12.07.2015 Views

DOSSIER DE PRESSE THEATRE - Festival d'automne à Paris

DOSSIER DE PRESSE THEATRE - Festival d'automne à Paris

DOSSIER DE PRESSE THEATRE - Festival d'automne à Paris

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

Guy CassiersTriptyque dupouvoirMefisto For EverDe Tom Lanoye d’après Klaus MannMise en scène, Guy CassiersTexte, Tom Lanoye d’après Klaus MannDramaturgie, Corien Baart, Erwin JansScénographie, MarcWarningConcept esthétique et scénographie, Enrico BagnoliDiederik De Cook, Arjen KlerkxCostumes, Tim Van Steenbergenavec Katelijne Damen, Gilda De Bal, Josse De PauwSuzanne Grotenhuis, Vic De Wachter, Abke HaringMarc Van Eeghem, Dirk Roofthooft<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Théâtre de la Villedu vendredi 19 septembreau samedi 27 septembre20h30relâche dimancheDurée : 3h12€ et 23 €Abonnement 12 €Figure centrale de la scène flamande,GuyCassiers s’est notamment fait connaître pardes spectacles mêlant les médias et lestechnologies pour faire advenir le théâtre:l’utilisation qu’il fait du texte – performé ouprojeté sur écran –, des images vidéo et de lamusique jouée en direct – cette approche dudrame tout à la fois plastique et ludique,rappelle qu’il a commencé par étudier auxBeaux-Arts d’Anvers, et qu’il a abordé lethéâtre en travaillant avec des enfants et desadolescents. Avec Mefisto For Ever, Wolfskerset Atropa, qui forment les trois volets de son« Triptyque du pouvoir» créés entre 2006 et2008, cette approche multisensorielle etmultimédias est mise au service d’uneréflexion pleine de noirceur et de virulencesur le pouvoir, ses effets et ses méfaits,tissant cette multiplicité de sources et detrames.Mefisto For Ever est une adaptation de Mefisto.Histoire d’une carrière, le plus célèbre livre deKlausMann, narrant l’irrésistible ascensiond’un acteur de théâtre arriviste dans lecontexte de l’Allemagne hitlérienne. De ceroman publié à Amsterdam en 1936, où le filsde Thomas Mann fuyait le nazisme, GuyCassiers et Tom Lanoye ont tiré une parabolefaustienne et explosive, écho à la situationpolitique de la Flandre contemporaine.En examinant les effets du pouvoir sur unindividu, ils invitent à réfléchir au pacteambigu qui unit l’art et la politique.Contacts presse :<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort, Margherita Mantero01 53 45 17 13Théâtre de la VilleJacqueline Magnier01 48 87 54 42Spectacle en néerlandais surtitré en françaisProduction Toneelhuis / Coproduction lodManifestation présentée dans le cadre de laSaison culturelle européenne en France(1er juillet – 31 décembre 2008)7


Guy CassiersTriptyque dupouvoirWolsfkersDe Jeroen Olyslaegers, Guy Cassierset Erwin Jans d’après Yuri ArabovMise en scène, Guy CassiersTexte, Jeroen Olyslaegers, Guy Cassierset Erwin Jans d’après Yuri ArabovConseiller texte, Tom lanoyeMusique, Dominique PauwelsDramaturgie, Erwin JansConcept esthétique et scénographieEnrico Bagnoli, Diederik De Cook, Arjen KlerkxCréation écrans de vidéoPeter Missoten/de FilmfabriekVidéo, Lef SpincemailleCostumes, Tim Van SteenbergenAvec Gilda de Bal, Vic deWachter, SuzanneGrotenhuis, Johan Leysen, Marc Van EeghemJos Verbist, Michaël Vergauwen<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Théâtre de la Villedu mardi 30 septembreau samedi 4 octobre20h30Durée : 2h45Second volet du « Triptyque du pouvoir » deGuy Cassiers,Wolfskers prend appui sur troisscénarios du cinéaste russe AlexanderSokourov évoquant des épisodes de la vie deLénine, Hitler et Hiro-Hito. Là où Mefisto ForEver privilégiait une approche dramatique ens’inspirant du roman de Klaus Mann, lepropos de Wolfskers – mot désignant ennéerlandais l’Atropa Belladonna, cette plantemortelle connue sous le nom de belladonne –serait plus « atmosphérique ». Guy Cassierstranspose sur scène le procédécinématographique du split-screen pour fairesourdre une ambiance de plus en plusdélétère, corrompue. Simultanément, onassiste à un épisode décisif de la vie de cestrois figures du pouvoir totalitaire. ÀMoscou,Obersalzberg et Tokyo se joue sousnos yeux un moment de flottement, instantprécis entre apogée et déclin où la destinéetitube. Examinant sans concession cesdestinées trop humaines,Wolfskers est uneplongée dans ces cerveaux gagnés par ledoute, menacés par le court-circuit, dans lapsyché de ces « grands hommes » quiprétendent incarner un peuple ou uneidéologie. Une immersion, subtilementscénographiée et interprétée, en tout pointhallucinatoire – l’atropine, substance activede la belladonne, n’a-t-elle pas pour effet dedilater la pupille ?Contacts presse :<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort, Margherita Mantero01 53 45 17 13Théâtre de la VilleJacqueline Magnier01 48 87 54 4212€ et 23 €Abonnement 12 €Spectacle en néerlandais surtitré en françaisProduction Toneelhuis / Coproduction lodManifestation présentée dans le cadre de la Saisonculturelle européenne en France(1er juillet-31 décembre)8


Guy CassiersTriptyque dupouvoirAtropaLa Vengeance de la paixDe Tom LanoyeCréationMise en scène, Guy CassiersTexte, Tom LanoyeD’après Euripide, Eschyle, George W. bush, DonaldRumsfeld, Curzio MalaparteDramaturgie, Erwin JansConcept esthétique et scénographie, Enrico Bagnoli,Diederik de Cock, Arjen KlerkxCostumes, Tim Van SteebergenContribution vocale, Marianne Pousseuravec Katlijne Damen, Gilda de Bal, Vic deWachter, AbkeHaringMarlies Heur, Ariane Van VlietLe titre Atropa fait référence non seulement àla belladonne (Atropa Belladonna, ou«Wolfskers » en néerlandais), mais aussi etsurtout à l’aînée des Parques, celle-là même àlaquelle échoit la tâche de couper le fil de lavie.Guy Cassiers prolonge la veinehallucinatoire de Wolfskers en entremêlant lestrames des différentes tragédies ayant pourcadre la guerre de Troie : à l’article de la mort,Agamemnon se retrouve face aux spectres desfemmes – Clytemnestre, Iphigénie,Andromaque, Cassandre, Hécube…– dont il acausé le malheur.Ce conflit matriciel permet au metteur enscène de dresser un état des lieux au vitriol dumonde contemporain et de poursuivre saréflexion sur un pouvoir dont il montrel’agonie et la ruine. Avec ce dernier acted’un«Triptyque du pouvoir» faisant feu detous les supports, il souligne puissamment lacapacité du théâtre à réfléchir la « colère » –au sens où l’entend le philosophe PeterSloterdijk –de notre temps.Contacts presse :<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort, Margherita Mantero01 53 45 17 13Théâtre de la VilleJacqueline Magnier01 48 87 54 42<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Théâtre de la Villedu lundi 6 octobreau vendredi 10 octobre20h3012€ et 23 €Abonnement 12 €Spectacle en néerlandais surtitré en françaisProduction ToneelhuisCoproduction Théâtre de la Ville-<strong>Paris</strong> ; MC2 Grenoble ; Linz09 Cultural Capital<strong>Festival</strong> d’Avignon ; Grand Théâtre du Luxembourg ;deSingel/Anvers ; Maison de laCulture d’Amiens, <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Manifestation présentée dans le cadre de la Saisonculturelle européenne enFrance (1er juillet – 31 décembre 2008)9


Guy CassiersBiographieGuy Cassiers est né à Anvers en 1960. Il entreprendd’abord des études d’arts graphiques à l’Académiedes Beaux-Arts d’Anvers. En cours de route, sesintérêts se déplacent vers les arts dramatiques,mais sa formation artistique demeurera crucialedans sa carrière d’homme de théâtre. Cassiersobserve toujours le théâtre en s’en distanciant, cequi lui permet de créer un langage plastique trèspersonnel. Dans la teneur de ses œuvres, cetteposition d’outsider se traduit par une préférencepour des personnages solitaires, isolés et mêmesouvent asociaux ; au niveau de la forme, elle définitson choix pour les textes plus littéraires quedramatiques, et son usage de la technologievisuelle. À partir de la littérature (le mot) et desnouveaux médias (l’image) il tente de redéfinir lethéâtre. Dans les années 80, Guy Cassiers monte sespremiers spectacles à Anvers, dont Kaspar de PeterHandke et Daedalus, un projet avec des handicapés.En 1987 il est nommé à la direction artistique de lamaison de théâtre jeune public Oud Huis Stekelbeesà Gand (plus tard rebaptisée Victoria, puismaintenant CAMPO). Dans la déclarationd’intention de l’OHS, on pouvait lire : « … OHS, c’estfaire primer la résonance du mot sur sasignification, l’association d’idées sur l’histoire, leson sur la musique, la lumière sur l’éclairage,l’émotion sur l’idée, la dualité sur la description, lethéâtre sur la réalité. » Les spectacles de GuyCassiers sont un appel constant à la créativité dessens. Quand, cinq ans plus tard, Dirk Pauwelsreprend le flambeau de l’OHS, Cassiers continue sacarrière en metteur en scène indépendant ettravaille entre autres pour le Kaaitheater àBruxelles, Tg STAN à Anvers et la Toneelschuur àHaarlem. Sa première production pour le ro theaterde Rotterdam, Angels in America, est couronnée en1996 par le prix du public « Gouden GidsPublieksprijs » et le prix Proscenium de l’associationhollandaise de théâtres et salles de concerts. Un anplus tard, il reçoit aussi le prix Thersite décerné parles critiques flamands pour l’ensemble de sonœuvre. En 1997, Guy Cassiers monte Onder hetMelkwoud (Au Bois Lacté) de Dylan Thomas avecl’ensemble du ro theater dont il devient directeurartistique. Cassiers découvre les potentialités que lagrande scène offre à ses narrations dramatiques etentre 1998 et 2006, édifie un langage théâtralmultimédia dans ce sens. Ses spectacles De Sleutelet Rotjoch (1998), De Wespenfabriek (2000), LaGrande Suite (2001), Lava Lounge (2002) et l’opéraThe Woman Who Walked into Doors (2001) sontautant de preuves de sa volonté d’intégrer lemultimédia dans le théâtre. L’un des pointsculminants de cette quête est le cycle Proust enquatre volets qu’il a réalisé entre 2002 et 2004, etpour lequel il s’est vu décerner le Prixamstellodamois des arts et le WerkpreisSpielzeiteuropa des Berliner Festspiele. Cassiersprivilégie la mise en scène de romans célèbrescomme Hiroshima Mon Amour de Marguerite Durasen 1996, Anna Karenina de Tolstoï en 1999 etBezonken rood (Rouge décanté) de Jeroen Brouwersen 2004. Le spectacle par lequel il a clos ses annéesde ro theater au printemps 2006 était uneadaptation de Hersenschimmen (Chimères) deJ.Bernlef. Il met en scène au Toneelhuis Onegin,d’après le roman en vers de Pouchkine : une histoireromantique qui dépasse son côté anecdotiquegrâce à l’emploi de la technologie visuelle et setransforme en jeu théâtral avec la perception duspectateur. Quant à sa première mise en scène entant que directeur artistique du Toneelhuis, Mefistofor ever (2006), il la base sur un classique del’histoire de la littérature européenne: Mephisto deKlaus Mann dans une adaptation de Tom Lanoye. Ily traite de la relation entre l’art et la politique. Cethème, nouveau dans la démarche de Cassiers, est àmettre en regard de son retour à sa ville natale,Anvers, marquée par une situation politiquecomplexe. Il est depuis 2006 directeur artistique duToneelhuis, où il met en scène Mefisto for ever en2006, Wolfskers en 2007 et Atropa en 2008.10


Entretien avec Guy CassiersPourquoi avoir choisi de travailler sur le thème dupouvoir, et sous la forme d’une trilogie ?Guy Cassiers : « L’idée m’est venue alors que j’avaisdéjà commencé à travailler sur Mefisto : une piècetrès importante car elle marquait mes débuts authéâtre Toneelhuis d’Anvers, et ces, au moment desélections dans cette ville, où 33 % des électeurs ontvoté pour l’extrême-droite. Pour ce premierspectacle avec une nouvelle équipe, il me semblaitimportant de m’interroger sur notre responsabilité,en tant qu’artistes, aujourd’hui, dans une ville deFlandre importante où la situation politiquechangeait aussi fortement. Nous nous sommes doncimmergés dans la création de ce Mefisto, quienvisage la relation entre l’artiste et le politique, etla séduction du pouvoir. Tandis que nous préparionsce spectacle, avec les écrivains Jeroen Olyslaegers etTom Lanoye, il nous a semblé nécessaire dedévelopper ces idées, et les deux autres pièces ontcommencé à émerger.Mefisto considère le politique à travers le regard del’artiste.Wolfskers (Wolfskers est le nom de la belladonne –Atropa en latin –, mais si on le traduit littéralement,cela donne « loup cerise » – comme un écho ausurnom de “Wolfi” dont Eva Braun affublait Hitler)montre l’opposé : la situation est vue à travers leregard des hommes politiques, mais des hommespolitiques qui se trouvent dans une situation où ilsdeviennent eux-mêmes quasiment metteurs enscène : ils ont créé un personnage qui est dans unesituation théâtrale, comme au-dessus de la réalité.Enfin, dans Atropa, ce sont les victimes qui parlent.Mais là où les deux premiers spectacles seconcentrent sur la Deuxième Guerre mondiale, cedernier combine l’une des premières guerres dont ilreste des témoignages écrits – la guerre de Troie –avec des références à celles que nous vivonsaujourd’hui : l’Afghanistan, l’Irak… Ce troisièmevolet est important car il permet de revenir aumonde d’aujourd’hui, et à une situation politiquemondiale, quand le premier envisage le politique àl’échelle d’une ville.Les trois volets du triptyque ont des sources trèsdiverses : Mefisto est une adaptation du roman deKlaus Mann, Wolfskers s’appuie sur trois scénariosdu cinéaste russe Alexander Sokourov, quant àAtropa, il combine plusieurs tragédies ayant pourcadre la Guerre de Troie avec des discours de GeorgeBush ou Donald Rumsfeld…Guy Cassiers : « En Flandre, contrairement à laFrance, notre histoire théâtrale et littéraire n’estpas très riche, c’est pourquoi je trouve important derepenser et développer les possibilités derépertoire. Il s’agit également de ne pas perdre devue notre situation par rapport à la ville d’Anvers : ilest important de développer une manière depenser, et pour cela, de ne pas traiter les spectaclesséparément, mais en cherchant au contraire à créer,avec le public, un voyage à travers le répertoire. Onpeut voir chacun de nos spectacles isolément, maisquand on voit ceux qui précèdent ou qui suivent,quand on va de l’un à l’autre, le contenu change.Selon moi, c’est cela qu’un grand théâtre ou unegrande compagnie doit développer : la propositiond’un tel voyage à son public est le meilleur moyende faire évoluer les choses.Dans quel sens avez-vous travaillé, avec lesdifférents auteurs, sur ces trois matériaux trèsdistincts ?Guy Cassiers : « Nous avons travaillé à chaque foisde manière différente, en collaboration avec ErwinJans, mon dramaturge, Tom Lanoye et JeroenOlyslaegers. Erwin Jans et moi commençonstoujours par proposer un point de départ auxauteurs : je n’écris pas, mais je réalise une sorte decompilation de matériaux à partir de laquelle nousdiscutons. Pour Mefisto, nous sommes partis dulivre de Klaus Mann, mais pour refléter le monded’aujourd’hui, il nous semblait important de ne pasnous arrêter à la fin du livre : ainsi, dans notrespectacle, l’histoire continue, nous parlons de ce quise passe ensuite. Il était important, pour ce premierspectacle, de proposer un contraste entre lesdialogues des personnages et les références augrand répertoire théâtral : deux formes trèsdifférentes y cohabitent, au plan du langage aussi. Ilen va de même dans Wolfskers : il y a trois languesdifférentes, car liées trois cultures elles-mêmesdifférentes – on perçoit ces dissemblances parexemple à la façon dont ils parlent de leur vision deDarwin. Nous avons remonté les trois scénariosinitiaux, et les avons combinés de manière à faireapparaître les nombreuses relations qui existententre eux. Le point de départ, ce sont à chaque foisdeux journées dans la vie de ces trois personnalités,mais toutes trois sont complètement imbriquées. Si80% du texte est composé des phrases qu’ontréellement prononcés Hitler, Lénine et Hiro-Hito, cen’est en aucun cas une pièce biographique : lessituations, l’atmosphère générale et le jeu despersonnages servent davantage à comprendre lepoison du pouvoir – et ce, dans une situation où lespersonnages doutent, sont en train de perdre lepouvoir, et avec lui le visage qu’on leur associetraditionnellement. Dans Atropa, à nouveau, lalangue est complètement différente. Le texte deTom Lanoye est fondé sur cinq personnagesféminins – Iphigénie, Clytemnestre, etc. – liés à lavie d’Agamemnon : il nous semblait important determiner en évoquant le point de vue des femmes,totalement absent des deux premiers spectacles. Cetexte est écrit dans le style d’Euripide, en vers, dansune langue à la fois très codée et poétique. Cettemanière particulière de parler, propre aussi à TomLanoye, permet plus facilement les rapprochementsavec une situation politique d’aujourd’hui.Vous dites être parti des textes. Or, l’une descaractéristiques de votre théâtre est d’être aussi unthéâtre d’image, mêlant les médias en vue, commevous le dites, de « provoquer des expériencessensorielles ». Comment, dans cette trilogie, avezvouscombiné les textes avec cette mise en placescénique ?Guy Cassiers : « Je n’ai pas étudié le théâtre, mais legraphisme. C’est sans doute pourquoi, si la langueest très importante – elle est le propre de l’homme ,je pense qu’il est également important decomprendre les contenus et d’analyser les textes àla lumière de disciplines différentes. Car les imagesm’aident à saisir le sujet. Dans le monde11


d’aujourd’hui, les sons et les images sont partout, etils nous influencent ; la télévision, comme lecinéma, manipule les sens : quand vous voyez uneautomobile à l’image, vous l’entendez en mêmetemps, les yeux et les oreilles sont combinés pourcréer une réalité fictive. Pour moi, au théâtre, c’estl’inverse : on part d’une situation dont on saitqu’elle est artificielle, mais pour finalement arriverà une autre situation proche du réel. Pour cela, lessens, et la manière dont on les utilise, sontessentiels pour trouver le contenu qui estimportant, pour stimuler la réflexion. J’emploie lesprocédés du cinéma et de la télévision, mais d’unemanière radicalement différente. Le son, lescaméras, la vidéo, etc. sont des élémentsdéterminants, mais l’image et le son ne sont jamaissynchrones, il s’agit au contraire de donner auspectateur une grande variété d’éléments pourstimuler sa réflexion, mais aussi pour le transformeren artiste – puisque c’est à lui qu’il appartient decombiner ces éléments que je mets à sa disposition,et de créer sa propre réalité. Mes spectaclesmettent en relation les œuvres de différentsartistes, ils sont comme des mosaïques.Dans leur mise en scène, les trois volets dutriptyque tissent tout un réseau d’échos et decorrespondances…Guy Cassiers : « Il y a beaucoup de relations entre lesacteurs. Je trouve intéressant de voir les mêmesacteurs jouer des personnages différents, et lamanière dont le contenu évolue aussi pour euxentre ces rôles : dans les trois spectacles, il y a eneffet une vingtaine de citations qui reviennent,mais dans un contexte à chaque fois différent. Ilexiste également des liens entre les images. DansMefisto, pour les scènes de “théâtre dans lethéâtre”, nous avons créé une forme particulière, enutilisant les caméras. Nous avons ensuite développécette idée dans Wolfskers, où les trois personnagesont chacun un projecteur vidéo représentant leurterritoire, et une caméra pour créer leuratmosphère Ils évoluent dans un univers réduit, unminuscule aquarium dans lequel ils sont comme despoissons : c’est très joli, et en même temps, c’estune cage. Dans Atropa, il ne subsiste plus riend’autre que les caméras, qui sont les restes des deuxpremiers spectacles. Ici, on est dans la guerre, onmontre vraiment la cruauté de la guerre, alors queles deux spectacles précédents ne faisaient quel’évoquer, en restant loin du combat. Au début, onse croirait dans Wolfskers, comme si l’on venait dejouer ce spectacle et que les techniciens étaient entrain de le démonter. C’est à ce moment, dans cemonde détruit, que les femmes entrent en scène etreconstruisent leurs possibilités de vivre : comme sielles essayaient de survivre parmi les ruines desdeux premiers spectacles, au milieu de tous lescadavres qu’Agamemnon a laissés derrière lui, etd’inventer un nouveau rêve.la mémoire du personnage : le théâtre tout entierdevient alors une sorte de monologue intérieur,comme un livre où l’on ne se contenterait pas decréer des images, mais où l’on entrerait dans lapensée du protagoniste. Pour moi, c’est l’une deschoses que le théâtre aujourd’hui permet de créer,et c’est ce que je cherche à produire. Si lacorporalité des acteurs est très importante pourguider les spectateurs, je crée une situation où elleest finalement absente – où la corporalité devientcelle du théâtre tout entier. Non seulement onpénètre les pensées de l’écrivain et despersonnages, mais on devient soi-même cespersonnages. On n’a pas forcément envie des’identifier à Hitler, Lénine ou Hiro-Hito ; mais cettemanipulation du spectateur permet de montrer queles choses ne sont jamais ni tout blanc, ni tout noir,mais toujours grises.Au terme de ce travail, quelle leçon tirez-vous sur ceque pourraient être les relations entre l’art et lepouvoir aujourd’hui ?Guy Cassiers : « Au début de notre entreprise, nousnous sommes d’abord concentrés sur notre ville, surla situation propre à Anvers. Mais nous avons étésurpris, lorsque nous l’avons présentée dansd’autres pays européens, de voir combien cesthèmes y trouvaient un écho. En ce sens, laprésentation de cette trilogie au <strong>Festival</strong> d’Automneet en France est pour nous essentielle. En Flandre,les choses ont énormément changé durant ces cinqou dix dernières années, et nous en sommes arrivésaujourd’hui à une situation politiquement critique.Anvers est un port, nous avons toujours entretenudes relations avec les autres cultures. Aujourd’huique l’Europe devient unie, on observe, en Flandre,comme une réaction à ça : une peur de perdre notreculture, mais aussi notre richesse, que je trouve trèsdangereuse. Je ne suis pas sûr que l’art peut aider,mais je crois que nous avons une responsabilité àassumer. D’ailleurs, les artistes semblent s’êtreréveillés : alors que ceux des années 1980 ou 1990étaient centrés sur eux-mêmes, séparés de lasociété, on voit bien qu’aujourd’hui, dans beaucoupde disciplines, il y a un retour à une parole politique,dans laquelle les artistes cherchent moins à dire cequi est bien ou mal qu’à comprendre la situation. Auniveau d’une ville par exemple, je pense que lethéâtre peut aider à comprendre ce qui se passe,comment on en est arrivé là. Le rôle du théâtre, saforce dans le monde actuel, ce n’est pas de dire quia tort ou raison dans la guerre en Irak : pour cela, il ya la télévision. En revanche, il est possible de faireréfléchir le public avant la guerre, pour arriver, peutêtre,à éviter les conflits. »Propos recueillis par David SansonCe système d’écho entre les différentes pièces est-ilune manière de développer ce que vous appelez« l’art de la mémoire » ?Guy Cassiers : « L’une des raisons pour lesquelles jeme suis peu appuyé sur des textes de théâtre estque je voulais, dans les trois spectacles, partir d’unehistoire, d’une situation, pour finalement pénétrer12


François TanguyRicercarRicercarMise en scène, scénographie et lumière, François TanguyÉlaboration sonore, François Tanguy et Marek Havlicekrégie générale, François Fauvel/Johanna Moaligourégie son, Marek Havlicekrégie lumière, Julienne Rochereaureconstruction espace, Jean Cruchet, Fabienne et BertrandKillyFrançois Tanguy, Frode BjØrnstadavec Frode BjØrnstad, Laurence Chable, Fosco Corliano,Claudie DouetKatia Grange, Jean Rochereau, Boris Sirdey<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Odéon-Théâtre de l’Europe/Ateliers Berthierdu mardi 23 septembreau dimanche 19 octobre20h,samedi 15h et 20h,dimanche 15h, relâche lundiDurée : 1h3013 € à 26 €Abonnement 13 € et 22 €Coproduction Théâtre du Radeau/le Mans ; ThéâtreNational de Bretagne/Rennes ;<strong>Festival</strong> d’Avignon ; Odéon – Théâtre de l’Europe ; CentreChorégraphique NationalRilleux-la-Pape/Compagnie Maguy Marin ; ThéâtreGaronne /Toulouse<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Le Théâtre du Radeau est subventionn par la D.R.A.C. Paysde la Loire, la Ville du Mans, le Conseil Régional des Paysde la Loire et le Conseil Général de la Sarthe.Soutenu par l’ONDA pour les accueils en France et parCulturesFrance pour les tournées internationalesCela fait déjà plus de vingt-cinq ans queFrançois Tanguy a pris le large, à bord de sonThéâtre du Radeau, et s’en est allé naviguer àvingt milles lieues (au moins…) de ladramaturgie ordinaire. Inlassablement,au gréde prototypes scéniques tels que MystèreBouffe (1986), Chant du bouc (1991), LesCantates (2001) ou Coda (2004), le Théâtre duRadeau s’attache à donner de notre mondedes formes de représentation inédites,souvent plus proches de l’opéra que duthéâtre stricto sensu.Dernier vaisseau sorti des chantierspoétiques de François Tanguy, Ricercar conviele public à une traversée (dés)enchantée,durant laquelle les lois de la narrations’effacent derrière les joies de la sensation –la raison raisonnante n’étant pas du voyage…Minutieusement orchestrées, lumière etmusique, paroles (glanées chez Lucrèce,Robert Walser ou Dante) et actions se fondentdans un décor dont le désordre paraît obéir àune secrète logique. Le tout compose unensemble aussi cohérent que vibrant.Inspiré d’un mot ancien, relevant duvocabulaire musical et désignant, selon Littré,« un morceau instrumental libre», le titre duspectacle en indique parfaitement la teneur :oui, Ricercar est bien une pièce théâtrale libre,d’une fascinante singularité et d’unesaisissante intensité.Contacts presse :<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort, Margherita Mantero01 53 45 17 13Odéon-Ateliers BerthierLydie Giuge-Debièvre01 44 85 40 5713


