemplify<br />
and not to be exhaustive (see bill 1998/99 :<br />
35 p. 85 and p. 218). According to § 19 it is<br />
incumbent on an arbitrator to inform the parties<br />
on the circumstances which according<br />
to § 8 may prevent him from being an<br />
arbitrator.<br />
If an arbitrator, because of a circumstance<br />
set forth in § 8 has been disqualified, the<br />
arbitral award shall upon a protest be wholly<br />
or partially set aside at the request of a party<br />
(§ 34 para. 1, item 5). The right to invoke<br />
such a circumstance may however have<br />
been lost, if the party can be considered to<br />
have waived it, e.g., by participating in the<br />
procedure without making any objection,<br />
or if more than fifteen days have passed<br />
since the party became aware of the<br />
circumstance (§ 34 para. 2 and § 10 para. 1).<br />
In the preparatory works of the 1999 Act,<br />
the significance of arbitral disputes frequently<br />
having an international connection was<br />
emphasised. In the drafting of the Swedish<br />
legislation it was considered important in<br />
each issue to take into consideration the<br />
Model Law on International Commercial Arbitration<br />
prepared by the United Nations<br />
Commission on International Trade Law,<br />
Uncitral, the so called model law. In terms<br />
of rules of challenge it was stated that it was<br />
natural especially to take into consideration<br />
the corresponding rules in the Swedish Code<br />
of Judicial Procedure. Unlike in the model<br />
law, it was not considered necessary to state<br />
that the arbitrator shall be independent, since<br />
this was covered by the chosen locution.<br />
Furthermore, it was stated in the preparatory<br />
works that it can be conceived that an<br />
attorney may be considered not to have a<br />
conflict of interest according to § 8, but that<br />
the circumstances are still such that it should<br />
be contrary to the Code of Conduct of the<br />
Swedish Bar Association to undertake or<br />
retain an assignment as arbitrator in a certain<br />
dispute. In particular, it was stated that<br />
an attorney according to the Code of<br />
10 - Petites affiches - 3 OCTOBRE 2008 - N O 199 En ligne sur Lextenso.fr
Conduct of the Swedish Bar Association<br />
should not be permitted to invoke that a<br />
party has waived a ground for challenge (bill<br />
1998/99 : 35 p. 44 ff. p. 82 f. and p. 218.)<br />
In many countries, there are international<br />
institutions for arbitration, which have their<br />
own arbitration rules. In this case references,<br />
have been made among others to the International<br />
Chamber of Commerce (ICC)<br />
situated in Paris and the Arbitration Institute<br />
of the Stockholm Chamber of Commerce<br />
situated in Stockholm. The rules of these two<br />
mentioned arbitration institutes contain provisions<br />
pertaining to conflicts of interest with<br />
substantially the same content as the basic<br />
rule on impartiality in the Swedish Arbitration<br />
Act (see, e.g., § 17 of the Rules of the Institute<br />
of the Stockholm Chamber of Commerce,<br />
applicable at the relevant time, which states<br />
the an arbitrator shall be impartial and independent).<br />
Furthermore, the IBA Guidelines<br />
on Conflicts of Interest in International<br />
Arbitration, issued by the International Bar<br />
Association (IBA), have been invoked in the<br />
case. Even if the case shall be tried on the<br />
basis of the rules of the Arbitration Act, there<br />
may against the background of the similar<br />
rules and the frequently occurring international<br />
elements of the activities, also be<br />
reason to examine the application of rules<br />
and guidelines of the above-mentioned kind.<br />
As a general basis, the Supreme Court’s opinions<br />
in the case NJA 1981 p. 1205 still have<br />
weight. There, the Court stated that the rules<br />
regarding conflicts of interest aim at protecting<br />
the objective administration of justice,<br />
and that it is important that the rules<br />
are applied in a way that a judge or an arbitrator,<br />
who is comprised by such a rule,<br />
may not participate in a trial or an arbitral<br />
procedure, even if in the particular case there<br />
is no reason to assume that he when considering<br />
or deciding the case would let<br />
himself be influenced by his relation to the<br />
one party. <strong>No</strong>t in the least when it comes to<br />
arbitrators, according to the Supreme Court,<br />
the demands for objectivity and impartiality<br />
must be high, since errors in assessing<br />
evidence or in the application of justice cannot<br />
be a basis for setting aside an arbitration<br />
award.<br />
Anders Jilkén has claimed that there have<br />
been circumstances that could called into<br />
question the impartiality of Johan Lind. These<br />
circumstances are according to Anders Jilkén<br />
that at the time for the arbitration Johan Lind<br />
was firmly associated with Mannheimer<br />
Swartling Advokatbyrå as a consultant with<br />
the task of providing legal advice to the<br />
lawyers of the firm and that Mannheimer<br />
Swartling Advokatbyrå had considerable<br />
legal assignments for the Ericsson Group, of<br />
which Ericsson AB, Anders Jilkén’s counterparty<br />
in the arbitration procedure, is a part.<br />
Johan Lind had advised the Ericsson Group<br />
through two legal opinions. There has,<br />
according to Anders Jilkén, existed a connection<br />
between the arbitrator and one party<br />
in the arbitration procedure that was sufficient<br />
to call the impartiality into question,<br />
since both had a relationship to the law firm.<br />
At any rate, Johan Lind had been obliged to<br />
inform about the client relation between<br />
Mannheimer Swartling Advokatbyrå and the<br />
Ericsson Group and about his own representation<br />
of the Ericsson Group through legal<br />
opinions. The failure to so inform about the<br />
client relationship implies, individually or in<br />
connection with other circumstances, that<br />
Johan Lind has not been qualified.<br />
Primarily, Ericsson AB has objected that<br />
Anders Jilkén has lost his right to invoke the<br />
referenced circumstances by a challenge of<br />
the award, since they were known to him<br />
or at least to his counsel during the procedure.<br />
In the alternative, the company has<br />
contested the existence of any circumstances<br />
that could have called into question the<br />
impartiality of Johan Lind or that Johan Lind<br />
had neglected any obligation to inform.<br />
Anders Jilkén has denied that he or his<br />
counsel, during the procedure, had any<br />
knowledge of the Ericsson Group being a<br />
client of the law firm. In support of not<br />
having become aware of this fact until after<br />
the arbitration award had been issued,<br />
Anders Jilkén has referred to recordings from<br />
the Court of Appeals of testimony under oath<br />
of himself and of his attorney Jens Tillqvist,<br />
who during the arbitration procedure, was<br />
Anders Jilkén’s counsel.<br />
The Supreme Court finds that Ericsson AB<br />
in view of the evidence invoked by Anders<br />
Jilkén, has not shown that Anders Jilkén at<br />
En ligne sur Lextenso.fr Petites affiches - 3 OCTOBRE 2008 - N o 199 - 11
C HRONIQUE<br />
<strong>DROIT</strong> <strong>DE</strong> L’ARBITRAGE<br />
any earlier point than he himself has claimed,<br />
became aware of the circumstances he has<br />
referred to as a base for his claim. Therefore<br />
Anders Jilkén is entitled to invoke the<br />
circumstances.<br />
The investigation shows the following<br />
regarding the Johan Lind’s connection to<br />
Mannheimer Swartling Advokatbyrå. Johan<br />
Lind was working part time as a consultant<br />
at the firm. According to Ericsson AB the<br />
agreement relation was probably an employment<br />
situation even if the agreement is<br />
described as consultancy agreement. The<br />
work as such, mainly consisted of providing<br />
legal advice to other lawyers at the firm and<br />
writing legal opinions. Among other things,<br />
he has written legal opinions for companies<br />
in the Ericsson Group. However he has not<br />
had any client contacts. He had a fixed<br />
remuneration, which made up almost 20 percent<br />
of his total income. On the firm’s home<br />
page he was presented as an employee of<br />
the firm, with the title « consultant » and in<br />
the lawyer’ register he was stated as an<br />
associate lawyer at the firm. He had his office<br />
at the firm’s premises. Johan Lind kept<br />
the arbitration activities apart from the<br />
activities of the law firm, but he was to a<br />
certain extent using the meeting rooms and<br />
office resources for the arbitration activities.<br />
The law firm was reimbursed for these costs.<br />
The parties in this current arbitration case<br />
have received letters from Johan Lind written<br />
on firm stationery.<br />
The Disciplinary Committee of the Swedish<br />
Bar Association has in a decision regarding<br />
Johan Lind’s employer stated that Johan Lind<br />
was employed by the law firm and that he<br />
for attorney ethical reasons should have<br />
declined the task as an arbitrator.<br />
The Arbitration Institute of the Stockholm<br />
Chamber of Commerce has in an opinion<br />
to the Supreme Court stated that if the<br />
Institute would have had to make a decision<br />
in a case under present circumstances, the<br />
Institute would in an assessment according<br />
to its rules with the greatest probability have<br />
found that a conflict of interest exists. In the<br />
Institute’s opinion there is, in this context,<br />
no reason to distinguish between a law firm<br />
and the lawyers employed by the law firm.<br />
There is furthermore no reason to assess the<br />
degree of involvement of the law firm’s<br />
activities by the lawyer after it has been<br />
established that the lawyer is tied to law firm,<br />
as in this case. The fact that the arbitration<br />
activities in a certain manner are said to be<br />
separated from the law firm’s activities has<br />
no significance to the assessment. The opinion<br />
shows that the Institute’s assessment<br />
of whether there is a conflict of interest in a<br />
particular case is made in the light of inter<br />
alia Swedish and international practice from<br />
courts and arbitration institutes.<br />
Furthermore, the EBA guidelines provide an<br />
important basis. The Institute has specifically<br />
indicated that the circumstance that an<br />
arbitrator’s law firm has an important commercial<br />
relationship to one of the parties in<br />
these guidelines is identified as a circumstance<br />
that implies a conflict of interest. The<br />
Institute has also described certain of its own<br />
rulings in conflict of interest issues (see<br />
among other cases, Stockholm Arbitration<br />
Report 2002 :1, p. 39 ff.).<br />
The Ericsson Group was a client of<br />
Mannheimer Swartling Advokatbyrå. The<br />
basis for the assessments should be that<br />
Ericsson AB in this context is to be equated<br />
with the Ericsson Group.<br />
