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mai-juillet 2012 / le phare n° 11 • 03CHAQUESAISONRÊVED’ÊTRELASUIVANTE2012 2013Sommaire4 / • ExpositionTraces d’une chronique de vieŒuvres et livres de la collection Andreas Züst10 / • ExpositionInsomniaque et intranquille <strong>au</strong> litDavid Weiss12 / • ExpositionProvocateur, sensible, intelligentDieter Roth14 / • PERFORMANCE CINÉMA / MUSIQUELe sens du miraclePeter Mettler & Fred Frith16 / • CONFÉRENCE / ARCHITECTUREEntre maison modulaireet morce<strong>au</strong> de villeB<strong>au</strong>art18 / • musiqueL’appétit vient en dansantOchumare19 / • insertAndrea Heller23 / • musiqueLes mondes face à faceBurhan Öçal & Alexey Botvinov24 / • THÉÂTREActeurs en puissanceChristian Geffroy Schlittler26 / • PORTRAITPhilippe Nordmann : l’art a un prix31 / • Longue vueL’actualité <strong>culturel</strong>le <strong>suisse</strong> en FranceExpos / Scènes33 / • Made in CHL’actualité éditoriale <strong>suisse</strong>Arts / Littérature / Cinéma / Musique38 / • ÇA S’EST PASSÉ AU CCS39 / • iNFOS PRATIQUESCouverture : Bertram (Bertram Schoch), Mt. Everest, 1978,huile avec application de métal sur pavatex,boutons de verre, cadre partiellement miroitant, 80 x 60 cm.Aarg<strong>au</strong>er Kunsth<strong>au</strong>s Aar<strong>au</strong> / Collection Andreas Züst.© photo : David AebiPipilotti Rist, Peter Schweri et David Weiss fêtent leur anniversaire le jour du solstice d’été dans le parc de la Villa Egli visible en arrière-plan.On peut reconnaître : (de g. à d.) P<strong>au</strong>l Tanner, Samir, Irène Gattiker, David Weiss, Tom Wasmuth, Valentin Nizon, Enzo Esposito, Harm Lux,Andreas Dobler, Stephan Wittwer, Iwan Schumacher, Georg Radanowicz, Anton Bruhin, Marianne Bucher, Andrea Teuwen. Zurich, 1994.Image extraite du livre de Andreas Züst, Bekannte Bekannte 2, Édition Patrick Frey, 1996.L’eldorado <strong>suisse</strong> allemandL’exposition « Météorologies mentales – œuvres de la collection Andreas Züst » est une manièred’aborder plusieurs aspects essentiels de notre rôle de « passeur » <strong>culturel</strong>. Ce sont d’aborddes œuvres fortes, étranges, prenantes et jamais vues en France. C’est ensuite la découverted’un personnage qui a été l’âme et le moteur de cette collection si particulière. Un homme-orchestrede cette constellation constituée d’œuvres d’art, de livres, de disques et de passions pourles contrées nordiques et leurs phénomènes météorologiques, de ses propres expérimentationsartistiques et de son rôle de « papillon social ». C’est <strong>au</strong>ssi une liste d’artistes, où des quidamscôtoient des figures devenues phares. C’est enfin une scène artistique, essentiellement zurichoise,mais <strong>au</strong>ssi alémanique, ouverte vers l’Allemagne ou l’Islande. Et en prime, ce projet nous donnel’occasion de mettre l’accent sur l’Aarg<strong>au</strong>er Kunsth<strong>au</strong>s Aaar<strong>au</strong> – où la collection Züst est en dépôt –,un musée qui rassemble l’une des plus importantes collections d’art <strong>suisse</strong> des XX e et XXI e siècles.Pour nous, l’un des faits les plus marquants à propos d’Andreas Züst est son importance <strong>au</strong> seinde la scène zurichoise et alémanique actuelle. Peut-être parce que sa fascination pourla nature apparaît comme encore plus clairvoyante <strong>au</strong>jourd’hui, mais <strong>au</strong>ssi car le rése<strong>au</strong> socialconvivial – à l’image de la photographie qui illustre cet éditorial – dans lequel il était une figuremajeure, a été le fondement de la scène zurichoise qui s’est ensuite imposée <strong>au</strong> nive<strong>au</strong>international. Une <strong>au</strong>tre particularité significative est la quasi-absence d’artistes romands dansla collection. Un état de fait qui nous rappelle que la Suisse est constituée de régions <strong>culturel</strong>lesqui, y compris dans un même milieu, fonctionnent selon des axes d’intérêts très différents.En effet, Bâle, sa foire incontournable et ses musées sans équivalent, et Zurich, La Mecque <strong>suisse</strong>des galeries d’art contemporain, scintillent sur la planète Art. Mais plusieurs <strong>au</strong>tres villesdont Aar<strong>au</strong>, Saint-Gall, Berne ou Winterthur possèdent <strong>au</strong>ssi de splendides collections. En Suisseallemande, la bourgeoise a toujours pris une place <strong>au</strong>ssi prépondérante