ConsistancesEn vingt ans environ, François Tanguy et le Radeauont présenté un travail qui, par la cohérence desréflexions et des propositions, n’a pas eu d’égaldans le panorama du théâtre contemporain. Ledessein général qui en résulte est lequestionnement constant des possibilités de ladramaturgie : non pas de la dramaturgiecontemporaine ou classique, mais simplement deleur propre dramaturgie. Les mises en scène duRadeau ont, en effet, clairement exposé un projetdont le façonnement n’avait pas de véritablesenracinements dans quelque chose dont on auraitpu dire que ça existait déjà, même si, les lieuxd’investissement ont été les lieux habituels de lareprésentation, avec les moyens les plus ordinairesqui soient. Ce que l’on pressent, de manière plusincisive, c’est que ça vient du théâtre et que ça yfouille puissamment quelque chose, un quelquechose qui aurait été laissé de côté. Ce n’est pourtantpas une archéologie ou une anthropologie duthéâtre, même si chaque titre, pour une raison ouune autre, résonne dans ce qu’il renvoie à unesituation de théâtre. Ainsi pour Mystère Bouffe(1986), Jeu de Faust (1987), Woyzeck-Büchner-Fragments forains (1989), Chant du Bouc (1991),Choral (1994), Bataille du Tagliamento (1996),Orphéon (1998), Les Cantates (2001) et Coda, créé en2004. Mais le discours sur la dramaturgie n’investitpas seulement le travail autour du texte : celui-ci estmême ce qui finit par être le plus éloigné, le plusdistant, ce que l’entrecroisement des différentesmodalités dramatiques laisse enfin surgir et imposecomme seule situation possible dans un contextedonné, dans un état précis du travail. Dans ce modede l’expression, il n’y a pas de primauté de quelquechose sur d’autres éléments : le texte n’est qu’unmoment critique parmi d’autres, pris à l’intérieur deréflexions multiples ; et les acteurs, le mode vocal,la présentation-représentation, le décor ou lesdécors, la ligne musicale précise et très forte de cesensembles déterminent à chaque moment despostures particulières de ce qui est au départ unescène et qui, en réalité, ne cesse de s’organiser enlignes de fuite depuis le lieu même de saprofération. On ne peut pas dire qu’il s’agit dethéâtre dans le théâtre, ce serait même son opposé :autant l’un se replie sur lui-même dans uneintrospection presque paranoïaque, autant l’autrese déplie, cherchant à capter toutes les extérioritésdont les situations du théâtre lui permettent dedisposer. C’est alors un théâtre qui échappe, quiquitte ses lieux parce que, à un moment donné,ceux-ci deviennent historiquement etpolitiquement incapables de signifier ce qu’il y a àfaire, à dire ; un théâtre qui souligne l’écart qui s’estcreusé dans ce temps entre un mode d’expressioncréatrice et un mode de communication plus oumoins inscrit dans les bureaucraties de la « chose »théâtrale. Échapper donc, sans pourtant renoncerun seul moment à ce qu’est une scène, au travailque cela implique et exige, ni même aux distancesnécessaires qui la conduisent à un espace délibéré,à une clarté mentale et visuelle, résultat d’uneexpérimentation continuelle faite en « commun » :dans ce sens, Tanguy n’est pas pensable sans leRadeau, ni celui-ci sans l’autre. Ça aboutit à quoi ?Non pas à une école, mais à quelque chose dechoral, comme l’indique l’un des spectacles :choralité au sens d’un qui jouerait, qui chanteraitavec, ensemble, un ensemble d’où le « chœur » dechacun s’échapperait par effilochures, par traînéesd’une matière propre au théâtre, à la théâtralité,loin du spectacle, une matière déchaînée dans lavisitation critique du lieu et du temps théâtral.Un lieu et un temps à l’écart du théâtre — ce qui estlaissé de côté et que l’on prend en compte —déplacés, biaisés, imprenables, suspendus commeun « tempo » musical, et qui, tout en se laissant voir,se dérobent furtivement à l’entreprise del’appropriation, et pourtant approprié et adéquat àquelque chose, mais le plaçant sur la lignesuspendue des transformations. Puismatériellement, dans le temps, est venue ladécision de quitter tout lieu exigu pour quelquechose qui est neuf, tout en appartenant à unetradition du théâtre restée ou mise de côté. Ce lieu aété d’abord la « Fonderie du Mans », puisaujourd’hui la « Tente », lieu qui signifie unedistance des villes, préférant des croisements, descarrefours, des endroits de passage, d’arrêts et devoyages. Cette radicalisation a été étonnante, nonseulement parce qu’elle a eu lieu en un temps assezcourt, mais surtout parce qu’elle rendait claire lapossibilité d’un passage à l’acte, c’est-à-dire écarterl’espace théâtral classique et chacun de seséléments : acteurs, texte, décors, musique. L’espacede cette nouvelle distance n’est plus un lieu, maisun mouvement de machines au sens le plus matérieldu mot, donné à voir et à entendre, en des séries dehaut et de bas, de large et de profond, de diagonal,évitant centralité et ellipse, focalisation et opacité,gardant pourtant la maîtrise étonnante des effetsde ce théâtre d’où renaît le flottement d’unepoétique nouvelle. Plus encore que les travauxprécédents, les trames des jeux de plateau desCantates et de Coda sont tenues par une colonnesonore qui semble déterminer l’appréhension dutravail, mais qui en réalité mêle dans sa profondeurles « consistances » du théâtre du Radeau. Letraitement particulier des acteurs, la précision de cequi se constitue en décor et lumière, et surtout lemouvement et les dynamiques d’ensembleredonnent à l’effet musical une dimension« affective » indissociable de tous ces éléments misen commun. Plongeant dans l’immanence du corpsdu théâtre, de ce qui s’élabore en quelque chosedont personne ne peut savoir ce qu’il a été, ni cequ’il sera, le travail libère une tension et unevibration qui se délivrent comme champs deparcours où phrases, poésies, textes, gestes,musiques et machines s’élancent à la découverte deleurs savoirs et de leurs devenirs au cœur même,humoristique et politique, d’une contemporanéitépossible.Jean-Paul Manganaro14


Créations et mises en scènes de François Tanguy1982 Dom Juan, de Molière.1983 L'Eden et les cendres, création.1984 Le retable de séraphin, création.1985 Le songe d'une nuit d'été, de W.Shakespeare. Co-production avec le Palaisdes Congrès et de la Culture du Mans.1986 Mystère Bouffe, création.1987 Jeu de Faust, création. Co-production avecl'Atelier Lyrique du Rhin à Colmar et lethéâtre des Arts à Cergy Pontoise.1989 Woyzek - Büchner - Fragments forains. Coproductionavec le Quartz de Brest, le TGPde St Denis, le <strong>Festival</strong> d'Automne à <strong>Paris</strong>.1991 Chant du Bouc, création. Co-productionavec le <strong>Festival</strong> d'Automne à <strong>Paris</strong>, le TNB àRennes,le Quartz à Brest, les Bernardines àMarseille, la Comédie de Reims.Participation du Théâtre Garonne àToulouse.1994 Choral, création. Co-production avec le TNBà Rennes, le Quartz à Brest,Théâtre en Mai à Dijon, le Théâtre Garonneà Toulouse.1996 Bataille du Tagliamento, création. Coproductionavec le TNB à Rennes, le<strong>Festival</strong> d'Automne à <strong>Paris</strong>, le CDN àGennevilliers, Kunsfest Weimar, ThéâtreNational de Dijon.1998 Orphéon - Bataille - suite lyrique, création.Co-production avec le TNB à Rennes.2001 Les Cantates, création. Co-production avecle TNB à Rennes et l'Odéon - Théâtre del'Europe à <strong>Paris</strong>.2004 Coda, création. Co-production avec le TNB àRennes.François Tanguy au <strong>Festival</strong> d’Automne :1987 Mystère Bouffe, de Maïakovski (Théâtre dela Bastille)1989 Fragments forains d’après les manuscritsWoyzeck de Georg Buchner (Théâtre GérardPhilipe)1991 Chant du Bouc (Théâtre de la Bastille)1994 Choral (Théâtre de la Bastille)1996 Bataille du Tagliamento (Théâtre deGennevilliers)« Sur le motif - Etude sur Ricercar »Travailler sur le motif. C’est une expressiond’Artaud, dans son Van Gogh. Travailler sur le motifrenvoie à l’insistance autour d’un thème,l’indéfiniment répété qui cherche à saisir, par lareprise d’un même trait, l’ensemble de sesvariations. Travailler sur le motif, répéter avecinsistance, découpent un champ de travail où ce quiest à l’œuvre n’est pas l’incertitude de la forme,mais sa conviction, sa détermination,perpétuellement redéfinie, son affirmation dansl’espace créatif de la pensée et de sa mise en acte.Cette recherche, qui peut sembler hésiter, souligne,en réalité, ce qui marque sa valeur, ce qui déterminela puissance de ses possibles. Elle explicite laréalisation méthodique de ses virtualités, larecréation constante de son plan matériel deréflexion. Ricercar, dans l’essence même du motemprunté à l’italien, ne désigne pas seulement unenouvelle recherche, mais la redite de ce qu’elleencercle, sa définition continuellement temporaire.Le travail sur le motif devient le motif de fond, unfondamental qui ne vise que l’objet de sa puissanceet en libère une réponse qui se concentre sur soncaractère immédiat. Une réponse qui, tout en sedessinant comme solution, provisoire, tracel’ensemble des lignes par lesquelles elle crée sesfuites, ses possibilités à venir, ainsi que sasuspension. Ce questionnement indirect ou sousjacentdu mot Ricercar est essentiel en ce qu’il sert àtracer et retracer l’espace, à le remplir et le vider detous côtés — en haut, en bas, en avant, en arrière,en diagonale —, à en constituer le corps, lacorpulence, son irréductibilité à des matières ou àdes manières autres que celles qui surgissent danscette urgence-là, laquelle en fait à la fois un signe,graphique, et un au-delà même du signe, unmouvement, une série en mouvement.(…)Qui regarde et qui voit ? Que regarde-t-on et quevoit-on ? Car la longue-vue perspective de la scène,elle aussi, regarde et voit, elle étincelle dans cerenvoi spéculatif, elle se transforme en une duréeimmédiate et palpable et en une mise en attente oùla question de regarder et de voir résonne de part etd’autre — scène et salle — comme un échopersistant, suspendant alors l’interrogation et saréponse dans le temps le plus long possible deperception et de sensibilisation : comme le tempsd’une pose et d’une prise de vue photographique.C’est le déclenchement d’une mise en attente quiactive à son tour une mise en attention, proprementspéculative, dans tous les sens du mot.(…)Dans Ricercar, l’enjeu est devenu celui d’un partageentre acteurs et spectateurs : on reconnaît ici et là,mais l’important est la condition d’abandon etd’épuisement — comme on épuiserait une matière— que l’action représentée implique pour lesacteurs et pour les spectateurs. L’axe portant de ladramaturgie s’est déporté : la longue-vue de lascène transforme l’œil et la visibilité en unefonction de grossissement ou d’écart et les actionssont jouées en rafales. La scène du Radeau se mue, àtravers l’encastrement progressif de ses plans delumière, en orientations et en désorientationsd’intensités, en une dimension optique et phatique15


qui tend à s’arracher de la fixité scénique vers unétat et une condition qui ne lui appartiennent pas,mais dont elle peut s’emparer, vers une nature —concrète et physique — qui est ici pelliculaire.(…)Tout semble se refermer alors que tout s’ouvre.C’est une structure qui a l’évidence d’une liberté :liberté de la scène par la multiplication des plansqui déjouent la frontalité idéale grâce auxalignements en diagonale ; liberté d’une colonnesonore au corps malléable contre la dureté d’untexte ; liberté de l’action qui n’a plus de comptes àrendre aux contraintes d’un texte ; liberté desparoles d’auteurs — tant dans leur choix que dansleur disposition bourgeonnante. Liberté parallèledes parlers et de la musique, car ils ne se situentplus sur la portée d’une didactique qui souligne,accompagne ou explique en s’appuyant surl’essoufflement historique ou dialectique. Libertéencore du spectateur délivré de l’obligation desuivre la spécificité souvent équivoque des textesécrits pour la scène : il est ainsi entraîné à se perdredans le flux incontinent d’une fable qui, tout enn’étant pas narrative, n’en propose pas moins unparcours fabuleux du théâtre.(…)Ricercar met en scène le théâtre : tout le théâtre,tout du théâtre, par fragments et par détourscontenus ou retenus par les temps et les espaces dutravail, et non plus par le temps ou l’espace de cedont le théâtre se serait emparé.(…)le mouvementdes séquences ne cesse en effet de répéter tous lesétats par lesquels, entre ses formes profanes et sesformes sacrées, entre parvis forain, danse etcabaret, est passée l’élaboration d’une histoire desreprésentations au théâtre. Mais la clarté de cettediction s’occulte subrepticement, esthétiquementet immédiatement dévorée par sa mise en jeu etnon par son récit historique. C’est comme unemémoire sans souvenirs, comme un négatif qui nesera jamais développé que dans le renversementopéré à l’endroit et à l’égard de ceux qui le voient,qui le perçoivent. L’« idéal » ne peut alors devenirqu’un état de bouleversement de la fable qui s’yraconte, de ce qui peut s’y raconter dans lecontemporain, et non dans l’actualité : alors, lespages des auteurs pourraient vouloir dire, elles, unefois encore, qu’elles auraient bien pu être des pagesde théâtre, puisqu’elles actualisaient, en yparticipant, le théâtre du monde.Jean-Paul ManganaroExtrait de Sur le motif- Etude sur RicercarA paraître : François Tanguy et le Radeau (articles etétudes) de Jean-Paul Manganaro<strong>Paris</strong> P.O.L. 200816


Simon McBurneyCompliciteA DisappearingNumber<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>A Disappearing NumberConception et mise en scène, Simon McBurneyConçu par la CompagnieMusique originale, Nitin SawhneyScénographie, Michael LevineLumière, Paul AndersonSon, Christopher ShuttVidéo, Sven Ortel pour MesmerCostumes, Christina CunninghamTraduction des surtitres, Denise LuccioniDistribution en cours<strong>Festival</strong> d’ A u t o mne à P ar isT héât r e N an te r r e- Aman d i e rsdu samedi 27 septembreau vendredi 3 octobre20h30dimanche 15h30,relâche lundiDurée : 1h50Avec sa compagnie Complicite, SimonMcBurney invente depuis vingt cinq ans desspectacles polyphoniques etpluridisciplinaires, mettant les mots, lesimages et les sons au service de la liberté descomédiens.Après notamment les mémorables Mnemonicet The Elephant Vanishes (présenté en 2004 au<strong>Festival</strong> d’Automne avec laMC93 Bobigny), ils’aventure aujourd’hui, avec A DisappearingNumber, dans le domaine des mathématiques,autour de la figure de Srinivâsa Râmânujan:cet Indien,mort en 1920 à l’âge de trente-troisans, défraya la chronique en résolvant leséquations les plus complexes alors qu’iln’avait aucune formation en la matière. Lapièce met en parallèle le récit de la visite queRâmânujan fit au mathématicien GodfreyHarold Hardy à Cambridge, pendant laPremière Guerre mondiale, et les destinées deplusieurs personnages dans le monded’aujourd’hui : un homme d’affaires et unphysicien traquant désespérément le futur,une mathématicienne fascinée par le génie deRâmânujan, un homme pleurant son amourdisparu… Les histoires s’imbriquent et seconfondent pour former une équationvertigineuse, un spectacle en forme d’enquêtepolicière sillonnant les continents et lesépoques. Jouant des corps et d’une multitudede trouvailles formelles, Simon McBurney etComplicite réussissent un tour de force :partir des mathématiques pour cernerl’énigme de la beauté. A DisappearingNumber est une réflexion sur l’obsession dusavoir et de la mémoire, cette poursuite del’infini qui est aussi celle du bonheur.12 € à 25 €Abonnement 8 € et 13 €Spectacle en anglais surtitré en françaisCoproduction Complicite ; Barbican Bite0 ;Wiener Festwochen ; Holland <strong>Festival</strong> ;Ruhrfestspieleen association avec le Theatre Royal Plymouth.Coréalisation Théâtre Nanterre-Amandiers ;Ce spectacle a reçu en 200 le Laurence OlivierAward for Best New Playavec le soutien du British Council et de l’OndaManifestation présentée dans le cadre de laSaison culturelle européenne en France(1er juillet – 31 décembre 2008 )Contacts presse :<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort, Margherita Mantero01 53 45 17 13Théâtre Nanterre-AmandiersDamien Trescartes01 46 14 70 3017


Simon McBurneyIl a étudié à Cambridge et a suivi une formation decomédien à <strong>Paris</strong>. Il a tenu de nombreux rôles pourle théâtre, la radio, le cinéma et la télévision. Enparticulier dans des longs-métrages comme SleepyHollow, Kafka, Tom and Viv, Being Human, Mesmer,The Ogre, La Cousine Bette, Oneguine, Eisenstein,Skaggerak (Dogme) et Bright Young Things. Plusrécemment The Human Touch, The Reckoning et TheManchurian Candidate réalisés par JonathanDemme. Co-fondateur et directeur artistique deComplicite, il a conçu, mis en scène et joué plus detrente créations de Complicite et a collaboré àdivers projets dont The Vertical Line (La ligneverticale) avec John Berger créé pour Artangel dansla station de métro Aldwych à Londres, French andSaunders Live en 2000, La résistible ascensiond’Arturo Ui de Bertolt Brecht à New York avec AlPacino dans le rôle titre, et le début au West End deLenny Henry, So Much Things To Say. PourComplicite, il a récemment mis en scène Mesurepour Mesure de Shakespeare au National Theatre etÉtrange Poésie, créé pour l’OrchestrePhilharmonique de Los Angeles.CompliciteFondé en 1983 par Simon McBurney, Annabel Ardenet Marcello Magni, Complicite a réalisé plus detrente créations. Ses spectacles ont tourné dans lemonde entier et ses succès lui ont valu denombreux prix internationaux. En France,Complicite a été découvert par Peter Brook qui aprésenté en 1995 aux Bouffes du Nord The ThreeLives of Lucie Cabrol. Mnemonic a été programmédeux fois à la MC93 Bobigny en février 2001, puis endécembre 2002. Ce spectacle exceptionnel a reçu unaccueil enthousiaste du public et a été couronnénotamment par les Prix du Syndicat de la critique2001 (meilleur spectacle étranger) du Time-Out LiveAward et du Drama Desk Award. En 2004, Complicitefête ses 21 ans. Groupe en constante évolutiond’interprètes et de créateurs dirigé aujourd ’hui parSimon McBurney, le travail de Complicite s’étend del’adaptation de récits et de nouvelles à larevitalisation des classiques, ou à la créationcollective d’œuvres majeures telles queMnemonic.Tout en multipliant ses approches decréation, la compagnie recherche des points deconvergence entre les différents arts, afin de créerune polyphonie qui résulte de l’imbrication destextes, des images et de la musique. Ces rencontresfavorisent le développement sur scène d’une actiondramatique vivante et inventive qui dérange leshabitudes, bouscule les modes conventionnels depensée. On ne peut exagérer la part deresponsabilité qu’ont les comédiens dans ce type detravail ; ils apportent tout à la pièce. Au départ, ils’agissait surtout de fournir le contexte quipermettrait à la compagnie de prendre son envol.Une atmosphère d’encouragement et de liberté estessentielle. Le processus de la collaborationnécessite d’être accessible, et exige du temps, de laconfiance, de la patience, de l’ouverture, de laconcentration et de la créativité.Le spectacle The Elephant Vanishes s’intègre à unensemble d’œuvres comme The Street of Crocodilesd’après les récits de Bruno Schulz (Royal NationalTheatre, tournée mondiale et reprise dans le WestEnd londonien); Les Chaises d’Ionesco (Royal CourtTheatre et Broadway); The Three Lives of LucieCabrol, d’après un récit de John Berger (tournéemondiale); Le Cercle de craie caucasien de Brecht(National Theatre et tournée mondiale); ÉtrangePoésie en collaboration avec l’OrchestrePhilharmonique de Los Angeles au Walt DisneyConcert Hall (janvier 2004), Mesure pour Mesure auNational Theatre, Londres (2004), la reprise de TheNoise of Time d’après Dimitri Chostakovitch avecl’Emerson String Quartet à Moscou et au PalaisGarnier à <strong>Paris</strong> (juin 2005).Site Internet : www.complicite.org18


Entretien avec Simon McBurneyAvec Complicité, vous avez été l'un des pionniersd'un théâtre « multimédia », utilisant la technologieet favorisant la pluridisciplinarité : quel sensdonnez-vous à votre travail aujourd'hui, où ce genrede pratiques s’est beaucoup répandu, et où ledéveloppement des nouveaux médias induit denouveaux modes de réception des œuvres d'art ?Simon McBurney : « Votre question en contient uneautre : qu’est-ce que la technologie ? et qu’est ceque la “pluridisciplinarité” ?Mon père était archéologue, et je me rappelle qu’ilfaisait constamment référence aux avancées“technologiques” comme marqueurs desdifférentes phases du développement del’humanité. Il brandissait alors deux outils en silex,et nous démontrait l’avancée technologiquequ’impliquait la différence entre l’un et l’autre.La technologie humaine change en permanence.Ces changements conditionnent notre culture. Ledéveloppement de certaines technologies lithiquesa bouleversé les sociétés dans leur ensemble. Lacueillette a ouverte la voie à l’agriculture. Etl’arrivée du métal, du cuivre et du fer, a jeté lesbases d’avancées incroyablement rapides. Lespremières villes furent créées.Le nombre des changements a continué à croître demanière exponentielle – et jamais aussi rapidementqu’avec la révolution technologique que nousvivons actuellement. Un jour, on ne considéreraplus la révolution industrielle – dont est issu lemonde tel que nous le connaissons aujourd’hui –que comme un simple phénomène précurseur decette révolution bien plus complexe et bien plusvaste de l’ère digitale.Au théâtre, nous sommes comme des pies voleuses.Nous utilisons tous les moyens à notre dispositionpour communiquer. Je suis sûr que la première foisque les hommes ont raconté des histoires, ce fut lanuit. Auprès d’un feu. Et que la lueur de celui-ci étaitun stimulant essentiel à l’acte d’imagination. Dèsque l’électricité a été inventée, nous l’avons utiliséeau théâtre. Pour éclairer. Pour émouvoir. Pour fairese mouvoir l’imagination du public.Le théâtre a toujours été une forme“multidisciplinaire”, qui se sert d’outils pour opérerdes transformations. Les gens deviennent desmarionnettes, les visages des masques, les gestesune chorégraphie. Pour transformer le quotidien enmerveilleux, pour faire de nos actes de tous lesjours un geste épique. Afin d’y parvenir, nous avonsbesoin de contrôler nos outils. Savoir manipuler unemarionnette, savoir porter un masque – tout cela,au service de l’histoire qui est racontée.Il en va de même pour moi : pour raconter unehistoire, j’utilise aussi tout ce qui se trouve à portéede main. Quel que soit l’outil, quelle que soit latechnologie, qu’il s’agisse de la vidéo, du sonenregistré, de la lumière électrique. Mais ce qui estessentiel ici, c’est que la technologie en elle-mêmen’est pas importante. Elle reste et restera toujoursun outil. L’essentiel, c’est l’histoire que vousracontez, ce que le public voit. Parce qu’à la fin, lethéâtre n’existe que dans l’imagination duspectateur.Pourquoi avoir choisi la figure de SrinivâsaRamanujan et le monde des mathématiques commepoints de départ de ce spectacle ? Et pourquoi cetitre : A Disappearing Number ?Simon McBurney : « Quand on m’interroge ainsi surl’origine d’un spectacle, j’ai du mal à savoir par oùcommencer. Parce que je ne sais jamais exactementoù se situe le commencement. Quelquecommencement que ce soit. Je crois que l’idéemême d’un commencement est une illusion. Celacommence-t-il avec le premier acteur sur la scène ?Avec le lever du rideau ? Au moment où lesspectateurs pénètrent dans la salle ? Au moment oùils décident d’aller au théâtre ?La réponse la plus simple à votre question est quel’on m’a donné un livre. La personne qui me l’adonné était un écrivain et un ami, Michael Ondaatje.Ce livre, c’était L’Apologie d’un mathématicien de G.H. Hardy.Ce qui m’a frappé lorsque je l’ai lu, c’est qu’au lieud’avoir trait aux mathématiques, je me suis aperçuque ce livre parlait de la créativité, de toutes lesformes de créativité. Et c’est là que c’est devenuexcitant : lorsque j’ai réalisé que le bond del’imagination qui se produit lorsque l’on crée uneœuvre d’Art est le même que celui que connaissentles mathématiciens lorsqu’ils recherchent denouveaux “patterns”. “Patterns”, c’est le mot clé : unmot intraduisible en français, tout comme le motélan est intraduisible en anglais. Il y a bien sûr deséquivalents, mais aucun n’est vraiment exact. C’estpourtant la clé de la raison pour laquelle j’ai choisice sujet et l’histoire de Ramanujan. Il me semblaitque le pattern de l’histoire avait tellement derésonances. Non seulement des résonancessociales, historiques et mathématiques, mais aussides résonances plus personnelles et pluscontemporaines. Et, à la manière d’unmathématicien décidant que l’une de ses pistes derecherche est celle qu’il faut suivre, toutsimplement parce qu’il a le sentiment que c’estjuste, j’ai suivi cette histoire, simplement parce queje sentais que c’était ce qu’il fallait faire.Quant au titre, il provient d’une conversation avecl’écrivain John Berger. Nous regardions une photode Ramanujan. Ses yeux, en particulier. John a écritquelque chose.Il disait : “Ramanujan a les yeux d’un homme quiregarde intensément quelque chose en train dedisparaître. Mais dans cette disparition, il yl’attirance d’une apparition. Les mathématiquesseraient-elles la résolution de ce paradoxe ?” De làest venu le titre.Comment construisez-vous vos spectacles –comment, ici, s'est faite l'articulation entre l'aspectvisuel, la composition musicale de Nithin Sawhneyet l'écriture du texte ?Simon McBurney : « Je répondrai : avec difficulté. Carje suis avant tout un storyteller. Et comme tous lesstorytellers, j’entends le rythme de l’histoire commecelui d’un morceau de musique, et la musique faitdonc partie de cela. Comme tous les storytellers, jesais que je veux amener les spectateurs à voirquelque chose “à l’intérieur d’eux-mêmes” – et lecontenu visuel de la pièce est là dans ce but. Et toutpart de l’écriture et revient à l’écriture : par“écriture”, je n’entends pas seulement les mots,19


mais la signification de ce que l’on montre. Rien,dans une bonne histoire, n’est décoratif. Ladécoration ne m’intéresse pas. Ce qui m’intéresse,c’est ce qui émeut les gens.Vous avez imbriqué l'histoire de la rencontre entreRamanujan et G.H. Hardy à Cambridge avec quatrehistoires se déroulant dans le monde contemporain,sur différents continents : qu'avez-vous essayé defaire avec ce spectacle ?Simon McBurney : « Au sujet des différenteshistoires qui se dénouent en même temps, parfois,les gens me demandent si cela n’engendre pas de laconfusion. Je crois qu’aujourd’hui, nous sommesenvironnés de plus de fiction que nous n’en avonsjamais connue dans l’histoire ou la préhistoire.Avant même de sortir de chez soi, on a déjà croisédes dizaines d’histoires. Et on en croise des dizainesd’autres en marchant dans la rue : des gens qui nousentourent, des affiches publicitaires ou des écransde télévisions que nous voyons se dégagent destorrents de fiction ; tout au long de la journée ;chaque jour.Nos cerveaux ont appris à naviguer dans ce mondefantastiquement complexe, ce monde aux millehistoires dans lequel nous vivons. Nous pouvonsétablir des rapprochements. Relier des choses etconstruire des patterns, des modèles : car en lefaisant, nous donnons du sens à tout cela. Et endonnant du sens, cela nous apparaît comme untout. De même, lorsque nous mettons ensemble ceshistoires, les rapports sont parfois évidents. Maisparfois, ils se contentent de “carillonner” : celapermet au spectateur de créer ses propres modèlesà partir de ce que nous lui montrons.Je ne cherche jamais à expliquer quoi que ce soit aupublic. Je veux l’inviter à un voyage. Et j’aimeraisqu’il en retire ce que l’on retire de tout voyage, àpartir du moment où l’on en fait partie : despanoramas magnifiques, des perspectiveschangeantes, différentes conditionsmétérologiques, un sens du paysage et du drame.Autant de choses qui sont des réactionsconscientes. Mais comme dans tout voyage, il sepasse aussi quelque chose d’autre. Quelque chosequi dépasse les mots. Quelque chose d’inconscient.Et ce que j’espère toujours, c’est que ce quelquechose puisse toucher les gens d’une manière qu’iln’arriveront jamais à décrire, et les accompagner, dequelque façon que ce soit, aussi infime cela fût-il,pour toujours. »Propos recueillis par David Sanson20


Horiza HirataTokyo NotesTokyo NotesTexte et mise en scène, Oriza HirataTraduction française, Fose-Marie Makino-FayolleScénographie, Itaru SugiyamaLumière, Tamotsu Iwakiavec Makoto Adachi, Kenichi Akiyama,Mami Goto, Yoko Hirata, Tatsuya Kawamura,Hiroko Matsuda, Shu Matsui, Miyuki Moriuchi,Mizuho Nojima, Umi Ngano, Koji Ogawa,Yuri Ogino, Tadashi Otake, Hiroshi Otsuka,Hiroshi Ota, Haruka Saito, Mizuho Tamura,Minako Tsuji, Takako Yamamura, Kenji Yamauchi<strong>Festival</strong> d’ A u t o mne à P ar isT héât r e 2Ge nne v i l l i e rsdu vendredi 10 octobreau dimanche 19 octobre20h30dimanche 12 à 16h et 19hdimanche 19 à 16hrelâche lundidurée : 1h30Écrit en 1994, Tokyo Notes est l’un des textesles plus réputés du prolifique et passionnantOriza Hirata, auteur d’une trentaine de pièces,mais aussi metteur en scène, théoricien duthéâtre, directeur de compagnie, et friand detoutes les expériences depuis qu’il fit en 1978,à seize ans, le tour du monde à bicyclette.L’action se déroule à l’intérieur d’un muséed’art de Tokyo, dans un futur que l’on imagineplus ou moins proche, tandis qu’à l’autre boutdu monde, une vaste guerre civile déchirel’Europe : vingt personnages vont s’y croiserpour évoquer leur quotidien, leur couple, leurfamille ou leur avenir, avec cette économie demots, cette langue elliptique qui caractérise lethéâtre d’Oriza Hirata. Une langue que l’on apu parfois relier à la poésie du haïkaï – mêmesi l’influence de la culture traditionnellejaponaise reste très diffuse chez cet artistequi se dit bien davantage imprégné demodernité occidentale. C’est sous l’égide deVermeer et d’Ozu que Hirata a voulu placer cetexte qu’il met lui-même en scène. Avec ceplateau où tant d’histoires fourmillent, TokyoNotes impressionne par sa manière de capterla vie en la laissant se dérouler, et en invitant ày déplacer son regard ; par sa façon de direl’essentiel en affectant de ne parler de « rien »,d’évoquer en creux les sujets les plus graves,derrière une apparence de simplicité et desubtile étrangeté.11 € à 22 €Abonnement 11 € et 15 €Spectacle en Japonais surtitré en françaisCoréalisation Théâtre2Gennevilliers<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>avec le soutien de Nomura, de la FondationFranco-Japonaise Sasakawa et de la Fondationpour l’étude de la langue et de la civilisationjaponaises agissant sous l’égide de la Fondationde FranceDans le cadre du 150e anniversaire des relationsfranco-japonaisesle texte original en japonais traduit par Rose-MarieMakino-Fayolle est publié auxéditions les Solitaires IntempestifsContacts presse :<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort, Margherita Mantero01 53 45 17 13Théâtre2GennevilliersPhilippe Boulet01 41 32 26 2321