The assessment of whether there have been<br />
circumstances that could call into question<br />
the impartiality of Johan Lind shall, as shown<br />
above, be made on objective grounds and<br />
not focus on the risk that Johan Lind in the<br />
particular case would let himself be<br />
influenced by the law firm’s client relationship<br />
to the Ericsson Group.<br />
Johan Lind may be considered to have been<br />
an employee of the law firm, even if it was<br />
part time and with a salary on which he was<br />
not financially dependent. The facts shown<br />
regarding his working conditions, tasks and<br />
position in the firm, provide no reason to<br />
view him any differently from other lawyers<br />
employed by the firm.<br />
According to the rules of the Code of<br />
Conduct of the Swedish Bar Association, an<br />
attorney is obliged to show faith and loyalty<br />
towards the client (§ 18 of the Code of<br />
Conduct of the Swedish Bar Association).<br />
An attorney is obliged to must decline an<br />
engagement offered if he, an assistant lawyer<br />
of his firm or a Member who is his em-<br />
12 - Petites affiches - 3 OCTOBRE 2008 - N O 199 En ligne sur Lextenso.fr
ployer or partner or with whom he shares<br />
office facilities represents interests or has<br />
personal or financial interests that are in<br />
conflict with those of the principal.<br />
Furthermore the lawyer when there are any<br />
other circumstances obviously preventing<br />
the lawyer from independently acting in the<br />
principal’s interests (14 § of the Code).<br />
From the investigation it has been concluded<br />
that the assignment on behalf of the Ericsson<br />
Group was important for Mannheimer<br />
Swartling Advokatbyrå. The assignment, as<br />
has been emphasised in the marketing of<br />
the firm, has generated substantial income<br />
to the firm. In a letter from Axel Calissendorff,<br />
who at that time was an attorney at Mannheimer<br />
Swartling Advokatbyrå, he declined<br />
to represent a person in a dispute with an<br />
Ericsson company, with primary reference<br />
to the firm during many years having had<br />
important assignments for the group. The<br />
abovementioned facts, together with the<br />
statement from the Disciplinary Committee<br />
of the Swedish Bar Association, constitute<br />
reason for the conclusion that the client<br />
relationship to the Ericsson Group was such<br />
that the law firm’s partners and employed<br />
lawyers, and thus also Johan Lind, according<br />
to the Code of Conduct of the Swedish Bar<br />
Association were prevented from undertaking<br />
tasks for a counterparty to the Ericsson<br />
Group as well as an assignment as arbitrator<br />
in a dispute where a group company was a<br />
party (cf. Cars, Arbitration Act, a comment,<br />
3 issue. 2001, p. 79 note 272).<br />
However, the question in the case at hand<br />
is whether Johan Lind was disqualified as<br />
arbitrator because of the rules in §8ofthe<br />
Arbitration Act. It is indisputable that none<br />
of the specific circumstances stated in<br />
paragraphs 1-4 of the provision applied.<br />
I « Messieurs les arbitres, méfiezvous<br />
de vos amis avocats, ils pourraient<br />
devenir vos meilleurs ennemis<br />
». À entendre certains, à se faire<br />
trop d’amis, les arbitres pourraient se priver<br />
de la possibilité même de développer<br />
leur pratique arbitrale. Les amitiés structurelles<br />
avec des cabinets d’avocats se révèleraient<br />
handicapantes. L’arrêt de la Cour<br />
NOTE<br />
At least when, as in present case, the<br />
relationship between the law firm and the<br />
client from a business point of view is important<br />
to the law firm, it must be considered<br />
that the bonds of interest and loyalty<br />
between on one side the law firm’s partners<br />
and employed lawyers and on the other side<br />
the client are such a circumstance that can<br />
call into question the impartiality of an<br />
arbitrator employed at the law firm when<br />
the client is a party in the arbitration<br />
procedure (cf. Lindskog, Arbitration, 2005,<br />
p. 453 note 63). This view is supported by<br />
the guidelines of the IBA and practice of the<br />
Arbitration Institute of the Stockholm<br />
Chamber of Commerce. A relationship that<br />
is injurious to the confidence in an arbitrator<br />
may be considered to exist even if the<br />
arbitrator himself not has had direct client<br />
contact with the party, if the arbitration<br />
activity has been run separately from the<br />
legal activities or the arbitration dispute has<br />
concerned other questions than those the<br />
client assignment normally covers.<br />
Against this background, with an objective<br />
view, there have been circumstances which<br />
have called into question the impartiality of<br />
Johan Lind. The challenged arbitration award<br />
shall because of disqualification of Johan<br />
Lind be completely set aside.<br />
Against the background of this outcome<br />
Ericsson AB shall reimburse Anders Jilkén<br />
for trial costs in the Court of Appeals and<br />
the Supreme Court. The amounts petitioned<br />
in the Court of Appeals costs have been<br />
verified by the company. The reimbursement<br />
for costs in the Supreme Court<br />
demanded by Anders Jilkén may be<br />
considered reasonable.<br />
(...)<br />
Suprême de Suède du 19 novembre 2007<br />
en constitue un exemple.<br />
Une sentence arbitrale a été contestée par<br />
une partie au motif qu’un arbitre (il n’est<br />
pas possible de savoir à la lecture de l’arrêt<br />
s’il s’agissait d’un arbitre unique ou<br />
d’un tribunal arbitral) entretenait des relations<br />
avec un cabinet d’avocats, dont un<br />
client significatif était le groupe Ericsson.<br />
En ligne sur Lextenso.fr Petites affiches - 3 OCTOBRE 2008 - N o 199 - 13
C HRONIQUE<br />
<strong>DROIT</strong> <strong>DE</strong> L’ARBITRAGE<br />
(13) Th. Clay, L’arbitre, préface de Ph. Fouchard.<br />
Dalloz, 2001, spéc. n os 322 et s. ; M. Henry, Les<br />
obligations d’indépendance et d’information de l’arbitre<br />
à la lumière de la jurisprudence récente, Rev. arb.<br />
1999, p. 193.<br />
........................................................................................................................................................................<br />
Or l’une des sociétés du groupe<br />
était partie à l’arbitrage. Plus précisément,<br />
à l’époque de l’arbitrage,<br />
l’arbitre travaillait à temps partiel<br />
en qualité de salarié consultant du cabinet<br />
d’avocats. Il avait pour fonction d’assister<br />
les avocats du cabinet sur les questions<br />
juridiques et de produire des consultations<br />
juridiques. Il avait eu à ce titre<br />
l’occasion de fournir des consultations à<br />
l’intention du groupe Ericsson, sans avoir<br />
pour autant entretenu la moindre relation<br />
directe avec le groupe. Sa rémunération<br />
était fixe et représentait environ 20<br />
% de ses revenus. Son bureau était situé<br />
dans les locaux du cabinet.<br />
L’arbitre avait dissocié ses activités d’arbitrage<br />
de ses activités de consultant, tout<br />
en utilisant les salles de réunions et les<br />
services du cabinet pour ses activités d’arbitre,<br />
en dédommageant à ce titre le cabinet.<br />
Au cours de l’arbitrage, les parties<br />
avaient reçu des lettres de l’arbitre établies<br />
sur du papier dont il ressortait qu’il<br />
provenait du cabinet.<br />
En se fondant sur les dispositions cumulées<br />
de l’article 8 de la loi suédoise sur<br />
l’arbitrage de 1999 qui énonce le principe<br />
selon lequel « l’arbitre doit être impartial<br />
», de l’article 9 de la loi identifiant<br />
l’obligation de révéler toutes circonstances<br />
de nature à l’empêcher d’être arbitre<br />
au sens de l’article 8, et de l’article 34 qui<br />
prévoit une faculté d’annulation si l’arbitre,<br />
en raison d’une circonstance visée notamment<br />
à l’article 8 est « incompétent »,<br />
la Cour Suprême de Suède a réformé l’arrêt<br />
de la Cour d’appel de Svéa du 5 mai<br />
2006 et annulé la sentence rendue le 7 juin<br />
2004.<br />
La Cour Suprême a considéré que le lien<br />
professionnel entretenu par l’arbitre avec<br />
le cabinet d’avocats en cause, pour lequel<br />
le groupe Ericsson représentait un client<br />
important, constituait une circonstance<br />
susceptible de créer un doute légitime sur<br />
l’impartialité de l’arbitre vis-à-vis de la<br />
société membre du groupe Ericsson et<br />
partie à l’arbitrage. Du fait de cette qualité<br />
de client, le cabinet d’avocats avait<br />
des intérêts communs avec le groupe Ericsson<br />
et se devait de lui être loyal, ce qui<br />
constituait pour la Cour Suprême une<br />
circonstance disqualifiante. L’annulation<br />
s’imposait donc, selon la Cour, alors que,<br />
d’une part, l’arbitre n’entretenait aucun<br />
lien direct avec le groupe Ericsson, que,<br />
d’autre part, l’arbitre exerçait ses activités<br />
d’arbitrage indépendamment de ses activités<br />
de consultant pour le cabinet, et<br />
que, enfin, la question litigieuse à l’arbitrage<br />
était étrangère aux questions juridiques<br />
traitées habituellement par le cabinet<br />
pour le groupe Ericsson.<br />
La Cour Suprême rappelle le principe que<br />
l’impartialité de l’arbitre doit s’apprécier<br />
objectivement et ne pas se limiter à une<br />
appréciation subjective du risque que la<br />
relation entre le cabinet d’avocats et le<br />
client puisse effectivement influencer l’arbitre.<br />
II La décision de la Cour Suprême ne<br />
peut qu’être approuvée. Il est en France<br />
bien admis que l’indépendance et l’impartialité<br />
s’apprécient objectivement (13).<br />
Le défaut d’indépendance et d’impartialité<br />
de l’arbitre est constitué dès lors<br />
qu’une circonstance est de nature à faire<br />
douter légitimement de cette indépendance<br />
et impartialité sans qu’il soit besoin<br />
de démontrer que l’arbitre ait effectivement<br />
manqué à ses obligations. Il est<br />
au demeurant difficile de comprendre<br />
comment, en l’espèce, la Cour d’appel de<br />
Svea avait pu juger différemment tant la<br />
violation du devoir d’indépendance et<br />
d’impartialité était flagrante.<br />
III L’arrêt a le mérite de donner l’occasion<br />
d’évoquer la question des rapports<br />
des arbitres avec les avocats quand il s’agit<br />
d’apprécier l’indépendance et l’impartialité<br />
des arbitres. Dans cette appréciation,<br />
la prise en compte de l’identité des avocats<br />
peut se justifier de deux manières :<br />
en premier lieu, les relations entretenues<br />
par les avocats avec les arbitres peuvent<br />
constituer un élément au même titre que<br />
de nombreux autres pour apprécier l’indépendance<br />
et l’impartialité des arbitres<br />
par rapport aux parties, et cette approche<br />
14 - Petites affiches - 3 OCTOBRE 2008 - N O 199 En ligne sur Lextenso.fr
........................................................................................................................................................................<br />
correspond à la perception classique<br />
