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Marie-Laure Viaud - Icem

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173.qxd 27/02/07 15:29 Page 24Tu parles d’écoles adaptées,d’écoles intégrales en précisantà l’intérieur encore des catégories.Quelles te semblent êtrecelles les plus proches d’un réelavenir dans le cadre d’un développementpersonnel et culturelpour tout jeune ?On sait que les établissementspour élèves décrocheurs apportentde vrais résultats dans le réinvestissementdes jeunes dans leurs apprentissages,dansleur estime de soi.L’école reprend sens, on prend encompte leurs besoins,leurs intérêts.Au sein des équipes,on sentdes relations interpersonnellesfortes,mais aussitendues.Comment échapper à cesdifficultés,comment construire unvrai travail d’équipe centré surl’avenir des jeunes ? Quelles enseraient les conditions ?Les équipes qui fonctionnent le« mieux » (ou le moins mal) sontcelles qui ont mis en place desmédiations qui leur permettent deprendre du recul par rapport :à uneprise de distance par l’écriture, desobservateurs extérieurs,etc.Ce sontaussi les équipes qui se dotentd’une organisation rigoureuse :unprojet précis, un fonctionnementclair de l’équipe, etc., qui évite quetout soit ramené à l’affectif etconstitue un « intermédiaire » entreles personnes et leur projet.Enfin, ce sont les équipes quiarrivent à « neutraliser » l’institution,à l’empêcher d’être « malveillante» à leur égard,par un nom« Dolto,Decroly… » ou par leur stabilitédans la durée qui fait quecertaines écoles sont devenues des« institutions ». Lorsqu’une écolene vit pas sous la menace permanented’une fermeture, cela diminuele « stress » et le surinvestissementde l’équipe, et du coup, lestensions internes.Tu observes les difficultésliées à la non ouverturede certains projets innovants,en particulier ceux liés auxmouvements pédagogiques.Comment analyses tu ces refus,ces difficultés ?Très clairement, l’institutionrefuse l’ouverture d’écoles différentes,surtout dans l’enseignementsecondaire.Pourquoi ? la réponse est vraimentcomplexe. Elle est d’abord« pratique » :si des établissementsà pédagogie active et coopérativefonctionnaient correctement,avecdes élèves et des moyens ordinaireset en nombre suffisant (afin queleurs résultats ne soient pas attribuablesaux conditions de l’expérience),cela signifierait que la réponseaux difficultés actuelles dusystème est d’ordre pédagogique,et non d’ordre quantitatif, et quec’est donc la structure du systèmescolaire qu’il faut transformer. Onpeut se demander qui aurait intérêtà un tel bouleversement ?La réponse est aussi politique.Ces établissements favorisent lacapacité à s’exprimer,à monter desprojets, à prendre des responsabilitéscollectives : des élèves éduquésainsi seraient donc capablesd’une contestation active de lasociété et pourraient remettre encause le système tel qu’il fonctionne.Ceci étant dit, la question estcomplexe, l’institution n’est pas« une », etc. Voir les choses sur lemode « nous sommes les bons, lesautres c’est les méchants », ça nefacilite pas les relations avec l’extérieurde ces écoles !Comment résoudre les difficultésd’évaluation dutravail mené dans ces équipes ?Tu parles de faible efficacité à courtterme en évoquant un manquede démocratie,un cadre insuffisant,l’efficacité« paradoxale »du cours impositif,la non mobilisationdes jeunes,leur manquede sécurité.Quelles seraient donc les solutionspour une meilleure efficacité ?Il y a deux questions. Premièrequestion : l’évaluation du travailmené par ces équipes.C’est sûr quece n’est pas facile d’évaluer desacquis au long terme comme laconfiance en soi, etc, ni de comparerles résultats de ces établissementsavec d’autres, car ils accueillentsurtout des jeunes enéchec, etc. Mais une évaluationserait possible si on s’en donnaitles moyens. L’exemple de ce qui sefait actuellement concernant l’évaluationde l’école primaire Freinetde Lille (je ne sais plus son nom)est passionnant, la même chosepourrait être faite pour des établissementssecondaires.Deuxième question, celle desdifficultés internes. En fonction despriorités qu’ils se donnent, cesétablissements ont des difficultésdifférentes. Certains lycées sedonnent comme objectif l’obtentiondu bac en responsabilisant les jeunes,en leur donnant les moyens detravailler en fonction de leurs besoinsréels,et ont des réussites très importantesavec des jeunes en échec.Mais il n’y a pas de projet politiquederrière. Les écoles qui donnentla priorité aux acquis au longterme ont, elles, des résultats trèsfaibles aux examens.Le problème de fond, c’est quele système scolaire français, et24Le nouvel éducateur – n° 173 – Novembre 2005