Oriza HiratabiographieNé en 1962, il est diplomé de l'InternationalChristian University. Depuis 1995, il reçoit plusieursprix de théâtre pour ces pièces, telles que TokyoNotes (1995), Tsuki no Misak(1998) écrit parMasataka Matsuda, Ueno dobutsuen sai-sai-saishugeki(2002), Sonokawa wo Koete, gogatsu(2003).A présent, Hirata est professeur du CentreUniversitaire d'Osaka en communication-design,directeur artistique du Centre Culturel FujimiKIRARI FUJIMI. Il est aussi membre de l'équipeéditoriale des livres d'écoles japonais pour lamaison d'édition Sanseido, du jury de la Fondationdu Japon pour les activités artistiques régionales,de la Fondation japonaise des arts du spectacle, dela Société japonaise pour la recherche théâtrale, del'Association des écrivains de théâtre du Japon et dela Fondation du Japon pour le Conseil sur leséchanges culturels Nippo-Coréen.D'autre part, "Le Théâtre Komaba Agora" dont Hirataest directeur est non seulement le lieu de résidencede Seinendan,mais aussi un lieu d'expérimentationdu théâtre contemporain où les compagnies de toutle Japon et des pays étrangers se retrouvent, etdéveloppent les uns les autres des relations entreeux. Hirata développe des relations internationalesavec la France, la Corée du Sud, l'Australie, les Etats-Unis, l'Irlande et le Canada par l'intermédiaire deprojets d'ensemble et de stages. Des collaborationsont été décidées avec la France, la Corée du Sud etla Belgique à partir de 2008.Hirata est professeur de théâtre à l'universitéd'Obirin depuis 2000 et défriche de nouveauxchemins dans le domaine de l'éducation théâtrale,en l'ouvrant à la société civile. Depuis 2006, il sedéplace au Centre de la communication del'université d'Osaka et recherche la convergenceentre la société et le théâtre.Entretien avec Oriza HirataQuelle a été l’idée de départ de la pièce ? Pourquoicette idée d’une guerre qui se déroule en Europependant que vos (nombreux) personnages parlent ?Oriza Hirata : « Mon idée était de créer un spectaclethéâtral qui serait une version moderne du filmVoyage à Tokyo. J’ai réfléchi pour arriver finalementau musée d’art comme lieu de la rencontre entre lafille aînée et ses frères. Dans le film d’Ozu, qui a ététourné il y a cinquante ans, le lieu de rencontre étaitun grand magasin. Mais maintenant, vous trouvezdes grands magasins dans n’importe quelle ville deprovince au Japon. J’ai donc choisi un petit muséetrès chic, parce que l’on peut rarement trouver cetype de musée en province. En même temps, je mesuis rendu compte que les gens ne parlent pasbeaucoup dans les musées, et j’ai été obligéd’inventer un sujet de conversation : ce contexted’une guerre éclatant en Europe.Outre Voyage à Tokyo, vous dites vous être inspiréégalement de la peinture Vermeer : comment cettedouble paternité est-elle à l’œuvre dans TokyoNotes ?Oriza Hirata : « De Voyage à Tokyo, j’ai retenu lasituation : les retrouvailles à Tokyo d’une famille quin’est plus la même que par le passé. J’ai appris d’Ozula façon de découper le temps, et de Vermeer lafaçon de découper l’espace. Le théâtre enferme(dans le théâtre) l’espace et le temps, qui est paressence infini. Nous y sommes facilementindifférents puisque nous travaillons sur l’espace àtrois dimensions, mais j’en suis conscient grâce auxartistes qui travaillaient sur l’espace à deuxdimensions.Cette pièce vous a valu un grand succès, au Japoncomme en Europe : avez-vous noté des différencesdans les réactions du public d’un continent àl’autre?Oriza Hirata : « Je ne trouve pas qu’il y ait de grandedifférence. Je crois que l’atmosphère du théâtrechange selon le jour de la représentation beaucoupplus que selon le continent ou le pays. Je merappelle tout de même d’une tournée en Australieoù à chacune de nos représentations, le public étaithilare.Avec votre compagnie Seinedan et votre ThéâtreKoama Agora, vous multipliez les coopérations avecdes pays étrangers – en particulier la Corée du Sudet la France…?Oriza Hirata : « J’essaie simplement de répondre auxdemandes. Il n’y a aucune intention ni butparticulier à cela. Mais je suis toujours très excité,en tant que metteur en scène, d’avoir plusieurslangues sur un plateau : c’est comme si la musiquedevenait plus intéressante, comme si, dans unorchestre ou un groupe de jazz, il y avait davantaged’instruments. »Propos recueillis par David SansonTraduction : Sachiko Sawaï-Nishio22


Christoph MartalerPlatz MangelPlatz MangelMise en scène, Christoph MarthalerScénographie, Frieda SchneiderCostumes, Sarah SchittekLumière, Ursula DegenDramaturgie, Stefanie Carp, Malte UbenaufRépétitions musicales, Christoph Homberger,Jan Czajkowskiavec Catriona Guggenbühl, Katja Kolm, BettinaStucky, Raphael Clamer, Ueli Jäggi, JürgKienberger, Bernhard Landau, Josef Ostendorf,Clemens Sienknecht<strong>Festival</strong> d’ A u t o mne à P ar isMc 9 3 B o b i gnydu jeudi 16 octobreau dimanche 19 octobre20h30samedi 15h30 et 20h30,dimanche 15h3017 octobre rencontre avec les artistes à l’issue dela représentationDurée : 2h12 € à 25 €Abonnement 12 € et 15 €spectacle en allemand surtitré en françaisProduction rote Fabrik Zürich ; GmbhCoproduction Wiener Festwochen ; MigrosKulturprozent ; Bitef Theatre- 2bITeF0 ;Theater Chur u.a.Unterstützt ;<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>/MC Bobigny ;Théâtre Garonne/Toulouse ; Théâtre de Nîmesavec l’aide de Pro Helvetia ; Stadt Zürich Kultur ;Fachstelle Kultur Kanton Zürich ; Ernst GöhnerStiftungavec le soutien de l’OndaManifestation présentée dans le cadre de laSaison culturelle européenne en France(1er juillet - 31 décembre 2008 )Platz Mangel (« Manque de place »), la dernièrecréation en date de Christoph Marthaler –avec laquelle il fit, fin 2007, un retourtriomphal à Zürich, d’où il était parti trois ansauparavant, a pour cadre une luxueusemaison de repos qu’un funiculaire relie aumonde extérieur : c’est la « Clinique des hautset des bas », dont la terrasse ensoleillée estsuspendue entre ciel et terre – entre lamontagne et la vallée, l’hier et le lendemain,entre la vie et la mort. Dans ce décord’apparence idyllique, des patients préparent– patiemment, forcément – leur retour à la viesociale, entre deux visites du médecin chef:réunis devant nous, les acteurs familiers dumetteur en scène, arborant peignoirimmaculé ou lunettes de soleil, concluent descontrats d’assurance absurdes, écoutent deslectures sur l’esprit divin ou se perdent enpalabres dérisoires entre deux séances deremise en forme intensive. Comme toujours,Platz Mangel est rythmé par une musiqueomniprésente, interprétée par un duo demulti-instrumentistes qui, sur scène, font secôtoyer joyeusement les maîtres anciens (lesLieder de Schubert ou Mahler) et les tubespopulaires, de Modern Talking à BrigitteBardot. Sous le regard terriblement aigu deMarthaler, le bien-être se rapprochedangereusement du néant, et ce retour à unevie d’insouciance et d’aisance prend desallures d’aller simple vers la mort : et si cepetit paradis des montagnes suisses était aucontraire l’antichambre de l’Enfer ?Contacts presse :<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort, Margherita Mantero01 53 45 17 13MC93 / BobignyMarie-Hélène Arbour06 85 91 70 9923


Christoph MarthalerbiographieNé en 1951 à Erlenbach, Christoph Marthaler,musicien de formation, intègre un orchestre commehautboïste. Il suit également l’enseignement deJacques Lecoq à <strong>Paris</strong>. Ses premiers contacts avec lemonde du théâtre se font par la musique : dix ansdurant, Marthaler compose des musiques pour desmetteurs en scène, à Hambourg, Munich, Zurich etBonn. En 1980, il réalise avec des comédiens et desmusiciens son premier projet, Indeed, à Zurich. En1989, il crée une Soirée de chansons à soldats : œuvreindéfinissable, entre performance, musique etthéâtre. Des soldats suisses assis, quasimentimmobiles, entonnent en boucle, au bout d’un quartd'heure Die Nacht ist ohne ende (La nuit est sans fin).La même année, il rencontre la scénographe etcostumière Anna Viebrock qui signera à partir de làpratiquement tous les décors et costumes de sesspectacles. Suivent les mises en scène de L'Affaire dela Rue de Lourcine de Labiche (1991), Faust, unetragédie subjective, d'après le Fragment-Faust deFernando Pessoa (1992) et Prohelvetia (1992). En 1992,Marthaler monte une soirée patriotique, Murx denEurapäer ! Murx ihn ! Murx ihn ! Murx inn ab !(Bousille l'Européen...!) à la Volksbühne de Berlin etLe Faust racine carré 1+2, une adaptation du texte deGoethe, à Hambourg. De 1994 à 2000, il crée entreautres au théâtre et à l'opéra : La Tempête devantShakespeare - le petit Rien (1994), Pelléas etMélisande de Debussy et L'Heure zéro ou l'art deservir (1995), Luisa Miller de Verdi, Pierrot Lunaire deSchönberg et Casimir et Caroline de Horváth (1996),Fidelio de Beethoven et Les Trois soeurs de Tchékhov(1997), La Vie <strong>Paris</strong>ienne d'Offenbach et KatiaKabanova de Jánacek (1998), Les Spécialistes et HôtelBelle Vue de Horváth (1999), 20th Century Blues etL'Adieu de Rainald Goetz (2000). En 2000, Marthalerprend la direction du Schauspielhaus de Zurich avecla dramaturge Stefanie Carp et y met en scènenotamment La Nuit des rois de Shakespeare, La BelleMeunière de Schubert, Aux Alpes de Jelinek, La Mortde Danton de Büchner et les projets Hôtel Peur etGroudings, une variante d'espoir. II quitte ladirection du Schauspielhaus Zurich en 2004 ettravaille depuis à nouveau comme metteur en scèneindépendant.En 2006, il crée wich Only au Kunsten <strong>Festival</strong> desArts de Bruxelles.En 2007, Christoph Marthaler réactualise LesLégendes de la forêt viennoise de Odön von Horváthen collaboration avec la décoratrice Anne Viebrock,qu’il présente au <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>.Christoph Marthaler au <strong>Festival</strong> d’Automne :1995 : Murx den Europäer! Murx ihn! Murx ihn! Murxihn ! Murx ihn ab ! Ein patriotischer Abend !2003 : Die schöne Müllerin (La Belle Meunière) deFranz Schubert2007 : Geshichten aus dem Wienerwald ( Légendes dela forêt viennoise)24


Bélà PinterL’Opéra paysanL’Opéra paysanTexte et mise en scène, Béla PintérAssistante à la mise en scène, Krisztina KovácsDécors, Péter HorgasCostumes, Mari BenedekLumière, Zoltán VidaMusique, Benedek DarvasAssistants, Szilvia Matók, Andrea PassTechniciens, János Rembeczki, Tamás KulifayRépétiteur, Bea EreczMusiciens, Benedek Darvas, lászló Nyíri, Gábor Pelva,György Póta, Bertalan Veéravec Béla Pintér, József Tóth, Szilvia Baranyi, Éva Enyedi,Sarolta Nagy-AbonyiSándor Bencze, Tünde Szalontay, Szabolcs Thuróczy,Tamás Deák`Issu du champ de la danse et de laperformance et formé au fameux théâtreSzkéné de Budapest, Béla Pintér est, avecÁrpád Schilling, l’un des représentants de lanouvelle génération du théâtre hongrois.L’Opéra paysan est l’une de ses productionsles plus emblématiques, tissant traditionspopulaires et savantes, articulant le théâtrepostmoderne à une dimension vernaculaire.Sur scène, un mariage se prépare à lahâte,mais l’harmonie va tout aussirapidement se dérégler, à mesure que lespéripéties du drame viennent mettre à joursecrets de famille ou d’alcôve. Le livret,librement inspiré de L’Opéra des gueux deJohn Gay, voit alterner des récitatifsaccompagnés au clavecin, et des arias quisont en réalité des chants populaireshongrois : s’il respecte l’unité stylistique del’opéra baroque, cet Opéra paysan y introduitde bruyants contrastes, comme aurait ditBéla Bartók, en célébrant le mariagepassionnel entre la tradition et le folklore.Usant de moyens tout à fait contemporains,questionnant les notions d’authenticité et depastiche, la nature même de l’art, Béla Pintéraborde les thèmes fondateurs de la tragédieavec un talent aigu de portraitiste,maissurtout avec un grand sourire.<strong>Festival</strong> d’ A u t o mne à P ar isT héât r e d e l a C i té I n te r nati o naledu jeudi 16 octobreau mardi 21 octobre20h30relâche dimanche17 octobre : rencontre avec les artistes à l’issue dela représentationdurée : 1h1210 € à 21 €Abonnement 10 € et 12,50 €Spectacle en hongrois surtitré en françaisProduction Compagnie Béla PintérPremière représentation en France <strong>Festival</strong> Passages 07/Nancy avec le Szkene Theatre. avec le soutien de l’OndaCoréalisation Théâtre de la Cité Internationale, <strong>Festival</strong>d’Automne à <strong>Paris</strong>Manifestation présentée dans le cadre de la Saisonculturelle européenne enFrance (1er juillet – 31 décembre 2008 )Contacts presse :<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort, Margherita Mantero01 53 45 17 13Théâtre de la Cité InternationalePhilippe Boulet06 82 28 00 4725


Bélà PinterBiographieActeur, metteur en scène et auteur, Béla Pintér estné en 1970 à Budapest. En 1987, il fait ses débutsd’acteur dans la troupe de théâtre indépendanteArvisura, puis dans d’autres troupes du circuitalternatif. En 1998, il crée sa propre compagnie auSzkéné Theater : Béla Pinter & Company.Dès ses premières tentatives d’écriture et de miseen scène, la compagnie remporte à trois reprises lePrix de la critique hongroise de 1998 à 2000. Bourseset prix se succèdent jusqu’en 2003, année où BélaPintér intègre le Théâtre National Hongrois commemetteur en scène invité. L’Opéra Paysan(2002) etDievouchka (2003) lui permettent depuis 2004 d’êtreinvité et reconnu à l’étranger.Depuis 2005, il enseigne également à l’Académie duthéâtre et du film de Budapest.Entretien avec Bélà PinterVous êtes issu du champ de la danse et de laperformance: comment diriez-vous que cela ainfluencé votre manière de faire du théâtre ?Béla Pinter : « Avant de fonder ma compagnie, j’aijoué dans toutes sortes de spectacles, du théâtrealternatif et expérimental aux cabarets classiques,en passant par la danse contemporaine. D’un autrecôté, je me passionne pour la musique et la dansefolkloriques hongroises, dont je possède une bonneconnaissance. L’influence de mon expérience dansle domaine de la danse était surtout perceptiblemon premier spectacle, Common Bondage. Depuislors, le texte et la narration, la musique et le chantont occupé dans mes projets une place au moinsaussi importante. Quoi qu’il en soit, j’accordetoujours de l’attention aux mouvements desacteurs – et tous les gestes qui ressemblent à de ladanse dans mes spectacles sont précisémentchorégraphiés, même si c’est de manière trèssimple.Quel a été le point de départ de cet Opéra paysan ?Cherchiez-vous d’abord à écrire un opéra, ou àtravailler sur ce texte de John Gray ?Béla Pinter : « L’Opéra paysan fait partie desspectacles dont la forme a inspiré le sujet. Jecherchais à utiliser certaines lamentations de lamusique folklorique transsylvanienne commelignes directrices de la dramaturgie. Je connais aumoins 200 chants traditionnels : j’en ai choisiquelques-uns, qui sont devenus les arias – cesparties durant lesquelles les personnages setournent vers le public pour chanter leurs peines,exprimer leurs émotions profondes. Pour écrire lesrécitatifs, nous avons utilisé de la musique baroquepour cordes – dans ce cas, le texte est venu enpremier, à partir duquel Benedek Darvas a ensuitecomposé la partition. Même si nous chantonspendant toute la durée du spectacle, nous neconsidérons pas celui-ci comme un opéra, maisplutôt comme une pièce de théâtre d’un typeparticulier, dans lequel la musique serait utiliséepour rehausser, élever des situations réalistes. Celan’a rien à voir avec L’Opéra des mendiants de JohnGray.Pourquoi avoir alors choisi la structure de l’opérabaroque ?Béla Pinter : « La musique instrumentale pourcordes de Transsylvanie tire son origine du baroque.C’est pourquoi les deux matériaux musicaux quiconstituent la pièce, en apparence si différents – leschants folkloriques des arias et le reste de lamusique –, finissent par former une pièce musicalehomogène. L’Opéra paysan est une pièce-clé dans letravail de notre compagnie, mais aussi dans lepaysage théâtral hongrois – une expérience quin’avait jamais été tentée jusque-là.Vous avez déclaré un jour que « c’est à travers lecomique et l’ironie que nous pouvons fairel’expérience du tragique » : dans quelle mesure celas’applique-t-il pour le présent spectacle ?Béla Pinter : « Depuis l’Antiquité grecque,noussavons que le pur tragique peut fonctionner aussitrès bien. Dans notre théâtre, le public riebeaucoup, mais vers la fin, ces rires commencent àse glacer, à se figer : ce mélange entre le comique etle tragique est une caractéristique de notre travail,que nous avons utilisée également pour L’Opérapaysan. Maheureusement, une partie desspectacteurs a cru qu’il s’agissait d’une simpleparodie d’opéra – dans leur cas, notre proposartistique n’a pas atteint son but.Comment travaillent un metteur en scène et unecompagnie de théâtre en Hongrie aujourd’hui ?Quelle résonance votre travail peut-il revêtir dans lecontexte d’une Union européenne élargie.Béla Pinter : « Nous travaillons dans une petite salle:parmi toutes les troupes qui l’occupent, noussommes celle qui joue le plus souvent et dont lesspectacles attirent le plus de spectateurs. Même sinous avons gagné de nombreux prix et si notrecompagnie est considérée comme l’une desmeilleures de Hongrie, nous sommes enpermanence en situation de crise financière. Nossubventions ne représentent que la moitié de cedont nous aurions besoin, et il n’y a aucun espoirpour que cette situation change dans le futur. Lesacteurs de la compagnie sont obligés d’accepter denombreux petits boulots, ce qui ne facilite pas notreprocessus de travail – sans pour autant que celadiminue la qualité artistique de ce que nous faisons.Ecoutez la musique folklorique transylvanienne :vous y découvrirez des motifs roumains, tziganes,juifs, serbes, saxons, arméniens – sans parler desinfluences baroques que j’ai déjà évoquées. Du faitde sa situation géographique et de sa fermeture surl’extérieur, durant l’ère Ceausescu, la musiquefolklorique est restée quasiment en l’état. RegarderL’Opéra paysan, c’est avoir une vision fugitive del’Europe des temps passés. En outre, l’histoire – quijoue avec le motif du migrant – pourra semblerfamilière à un public français, si l’on songe parexemple à une pièce telle que Le Malentendud’Albert Camus. Je pense que L’Opéra paysan, toutcomme le reste de nos spectacles, est aussicompréhensible dans un contexte européen quedans un contexte hongrois. »Propos recueillis par David Sanson26


Teatro SfumatoTrilogie AugustStrindbergJulie, Jean et KristineD’August StrindbergMise en scène, Margarita MladenovaScénographie et costumes, Daniela Oleg LiachovaMusique, Assen Avramovavec Albena Georgieva, Hristo Petkov, Miroslava GogovskaFes tiv al d’A uto mne à <strong>Paris</strong>Thé âtre de l a Bas till edu lundi 20 octobreau dimanche 26 octobreFondé à Sofia par Margarita Mladenova et IvanDobchev, le Teatro Sfumato se conçoit depuis1989 comme un « laboratoire artistiqued’innovation théâtrale ». La trilogie Strindbergqu’ils proposent est typique de leur volontéd’aborder le répertoire par un travailapprofondi sur un corpus de textes ou sur unauteur. Comme ils l’avaient fait notammentavec l’oeuvre de Tchékhov,MargaritaMladenova et Ivan Dobchev creusentaujourd’hui l’univers de Strindberg, révélantson oeuvre en l’excavant, l’envisageantcomme annonciatrice d’une humanitécontemporaine en passe de saper ses propresfondations.Pour Sfumato, le théâtre de Strindberg,puissant révélateur de ce qui est occulté ououblié, est une mise en garde contrel’amnésie.Derrière le naturalisme de Mademoiselle Julie(1888), ici renommée Julie, Jean etKristine,premier volet de ce triptyque, se joue unedanse entre Eros et Thanatos : c’est uneplongée du côté obscur de la forced’attraction amoureuse, une quête aussidésespérée que destructrice dont l’uniqueissue est la mort. En revisitant ce texte devenuclassique, implacable récit du jeu de laséduction qui rapproche, l’espace d’unesoirée, une jeune comtesse et sondomestique, Sfumato sonde l’ambigu etl’inéluctable, nous renvoie au visage noscomplexes et nos paradoxes.19h (Salle du haut)dimanche 15hrelâche jeudidurée : 1h3013 € et 20 €abonnement 13 €spectacle en bulgareProduction Teatro Sfumato – SofiaCoréalisation Théâtre de la Bastille,<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>La trilogie Strindberg reçoit le soutien de l’Onda.Manifestation présentée dans le cadrede la Saison culturelle européenne en France(1 er juillet – 31 décembre 2008)Contacts presse :<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort, Margherita Mantero01 53 45 17 13Théâtre de la BastilleIrène Gordon01 43 57 78 3627


Teatro SfumatoTrilogie AugustStrindbergLa Danse de mortD’August StrindbergAdaptation et mise en scène, Margarita MladenovaScénographie et costumes, Daniela Oleg Liachovaavec Svetlana Yancheva, Vladimir Penev, Tzvetan AlexievFes tiv al d’A uto mne à <strong>Paris</strong>Thé âtre de l a Bas till edu lundi 20 octobreau mercredi 22 octobreAvec La Danse de Mort (1900), de douze anspostérieur à Mademoiselle Julie, Strindbergpasse du naturalisme au symbolisme pourenvisager de nouveau l’incompatibilitéfondamentale entre les sexes,l’incommunicabilité entre les êtres. Sur uneîle perdue, le Capitaine et Alice, une ancienneactrice qu’il a épousée voici vingt-cinq ans, sedéchirent sous les yeux de leur ami Kurt…Réquisitoire désabusé contre la vanité ducouple, La Danse de mort constitue ladeuxième étape du travail du Teatro Sfumatosur l’œuvre de Strindberg : un travail sur lestextes canoniques qui obéit moins à un soucide didactisme qu’à une volonté de percer àjour la poétique et l’esthétique du langagethéâtral pour repenser les relations hommesfemmes,l’ordre social et politique. Cettedémarche, propre à la compagnie bulgaredepuis sa création, s’appuie, en particulier,sur une manière singulière et saisissanted’envisager le jeu d’acteur « en tant queprocessus ». Sur scène, les comédiensexaltent dans toute sa crudité la violencesourde de cette Danse de mort, pour nousentraîner, à corps et à cris, dans une plongéeen apnée, sous haute tension, dans l’universde Strindberg.21h (Salle du bas)durée : 1h3013 € et 20 €Abonnement 13 €Spectacle en bulgare surtitré en françaisProduction Teatro Sfumato – SofiaCoréalisation Théâtre de la Bastille,<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>La trilogie Strindberg reçoit le soutien de l’Onda.Manifestation présentée dans le cadrede la Saison culturelle européenne en France(1 er juillet – 31 décembre 2008)Contacts presse :<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort, Margherita Mantero01 53 45 17 13Théâtre de la BastilleIrène Gordon01 43 57 78 3628


Teatro SfumatoTrilogie AugustStrindbergStrindberg à DamasDe Georgi Tenev et ivan DobchevD’après August StrindbergMise en scène, Ivan DobchevScénographie, Ivan Dobchevet Daniela Oleg LiakhovaCostumes, Daniela Oleg LiachovaMusique, Assen AvramovVidéo , Lubomir Mladenovavec Rumen Traikov, Snezhina Petrova, HristoPetkov, Malin Krastev, Elena DimitrovaFes tiv al d’A uto mne à <strong>Paris</strong>Thé âtre de l a Bas till edu vendredi 24 octobreau dimanche 26 octobreThéâtre de la bastille (salle du bas)17hdurée : 1h4013 € et 20 €Abonnement 13 €Spectacle en bulgare surtitré en françaisLe Chemin de Damas, entamé en 1898, formedans l’oeuvre de Strindberg une manière deparenthèse « mysticonirique ». En troisparties, cette « fiction ayant en arrière-planune terrible demi-réalité» (Strindberg) racontecomment un écrivain célèbre égaré dans uneville étrange va, au prix de maintes épreuves etvisions, atteindre une forme d’illumination. Àpartir de ce matériau, Ivan Dobchev etGeorgi Tenev ont voulu proposer « une pièced’aujourd’hui », et à travers elle un portrait del’artiste en visionnaire. Envisageant Damascomme un point de non-retour imaginaire,métaphore de l’inachevable et del’inaccessible, donnant aux «peurs» et aux«cauchemars» de Strindberg une résonanceextra-lucide, terriblement contemporaine, ilsfont de cette quête de l’absolu un voyage sansretour dans la psyché de notre civilisation. Cespectacle constitue la conclusion d’unetrilogie consacrée à Strindberg que le TeatroSfumato a abordée comme une « expéditionspirituelle dans un territoire rempli demystères ». Leur intrusion dans le monde deStrindberg possède, en fin de compte, desvertus révélatrices, dans tous les sens duterme: elle incarne l’idée d’un théâtre qui,comme l’a écrit le philosophe BoyanMantchev à propos de la démarche deMargarita Mladenova et Ivan Dobchev, « seraitun lieu du risque et du danger ».Contacts presse :<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort, Margherita Mantero01 53 45 17 13Théâtre de la BastilleIrène Gordon01 43 57 78 36Production Teatro Sfumato – SofiaCoréalisation Théâtre de la Bastille,<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>La trilogie Strindberg reçoit le soutien de l’Onda.Manifestation présentée dans le cadrede la Saison culturelle européenne en France(1 er juillet – 31 décembre 2008)29


