<strong>Une</strong> <strong>ambition</strong> <strong>maritime</strong> <strong>pour</strong> <strong>la</strong> <strong>France</strong> – Rapport du Groupe POSÉIDON décembre 2006• L’industrie nautique <strong>de</strong> p<strong>la</strong>isance affiche une santé florissante en ayant triplé en huit ans uneproduction exportée <strong>pour</strong> plus <strong>de</strong> 60 %, essentiellement vers l’Europe (avec un lea<strong>de</strong>r mondial, legroupe Bénéteau).• La construction navale, qui se situe dans les premiers rangs mondiaux, tire <strong>de</strong> beaux succès, certescycliques, sur le marché clef <strong>de</strong>s paquebots <strong>de</strong> croisière, <strong>de</strong> réalisation complexe et difficile.• L’industrie française du naval militaire occupe <strong>la</strong> première p<strong>la</strong>ce en Europe ; DCN est en particulierle premier intégrateur <strong>de</strong> systèmes navals au p<strong>la</strong>n européen.• Le tourisme littoral, représente près <strong>de</strong> <strong>la</strong> moitié <strong>de</strong> cette économie <strong>maritime</strong> (47 %), tant enproduction (près <strong>de</strong> 9 milliards d’euros <strong>de</strong> valeur ajoutée) qu’en emplois (environ 237 000).• La recherche française occupe <strong>de</strong>s positions fortes sur certains créneaux scientifiques, enparticulier dans certains domaines <strong>de</strong> <strong>la</strong> recherche marine et en matière d’océanographieopérationnelle ; fortement diversifié, l’effort <strong>de</strong> recherche est porté par plusieurs organismes auxspécialités très différentes et mondialement reconnus, lesquels contribuent régulièrement à <strong>de</strong>sprogrammes d’envergure européenne, voire mondiale (IFREMER, CNRS/universités, SHOM, IRD,<strong>Institut</strong> Paul-Émile-Victor).• Enfin <strong>la</strong> Marine nationale, qui fournit l’essentiel <strong>de</strong>s effectifs du secteur public <strong>maritime</strong> (environ12 % <strong>de</strong>s emplois <strong>maritime</strong>s français), occupe une p<strong>la</strong>ce visible et respectée sur les mers du mon<strong>de</strong>entier. La position <strong>maritime</strong> française présente cependant <strong>de</strong> nombreux points <strong>de</strong> fragilitéL’évolution du contexte mondial, <strong>la</strong> pression <strong>de</strong> <strong>la</strong> concurrence et les contraintescroissantes <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong>s ressources ren<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> plus en plus apparents certains éléments<strong>de</strong> fragilité :• La flotte <strong>de</strong> commerce sous pavillon français n'est que <strong>la</strong> 27 emondiale en capacité : quoiqu’enlégère augmentation <strong>de</strong>puis 2003-2004, elle ne comprend plus que quelque 210 navires <strong>de</strong> plus <strong>de</strong>100 tonnes <strong>de</strong> jauge brute, contre près <strong>de</strong> 800 en 1962 et 515 en 1975 — <strong>pour</strong> l’essentiel <strong>de</strong>spétroliers, <strong>de</strong>s transbor<strong>de</strong>urs, <strong>de</strong>s cargos et <strong>de</strong>s rouliers. <strong>Une</strong> <strong>de</strong>s causes <strong>de</strong> cette situation est <strong>la</strong>difficulté <strong>de</strong> disposer en <strong>France</strong> d’une politique globale <strong>de</strong> soutien à <strong>la</strong> compétitivité du pavillonnational : le nouveau Registre international français (RIF), substitué en mai 2005 à l’ancien registre <strong>de</strong>sTerres australes et antarctiques françaises (TAAF), crée <strong>de</strong>s conditions plus favorablesd’immatricu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong>s navires <strong>de</strong> commerce au long cours et <strong>de</strong> cabotage international ; mais cenouveau régime ne sera vraiment attractif <strong>pour</strong> les entreprises qu’au prix <strong>de</strong> dispositions sociales etfiscales plus avantageuses, qui permettent aux armements d’investir sous pavillon national dans <strong>de</strong>sconditions <strong>de</strong> compétitivité comparables à celles <strong>de</strong> leurs concurrents européens et internationaux.En particulier le pavillon français est en péril si à très court terme le RIF n’est pas assorti d’undispositif fiscal <strong>de</strong> soutien à l’investissement approprié et pérenne (GIE fiscal ou dispositif équivalent).