173.qxd 27/02/07 15:29 Page 25surtout le baccalauréat, est largementfondé sur la maîtrise denormes purement scolaires commela dissertation en trois partieset la mémorisation d’un grandnombre de connaissances, et queles élèves ne restent le plus souvent,quedeux ou trois années dansles collèges et lycées différentsparce qu’ils y viennent généralementen dernier recours.Les établissements différents nepeuvent pas, en si peu de temps,mettre en œuvre des objectifs aussiambitieux que les leurs :permettreaux élèves de parvenir à une réussite« scolaire » standard (programme,examens) et de devenir desêtres humains épanouis, créatifs,heureux. Pour que ça marchemieux, il faudrait leur permettred’accueillir les élèves dès le primaire,et/ou que ces écoles n’accueillentpas majoritairement des élèves endifficulté venus là en dernierrecours et donc au dernier moment.Comment analyses-tu letravail mené par le CNIRS,une certaine effervescence del’innovation,les projets qui ontfleuri pendant cette période,enparticulier ceux impulsés par lemouvement Freinet ?Le problème du CNIRS c’est qu’iln’avait aucun pouvoir et qu’il n’apas duré. Énormément de projetspassionnants ont vu le jour enquelques années, dont certainsétaient impulsés par des militantsde l’ICEM.Mais l’institution a mené lesnovateurs en bateau quelquesannées en leur faisant miroiter desouvertures qui n’ont jamais eu lieupour la très grande majorité.Comment se situe l’actiondu mouvement Freinetdans l’innovation,les équipes,enparticulier dans la perspectived’une transférabilité des pratiques,sans moyens supplémentaires etpas seulement pour jeunes en difficulté?Je ne sais pas trop quoi terépondre là dessus. Actuellementle mouvement Freinet ne joue pasun grand rôle dans les collèges etlycées différents.Pour la transférabilité,il y auraitdes choses à faire.Par exemple, quand je m’occupaisde Déclic, les stages que nousavons fait dans des écoles primairesFreinet ou en rencontrant des institsnous ont beaucoup appris…On sent l’influence de lapédagogie Freinet dans uncertain nombre de projets,maison ne voit guère de pratiquesréelles.Comment l’expliques-tu ?C’est surtout le problème dumanque de connaissances en pédagogiechez les novateurs dusecondaire (cf plus haut).C’est aussi que le mouvementFreinet a toujours été plus implantédans le primaire, parce que c’estquand même plus facile pour uninstit de mettre en place de tellespratiques.Vers quoi allons-nous dansce champ de l’innovation ?Quel avenir pour de nouveauxétablissements,de nouvelleséquipes ?Ces écoles ont deux atouts pourelles.Premièrement, dans la criseactuelle de l’école et surtout ducollège,on déplore l’augmentationdu nombre d’élèves qui n’y réussissentpas, ne l’aiment pas, y sontviolents.Or ces écoles différentes, justement,s’adressent souvent à desélèves hétérogènes et en difficulté,et réussissent à engager un grandnombre d’entre eux dans lesapprentissages,et ce durablement.Deuxièmement,le monde,dansune perspective de démocratie, desolidarité, a besoin de citoyens quise sentent concernés par la marchedes affaires collectives.Or les écoles différentes mettenten avant la formation à lapensée critique, la prise d’initiatives,la capacité à mener desprojets collectifs, la coopération,bien plus que dans les établissementsordinaires.Donc certaines de ces écoles –car elles sont très différentes lesunes des autres – sont probablementdes prototypes pour l’écolede demain. Mais les résistancessont fortes.L’avenir dépend aussi de la mobilisationde mouvements commeAttac ou les Verts,qui pour l’instanttraitent essentiellement la questionde l’école sous l’angle de lamarchandisation, mais qui devraientpenser à la constructiond’un véritable projet éducatif alternatif.Je voulais appeler mon livre :Uneautre école est possible, mais ça n’apas plu à l’éditeur !Interview de<strong>Marie</strong>-<strong>Laure</strong> <strong>Viaud</strong>par François Le MénahèzeNouvel ÉducateurLe nouvel éducateur – n° 173 – Novembre 2005 25

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