des impératifs d’indépendance<br />
et d’impartialité des arbitres ; en<br />
second lieu, les relations entretenues<br />
par l’arbitre avec les avocats pourraient<br />
toutefois également être analysées<br />
de manière autonome par rapport aux<br />
seuls avocats, dans l’examen de ce qui<br />
serait un devoir d’indépendance et d’impartialité<br />
des arbitres non seulement visà-vis<br />
des parties mais également des<br />
conseils : une telle approche a été envisagée<br />
plus récemment (14).<br />
IV Pour notre part, nous ne croyons pas<br />
légitime d’instituer un devoir d’indépendance<br />
et d’impartialité des arbitres vis-àvis<br />
des avocats qui serait autonome par<br />
rapport au même devoir vis-à-vis des parties.<br />
Les avocats sont des tiers à l’arbitrage.<br />
Ce sont les parties qui instituent<br />
l’arbitrage et c’est donc par rapport aux<br />
parties seules que devraient à notre sens<br />
s’apprécier l’indépendance et l’impartialité<br />
des arbitres. Bien sûr, les liens susceptibles<br />
d’exister entre un arbitre et un<br />
avocat constituent un fait qui ne peut par<br />
principe être écarté mais qui ne sera pertinent<br />
et n’aura à être pris en considération<br />
que s’il est susceptible d’affecter l’indépendance<br />
et l’impartialité de l’arbitre<br />
par rapport aux parties.<br />
Cette approche devrait dicter la portée de<br />
l’obligation de révélation des arbitres quant<br />
aux liens qu’ils entretiennent avec des avocats.<br />
Les relations d’affaires non structurelles,<br />
comme la désignation répétée d’un<br />
arbitre par les mêmes avocats, ne devraient<br />
donc pas être révélées aussi longtemps que,<br />
de quelque manière que ce soit, elles n’impliquent<br />
pas les parties à l’arbitrage.<br />
V Dans l’analyse des relations des arbitres<br />
avec les avocats, deux hypothèses devraient<br />
être distinguées, selon que l’avocat<br />
ou le cabinet d’avocats en cause est,<br />
ou n’est pas, le défenseur d’une partie à<br />
l’arbitrage.<br />
C’est à ce second cas de figure que se<br />
rapporte le cas d’espèce. Les circonstances<br />
litigieuses posaient une question d’indépendance<br />
et d’impartialité vis-à-vis<br />
d’une des parties. Le cabinet d’avocats<br />
constituait le vecteur du manquement<br />
prétendu à l’égard d’une partie. Il n’était<br />
pas le conseil d’une partie à l’arbitrage.<br />
Un tel cas, serait, il faut bien l’espérer<br />
impossible. Comment imaginer qu’un arbitre<br />
puisse appartenir au cabinet qui défend<br />
l’une des parties à l’arbitrage, quand<br />
bien même l’arbitre appartiendrait à un<br />
bureau étranger du cabinet ou même à<br />
une structure étrangère indépendante mais<br />
exerçant sous le même nom.<br />
Le cabinet d’avocats auquel l’arbitre appartenait<br />
comptait l’une des parties parmi<br />
ses clients mais n’intervenait pas dans<br />
l’arbitrage en cause. Cette situation se<br />
pose de plus en plus fréquemment dans<br />
les cabinets internationaux. Il appartient<br />
à l’arbitre pressenti de faire une recherche<br />
interne pour vérifier si le cabinet auquel<br />
il est « structurellement » lié de quelque<br />
manière que ce soit (associé, consultant,<br />
of counsel, etc.) compte la partie qui souhaiterait<br />
le désigner parmi ses clients.<br />
Cette recherche devrait également être<br />
faite à propos de la partie adverse.<br />
Plusieurs hypothèses peuvent se rencontrer.<br />
L’une des parties peut être :<br />
— un client habituel ou occasionnel mais<br />
passé, important, moyen ou insignifiant<br />
du bureau auquel l’arbitre appartient ou<br />
d’un bureau étranger ;<br />
— un client habituel ou occasionnel présent,<br />
important, moyen ou insignifiant<br />
du bureau auquel l’arbitre est lié ou d’un<br />
bureau étranger.<br />
Ces différentes hypothèses appellent-elles<br />
des traitements différents ? La réponse est<br />
positive, mais il convient de distinguer.<br />
Si la partie est, premier cas, un client<br />
habituel actuel important du cabinet, une<br />
telle circonstance constitue à n’en point<br />
douter un facteur disqualifiant, qu’il<br />
s’agisse d’un client du bureau auquel l’arbitre<br />
appartient ou d’un client d’un bureau<br />
étranger. C’était l’hypothèse de l’espèce<br />
devant la Cour de Suède. Cette circonstance<br />
était d’autant plus disqualifiante<br />
qu’elle n’avait pas été révélée par<br />
l’arbitre.<br />
(14) V. les directives de l’International Bar Association<br />
sur les conflits d’intérêts dans l’arbitrage international,<br />
reproduites in Rev. arb. 2004, p. 996 et s. et les<br />
observations de Th. Clay.<br />
En ligne sur Lextenso.fr Petites affiches - 3 OCTOBRE 2008 - N o 199 - 15
C HRONIQUE<br />
<strong>DROIT</strong> <strong>DE</strong> L’ARBITRAGE<br />
(15) Reproduites in Rev. arb. 2004, p. 996, obs. Th. Clay.<br />
(16) E. Gaillard, note sous Cass. civ. 1re , 6 décembre<br />
2001, Rev. arb. 2003, p. 124 et s. ; M. Henry, note sous<br />
CA Paris, 29 janvier 2004, Rev. arb. 2005, p. 727.<br />
(17) T. Kaïssi, note sous Bruxelles 29 octobre 2007,<br />
République de Pologne c/ Eureka, LPA 2008, n os 60-61,<br />
p. 17.<br />
........................................................................................................................................................................<br />
Si la partie était, second cas, un<br />
client habituel passé, important du<br />
cabinet, il conviendrait de relever<br />
la date des derniers services rendus<br />
et, surtout de relever si ce lien avait ou<br />
n’avait pas été révélé. À défaut de révélation,<br />
l’arbitre devrait, à notre sens, automatiquement<br />
être disqualifié. Dans l’hypothèse<br />
où la relation passée aurait été révélée,<br />
la disqualification ne devrait pas être<br />
automatique mais dépendre du nombre<br />
d’années auquel remonte la relation. D’une<br />
manière générale, il nous semblerait préférable<br />
de révéler tous types de relations<br />
existantes ou passées. C’est la solution retenue<br />
dans les directives de l’IBA sur les<br />
conflits d’intérêts dans l’arbitrage international<br />
(15). La révélation devrait permettre<br />
dans certains cas de maintenir l’arbitre (relation<br />
occasionnelle passée, client passé ou<br />
présent peu significatif d’un bureau étranger,<br />
etc.). À défaut, l’arbitre s’exposerait,<br />
nous semble-t-il, à un risque sérieux de<br />
récusation du fait même qu’il serait suspect<br />
de n’avoir pas opéré cette révélation.<br />
Comme l’observe la Cour Suprême de<br />
Suède, en l’absence d’appel au fond des<br />
sentences arbitrales, il apparaît légitime<br />
et indispensable de garantir une pleine<br />
confiance des parties dans leurs juges, laquelle<br />
suppose que les arbitres acceptent<br />
de contribuer au vœu de transparence que<br />
les parties expriment de manière grandissante<br />
à leur endroit (16).<br />
C’est enfin encore à juste titre que l’Institut<br />
d’arbitrage de la Stockholm Chamber<br />
of Commerce, comme la Cour Suprême<br />
de Suède, a estimé que le degré<br />
d’implication de l’arbitre au sein du cabinet<br />
importait peu pour le disqualifier, dès<br />
lors qu’un lien structurel existait (avocat<br />
associé, collaborateur, consultant externe<br />
officiel). L’arbitre pressenti pourrait ne<br />
pas entretenir de relation structurelle actuelle<br />
avec le cabinet en cause mais en<br />
avoir entretenu dans le passé (ancien associé,<br />
collaborateur, of counsel). La solution<br />
dépendra de la connaissance par l’arbitre<br />
pressenti du fait qu’il avait pu travailler<br />
pour la partie concernée. S’il en<br />
était informé, il devrait révéler cette circonstance<br />
sans que cette révélation et la<br />
circonstance en cause puissent être disqualifiantes<br />
à notre sens. Le seul fait<br />
d’avoir été dans le passé membre d’un<br />
cabinet dont une des parties aurait été un<br />
client important ne devrait donc pas être<br />
disqualifiant à ce titre.<br />
Le lien avec le cabinet d’avocats pourrait<br />
ne pas être structurel mais d’affaires. Il<br />
s’agirait de l’hypothèse d’un professeur de<br />
droit régulièrement utilisé par un cabinet<br />
pour des consultations juridiques qui serait<br />
désigné par une partie entretenant des<br />
relations courantes avec ledit cabinet. La<br />
preuve d’un tel courant d’affaires sera toutefois<br />
difficile à rapporter. En tout état de<br />
cause, sauf à ce que le professeur ait<br />
connaissance du fait que ses consultations<br />
étaient destinées à des services réguliers<br />
rendus à un client particulier et important<br />
du cabinet, il ne nous semble pas que cela<br />
devrait concourir dans l’appréciation de<br />
l’indépendance et de l’impartialité d’un arbitre<br />
par rapport aux parties. Cette circonstance<br />
ne devrait donc pas être disqualifiante<br />
à ce titre. Elle pourrait néanmoins<br />
devenir compromettante si l’indépendance<br />
et l’impartialité ne devaient plus s’apprécier<br />
uniquement par rapport aux parties<br />
mais également par rapport aux conseils<br />
des parties à l’arbitrage, une conception<br />
que nous ne défendons toutefois pas,<br />
comme indiqué ci-dessus.<br />
VI Reste le cas, plus classique, de relations<br />
susceptibles d’être entretenues par<br />
l’arbitre avec un conseil d’une des parties<br />
à l’arbitrage. Ce n’était pas le cas d’espèce<br />
dans l’arrêt de la Cour Suprême de Suède,<br />
mais cette hypothèse a fait l’objet d’une<br />
note récente dans cette même chronique<br />
à propos d’un arrêt assez étonnant rendu<br />
par la Cour d’appel de Bruxelles du 29 octobre<br />
2007 (17).<br />
Il faut à notre sens sous-distinguer selon<br />
que les liens sont de nature structurelle ou<br />
qu’ils relèvent du seul courant d’affaires,<br />
ou sont de nature simplement amicale ou<br />
associative. Comme observé précédemment,<br />
nous pensons que ces liens n’ont à<br />
16 - Petites affiches - 3 OCTOBRE 2008 - N O 199 En ligne sur Lextenso.fr
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être pris en compte que pour autant<br />
qu’ils sont susceptibles d’affecter<br />
l’indépendance et l’impartialité de<br />
l’arbitre par rapport aux parties<br />
(18).<br />
Les liens structurels existant au moment<br />
de l’arbitrage avec un avocat ou un cabinet<br />
d’avocats défenseur d’une partie à<br />
l’arbitrage devraient à l’évidence être pris<br />
en compte, dans la mesure où du fait de<br />
ce lien, l’arbitre ferait en quelque sorte<br />
corps avec le défenseur et n’aurait donc<br />
plus l’indépendance nécessaire vis-à-vis de<br />
la partie que le conseil défendrait dans<br />
l’arbitrage, cette situation créant également<br />
un doute légitime sur l’impartialité<br />
de l’arbitre. Un tel lien structurel devrait<br />
être révélé et l’arbitre engagerait sa responsabilité<br />
à ne pas le faire.<br />
Dans l’hypothèse de liens structurels passés<br />
avec l’avocat ou le cabinet d’avocats, il<br />
ne nous semble pas que de tels liens soient<br />
disqualifiants. Ils relèveraient toutefois du<br />
devoir de révélation. Les taire serait à<br />
n’en point douter suspect. C’est à ce titre<br />
que nous partageons l’avis de l’annotateur<br />