que discrète dansle soutien à la création contemporaine. C’est ainsi que les collections muséales se sont constituéeset continuent de s’enrichir. Si, du côté francophone, on tergiverse à l’idée de construirede nouve<strong>au</strong>x musées ou de les agrandir, du côté alémanique, on annonce fièrement des projetsarchitectur<strong>au</strong>x qui bénéficient d’un intérêt populaire sans faille. Ainsi, le Kunstmuseum de Bâleverra bientôt apparaître une annexe financée en grande partie par la famille Hoffmann,le Kunsth<strong>au</strong>s de Zurich fêtera un nouvel âge avec un bâtiment signé David Chipperfield, et mêmeles musées des Grisons et de Saint-Gall se verront bientôt dotés de nouve<strong>au</strong>x bâtiments mieuxadaptés à leurs collections.La scène <strong>suisse</strong> allemande de l’art, des musées et de l’architecture recèle vraiment des trésorsde tout premier ordre, qu’il ne f<strong>au</strong>t pas hésiter à découvrir.Jean-P<strong>au</strong>l Felley et Olivier Kaeser


06 • ExPosITIon / le phare n° 11 / mai-juillet 2012mai-juillet 2012 / le phare n° 11 / ExPosITIon • 07BibliographieCollection d'Andreas ZüstMemorizer. Der SammlerAndreas Züst, édité par StephanKunz, Madeleine Schuppliet Mara Züst, éditionsScheidegger & Spiess, 2009Sur Andreas ZüstHimmel, édité parPeter Weber et Mara Züst,Édition Patrick Frey, 2011Nacht, édité par Mara Züst,Éditions Nieves, 2008Fluoreszierende Nebelmeere /Fluorescent Seas of Fog, éditépar Mara Züst et Peter Weber,Édition Patrick Frey, 2007Roundabouts,Édition Patrick Frey, 2003Bekannte Bekannte 2,Andreas Züst,Édition Patrick Frey, 1996Bekannte Bekannte,Andreas Züst,Édition Patrick Frey, 1987Andreas Züst (1947-2000) était collectionneur, naturaliste,artiste, mécène et éditeur. L’écrivain ThomasKling le surnommait le « faiseur de mémoire ». Ceci enréférence à la notion bien connue des ethnologues de« memorizer » : celui qui garde en mémoire l’histoire duAnton Bruhin, Hawkins Quality Footwear, 1984,huile sur toile, 70,5 x 59,5 cmclan. Kling a compris qu’Andreas Züst avait fait siennecette tâche, en s’intéressant non seulement <strong>au</strong>x œuvresd’art, mais <strong>au</strong>ssi <strong>au</strong>x hommes et <strong>au</strong>x histoires derrière lesobjets, peintures, dessins, esquisses et photographies.Depuis la fin des années 1970 jusqu’àsa mort en 2000, Züst a documenté,dans sa collection et dans sa photographie,la scène <strong>culturel</strong>le et artistiquezurichoise dans ses larges ramifications,sans se soucier des frontièresentre culture « cultivée », contre-cultureet culture populaire. Comme « faiseur de mémoire », ilfixait tout ce que son œil averti captait et qui donnaitsens à sa vie.À sa mort, sa collection composée de plus de millecinq cents œuvres est entrée <strong>au</strong> Aarg<strong>au</strong>er Kunsth<strong>au</strong>scomme dépôt de longue durée. En 2009, elle a été présentée<strong>au</strong> public pour la première fois et a fait l’objetd’un important catalogue. L’exposition et le livre dessinaientune mosaïque dont Andreas Züst lui-même avaitréuni et collecté les pièces. Il en résultait un ensembleh<strong>au</strong>t en couleurs – à l'image de l'époque que Züst avaitvécue, s’adonnant à ses diverses passions et les entrelaçantentre elles. Il ne faisait de mystère pour personneque l’exposition d’Aar<strong>au</strong> constituait un premier pas etque la collection d’Andreas Züst, avec ses innombrables« Andreas Züstavait l'œilpour découvrirdes table<strong>au</strong>xmerveilleux »références et renvois, recelait mille et un <strong>au</strong>tres récitset suffisamment de potentiel pour de nouvelles et différentesapproches.L’une de ces occasions se présente actuellement <strong>au</strong>CCS de Paris – avec une distance temporelle et spatialeplus grande par rapport à Andreas Züst et à son environnement.D’<strong>au</strong>tres points forts de la collection, guèrevisibles lors de l’exposition argovienne, pourraientfaire émerger de nouvelles connaissances, notammentla bibliothèque volumineuse qui comprend douze milletitres et que Züst, bibliophile et digne héritier de safamille, avait constituée <strong>au</strong> cours des années avec unecompétence grandissante et une curiosité insatiable.Les sujets de ce cosmos livresque sont <strong>au</strong>ssi nombreuxque l’étaient ses intérêts : littérature de voyage, romans,livres d’art, ouvrages