• La marine marchan<strong>de</strong> a vu fondre ses emplois français. Certes <strong>la</strong> diminution <strong>de</strong> l’emploi dans cesecteur est un phénomène international ; l’effectif <strong>de</strong>s navigants en <strong>France</strong> a cependant diminué <strong>de</strong>43 000 au début <strong>de</strong>s années 1960 à moins <strong>de</strong> 10 000 aujourd’hui avec un poids dominant (2/3) dutransport <strong>de</strong>s passagers et <strong>de</strong>s activités portuaires.• La part <strong>de</strong>s chantiers navals français dans <strong>la</strong> construction <strong>de</strong>s navires standards (porte-conteneurs,vraquiers, pétroliers, méthaniers) est aujourd’hui faible, dans un marché mondial <strong>pour</strong>tant dynamique.Le secteur <strong>de</strong>s méthaniers, dans lequel les chantiers français ont été <strong>de</strong>s pionniers et disposaientd’un savoir-faire reconnu, est exemp<strong>la</strong>ire, Les conditions <strong>de</strong> concurrence, modifiées par les différentsdispositifs <strong>de</strong> soutien nationaux, jouent ici un rôle déterminant.• La pêche est à l'heure <strong>de</strong>s choix ; l’évolution <strong>de</strong>s effectifs <strong>de</strong> <strong>la</strong> pêche française est fortement liée à<strong>la</strong> réduction <strong>de</strong>s capacités <strong>de</strong> capture (- 37 % <strong>de</strong> navires entre 1990 et 2004) et <strong>de</strong> production. Unnombre important <strong>de</strong> stocks <strong>de</strong> poisson atteint les limites biologiques raisonnables et <strong>la</strong> politiquecommunautaire <strong>de</strong> <strong>la</strong> pêche (PCP) peine à intégrer l’ensemble <strong>de</strong>s dimensions économiques, socialeset environnementales. Les perspectives <strong>de</strong> développement <strong>de</strong> l’aquaculture marine, crucial <strong>pour</strong>assurer partiellement le re<strong>la</strong>is, se heurtent à <strong>de</strong>s contextes réglementaire et politique encore difficiles.• Le littoral, très sollicité, est en voie <strong>de</strong> saturation. Il est <strong>de</strong>venu indispensable <strong>de</strong> penser toutaménagement (constructions rési<strong>de</strong>ntielle et hôtelière, capacité d’accueil <strong>de</strong>s ports <strong>de</strong> p<strong>la</strong>isance, etc.)dans une logique <strong>de</strong> gestion intégrée. Par exemple, <strong>la</strong> faible disponibilité en anneaux dans les ports<strong>de</strong> p<strong>la</strong>isance du littoral français et <strong>la</strong> difficulté <strong>de</strong> concilier <strong>de</strong> nombreux usages limitent les possibilitésd’expansion d’une construction <strong>de</strong> p<strong>la</strong>isance <strong>pour</strong>tant en pointe mais heureusement fortementexportatrice. La rapi<strong>de</strong> mutation <strong>de</strong>s équilibres sociaux, écologiques et culturels menace l’offretouristique.Centre d’analyse stratégique7Secrétariat général <strong>de</strong> <strong>la</strong> merDocument consultable sur www.strategie.gouv.fr et www.sgmer.gouv.fr
<strong>Une</strong> <strong>ambition</strong> <strong>maritime</strong> <strong>pour</strong> <strong>la</strong> <strong>France</strong> – Rapport du Groupe POSÉIDON décembre 2006Enfin le renchérissement inéluctable <strong>de</strong> l’énergiesur le long terme suscite incertitu<strong>de</strong>, doncinquiétu<strong>de</strong>.Les professionnels <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie <strong>maritime</strong> sont pleinement conscients <strong>de</strong> ces éléments <strong>de</strong>fragilité. Ils savent qu’il n’y a pas d’avantages acquis <strong>de</strong> manière définitive et qu’ils doiventaméliorer sans cesse leur compétitivité notamment par l’innovation.C’est <strong>la</strong> condition première <strong>pour</strong> que <strong>la</strong> <strong>France</strong> maintienne son rang <strong>de</strong> nation <strong>maritime</strong>.1.2. <strong>Une</strong> dimension renouveléeL’heure est sans doute venue <strong>de</strong> porter une attention renouvelée aux enjeux et auxpromesses <strong>de</strong> <strong>la</strong> mer en ce début du XXI ème siècle.Les atouts <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>France</strong> <strong>maritime</strong>, longtemps occultés par une sympathique nostalgie et untropisme continental rassurant, prennent un relief nouveau à l'aune <strong>de</strong>s évolutions majeures<strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>rnières décennies : mondialisation <strong>de</strong> l'économie et « explosion » <strong>de</strong>séchanges commerciaux ; prise <strong>de</strong> conscience <strong>de</strong> <strong>la</strong> sensibilité et <strong>de</strong> <strong>la</strong> vulnérabilité d'unpatrimoine <strong>de</strong> l'humanité porteur <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s richesses, <strong>de</strong> grands équilibres écologiqueset d'espérances économiques ; généralisation <strong>de</strong>s technologies électroniques et domination<strong>de</strong> <strong>la</strong> société <strong>de</strong> l'information ; émergence massive <strong>de</strong> nouveaux acteurs économiques(Asie) ; interconnexion croissante <strong>de</strong>s contextes géopolitiques ; apparition <strong>de</strong> risques réelsen matière <strong>de</strong> terrorisme et <strong>de</strong> piraterie ; plus récemment, appropriation <strong>de</strong>s impératifs <strong>de</strong>développement durable inspirés notamment par <strong>la</strong> raréfaction <strong>de</strong> certaines ressourcesnaturelles et par <strong>la</strong> nécessaire adaptation au changement climatique (effet <strong>de</strong> serre).Sur ce <strong>de</strong>rnier thème, <strong>la</strong> controverse sur le rôle régu<strong>la</strong>teur <strong>de</strong>s océans, les débats surl’inversion <strong>de</strong>s courants, les perspectives d’élévation du niveau <strong>de</strong>s mers, d’augmentation<strong>de</strong> l’érosion côtière, d’augmentation <strong>de</strong> <strong>la</strong> force et <strong>de</strong> <strong>la</strong> fréquence <strong>de</strong>s événementsmétéorologiques extrêmes, l’évolution <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité constituent autant d’enjeux majeurs<strong>de</strong> long terme.Les perspectives <strong>de</strong> constitution d'uneEurope politique, dépassant les <strong>ambition</strong>s d'unecommunauté purement économique et cherchant sa voie entre approfondissement eté<strong>la</strong>rgissement, ajoutent enfin une dimension originale et sans doute porteuse dans <strong>la</strong> visionque l'on peut avoir aujourd'hui en <strong>France</strong> <strong>de</strong>s enjeux <strong>maritime</strong>s.Tous ces éléments donnent une dimension nouvelle à <strong>la</strong> mer et entraînent un véritablechangement d'échelle. D’une certaine manière, <strong>la</strong> mer est, <strong>pour</strong> le meilleur et <strong>pour</strong> le pire,encore un <strong>la</strong>rge espace <strong>de</strong> liberté économique et juridique, alors même qu'on en a uneconnaissance très partielle (« <strong>la</strong> mer, cette gran<strong>de</strong> inconnue ») : alors que les océanscouvrent 71 % <strong>de</strong> <strong>la</strong> surface <strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>nète et renfermeraient, selon certains, 80 % <strong>de</strong> sabiodiversité, on connaît mieux l’espace que l'eau qui nous entoure et <strong>la</strong> vie qu'elle héberge.La prise <strong>de</strong> conscience émerge dès lors que cet espace <strong>de</strong> liberté, aussi espace <strong>de</strong> lutteéconomique, peut être mieux maîtrisé et valorisé et <strong>de</strong>venir source d'opportunitésinsoupçonnées : <strong>la</strong> conviction profon<strong>de</strong> et partagée du groupe <strong>de</strong> travail réuni <strong>de</strong>puisoctobre 2005 dans le cadre <strong>de</strong> <strong>la</strong> mission « POSÉIDON » est que le moment est venu <strong>de</strong>réfléchir aux conditions à réunir <strong>pour</strong> créer ces opportunités en tirant le meilleur parti d'uncertain nombre <strong>de</strong> convergences inédites (mondialisation, Europe, énergie, développementdurable) et en proposant au pouvoir politique les éléments d’une véritable politique<strong>maritime</strong> : « <strong>la</strong> mer, avenir <strong>de</strong> <strong>la</strong> terre » et « <strong>la</strong> mer, source d'une nouvelle mo<strong>de</strong>rnité », telles<strong>pour</strong>raient être les <strong>de</strong>ux expressions phares d'une nouvelle <strong>ambition</strong> politique en ce début<strong>de</strong> siècle, comme ont pu l’être en leur temps <strong>la</strong> reconstruction <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>France</strong> d'après-guerre,le programme électronucléaire ou l'aventure spatiale.Centre d’analyse stratégique8Secrétariat général <strong>de</strong> <strong>la</strong> merDocument consultable sur www.strategie.gouv.fr et www.sgmer.gouv.fr