de l’arrêt de la Cour de Bruxelles lorsqu’il<br />
observe que dans cette affaire l’arbitre<br />
aurait sans doute dû être récusé non pas<br />
que les liens structurels qu’il ait pu entretenir<br />
dans le passé soient disqualifiants,<br />
mais du fait de la réticence certaine et<br />
fautive dont il aura fait preuve dans sa<br />
déclaration d’indépendance.<br />
En dehors des liens structurels, l’arbitre<br />
professeur de droit peut entretenir un<br />
courant d’affaires avec l’avocat ou le cabinet<br />
d’avocats par l’assistance juridique<br />
qu’il leur fournit (consultations, « hot<br />
line » juridique). Un tel courant d’affaires<br />
serait étranger aux parties à l’arbitrage et<br />
ne devrait donc pas selon nous être pris<br />
en considération et ne justifierait pas de<br />
déclaration à son propos. Il en est de<br />
même à notre avis des liens amicaux (mais<br />
pas familiaux) que l’arbitre et l’avocat défenseur<br />
pourraient entretenir, ou encore<br />
des liens associatifs (19) pour autant tou-<br />
tefois qu’ils n’impliquent en aucune manière<br />
les parties à l’arbitrage ou le secteur<br />
d’activité dans lesquelles elles exercent.<br />
Dans un arrêt du 20 mars 2008, le Tribunal<br />
fédéral Suisse a considéré que la seule<br />
appartenance commune de deux arbitres<br />
sur trois et du conseil d’une des parties à<br />
une même association n’était pas, per se,<br />
disqualifiante et n’avait pas à être révélée<br />
(20). <strong>No</strong>us ne souscrivons toutefois pas forcément<br />
à la conclusion du Tribunal fédéral<br />
qui a rejeté l’existence de toute circonstance<br />
compromettante. L’association avait<br />
en effet un objet bien spécifique dédié au<br />
monde sportif. Or il s’agissait d’un litige<br />
entre un agent organisateur de matches et<br />
l’Association turque de Football. Les parties<br />
exerçaient donc dans un domaine qui<br />
était l’objet social même de l’association.<br />
Dans ces conditions, l’appartenance des arbitres<br />
à l’association aurait dû à notre sens<br />
être révélée. Le défaut de déclaration était<br />
disqualifiant, sauf bien sûr à ce que cette<br />
appartenance fût notoire. Si la circonstance<br />
avait été révélée, cette appartenance n’aurait<br />
pas été forcément disqualifiante. L’appartenance<br />
à l’association était le gage de l’expertise<br />
de l’arbitre dans le domaine sportif<br />
et il serait dangereux de vouloir par principe<br />
priver l’arbitrage de spécialistes au motif<br />
qu’ils appartiendraient à des associations<br />
professionnelles. La solution dans un<br />
tel cas dépendra de l’objet de l’association.<br />
Si elle a pour tâche de défendre les intérêts<br />
d’une profession à laquelle appartient une<br />
partie, elle devrait à notre sens être disqualifiante,<br />
si c’est un organisme de lobbyisme,<br />
comme cela semble être le cas, il est difficile<br />
de considérer que le silence gardé par<br />
deux des membres du tribunal arbitral (dont<br />
le président) sur leur appartenance à la<br />
même « association » que l’avocat qui les a<br />
nommés ne devrait pas être sanctionné.<br />
Marc HENRY<br />
Docteur en droit<br />
Avocat associé<br />
Lovells LLP, Paris<br />
(18) Dans le même sens, Trib. féd. suisse, 20 mars<br />
2008, M. Biolley c/ Association Turque de Football,<br />
inédit, recours contre une sentence du 30 octobre 2007<br />
du Tribunal arbitral du sport, spéc. n o 3.3.2.1. Un<br />
recours est pendant devant la Cour européenne des<br />
droits de l’homme dans cette affaire qui ne semble pas<br />
mettre le Tribunal arbitral du sport à l’abri de tout<br />
reproche quant à l’indépendance et l’impartialité de<br />
ses arbitres.<br />
(19) Circonstance rangée dans la liste verte des<br />
directives IBA susvisées, § 4.4.1 de la liste.<br />
(20) Trib. féd. Suisse, op. cit.<br />
En ligne sur Lextenso.fr Petites affiches - 3 OCTOBRE 2008 - N o 199 - 17
C HRONIQUE<br />
<strong>DROIT</strong> <strong>DE</strong> L’ARBITRAGE<br />
IV. ÉMERGENCE D’UN PRINCIPE D’ÉVALUATION EN ÉQUITÉ DU PRÉJUDICE<br />
PAR L’ARBITRE AYANT LA MISSION <strong>DE</strong> STATUER EN <strong>DROIT</strong><br />
CA Paris, 17 janvier 2008 : SA SDMS International (RG n o 06/07471)<br />
Considérant qu’en se référant à l’équité dans l’évaluation du<br />
quantum du préjudice commercial et moral, l’arbitre unique n’a pas<br />
entendu s’affranchir des règles de droit.<br />
Considérant que l’évaluation du dommage en équité, qui<br />
correspond d’ailleurs à un principe général du droit reconnu dans<br />
tous les systèmes juridiques, sur la base d’éléments objectifs<br />
fournis pour effectuer une appréciation globale, n’implique pas<br />
dans ces conditions que l’arbitre unique ait excédé ses pouvoirs en<br />
s’attribuant ceux d’un amiable compositeur.<br />
MOTS-CLÉS<br />
Sentence rendue en droit. Évaluation du préjudice en équité. Contrôle de la<br />
mission.<br />
La Cour :<br />
(...)<br />
La société SDMS Société de multiservice international<br />
(SDMS International) a fait appel<br />
le 21 avril 2006 d’une ordonnance rendue<br />
le 30 janvier 2006 par le président du Tribunal<br />
de grande instance de Paris rendant<br />
exécutoire la sentence CCI 13291/EC prononcée<br />
à Bruxelles le 31 juillet 2005 par<br />
M. Keutgen, arbitre unique, lequel statuant<br />
sur la base d’une clause compromissoire<br />
dans un marché de fourniture de câbles téléphoniques<br />
passé avec la société Cameroon<br />
Télécommunications (Camtel), a :<br />
— dit que la société SDMS International SA<br />
n’a pas respecté les stipulations du marché<br />
n o 0017/AO/CSM/CAMTEL/2001/2002 auquel<br />
elle a librement consenti et qui est entré<br />
en vigueur le 5 décembre 2001 ;<br />
— dit qu’ilyaeudans le chef de la société<br />
Camtel une surveillance déficiente de l’exécution<br />
du marché et une absence de tentative<br />
de récupérer le troisième container dans<br />
le port de Douala ;<br />
— dit que la société Camtel était néanmoins<br />
fondée à résilier le marché susmen-<br />
tionné pour « défaillance grave », faute de livraison<br />
de la marchandise et donc d’exécution<br />
dudit marché ;<br />
— condamné la société Camtel à verser à<br />
la société SMDS International SA une somme<br />
de 23.634,33 Q pour perte de marchandises<br />
et 66.666,66 Q pour manque à gagner ;<br />
— condamné la société SDMS International<br />
SA à verser à la société Camtel 108.333.333<br />
FCFA pour le dommage matériel subi et<br />
300.000.000 FCFA pour le dommage commercial<br />
et moral que le défaut de livraison de<br />
la marchandise commandée a entraîné pour<br />
la défenderesse ;<br />
— condamné la société SDMS International<br />
SA à supporter les 2/3 des frais d’arbitrage<br />
fixés par la Cour internationale d’arbitrage<br />
de la CCI et qui s’élèvent à 73.000<br />
dollars US, et donc à rembourser à la société<br />
Camtel la somme de 8.666,67 dollars<br />
US, la Cour internationale d’arbitrage de la<br />
CCI procédant au remboursement de 3.500<br />
dollars US à chacune des parties au titre de<br />
l’excédent de provision versée par elles ;<br />
— condamné la société SDMS Internatio-<br />
18 - Petites affiches - 3 OCTOBRE 2008 - N O 199 En ligne sur Lextenso.fr
nal SA à supporter 2/3 des frais de conseil<br />
exposés par la société Camtel qui s’élèvent<br />
à 29.812.500 FCFA et donc à verser à cette<br />
dernière la somme de 19.875.000 FCFA ;<br />
— dit qu’il y a lieu à compensation entre<br />
ces différents montants, le taux de change à<br />
appliquer étant celui en vigueur à la date de<br />
la requête d’arbitrage, soit le 18 mai 2004 ;<br />
— déboute les parties par le surplus.<br />
La société SDMS International conclut à l’infirmation<br />
de l’ordonnance d’exequatur pour<br />
non-respect par l’arbitre de sa mission (article<br />
1502-3 o du nouveau Code de procédure<br />
civile) et du principe de la contradiction<br />
(article 1502-4 o du nouveau Code de<br />
procédure civile). Elle conclut en outre à la<br />
condamnation de la société Camtel aux dépens<br />
et à lui verser une somme de 15.000 Q<br />
au titre de l’article 700 du nouveau Code de<br />
procédure civile ;<br />
La société Camtel demande de confirmer<br />
l’ordonnance d’exequatur et de condamner<br />
la société SDMS International, outre aux dépens,<br />
à lui verser une somme de 10.000 Q<br />
sur la base de l’article 700 du nouveau Code<br />
de procédure civile ;<br />
Sur ce, la Cour :<br />
Sur le non-respect par l’arbitre unique de<br />
sa mission (article 1502-3 o du nouveau<br />
Code de procédure civile) :<br />
La société SDMS International reproche à<br />
l’arbitre d’avoir agi en amiable composition<br />
pour apprécier le préjudice commercial et<br />
moral de la société Camtel. Elle dit aussi que<br />
la sentence n’a pas fait l’objet d’un examen<br />
préalable par la Cour internationale d’arbitrage<br />
conformément aux dispositions de l’article<br />
27 du réglement applicable.<br />
Considérant que la partie critiquée de la sentence<br />
énonce, à propos du préjudice commercial<br />
et moral subi par la société Camtel,<br />
que celui-ci « peut être évalué en équité à la<br />
moitié du montant réclamé, soit à 300.000.000<br />
FCFA. Il faut remarquer que ce droit de l’arbitre<br />
d’évaluer en équité le quantum du dommage<br />
est largement admis par les sentences<br />
arbitrales et les jurisprudences nationales (v.<br />
B. Hanotiau, La détermination et l’évaluation<br />
du dommage réparable : principes généraux<br />
et principes en émergence dans Transnational<br />
Rules in International Commercial Arbitration,<br />
dossier ICC, 1993, p. 219) » ;<br />
Considérant que l’arbitre unique a décidé<br />
de faire application du droit camerounais<br />
réclamé par Camtel et à laquelle la société<br />
SDMS ne s’est pas opposée, qu’en se référant<br />
dans l’évaluation du quantum du préjudice<br />
commercial et moral de la société<br />
Camtel, l’arbitre unique n’a pas entendu s’affranchir<br />
des règles de droit ;<br />
Que la société SDMS n’identifie aucune règle<br />
de droit camerounais en matière d’évaluation<br />
du quantum du préjudice réparable<br />
dont l’arbitre unique aurait écarté les effets<br />
pour rechercher la solution la plus juste, que<br />
l’évaluation du dommage en équité, qui correspond<br />
d’ailleurs à un principe général du<br />
droit reconnu dans tous les systèmes juridiques<br />
y compris camerounais, sur la base des<br />
éléments objectifs fournis pour effectuer une<br />
appréciation globale, n’implique pas dans<br />
ces conditions que l’arbitre unique ait excédé<br />
ses pouvoirs en s’attribuant ceux d’un<br />
amiable compositeur ;<br />
Considérant enfin que la société SDMS International<br />
n’a aucune preuve à apporter au<br />
soutien de son allégation sur le non-respect<br />
du règlement d’arbitrage de la CCI ;<br />
Que le premier moyen est rejeté ;<br />
Sur le non-respect par l’arbitre du principe<br />
de la contradiction (article 1502-4 o<br />
du nouveau Code de procédure civile) :<br />
La société SDMS International dit qu’elle a<br />
été condamnée à supporter les deux tiers<br />
des frais de conseils exposés par la société<br />
Camtel alors qu’aucun justificatif n’a été soumis<br />
aux débats ni à la contradiction, si bien<br />
qu’elle n’a pas été mise en mesure d’exercer<br />
le moindre contrôle sur les demandes<br />
de la société Camtel à ce titre. Enfin, elle<br />
ajoute que l’arbitre a encore violé le principe<br />
de la contradiction en choisissant de<br />
vouloir évaluer « en équité » le préjudice de<br />
la société Camtel sans solliciter préalablement<br />
les parties sur ce point crucial.<br />
Considérant que l’appelante n’apporte<br />
aucune preuve au soutien de son allégation<br />
selon laquelle elle n’aurait pas pu s’exprimer<br />
sur les frais de conseil, que par ailleurs,<br />
En ligne sur Lextenso.fr Petites affiches - 3 OCTOBRE 2008 - N o 199 - 19
C HRONIQUE<br />
<strong>DROIT</strong> <strong>DE</strong> L’ARBITRAGE<br />
(21) Rev. arb. 2008. 333, note N. Melin.<br />
(22) Sentence Liamco c/ Lybia, 20 avril 1977, Rev. arb.<br />
1980. 132 ; sentences CCI n os 3093 et 3100 de 1979,<br />
obs. S. Jarvin et Y. Derains, Recueil des sentences<br />
arbitrales de la CCI 1974-1985, ICC Publishing Paris,<br />
1990, p. 220 et 373-374.<br />
(23) CA Paris, 28 février 1980, Rev. arb. 1980. 538, note<br />
E. Loquin, arrêt confirmé par Cass. civ. 2 e ,<br />
30 septembre 1981, Rev. arb. 1982. 431, note E. Loquin.<br />
l’arbitre unique n’avait pas à soumettre à la<br />
discussion contradictoire des parties son raisonnement<br />
sur l’évaluation du préjudice<br />
commercial et moral d’après les éléments<br />
dont les parties avaient été amenées à débattre<br />
;<br />
Que le second moyen est également rejeté<br />
et l’ordonnance d’exequatur confirmée ;<br />
Sur les dépens et l’article 700 du nouveau<br />
Code de procédure civile :<br />
Considérant que la société SDMS supporte<br />
les dépens sans pouvoir prétendre à une<br />
indemnité sur la base de l’article 700 du nouveau<br />
Code de procédure civile au titre du-<br />
L’affaire dont il était question ici<br />
concernait un marché de fourniture<br />
de câbles téléphoniques entre<br />
la société SDMS (Société de multiservice<br />
international) et la société Camtel<br />
(société Cameroon télécommunications).<br />
Par sentence arbitrale CCI rendue par un<br />
arbitre unique à Bruxelles le 31 juillet<br />
2005, la SDMS a été condamnée à des<br />
dommages et intérêts en réparation du<br />
préjudice commercial et moral pour le défaut<br />
de livraison des marchandises commandées<br />
par Camtel. Cette sentence CCI<br />
est rendue exécutoire par ordonnance du<br />
Tribunal de grande instance de Paris le<br />
30 janvier 2006 et la SDMS fait appel de<br />
cette ordonnance d’exequatur pour le nonrespect<br />
de la mission de l’arbitre. La SDMS<br />
reproche à l’arbitre unique d’avoir outrepassé<br />
la mission qui lui avait été confiée<br />
par les parties et d’avoir agi en tant<br />
qu’amiable compositeur dans l’appréciation<br />
du préjudice commercial et moral de<br />
Camtel, alors qu’il était investi de la mission<br />
de statuer en droit.<br />
La question posée à la Cour d’appel était<br />
donc de savoir si une sentence rendue par<br />
un arbitre ayant la mission de statuer en<br />
droit, conformément à la volonté des parties,<br />
qui procéderait à l’évaluation en<br />
équité du préjudice commercial et moral,<br />
conduirait nécessairement au non-respect<br />
de sa mission et serait ainsi susceptible<br />
d’annulation. La Cour d’appel de Paris<br />
NOTE<br />
quel elle verse une indemnité de 10.000 Q à<br />
la société Camtel ;<br />
Par ces motifs :<br />
Confirme l’ordonnance d’exequatur de la<br />
sentence CCI 13 291/EC ;<br />
Condamne la société SDMS Société de<br />
multiservice international à verser à la société<br />
Cameroon télécommunications une<br />
somme de 10.000 Q sur le fondement de l’article<br />
700 du nouveau Code de procédure civile<br />
;<br />
(...)<br />
répond par la négative et pose le principe<br />
important selon lequel il est conféré le<br />
droit à l’arbitre d’évaluer le quantum du<br />
dommage en équité (21).<br />
La solution retenue par la Cour d’appel<br />
trouve justification à différents égards.<br />
D’une part, selon l’arrêt, cette évaluation<br />
du quantum du dommage selon les règles<br />
de l’équité correspond à un principe général<br />
du droit reconnu par les sentences<br />
arbitrales (22) et par les jurisprudences<br />
judiciaires nationales (23), et l’arbitre n’a<br />
donc fait que reprendre des solutions antérieurement<br />
admises. D’autre part, ce<br />
principe d’évaluation en équité serait reconnu<br />
par les différents systèmes juridiques<br />
nationaux notamment par le Cameroun<br />
dont le droit était applicable au<br />
fond. Enfin, la Cour estime que la preuve<br />
n’est pas rapportée que la référence à<br />
l’équité serait une solution contraire au<br />
droit applicable et serait différente de<br />
celle qui aurait été rendue en droit.<br />
En d’autres termes, la Cour d’appel estime<br />
ici que l’équité peut fonder la fixation<br />
du quantum du préjudice quand<br />
bien même l’arbitre doit statuer en droit.<br />
Il n’y aurait pas de contradiction entre la<br />
mission en droit selon laquelle l’arbitre<br />
établit le principe du préjudice et le montant<br />
de celui-ci qui peut avoir l’équité<br />
pour motivation.<br />
20 - Petites affiches - 3 OCTOBRE 2008 - N O 199 En ligne sur Lextenso.fr
........................................................................................................................................................................<br />
Par conséquent, la Cour d’appel a<br />
pu légitimement en déduire que<br />
l’arbitre n’a pas entendu s’affranchir<br />
des règles de droit applicables<br />
conformément à la volonté des parties et<br />
donc de s’octroyer les pouvoirs d’amiable<br />
compositeur (24). L’application d’une règle<br />
de droit par l’arbitre ne prive pas ce<br />
dernier de procéder à son interprétation<br />
et de la compléter si besoin par les principes<br />
généraux du droit (25). Ce prolongement<br />
de sa mission de statuer en droit<br />
ne permet pas de déduire qu’il a agi<br />
comme amiable compositeur. On retrouve<br />
ici ce qu’écrivait naguère à juste<br />
raison le professeur Jean-Denis Bredin :<br />
« il y avait chez tout arbitre en droit un<br />
amiable compositeur dissimulé, et chez<br />
tout amiable compositeur un arbitre de<br />
droit qui chercherait à confondre le droit<br />
et l’équité » (26).<br />
Or comme l’on sait que la jurisprudence<br />
française sanctionne par l’annulation, la<br />
sentence rendue en droit alors que l’arbitre<br />
est amiable compositeur, et inversement,<br />
cette décision revient à considérer<br />
que l’on peut être à la fois arbitre en<br />
droit et en équité dans une même sentence,<br />
alors que l’on a reçu qu’une seule<br />
et même mission. L’arrêt va jusqu’à reprocher<br />
à la société recourante de ne pas<br />
avoir montré en quoi l’application de<br />
l’équité n’était pas conforme au droit<br />
camerounais applicable.<br />
On verra donc dans cette décision une<br />
forme de brouillage du droit et de l’équité,<br />
ce qui, finalement, renoue avec les préceptes<br />
mercatoristes de l’arbitrage selon<br />
lesquels l’arbitre international tend également<br />
vers l’équité puisqu’il combine les<br />
exigences du commerce international avec<br />
les intérêts des parties aux litiges afin de<br />
rendre une solution acceptable par les<br />
parties. Ce rapprochement des notions<br />
permettra peut-être de solutionner la<br />
controverse apparue en doctrine sur le<br />
mode de contrôle de la mission de l’arbitre<br />
amiable compositeur (27). Ce ne serait<br />
pas le moindre de ses mérites.<br />
Anne-Lyse ROY<br />
Ancienne étudiante du <strong>Master</strong> professionnel<br />
<strong>Arbitrage</strong> et commerce international<br />
et du <strong>Master</strong> Recherche droit privé des contrats<br />
de l’Université de Versailles-Saint-Quentin<br />
V. LA CONFIRMATION DU CONTRÔLE DISTANT <strong>DE</strong> L’ORDRE PUBLIC PAR LE<br />
JUGE DU RECOURS<br />
Cass. civ. 1 re , 4 juin 2008 : Société SNF (pourvoi n o 06-15.320)<br />
Attendu que, s’agissant de la violation de l’ordre public<br />
international, seule la reconnaissance ou l’exécution de la sentence<br />
est examinée par le juge de l’annulation au regard de la<br />
compatibilité de sa solution avec cet ordre public, dont le contrôle<br />
se limite au caractère flagrant, effectif et concret de la violation<br />
alléguée (...), que la société SNF ne démontre aucune violation<br />
flagrante, effective et concrète de l’ordre public international ; (...)<br />
les conclusions du Tribunal arbitral dans la sentence du 28 juillet<br />
2004 n’avaient pas à être rediscutées devant la Cour d’appel ; que<br />
celle-ci, qui a procédé — dans les limites de ses pouvoirs,<br />
c’est-à-dire sans révision au fond de la sentence arbitrale — au<br />
contrôle des sentences au regard de l’application des règles<br />
communautaires de la concurrence, a exactement dit que leur<br />
reconnaissance et leur exécution n’étaient pas contraires à l’ordre<br />
public international.<br />
(24) CA Paris 12 juin 1980, Rev. arb. 1981. 292, note<br />
G. Couchez, confirmé par Cass. civ. 2 e , 9 décembre<br />
1981, Rev. arb. 1982.183, note G. Couchez.<br />
(25) Cass. civ. 2 e , 9 décembre 1981, préc.<br />
(26) J.-D. Bredin, La loi du juge, in Droit des relations<br />
économiques internationales, in Études Berthold<br />
Goldman, Litec, 1982, p. 15.<br />
(27) V. à ce propos les différents commentaires de<br />
l’arrêt de la première chambre civile de la Cour de<br />
cassation le 28 novembre 2007 qui a définitivement<br />
validé une sentence qui devait être rendue en équité et<br />
dont la Cour d’appel avait estimé, entrant dans le<br />
raisonnement suivi par l’arbitre, que celui-ci avait bien<br />
statué en amiable composition dès lors qu’il avait<br />
adopté une solution « qui ne s’imposait pas<br />
juridiquement » entre ceux qui l’approuvent (V.<br />
Chantebout in Rev. arb. 2008.99) et ceux qui le<br />
critiquent (D. 2008, pan. 187, obs. Th. Clay ; LPA 2008,<br />
n os 60-61, p. 14, note L. Jaeger ; D. 2008, AJ 26, obs. X.<br />
Delpech) ou ceux qui sont plus nuancés (JCP<br />
G 2007, act. 612, obs. J. Béguin ; JCP G 2008. I. 164,<br />
§1 er , obs. J. Béguin).<br />
En ligne sur Lextenso.fr Petites affiches - 3 OCTOBRE 2008 - N o 199 - 21
C HRONIQUE<br />
<strong>DROIT</strong> <strong>DE</strong> L’ARBITRAGE<br />
(28) CA Paris, 23 mars 2006, D. 2006, pan. 3032 et 3033,<br />
obs. Th. Clay ; Rev. arb. 2007. 100, obs. S. Bollée ;<br />
D. 2007, pan. 2571, obs. S. Bollée.<br />
(29) CA Paris, 18 novembre 2004, Rev. arb. 2005. 751,<br />
obs. L. G. Radicati di Brozolo, p. 529 ; Clunet 2005. 357,<br />
note A. Mourre ; RCDIP 2006. 104, note S. Bollée ; RTD<br />
com. 2005. 263, obs. E. Loquin ; JCP G 2005. II. 10039,<br />
note G. Chabot ; Rev. Lamy conc. 2005, n o 2, p. 68, note<br />
E. Barbier de La Serre et C. <strong>No</strong>urissat ; D. 2005, pan.<br />
3058 et 3059, obs. Th. Clay ; JCP G 2005. I. 134, § 8, obs.<br />
Ch. Seraglini ; Gaz. Pal. des 21-22 octobre 2005, p. 5,<br />
obs. Ch. Seraglini ; Concurrences 2005, n o 1, p. 1, obs.<br />
Cl. Lucas de Leyssac.<br />
(30) Cass. civ. 1 re , 4 juin 2008, D. 2008, AJ, 1684, obs.<br />
X. Delpech ; JCP G 2008. I. 164, § 8, obs. Ch. Seraglini ;<br />
JCP G 2008, act. 430, note J. Ortscheidt ; Clunet 2008,<br />
note A. Mourre (à paraître) ; <strong>Arbitrage</strong> cahier n o 1468,<br />
obs. J. Ortscheidt ; Global Arbitration Review 23 juin<br />
2008.<br />
(31) TPI Bruxelles, 8 mars 2007, Rev. arb. 2007.303,<br />
note A. Mourre et L. Radicati de Brozolo ; D. 2007, pan.<br />
2571, obs. S. Bollée ; D. 2008, pan. 190, obs. Th. Clay.<br />
(32) Cf. encore très récemment : CA Paris,<br />
25 septembre 2008, Joseph Abela Family Foundation c/<br />
Fondation familiale Albert Abela et a., RG n o 07/10356,<br />
inédit, « Mais considérant que l’atteinte à l’ordre public<br />
international doit constituer dans une manifestation<br />
d’une règle de droit considérée comme essentielle ou<br />
d’un principe fondamental et doit être flagrante,<br />
effective et concrète ; (...) Qu’ainsi la recourante, qui<br />
n’identifie pas en quoi la décision du tribunal arbitral<br />
méconnaîtrait l’article 6 de la Convention EDH et<br />
violerait de manière flagrante, effective et concrète<br />
l’ordre public international, invite en réalité la Cour à<br />
une révision au fond de la sentence arbitrale qui est<br />
interdite au juge de l’annulation ».<br />
(33) Cf. notamment Ch. Seraglini, préc.<br />
(34) X. Delpech, préc.<br />
(35) Cass. civ. 1 re , 10 juin 1997, Bull. civ. I, no 195 ; Rev.<br />
arb. 1997. 376, note Ph. Fouchard ; RTD com. 1998. 329,<br />
obs. J.-Cl. Dubarry et E. Loquin. Adde Ph. Fouchard ,<br />
La portée internationale de l’annulation de la sentence<br />
dans son pays d’origine, Rev. arb. 1997.329 ;<br />
J-F. Poudret, Quelle solution pour en finir avec l’affaire<br />
Hilmarton ? Réponse à Philippe Fouchard, Rev. arb.<br />
1998. 7. Cf. aussi L. Degos, La consécration de<br />
l’arbitrage en tant que justice internationale autonome<br />
(À propos des arrêts Putrabali du 29 juin 2007), D. 2008,<br />
chron. 1429.<br />
MOTS-CLÉS<br />
Sentence étrangère. Annulation dans le pays d’origine. Reconnaissance et<br />
exécution en France. Ordre public international. Droit communautaire. Contrôle.<br />
Absence de violation flagrante, effective et concrète.<br />
L’arrêt rendu le 4 juin 2008 par la<br />
première chambre civile de la Cour<br />
de cassation dans l’affaire SNF c/<br />
Cytec met fin en France, sur le<br />
plan civil au moins, à divers recours introduits<br />
par la société SNF à l’encontre<br />
de deux sentences CCI rendues à Bruxelles<br />
les 5 novembre 2002 et 28 juillet 2004.<br />
La reconnaissance et l’exécution de ces<br />
sentences, obtenues en France par la société<br />
Cytec, ont été confirmées par la<br />
Cour d’appel de Paris le 23 mars 2006,<br />
par un arrêt déjà bien commenté (28) qui<br />
s’inscrit dans la droite ligne de la jurisprudence<br />
Thales (29) sur la question de<br />
l’étendue du contrôle de la contrariété de<br />
la sentence à l’ordre public communautaire.<br />
Par son arrêt du 4 juin 2008 (30),<br />
la Haute juridiction a confirmé la reconnaissance<br />
en France de ces sentences, pourtant<br />
annulées entre-temps par le Tribunal<br />
de première instance de Bruxelles<br />
(31). La première chambre civile a saisi<br />
cette occasion (que l’affaire Thales ne lui<br />
avait pas offerte, l’arrêt du 18 novembre<br />
2004 n’ayant pas été frappé de pourvoi)<br />
pour conforter le courant favorable au<br />
contrôle limité de la violation de l’ordre<br />
public international, consacré aujourd’hui<br />
par la jurisprudence de la Cour d’appel<br />
de Paris (32), et pour reprendre à son<br />
compte, pour la première fois, la formule<br />
selon laquelle le contrôle de la compatibilité<br />
de la solution avec l’ordre public<br />
international doit se limiter au caractère<br />
« flagrant, effectif et concret de la violation<br />
alléguée ».<br />
Si d’aucuns y voient une « occasion manquée<br />
» pour la Cour de cassation de préciser<br />
le sens et la portée d’une formule<br />
générale controversée, notamment sur la<br />
notion de flagrance (33), l’arrêt du 4 juin<br />
NOTE<br />
2008 a au moins le mérite de nourrir le<br />
débat.<br />
On se reportera utilement au commentaire<br />
de Xavier Delpech sur l’interprétation<br />
intéressante de la règle « le criminel<br />
tient le civil en l’état » qui conduit la<br />
Cour à rejeter, à juste titre, la demande<br />
de sursis formée par la société SNF sur ce<br />
fondement (34), pour se limiter à partager<br />
ici quelques réflexions sur d’autres<br />
aspects de cet arrêt.<br />
<strong>No</strong>tons tout d’abord qu’en confirmant<br />
l’arrêt d’appel du 23 mars 2006, malgré<br />
l’annulation des sentences par le juge<br />
bruxellois, cet arrêt s’inscrit à l’évidence<br />
dans le courant de la jurisprudence Hilmarton<br />
(35) selon lequel l’annulation de<br />
la sentence dans le pays d’origine n’est<br />
pas nécessairement une cause de refus de<br />
reconnaissance en France.<br />
Relevons ensuite le traitement particulier<br />
que la jurisprudence française réserve au<br />
cas d’annulation de la sentence (ou de<br />
refus de reconnaissance) fondé sur l’article<br />
1502-5° du Code de procédure civile.<br />
Pour justifier la spécificité du contrôle de<br />
l’éventuelle contrariété de la sentence à<br />
l’ordre public international, par rapport à<br />
l’examen des autres cas d’ouverture, la<br />
Cour de cassation rappelle qu’elle n’est<br />
pas le juge du procès, mais de la sentence,<br />
et que « (...) s’agissant de la violation de<br />
l’ordre public international, seule la reconnaissance<br />
ou l’exécution de la sentence<br />
est examinée au regard de la compatibilité<br />
de la solution avec cet ordre<br />
public (...) ». Le caractère restreint du<br />
contrôle de la sentence sur le fondement<br />
de l’article 1502-5° s’expliquerait ainsi<br />
par le fait qu’à la différence des autres cas<br />
d’ouverture de l’article 1502, seule la reconnaissance<br />
ou l’exécution de la solu-<br />
22 - Petites affiches - 3 OCTOBRE 2008 - N O 199 En ligne sur Lextenso.fr
........................................................................................................................................................................<br />
tion concrète de la sentence est<br />
examinée ici par le juge.<br />
En matière d’arbitrage interne, l’article<br />
1484-6° du Code de procédure<br />
civile offre une formulation différente<br />
de celle de l’article 1502-5° et ouvre<br />
la voie à l’annulation de la sentence « si<br />
l’arbitre a violé une règle d’ordre public ».<br />
Comme le relève Vincent Chantebout dans<br />
sa thèse sur « Le principe de non-révision<br />
au fond des sentences » : « Les commentateurs<br />
du décret de 1981 ont souligné la<br />
différence de rédaction des articles 1484-<br />
6° et 1502-5°, lequel sanctionne, non la<br />
violation par l’arbitre d’une règle impérative,<br />
mais la contrariété de la reconnaissance<br />
ou de l’exécution de la sentence à<br />
l’ordre public international » (36). Pourtant,<br />
la portée du contrôle par le juge<br />
étatique du respect de l’ordre public par<br />
une sentence rendue en matière d’arbitrage<br />
interne est identique à celle affirmée<br />
aujourd’hui par la jurisprudence en matière<br />
d’arbitrage international. Dans les<br />
deux cas, il ne suffit pas que le tribunal<br />
arbitral ait méconnu une règle impérative,<br />
encore faut-il que de cette violation découle<br />
une solution contraire à l’ordre public.<br />
Dans ces conditions, il est difficile de<br />
justifier le caractère restreint du contrôle<br />
de l’ordre public international par le fait<br />
que seule serait alors en cause la reconnaissance<br />
ou l’exécution de la solution<br />
consacrée par la sentence.<br />
On peut encore s’interroger, comme le<br />
font Sylvain Bollée (37) et Christophe<br />
Seraglini (38), sur la raison d’être d’une<br />
telle dissymétrie avec d’autres cas d’ouvertures<br />
en matière d’arbitrage international<br />
tels que ceux portant sur la validité de la<br />
convention d’arbitrage (1502-1°) ou le<br />
respect de sa mission par l’arbitre (1502-<br />
3°). Si le principe de non-révision au fond<br />
des sentences est aujourd’hui au cœur<br />
d’un vif débat sur son sens et sa portée<br />
(39), il n’est pas contesté en revanche que<br />
ce principe doit s’appliquer indifféremment<br />
à l’ensemble des cas d’ouverture de<br />
l’article 1502. De nouveau, il apparaît artificiel<br />
de considérer, comme semble le<br />
faire la Cour de cassation, que la justification<br />
du traitement dérogatoire de l’article<br />
1502-5° découlerait de ce qu’à la différence<br />
des autres cas, le contrôle ne porterait<br />
que sur la seule reconnaissance ou<br />
l’exécution de la solution consacrée par la<br />
sentence, autrement dit sur la compatibilité<br />
de cette solution avec l’ordre public<br />
international de l’État en vue de son intégration<br />
dans son ordre juridictionnel.<br />
La dissymétrie est pourtant réelle et deux<br />
exemples peuvent l’illustrer.<br />
Dans une affaire récente, la Cour d’appel<br />
de Paris a annulé une sentence arbitrale<br />
partielle rendue en matière d’arbitrage international<br />
par laquelle les arbitres s’étaient<br />
déclarés compétents à l’égard de fondations<br />
familiales liées par un pacte d’actionnaires<br />
dans lequel figurait une clause compromissoire,<br />
mais incompétents à l’égard<br />
des personnes physiques bénéficiaires de<br />
ces fondations (40). S’appuyant sur la jurisprudence<br />
Plateau des pyramides, la Cour<br />
d’appel de Paris a réexaminé l’ensemble<br />
des éléments factuels et juridiques de l’affaire<br />
pour parvenir à des conclusions divergentes<br />
de celles des arbitres, quitte à<br />
revenir sur la qualification juridique de certains<br />
actes et sans mesurer pleinement les<br />
incidences que cela pourrait avoir sur la<br />
poursuite de sa mission par le tribunal<br />
arbitral. N’est-il pas paradoxal que, dans<br />
ce cas, le contrôle de la solution des arbitres<br />
soit aussi poussé et ce, alors même que<br />
ne se posait pas en l’espèce la question de<br />
savoir si la solution risquait, dans son résultat<br />
concret, de heurter de façon indiscutable,<br />
effective et concrète les objectifs<br />
poursuivis par les lois de police et les principes<br />
fondamentaux de l’État concerné ?<br />
Inversement, le contrôle purement formel<br />
exercé jusqu’à présent par la jurisprudence<br />
française en matière de respect par<br />
l’arbitre de sa mission d’amiable compositeur<br />
(41) met en lumière moins la différence<br />
de degrés dans le contrôle des<br />
sentences selon les griefs avancés ce qui<br />
est normal et souhaitable car tous les<br />
griefs des articles 1484 ou 1502 ne sont<br />
pas à mettre sur le même plan, qu’un<br />
(36) Thèse de l’Université Paris II (Panthéon-Assas),<br />
2007, dact., à paraître.<br />
(37) S. Bollée, note sous CA Paris, 11 mai 2006, Rev.<br />
arb 2007.101.<br />
(38) Ch. Seraglini, obs. sous Cass. civ. 1 re , 4 juin 2008,<br />
préc.<br />
(39) Sur la question, cf. supra dernière note de bas de<br />
page du commentaire d’Anne-Lyse Roy.<br />
(40) CA Paris, 1 re ch. C, 22 mai 2008, RG no 2006/22560,<br />
inédite.<br />
(41) En ce sens, cf. Ch. Seraglini , Amiable<br />
compositeur : prière de ne pas oublier la mention<br />
« équitable », note sous Cass. civ. 2 e , 10 juillet 2003,<br />
JCP G 2004. I. 119, § 4, spéc. p. 501 ; P. Callé, La<br />
sanction par le juge de l’annulation de l’attitude<br />
contradictoire d’une partie et son contrôle de la<br />
mission de l’arbitre amiable compositeur », note sous<br />
CA Paris 3 juin 2004, Rev. arb. 2004. 686 ; Th Clay, Ce<br />
n’est pas le tout d’être équitable, encore faut-il le faire<br />
savoir, D. 2003, somm. 2475. Adde CA Paris 20 janvier<br />
2005, Rev. arb. 2005, somm. 218.<br />
En ligne sur Lextenso.fr Petites affiches - 3 OCTOBRE 2008 - N o 199 - 23
C HRONIQUE<br />
<strong>DROIT</strong> <strong>DE</strong> L’ARBITRAGE<br />
(42) Ch. Jarrosson, note sous Cass. civ. 1re , 3 octobre<br />
2006, Paris 29 juin 2006 et CA Paris, 7 décembre 2006,<br />
Rev. arb. 2008. 79.<br />
(43) Cf. Cass. civ. 1 re , 28 novembre 2007, Rev. arb. 2008.<br />
99, note V. Chantebout ; LPA 2008, n os 60-61, p. 14, note<br />
L. Jaeger ; D. 2008, pan. 187, obs. Th. Clay ; D. 2008, AJ,<br />
26, obs. X. Delpech ; JCP G 2007, act. 612, obs. J.<br />
Béguin ; JCP G 2008. I. 164, § 1 er , obs. J. Béguin.<br />
........................................................................................................................................................................<br />
certain manque d’équilibre dans le<br />
contrôle même des sentences arbitrales<br />
par le juge étatique. Charles<br />
Jarrosson l’a d’ailleurs bien formulé<br />
dans son récent commentaire de<br />
jurisprudence en remarquant qu’« Un regard<br />
panoramique sur le contrôle des sentences<br />
arbitrales par la jurisprudence française<br />
évoque un paysage de montagne :<br />
on y distingue des pics de sévérité, alternant<br />
avec des vallées d’indulgence et de<br />
vastes plateaux où règne une jurisprudence<br />
calme, constante et bienveillante »<br />
(42). Récemment, la première chambre<br />
civile de la Cour de cassation semble avoir<br />
opéré un revirement de jurisprudence en<br />
matière de contrôle du respect par l’arbitre<br />
de sa mission d’amiable compositeur,<br />
rejetant le contrôle purement formel (43).<br />
Espérons que cela traduise la volonté de<br />
la jurisprudence d’inscrire désormais le<br />
contrôle des sentences arbitrales dans un<br />
paysage toujours varié mais plus harmonieux.<br />
Pierre DUPREY<br />
Avocat Associé<br />
Darrois, Villey, & Associés, Paris<br />
VI. L’EXEQUATUR D’UNE SENTENCE ARBITRALE ATTAQUÉE AU LIEU DU<br />
SIÈGE <strong>DE</strong> L’ARBITRAGE, DONT LE <strong>DROIT</strong> EST SOUMIS AU TRAITÉ OHADA<br />
CA Paris, 31 janvier 2008 : Société ivoirienne de raffinage (RG n o 06/07787)<br />
Considérant que la sentence internationale, qui n’est rattachée à<br />
aucun ordre juridique étatique, comme celle rendue dans le<br />
contexte du Traité OHADA, est une décision de justice<br />
internationale dont la régularité est examinée au regard des règles<br />
applicables dans le pays où sa reconnaissance et son exécution<br />
sont demandées, que l’article 1502 du Code de procédure civile<br />
n’envisageant pas comme cause de refus d’exécution, l’annulation<br />
de la sentence à l’étranger, la décision à intervenir de la juridiction<br />
ivoirienne étant sans effet en France, la demande de sursis à<br />
statuer est rejetée.<br />
MOTS-CLÉS<br />
Sentence arbitrale internationale. Traité OHADA. Recours au lieu du siège du<br />
tribunal arbitral. Sursis à statuer (non). Exequatur en France. Convention de<br />
New York.<br />
La Cour :<br />
(...)<br />
Le 26 avril 2006, la Société ivoirienne de raffinage<br />
a fait appel de l’ordonnance rendue<br />
le 15 mars 2006 par le président du Tribunal<br />
de grande instance de Paris ayant déclaré<br />
exécutoire en France une sentence prononcée<br />
le 31 octobre 2005 à Abidjan d’après le<br />
règlement d’arbitrage de la Cour commune<br />
de justice de l’arbitrage (CCJA) de l’Ohada<br />
par MM. Smith et Fontaine, arbitres, Delebecque,<br />
président qui :<br />
« 1. Rejette la demande des parties visant à<br />
écarter des débats certaines pièces ;<br />
2. Se déclare compétent pour connaître de<br />
l’action en responsabilité de la Société<br />
ivoirienne de raffinage (SIR) à l’encontre de :<br />
— la société Bona Shipholding Ltd, propriétaire<br />
du navire Teekay Foutain,<br />
— M. Atle Lexerod, capitaine du navire,<br />
24 - Petites affiches - 3 OCTOBRE 2008 - N O 199 En ligne sur Lextenso.fr
— la société Teekay Fountain Shipping<br />
<strong>No</strong>rway As, « manager » du navire,<br />
— la société Teekay Fountain Shipping Canada<br />
Ltd ;<br />
3. Se déclare non compétent pour connaître<br />
de l’action de la SIR à l’encontre :<br />
— du club de protection : Steamship<br />
Owner’s Production and Indemnité Association,<br />
— de la société Waibs, consignataire du navire,<br />
— et de la société TCI Africa CI ;<br />
Et renvoie, par conséquence, la SIR à mieux<br />
se pourvoir à l’égard de ces personnes ;<br />
4. Déclare recevable l’action en responsabilité<br />
engagée par la SIR à l’encontre de la<br />
société Bona Shipholding Ltd, du capitaine<br />
Lexerod et des sociétés Teekay Fountain<br />
<strong>No</strong>rway As et Teekay Fountain Canada Ltd ;<br />
5. Déclare non fondée l’action en responsabilité<br />
engagée par la SIR à l’encontre de la<br />
société Teekay <strong>No</strong>rway AS et de la société<br />
Teekay Canada Ltd, en ce qu’aucune garde<br />
ni aucune faute n’a été démontrée à leur<br />
égard ;<br />
6. Dit que l’événement du 3 juillet 2000, à<br />
l’origine des dommages subis à la fois par la<br />
SIR et par les défendeurs, s’explique par plusieurs<br />
facteurs tenant au fait du navire, à l’existence<br />
de courants et au caractère inapproprié<br />
du terminal pour le type de navire en cause<br />
dans les circonstances climatiques exceptionnelles<br />
du moment ;<br />
7. Décide que la responsabilité de ces dommages<br />
subis par la SIR incombe, partiellement,<br />
compte tenu de la faute imputable<br />
à la SIR, à la société Bona Shipholding ;<br />
8. Précise que la société Bona Shipholding,<br />
s’exonère partiellement de sa responsabilité<br />
en l’état de la faute de la SIR ayant contribué<br />
à la réalisation de l’événement dans une<br />
proportion fixée à deux tiers ;<br />
9. Met hors de cause le capitaine Atle Lexerod,<br />
commandant le navire « Teekay<br />
Fountain » ;<br />
10. Dit que les préjudices subis par la SIR,<br />
pour les montants reconnus admissibles par<br />
le Tribunal, seront supportés à hauteur de<br />
un tiers par la société Bona Shipholding Ltd ;<br />
11. Condamne en conséquence la société<br />
Bona Shipolding Ltd à payer à la SIR la<br />
somme de deux cent quarante-trois mille<br />
cent vingt-trois euros (243.123 Q);<br />
12. Dit que cette somme produira intérêts<br />
au taux légal à compter de la demande d’arbitrage<br />
;<br />
13. Prononce la capitalisation de ces intérêts<br />
;<br />
14. Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire<br />
;<br />
15. Déclare recevable la demande reconventionnelle<br />
en responsabilité introduite par la<br />
société Bona Shipholding Ltd à l’encontre<br />
de la SIR ;<br />
16. Déclare cette demande reconventionnelle<br />
fondée en ce qu’elle émane de la société<br />
Bona Shipholding Ltd ;<br />
17. Déclare cette demande reconventionnelle<br />
irrecevable et non fondée en ce qu’elle<br />
émane des sociétés Teekay <strong>No</strong>rway AS et<br />
Teekay Canada Ltd, ainsi que du capitaine<br />
Atle Lexerod ;<br />
18. Décide que la SIR devra réparer le préjudice<br />
subi par la société Bona Shipholding<br />
Ltd, pour les montants reconnus admissibles<br />
par le Tribunal, dans une proportion<br />
de deux tiers ;<br />
19. Condamne en conséquence la SIR à<br />
payer aux sociétés Bona Shipholding Ltd, la<br />
somme de cent soixante quatorze mille trois<br />
cent quatre-vingt-huit euros (174.388 Q);<br />
20. Dit que cette somme produira intérêts<br />
au taux légal à compter du 4 mai 2005 ;<br />
21. Dit que les frais et honoraires d’arbitrage<br />
seront supportés dans des proportions<br />
identiques d’une part à la SIR, d’autre<br />
part, par la société Bona Shipholding Ltd ;<br />
22. Liquide ces frais et honoraires à la<br />
somme de cent cinquante-quatre millions six<br />
cent dix-neuf mille trois cent cinquantedeux<br />
francs CFA (154.619.352 FCFA) ;<br />
23. Rejette toutes les autres demandes et prétentions<br />
des parties ».<br />
La Société ivoirienne de raffinage conclut à<br />
l’incompétence du juge de l’exécution du<br />
Tribunal de grande instance de Paris et au<br />
sursis à statuer dans l’attente de la décision<br />
de la Cour d’appel d’Abidjan saisie d’un re-<br />
En ligne sur Lextenso.fr Petites affiches - 3 OCTOBRE 2008 - N o 199 - 25
C HRONIQUE<br />
<strong>DROIT</strong> <strong>DE</strong> L’ARBITRAGE<br />
cours contre la sentence et à l’infirmation<br />
de l’ordonnance d’exequatur rendue en violation<br />
de l’ordre public international (article<br />
1502-5 o du nouveau Code de procédure<br />
civile) et notamment des dispositions impératives<br />
de la convention bilatérale entre la<br />
France et la Côte d’Ivoire. Elle demande de<br />
condamner les sociétés Bona Shipholding,<br />
Teekay Shipping <strong>No</strong>rway, Teekay Shipping<br />
Canada, Standard Steamship Owner’s Protection<br />
and Indemnity Association et M. Atle<br />
Lexerod, capitaine du navire Teekay Fountain<br />
à lui verser une somme de 20.000 Q à<br />
titre de dommages-intérêts pour procédure<br />
abusive, une somme de 40.000 Q en application<br />
de l’article 700 du nouveau Code de<br />
procédure civile et à supporter les dépens.<br />
Les sociétés Bona Shipholding, Teekay<br />
Shipping <strong>No</strong>rway, Teekay Shipping Canada,<br />
Standard Steamship Owner’s Protection and<br />
Indemnity Association et M. Atle Lexerod, capitaine<br />
du navire Teekay Fountain, demandent<br />
de confirmer l’ordonnance d’exequatur,<br />
de condamner la Société ivoirienne de raffinage<br />
à leur payer la somme de 50.000 Q à<br />
titre de dommages et intérêts pour procédure<br />
abusive, la somme de 60.000 Q au titre<br />
de l’article 700 du nouveau Code de procédure<br />
civile, ainsi qu’aux dépens.<br />
Sur ce, la Cour :<br />
Sur la compétence du juge de l’exequatur<br />
du Tribunal de grande instance de Paris<br />
:<br />
Considérant que si, comme le remarque la<br />
Société ivoirienne de raffinage, l’article 1477<br />
du nouveau Code de procédure civile, auquel<br />
l’article 1500 de ce même Code se réfère<br />
globalement pour l’exequatur des sentences<br />
arbitrales rendues à l’étranger en matière<br />
d’arbitrage international, énonce que<br />
la sentence arbitrale n’est susceptible d’exécution<br />