scientifiques sur la météorologieet la glaciologie, mais <strong>au</strong>ssi sur les OVNI et les drogues.La collection initiale comprenait également une immensecollection de vinyles, témoignage de la passiond’Andreas Züst pour la culture populaire et la contrecultureet du rôle central que la musique jouait dans cestemps-là. Après une pérégrination à travers la Suisse,la bibliothèque a trouvé son port d’attache dans l’hôtelAlpenhof (canton d’Appenzell) où elle est dorénavantaccessible <strong>au</strong>x adeptes de la culture créative. La collectiondes vinyles, quant à elle, est en grande partie dissolue.Les nombreuses raretés ont trouvé de nouve<strong>au</strong>xamateurs.À l’origine, tout a été réuni <strong>au</strong> « Spiegelberg », la résidenced’Andreas Züst située dans l’Oberland zurichois.« Le Spiegelberg était l’<strong>au</strong>tobiographie sous forme demaison dont tous les coins et recoins regorgeaient detraces et de témoignages de Züst, qui réunissait en luiplusieurs vies et plusieurs personnes : glaciologue,météorologue, photographe, peintre, oise<strong>au</strong> de nuit,éditeur, producteur de cinéma, bibliothécaire, collectionneurd’art, mécène », explique Martin Jaeggi curateuret critique d’art. « Aussi protéiformes que puissentparaître ses activités, Züst était, <strong>au</strong> fond, animé d’uneseule et même passion : faire de la recherche et collectionner,ce qui revenait <strong>au</strong> même pour lui, à l’instar d’unnaturaliste de la vieille école collectant lors de ses excursionset expéditions des échantillons d’espèces typiqueset rares, afin de les préparer et de les présenter dans descabinets de curiosité. Les collections que Züst hébergeait<strong>au</strong> Spiegelberg sont les chroniques de sa lecturedu monde », conclut Martin Jaeggi.Le point de départ pour chaque présentation de la collectionréside et résidera toujours dans la personnalitéd’Andreas Züst. Ses différentes facettes sedévoilent dans les dix interviews filméesde connaissances de Züst que le cinéastePeter Mettler a réalisées en 2009. Dans ceconcert polyphonique, Anton Bruhin, BiceCuriger, Olivia Etter, Patrick Frey, UrbanGwerder, Ize Holliger, Walter Keller, JanVoss et Peter Weber décrivent leur vision d’AndreasZüst. Ces interviews ajoutent une parenthèse posthume<strong>au</strong>x portraits photographiques qu’Andreas Züst aréalisés, de son vivant, de ses « connaissances connues ».Ils constituent non seulement une archive unique, maisrévèlent <strong>au</strong>ssi l’intensité relationnelle qui sous-tendaitson existence et qui dépassait largement le cercle de sesamis artistes, s’étendant <strong>au</strong>x excentriques de la ville,habitués de la scène, <strong>au</strong>x ch<strong>au</strong>ffeurs de taxi ou <strong>au</strong>x barmen.Ces portraits soulignent le contexte socio<strong>culturel</strong>dans lequel s’élaborait sa collection et sont à lire souscet angle-là. Le fait que la bibliothèque nationale aitvoulu acquérir cette archive unique prouve sa valeursingulière pour la conservation d’un pan de l’histoirecontemporaine.« Quoi qu’il en soit, la vie est belle », écrivait l’artisteFriedrich Kuhn dans le dessin du joyeux suicidaire (quifait partie de la collection), et qui pourrait être la devised’Andreas Züst. Cette phrase est marquée d’<strong>au</strong>tant dejoie de vivre que d’ironie face <strong>au</strong>x aléas d’une vie pas toujoursfacile. Au fond, l’attitude positive envers la vie, lalégèreté de l’être et les questionnements existentiels onttoujours animé Andreas Züst. C’est en tout cas l’imageque renvoie de lui la collection. Or, collectionner signifieconduire une existence de manière singulière et appréhenderle monde dans ce qu’il y a de be<strong>au</strong>, de sombreet de mystérieux. Si l’on choisissait les « meilleures »cent cinquante œuvres de la collection, on obtiendraitun résultat des plus significatifs. Nul doute qu’AndreasZüst avait l’œil pour acquérir des table<strong>au</strong>x merveilleux.Pourtant, ceci ne suffit pas pour justifier l’envergureencyclopédique de la collection, l’attention spécialeportée <strong>au</strong>x interstices et à l’inclassable. Chaque nouvelleprésentation de la collection constitue, par conséquent,une nouvelle tentative de montrer la complexitéde celle-ci et de dépister les intérêts spécifiques de cecollectionneur.On ne cesse de s’apercevoir que tout ce qui est endehors des zones primaires de la perception bénéficied’une attention particulière. Ceci ne concerne pas seulementles marges de la collection, mais <strong>au</strong>ssi sonnoy<strong>au</strong> dur. Entre <strong>au</strong>tre celui qui reflète le profond enracinementd’Andreas Züst dans la scène artistique et<strong>culturel</strong>le zurichoise des années 1970 et 1980, quandle collectionneur procède à une véritable <strong>au</strong>scultationde la scène qu’il examine en profondeur dans ses moindresplis et replis. Ou alors celui qui réunit des ensemblesimportants d’œuvres majeures de certains artistes,par exemple David Weiss ou Anton Bruhin, plus tardFriedrich Kuhn et Dieter Roth. Ce trait se révèle égalementdans la partie de la collection marquée par lecontenu, quand Andreas Züst place les sujets du « ciel »et des « glaciers » <strong>au</strong>-dessus de la qualité picturale etprocède à des accumulations délirantes. Il en va demême pour sa passion pour l’art brut, comme pourTrivia & Varia – le savoir connu de tous (Peter Weber).Ou encore pour le dessin qui s’explique par son intérêtmoins prononcé pour les œuvres majeures. Il préféraitsonder les mentalités et conserver des œuvres intimeset personnelles qui se dévoilent dans des médiumsfugitifs, tantôt de façon solide et expressive, tantôt esquisséeet éphémère.Prendre connaissance des particularités de cette collectionpermet de cerner davantage encore le collectionneurqui était également artiste et qui savait entrelacerses différentes activités de façon quasi fusionnelle. Enla personne d’Andreas Züst se trouvaient ainsi réunis lechercheur, le collectionneur et l’artiste d’une manièredevenue rare de nos jours. Rare <strong>au</strong>ssi en raison de l’étenduedes champs d’intérêts qui, bien que contraires,semblaient réconciliés et qui allaient de la vie urbainetrépidante <strong>au</strong>x zones désertiques des cercles polaires,des réalités sociales <strong>au</strong>x phénomènes célestes les plusextraordinaires, du documentaire <strong>au</strong>x fictions illimitées.C’est à ces univers qu’Andreas Züst se consacrait corpset âme en les sondant par tous les moyens dont il disposait.La collection, la bibliothèque et l’art d’AndreasZüst forment ainsi une unité qu’il s’agit de penser dansson ensemble, même en accédant à ce cosmos de façonponctuelle. Mais peu importe par où l’on y entre, cesmondes s’ouvrent très vite et révèlent la cosmologied’un grand universaliste. Porter son regard <strong>au</strong> ciel a,finalement, donné <strong>au</strong> météorologue patenté la libertéde poser celui-ci sur la complexité de la vie.Stephan Kunz est historien d’art. Depuis 2011, il est directeurdu Musée d'art des Grisons à Coire.LA BiBLiOThèque d’AndreAS ZüSTAmédée Guillemin, Le ciel. Notions élémentairesd’astronomie physique, Paris, 1877Louis Soutter, Anne-Louise-Germaine de Staël : Corinne ou L’Italie, 1928,532 pages remaniées <strong>au</strong> crayon, encre et encre de Chine, 19 x 12 x 4,2 cmDouze mille livres ont été accumulés avec passion par Andreas Züst dans samaison Spiegelberg, dans l’Oberland zurichois. Après sa mort, sa fille Mara et desamis ont œuvré pour que cette bibliothèque reste indivisible et soit accessible <strong>au</strong>public. C’est chose faite depuis l’<strong>au</strong>tomne 2010 à St Anton / Oberegg, petit villagedu canton d’Appenzell, dans un bâtiment <strong>culturel</strong> et hôtel très accueillant, l’Alpenhof,depuis lequel le panorama est splendide.Évidemment, les livres d’art prennent une large place, dont des catalogues d’expositionsqui, on le devine, ont été des jalons importants dans la découverte d’artisteset la compréhension d’une époque, des livres d’artistes et des éditions rares, souventdédicacés. On voyage <strong>au</strong>ssi avec des expéditions dans l’Himalaya, en Afriqueou chez les Indiens Hopi. On aborde d’<strong>au</strong>tres domaines, parmi lesquels l’architectureet les techniques de construction, la géologie, la botanique, les champignons.On découvre des volumes révolutionnaires, politiques, de luttes et de revendicationsutopiques, on traverse une très riche histoire de la musique où défilent le jazz,le rock, le punk, la soul, l’expérimental. On contemple des volumes de photographie,où le corps nu occupe une belle place, ou encore des études sur les couleurs et leurssignifications. Et bien sûr, on se délecte des livres en relation avec les phénomènesmétéorologiques comme les <strong>au</strong>rores boréales, le système solaire, les étoiles, les nuageset des cartes du ciel émouvantes de be<strong>au</strong>té. On trouve également des ouvragessur les ovnis, qui prolongent avec fantaisie la passion de Züst pour le ciel, la lumièreet les astres, mais <strong>au</strong>ssi pour certaines croyances et pour l’anthropologie. Et commele résume le critique d’art Martin Jaeggi : « Parcourir la bibliothèque d’Andreas Züst,c’est comme voyager dans son cerve<strong>au</strong>. »http://www.andreaszuest.net/bibliothek.phpEric Nesheim, Leif Nesheim, S<strong>au</strong>cer Attack!,Los Angeles, 1997


08 • ExPosITIon / le phare n° 11 / mai-juillet 2012 mai-juillet 2012 / le phare n° 11 / ExPosITIon • 09Emmett Williams, When the Fluxus Saints Go Marching In, 1994,acrylique sur papier, structure en bois, plaque de métal gravée, 33 x 43 x 9,5 cmMax Grüter, Anzug, 1993,aluminium et verre, 43 x 17 x 8 cmFischli Weiss, Ratte und Bär, 1981, terre cuite et liège, 15 x 8 x 8 cm chacuneWilliam Nelson Copley, Going Home, 1983, gouache sur toile, 132,5 x 76,5 cmJohannes Geuer, Koopt ijs, 1969, gouache sur carton, 68 x 48 cmIan Anüll, Grosses Bier, 1988,huile, acrylique et laque sur toile, 35,5 x 27,2 cmSigmar Polke, sans titre, 1968, aquarelle sur papier, 85 x 61 cmHans Schärer, Gödels Gleichung, 1995, huile sur toile, 60 x 50 cmDorothy Iannone, sans titre / Bill Wyman, 1966-1967,feutre, bois, fil, papier, 34,3 x 48,5 x 17,9 cm


10 • EXPOSITION / le phare n° 11 / mai-juillet 2012mai-juillet 2012 / le phare n° 11 / EXPOSITION • 11BiographieLa collection Züst comporteun important ensemble de dessinsde David Weiss réalisésentre 1974 et 1979, année oùil commence son activité avecPeter Fischli. En 1975, David Weiss(né à Zurich en 1946) exposeà la galerie Stähli à Zurichet à De Appel à Amsterdam.L'année suivante on le retrouve<strong>au</strong>x côtés d'Anton Bruhin dansl'exposition « Mentalitaet :Zeichnungen » <strong>au</strong> Kunstmuseumde Lucerne. La banalité, la villeet l'humour que l'on retrouveradans les trav<strong>au</strong>x de Peter Fischliet David Weiss, sont déjà bienprésents dans ses œuvres.Cependant, le dessin, activitéindividuelle par excellence,n'apparaîtra quasiment plusdans les œuvres du célèbre duo.David Weiss, sans titre (de la série Im Zimmer), 1975,encre de Chine sur papier, 69 x 49 cmDavid Weiss, sans titre (de la série Im Zimmer), 1975,encre de Chine sur papier, 69 x 49 cmDavid Weiss, sans titre (de la série In der Stadt), 1974, fusain sur papier, 48 x 67 cmDavid Weiss, sans titre (de la série Im Zimmer), 1975,encre de Chine sur papier, 69 x 49 cmInsomniaqueet intranquille <strong>au</strong> litDavid Weiss est notamment connu comme faisant partie d’un duod’artistes internationalement célèbre : Fischli Weiss. Le label estdevenu synonyme d’un art subversif, voire philosophique, qui se nourritde l’ordinaire tout en le dépassant et pose des questions <strong>au</strong>ssi bienexistentielles que portant sur la perception et sur l’ordre de la réalité.Par Konrad Tobler. Traduction Katrin Saadé-MeyenbergerEXPOSITION12.05 – 10.06.12David WeissŒuvres de la collectionAndreas ZüstToutes les œuvres reproduitesdans l'article : Aarg<strong>au</strong>er Kunsth<strong>au</strong>sAar<strong>au</strong> / Collection Andreas Züst.© photos : David AebiDavid Weiss, né en 1946, était un artiste déjà actifbien avant l’époque du duo. Les séries de dessins Dansla chambre, En ville, City Lights et Mickykosmos, réaliséesentre 1974 et 1975, le démontrent à l’envi. Les titresindiquent déjà la part belle faite <strong>au</strong> quotidien, par l’intégrationpartielle d’éléments issus de la culture populaire.Par exemple, du vocabulaire visuel de la bande dessinée,ce qu’<strong>au</strong>torisait l’art depuis 1960 en transgressant la barrièreentre culture « cultivée » et culture populaire.La série Dans la chambre (Im Zimmer) est une variation<strong>au</strong>tour d’un thème : une personne – un homme ouune femme ? – veille dans son lit, un verre à portée demain, des livres s’empilent. Elle fume. Elle semble perduedans ses pensées. Lesquelles ? On l’ignore – penserne peut pas être représenté. On serait tenté de dire queWeiss illustre ici un texte qu’il a écrit pour Andreas Züst.Ou que le texte exprime en mots ce que montre la série.Weiss écrit : « Le lit ordonne et incarne la victoire de laraison et des opinions toutes faites. Fièrement, on neveut pas entendre le lit grincer parce que quelqu’un selaisse de nouve<strong>au</strong> lamentablement aller à l’obscuritéavec sa personnalité et son caractère qu’il a trainés derrièrelui toute la journée. C’est <strong>au</strong>ssi la victoire de laforce singulière du lieu, de la géomancie, sur la liberté.Les errements à travers la ville et la journée touchent icià leur fin : méticuleusement et volontairement, le dormeurse couche parallèlement <strong>au</strong> mur, car il espère queles choses rentrent dans l’ordre, comme le lui promettentles agencements rectangulaires de la maison. »Or, sur les dessins peints à traits enlevés, le monde oùla personne voudrait trouver du repos n’est pas en ordre.Il est visiblement agité. La personne reprend une cigarette.Les pensées circulent. Des fragments de la réalitéextérieure font irruption. Ou est-ce le désir ? Le désir dulointain ? Quelque chose qui ressemble à un paquebotentre dans le monde clos de la chambre.Peut-être <strong>au</strong>ssi que les dessins ont justement émergéà un moment où l’artiste n’a pas trouvé le sommeil. Il sepourrait que la personne – est-ce un homme, est-ce unefemme ? – soit une sorte d’alter ego de Weiss. Les cheveuxlongs et raides sembleraient l’indiquer. En effet,il existe une photographie de cette époque montrantWeiss avec Urs Lüthi qui était alors son partenaire régulierdans des jeux de rôle et avec qui il a publié plusieurslivres entre 1970 et 1979. Mais revenons à la photographie: Weiss, un sourire moqueur <strong>au</strong>x lèvres, se tientderrière Lüthi et menace celui-ci. Lüthi lève les brascomme un otage, comme un prisonnier. Sur un <strong>au</strong>trecliché, Weiss soulève Lüthi dans une mise en scène queles deux artistes reproduisent en 2002, tous les deuxayant entre-temps pris de l’âge – et le mince et androgyneLüthi du poids.Les dessins esquissés d’une main sûre et légère pourraientdonc également représenter des jeux de rôle : lemoi en tant qu’artiste, insomniaque, rêveur, penseur. Etle jeu de rôle est, comme le montre notamment l’œuvrede Lüthi, bien plus que simplement un jeu. Le jeu de rôles’interroge sur le moi, sur l’identité, ou va – dans la répétitionet la variation – jusqu’à demander s’il existe uneseule identité. Si cette interprétation s’avère juste, l’aléatoirebasculerait déjà dans ces œuvres de jeunesse, dansle subversif et le polysémique et anticiperait ce noy<strong>au</strong>essentiel pour lequel Fischli Weiss sont internationalementconnus, estimés et admirés.Konrad Tobler est critique d’art et d’architecturepour les publications Tages-Anzeiger, Der Bund, Kunstbulletinet Kunstzeitung.


12 • EXPOSITION / le phare n° 11 / mai-juillet 2012 mai-juillet 2012 / le phare n° 11 / EXPOSITION • 13Provocateur,sensible,intelligentDébordante : voilà comment l’œuvre de Dieter Roth (1930-1998)peut être le mieux décrite. Or, <strong>au</strong>tant elle contient du chaos, <strong>au</strong>tantelle est marquée par l’ordre et le désordre. Par Konrad ToblerTraduction Katrin Saadé-Meyenbergerdes collages imprimés. En effet, Roth laissait tombervolontairement dans la presse des hannetons en chocolatou des bâtons de réglisse. En s’écrasant, ceux-cidevenaient partie intégrante de l’œuvre. Tout le portfolioest conçu comme une archive, avec sommaires etannexes. La série Containers se réfère ainsi explicitementà son œuvre. D’une part, il y a utilisation de matéri<strong>au</strong>xpérissables qui moisissent ou se désagrègent, àl’instar des sculptures que Roth moulait dans le chocolatet le fromage. D’<strong>au</strong>tre part, Roth collectionnait obsessionnellement,pendant un laps de temps, tout ce qui luitombait entre les mains et qu’il rangeait méticuleusementdans des classeurs. Or, ces classeurs constituentégalement Containers – une encyclopédie de l’ordinairemélangeant intimement matériel débordant et ordrestrictement observé.EXPOSITION15.06 – 107.12Dieter RothŒuvres de la collectionAndreas ZüstToutes les œuvres reproduitesdans l'article : Aarg<strong>au</strong>er Kunsth<strong>au</strong>sAar<strong>au</strong> / Collection Andreas Züst.© photos : David AebiContainersTout en accumulant du matériel et en créant des installationsvolumineuses, Dieter Roth ne cesse de s’intéresser<strong>au</strong>x œuvres de petite taille, dont le dessin et l'estampe.C’est dans ces techniques-là que se condense en grandepartie l’essentiel de l’œuvre de Roth. Il en va ainsi de lasérie Containers, trente-trois gravures des années 1971-1973. Elle résume les expérimentations graphiques queRoth a réalisées dans les années 1960 et qui lui ont permisde compléter ce médium. La série Containers estle résultat visible et tangible de ces expérimentations.Les feuilles imprimées en héliogravure sont devenuesSurtseyLa série Surtsey renvoie à l’Islande volcanique, contrée<strong>au</strong>ssi mouvementée qu’était Roth dans son for intérieur,où il a émigré en 1957 depuis la Suisse. Dès le 14 novembre1963, suite à une série d’éruptions volcaniques, uneîle est apparue à trente kilomètres de la côte sud islandaise,l’île des Surt.Dans ses œuvres, Roth métamorphose cette éruptionen une nature morte de facture presque classique.L’événement grandiose se déplace, de manière détournéeet idyllique, dans une soupière sur une table dresséed’une nappe à carre<strong>au</strong>x. S’y intègre une carte postaletouristique, ainsi que des champs de couleur strictementgéométriques qui rappellent les débuts de Roth,qui vient de l’art concret.PersonarumDieter Roth, Cash (exh<strong>au</strong>st) / Bargold (Auspuff), de la série Containers, 1971-1973,héliogravure et collage sur papier, 58 x 46 cmLes dix-sept dessins de Personarum révèlent Roth entant que dessinateur virtuose. Ses idées fusent, sa maindevient le médium de ses pensées. Sa créativité débordantese dévoile. Elle se nourrit <strong>au</strong>tant d’associationslibres qu’elle reste marquée par sa préoccupation formelleet explicite. Personarum part d’un principe d’unelogique implacable – celui d’une personne aisémentreconnaissable, bien qu’elle soit recouverte par d’<strong>au</strong>trespersonnes. Personarum est en fait le génitif pluriel latinde « personne ». De nouve<strong>au</strong>, semble-t-il, nous avonsaffaire à un sommaire : un sommaire de personnes. Ilest évident qu’il ne s’agit pas de personnes quelconques,mais de personnes très proches de leur créateur et enconstituent même des <strong>au</strong>toportraits. S’il est un élémentqui traverse l’œuvre de Roth comme un fil rouge, c’estcelui de l’<strong>au</strong>toportrait. Se questionner sur soi revientchez lui à se questionner sur le monde – et sur son identité,comme le démontre déjà la manière dont Rothécrit son nom patronymique : diter rot, Diter Rot, DieterRot, Dieter Roth, Dieterich Roth ou Karl-Dietrich Roth,ou encore celle dont il détourne celui-ci : DRIT – EROTET DIT – ERROR. Derrière Personarum, on peut égalementsupposer de tels jeux identitaires. Seules deuxfeuilles portent des titres non dénués d’ambiguïté.L’une s’intitule Souffleur, et fait penser à une évocationgrossièrement grivoise – ou à un orchestre de cuivrecomposé d’un unique musicien interprétant une cacophonie? L’<strong>au</strong>tre feuille s’intitule La Tour/Lapin. Ellerenvoie à d’<strong>au</strong>tres ensembles d’œuvres de Roth – destours composées avec des <strong>au</strong>toportraits en chocolat –et <strong>au</strong>x lapins de Dürer que l’artiste a moulés dans dufumier.Roth est et reste un provocateur intelligent.Konrad Tobler est critique d’art et d’architecturepour les publications Tages-Anzeiger, Der Bund, Kunstbulletinet Kunstzeitung.BiographieDieter Roth est né le 21 avril 1930à Hanovre et mort le 5 juin 1998à Bâle. Fils d’un père allemandet d’une mère <strong>suisse</strong>, il fuitl’Allemagne nazie pour se réfugieren Suisse. Étudiant en graphisme,il s’intéresse <strong>au</strong>ssi <strong>au</strong> designd’avant-garde et à la poésie.Globe-trotter, il s'installesuccessivement à Copenhague,à Reykjavik où il rencontrerasa femme, puis à Bâle. Il enseigneà Londres et à Providence(États-Unis) où il s'invente àchaque fois une nouvelle identité.Sa première exposition personnellea lieu à la galerie Arthur Köpckede Copenhague en 1960.Son impressionnante productionartistique lui v<strong>au</strong>dra de nombreuxprix et des expositions à traversl’Europe et les États-Unis.En 1997, une importanterétrospective de son travail estorganisée à Marseille. Il meurtl’année suivante dans son atelierà Bâle. La fondation Dieter Rotha été créée à Hambourg du vivantde l’artiste. Le Roth Estate estgéré par la galerie H<strong>au</strong>ser & Wirthde Zurich.Dieter Roth, Surtsey, 1973-1974, hyalographie sur papier, sur carton, 49 x 69 cmDieter Roth, Personarum, 1980, crayon sur papier, 29,7 x 21 cm chacun


14 • PErForMAncE cInéMA / MUsIQUE / le phare n° 11 / mai-juillet 2012mai-juillet 2012 / le phare n° 11 / PErForMAncE cInéMA / MUsIQUE • 15Le sens du miraclebrutes de ses films (tournés <strong>au</strong> Canada, <strong>au</strong>x États-Unis,en Suisse et en Inde). Frith, un professionnel de l’analogique,les doigts dans les cordes, les pieds sur les pédales,s’y f<strong>au</strong>filait avec aisance.Immersion dans la collaboration entre le cinéaste Peter Mettleret le musicien Fred Frith et leur relation avec le collectionneur Andreas Züst.Par Peter WeberPERFORMANCECINéMA / MUSIQUEmeRCRedi 30 etjeUdi 31.05.12 / 20 HPeter Mettler & Fred Frith« Meteorologies »BiographieLe réalisateur Peter Mettleret le musicien Fred Frith ontdéveloppé des projets en communmêlant images projetéeset musique improvisée depuisleur première rencontre sur scèneà l’Exposition Nationale Suissede 2002, réalisée à partirdes images du film Gambling,Gods and LSD. Le duo s’estnotamment produit <strong>au</strong> Festivalde musique improvisée de Zurichen 2008, <strong>au</strong> Festival VideoExà Zurich en 2009 et joueraà la Cinémathèque québécoiseà Montréal en mai 2012dans le cadre d’une rétrospectivede Mettler. La performanceMeteorologies est spécialementconçue pour le CCS en échoà l’exposition « Météorologiesmentales ». C’est une coproductiondu <strong>Centre</strong> <strong>culturel</strong> <strong>suisse</strong> Pariset de Swissnex San Francisco.Le couple de météorologues« J’ai rencontré un homme à un dîner qui adore observerle ciel. Il a passé <strong>au</strong>tant de temps à observer le ciel quemoi à pointer des caméras et des microphones en directiondu monde. » Voici comment Peter Mettler introduitAndreas Züst dans son film Picture of Light en 1993. Züstétait producteur et conseiller scientifique de NordlichtFilm et c’est là qu’on le trouve toujours : l’homme desglaces libre, l’homme du ciel.Le couple d’aviateursMettler et Frith sont des aviateurs passionnés. Des poissonspilotes. Ce qui compte pour eux, c’est la phase devol, la régulation de vol. La question des aéroports, lecargo, le fret les préoccupe depuis toujours. Des questionsde pe<strong>au</strong> <strong>au</strong>ssi : où commence le corps ? Où finitl’électronique ? Le destin des poissons pilotes : la préfiguration.En 2001, j’ai rencontré Frith et Mettler pourla première fois <strong>au</strong> vieil hôtel Alpenhof en Appenzell,à 1 100 m d’altitude, lors du tournage du film de MettlerGambling, Gods and LSD. Frith, bardé de câbles et d’instruments,s’était installé dans le salonpanoramique devant son écran. Audessusde lui se trouvait, dans l’ancienappartement du propriétaire de l’hôtel,la table de montage ou le cockpit de Mettler. À cetteépoque, les ordinateurs avaient la taille d’un bloc-moteuret étaient recouverts de housses en plastique (oncraignait des fuites d’e<strong>au</strong> d’une toiture défaillante).La même année <strong>au</strong>ssi, les premières collaborationsdu duo Mettler-Frith avaient lieu en Suisse : Mettlerdéveloppait sa table de mixage et faisait défiler des bandesvidéo dans cinq caméras, des moniteurs amoviblesservant d’écran de contrôle. Il fusionnait des versionsToronto – Suisse orientaleLe travail de Mettler excelle dans les points de fusion– fruit de son travail pendant des années à la table demixage et de son besoin d’improviser avec des images.Son attrait pour l’imprévu. Après la sortie de Gambling,Gods and LSD, Mettler pousse encore plus loin ses systèmesde mixage et crée deux studios, l’un en Suisse,l’<strong>au</strong>tre <strong>au</strong> Canada. Le matériel in<strong>format</strong>ique reste surplace, les logiciels voyagent, ce qui crée un mouvementpendulaire avec une logistique coûteuse. Je me souviensd’une session image-son dans sa maison à Toronto en2008. Tous les instruments fonctionnent. Le systèmes’appelle maintenant Mixxa.Mettler a participé à sa mise <strong>au</strong> point – poisson pilotequi nage dans des fluides qui n’ont pas encore d’appellation.Il y a vingt ans, il a installé ses studios en Suisseorientale, <strong>au</strong>-dessus de la limite de brouillard, à quelque800 m d’altitude. À cette époque, il vit chez Züst dansl’Oberland zurichois (où, après de longues années detravail, il termine son dernier film The End of Time).Trio avec un absentAndreas Züst décède l’été 2000, à 53 ans, des suites d’uninfarctus. