<strong>Une</strong> <strong>ambition</strong> <strong>maritime</strong> <strong>pour</strong> <strong>la</strong> <strong>France</strong> – Rapport du Groupe POSÉIDON décembre 2006sont pas forcément l’élément le plus grave : dans tous les pays <strong>de</strong> l’OCDE, l’insuffisance<strong>de</strong> fermeté dans l’application <strong>de</strong>s règles <strong>de</strong> gestion durable stimule <strong>la</strong> profitabilité d’unepêche illicite qui peut parfois atteindre le double <strong>de</strong>s volumes autorisés ;• <strong>la</strong> <strong>pour</strong>suite <strong>de</strong> l’investissement scientifique sur les modélisations <strong>de</strong> stocks <strong>pour</strong>s’engager vers une anticipation pluriannuelle <strong>de</strong>s quotas <strong>de</strong> prises. <strong>Une</strong> approche plusholistique <strong>de</strong> l’analyse <strong>de</strong> l’évolution <strong>de</strong>s ressources permettrait d’inclure <strong>de</strong>s conditions<strong>de</strong> durabilité dépassant <strong>la</strong> seule surexploitation par <strong>la</strong> pêche (anticipation du changementclimatique par exemple) ;• l’adaptation technique <strong>de</strong>s moyens (navires, apparaux, etc.).Le contrôle <strong>de</strong>s pêches> Un renforcement inévitable dans l’intérêt <strong>de</strong>s acteurs économiques.Il faut prendre acte du fait que les lois du marché ne peuvent conduire seules à <strong>la</strong> gestion optimale<strong>de</strong>s ressources halieutiques : <strong>la</strong>isser s’exprimer <strong>la</strong> concurrence complète sur le prélèvement <strong>de</strong>stocks naturels conduit à leur érosion, à l’augmentation progressive <strong>de</strong> l’effort <strong>de</strong> pêche nécessaire<strong>pour</strong> un niveau <strong>de</strong> prise moindre et donc à <strong>la</strong> baisse <strong>de</strong> <strong>la</strong> rentabilité en <strong>de</strong>ssous <strong>de</strong>s seuilsacceptables <strong>pour</strong> notre économie.L’intervention publique dans le contrôle, si elle est insuffisamment déterminée et efficace, est contreproductive, en <strong>la</strong>issant se développer les comportements illégaux. Elle donne au final un avantageéconomique à ceux qui les ont par rapport aux acteurs vertueux. Le contrôle rigoureux est unélément indispensable et déterminant. La stratégie <strong>de</strong> contrôle est elle aussi importante. Le contrôleen mer est difficile, complexe à mettre en œuvre et coûteux. Il ne peut être que <strong>la</strong>cunaire et <strong>la</strong>isseradonc toujours une p<strong>la</strong>ce aux comportements illégaux. Un contrôle à terre, du débarquement à <strong>la</strong>vente au consommateur final, est techniquement plus simple, même si sa mise en œuvre seraitforcément coûteuse. Un contrôle à ce niveau permet également <strong>de</strong> se pencher sur les aspectssanitaires et les aspects fiscaux.Le principe est donc <strong>de</strong> renforcer les contrôles là où ils sont plus simples, et par ce biais d’interdire,ou du moins <strong>de</strong> limiter fortement, l’accès <strong>de</strong>s produits <strong>de</strong> <strong>la</strong> pêche illicite aux filières <strong>de</strong>commercialisation c<strong>la</strong>ssiques. S’il <strong>de</strong>vient difficile d’écouler ces produits, on peut espérer porter uncoup majeur à <strong>la</strong> pêche illicite et ainsi arriver enfin à faire respecter les quotas <strong>de</strong> prélèvement sur lesressources. Pour ce faire, il convient dans un premier temps <strong>de</strong> concentrer les contrôles audébarquement du navire et parallèlement :• <strong>de</strong> réduire le nombre <strong>de</strong> points <strong>de</strong> débarquement autorisés ;• d’imposer le passage ou du moins l’enregistrement <strong>de</strong>s ventes sous criée.Le contrôle renforcé, c’est l’intérêt bien compris <strong>de</strong>s acteurs économiques <strong>de</strong> <strong>la</strong> filière pêche, maispas uniquement. En rendant possible une gestion durable <strong>de</strong>s ressources et une activité <strong>de</strong> pêche,bien visible et ancrée dans <strong>la</strong> culture littorale, le contrôle a <strong>de</strong>s effets positifs sur <strong>la</strong> qualité <strong>de</strong>l’environnement, sur l’attractivité touristique et plus généralement sur toute l’économie littorale.> <strong>Une</strong> nouvelle organisation du contrôle <strong>de</strong>s pêchesSi <strong>la</strong> politique commune <strong>de</strong> <strong>la</strong> pêche est aujourd’hui <strong>de</strong> <strong>la</strong> compétence exclusive <strong>de</strong> <strong>la</strong> communauté,sa mise en œuvre et son contrôle relèvent <strong>de</strong> <strong>la</strong> seule compétence <strong>de</strong>s États membres. Or, cetterépartition a priori c<strong>la</strong>ire <strong>de</strong>s responsabilités semble <strong>de</strong> moins en moins pertinente.Depuis 1993, <strong>la</strong> mission <strong>de</strong> contrôle <strong>de</strong>s pêches a acquis une p<strong>la</strong>ce centrale au sein <strong>de</strong> <strong>la</strong> politiquecommune <strong>de</strong> <strong>la</strong> pêche. L’évolution récente <strong>de</strong> <strong>la</strong> réglementation communautaire montre que <strong>la</strong>commission entend désormais transformer ce qui était jusqu’ici une obligation <strong>de</strong> moyen en unevéritable obligation <strong>de</strong> résultat, reposant sur <strong>la</strong> fixation d’objectifs chiffrés, dont chaque État doitrendre compte <strong>de</strong>vant elle. La <strong>de</strong>rnière étape <strong>de</strong> cet encadrement accru <strong>de</strong> l’activité <strong>de</strong>s États dansce domaine est <strong>la</strong> création d’une Agence européenne du contrôle <strong>de</strong>s pêches, dont le siège est prévuà Vigo 164 .164Règlement (CE) n° 768/2005 du Conseil du 26 avril 2005 instituant une agence communautaire <strong>de</strong> contrôle<strong>de</strong>s pêches et modifiant le règlement (CEE) n° 2847/93 instituant un régime <strong>de</strong> contrôle applicable à <strong>la</strong> politiquecommune <strong>de</strong> <strong>la</strong> pêche.Centre d’analyse stratégique125Secrétariat général <strong>de</strong> <strong>la</strong> merDocument consultable sur www.strategie.gouv.fr et www.sgmer.gouv.fr
<strong>Une</strong> <strong>ambition</strong> <strong>maritime</strong> <strong>pour</strong> <strong>la</strong> <strong>France</strong> – Rapport du Groupe POSÉIDON décembre 2006C’est dans ce contexte nouveau, mais en prenant appui sur une condamnation déjà ancienne <strong>de</strong> <strong>la</strong><strong>France</strong> dans le domaine du contrôle <strong>de</strong>s tailles minimales, que <strong>la</strong> Commission a ouvert une nouvelleprocédure contre <strong>la</strong> <strong>France</strong> <strong>pour</strong> manquement à ses obligations dans le domaine du contrôle <strong>de</strong>spêches. Dans son arrêt du 12 juillet 2005, <strong>la</strong> Cour <strong>de</strong> justice européenne donne raison à <strong>la</strong>Commission et condamne <strong>la</strong> <strong>France</strong> au paiement d’une amen<strong>de</strong> <strong>de</strong> 20 millions d’euros <strong>pour</strong> le passéet <strong>pour</strong> l’avenir à une astreinte historique <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 57 millions d’euros par semestre 165 .Au <strong>de</strong>là <strong>de</strong>s faits propres à l’affaire, il n’est pas contesté que <strong>la</strong> <strong>France</strong> a tardé à se doter d’unevéritable politique <strong>de</strong> contrôle <strong>de</strong>s pêches ; il a ainsi fallu attendre 1999 <strong>pour</strong> qu’une mission ducontrôle <strong>de</strong>s pêches soit créée au sen <strong>de</strong> <strong>la</strong> direction <strong>de</strong>s Pêches <strong>maritime</strong>s et <strong>de</strong> l’Aquaculture duministère chargé <strong>de</strong> l’Agriculture, et 2000 <strong>pour</strong> que <strong>la</strong> <strong>France</strong> se dote d’un premier texte, sous <strong>la</strong>forme d’une circu<strong>la</strong>ire, sur l’organisation générale du contrôle <strong>de</strong>s pêches 166 .En dépit d’un effort certain <strong>de</strong> coordination 167 , cette organisation reste complexe et cumule <strong>de</strong>uxhandicaps structurels :• le ministère chargé <strong>de</strong> <strong>la</strong> Pêche assume <strong>la</strong> responsabilité politique du contrôle <strong>de</strong>spêches, mais il assure également <strong>la</strong> gestion <strong>de</strong> <strong>la</strong> profession, dans ses dimensions tantéconomiques que sociales. Il faut sans doute y voir une <strong>de</strong>s raisons <strong>de</strong> sa réticencehistorique à s’engager dans une politique fondée sur <strong>la</strong> répression tout autant que sur <strong>la</strong>prévention. La confusion évi<strong>de</strong>nte qu’induit le cumul <strong>de</strong>s fonctions <strong>de</strong> police et <strong>de</strong> soutienn’apparaît pas pertinente et <strong>de</strong>vrait pouvoir être corrigée ;• le ministère chargé <strong>de</strong> <strong>la</strong> Pêche définit <strong>la</strong> politique <strong>de</strong> contrôle mais ne <strong>la</strong> met pas enœuvre. Sans moyen propre <strong>de</strong> contrôle, il s’appuie en mer sur les quatre administrationsconcourant à l’action <strong>de</strong> l’État en mer (Affaires <strong>maritime</strong>s, Douanes, Gendarmerie<strong>maritime</strong>, Marine nationale) et à terre sur pas moins <strong>de</strong> sept administrations 168 . Il apparaîtle moins affaibli dans un rôle <strong>de</strong> coordination interministérielle plus que jamais nécessairealors même qu’il ne dispose lui-même d’aucun budget ni d’aucun moyen dans cedomaine.Dans ce double contexte, il <strong>pour</strong>rait être envisagé <strong>de</strong> confier <strong>la</strong> responsabilité du contrôle <strong>de</strong>s pêchesà une <strong>de</strong>s administrations en charge <strong>de</strong> sa mise en œuvre. Mais le contrôle <strong>de</strong>s pêches estégalement le seul domaine où <strong>la</strong> création d’une agence française <strong>pour</strong>rait être envisagée.Administration <strong>de</strong> mission et non <strong>de</strong> moyen, indépendante du ministère, associant l’ensemble <strong>de</strong>sadministrations participant à <strong>la</strong> mise en œuvre du contrôle, elle serait en charge <strong>de</strong> <strong>la</strong> définition <strong>de</strong> <strong>la</strong>politique <strong>de</strong> contrôle, <strong>de</strong> l’animation et <strong>de</strong> <strong>la</strong> coordination, <strong>de</strong> l’harmonisation <strong>de</strong>s pratiques maiségalement <strong>de</strong> <strong>la</strong> centralisation <strong>de</strong>s données re<strong>la</strong>tives aux contrôles. Les avis motivés <strong>de</strong> <strong>la</strong>Commission dans le cadre du contentieux récent insistent tout particulièrement sur l’absence <strong>de</strong>système d’information intégré, source <strong>de</strong> nombreux dysfonctionnements (absence <strong>de</strong> cib<strong>la</strong>ge, nonexploitation <strong>de</strong>s données recueillies dans le cadre du contrôle, sur-contrôle sur un même navire par<strong>de</strong>s administrations différentes) et sur <strong>la</strong> difficulté <strong>de</strong> disposer <strong>de</strong> données fiables sur l’effort <strong>de</strong>contrôle réellement engagé.Par ailleurs, <strong>la</strong> mise en œuvre <strong>de</strong> ces contrôles n’est pas toujours bien vécue par <strong>la</strong> profession, dontles membres ont l’impression qu’elle est excessivement tatillonne par rapport aux autres pays. Or,ces contrôles <strong>de</strong>vraient être perçus par les producteurs comme un moyen d’assurer <strong>la</strong> pérennité <strong>de</strong>leur activité, en réprimant les pratiques illégales contribuant à mettre en péril l’équilibre <strong>de</strong> certainesressources halieutiques. Il convient donc <strong>de</strong> mieux informer les professionnels sur le contenu et lesobjectifs <strong>de</strong> <strong>la</strong> politique <strong>de</strong> contrôle ; un comité associant les représentants <strong>de</strong> <strong>la</strong> profession <strong>pour</strong>raitainsi être crée auprès <strong>de</strong> l’agence, avec un rôle consultatif.165Dans un arrêt du 12 juillet 2005, <strong>la</strong> Cour <strong>de</strong> justice européenne (CJE) a condamné <strong>la</strong> <strong>France</strong> à payer unesomme forfaitaire <strong>de</strong> 20 millions d’euros, ainsi qu’une astreinte périodique tous les 6 mois à compter du jour <strong>de</strong>l’arrêt, d’un montant <strong>de</strong> 57 761 250 euros, <strong>pour</strong> n’avoir pas mis en œuvre toutes les mesures que comportel’exécution d’un arrêt <strong>de</strong> 1991 concernant <strong>de</strong>s manquements graves en matière d’application <strong>de</strong>s mesures <strong>de</strong>pêche. Le 1 ermars 2006, <strong>la</strong> Commission, considérant que <strong>la</strong> <strong>France</strong> ne s’était toujours pas conformé à sesobligations, a <strong>de</strong>mandé à <strong>la</strong> <strong>France</strong> <strong>de</strong> payer une première astreinte.166Circu<strong>la</strong>ire du Premier ministre du 8 septembre 2000.167Six circu<strong>la</strong>ires en moins d’un an sont venues préciser le cadre d’exercice du contrôle <strong>de</strong>s pêches et lesmodalités <strong>de</strong> <strong>la</strong> coordination interministérielle.168Affaires <strong>maritime</strong>s, Douanes, Gendarmerie <strong>maritime</strong>, gendarmerie départementale, services <strong>de</strong> <strong>la</strong> concurrenceet <strong>de</strong> <strong>la</strong> répression <strong>de</strong>s frau<strong>de</strong>s, services vétérinaires.Centre d’analyse stratégique126Secrétariat général <strong>de</strong> <strong>la</strong> merDocument consultable sur www.strategie.gouv.fr et www.sgmer.gouv.fr