forcée qu’en vertu d’une décision<br />
émanant du Tribunal de grande instance<br />
dans le ressort duquel la sentence a été rendue,<br />
ce texte ne concerne pas cependant<br />
les sentences rendues à l’étranger, sa rédaction<br />
s’expliquant dans le contexte des dispositions<br />
du nouveau Code de procédure<br />
civile sur l’abitrage interne où il figure ;<br />
Qu’à l’égard d’une sentence rendue à l’étranger,<br />
le choix de Paris pour demander<br />
l’exequatur est approprié, hors de toute fraude<br />
dont l’existence n’est alléguée par quiconque<br />
;<br />
Que l’exception d’incompétence est rejetée<br />
;<br />
Sur le sursis à statuer :<br />
Considérant que la Société ivoirienne de raffinage<br />
demande de surseoir à statuer dans<br />
l’attente de la décision de la Cour d’appel<br />
d’Abidjan qu’elle a saisie d’un recours en<br />
annulation contre la sentence ;<br />
Mais considérant que, quelle que soit la compétence<br />
de la Cour d’appel d’Abidjan pour<br />
connaître d’un recours dirigé contre une sentence<br />
rendue sous les auspices du règlement<br />
d’arbitrage de la CCTA qui, ainsi que<br />
le soulignent les intimés, prévoit la procédure<br />
et les conditions pour en contester la<br />
validité devant cette même Cour, la sentence<br />
internationale, qui n’est rattachée à<br />
aucun ordre juridique étatique, comme celle<br />
rendue dans le contexte du Traité de<br />
l’Ohada, est une décision de justice internationale<br />
dont la régularité est examinée au<br />
regard des règles applicables dans le pays<br />
où sa reconnaissance et son exécution sont<br />
demandées, que l’article 1502 du nouveau<br />
Code de procédure civile n’envisageant pas<br />
comme cause de refus d’exécution, l’annulation<br />
de la sentence à l’étranger, la décision<br />
à intervenir de la juridiction ivoirienne étant<br />
sans effet en France, la demande de sursis à<br />
statuer est rejetée ;<br />
Sur l’appel de l’ordonnance d’exequatur<br />
et la contrariété de la reconnaissance et<br />
de l’exécution de la sentence à l’ordre public<br />
international (article 1502-5 o du<br />
nouveau Code de procédure civile) :<br />
Considérant que la Société ivoirienne de raffinage<br />
ne s’expliquant pas sur les motifs qui<br />
justifient autrement son appel, il convient<br />
de confirmer l’ordonnance d’exequatur, étant<br />
en tout état de cause observé que la Convention<br />
de New York du 10 juin 1958, à laquelle<br />
l’Accord de coopération en matière de<br />
justice du 24 avril 1961 entre la France et la<br />
Côte d’Ivoire renvoie pour la reconnaissance<br />
et l’exécution des sentences arbitrales<br />
étrangères, réserve l’application d’un droit<br />
interne, tel le droit français, plus favorable ;<br />
Sur les dommages et intérêts pour procé-<br />
26 - Petites affiches - 3 OCTOBRE 2008 - N O 199 En ligne sur Lextenso.fr
dure abusive ou dilatoire, les dépens et<br />
l’article 700 du nouveau Code de procédure<br />
civile :<br />
Considérant que les intimés ne s’expliquant<br />
pas sur le préjudice qu’ils disent avoir subi<br />
en raison de l’appel de la Société ivoirienne<br />
de raffinage pas plus que sur les éléments<br />
de nature à caractériser la nature fautive ou<br />
dilatoire de l’appel, leur demande est repoussée,<br />
comme celle de l’appelante qui succombe<br />
;<br />
Considérant que la Société ivoirienne de raffinage<br />
supporte les dépens sans pouvoir prétendre<br />
à une indemnité sur le fondement<br />
de l’article 700 du nouveau Code de procédure<br />
civile au titre duquel elle est condamnée<br />
à verser aux intimés une somme de<br />
60.000 Q ;<br />
Par l’arrêt ci-dessus reproduit, la<br />
Cour d’appel de Paris a décidé que<br />
les sentences arbitrales rendues<br />
sous l’auspice d’un traité international<br />
peuvent être considérées comme<br />
des décisions de justice internationale<br />
pour leur exécution en France. Les faits<br />
de l’espèce étaient les suivants : le 31 octobre<br />
2005, une sentence arbitrale rendue<br />
à Abidjan selon le règlement d’arbitrage<br />
de la Cour commune de justice et d’arbitrage<br />
sur le fondement du Traité de l’harmonisation<br />
en Afrique du droit des affaires<br />
(« OHADA ») condamna la Société<br />
ivoirienne de raffinage au paiement d’une<br />
somme au titre de la réparation du préjudice<br />
subit par la partie adverse. La société<br />
ivoirienne intenta alors un recours<br />
contre la sentence arbitrale devant la Cour<br />
d’appel d’Abidjan.<br />
Le 15 mars 2006, alors que le recours<br />
devant la Cour d’appel d’Abidjan était<br />
toujours pendant, le Tribunal de grande<br />
instance de Paris rendit une ordonnance<br />
conférant l’exequatur à la sentence en<br />
France. Cette ordonnance fut attaquée<br />
par voie d’appel par la Société ivoirienne<br />
de raffinage qui, d’abord, contestait la<br />
compétence du Tribunal de grande instance<br />
de Paris, qui, ensuite, estimait que<br />
la juridiction présidentielle aurait dû sur-<br />
NOTE<br />
Par ces motifs :<br />
Rejette l’exception d’incompétence ;<br />
Dit n’y avoir lieu à surséance ;<br />
Confirme l’ordonnance d’exequatur de la<br />
sentence ;<br />
Condamne la Société ivoirienne de raffinage<br />
à verser une somme de 60.000 Q aux<br />
sociétés Bona Shipholding, Teekay Shipping<br />
<strong>No</strong>rway Teekay Shipping Canada, Standard<br />
Steamship Owner’s Protection and Indemnité<br />
Association et M. Alte Lexerod, capitaine<br />
du navire Teekay Fountain ;<br />
Rejette toute autre demande ;<br />
(...)<br />
seoir à statuer tant que la Cour d’appel<br />
d’Abidjan ne s’était pas prononcée sur le<br />
recours formé contre la sentence arbitrale,<br />
et qui, enfin, soutenait que l’ordonnance<br />
violait l’ordre public international et plus<br />
particulièrement les dispositions impératives<br />
de l’Accord de coopération en matière<br />
de justice conclu entre la République<br />
française et la Côte d’Ivoire.<br />
La Cour rejette le recours en s’appuyant<br />
sur trois arguments. En premier lieu, sur<br />
la compétence, la Cour rappelle que l’article<br />
1477 du Code de procédure civile<br />
— qui énonce qu’une sentence arbitrale<br />
n’est susceptible d’exécution forcée qu’en<br />
vertu d’une décision émanant du Tribunal<br />
de grande instance dans le ressort duquel<br />
la sentence a été rendue — n’est pas<br />
applicable aux sentences rendues à l’étranger<br />
; le Tribunal de grande instance de<br />
Paris était bien compétent. En deuxième<br />
lieu, sur le sursis à statuer, la Cour estime<br />
que la sentence arbitrale est une décision<br />
de justice internationale, reprenant en<br />
cela l’expression du célèbre arrêt Putrabali<br />
(44), et que par conséquent celle-ci doit<br />
être examinée au regard des règles françaises<br />
de l’arbitrage international, sans<br />
que la décision ivoirienne à intervenir<br />
puisse avoir quelque effet, même en cas<br />
d’annulation. Enfin, en troisième lieu, la<br />
(44) Cass. civ. 1 re , 29 juin 2007, Putrabali, Bull. civ. I,<br />
n os 250 et 251 ; Rev. arb. 2007. 507, obs. E. Gaillard ;<br />
Clunet 2007. 1236, obs. Th. Clay ; LPA 2007, n o 192,<br />
p. 20, note M. de Boisséson ; D. 2007, AJ, 1969, note<br />
X. Delpech ; D. 2008. 1429, obs L. Degos ; JCP G 2006. I.<br />
216, § 7, obs. Ch. Seraglini ; RJDA 2007. 883, obs.<br />
J.-P. Ancel ; D. 2008, pan.189, obs. Th. Clay ; RTD com.<br />
2008, obs. E. Loquin (à paraître) ; Gaz. Pal., cah. arb.,<br />
21-22 novembre 2007, p. 3, obs. S. Lazareff et p. 14,<br />
note Ph. Pinsolle ; Arbitration international 2008. 277,<br />
note Ph. Pinsolle ; Bull. ASA 2008, note P.-Y. Gunter (à<br />
paraître) ; Revista brasileira de arbitragem 2008, note<br />
L. Weiller (à paraître).<br />
En ligne sur Lextenso.fr Petites affiches - 3 OCTOBRE 2008 - N o 199 - 27
C HRONIQUE<br />
<strong>DROIT</strong> <strong>DE</strong> L’ARBITRAGE<br />
(45) Cass. civ. 1 re , 9 octobre 1984, <strong>No</strong>rsolor, Bull. civ. I,<br />
n o 248 ; Rev. arb. 1985.431, note B. Goldman ; Clunet<br />
1985. 679, note Ph. Kahn ; D. 1985. 101, note J. Robert.<br />
(46) Cass. civ. 1re , 23 mars 1994, Hilmarton, Bull. civ. I,<br />
n o 104 ; Rev. arb. 1994. 327, note Ch. Jarrosson ; Clunet<br />
1994. 701, note E. Gaillard ; RTD com. 1994. 702, obs.<br />
J. Cl. Dubarry et E. Loquin ; RCDIP 1995. 356, note<br />
B. Oppetit ; DPCI 1995. 152, obs. D. Nedjar ; LPA 1995,<br />
n o 23, p. 8 (2 e esp.), obs. G. Parléani ; Yearb. Comm.<br />
Arb., vol. XX, 1995.666 ; Riv. dell’arb. 1995. 291, note<br />
A. Vincent.<br />
(47) Cass. civ. 1 re , 29 juin 2007, Putrabali, préc.<br />
........................................................................................................................................................................<br />
Cour d’appel relève que l’Accord<br />
de coopération franco-ivoirien renvoie<br />
la question de la reconnaissance<br />
et de l’exécution d’une sentence<br />
étrangère à la Convention de New<br />
York de 1958, qui admet l’application<br />
d’un droit plus favorable comme l’est le<br />
droit français.<br />
La décision est dans la lignée de la jurisprudence<br />
française concernant l’exécution<br />
des sentences arbitrales internationales,<br />
peu important qu’un recours soit<br />
intenté ou la sentence soit déjà annulée<br />
par les juridictions du lieu du siège du<br />
tribunal arbitral. Ce problème a été soulevé<br />
pour la première fois dans l’arrêt<br />
<strong>No</strong>rsolor (45) en 1984 où la sentence<br />
arbitrale avait été partiellement annulée<br />
par la Cour d’appel de Vienne. Cependant,<br />
la question n’a pas été complètement<br />
résolue car la Cour suprême d’Autriche<br />
avait annulé la décision antérieure<br />
avant que les juridictions françaises ne<br />
tranchent cette question. C’est finalement<br />
en 1994 avec le célébrissime arrêt<br />
Hilmarton (46) que la jurisprudence française<br />
a été fixée sur ce point : « une sen-<br />
tence internationale qui n’était pas intégrée<br />
dans l’ordre juridique suisse, de sorte<br />
que son existence demeurait établie malgré<br />
son annulation au lieu du siège et que<br />
sa reconnaissance en France n’était pas<br />
contraire à l’ordre public international ».<br />
Des décisions postérieures ont permis<br />
d’éclaircir plus précisément les conséquences<br />
et les ramifications de cette décision.<br />
Dans l’affaire Putrabali (47), la Cour de<br />
cassation est allée jusqu’à dire que : « la<br />
sentence internationale n’est rattachée à<br />
aucun ordre juridique ».<br />
L’apport de la présente décision par rapport<br />
à cette jurisprudence homogène et cohérente<br />
se situe dans le lien entre la nature<br />
internationale de la sentence et un traité<br />
international. Celui-ci, aussi prégnant soitil,<br />
est donc sans effet sur la nature de la<br />
sentence qui est, avant tout, internationale.<br />
Stephan A<strong>DE</strong>LL<br />
Ancien étudiant du <strong>Master</strong> professionnel<br />
<strong>Arbitrage</strong> et commerce international (vice-major)<br />
Avocat, Derains & Associés, Paris<br />
28 - Petites affiches - 3 OCTOBRE 2008 - N O 199 En ligne sur Lextenso.fr