Margarita MladenovaBiographieMetteur en scène, co-fondatrice, au même titrequ’Ivan Dobchev, de l’Atelier "Sfumato" à Sofia etdirectrice.Professeur à l’Académie nationale bulgare dethéâtre et cinéma /NATFA/.Margarita Mladenova a crée pour le théàtredramatique, la télévision et l’opéra plus de 150mises-en-scène de textes classiques bulgares,russes et ouest-européens au Théâtre National“Ivan Vazov”, Théâtre Satirique, Théâtre "Sofia" etdans plusieurs CDN en Bulgarie, parmi lesquellesles mises-en-scène d’après les oeuvres de Molière,Sophocle, Alfred de Musset, Peyo Yavorov, , IvanTurgenev, Anton Tchékhov.M. Mladenova est lauréate de distinctions et prixnationaux de théâtre pour plus d’une vingtaine deses productions. Ses spectacles ont reçu aussi desprix aux festivals en Croatie et en Bosnie. Elle adonné des cours à l’Académie des Arts Modernes età la Sorbonne à <strong>Paris</strong>.Ivan DobchevBiographieMetteur en scène, co- fondateur, au même titre queMargarita Mladenova de l’Atelier « Sfumato » àSofia et directeur artistique.Professeur à l’Académie nationale bulgare dethéâtre et cinéma.Ivan Dobchev a créé pour le théàtre dramatique, latélévision et l’opéra plus de 120 mises-en-scène detextes classiques bulgares, russes et ouesteuropéens,parmi lesquelles les mises-en-scene auThéâtre National “Ivan Vazov” d’après YordanRaditchkov, Georg Buchner, Samuel Beckett, HeinerMuller, Yordan Yovkov.Ivan Dobchev est lauréat de distinctions et prixnationaux de théâtre pour plus d’une vingtaine deses productions. Ses spectacles ont reçu aussi desprix aux festivals en Croatie et en Bosnie.Il a donnédes cours à l’Académie des Arts Modernes et à laSorbonne à <strong>Paris</strong>.Le Teatro SfumatoFondé par Margarita Mladenova et Ivan Dobchev en1989, le Teatro Sfumato est un acteur culturelindépendant reconnu par les pouvoirs publicsbulgares ainsi que sur la scène internationale.Le Teatro Sfumato propose une démarche originalepar son activité de laboratoire artistiqued’innovation théâtrale. Ainsi, le jeu d’acteur estconsidéré en tant que processus et le spectateur estinvité à découvrir le cheminement des artistes àtravers l’univers d’un auteur ou d’un texte.Le Teatro Sfumato anime des ateliers artistiques, ilréalise également des productions théâtrales.D’autre part, il organise des événements culturelsainsi qu’un festival, la « Petite Saison », destiné àpromouvoir le travail des jeunes professionnelsbulgares et des compagnies théâtrales émergentes.Informations : www.sfumato.info30


Créations du Teatro Sfumato1989 La Mouette, Anton Tchekhov, (M.Mladenova et I. Dobchev)Témoignages de la lumière au temps depeste, d’après A. Pouchkine P. Atanassov (I.Dobchev)On joue Petrouchevska, d’après L.Petrouchevska (M. Mladenova)1990 Paroles vers B., d’après S.Beckett et B.Papazov (I. Dobchev)P.S., d’après A. Tchekhov (M.Mladenova)1994 Le Péché Koutzar, d’après Y Yovkov (I.Dobchev)Le Péché Zlatil, d’après Yordan Yovkov(M.Mladenova)1995 La Chute d’Icarus, d’après Y. Raditchkov (I.Dobchev)L’Herbe folle, d’après Yordan Raditchkov(M.Mladenova)1996 Oncle Vania, A. Tchekhov (I. Dobchev)Les Trois sœurs, A. Tchekhov (M.Mladenova)1997 Apocryphe, (I. Dobchev et M. Mladenova),première au Théatre de la Manufacture,Nancy1998 Tirésias l’Aveugle, d’après le mythed’Œdipe (I. Dobchev)Antigone la Mortelle, d’après Sophocle(M.Mladenova)2000 La Toison Noire, I. Dobchev et M.Mladenova2001 Né à Bethel, I. Dobchev, coproduction MES-Sarajevo (I. Dobchev)2004 La Vallée de l’ombre de la mort : Ivan,d’après Dostoievski (I. Dobchev)La Vallée de l’ombre de la mort : Aliocha,d’après Dostoievski, première au Théatrede la Tempete, <strong>Paris</strong> (M.Mladenova)2005 Pas Moi, Samuel Beckett, coproductionavec La Radio NationaleBulgare (I. Dobchev)2006 Exit : Station Astapovo, Ivan Dobchev,d’après des textes de L. TolstoyExit : Station Elabuga, d’après les poèmesde M. Tzvetaeva (M.Mladenova)2007 Vers Damas :Strindberg à Damas, GeorgiTenev et Ivan DobchevVers Damas : Julie, Jean et Kristine/Frocken Julie/, A.Strindberg(M.Mladenova)Vers Damas : La Danse de mort, A.Strindberg (M.Mladenova)2008 Lazare et Jesus, Ivan DobchevEntretien avec Margarita Mladenova et IvanDobchevVous aimez aborder un auteur en travaillant sur descorpus de texte : dans quel but, et pourquoi avezvouschoisi Strinberg ?Margarita Mladenova et Ivan Dobchev : « Ladifférence entre programme et répertoire se situepour nous dans la vraie nature de notre passion duthéâtre. Le répertoire est un modèle conçu “pourtous les goûts” – puis dans la passion de ladiversité. Le programme, c’est un voyage dans unterritoire plein de mystères ; on pénètre le monde,l’espace de quelqu’un d’autre – c’est la passionpour l’excavation. Nous ne travaillons pas lestextes pour les textes. Ce qui nous intéresse, c’estl’univers de celui qui les a écrits – les conceptions,l’attitude, la poétique singulières de cettepersonne.Dans le monde de Strindberg, la vie est définie pardes règles, des règles qu’il s’agit de reconnaître(c’est-à-dire à la fois éprouver et admettre),d’accepter et d’adopter. Cela suppose le mêmetype d’effort que celui que l’on mettrait àconquérir un continent inconnu. Voilà ce qu’ont ététous ces projets sur Tchekhov, Tolstoï, Radichkov,sur les manuscrits et archétypes bulgares, sur lesmythes grecs anciens, sur Dostoïevski, Tolstoï etTsvetaeva : des voyages, mûs par l’ambitiond’“explorer” les profondeurs d’un auteur, et de les“exhiber” dans le paysage culturel contemporain.Chez Sfumato, le processus importe plus que laproduction. Ce qui ne diminue en rien l’importanceque nous attachons à la distribution de nosspectacles. Nous répétons beaucoup, c’est pourquoinous les jouons longtemps. Et chez Sfumato, nousrépétons avant chaque représentation – c’est notrerecette pour lutter contre le “théâtre mort”.Comment s’est opéré le choix des textes, etcomment avez-vous organisé ce triptyquecombinant des textes datant de trois périodesdifférentes de l’œuvre de Strindberg ?Margarita Mladenova et Ivan Dobchev : « Le titrede ce cycle, To Damascus, reprend la propremétaphore de Strindberg. En ce sens, ces troisspectacles pourraient être interprétés à l’aune decette métaphore – l’incarnation, l’inattenduetransformation de l’homme – puisque, comme ledit Dostoïevski, “c’est le Diable qui lutte avecDieu et le champ de bataille est le cœur deshommes”.Damas est un port, le seuil passé lequel on peutaller au-delà de soi-même, au-delà des mots, desconcepts, de l’ordre banal – pour simplemententrer dans une nouvelle accélération. Pour nous,c’est le refrain perpétuel des textes et de la vie dece frénétique écrivain que fut August Strindberg."Nous sommes tissés du passé qui se languit dufutur" : tel pourrait bien être le mot d’ordre denotre retour aux grands écrivains classiques et àleurs textes. Dans le cas de Strindberg, nous avonseu la chance de pouvoir suivre ses traces et de31


egarder à travers ses yeux, contempler Stockholmà partir de sa “tour bleue”, ses plages, ses îles, sesrues – son Enfer, et son échappatoire… Cela nous aémus, et cela a instillé en nous sa passion pourl’exporation de cet “humain, trop humain”.Comment avez-vous travaillé sur chacun de cestrois textes, et en particulier sur ces « classiques »que sont Mademoiselle Julie et La Danse de mort ?Margarita Mladenova et Ivan Dobchev : « ÀSfumato, les processus se développent toujours surcette crête où se rencontrent l’“ici, maintenant” etle “là-bas, éternellement”. Cette interaction entrele contemporain et l’éternité, le concret et l’idéal,la vie horizontale et verticale est la constante del’œuvre de Strindberg, son code principal.Dans Mademoiselle Julie, un type de personne(Julie) quitte la scène pour faire place à d’autrestypes de personnes – comme, dans les Trois sœursde Tchekhov, le Baron Tusenbach quitte la vie pourque Natacha l’y remplace. C’est une névrose decivilisation qui met le pragmatique sur le devantde la scène, reléguant l’esthète au second plan. Lalutte entre civilisation et la culture. Entre lesstéréotypes et les archétypes.Dans La Danse de mort, un homme (Edgar) et safemme (Alice) habitent sur une île, dans un châteauconstruit par l’armée sur la côte. Ils sont mariésdepuis 25 ans et s’apprêtent à célébrer leurs nocesd’argent. Edgar est un ancien mathématicien,philosophe, ingénieur et capitaine qui n’a jamaisréussi à monter en grade. Alice était autrefoisactrice. Leurs enfants sont partis étudier à la ville.Et leurs domestiques les quittent aussi, l’un aprèsl’autre. Ils n’ont pas d’argent, leur cave est videdepuis cinq ans. On entend de la musique au loin –il y a une fête chez le docteur, à laquelle ils n’ontpas été invités.Pas de dîner, pas d’amour, pas de travail, aucuneraison de faire quoi que ce soit – rien. Edgar et Alicesont enfoncés dans le néant de leurs vies gâchées ettout ce qu’ils font, tout ce qu’il leur reste, est de sequereller : de se blesser l’un l’autre, chacun sevengeant sur l’autre de son propre échec. Leur vien’est plus qu’un jeu d’agression qui n’a ni fin, nilimites – jusqu’à ce que la mort fasse son œuvre.Mais en fait, la mort a déjà pris ses quartiers – leurssentiments, leurs rêves sont morts, tout comme ontdisparu leurs chances de vivre une vie différente, oules raisons de rester ensemble. Leurs âmes sontmortes. Ce sont deux corps – deux momiesressemblant à des êtres humains – qui entamentune lente danse à travers le néant, jusqu’à la fin dumonde.On frappe à la porte. C’est Kurt, un ami perdu de vuedepuis quinze ans. Autrefois, Edgar et Alice l’ontblessé, mais le voici aujourd’hui de retour – pour lespardonner et leur venir en aide. Oublions le mal,prenons un nouveau départ. Soyons de nouveau desêtres humains. Occupons-nous des choses.Éveillons-nous à notre véritable appel. C’est ladernière chance de miracle. L’ange du salut.Mais hélas, c’est tout le contraire qui se produit.Edgar et Alice entraînent Kurt dans leur intrigue,chacun essayant par tous les moyens de l’enrôler àses côtés dans sa lutte contre l’autre, d’en faire soncomplice, de l’engager dans la férocité, la haine et ladestruction. Ils l’attirent dans leur propre enfer etfont de lui une créature infernale.La vie comme crime contre son prochain.Horrifié et dévasté – par lui-même et par les autres,Kurt s’enfuit (mais où ?!). Une fois de plus, Edgar etAlice se retrouvent livrés à eux-mêmes – parmi lesdécombres de leur existence saccagée, les preuvesamoncelées de leur misère spirituelle. Au fond dugouffre. Et là, de cet abîme, s’élève un absurdeespoir, aussi faible que le cri d’un nouveau-né –l’espoir de “quelque chose de mieux” face à la mortimminente (la maladie annoncée d’Edgar s’avèreêtre réelle). Pour se purger. Pour commencer aprèsla fin.Comment avez-vous conçu le texte de Strindberg àDamas, qui conclut ce triptyque ?Margarita Mladenova et Ivan Dobchev : « Encore unefois, Damas est une métaphore. Il était logque deplacer ce spectacle en conclusion de la trilogie. Ils’inspire du Chemin de Damas, un texte d’unegrande importance pour Strindberg, une longuepièce de près de 200 pages. La crise, l’agitationspirituelle qu’a traversées Strindberg (l’écriture dutexte s’étale sur une période de dix ans), sestragédies sentimentales et sa correspondance avecNietzsche (ses lettres excentriques), l’assassinat deDagny Juel – cette femme mythique qui écuma lescœurs et les lits du cercle d’amis du Black Pig,fameux pub de Hambourg (parmi lesquels EdvardMunch, Przybyszewski ou Senkevich) –, l’annulationde sa lune de miel avec Harriet Bosse, sa dernièrefemme, son obsession à consulter tout ce quel’Europe comptait de psychiatres fameux, et cesentiment exaspérant que veillir, ce n’est pascomme avoir 35 ans – mais c’est aussi devenir plusfroid, plus mort… Voilà ce qu’est notre Strindberg àDamas. Notre révélation de la “blessure” deStrindberg, cette blessure que chacun porte en soncœur. Le texte du spectacle est le résultat de deuxworkshops, de longues expériences avec les acteurs,et d’un texte qu’à la fin, Georgi Tenev a mis en mot ;c’est la construction d’un metteur en scène quiaimerait se reconnaître dans ces mots : “Quelqu’und’autre écrit avec ta main”.Le philosophe Bojan Manchev a écrit que le théâtreselon Sfumato est « un lieu du risque et du danger »,le comparant à un « rituel »…Margarita Mladenova et Ivan Dobchev : « BojanManchev est un grand amateur de notre théâtre etil a écrit cela en référence à notre essai avecDostoïevski. Ce lieu « du risque et du danger », c’estla Zone dépeinte par Tarkovski dans Stalker, et nousabordons toujours la zone d’un grand écrivain decette manière. Nous y entrons avec l’expérience etle respect des vieux monomaniaques (stalkers) – etavec la conscience du risque qu’il y a à y fairepénétrer les non-initiés, les insouciants ignorantsde l’esprit du lieu, les barbares jeunes et sûrs d’eux,enfants de la culture pop et de Coca-Cola, produit dela déficience spirituelle globale. Nous sommesconscients des dangers – de rester seuls, de ne pasêtre compris, d’être taxé d’“arrogance élitiste” (“Quis’intéresse à Strindberg aujourd’hui ?”). Mais noussommes tout aussi conscients du danger encore32


plus grand qu’il y a à contribuer à l’amnésiespirituelle collective. Nous envisageons notretravail au théâtre comme un rite spirituel. Nousinsistons sur ce point : Sfumato est un sanctuaire, etl’on ne peut y pénétrer qu’à travers un rituel ! Cerituel, c’est une vie humaine “élevée”. L’humain –trop humain ! – est notre mesure et notre marque.Votre compagnie est en activité depuis presquevingt ans : comment votre conception du théâtre a-t-elle évolué ?Margarita Mladenova et Ivan Dobchev : « Voilà vingtans que nous avons abandonné le théâtreconventionnel, le théâtre “mort”. À l’époque, lacompagnie pouvait être définie par la négative, parce qu’elle n’était pas. Notre méthodologie s’inspirebeaucoup des écrits de Grotowski, par son refus duthéâtre qui est : être désarmé, se tenir “nu”, ouvert àla Rencontre avec l’Autre, se mesurer au texte deHamlet, par exemple, comme à un rayon de soleil,en se laissant pénétrer par lui… C’est en s’efforçantde tester cela sur scène que Sfumato a fait sa plusgrande “découverte” : laisser la vie de l’esprithumain arriver jusqu’à soi, la laisser advenir ici etmaintenant.Le Sfumato, c’est une technique pour dépeindrel’air, l’invisible, Nous avons emprunté au peintreOdilon Redon son slogan : “La logique du visible auservice de l’invisible”, et au fil des ans, nous n’avonscessé d’affirmer cette règle, créant notre propreécole, notre propre cercle d’acteurs. Aujourd’hui, la“technique du Sfumato” est la marque de fabriquede nos spectacles, et non quelque forme extérieure,extravagante. Bien au contraire, elle s’infiltre dansla texture même de la performance, dans cetinvisible qui advient, cette immense partie del’iceberg qui demeure immergée. »Propos recueillis par David SansonDV8To Be Straight WithYouTo Be Straight With YouCréation en FranceSpectacle en anglaisDV8 Physical TheatreDirection, Lloyd NewsonAssistante, Lisa FrenchChorégraphie, Lloyd Newson avec les danseursCostumes, Uri OmiLumière, Beky StoddartCréation son, compositeur, Adam HooperSon additionnel, John AveryVoix enregistrées, Anshu Astogi, Leila DarwishVidéo, Kit Monkman, Tom Wexleravec Ankur Bahl, Dan Canham,Seke Chimutengwende,Ermira Goro, Hannes Langolf, Coral Messam,Paradigmz, Rafael Pardillo, Ira Mandela Siobhan<strong>Festival</strong> d’ A u t o mne à P ar isMais o n d es A r ts C r é te i ldu mercredi 22 octobreau samedi 25 octobre20h30durée : 1h2010 € à 20 €Abonnement 10 € et 15 €Spectacle en anglais n on s urtitréDirecteurs de production, Jamie Maisey,Simon MacCollCoproduction Spielzeiteuropa/Berliner Festspiele ;National Théâtre/London ; Maison des Arts Créteil ;<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>avec le soutien de la Fondation Pierre Bergé – YvesSaint Laurent et du british CouncilManifestation présentée dans le cadre de la Saisonculturelle européenne en France(1er juillet –31 décembre 2008 )33


Trois ans après Just For Show, DV8 PhysicalTheatre revient au <strong>Festival</strong> d’Automne avecson nouveau spectacle, To Be Straight WithYou. Le nom même de ce collectif britanniqueissu du champ chorégraphique indique laconception qu’il a de la scène : son approche« physique», qui a au moins autant à voir avecla danse qu’avec la performance, a fait de DV8l’un des pionniers d’un « théâtre de larupture » qui remet en question le rôle duthéâtre dans un contexte de productionmassive et de divertissement standardisé. Aumême titre que Forced Entertainment ou leWooster Group, les artistes de DV8 excellent àmixer les matières, à mêler le documentaire etl’imaginaire pour mieux placer le spectateuren situation de confrontation. Les corps sontécrans en même temps qu’ils font écran, ilsdévoilent autant qu’ils dérobent au regard ;autour d’eux, textes, images vidéo et filmsd’animation créent un univers à la fois radicalet accessible, faisant souffler sur scène unvent de fraîcheur et d’audace. Un univers,surtout, hautement politique, comme To BeStraight With You vient à nouveau entémoigner : prenant appui sur des dizainesd’heures d’enregistrement d’entretiens qu’ilsont réalisés avec des personnes ayant faitl’objet de persécutions en raison de leurorientation sexuelle ou de leur origine. LloydNewson et sa troupe cosmopolite sondent iciles questions de la tolérance, de la religion etde la sexualité.DV8 Physical TheatreFormée en 1986 par un collectif indépendant dedanseurs déçus par l’orientation que prenaient laplupart des spectacles de danse, DV8 a produitdifférentes pièces et films. Le nom de cettecompagnie souligne une volonté de rupture dans ledomaine de la danse contemporaine car DV8,prononcé « deviate » en anglais, signifie, « dévier ».La compagnie présente donc une danse « déviante »qui explore des domaines artistiques comme lethéâtre ou la performance.Dirigée par le chorégraphe Lloyd Newson, DV8 estguidée par une inspiration artistique et unenécessité créative qui, plus que les besoinsfinanciers et de tournées, dirige ses créations et sesnouveaux spectacles. Le travail de DV8 est basé surune prise de risque tant esthétique que physique.DV8 tente de supprimer les frontières entre danse,théâtre et aspirations personnelles, et souhaite,avant tout, communiquer des idées et dessentiments de façon claire et sans prétention. DV8se veut sans concession mais accessible à tous.La compagnie fait très attention au processus decréation d’une nouvelle pièce. Elle s’est toujoursbattue pour préserver de très longues périodes detravail et de recherche autour de chaque projet afinde garder une intégrité intellectuelle et une qualitéartistique rigoureuse.Pour chaque nouvelle création, depuis 1987, DV8 ademandé à une équipe de designers et decompositeurs contemporains de les aider dans leurtravail de recherche sur la relation entre le corps, lascénographie et la musique.Au cœur de cette approche créative se trouve lavolonté de redonner sens à la danse,particulièrement lorsque celui-ci est évincé par unetechnique trop formelle. Le travail de DV8 remet enquestion les formes et l’esthétique traditionnellesqui trop souvent envahissent autant la danseclassique que la danse moderne. La réputation de lacompagnie est fondée sur le fait qu’elle repousseses propres frontières et sur son examen constantdu rôle des femmes et des hommes dans notresociété. Sa politique insiste sur ce que peut et doitêtre la danse.DV8 au <strong>Festival</strong> d’Automne :1997 Enter Achilles (Maison des Arts de Créteil)2003 The Cost of Living (Théâtre de la Ville)Contacts presse :<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort, Margherita Mantero01 53 45 17 13Maison des Arts de CréteilBodo01 44 54 02 0034


Lloyd News onAustralien, psychologue de formation, son intérêtpour la danse a grandi pendant ses études depsychologie et l’a conduit à la LondonContemporary Dance School.De 1981 à 1985, il est le chorégraphe et danseur avecl’Extemporary dance Theatre. Il travaille alors avecde nombreux chorégraphes dont Karole Armitage,Michael Clarke, David Gordon, Daniel Larrieu et DanWagoner.En 1986, il devient le directeur de la compagnie DV8Physical Theatre. Son travail artistique au sein deDV8 a eu un impact dynamique sur la dansecontemporaine. « Ce qui l’éloigne d’une grandepartie de ses contemporains, c’est son refus de toutformalisme, de toute abstraction » (BernardRaffalli). Il refuse l’abstraction en danse, seconcentre à donner du sens aux mouvements etaborde des problèmes sociaux actuels.Entretien avec Lloyd NewsonQuel est le sujet de la nouvelle création de DV8 ?Lloyd Newson : C’est une réflexion sur la toléranceet l’intolérance, sur les différentes cultures, sur lareligion et sur l’homosexualité.Qu’est-ce qui vous a poussé à mener cette réflexion ?Lloyd Newson : Trois raisons principales, ou plutôttrois événements, m’ont conduit à créer To beStraight With You.Au début des années 1990, j’ai participé à la marchede la Gay Pride qui passait par le quartier de Brixtonoù vit, en grande majorité, la communauté afrocaribéenne.Mon compagnon de l’époque, qui étaitindien, et moi-même avons été frappés par lesinsultes et l’hostilité dont les gens ont fait preuvealors que nous descendions Brixton Road main dansla main. Ce qui m’a étonné, c’est que des gens quifont partie d’une minorité, dont beaucoup demembres eux-mêmes ont sans doute fait les frais duracisme, mettent autant d’entrain à insulter uneautre minorité. Nos recherches ont montré quebeaucoup d’Afro-Caribéens sont très croyants etqu ‘ils utilisent les textes religieux pour justifier uneattitude malveillante à l’égard des / envers leshomosexuels.En 2006, la chaîne Channel 4 a diffusé undocumentaire intitulé « Gay Muslims » (« LesMusulmans homosexuels »). Deux cent gays etlesbiennes musulmans vivant en Grande-Bretagneont été interviewés, et seule une personne sur lesdeux cent a souhaiter que l’on montre son visage àl’écran. En conséquence, le documentaire consisteessentiellement en une succession de gros plans surdes mains et des pieds. Il est inquiétant de voir quedes gens qui vivent dans un pays démocratique auXXIè siècle craignent de parler ouvertement de leursexualité à cause des représailles qu’ils pourraientsubir au sein de leur propre communauté.Actuellement, le terme « schisme » apparaît presquetous les jours dans les journaux pour désigner lascission que pourrait provoquer la questionhomosexuelle au sein de l’église anglicane. Trentehuit archevêques et évêques représentent laCommunion Anglicane dans le monde entier, et uncertain nombre d’entre eux ont annoncé qu’ils ne serendraient pas à la conférence de Lambeth 2008initiée par l’Archevêque de Cantorbéry car desinvitations avaient été adressées aux évêquesprogressistes qui reconnaissent l’homosexualité.L’an dernier, le courant dominant de l’EgliseAnglicane – un courant d’organisations chrétiennestraditionnelles – a cherché à être exempté del’application de la loi sur l’Egalité, mise en place parle gouvernement en 2007 (Equality Act - SexualOrientation Regulations) visant à essayer de luttercontre la discrimination des homosexuels .Des exemples comme ceux-là posent la question dela manière dont une société (ré)concilie croyancesreligieuses et droits de l’homme ou de l’individu.Comment vous y êtes-vous pris pour réaliser cespectacle ?Lloyd Newson : Les thèmes qui sous-tendent lespectacle sont complexes, sensibles, et assezdifficiles à mettre en mouvement, donc pour lapremière fois dans l’histoire de DV8, j’ai essayé detrouver un écrivain et/ou un texte susceptibles dem’aider à structurer mon travail. Cependant, aprèssix mois de recherches intenses, rien de ce quej’avais lu ou vu ne me semblait cerner les questionsparticulières, ou les formes théâtrales, que jevoulais explorer.J’ai alors pensé qu’une bonne et authentiqueapproche consisterait à utiliser les témoignages desgens directement concernés par ces questions dereligion et d’homosexualité verbatim, sans lesretravailler. Pour un certain nombre de raisons,trouver des gens à interviewer relevait du défi,souvent parce qu’ils étaient simplement tropeffrayés pour raconter leur histoire. Nous avonsengagé quelqu’un à plein temps pour conduire cesrecherches, et la la majorité des gens que nousavons interrogés a été trouvé grâce au bouche àoreille, par le biais d’organismes chargés du droitd’asile, auprès de groupes défendant les droits del’homme, de groupes de jeunes, et enfind’organisations religieuses ou politiques. Nousavons aussi mis des annonces dans la presse, laissédes brochures dans des bars et de clubs gays, etnous sommes allés aux réunions des groupes deprotestation anti-gays.Au total, nous avons interviewés quatre vingt cinqpersonnes habitant au Royaume-Uni ; des hommeset des femmes dont certains sont à la fois religieuxet gays tandis que d’autres ont abandonné l’unpour l’autre, des membres du clergé, des membresd’organismes liés aux droits de l’homme, et desgens opposés à l’homosexualité à cause de leursconvictions religieuses. Nous avons également faitdes micros-trottoirs dans différents quartiers deLondres, et nous demandions aux passants ce qu’ilspensaient du mariage gay, des rapports entrereligion et sexualité…Votre travail repose sur un texte. Qui l’a finalementécrit?Lloyd Newson : C’est un verbatim avec unedimension théâtrale très marquée. Chaque motprononcé sur scène est directement issu de nosinterviews. Nous sommes donc extrêmement35


econnaissants aux gens que nous avonsinterviewés de nous avoir raconté leurs histoires.Quelle réaction espérez-vous susciter ? Y a-t-il uneidée que vous vouliez faire passer ?Lloyd Newson : Beaucoup de gens que nous avonsinterviewés, en particulier ceux dont lescommunautés ethniques ont une relation forte à lareligion, ont demandé à ce que leur identitédemeure secrète, par crainte de retombées onvenait à découvrir leur homosexualité. Malgré lesefforts considérables qui ont été faits au planjuridique pour protéger les gays dans ce pays, nosinterviews montrent que si les gays et leslesbiennes décident de se dévoiler, ils risquent lesreprésailles ou les menaces physiques.J’éspère qu’à travers ce spectacle, le public prendraconscience de ce que vivent les gens qui se cachentsous le vernis progressiste d’une société qui seprétend tolérante.Spiro ScimoneCarlo CecchiNunzioTexte, Spiro ScimoneMise en scène, Carlo CecchiScénographie, Sergio TramontiLumière, Domenico MaggiottiAssistant à la mise en scène, Valerio Binascoavec Francesco Sframeli, Spiro ScimoneFes tiv al d’A uto mne à <strong>Paris</strong>Thé âtre d u Ro nd-P oi ntdu jeudi 6 novembreau dimanche 30 novembre19hdimanche 15h30relâche lundi 10 et mardi 11 novembredurée : 50’Théâtre du Rond-Point (salle Roland Topor)14 € à 26 €(tarif couplé Nunzio et La Busta : 30 € )Abonnement 10 € et 17 €Spectacle en Sicilien surtitré en françaisProduction Compagnia Scimone-Sframeli, Ente AutonomoRegionale/Teatro di Messina ; Teatro Stabile di Firenze ;Instituto Dramma Italiano ; Taormina Arte36


Inséparables compagnons de route, SpiroScimone et Francesco Sframeli sont tous deuxnés à Messine (Sicile) en 1964, ont étudiéensemble l’art dramatique à Milan avant derencontrer le metteur en scène Carlo Cecchiqui les a fait jouer dans sa fameuse trilogieshakespearienne (Hamlet, Le Songe d’une Nuitd’été et Mesure pour mesure). En 1990, ilsfondent la compagnie qui porte leurs deuxnoms. Spiro Scimone se met alors à écriredans une optique très spécifique : « Monécriture est une écriture d’acteur. D’acteur,parce que je suis un acteur et que l’acteur –l’humain – est l’essence du théâtre. »Datant de 1994 , Nunzio est sa première pièce.Elle a pour anti-héros deux êtres solitaires,partageant le même logement :Nunzio, unouvrier atteint d’une maladie pulmonaire, etson ami Pino, qui s’absente régulièrementpour remplir de mystérieuses missions. On nesait lequel des deux veille le plus sur l’autre…Spiro ScimoneFrancesco SframeliDue amici (Film)Film réalisé par Francesco Sframeliet Spiro ScimoneScénario de Spiro Scimone d’après Nunzioavec Francesco Sframeli, Spiro Scimone, FeliceAndreasi, Sara Bertelà, Valerio Binasco, TanoCimarosa, Roberto Citran, Nicola Di Ponto,Gianfelice Imparato, Armando Pugliese, FrancoRavera, Nicola Rignanese, Teresa SaponangeloFes tiv al d’A uto mne à <strong>Paris</strong>Thé âtre d u Ro nd-P oi ntsamedi 8, 15, 22, 29 novembre17hdurée : 1h30Contacts presse :<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort, Margherita Mantero01 53 45 17 13Théâtre du Rond-PointCarine Mangou01 44 95 98 47Tarif unique : 5 €Théâtre du Rond-Point(salle Jean Tardieu)Production Sciarlò, Medusa FilmNunzio et La busta reçoivent le soutien de l’OndaManifestation présentée dans le cadre de laSaison culturelle européenne en France(1er juillet – 31 décembre 2008 )37


Du spectacle Nunzio, Scimone et Sframeli onttiré le film Due Amici qui a reçu en 2002 le prixde la meilleure première oeuvre lors de labiennale de Venise.Spiro ScimoneFrancesco SframeliLa bustaLa busta (l’enveloppe)Texte, Spiro ScimoneMise en scène, Francesco SframeliDécors et costumes, Barbara Bessiavec Francesco Sframeli, Spiro Scimone, Nicola Rignanese,Salvatore Arena.Fes tiv al d’A uto mne à <strong>Paris</strong>Thé âtre d u Ro nd-P oi ntdu jeudi 6 novembreau dimanche 30 novembre21hdimanche 17h30relâche lundi 10 et 11 novembreContacts presse :<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort, Margherita Mantero01 53 45 17 13Théâtre du Rond-PointCarine Mangou01 44 95 98 47Théâtre du rond-point (salle Jean Tardieu)14 € à 28 €(tarif couplé Nunzio et La busta : 30 € )abonnement 10 € et 17 €durée : 55’Spectacle en italien surtitré en françaisCoproduction asti Teatro ; Compagnia Scimone-Sframeli ;Ente AutonomoRegionale/Teatro di MessinaCADMO est administrateur des tournées.le Théâtre Garonne est producteur de latournée européenne38


Créée en 2006, La busta (L’Enveloppe) est laplus récente des pièces de Scimone. Ce contede la déshumanisation ordinaire s’attache àun homme qui, cherchant à comprendrepourquoi il a reçu une incitation àcomparaître, va être emporté dans une spiraledont l’étrangeté amuse autant qu’elleinquiète. Emblématiques de l’univers siparticulier de Scimone et Sframeli, Nunzio etLa busta oscillent entre la comédie et ledrame, à la lisière du rêve et de la réalité.Contacts presse :<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort, Margherita Mantero01 53 45 17 13Théâtre du Rond-PointCarine Mangou01 44 95 98 47Com pagnie Scimone Sf rameliL’auteur Spiro Scimone est aussi acteur, dans lagrande tradition italienne, de Dario Fo ou EduardoDe Filippo. Il s’est mis à écrire non par besoin, maisdit-il : « pour imaginer une partition à jouer, unmateriau dont se saisissent le corps, l’ame et la voixafin de la transformer en langue de theatre ». Soncomplice de toujours, Francesco Sframeli,interprète de toutes les pièces et metteur en scènede la dernière, La Busta, l’accompagne depuisl’enfance, en Sicile. Ils sont nés tous deux en 1964, àMessine, ville portuaire industrielle du Nord-ouestde la Sicile, et ont étudié ensemble l’art dramatiqueà Milan avant de rencontrer le metteur en scèneCarlo Cecchi au Teatro Garibaldi à Palerme. Spiro etFrancesco jouent dans sa trilogie Shakespearecomposée de Amleto, Sogno di una notte di mezzaestate et Misura per Misura, (invitée par le <strong>Festival</strong>d’Automne 1999). En 1990, ils fondent ensemble lacompagnie qui porte leur nom et Spiro Scimone semet à écrire pour leur duo. Séduit par l’écriturethéâtrale acérée des dialogues écrits en dialectesicilien de Messine, Carlo Cecchi met en scèneNunzio. Avec cette première pièce composée avantl’âge de trente ans, Spiro Scimone reçoit les plushautes distinctions théâtrales italiennes : le prix IDIde nouvel auteur et la médaille d’or IDI pour ladramaturgie ; en 1994, il reçoit le prix spécial UBU.Due Amici, l’adaptation au cinéma de Nunzio,recevra le prix du meilleur premier film lors de laBiennale de Venise en 2002. Apres Bar (1996), écrit ensicilien, nouvelle variation sur le thème de l’amitié,Spiro Scimone choisit l’italien pour La Festa, crééeen 2000, et pour Il Cortile, en 2004 : « Je ressentais lebesoin d’éprouver la musicalité d’une autrelangue ». Le son du sicilien est grave, profond ,ferme, percussif et métallique. La langue italienneest moins heurtée, mais permet le même genre derythmique. Dans sa dernière pièce, La Busta(L’Enveloppe), en italien, créée en 2006, Scimonechange de registre pour exprimer une inquiétude,une violence sourde plus proche de Kafka. Lethéâtre de Spiro Scimone est aujourd’hui traduitdans plusieurs langues ; en France, la ComédieFrançaise a présenté La Festa en 2007, dans unemise en scène de Galin Stoev. Scimone aime fouillerdans l’intimité des êtres, découvrir les liens qui lesunissent. Il s’agit par le langage, les silences,l’interprétation, de porter sur scène l’expression desentiments profonds, existentiels, qui côtoient sanscesse le tragique.Extrait de Evelyne Donnarel, Cent ans de théâtresicilien , L’Harmattan, 2005.La Com pagnie Scimone Sf rameli au <strong>Festival</strong>d’Automne :2001 : BarLa Festa2004 : Il Cortile39


Entretien avec Spiro ScimoneVotre théâtre évoque un laboratoire où l’onexplorerait la nature des relations humaines dansdes situations données. Les situations en questionétant toujours révélatrice tantôt d’une certainetendresse, tantôt de la cruauté des rapportshumains, quand les deux ne sont pas intimementmêlés ou, au fond, interchangeables. Mais en fin decompte ce qui ressort toujours ce sont des rapportsde force ou de pouvoir - de dominant à dominé.Définiriez-vous votre théâtre ainsi, comme unevision des rapports humains comme rapports deforce ? Spiro Scimone : Dans le théâtre que je faisavec Francesco Sframeli les rapports humains vusdes rapports de force sont toujours présents et ced’autant plus qu’ils sont indispensables pour faireexister cet élément fondamental au théâtre, leconflit. Le conflit naît au théâtre de la présenced’éléments opposés. Mettre en relation leséléments, les faire cohabiter, les échanger, créer unrapport entre eux, tels sont les objectifs que nousnous efforçons d’atteindre à travers notrerecherche théâtrale.Cela semble particulièrement vrai de pièces commeNunzio ou La Busta. Pourtant il s’agit d’œuvresséparées par beaucoup d’années. Pensez-vous êtreobsédés par des thèmes récurrents que vousaborderiez sous des angles divers dans chacune devos créations ?Spiro Scimone. : Les rapports humains conflictuelsne sont pas seulement présents dans ces deuxpièces, mais dans tous nos travaux. Faire exister cesrapports n’est pas une obsession, mais unenécessité. Dans la vie, les rapports conflictuels nouslaissent parfois indifférents. Le théâtre en revanchenous donne la possibilité de nous attarder sur cesrelations et d’y réfléchir. À travers la fiction, lethéâtre nous permet d’analyser la vraie nature deces rapports. La magie du théâtre réside dans lavérité de sa fiction. Le théâtre est fiction, mais poury parvenir il faut atteindre le maximumd’authenticité.Pourriez-vous préciser un peu en quoi consiste ladifférence entre ces deux pièces ? Et pourquoi avoirchoisi de présenter précisément ces deux-là ?Spiro Scimone : Nunzio et La Busta sont différentesdéjà en ce qui concerne la relation entre lespersonnages et les sensations qu’ils véhiculent.Dans Nunzio il y a de la tendresse, il y a de l’amour.Dans La Busta au contraire, il n’y a pas d’amour,mais seulement de l’horreur. Les personnages de LaBusta sont dépourvus d’humanité. Seul lepersonnage du Monsieur est humain. C’est pourcela qu’il reçoit une enveloppe. Mais si nous avonschoisi de présenter ces deux spectacles c’estd’abord parce que nous ne les avions encore jamaisjoués à <strong>Paris</strong>. Or ils sont indispensables pourcomprendre notre approche du théâtre.Propos recueillis par Hugues Le Tanneurpour le Théâtre du Rond-Point40


ChristianSchiarettiCoriolanCoriolanDe William ShakespeareTexte français, Jean-Michel DépratsMise en scène, Christian SchiarettiConseiller dramaturgique, Gérald GaruttiLumière, Julia GrandSon, Michel MaurerCostumes, Thibaut WelchlinCoiffures, maquillage, Nathalie CharbautDirecteur des combats, Didier LavalAssistantes Laure Charvin-Gautherot, Naïd AzimiAssistant à la scénographie Loïc ThiénotAssistant aux costumes Jean-Philippe BlancAssistants au son Laurent Dureux, Éric Georges, OlivierRenet, Pierre SauzeTragédie écrite par Shakespeare en 1607,Coriolan retrace le parcours du Romain CaïusMartius, chef de guerre dont le tempéramentchevaleresque ne s’accorde guère auxexigences des manœuvres politiciennes.Vainqueur des Volsques à Corioles – d’où sonsurnom « Coriolan », il brigue pourtant leconsulat, avec l’appui des patriciens. Parlantsans faux semblants et affichant son méprispour la plèbe, il s’attire vite l’hostilité dupeuple.Décidé à se venger, Coriolan rejoint lesVolsques et marche sur Rome…De cette pièce, l’une des plus denses et desplus politiques de Shakespeare, rarementmontée en France, Christian Schiarettipropose une version magistrale, qui faitentendre – dans une traduction de Jean-Michel Déprats – toutes les nuances du texteet fait voir toutes les ambiguïtés despersonnages. S’inscrivant dans la tradition dugrand théâtre citoyen, l’actuel directeur duTNP de Villeurbanne signe un spectacle ausouffle épique puissant, porté par unetrentaine de comédiens.D’un classicisme exemplaire, la mise en scènerend parfaitement clair cet obscuraffrontement, dont les enjeux, moraux etsociaux, ressemblent à s’y méprendre à ceuxde la France d’aujourd’hui…avec Stéphane Bernard, Roland Bertin, Laurence Besson,Pascal Blivet, Olivier Borle, Mohamed Brikat, JeanneBrouaye, Armand Chagot, Jérémie Chaplain, PhilippeDusigne, Gilles Fisseau, Julien Gauthier, Jacques Giraud,Nicolas Gonzales, Damien Gouy, Sylvain Guichard,Benjamin Kerautret, Claude Koener, Aymeric Lecerf, DavidMambouch, Clément Morinière, Daniel Pouthier, LoïcPuissant, Jérôme Quintard, Dimitri Rataud, Alain Rimoux,Juliette Rizoud, Julien Tiphaine, Jacques Vadot, ClémentineVerdier, Hélène Vincent, Wladimir yordanoffTechniciens en jeu, Fabrice Cazanas, Olivier Higelin<strong>Festival</strong> d’ A u t o mne à P ar isT héât r e N an te r r e- Aman d i e rsdu vendredi 21 novembreau vendredi 19 décembre20hdimanche 15h30,relâche lundidurée : 3h2512 € à 25 €Abonnement 8 € et 13 €Contacts presse :<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort, Margherita Mantero01 53 45 17 13Théâtre Nanterre-AmandiersDamien Trescartes01 46 14 70 30Production Théâtre national Populaire de Villeurbanneavec le soutien du Département du Rhôneavec la participation artistique de l’ENSATT et l’aide de larégion Rhône-Alpes pour l’insertion des jeunesprofessionnels.Avec le soutien du Jeune Théâtre National41


Christian SchiarettibiographieChristian Schiaretti étudie la philosophie.Après le Théâtre-école de Montreuil , le Théâtre duQuai de la Gare , il collabore avec le Théâtre del’Atalante à <strong>Paris</strong>.Auditeur libre au Conservatoire National Supérieurde <strong>Paris</strong>, il suit les classes de Antoine Vitez , JacquesLassalle, Claude Régy…Durant les huit années passées en Compagnie, ilmet en scène Minyana, Vitrac, Panizza, Sophocle,Euripide… Deux spectacles en particulier ont attirél’attention de la profession et de la critique: Roselde Harald Mueller, avec Agathe Alexis, créé en 1988,et Le Laboureur de Bohême de Johannes von Saaz,avec Jean-Marc Bory et Serge Maggiani.Christian Schiaretti a dirige la Comédie de Reims,Centre Dramatique National, de janvier 1991 àjanvier 2002. Après avoir exploré l’Europe des avantgardes(Brecht , Pirandello, Vitrac, Witkiewicz, AlainBadiou, philosophe, s’associe à la spécificité del’aventure rémoise. Avec la création , au <strong>Festival</strong>d’Avignon, de Ahmed le subtil, puis Ahmedphilosophe, Ahmed se fâche, Les Citrouilles, il s’agit,pour Badiou, Schiaretti et les comédiens de laComédie, d’interroger les possibilités d’une farcecontemporaine.Après trois années de cette fructueuse expérience ,ils aborde la langue du XVIIe siècle avec Polyeucte,La Place Royale de Corneille et Les Visionnaires deDesmarets de Saint-Sorlin, présentés dans denombreuses villes pendant plusieurs saisons.Avec Jean-Pierre Siméon , poète associé quiaccompagne ensuite la trajectoire artistique de laComédie de Reims, ils souhaitent questionner lalangue. Quatre pièces sont créées : D’entre lesmorts, Stabat mater furiosa, Le Petit Ordinaire(cabaret), La Lune des pauvres. En 1998, ilsconçoivent ensemble une quinzaine autour de lalangue et de son usage : Les Langagières.Au cours de la saison 1999-2000, Christian Schiarettiprésente au Théâtre national de la Colline , Jeanne,d’après Jeanne d’Arc de Péguy, avec Nada Strancar.En 2001-2002 , il poursuit cette collaboration enmettant en scène Mère Courage et ses enfants deBertolt Brecht. Ce spectacle reçoit le Prix Georges-Lerminier 2002 du Syndicat professionnel de laCritique.Christian Schiaretti est président du SYN<strong>DE</strong>AC deseptembre 1994 à septembre 1996.Il signe également plusieurs mises en scèned’opéras : Pelléas et Mélisande, Madame Butterfly etHänsel et Gretel, avec l’Atelier lyrique du Centre;Ariane à Naxos, avec l’Orchestre de Picardie etL’Échelle de soie, avec l’Atelier lyrique de Tourcoing.En janvier 2003 , il crée Eugène Onéguine de PiotrIllitch Tchaïkovski, avec Opéra Nomade, auxGémeaux/Sceaux/Scène nationale.Depuis janvier 2002 , il dirige le Théâtre NationalPopulaire de Villeurbanne, d’où il entreprend dèsson arrivée une forte relation avec l’ENSATT.Au printemps 2003 , il recrée Le Laboureur deBohême, avec Didier Sandre et Serge Maggiani etreprend Jeanne d’après Charles Péguy. Suivent àl’automne 2003 , L’Opéra de quat’sous de BertoltBrecht et Kurt Weill et, en 2004, Le Grand Théâtre dumonde, suivi du Procès en séparation de l’Âme et duCorps, de Pedro Calderón de la Barca, créé à LaComédie-Française et repris au TNP – Villeurbanne.Il crée en 2005 , Père de August Strindberg etL’Annonce faite à Marie de Paul Claudel.En 2006 , à l’invitation de Théâtre Ouvert, il met enespace Ervart ou les derniers jours de FrédéricNietzsche d’Hervé Blutsch, créé au TNP–Villeurbanne et repris à Théâtre Ouvert.En novembre 2006, Christian Schiaretti monte pourla première fois une œuvre de William Shakespeare,Coriolan. Cette pièce,reprise par le <strong>Festival</strong>d’Automne et le Théâtre Nanterre-Amandiers en2008, reçoit le Prix Georges-Lerminier 2007, décernépar le Syndicat professionnel de la Critique aumeilleur spectacle créé en région.En mars 2007 , il crée avec les comédiens de latroupe du TNP, trois comédies de Molière :Sganarelle ou le Cocu imaginaire; L’École des maris;Les Précieuses ridicules. En novembre il ajoute à cerépertoire, La Jalousie du Barbouillé et Le Médecinvolant. Avec Jean-Claude Malgoire, il réalise, enautomne 2007, Nada Strancar chanteBrecht/Dessau.En mars 2008, il crée Par-dessus bord de MichelVinaver, jouée pour la première fois en France danssa version intégrale. Pour cette mise en scène,il reçoit le Grand Prix du Syndicat de la Critique,pour le meilleur spectacle de l’année 2008.Christian Schiaretti est Président de l'Associationpour un Centre Culturel de Rencontre à Branguesqui pose la question de la poésie dramatique autravers de l'exégèse , la transmission, l'élaborationdes textes inouïs.42


Entretien avec Christian SchiarettiC’est la première fois que vous mettez en scène unetragédie de Shakespeare. Pour quelles raisons avezvouschoisi Coriolan, pièce peu montée ?Christian Schiaretti : Je cherche des oeuvres qui ,dans le cadre du théâtre public, établissent ou réétablissentune relation aiguë entre l’art et leforum. Les œuvres qui posent des questions defonctionnement ou d'état du politique , telles queCoriolan ou Par- dessus bord, m’intéressent.Coriolan interroge la République , l’articulation dupouvoir entre plébéiens et patriciens, l’équilibre àtrouver entre la légitimité, l’illégitimité et latempérance. Cette question n’est pas simple àpenser en France. En fait, cette tragédie est trèsanglaise dans le sens où le bon gouvernement doitressembler à l’organique, au naturel, au ventre. LeFrançais est plus cérébral, a davantage confiancedans l’autorité monarchique du pouvoir – y comprisdu pouvoir républicain.On porte un jugement idéologique contemporainsur cette pièce, ce qui est un raccourci. On a mêmeécrit que c’était une pièce fasciste ! En l’examinantde près, on s’aperçoit que c’est l’une des rarespièces de l’Europe occidentale sur le politique, quiprend le politique comme lieu même dudramatique.Quels aspects particuliers avez-vous souhaitémettre en exergue ?Christian Schiaretti : La relation intrinsèque entre lethéâtre et le politique. Coriolan est politique etthéâtral : non seulement cette oeuvre nous racontele fonctionnement du monde, mais elle affirmeaussi que théâtre et politique sont consubstantiels.La question du pouvoir et de sa durée rejoint laquestion de la représentation et du langage, ducorps et de l’expression par le langage : comme authéâtre.Le problème de Caius Martius Coriolan vient de soninadéquation à la représentation. Il ne parvient pasà s’accommoder de la question de la représentationdu pouvoir.Coriolan est une tragédie passionnante parcequ’elle n’a pas de résolution. L’irrésolution est sonfondement. Elle termine comme elle a commencé,c'est-à-dire qu’elle n’arrive pas à sortir du cercleinfernal d’un équilibre impossible dontl’accomplissement peut être la tempérance mais enaucun cas la vérité.Que Coriolan vous a-t-il fait découvrir sur l’art duthéâtre ?Christian Schiaretti : La fluidité de son récit estprimordiale. Les batailles ne doivent obéir qu’à larythmique de l’écriture. Entre une charge et unedéfaite, au plateau, il ne faut pas plus de dixsecondes. C’est toute la question de la clarté et de lagrandeur. L’œuvre est claire si on peut lui accorderle nombre nécessaire à sa représentation. Il faut dunombre. C’est sans doute une valeur du théâtrepopulaire. Trente acteurs qui saluent, ce n’est pasune distribution, c’est une assemblée.Vous dirigez le TNP depuis 2002. Que signifie pourvous aujourd’hui le concept de théâtre nationalpopulaire ?Christian Schiaretti : Théâtre parce que c’est monmétier. National parce que c’est mon pays.Populaire parce que c’est simple. La simplicité n’estpas le simplisme mais le généreux et l’exigeant. Jecrois que l’idée de théâtre populaire reste obscèneet que certaines délectations articulées sur uneconscience de soi sont autant d’attaques corrosivescontre l’idée d’une salle vivant en direct lescontradictions de ses inégalités. C’est une décisionesthétique que de se dévouer au théâtre populaire,non une charité intellectuelle.En quoi le théâtre élisabéthain est-il notrecontemporain ?Christian Schiaretti : Les données du mondecontemporain s'établissent en gros au XVIèmesiècle , au début de l'ère moderne. Shakespearesuppose Hobbes et Machiavel : comment diriger unmonstre à plusieurs têtes, c'est le Léviatan deHobbes, comment accéder au pouvoir et leconserver, c'est Le Prince de Machiavel. Sa réflexionest élisabéthaine , au service du pouvoirélisabéthain. Coriolan est une pièce aristocratique,absolument pas républicaine. Mais Shakespeareregarde la République romaine à ses débuts. Saréflexion est celle d'un homme de la modernité quiprend l'Antiquité romaine comme exemple.Nous, contemporains issus de cet Etat moderne quise constitue au XVI ème siècle, nous regardons lesElisabéthains interrogeant les Romains. Et nousnous apercevons que, finalement, les donnéesfondamentales du rapport au pouvoir n'ont paschangé. Coriolan montre que nous sommes encoreaujourd'hui, en ce qui concerne les rapportscompliqués de la Démocratie et de la République,sur les mêmes données réflexives qu’au XVI èmesiècle. Se pose ici, comme chez Racine, la questiondu pays lointain. Eloignons-nous, prenons de ladistance, y compris dans les costumes : nous allonsmieux nous voir. Aujourd’hui, au contraire, onpense que l’on se voit parce qu'on fait preuve demodernité – ce qui est une erreur. Nous avonsbesoin du rapport au symbolique.Quel rôle le théâtre doit-il jouer sur la scènepolitique – et la politique sur la scène théâtrale ?Christian Schiaretti : Le théâtre doit faire duthéâtre, et la politique de la politique. Cela relèved’arts complexes et lents dans leur maturationrespective. La République fait un effort envers notreactivité parce qu’elle est consciente de l’idéesupérieure d’un public au spectacle convié. Ce qu’ily a de politique dans nos activités, c’est de luttertous les soirs contre l’amoindrissement social.Sinon, pour le monde, le théâtre doit se lever tôt.Propos recueillis par Jérôme Provençal43


Toshiki OkadaFive days in MarchFive Days In MarchÉcrit et mis en scène par Toshiki OkadaMusique, SangatsuLumière, Tomomi OhiraSon, Takeshi KanbaRégisseur général adjoint, Aiko HarimaDistribution (en cours) :Luchino Yamazaki, Taichi Yamagata, Hiromasa Shimonishi,Kohei Matsueda Tomomitsu Adachi, Riki TakedaFes tiv al d’A uto mne à <strong>Paris</strong>Thé âtre 2 ge nnev illi ersdu lundi 17 novembreau samedi 22 novembre20h30durée : 1h1511 € à 22 €Abonnement 11 € et 15 €Spectacle en japonais surtitré en françaisProduction Compagnie Chelfitsch – Toshiki OkadaRemerciements Yokohama arts Platform, Steep SlopeStudioAvec sa compagnie Chelfitsch, Toshiki Okadas’emploie depuis 1997 à porter sur scène laréalité du Japon contemporain. Ses spectaclesdonnent une voix à cette jeune génération quela presse japonaise a pu qualifier de«génération perdue» : ces 25-35 ans en proie àla précarité, qui se sont inventé un nouveaulangage pour pallier leur absence croissantede repères dans une société sclérosée,parcourue de tensions.Entre théâtre et danse, naturalisme etabstraction, les spectacles d’Okada donnentdes contours singuliers à ces identités floueset vacillantes. Les corps sont commeempesés, contraints, et en même tempsétonnamment diserts ; les points de vue et leshypothèses, passant d’un personnage àl’autre, s’accumulent comme autant destrates d’un présent difficilementreprésentable. Okada chorégraphie unquotidien qu’il s’emploie, dans le mêmemouvement, à restituer dans toute satrivialité, notamment langagière. Les deuxpièces présentées par le <strong>Festival</strong> d’Automne,le Théâtre2Gennevilliers et le Cent Quatremettent en scène un temps suspendu,vertigineusement ancré dans leprésent.Dans Five Days In March, l’espace de cinqnuits dans un love hotel en mars 2003, tandisque se déroulent au Japon les manifestationscontre l’invasion américaine en Irak, septacteurs-danseurs se relaient pour «raconter »,joignant les gestes à la parole, leurs histoiresde couple et leur engagement politique.Contacts presse :<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort, Margherita Mantero01 53 45 17 13Théâtre2gennevilliersPhilippe Boulet01 41 32 26 2344


Toshiki OkadaFree TimeAvec Free Time , sa dernière création en date,Toshiki Okada prolonge la veine de sa pièceEnjoy, consacrée aux freeters (ces personnessans profession stable) : c’est une réflexionsur le travail et la liberté, abordés cette fois àtravers des jeunes gens qui ne travaillent pas…Précisément chorégraphiés, d’une rigueurformelle et d’un sens du détail étonnants , lesspectacles d’Okada semblent pourtanttotalement dénués d’artifices : ainsi, cessuccessions d’images saisissantes et d’unebouleversante humanité deviennent nonseulement contemporaines, mais aussiparfaitement universelles.Free TimeTexte, conception et direction, Toshiki OkadaScénographie, Torafu Architects Inc.Musique, Atsuhiro KoizumiLumière, Tomomi OhiraSon, Norimasa Ushikawaavec Taichi Yamagata, Luchino Yamazaki, TomomitsuAdachi, Mari Ando, Ito Saho, Kei Namba<strong>Festival</strong> d’ A u t o mne à P ar isLe C e n t Q uat r edu mardi 25 novembreau samedi 29 novembre20h30jeudi 27 novembre 19hdurée : 1h1010€ à 18€ (7€ avec la carte Cent Quatre)Abonnement 10€ et 13€Spectacle en japonais surtitré en françaisProduction Compagnie Chelfitsch – Toshiki OkadaCoproduction Wiener Festwochen ;Kunsten<strong>Festival</strong>desartsle Cent Quatre ; <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>avec le soutien de Japan Arts Fund et The SaisonFoundationRemerciements Yokohama Arts Platform ; Steep SlopeStudio ; Kitakyushu ; Performing Arts Center ; Super Deluxeavec le soutien de Nomura, de la Fondation Franco-Japonaise Sasakawa et de la Fondation pour l’étude de lalangue et de la civilisation japonaises agissant sous l’égidede la Fondation de France et de l’Ondaavec le concours de Japan AirlinesDans le cadre du 150e anniversaire des relations francojaponaisesContacts presse :<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort, Margherita Mantero01 53 45 17 13Le Cent QuatreMartial Hobeniche01 42 33 93 1845


Toshiki O ka daBiographieNé à Yokohama en 1973, Toshiki Okada est diplôméen commerce à l’Université Keiô. Encore étudiant , ildécouvre le travail d’Oriza Hirata qui l’influencerabeaucoup, tout comme celui de Bertolt Brecht.Il fonde en 1997 au Yokohama ST Spot la compagniechelfitsch, dont le nom provient d’uneprononciation enfantine déformée de l’anglais« selfish ». ll y est auteur dramatique et metteur enscène.Depuis 2001 , Toshiki Okada utilise dans ses piècesl’argot japonais ainsi qu’un langage gestuel quasichorégraphique qui reproduit les mouvements de lajeunesse japonaise. Ce travail scénique, qui laisseplace à des mouvements oscillants et répétitifs, aséduit non seulement le milieu du théâtre maisaussi celui de la danse. Il n’est donc pas étonnantque chelfitsch ait participé à la finale du ToyotaChoreography Award en 2005, dans la catégorie «meilleur jeune chorégraphe ».Parmi ses premières créations: Les méfaits de lamarijuana (Marifana no gai ni tsuite, 2003),Climatisation (Cooler, présenté au ToyotaChoreography Award 2005), Destination(Mokutekichi, 2005).En 2005 , sa pièce Five Days in March remporte leKishida Drama Award. Freetime (2008) est sadernière création.http://chelfitsch.net/Entretien avec Toshiki Oka daComment abordez-vous l’écriture d’un nouveau texte, et à quel moment le travail de plateau – avecnotamment les acteurs et danseurs de chelfitsch –entre-t-il en jeu ?Toshiki Okada : « Lorsque j’écris un texte, je nepense pas au travail de plateau. C’est seulementlorsque j’entre dans la salle de répétition que jecommence à prendre cela en considération. Je n’aiaucune idée préconçue concernant la manière dontles acteurs doivent utiliser leur corps avant qu’ils necommencent à essayer de les mouvoir durant lesrépétitions: à mesure que celles-ci avancent, lesidées me viennent concernant le déplacement desacteurs. En général, le processus d’écriture est doncdistinct de la mise en scène. Mais en même temps,lorsque j’écris un texte, j’essaie de le faire d’unefaçon qui puisse influer, d’une manière ou d’uneautre, sur les corps des acteurs.Quel a été votre point de départ pour Five Days InMarch – comment en êtes-vous venu à imbriquerl’histoire des premiers jours de la guerre en Irak etcelle de ces personnages qui se rencontrent dans unLove hotel ?Toshiki Okada : « Quelques jours avant ledéclenchement de la guerre en Irak, j’aieffectivement vu un spectacle dans un club demusique de Tokyo – même si après, je suis rentrédirectement à la maison, sans m’arrêter dans unLove hotel. Cette expérience m’a inspiré. Il y avaitquelque chose dans ce spectacle, une qualitésingulière, qui par essence allait contre l’idée de laguerre. J’ai décrit en détail l’atmosphère de cespectacle dans le roman Five Days in March. J’avaisbesoin de préciser par écrit ce que j’avais ressentipendant ce spectacle et, au même moment, audébut des bombardements en Irak. Je ne merappelle pas précisément comment j’en suis arrivé àl’histoire de ce garçon et de cette fille. Cela a dû sefaire spontanément. Tout ce que je peux dire, c’estque ce qui leur arrive dans la pièce est unealternative à ce qui m’est vraiment arrivé dans laréalité.Free Time décrit des personnes qui ne travaillentpas : qu’est-ce qui vous intéressait dans ce sujet ?Toshiki Okada : « En un sens, Freetime est né de mondésir d’explorer la possibilité de représenter unesérie d’actions inactives – ces actions paradoxalesqui consistent à ne rien faire. Un désir qui, lui même,est apparu lorsque j’ai mis en scène Cascando, lapièce radiophonique de Beckett, sous forme depièce de théâtre, en mars 2007. Il y a égalementcette thématique du “travail” à laquelle jem’intéresse depuis 2006 et Enjoy : une pièce qui apour sujet ce que l’on appelle le “précariat”, lemonde des travailleurs à temps partiels, que lesmouvements de protestations contre le CPE ayanteu lieu en France cette même année m’ontencouragé à écrire. Freetime est donc né ducroisement de ces différentes préoccupations.Qu’est-ce qui vous passionne, justement, dans cettethématique du travail ?Toshiki Okada : « Si j’ai travaillé sur le thème du nontravaildans Freetime, c’est que j’avais déjà explorél’idée de travail dans Enjoy ; la première a étéconçue comme l’opposée de la seconde. Mais cesont évidemment différents aspects d’un mêmeproblème auquel est confronté le Japond’aujourd’hui. En outre , j’appartiens moi-même àcette génération dite du “précariat”, et cesquestions du travail et du non-travail sont aussi lesmiennes. C’est pourquoi j’ai créé Enjoy.Permettez-moi de noter que cette pièce n’est pasune production propre , mais une commande duNouveau théâtre national de Tokyo. Une institutionqui est généralement considérée comme étant ducôté de l’autorité. Je voulais jeter le problème de magénération au visage d’un public plus âgé et plusconservateur , comme une forme de provocation. Jesuis assez fier de ce qu’Enjoy ait été désignéecomme la pire pièce de l’année 2006 au Japon parune revue de théâtre ringarde ! À en juger par leurcompte rendu , il semble que j’aie atteint mon but.La transformation rapide du sens des mots “travail”et “loisir” dans le Japon d’aujourd’hui démontre, demanière intéressante , la manière dont lesemployeurs exploitent le travail de la jeunesse. Ilsnous disent : “Vous pouvez décider de combien voussouhaitez travailler pour vous-mêmes. Vous pouvezprendre autant de temps libre que vous voulez. Etdans votre temps libre , vous pouvez faire tout ceque vous voulez… au moindre coût.” Évidemment, cetype de messages est très séduisant pour lajeunesse, mais en même temps , ils sontextrêmement trompeurs et dangereux. Les jeunesJaponais doivent négocier avec le peu de ressourceset d’expériences dont ils disposent.46


Vos textes et votre théâtre semblent beaucouptravailler l’idée de « temps suspendu » – et de« temps présent »…Toshiki Okada : « C’est exactement cela. Je crois quel’un des rôles essentiels du théâtre est de permettreau public de faire l’expérience d’un temps différentde celui qu’ils ressentent dans leur vie quotidienne.Mon intérêt pour cette question du temps est trèslié à cette extension du temps qui est à l’œuvre surscène. En faire le sujet d’un texte n’est pas suffisant,j’ai besoin de la réaliser sur le plateau.Quelle était votre but lorsque vous avez fondéchelfitsch ? Vos spectacles se situent souvent à lafrontière du théâtre et de la danse : quelleimportance et quelle fonction accordez-vous auxcorps, et aux mots ?Toshiki Okada : « Tout d’abord, lorsque j’aicommencé à employer l’argot japonais dans mestextes, c’était simplement une idée comme ça. Plustard , j’ai compris que c’était un tournant. Il m’afallu trouver des mouvements qui puissentparfaitement convenir à cette sorte de langage.Dans ce processus, beaucoup d’idées me sontvenues concernant le corps. Par exemple, jem’ennuie si les corps des acteurs se bornent àaccompagner les mots qu’ils disent. Un corpsauxiliaire – qui se contente de “tracer” la trajectoiredes mots – me semblait “appauvrir” l’expression. J’aidonc demandé aux acteurs de séparer leurs corpsde leurs discours. De générer leur mouvement enpartant de ce que j’appelle des “images” ou des“sensations”, quelque chose qui, en général,précède les mots lorsque nous parlons. Et ce quevous voyez, c’est une solution. Une solution quin’est que temporaire : je ne cesse de travailler avecles acteurs et de développer leurs mouvements.Dans mes pièces, je considère les mouvements desacteurs comme une sorte de “naturalisme”, non pasau sens traditionnel du terme mais comme uneextension de celui-ci. Si je fais “danser” les acteurs ,ce n’est pas délibérément. Ce n’est pas monintention. Tout ce que j’ai conscience de faire , c’estd’essayer de prolonger les corps des acteurs.L’une des choses importantes que je demande auxacteurs , c’est de bouger consciemment sur scènecomme s’ils étaient en train d’improviser, mêmes’ils ont en réalité travaillé et mémorisé lesmouvements un millier de fois. Voilà tout ce que jepeux dire concernant l’importance que j’accordeaux corps. Quant aux mots, il est certain que je faisattention à leur signification , mais plus encore, jevoudrais souligner ici le fait que le discours agit surle corps du locuteur. Encore une fois, j’ai toujourscette puissance à l’esprit lorsque j’écris le texted’une pièce. Le discours peut déclencher desmouvements inattendus.générations antérieures – reprochent à ce langagedes jeunes Japonais sa “pauvreté”. En rébellioncontre cela, mon intention a donc été de créer unepièce de théâtre “riche” à partir de ce qu’ilsstigmatisent comme un langage “pauvre”, de leurmontrer la complexité et la sincérité qui y sont enréalité à l’œuvre.C’est un défi que d’arriver à transmettre tout ce quise passe à un public non japonais. Mais je suisconfiant, d’autant plus que l’expérience d’avoir jouédevant différents publics ne comprenant pas lejaponais m’a montré qu’il pouvait tout de mêmes’établir une relation entre eux et mon travail, etque le seul mouvement des acteurs suffisait à leurfaire éprouver le langage qui est parlé sur scène.Même ceux qui ne comprennent pas le Japonaispeuvent voir que la force des spectacles ne tient passeulement au langage, mais également dans larelation qui y est établie entre le langage et le corps.À chaque fois que nous avons été en mesure deprésenter le spectacle correctement – c’est-à-dire,d’articuler la relation (la distance autant que laproximité) entre le langage et le corps à travers lespectacle –, le public s’est montré captivé par ce quenous faisions. Il est fascinant de constater combienla réaction du public a toujours été étroitementcorrélée à la réussite de ce que nous faisions surscène. Pour autant que je puisse en juger, c’estcomme si la barrière de la langue n’existait pasréellement. »Propos recueillis par David SansonVous disiez que l’utilisation de l’argot a marquépour vous un tournant : dans quel sens – etcomment cherchez-vous à rendre cette dimensionde votre écriture accessible à un public nonjaponais?Toshiki Okada : « Mes pièces de théâtre sonteffectivement écrites dans cet argot japonais quenous parlons aujourd’hui dans la région de Tokyo.Certaines personnes – appartenant, en général, aux47


Madeleine LouarnJean-François AugusteAlice ou le mondedes merveillesAlice ou le monde des merveillesD’après les Aventures d’Alice au pays desmerveilles de Lewis CarrollNouvelle traduction, Elen RiotAdaptation et mise en scène, Madeleine Louarnet Jean-François AugusteAccompagnement pédagogique et artistique,Erwana PrigentScénographie, Marc LainéLumière, Michel BertrandCréation sonore, David SégalenCostumes, Laure Mahéo et Jocelyne Cabonavec les comédiens de l’atelier Catalyse, ClaudineCariou, Christian Lizet, Anne Menguy, Jean-ClaudePouliquen, Christelle Podeur, yvon Prigent,Jacques Priser<strong>Festival</strong> d’ A u t o mne à P ar isLa s cè ne Watteau, N o ge n t-S ur-Marnele vendredi 7 novembre20h30Durée : 1h159 € à 15 €Abonnement 7 € et 10 €<strong>Festival</strong> d’ A u t o mne à P ar isLa Fe r me d u B u iss o n / S c è ne Nati o naled e Marne la Vallée, N o is i e ldu jeudi 27 novembreau dimanche 30 novembre20h45dimanche 17h4 € à 20 €Abonnement 8 €Durée : 1h15Coproduction Théâtre de l’Entresort/Morlaix ; Opéra-Théâtre de Saint-Étienne – secteur Jeunes Publics ; Théâtredu Pays de Morlaix ; Théâtre de la Fonderie du Mans ;Théâtre des Lucioles/Rennes ; atelier Catalyse del’association des Genêts d’or à Morlaix en partenariat avecla fondation d’entreprise Préviade-Mutouest et laFondation de France avec le soutien de la DRAC Bretagne,le Conseil Régional de Bretagne, le Conseil Général duFinistère et la Ville de MorlaixDepuis ses débuts, le Théâtre de l’Entresort,compagnie fondée par Madeleine Louarn, aintimement mêlé son parcours à celui desacteurs professionnels de l’Atelier Catalyse,formé d’adultes handicapés mentaux.Après avoir monté ensemble Shakespeare etDaniil Harms,… que nuages…de Beckett ou desrécits de SDF, l’Entresort s’associe à la troupedes Lucioles pour proposer, avec Alice ou lemonde des merveilles, un spectacle pour touspublics qui, dans ce compagnonnage atypiquede plus de quinze ans, a valeurd’aboutissement. Pour cette traversée dumiroir, Madeleine Louarn dit avoir trouvédans les acteurs de l’Atelier Catalyse « lesinterprètes rêvés. Parce qu’ils ont eux-mêmesune perception troublée de la réalité, et parcequ’ils sentent et perçoivent intuitivement lenon sens. La non-évidence des énoncés, lafragilité des choses et du monde sont leur lotquotidien.» Avec ceux des Lucioles et del’Entresort, ces comédiens donnent corps àcet étrange théâtre tour à tour onirique etterrifiant, à ces pérégrinations d’une petitefille interloquée – « Suis-je folle ? », ne cesse-tellede se répéter – à travers un monde oùvacillent certitudes et repères, conventions etarbitraires : c’est ici une suite de tableauxinspirés tout autant de Matthew Barney quede Fred Astaire, de Freud ou de Nabokov. Unetraversée des apparences sur les talons duLapin blanc, au terme de laquelle on songe àces mots d’Alice expliquant au Chenillon : « Entout cas, je sais qui j’étais quand je me suislevée ce matin, mais je crois que j’ai dû êtrechangée plusieurs fois depuis. »Contacts presse :<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort, Margherita Mantero01 53 45 17 13La Scène WatteauBenoît Strubbe01 43 24 76 7648


Le Théâtre de l'Entres ortLe Théâtre de l'Entresort a été fondé à Morlaix en1994 , sous forme d'association loi 1901, autour dutravail de la metteur en scène Madeleine Louarn.Venue au théâtre par la pratique de la mise en scèneavec les personnes handicapées mentales, lesorientations et choix esthétiques de MadeleineLouarn sont de façon décisive déterminés par cetteexpérience ; celle-ci a pris au fil des années une telleampleur qu'elle s'est imposée sur la scèneprofessionnelle. La singularité du parcours deMadeleine Louarn, son atypie, l'invite à chercher enpermanence de nouveaux modes de jeu et dereprésentation. Depuis sa création, l'Entresort voitdonc son parcours intimement lié à celui de l'AtelierCatalyse, compagnie formée d'adultes handicapésmentaux, que Madeleine Louarn a accompagnéedepuis ses débuts en 1984. En septembre 1994, àl'initiative de l'association Les Genêts d'Or, Catalysedevient un Centre d'Aide par le Travail théâtre. Dèslors, la permanence de cette pratique donne lieu àla création de spectacles résultant de l'histoirecroisée des deux compagnies: Alice ou le monde desmerveilles, de Lewis Caroll , création 2007 ... quenuages... , de Samuel Beckett, création 2004 Sainte-Tryphine et le roi Arthur, création 2002 Les VeilléesAbsurdes , de Daniil Harms, création 2001 Le Jeu duSonge, d'après W.Shakespeare ,création 1999, quipour la première fois réunit sur scène les acteurs del'Entresort et de Catalyse Le Pain des âmes, à partirdes contes de Luzel / Création 1996 Si c'est unhomme, à partir de récit de clochards , Création1994.En parallèle, le Théâtre de l'Entresort a développéses propres créations: Grand-Mère Quéquette, deChristian Prigent, création 2006 Les petitestragédies de Pouchkine , Création octobre 2005 •D'un Buisson de ronces d'Armand Robin, Créationmars 2000 Soldat de neige, Création février 1998 •Un fils de notre temps d’Odon Von Horvath /Création octobre 1997 Le rôle préféré, Créationnovembre 1995.L’Entresort et les acteurs de CatalyseL'association « Les Genêts d'Or » accueille despersonnes en difficulté physique et mentale et achoisi de mettre en place un atelier-théâtre au seindu C.A.T (Centre d'Aide par le Travail). Ce qui veutdire que 7 hommes et femmes, travailleurshandicapés, travaillent depuis 10 ans, chaque jour,le théâtre, accompagnés par des éducatrices. Ils ontchoisi ce métier. Ils sont rémunérés pour ce travail.Ce sont des acteurs professionnels qui seproduisent régulièrement dans les structuresculturelles nationales. Le Théâtre de L'Entresortdirigé par Madeleine Louarn s'est associé à cetaccompagnement en apportant les artistes(danseurs, acteurs) pour la formation continue desacteurs. De même, le Théâtre de l'Entresort est leproducteur délégué de toutes les créations del'atelier Catalyse.(1991/1994) de l'école du Théâtre National deBretagne : Paola Comis, Marcial Di Fonzo Bo,David Jeanne-Comello, Mélanie Leray, FrédériqueLoliée, Pierre Maillet, Valérie Schwarcz, Elise Vigier.,Jean-François AugusteLa compagnie fonctionne comme un collectif. Nonque la mise en scène soit collective, il n'y ad'ailleurs pas de metteur en scène attitré, mais ladirection est tournante, selon les propositions. Lesmembres de la troupe peuvent travailler ailleurs,avec d'autres artistes et des acteurs et metteurs enscène extérieurs peuvent être appelés à participeraux projets de la compagnie. Les Lucioles senourrissent ainsi de rencontres et imposent unstyle et un esprit qui leurs sont propres. Depuis sasortie de l'école, le collectif a créé les spectaclessuivants.Petite histoireLa première rencontre entre l'Entresort, LesLucioles et Catalyse s'est faite au tout début deshistoires de ces compagnies, il y a dix ans. Une sortede fraternité s'est discrètement construite dansleurs parcours par des retrouvailles régulières, uneattention toujours renouvelée aux spectaclesrespectifs.L'occasion d'une rencontre au plateau s'estconcrétisée en octobre 2003. Les Lucioles, enrésidence de création au Théâtre du Pays deMorlaix, ont proposé un stage, OEdipe et sesorigines, aux comédiens de l’atelierCatalyse. De cette expérience est né le désir depoursuivre le travail d’une mise en scène communedes comédiens de Catalyse, par le Théâtre desLucioles et le Théâtre de l’Entresort .Adapter Alice au pays des merveilles est vite apparucomme une évidence : il s'agissait de trouver unprojet pour ces acteurs, un univers où leursdifficultés se renverseraient, et où leur singularités'imposerait comme une véritable force artistique.La correspondance que nous avons établie entre lemonde d'Alice et les acteurs de Catalyse produit unphénomène de condensation qui intensifie l'universimaginaire du rêve.Ce rêve est un univers fascinant, très riche, où laquestion de l'existence d'Alice est posée de façonludique.Dans ce monde onirique, sans cesse en mouvement,les personnages sont pour la plupart hostiles,malmenant la petite héroïne, remettant en cause sacapacité à parler, à apprendre, à exister…Ce roman ne met pas en scène qu'un rêve : il s'agitde l'univers d'une petite fille de 7 ans. Sur le plateau,nous voulons montrer des équivalents à l'«enfance»de cette héroïne, non pas pour diminuer la fraîcheurde l'«innocence» mais pour en chercher lasensualité, la puissance imaginaire, la complexitédes identités et le processus de fabrique imaginairequi est spécifique au théâtre.Le Théâtre des LuciolesCréé en 1994, Le Théâtre des Lucioles réunit desacteurs issus de la première promotion49


Entretien avec Jean-François Auguste et MadeleineLouarnVous avez travaillé à plusieurs reprises avec lesacteurs de l’Atelier Catalyse : qu’est-ce qui motiveces projets de collaboration, et plusparticulièrement, comment avez-vous eu l’idée decet Alice ou le monde des merveilles dont on al’impression qu’il a valeur d’aboutissement ?Jean-François Auguste : « Si Madeleine travailledepuis 15 ans avec les acteurs de Catalyse , pour mapart, je les ai rencontrés seulement en 2003 : avecles Lucioles, nous étions à Morlaix pour un projet decréation sur Oedipe-Roi, et durant cette résidence,j’étais intervenu pour diriger un stage à Catalyse. Jene les connaissais pas du tout , je savais seulementqu’il s’agissait d’acteurs professionnels et qu’ilsétaient handicapés mentaux, et cela a donc été unerencontre pleine de surprises. Nous avions travaillésur la généalogie d’Œdipe , pour comprendrepourquoi cette généalogie était boîteuse ; euxjouaient des dieux et des déesses, remontantquatre génération en arrière… Aussi, quandMadeleine m’a dit qu’ils avaient été aussi ravis quemoi du travail accompli, nous avons réfléchi à unprojet commun. Je voulais quelque chose qui puissefaire sens par rapport à eux , et j’ai proposé Alice : etce qui ne devait être qu’un stage est devenu unspectacle.Madeleine Louarn : « Ce projet n’est peut-être pasun aboutissement , mais il est certain qu’Alice faitpartie de ces spectacles qui ont représenté unfranchissement, un seuil. D’abord , parce que lesacteurs, qui se sont beaucoup investis, se sontréapproprié le plateau, mais aussi parce que l’onperçoit avec une plus grande ampleur la naturemême de ce que ces acteurs ont de singulier. Celapeut permettre des gestes poétiques , qui avaientpeut-être jusqu’à présent plus de mal à trouver leurdéveloppement.Vous dites d’ailleurs de ces acteurs qu’ils ont « euxmêmesune perception troublée de la réalité, parcequ’ils sentent et perçoivent intuitivement le nonsens»…Madeleine Louarn : « Le plus troublant, c’est que cen’est pas le non-sens de Lewis Carroll qui leur sauteaux yeux : les histoires de logique, ce n’est pas dutout leur affaire, il leur manque pour cela les outilsde décryptage. En revanche , ils apportent, avec descorps, des intonations et des inventions ouimpulsions personnelles, quelque chose quirestitue très bien cette frontière entre l’imaginaire,le rêve, et la réalité – ce noeud où il y a des torsions.À cet endroit-là , ce sont des acteurs exceptionnels,et d’ailleurs, je crois que ni Jean-François ni moin’aurions eu envie de monter cette pièce avecd’autres comédiens.Comment avez-vous travaillé à l’adaptation –comment avez-vous choisi , tout en gardant lastructure du récit, d’écarter ou de conserver telle outelle scène ?Madeleine Louarn : « Nous avons fait des trous dansle déroulé, mais globalement, nous avons respectéla structure, les dialogues (même si nous avonsopéré des coupes), la ligne de force qui nousimportait dans chacune des scènes. Notre pointd’attaque n’a pas été de nous lancer dans les vingtbibliothèques autour de Lewis Carroll , mais departir de perceptions, d’impressions : nous voulionsavant tout donner des couleurs, des dynamiques,des tensions à l’intérieur de chaque scène qui soienttrès singulières, spécifiques à chaque petiteséquence. Ce sont des sortes de vignettes, unesuccession de ruptures et de correspondances,comme dans le livre ( où l’on change d’atmosphèreen une fraction de seconde, le temps de tourner unepage), et surtout comme dans le rêve. Car, bienavant la connaissance de Freud , Lewis Carroll atrouvé une manière assez inépuisable de parler del’inconscient, et de la manière dont fonctionnenotre imaginaire. Sans parler de ce qui resteextrêmement présent , même si cela n’a peut-êtrepas été notre domaine de travail premier : la façondont Carroll subvertit radicalement les sens, lescodes qui habituellement structurent une société.Avant le travail sur le texte , il y a donc eu une suitede tableaux : comment avez-vous envisagé la miseen scène, et comment l’avez-vous articulée autravail sur le texte lui-même ?Jean-François Auguste : « J’avais déjà commencé àtravailler avec les acteurs sur certaines scèneslorsque Madeleine et moi nous sommes réunis pourréfléchir à la manière dont il était possible derendre au plateau des choses qui sont justement del’ordre de la sensation, de l’impression. Nous avonsainsi privilégié toutes les scènes qui participaient ,pour reprendre une terminologie freudienne, du“procédé de condensation”: la scène de la duchesse,par exemple, où l’on est dans une cuisine tout enl’ayant l’impression, comme dans les rêves, d’êtreen même temps dans un hôpital. Il s’agissait decondenser deux, voire plusieurs sensations dansune même scène. Ce sont donc aussi des principesd’images : à partir de là, nous nous sommes penchéssur le travail de quelqu’un comme Matthew Barney,par exemple, dont l’univers esthétique noussemblait vraiment rencontrer celui de LewisCarroll…… ou encore sur la Lolita de Nabokov !?Madeleine Louarn : « La figure d’Alice a construitune mythologie. Pour la première fois , on voyaitapparaître une petite fille qui a une autonomie, desdésirs, une affirmation , et une liberté – c’est-à-direune façon d’appréhender les choses qui lui estpropre. Comme Zazie (cf Zazie dans le métro ,Raymond Queneau) , Alice fait partie de ces figuresde petites filles de la littérature qui sont assezdécoiffantes, qui posent des questions parfoisimpertinentes, et qui soulèvent un érotismeétonnant. Alice , c’est une génèse de femme. Dansles questions qu’elle pose – “ Suis-je moi-même ?N’ai-je pas un peu changé ? ”, on voit bien qu’il estquestion d’autonomisation, d’une identitépersonnelle qui s’affirme. Et son histoire est celle dela métamorphose d’une petite fille , dont le corps setransforme : lorsqu’il se rapetisse ou s’allonge, c’estbien la question du devenir femme qui est posée.L’actrice qui joue Alice a 25 ans et a gardé cettefraîcheur incroyable de son personnage , avec unvisage qui devrait rappeler tout à faitl’émerveillement et l’enthousiasme d’une enfant, eten même temps un corps de jeune femme…50


Justement , comment le travail avec les comédiensa-t-il agi sur l’articulation des différents tableaux ?Jean-François Auguste : « Au niveau du rythme ,d’abord : pour ces acteurs, tout estsurconcentration, sur-effort, et ils ont donc unrythme très particulier (sans parler de lamémorisation du texte, puisqu’ils ne savent ni lireni écrire). Nous avons commencé par travailler surdes improvisations, et donc sur des sensations , desrythmes, d’autant que beaucoup de scènes – commecelle du thé, par exemple – peuvent fonctionnersans dialogues. Il s’agissait d’abord de leur faireappréhender la situation de chaque scène , ettrouver des rapports entre Alice et les personnages :de faire en sorte, finalement, que leur singularitépuisse rencontrer l’univers de Carroll, et l’universesthétique et plastique que nous avons placéautour. Car c’est d’eux que part le projet: c’est àpartir de ces acteurs que peut s’opérer cettealchimie qui donne sa couleur à la mise en scène, etqui révèle ensuite d’autres dimensions. »Propos recueillis par David Sanson51


Luc BondyMarivauxLa SecondeSurprise de l’amourLa Seconde Surprise de l’amourde MarivauxMise en scène, Luc BondyDramaturge, Dieter SturmCollaborateur artistique, Geoffrey LaytonDécors et lumière, Karl-Ernst HerrmannSon, André SerréCostumes, Moidele BickelMaquillage, coiffure, Cécile KretschmarAssistanat à la mise en scène, Sophie Lecarpentieravec Pascal Bongard, Audrey Bonnet, Roger Jendly,Roch Leibovici, Micha Lescot, Marie Vialle<strong>Festival</strong> d’ A u t o mne à P ar isT héât r e d es B o uffes d u N o r ddu mardi 25 novembreau samedi 20 décembre21h00samedi 15h30 et 20h30relâche dimanche et lundiDurée : 2h12 € à 26 €Abonnement 10 € à 22 €Coproduction Théâtre Vidy-Lausanne E.T.EThéâtre Nanterre-AmandiersWiener Festwochen ; Ruhr triennale ; MC2 : Grenoble-Scènenationale, nouveau Theâtre d’Angers, Centre dramatiquenational des Pays de Loire ; Théâtre de Caen ; <strong>Festival</strong>d’Automne à <strong>Paris</strong>avec le soutien de la Fondation Leenaards,de Monsieur Martin Schlaffet de la Fondation landys & GyrCe spectacle a été créé en 2007au Théâtre Vidy à Lausanne puis repris en novembreau Théâtre Nanterre-AmandiersC’est en 1727 , cinq années après La SecondeSurprise de l’amour, que Marivaux écrivit uneseconde version de cette comédie mettantaux prises deux blessés des sentiments – uneComtesse, belle veuve inconsolable, et unChevalier, amoureux trahi et éploré – qui,après avoir longtemps réprimé leur attiranceréciproque, au terme de maintstergiversations et marivaudages, finiront parse trouver. Avec cette pièce maniant la pudeuret l’ironie , mariant la légèreté et laprofondeur , Luc Bondy retrouve Marivauxdeux décennies après avoir mis en scène sonTriomphe de l’amour à la Schaubühne deBerlin.«Marivaux nous montre , et la description enest trop sensible pour ne pas correspondre àla réalité , une société où l’amour est reprisaux dieux et aux démons brutaux de l’amour,rendu en toute propriété à l’amoureux et àl’amoureuse. Le débat du héros et de l’héroïnen’est pas le jeu d’une coquetterie ou d’unecrise , mais la recherche d’un assentimentpuissant qui les liera pour une vie communeempreinte de rituels… »Luc Bondy est passé maître dans l’art dedémonter et réinventer le répertoire duthéâtre , avec une précision d’« horlogersuisse» – pour reprendre le mot de Stravinskyau sujet de Ravel – et, surtout, ce sensmagistral de l’analyse et de la «mécanique»théâtrales qui fait de lui l’un des grandsdramaturges contemporains. Un directeurd’acteurs , également, pour qui cetteentreprise de rajeunissement passenotamment par le choix d’une nouvellegénération de comédiens, avec Micha Lescotet Marie Vialle, qui succède dans cette reprisedu spectacle présenté l’an passé à Nanterre-Amandiers , à Clotilde Hesme. Luc Bondycherche à faire jaillir la langue de Marivauxdans toute sa modernité, mais aussi à la fairechanter, lui qui a su rendre sa dimensionlyrique au théâtre de parole.Contacts presse :<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort, Margherita Mantero01 53 45 17 1352


Luc BondyNé en 1948 à Zurich , Luc Bondy passe une partie deson enfance et de son adolescence en France. Aprèsavoir fréquenté l’école de Jacques Lecoq , il fait sesdébuts à l’Université Internationale du Théâtre à<strong>Paris</strong> en adaptant un roman de Gombrowicz. En1969 , il est assistant à la mise en scène au ThaliaTheater de Hambourg ; dès 1971, il signe ses propresmises en scène, notamment Les Bonnes de Genet(Hambourg, 1971), Les Chaises de Ionesco(Nuremberg, 1972), Comme il vous plaira deShakespeare (Wuppertal, 1973).De 1974 à 1976, Luc Bondy travaille à la StadtischeBühne de Francfort. Par la suite, il réalise denombreuses mises en scène à la Schaubühne deBerlin dirigée par Peter Stein. À partir de 1981, iltravaille à Cologne , où il présente notammentYvonne, princesse de Bourgogne de Gombrowicz, Ahles beaux jours de Beckett et Macbeth deShakespeare, en 1982.Dans la même année , il adapte Kalldewey Farce, untexte de Botho Strauss, qui est créé à la Schaubühnede Berlin. En 1984 , il met en scène Terre étrangèrede Schnitzler au Théâtre des Amandiers de Nanterre(la critique allemande lui décernera son prix duthéâtre pour ce spectacle).De 1985 à 1987 , il est co-directeur artistique (avecles dramaturges Dieter Sturm et ChristophLeimbacher) de la Schaubühne de Berlin, où il meten scène Le Triomphe de l’amour de Marivaux, LaTanière de Botho Strauss et Le Misanthrope deMolière.Depuis 2001 , Luc Bondy est le directeur des WienerFestwochen.Parmi ses récentes mises en scène : Phèdre deRacine, Figaro divorce d’Ödön von Horváth (1999), Enattendant Godot de Samuel Beckett, avec des élèvescomédiens du Séminaire Max-Reinhardt , Fantaisiedu sort de Botho Strauss, Macbeth de GiuseppeVerdi, le Conte d’hiver de Philippe Boesmans, LaMouette d’Anton Tchékhov, Le Tour d’écrou deBritten (2001), et Auf dem Land d’après La Campagnede Martin Crimp (2001). En octobre 2000 , Luc Bondycrée Trois vies de Yasmina Reza à l’Akademietheaterde Vienne. En mai 2002 , il met en scène Anatold’Arthur Schnitzler au Burgtheater de Vienne. En2004, une pièce espagnole est présentée au théâtrede la Madeleine , et son film Ne fais pas ça ! sort surles écrans français.En 2005 , il monte Viol de Botho Strauss. En 2006 , ilprésente Idomeneo de Mozart à l'Opéra Garnier. En2007 , il crée La Seconde Surprise de l’amour deMarivaux, qu’il reprend cette année avec MarieVialle dans le rôle de la marquise.Luc Bondy au <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> :1989 : Le Chemin solitaire d’Arthur Schnitzler(Théâtre du Rond-Point Renaud-Barrault)1994 : L’Heure où nous ne savions rien l’un del’autre de Peter Handke (Théâtre duChâtelet)La Ronde opéra de Philippe Boesmansd’après Arthur Schnitzler(Théâtre du Châtelet)1996 : Jouer avec le feu d’August Strindberg(Théâtre des Bouffes du Nord)1998 : Phèdre de Racine(l’Odéon – Théâtre de l’Europe)2000 : Le Conte d’Hiver de William Shakespeare,opéra de Philippe Boesmans( Théâtre du Châtelet)2002 : The Country de Martin Crimp(Théâtre National de la Colline)2007 : La Seconde Surprise de l’amour deMarivaux (Théâtre Nanterre-Amandiers)53


Entretien avec Luc BondyVous revenez à Marivaux, 22 ans après avoir mis enscène Le Triomphe de l’amour à la Schaubühne:pourquoi avoir fait ce choix aujourd’hui ?Luc Bondy : Marivaux est , comme tous les grandsauteurs qui ont marqué notre vision du monde , à lafois moderne et anachronique. Avant Freud, defaçon dramatique, il raconte les mécanismes del’orgueil – le fonctionnement du narcissisme, lacrainte d’être possédé, comme celle d’être rejeté. Ildécrit la manière dont l’attirance entre les sexes estsoumise à certaines lois qui se retrouvent danstoutes les relations entre les êtres qui se désirent.Marivaux a écrit sur des sentiments que desadolescents vivent,dont ils ne connaissent pas lanature et qu’ils n’ont pas expérimentés. Ce sont desévénements d’avant la Chute, qui préfigurent la vieterrestre, la vie sociale. Les personnages deMarivaux se manipulent les uns les autres pourparvenir à des solutions, pas toujoursconvaincantes, mais qui ont pour elles d’imiter leBonheur. C’est la première fois que je monteMarivaux dans sa langue d’origine. J’ai malgré toutessayé de ne pas retomber dans des schémaspréconçus et de conserver cette forme de distanceque m’offrait le passage de la langue originelle à lalangue traduite ;une distance qui permet deretrouver des moments que la tradition a enfouis…Pourquoi avoir choisi La Seconde Surprise del’amour, et non la première version de cette pièce(La Surprise de l’amour), souvent considérée commeplus aboutie, voire comme le chef-d’oeuvre de sonauteur ? qu’est-ce qui vous a intéressé dans cetteseconde version, davantage centrée sur lepersonnage de la Marquise?Luc Bondy : J’ai envisagé les deux textes, mais monpremier choix s’est porté sur La Seconde Surprise del’amour. L’écriture de la première est peut-être plusrigoureuse, plus classiquement marivaldienne,surtout par ses constructions parallèles. La forme yest plus rigide et,de ce fait , l’aboutissement trèssurprenant.Toutefois, ce que je préfère raconter au théâtre, cesont les histoires des femmes. L’hypocondrieamoureuse et la mysoginie passagère du héros deLa Surprise de l’amour, bien que brillammentconçues, ne me permettaient pas de rapprocher lestraits de ce personnage de quelque chose que jeconnaissais vraiment.L’aspect abouti dont vous parlez est pour moi unproblème – c’est comme le livret des Noces deFigaro : dès que le fonctionnement dramaturgiqueinterne de l’oeuvre fait songer à la perfection d’unemontre suisse, j’abdique… La Seconde Surprise del’amour est une pièce plus surprenante, avec undeuxième et un troisième acte inouï. À chaqueinstant, la pièce pourrait se terminer, mais il semblequ’un malentendu s’y glisse toujours pourcontrarier cette fin. Ce malentendu –qui se joueentre les deux termes : amitié et amour – peutégalement être lu comme une histoire initiatique :le couple doit surmonter plusieurs crises avant dese trouver. Ces crises demandent des sacrifices :“l’intellectuel” de la Marquise, son shrink(“psy”,Ndlr.) , tout comme son autre prétendant,doivent être virés, écartés. Le premier renvoi estaccompli par les serviteurs – les aristocratesutilisent les petites gens pour réaliser la salebesogne , celle d’expulser le philosophe de lacomédie. À la fin de la pièce néanmoins ,on sent uneoverdose de sentiments amoureux – analysés,vécus, étranglés, revécus –, un passage exténuantde la dépression au bonheur, bonheur au doute… Àtel point que l’on pourrait se demander s’il n’y a pas,à l’instant de la fin, un grand gâchi…Comment avez-vous abordé ce texte et quels partispris de mise en scène comptez- vous adopter ?comment s’est effectué le choix des comédiens ?Luc Bondy : Ma mise en scène ne cherche pas àexpliquer le pourquoi de ces comportements, mais àvoir où nous pouvons nous y retrouver.Lessituations entre les serviteurs sont bien plusdifficiles à adapter à notre époque car souvent, cesont eux qui font fonctionner ceux auxquels ilsobéissent. Malgré tout, leur humanité nous parle.J’ai tenté de ne pas faire trop de reconstructionhistorique car elle risquerait, dans La SecondeSurprise de l’amour,de prendre le pas sur le conflitamoureux. J’ai été également très sensible au travaildu cinéaste Eric Rohmer, qui, comme Marivaux auXVIIIe siècle, est un grand philosophe desmalentendus amoureux. Quant au choix desacteurs: je les rencontre, je leur parle, je fais toutpour trouver des comédiens correspondant dès ledébut à ce que je crois m’imaginer, au point de mefaire oublier les rôles : je veux de plus en pluspouvoir dire, non plus “la Marquise”, mais“Clotilde”, non plus “le Chevalier”, mais “Micha”,non plus “le Philosophe”, mais“Pascal”,ou“Roger” àla place du “Comte”, et les deux valets, Audrey etRoch, doivent redevenir eux-mêmes…Propos recueillis par David Sanson en juin 200754


Adward AlbeeDe KoeQui a peur deVirginia WoolfQui a peur de Virginia Woolf ?d’après Who Is Afraid Of Virginia Woolf ?d’Edward AlbeeTraduction française, Martine Bomde et avec Natali Broods, Karolien De Beck, Nico Sturm,Peter Van Den EedeMise en place, Hanneke Van de Kerkhof / Concept lumière,Jan GoedeméConcept son, Pol Geusens / Techniques, Bram De Vreese etSteven Bryce<strong>Festival</strong> d’ A u t o mne à P ar isT héât r e d e l a Bas til l edu jeudi 27 novembreau vendredi 5 décembreWho Is Afraid Of Virginia Woolf ?, pièce la plusfameuse d’Edward Albee , met en scène ladérive d’un couple : George, professeurd’histoire à l’Université, et Martha. À la faveurd’un dîner , tous deux étalent sous les yeux deleurs « amis » Nick et Honey lesmystifications, les provocations et les joutesverbales qu’ils prennent un plaisir presquepervers à inventer pour se cacher à euxmêmesl’échec de leur mariage. Cet implacableconstat de glaciation émotionnelle , ceréquisitoire par l’absurde contre lesconventions et les faux-semblants avaienttout pour séduire De KOE , dont la démarcheest mue par un impressionnant sens ducollectif et de la communauté : interprètesautant que créateurs, les acteurs de lacompagnie flamande n’ont de cesse desonder, à travers leurs spectacles, l’intersticequi sépare l’être et le paraître, de faire resurgirl’immédiateté de l’expérience théâtrale enjouant avec les artifices et les codes de lareprésentation. Entre les comédiens et leurspersonnages , entre la scène (transformée icien champ de bataille dans un intérieurbourgeois) et la salle, il se crée un jeud’illusions dont De KOE met à mal ladimension duplice et factice : à l’instar deNick et Honey, le spectateur, d’abordincrédule, se retrouve bien vite gagné par letrouble... Le théâtre selon De KOE , ce pourraitêtre l’art de regarder la vie en face.21hrelâche dimancheDurée : 2h2013 € et 20 €Abonnement 13 €Production et promotion, Marlene De Smet / assitanceproduction, Hilde KenensProduction De KoeCoproduction de la version française ThéâtreGaronne/Toulouse ; Théâtre de la Bastille ; Théâtre deNîmes ; le Point du Jour/Lyon ; le Bateau Feu/ScèneNationale de Dunkerque ; <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Manifestation présentée dans le cadre de la Saisonculturelle européenne en France(1er juillet – 31 décembre 2008)Contacts presse :<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort, Margherita Mantero01 53 45 17 13Théâtre de la BastilleIrène Gordon01 43 57 78 3655


Com pagnie de K oePeter Van den Eede et Bas Teeken fondent lacompagnie De Koe en 1989. Après le départ de BasTeeken, Peter Van den Eede prend les rênes de lacompagnie. À l’heure actuelle, il travaille avec unnoyau fixe de comédiens-créateurs qui se composede Nico Sturm, Stefaan Van Brabandt et BrunoVanden Broecke.De KOE est réputée pour son théâtre expérimental,poétique, abstrait, reconnaissable, aliénant etnéanmoins simple. Le groupe veut créer du théâtre«irrésistiblement sincère » à partir « d’uneperplexité philosophique au sujet de l’être humainet du monde ». Pour ce faire, ils procèdent àl’analyse de l’essence humaine dans toute sacomplexité : éternellement coincé entre l’amour etl’amour-propre, entre le désir de pouvoir et laconscience du devoir, entre la réflexion etl’émotion, entre la lucidité et la folie. Sur la scène,toute astuce théâtrale est exclue. Pour De KOE, lethéâtre doit être transparent afin d’affronter lepublic de face. À travers un dialogue aussi franc etouvert que possible, les créateurs tentent deconstruire le spectacle avec leur public.Le concept de « communication » est prépondéranttant au niveau du texte que de la forme, du contenuet de la dramaturgie. Pour De KOE le théâtre est lemédia par excellence pour réunir les gens et lesfaire participer à une expérience commune. Ensomme, ils considèrent chaque représentationcomme une microsociété.Les comédiens-créateurs de De KOE écrivent soitleurs textes eux-mêmes, soit ils se servent dumatériau d’âmes sœurs. Ainsi, ils ont des affinitésavec l’œuvre d’entre autres Tchékhov, Greeneway,Allen et Solandz/Solondz, dont le pessimismejoyeux et le regard incisif sur l’âme humaine lesséduisent. Depuis le début, la compagnie cherche àmettre l’être humain à nu, mais avec unecompassion, une poésie et une autodérision aussidésarmantes que naïves. Pour parvenir à une «catharsis par identification », les comédiensauteursde De KOE s’exhibent eux-mêmes enpremier lieu. Avec impudeur et honnêteté, ilsveulent montrer l’être humain dans toute sonauthenticité, dans toute sa beauté et sa laideur, entant que héros et victime du récit qu’il fait de luimême.Entretien avec Peter Van den EedeQu’est-ce qui vous a décidé à mettre en scène letexte d'Edward Albee ?Peter Van den Eede : « La pièce d’Edward Albee peutêtre considérée à raison comme un monument del’histoire théâtrale du XXe siècle. Son impact àl’époque de sa création, dans les années 1960, a dûêtre fracassant. Un tremblement de terre dontl’épicentre était le monde théâtral, mais dont lessecousses se sont fait sentir bien au-delà de cemonde. Un texte incisif, à la clarté d’un diamant,d’un cynisme frappant, dur comme l’acier etpourtant aussi tellement chaleureux, riche enhumour noir, n’épargnant rien, un texte qui, d’unemanière révolutionnaire, traîne dans la boue lapetite bourgeoisie occidentale, la moraledominante, et critique impitoyablementl’hypocrisie. Ont également contribué au caractèrelégendaire de la pièce les interprétations hors ducommun d’Elizabeth Taylor, de Richard Burton, deSandy Dennis et de George Segal (film de MikeNichols, 1965) qui mettaient en œuvre les préceptesdu method-acting (la Méthode de l’Actors studio).L’apparence et la réalité étaient difficiles àdistinguer dans leur interprétation, tout commedans le texte. Après “To be or not to be ?”, laquestion, la réponse : “L’apparence est la réalité, laréalité l’apparence.” Une méditation purementphilosophique mais dans un contexte socialquotidien tellement identifiable, avec sesincontournables racines religieuses et politiques. Lapièce fut décriée et applaudie. L’establishmentréagit vivement et cria au scandale. Les genssortirent dans la rue. Il fut impossible de remettreun prix. En conséquence, éclata une vive polémiqueopposant partisans et adversaires. Il est rare quedes pièces de théâtre provoquent autant de remousdans l’histoire récente. Tout artiste ne rêve-t-il pasquelque part de provoquer un choc, d’engendrerune révolte ?Déranger. C’est exactement ce que doit faire lethéâtre s’il veut échapper à sa propre mort. Il s’agittoujours pour De Koe de briser quelque chose quis’est mortellement installé, quelque chose qui estrendu détectable par le théâtre et qui est doncartificiel, sacré et classique. Le théâtre est l’agoniebien vivante de l’ordre et du repos.De quelle manière avez-vous abordé cette pièce , entant que metteur en scène mais aussi commeacteur?Peter Van den Eede : « Le processus de création adonné lieu a des développements artistiquessurprenants, qui nous ont conduits à nous éloignerquelque peu des accords initialement pris avecEdward Albee. Nous avons dû apporter desmodifications au niveau du décor, des costumes, etd’effectuer également quelques coupures dans letexte : dans le cadre de notre approche et en tenantcompte de la vie théâtrale actuelle en Europe del’Ouest, la pièce nous semblait ainsi présenter unedynamique quelquefois plus oppressante. Lerésultat final n’a pas contredit ce sentiment. Il y aquarante ans, la pièce avait fait scandale. Depuis,elle est considérée comme un monument durépertoire théâtral. La culture visuelle du56


spectateur a évolué. Moins facile à choquer, il estprêt à regarder plus loin et à distinguer la richesseclassique de cette œuvre. Il sera fasciné par soncaractère reconnaissable, il rira de son humour noircaractéristique, mais il pourra mieux relativiser ense mettant hors jeu. Il regarde une pièce qui se jouepour lui, avec laquelle il peut mettre la distancevoulue. C’est à la fois bon et mauvais. La distanceest positive dans le sens où l’on conserve une visiongénérale, mais elle est négative car elle rendl’implication moins forte. Le choc est moins grand.L’accent évolue de la fantasmagorie versl’admiration. L’expérience devient plus collectivequ’individuelle. Inconsciemment, nous avons rendula beauté inoffensive par peur du dangerintrinsèque qu’elle représente. Nous découvronsencore un paradoxe enthousiasmant : la peur de lavolonté d’être touché et de perdre ses certitudes.N’est-ce pas précisément, oh ironie, ce dont traitecette pièce ? Il est vrai qu’il n’est pas toujours facilede rester aussi éveillé et sensible pour être emportépar la beauté originale. Le regard perd soninnocence quand il est soumis à la répétition.Dans le théâtre, qui n’est pas une fresque immuablemais un événement qui se déroule chaque soir endirect, les créateurs établissent une relationimmédiate avec leur public et ils peuvent doncjouer un rôle actif dans son mode de perception. Cequi hier soulevait l’émotion en un momentmagique, devient aujourd’hui le trucage raffiné d’unhomme de métier astucieux. L’artiste doit donc seposer la question de savoir s’il doit s’accrocher à sesprocédés éprouvés. Ne doit-il pas toujoursabandonner quelque chose pour aller plus loin ?Pour réussir, nous devons d’abord oser détruire sinous ne voulons pas nous enliser dans lemaniérisme et la vanité. Le jeu de Taylor, de Burton,de Dennis et de Segal fut mémorable. Essayer de leségaler aurait été impossible et cela aurait même étéinconvenant. Essayer de les dépasser dans ce qu’ilsreprésentaient à l’époque aurait été de la téméritéet de la stupidité car cela n’aurait pas été approprié.Nous n’avons donc pas fait de tentative dans cesens, il en a été autrement. Et cela a eu de l’effet. Estapparue l’essence magnifique de la pièce, avec sonhumour noir comme du jais, quarante ans plus tard.Le contenu intemporel et universel de l’époque avecla forme d’aujourd’hui. Non sans fierté, nous avonsnoté que cela a provoqué quelques remous...de faire du théâtre, de regarder les choses, dedonner forme à ses visions de l’homme et du mondeet de les présenter au spectateur. Nous restonsconvaincus que le théâtre est le médium parexcellence pour rassembler des hommes de tous lesbords et les faire participer à une expériencecommunautaire ; en soi, chaque représentation estune petite communauté.De Koe est ainsi une compagnie d’acteurs et decréateurs qui s’efforcent sans cesse – même si c’estpeut-être fondamentalement impossible – de laissertomber tous les petits trucs du métier , de prendrele public à bras-le-corps et de se mettre à table, entant qu’acteurs, en tant que créateurs et en tantqu’hommes ; de désarticuler l’action au point qu’ilne reste que l’homme, à la fois excessif etauthentique. Nous ne sommes pas un collectifd’artistes de la scène ou d’acteurs du répertoire,mais un collectif d’artistes créateurs, qui veulentmettre impérativement en scène leur visionpersonnelle de la vie. Comment nous comportonsnousensemble sur la scène, pourquoi faisons-nousdu théâtre, quelles sont nos motivations, et quandnous parlons de conscience politique, doit-elle semanifester par un engagement politique clair, parun discours, politiquement correct ou pas, ou par lacolère de la forme, la révolte de la composition ?Ainsi, en termes de dramaturgie, de composition etde forme, chaque représentation s’efforce derompre radicalement avec la précédente, ce qui metparfois à mal les règles sacrées du théâtre. Ce typede théâtre qui se cherche est naturellement uneentreprise à haut risque. Les codes et lesconventions sont bousculés, dans le but bien précisd’en finir avec le maniérisme, le faux sérieux, dedébarrasser le théâtre de son pseudointellectualisme, de provoquer de petitsbouleversements, des illusions émotionnelles,d’ironiser mais aussi d’émouvoir, de détruire maisaussi de créer. Chaque représentation de De Koe estune pièce de construction d’un répertoire, unepérégrination, une quête de manières de vivre. »Propos recueillis par David SansonDans la pièce, le personnage de Nick déclare : « Je nesais pas si vous mentez ou si vous dites la vérité » :est-ce ce doute, cette ambiguïté que vous essayezde mettre en oeuvre dans le travail de De Koe ?Peter Van den Eede : « Notre motivation artistiqueest de faire du théâtre totalement enchanteur àpartir de notre désarroi devant l’homme et lemonde. Mener une enquête sur l’être humain danstoute sa complexité, pris en étau entre amour del’autre et amour de soi, entre soif de pouvoir et sensdu devoir, entre raison et émotion, entre lucidité etfolie. Explorer sur les planches les recoins les plusobscurs de l’esprit, de l’âme et du cœur ; et – quandnotre exploration se révèle fructueuse – y apporterun mélange de poésie légère, d’humour irrésistibleet de conceptions formulées avec une parfaitelucidité. La vision artistique de De Koe, toute sonattitude s’exprime dans sa manière très singulière57


Tiago RodriguesRabih MrouéTony ChakarL’Homme d’hierL’Homme d’hierCréation et conception, Tiago Rodrigues,Rabih Mroué, Tony Chakar avec Tiago RodriguesDécor et lumière, Thomas WalgraveFes tiv al d’A uto mne à <strong>Paris</strong>T héât r e d e l a Bas til l edu lundi 1 er décembreau dimanche 7 décembre19h30dimanche 15h30relâche JeudiDurée : 1h1513 € et 20 €Abonnement 13 €Production Mundo Perfeito et Alkantaraavec le soutien de la Direcção General dasartes/Ministério da Cultura/Portugal et l’aide del’Instituto Camões/Lisbonne ; AshkalAlwan/Beyrouth ; Teatro Maria Matos/Lisbonneavec le soutien de la Fondation d’entreprise CMA CGMSpectacle présenté à Girona, Marseille, Lisbonne,Ljubljana et Cagliari dans le cadre de Sites ofImaginationProductrice déléguée, Magda Bizarro«Un homme a besoin de traverser DowntownBeyrouth : il veut prendre un café, acheterquelque chose dans un magasin, prendre unephoto, aller voir un film ou une pièce authéâtre. Chaque année, il reviendra à Beyrouthet essaiera d’accomplir ces tâches simples etordinaires. Chaque année, il sera confronté àune ville en mutation : nouveaux obstacles,circuits différents, autre géographie, lepassage du temps. Bien que les objectifs de savisite demeurent les mêmes, il vivra unehistoire différente tous les ans, de 1920, date àlaquelle le Liban a été déclaré Étatindépendant, à 2007. »« Ce projet débute avec l’idée que dans chaqueville, existe une autre ville. Les villess’accumulent en dessous des villes. Parfois, lesfragments de ces villes englouties émergent àla surface et apparaissent face au présent deces prétendues nouvelles villes ; ellesapparaissent brusquement ou avec hésitation,et parfois avec cruauté et sévérité ; un acted’une extrême violence qui, un jour, dresse lanouvelle ville contre l’ancienne, la détruisantsans prétention de le faire, pour un futurmeilleur (…) »Tiago Rodrigues et Rabih MrouéTransfuge du programme Scène artistique duMoyen-Orient contemporain présenté l’anpassé, le metteur en scène Rabih Mroué etl’architecte Tony Chakar, tous deux libanais,débutent ici une collaboration avec un autrehabitué du <strong>Festival</strong>, Tiago Rodrigues, metteuren scène installé à Lisbonne et compagnonrégulier de tg STAN.Contacts presse :<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort, Margherita Mantero01 53 45 17 13Théâtre de la BastilleIrène Gordon01 43 57 78 3658


Rabih MrouéBiographie :Né en 1967 à Beyrouth, Rabih Mroué est comédien,metteur en scène et auteur. Il a étudié le théâtre àl’Université Libanaise de Beyrouth et a commencé àproduire ses propres pièces en 1990. Il fait partid’une nouvelle génération d’artistes libanais quiconnaissent une diffusion internationale. Sesspectacles intègrent des performances et desvidéos et sont en prise directe avec la réalitééconomique et politique de son pays. Il réalise ainsides pièces quasi-documentaires dans lesquellesfiction et réalité se mêlent. Elles ont été montrées àBeyrouth, au Caire, <strong>Paris</strong>, Vienne, Tunis, Amman,Bâle, Barcelone, Bruxelles et Berlin.Parmi ses dernières créations : Face A/Face B (2001);Three Posters (2000); Come in Sir, we will Wait foryou Outside (1998); Extension 19 (1997); La Prison desable (1995); The Lift (1993); L'Abat-jour (1990).Rabih Mroué au <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong> :2007 : Qui a peur de la représentation ?HowNancy wish that everything was an aprilfool’s JokeMake me stop smokingTiago RodriguesBiographie :Tiago Rodrigues est acteur, metteur en scène etauteur. Il travaille régulièrement avec la compagniebelge tg STAN depuis 1998. Enseignant à PARTS àBruxelles ou dans des écoles d’art au Portugal,universités et écoles de danse, il dirige lacompagnie Mundo Perfeito au Portugal depuis 2003,au sein de laquelle il crée plusieurs pièces. Artisteaux multiples facettes, il écrit des articles d’opinionpour différentes revues, ainsi que des scénarios ouencore de la poésie.Entretien avec Tiago RodriguesQuelle a été la genèse de ce spectacle ? S’agissait-ilsimplement du désir de travailler ensemble, ou bience projet de L’Homme d’hier lui préexistait-il ?Tiago Rodrigues : « Le point de départ de ce projetétait pour Rabih et moi de travailler ensemble. C’estMark Deputter, le directeur du festival d’Alkantara,à Lisbonne, qui en eu l’idée le premier. Il connaissaitnotre travail et a suggéré que nous nousrencontrions pour évoquer l’idée de faire unspectacle ensemble. Nous nous sommes vus àBeyrouth pendant cinq jours, entre Noël et le Jourde l’An 2006. C’était la première fois que je merendais au Liban, aussi cette rencontre avec Rabiha-t-elle aussi été une rencontre avec cette ville, etavec tout un cercle d’artistes, de penseurs, etc. Cefut un moment très intense. Au bout de quatrejours, l’idée du spectacle commun était prise. Nousne nous sommes revus que cinq mois plus tard, àLisbonne, où nous avons développé le conceptgénéral de la pièce. Le point de départ, c’était monvoyage à Beyrouth, et l’idée de plusieurs Tiagovisitant de nombreux Beyrouth – on part du constatqu’il y a plusieurs villes dans une même ville, etqu’elles peuvent surgir à des moments précis oubien en fonction de la manière propre qu’à chacunde visiter une ville étrangère. C’est là que Rabih etmoi avons décidé de proposer à Tony Chakar de sejoindre au projet. Je l’avais rencontré lors de monpremier voyage à Beyrouth et Rabih avait collaboréavec lui il y a longtemps. Principalement, noussentions que nous avions besoin d’avoir avec nousquelqu’un qui avait déjà beaucoup travaillé surl’espace public, sur l’individu dans la ville, et quiétait également un “connaisseur” de Beyrouth.Nous nous y sommes retrouvés durant l’été 2007, etnous avons écrit et créé l’ensemble du spectacletous les trois, sans vraiment faire attention au rôlede chacun dans la conception, mais en mettant àprofit nos compétences et nos préférences, pourconstruire cette pièce comme un trio. En fait, noséchanges se sont déroulés de manière très fluide etsimple, et le rôle de chacun n’était même pas pournous un sujet de conversation. La pièce était.Que cherchiez-vous donc à « montrer » à traversl’histoire de L’Homme d’hier ?Tiago Rodrigues : « Le spectacle a été créé dans lecadre d’un programme international intitulé “Sitesof Imagination”, impliquant cinq villesméditerranéennes. Chaque ville avait une équiped’artistes créant leur propre spectacle, en partantd’idées telles que la ville idéale, la villeméditerranéenne et la relation entre l’individu et laville. Rabih et moi représentions Lisbonne, àl’invitation du <strong>Festival</strong> Alkantara, coproducteur duprojet. Nous avons discuté de ces questions, prispart à des débats avec les artistes des autres pays,et nous avons tâché de trouver, à l’intérieur ducadre proposé par “Sites of Imagination”, des idéesqui répondaient à nos propres interrogations. Cequi nous intéressait, c’était de fondre nos manièresde penser, et c’est là qu’est venue l’idée de créer unpersonnage du nom de Tiago Rodrigues en visite àBeyrouth. C’était le meilleur moyen de nousentendre, et cela nous permettait de créer unefiction à partir d’une situation bien réelle : notre59


éalité. Est venue ensuite l’idée d’une ville qui encontient beaucoup d’autres, suivant uneperspective historique, politique, sociale, mais aussidans le temps et l’espace. Très vite, cela s’est traduitpar l’histoire d’un étranger visitant Beyrouth et quirencontre des doubles venus d’un autre temps dansle même espace, comme s’il était dans une fictionde Jorge Luis Borges.Comment êtes-vous parvenus à cette « fusion » devos manières de penser dont vous parlez ?Tiago Rodrigues : « Nous n’avons jamais réfléchi àune stratégie qui permettrait à mon univers et àcelui de Rabih (et, plus tard, celui de Tony) de sefondre: Ceci s’est produit dès l’instant où nousavons commencé à travailler. Et maintenant je peuxdire que l’univers de Rabih et le mien se sont fondusd’une manière très claire. Rabih est un artiste qui afait de Beyrouth son principal sujet d’investigation :il use de cette ville comme d’une lentille à partir delaquelle il regarde le monde et l’humanité, d’unregard chargé d’ironie et de conscience politique.Quant à moi, je suis principalement un acteur et unécrivain qui voyage entre les mondes, muni d’unbagage léger, et qui s’intéresse davantage à faire unthéâtre qui est le résultat immédiat d’unerencontre. Chaque performance que je fais est lerésultat de mon désir de rencontrer d’autresartistes et de débattre, de faire partie d’uneassemblée, d’une sorte de démocratie artistiquetemporaire. Chacun des spectacles dont je faispartie est ainsi l’histoire d’une rencontre. L’Hommed’hier raconte l’histoire de cet artiste portugais,Tiago, visitant l’univers de ces deux artisteslibanais, Raby et Tony. Je suis un visiteur. Ou unhôte. Mais je travaille toujours de manière à créerles conditions d’une rencontre avec les gens quim’intéressent – et c’est une idée avec laquelle j’aigrandi en tant qu’artiste, surtout en travaillant avecle collectif belge tgSTAN, et que je poursuis àprésent avec ma compagnie Mundo Perfeito auPortugal.pense que Tony Chakar serait mort de rire s’ilentendait dire une chose pareille. Ou peut-êtrepleurerait-il. En tout cas, il réagirait.Est-ce une pièce sur l’idée de dialogue ? sur la quêteconstante de soi-même ?Tiago Rodrigues : « La pièce a été créé de façon àménager plusieurs réponses à cette question. Voilàqui en dit déjà beaucoup. Je répondrai simplement :“oui”. C’est aussi une pièce sur le dialogue et sur laquête de soi-même. Mais également sur la manièredont Rabih Mroué, Tony Chakar et Tiago Rodriguesarrivent à créer une pièce ensemble. »Propos recueillis par David SansonPensez-vous que chaque ville (et chaque individu)soit le produit de la projection de quelqu’und’autre– en d’autres termes, que chaque ville est leproduit des actions de chacun ? Dans quelle mesureBeyrouth vous semble-t-être le résultat d’unesomme d’histoires individuelles ?Tiago Rodrigues : « Je pense que chaque ville, quellequ’elle soit, est une utopie manquée. Les villes sontautant de tentatives monumentales de trouver unmode de vie ensemble, des tentatives qui sonttoujours imparfaites, et qui concentrent lesproblèmes. Les villes sont aussi le lieu où l’on rêveet où on lutte pour quelque chose d’autre, denouveaux modèles, des solutions aux anciensproblèmes. En ce sens, elle reflètent non seulementles actions de chacun, mais aussi ses rêves et sesdéceptions – ces derniers peut-être encoredavantage que les premières. Dans le cas deBeyrouth, je suis toujours un étranger, mais cetteville continue de m’apparaître comme uneexagération de toutes les autres, où il se produit lamême chose, mais en plus grand et en plus rapide.Je dirais, sans dénier sa réalité crue et vitale, qu’elleest presque une métaphore de l’idée de ville. Encela, elle n’est pas loin d’être la ville idéale… Je60


Paroles D’acteursLudovic LagardeVariations/ Sarah KaneParoles d’acteursMise en scène, Ludo vic L agardeDistribution en cours<strong>Festival</strong> d’ A u t o mne à P ar isT héât r e d e l a C i té I n te r nati o naledu lundi 1er décembreau samedi 6 décembre20h30relâche mercreditarif unique : 5 €Production Adami – <strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>avec le concours du Théâtre de la Cité InternationaleAvec Paroles d’acteurs, l’Adami perpétue lanotion de transmission. Ces relationsprivilégiées entre un grand acteur-metteur enscène et de jeunes comédiens traduisent unevolonté de mettre la mémoire et l’expériencedes aînés au service des plus jeunes. Enparticipant à la construction d’une identitéprofessionnelle commune entre descomédiens de générations différentes, il s’agitégalement de sauvegarder les grandestraditions de transmission orale quicaractérisent le théâtre. Chaque année, carteblanche est donnée à un «maître de théâtre »,acteur et metteur en scène, pour partagerpendant un mois son savoir et son expérienceavec de jeunes comédiens dans le cadre dereprésentations publiques. Cette année, aprèsJoël Jouanneau en 2006, Julie Brochen en 2007,c’est au tour de Ludovic Lagarde de travailleravec une dizaine de comédiens issus deTalents Cannes, une série de courts métragescinéma coproduits par l’Adami.Depuis plus de dix ans, une centaine decomédiens s’est ainsi vue offrir l’occasion detravailler sous la direction de François Perier,Christiane Cohendy, Gérard Desarthe, RedjepMitrovitsa,Michel Didym, Daniel Mesguish,Niels Arestrup, Didier Flamand, René Loyon,Jean-Claude Drouot…La grande Salle du Théâtre de la Cité Internationale aprèsrénovation. © Laure VasconiContacts presse :<strong>Festival</strong> d’Automne à <strong>Paris</strong>Rémi Fort, Margherita Mantero01 53 45 17 13Théâtre de la Cité InternationalePhilippe Boulet06 82 28 00 4761


Ludovic Lagar deBiographieLudovic Lagarde est né à <strong>Paris</strong>. C’est à la Comédie deReims et au Théâtre Granit de Belfort qu’il réaliseses premières mises en scène. En 1995, il montePlatonov et Ivanov de Tchekhov.Il fonde sa propre compagnie en 1996 avec laquelleil met en scène Le Cercle de craie caucasien deBertolt Brecht en 1998. En 2001, il répond àl’invitation du Théâtre national de Strasbourg etprésente Maison d’arrêt d’Edward Bond avec lescomédiens de la troupe.Parallèlement à son travail de création théâtrale,Ludovic Lagarde mène une activité de pédagogue. Ilréalise aussi plusieurs mises en scène d’opéra, ettravaille régulièrement avec le directeur musicalChristophe Rousset: Cadmus et Hermione de Lullyen 2001, Actéon et les Arts florissants deCharpentier en 2004, ainsi que Vénus et Adonis deDesmarets en 2006. En 2008, il mettra en scène àl’Opéra Comique, l’opéra Roméo et Juliette de PascalDusapin (livret Olivier Cadiot).Il collabore également avec l’écrivain Olivier Cadiotdepuis 1993, lorsqu’il lui passe commande d’unepièce, Sœurs et frères, créée au Théâtre Granit deBelfort. Depuis 1997, il adapte et met en scène lesderniers livres de l’écrivain: Le Colonel desZouaves(1997), Retour définitif et durable de l’êtreaimé (2002) et, plus récemment, Fairy queen (2004)ainsi que Oui dit le très jeune homme de GertrudeStein, qu’Olivier Cadiot a traduit, tous deux crées au<strong>Festival</strong> d’Avignon en 2004.En 2007, il a créé dans le même <strong>Festival</strong> la pièceRichard III de l’auteur flamand Peter Verheslt.Entretien avec Ludovic Lagarde :Comment avez-vous arrêté votre choix sur ce corpusde textes, autour du Manque de Sarah Kane, pour ceParoles d’acteurs ?Ludovic Lagarde : « Je suis d’abord parti desmultiples contraintes de ce projet : un nombred’acteurs bien défini, qui sont déjà choisis et que jene connais pas, quatre semaines à peine derépétitions, des moyens ne permettant qu’undispositif scénique très simple... Je me suiségalement inspiré de l’exemple de mesprédécesseurs à Paroles d’acteurs – Joël Jouanneauavec Martin Crimp, Julie Brochen avec Jean-LucLagarce – pour rester sur des textes d’aujourd’hui :c’est aussi ma fibre il est vrai, car depuis un certaintemps, en tout cas au théâtre, je monteexclusivement des textes contemporains. Cela faitlongtemps que je fréquente le théâtre de SarahKane. J’avais été très impressionné par la lectured’Anéantis, que j’avais découvert dès sa publicationgrâce car mon ami Lucien Marchal, qui l’a traduit, etdepuis lors, j’avais toujours eu envie de travaillersur cet écrivain, sans jamais oser franchir le pas. Cetravail avec Paroles d’acteurs m’en donnel’occasion. Et ce, à travers une pièce qui occupe uneplace particulière dans l’œuvre de Sarah Kane :Manque est une œuvre chorale, sans véritablementd’action au sens strict, on est davantage du côté dutexte… Techniquement, cela rend aussi les chosesplus simples à aborder pour un travail avec douzecomédiens : cela permet de faire plusieursdistributions, les rôles peuvent tourner davantage,il y a moins de vraisemblance réaliste, on se situeplus dans des figures.Pourquoi y adjoindre des textes de Fassbinder etT.S. Eliot ?Ludovic Lagarde : « Dans la préface de la dernièreédition de Manque publiée à l’Arche, on peut lireque “la lecture de Preparadise Sorry Now deFassbinder est à l’origine du projet”, et encore que“les ressemblances avec La Terre vaine de T.S. Eliotsont patentes”. Cela m’a aussitôt intéressé. D’abord,parce que je suis également passionné parFassbinder : il a été une figure très importante pourmoi lorsque j’avais dix-huit ou vingt ans, et je pensequ’aujourd’hui, il est très important de revisiter cesauteurs, pour des questions politiques, esthétiqueset sociales. Et puis, il y a cette troisième référence,T.S. Eliot : un recueil de poèmes de 1921-1922 dontles titres – L’Enterrement des morts – font déjàresurgir Sarah Kane. Je trouve intéressantd’insuffler l’inspiration classique, la tenue, le vers,le lyrisme, etc. à ce dispositif qui, dans l’imaginaire,peut sembler plus trash, plus immédiat, plusréaliste… À l’heure où je vous parle, je ne sais pasencore comment on assemblera tout cela : faire unepremière partie suivie de la pièce en intégralité ? selimiter à des fragments ? tout faire en même temps ?Cela va être l’objet du travail que je vais accomplir àprésent avec Marion Stoufflet, ma dramaturge.La transmission, est-ce quelque chose qui vous atoujours intéressé ?Ludovic Lagarde : « Toujours. J’en fais d’ailleurs de62


plus en plus. D’abord, parce que j’ai eu la chanced’avoir moi-même une expérience d’école qui a étéfondatrice. J’ai fait partie de la première promotionde Théâtre en actes, cette école éphémère (elle n’aduré que six ans) que dirigeait Lucien Marchal : unlieu assez prodigieux, une vraie pile utopique, quis’inventait alors au jour le jour. C’est là que j’airencontré Laurent Poitrenaux, Philippe Duquesne,Marilyne Canto… Cela a été pour moi une expériencede vie très importante : c’est là qu’asseztardivement, à 24 ans, j’ai découvert le théâtre.C’était aussi l’époque où j’ai rencontré OlivierCadiot, qui habitait au bout de l’impasse où setrouvait l’école, et qui fréquentait le bistrot du coin,le Cithéa… Quand on a vécu une expérience aussimarquante que celle-là, on a envie, avant même dela transmettre, de la retrouver. Depuis je ne cessepas de rechercher cet espace de rêve, de risque, depossibles.Ensuite, l’acteur est au cœur de mon travail. Mêmes’il m’arrive de bâtir des formes complexes avecl’espace, la lumière, le son, le mouvement, c’est cequi sort de l’acteur qui m’intéresse. Je suis trèsattaché à cela, je dirige vraiment– mais en essayantde faire advenir chez les acteurs des sensationsintimes , de faire sortir le naturel, de placer leurénergie…Que comptez-vous leur transmettre, hormis cetenthousiasme que vous évoquez ?Ludovic Lagarde : « Peut-être rien, on verra, cela vadépendre de nous – d’eux, de moi. Mais enl’occurrence, en choisissant un projet comme celuici– un travail qui a à la fois, une tenue stylistiqueimportante, un rapport à la langue, un lien avec lamodernité –, j’aimerais leur transmettre – ou non,s’ils ne le veulent pas – un désir de théâtre, un vraipoint de vue. Après, je ne me pose pas là commeenseignant, je les convie à un travail… et on va serencontrer, s’accorder, il va se passer d’autreschoses....Diriez-vous que votre travail de metteur en scènepart des comédiens ?Ludovic Lagarde : « Oui, c’est certain. Et de leurhumanité ; des êtres autant que des comédiensqu’ils sont. Cela ne peut donc s’aborder autrementqu’en mettant son intimité, sa sincérité, sa légèretéaussi, sa tendresse au service d’un projet, d’untexte. Après, il y a bien sûr des aspects stylistiques,formels, mais au fond, la forme ne doit être qu’unguide, un moyen d’arriver à faire entendre un texte,et non un but en soi. À la fin, la forme,l’expérimentation doivent disparaître, comme letexte lui-même doit disparaître, d’une certainemanière, lorsqu’on fait du théâtre.Sans parler de « méthode », quelle est votre manièrede travailler sur un texte avec des acteurs ?Ludovic Lagarde : « Disons que c’est plutôt tout ceque je ne peux pas entendre qui définit ce que jedois entendre : tout ce qui est lié à cette école de laprofération, à une idée un peu extérieure du jeu, lepurement vocal, le surgelé, tout ce qui n’est passincère, naturel… Au fond, je cherche un naturel.Mais en même temps, cela va dépendre de l’écriture.Plus c’est écrit, et moins il faut se soucier de laforme, au contraire : il faut être le plus léger, et aufond le plus naturel, presque le plus “simple”possible. À l’inverse, moins c’est écrit, et plus celaoblige à faire des efforts stylistiques et à inventer…Des écritures comme celles de Cadiot ou deGertrude Stein, mais aussi mon travail sur Racine,m’ont énormément aidé à comprendre cela. Aussibête cela fût-il à dire, quand on est dans un vers deRacine, on est comme au ski : on plante le bâton etensuite, on va dans le virage et on accélère ; si onralentit, si on réfléchit, si on plante le bâton aumauvais endroit, on ne prend pas de vitesse. Il enest de même pour le jeu. Quand le vers part, c’est lalangue qui dicte au corps, à l’esprit, à l’âme, qui faitmonter les émotions, et qu’il se passe quelquechose. On peut se tromper – foncer dans un sapin,glisser dans un virage – mais finalement, si lavitesse (l’intention) est bonne, on n’a plus qu’às’entraîner. C’est quelque chose qui a aussi à voiravec la musique, le jazz… Et c’est pour cela quel’écriture est aussi importante, et que je la chercheavant toute chose. Elle est un guide formidable,qu’il faut porter – et pour la porter, il ne faut pasappuyer sur elle, mais la laisser vivre, agir, sedéployer dans son rythme, dans ses sonorités, dansle sens qu’elle véhicule, dans ses émotions. Celadoit nécessiter non pas un effort, mais au contrairece que j’appelle le “lâcher prise”.Finalement, mon travail de metteur en scène estdouble : dans la préparation comme dansl’exécution, je fais un travail de concepteur, plutôtdu côté de la forme, du montage, du point de vue,du regard “élaboré” et distancié ; mais pour qu’ilsoit opérant, j’ai besoin de comédiens qui lâchentprise, c’est-à-dire qui acceptent d’être des outilsémotionnels. Je pense qu’un acteur,fondamentalement, ne doit pas être autre choseque ça. Un acteur est quelqu’un qui a lui-même desoutils – son corps, ses émotions, sa voix, son énergie– à disposition, et dont le métier est, à travers toutça, de livrer ses émotions de manière spontanée. Ildoit donc accepter de ne pas s’écouter, ne pas seregarder, mais aussi, éviter d’être contaminé par sapsychologie, et tout particulièrement sapsychologie sociale. A partir du moment où ils’arrête dans une phrase et prend le temps deréfléchir, il est en un sens guidé par un point de vuesocial, qui ne nous intéresse pas.Comment obtenez-vous ce « lâcher prise » de la partde vos acteurs ?Ludovic Lagarde : « Mon travail avec leschorégraphes et les danseurs m’a été très utile pourtransmettre aux acteurs une conscience du plateau,un abandon. J’ai été par exemple marqué parcertains petits exercices corporels, qui sontfinalement des exercices d’écoute. Odile Duboc,ainsi, m’a appris que l’écoute ne concerne pas queles oreilles : écouter, c’est écouter avec tous sessens, il s’agit d’être au monde, à l’espace, ici etmaintenant, dans une écoute beaucoup plus large,beaucoup plus sensorielle, qui place. Mon travailavec les acteurs est presque un travail deplacement : en me fiant aussi à mon intuition, jedois les aider à être au bon endroit, celui où quelquechose va arriver, où les choses vont être fluides,simples, et se déployer ; à placer l’énergie, la voix, labonne intensité de la parole, le bon rythme, le63


apport à soi-même et aux autres, l’écoute.Finalement, tout n’est qu’une affaire d’écoute et deplacement. Pour que l’acteur soit porteur de sens, ilfaut qu’il expérimente vraiment l’écriture.Cela fait longtemps, disiez-vous, que le travail deSarah Kane vous accompagne : de quelle manièrecomptez-vous l’aborder ?Ludovic Lagarde : « Là encore, je sais surtout ce queje ne veux pas : pas de déballage, rien dedémonstratif ni d’obscène – l’obscénité, surtout ence moment, est quelque chose qui me choqueénormément. Il faut faire attention, surtout avec uncertain contenu autofictionnel. Je m’empare del’œuvre de Sarah Kane au moment où elle estpresque en passe de devenir “classique” – et ce n’estpas un hasard si je l’aborde avec Manque, plutôtqu’avec Anéantis ou Purifiés. Et je ne suis pasmécontent de ne le faire que maintenant :calmement, et tendrement. »Propos recueillis par David Sanson64


Coor do nnées et co ntac ts des parte naire sService de presse <strong>Festival</strong> d’AutomneRé mi Fo rt et Mar gheri ta Mante roAssis tante : Magda Kac ho uc he01 53 4 5 17 1 3Lieux Adresses Contacts presseThéâtre de la Bastille76 rue de la Roquette75011 <strong>Paris</strong>Irène Gordon01 43 57 78 36Théâtre des Bouffes du Nord37bis Boulevard de la Chapelle75010 <strong>Paris</strong>Odéon Théâtre de l’EuropeAux Ateliers Berthier8 boulevard Berthier75017 <strong>Paris</strong>Lydie Giuge-Debièvre01 44 85 40 57Théâtre de la Ville2 place du Châtelet75004 <strong>Paris</strong>Jacqueline Magnier01 48 87 54 42Théâtre2Gennevilliers41 rue des Grésillons92230 GennevilliersPhilippe Boulet06 82 28 00 47Le Cent QuatreThéâtre de la CitéInternationale5 rue Curial ou 104 rued’Aubervilliers75019 <strong>Paris</strong>21 boulevard Jourdan75014 <strong>Paris</strong>Martial Hobeniche01 42 33 93 18Philippe Boulet06 82 28 00 47Maison des Arts CréteilPlace Salvador Allende94000 CréteilBodo01 44 54 02 00MC 931 boulevard Lénine93000 BobinyMarie-Hélène Arbour01 41 60 72 60La Scène WatteauPlace du Théâtre94130 Nogent-sur MarneBenoît Strubbe01 43 24 76 76Théâtre du Rond-Point2 bis av. F.D. Roosevelt75008 <strong>Paris</strong>Hélène Ducharne01 44 95 98 47Théâtre Nanterre-Amandiers7 av. Pablo Picasso92000 NanterreDamien Trescartes01 46 14 70 3067


ARTS PLASTIQUESMarie Cool et Fabio BalducciSans Titre (2005-2008)La Maison rouge13 septembre au 5 octobreChristian BoltanskiLes Archives du cœurLa Maison rouge13 septembre au 5 octobreRyoji Ike daV≠LLe Laboratoire11 octobre au 12 janvierJosé DamascenoProjectionEspace Topographie de l’art15 novembre au 14 décembreDANSEAnna Halprin / parades & changes, replaysCentre Pompidou24 au 27 septembreJerôme Bel / Catalogue raisonné 1994-2008Les laboratoires d’Aubervilliers4 octobreJennifer Lacey / Les AssistantesCentre Pompidou8 au 11 octobreMathilde Monnier et La Ribot / GustaviaCentre Pompidou15 au 26 octobreSteven Cohen / GolgothaCentre Pompidou6 au 8 novembreDeborah Hay / If I sing to youCentre Pompidou12 au 15 novembreBoris Cha rmatz / La Danseuse MaladeThéâtre de la Ville12 au 15 novembreRégine Cho pinot / CornucopiaeCentre Pompidou26 au 30 novembreCaterina Sag na / P.O.M.P.E.IThéâtre de la Bastille8 au 19 décembreHiroaki Ume da / Adapting for Distortion / HapticMaison des Arts Créteil9 au 13 décembreLatifa Laâbissi / Histoire par celui qui la raconteCentre Pompidou10 au 13 décembreRaimund Hoghe / L’Après-midiThéâtre de la Cité Internationale15 au 20 décembreBruno Beltrão/ H3La Ferme du Buisson13 et 14 décembreCentre Pompidou17 au 21 décembreTHÉÂTREBruno Geslin / Kiss me quickThéâtre de la Bastille15 septembre au 17 octobreGuy Cassiers / Triptyque du pouvoirMefisto for ever / Wolfskers / AtropaThéâtre de la Ville19 septembre au 10 octobreFrançois Tangu y / RicercarOdéon Théâtre de l’Europe/Ateliers Berthier23 septembre au 19 octobreSimon McBurney / CompliciteA Disappearing NumberThéâtre Nanterre-Amandiers27 septembre au 3 octobreOriza Hirata / Tokyo NotesThéâtre2Gennevilliers10 au 19 octobreChristo ph Marthaler / Platz MangelMC93 Bobigny16 au 19 octobreBéla Pintér / L’Opéra paysanThéâtre de la Cité Internationale16 au 21 octobreAugust Strin dberg / Sfumato / Julie, Jean etKristine / La Danse de mort / Strindberg à DamasThéâtre de la Bastille20 au 26 octobre68


Lloyd News on / DV 8 /To Be Straight With YouMaison des Arts Créteil22 au 25 octobreSpiro Scimone / Francesco Sframeli / Carlo CecchiNunzio / La busta / Due amiciThéâtre du Rond-Point6 au 30 novembreWilliam Shakespeare / Christian SchiarettiCoriolanThéâtre Nanterre-Amandiers21 novembre au 19 décembreToshiki O ka daFive days in MarchThéâtre2Gennevilliers17 au 22 novembreFree TimeLe Cent Quatre25 au 29 novembreLewis Car roll / Madeleine Louarn /Jean-Fra nçois AugusteAlice ou le monde des merveillesLa Scène Watteau/Nogent-sur-Marne7 novembreLa Ferme du Buisson27 au 30 novembreMarivaux / Luc BondyLa Seconde Surprise de l’amourThéâtre des Bouffes du Nord25 novembre au 20 décembreEdwa rd Albee / De KO EQui a peur de Virginia Woolf ?Théâtre de la Bastille27 novembre au 5 décembreTiago R o drigues , Ra bih Mroué , Ton y Cha karL’Homme d’hierThéâtre de la Bastille1 er au 7 décembreLudovic Lagar de / Paroles d’acteursThéâtre de la Cité Internationale1er au 6 décembreMUSIQUEGérar d Pess on/ Annette MessagerRubato ma glissandoMaison de l’Architecture25 au 28 septembreGérar d Pess on / Bern d Alois Zimmermann /Iannis XenakisThéâtre du Châtelet - 5 octobreGérar d Pess onThéâtre des Bouffes du Nord - 13 octobreBrice Pauset / Misato Mochizuki / ChikageImai / Toshio Hoso ka wa / Géra rd PessonOpéra national de <strong>Paris</strong>/ Bastille-Amphithéâtre21 octobreGérar d Pess on / Maurice Ravel /Alexandre Scria bine / Brice PausetThéâtre des Bouffes du Nord3 novembreLiza Lim / Olga Neuwirth / Serge Pr ok ofievThéâtre du Châtelet6 novembreKarlheinz Stockh ausenOpéra national de <strong>Paris</strong>/Bastille-Amphithéâtre14 et 15 novembreRyoji Ike da / Datamatics [ver.2.O]Centre Pompidou21 et 22 novembreKarlheinz Stockh ausenOlga NeuwirthCité de la Musique / 25 novembreGeorge Benjamin / Olivier Messiaen /Elliott CarterSalle Pleyel / 5 décembreBrice PausetOpéra national de <strong>Paris</strong>/Bastille-Amphithéâtre6 décembreKarlheinz Stockh ausen / La Fura dels BausMC93 Bobigny13 et 14 décembreJö rg Widm ann / Toshio Hos ok awa /Olivier MessiaenMaison de la culture du Japon17 décembreXavier Le Roy / Helmut LachenmannMore Mouvements für LachenmannLe Cent Quatre / 18 décembreCollo que / Lieux de musique IIIMaison de l’architecture24 octobreLECTURESTraits d’Uni onOdéon-Théâtre de l’Europe1 er , 8, 15, 22 et 29 novembreCINEMACinéma en numérique IICentre Pompidou12 au 17 novembreRétrospective Shinji AoyamaJeu de paume20 novembre au 21 décembreKeiya Ouchida / HosotanCinémathèque Française3 novembreNine EveningsCinémathèque Française16 novembre69


Le Fe stiv al d’ Auto mne à P ar is es t s ubve ntio nné par :Le M inistè re d e l a cu lture et de la commu nic ationDirection de la Musique, de la Danse, du Théâtre et des SpectaclesDélégation aux arts plastiques (Cnap)Délégation au développement et aux affaires internationalesLa Ville de P a risDirection des affaires culturellesLe Con seil Région al d’Île-de-FranceLe Fe stiv al d’ Auto mne à P ar is b é néfi cie du so utie n de :AdamiBritish CouncilCulturesfranceDirection Générale de l’Information et de laCommunication de la Ville de <strong>Paris</strong>OndaSacemLe programme Europe est inscrit dans le cadre de la Saison culturelle européenne en France (1 er juillet- 31 décembre)Le programme musical est inscrit dans la saison France-Nordrhein-Westfalen 2008/2009 et bénéficie du soutien du Land deRhénanie du Nord Westphalie.Les A mi s d u F es tiv al d’ A utomne à P arisLes méc è nesagnès b.American Center FoundationArteBaron Philippe de Rothschild S.A.Caisse des DépôtsFondation Clarence WestburyFondation Pierre Bergé – Yves Saint LaurentFondation d’Entreprise CMA CGMFondation Ernst von Siemens pour la musiqueFondation Franco-Japonaise SasakawaFondation pour l’étude de la langue et de la civilisationjaponaise agissant sous l’égide de la Fondation de FranceHenPhil Pillsbury Fund The Minneapolis Foundation &King’s FountainMécénat Musical Société GénéraleNomuraTop CableGuy de WoutersLes d o nate u rsJacqueline et André Bénard, Patrice Boissonnas, Sylvie Gautrelet, Zeineb et Jean-Pierre Marcie-Rivière, Ariane et Denis Reyre,Béatrice et Christian Schlumberger, Nancy et Sébastien de la Selle, Muriel et Bernard Steyaert, Sylvie WincklerColas, Compagnie de Saint-Gobain, Crédit Coopératif, HSBC France,Rothschild & Cie Banque, Société du Cherche MidiLes d o nate u rs d e s o u tienJean-Pierre Barbou, Annick et Juan de Beistegui, André Bernheim, Béatrice Bodin, Christine et Mickey Boël, Bertrand Chardon,Michelle et Jean-Francis Charrey, Catherine et Robert Chatin, Rena et Jean-Louis Dumas, Susana et Guillaume Franck, Carole etJean-Philippe Gauvin, Agnès et Jean-Marie Grunelius, Florence et Daniel Guerlain, Ursula et Peter Kostka, Micheline Maus, Ishtaret Jean-François Méjanès, Anne-Claire et Jean-Claude Meyer, Annie et Pierre Moussa,nathalie et Patrick Ponsolle, Sydney PicassoMartine et Bruno Roger, Pierluigi Rotili, Didier Saco, Catherine et François Trèves, Reoven Vardi, Vincent Wapler


13 SEPTEMBRE 21 DÉCEMBRE 200871

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!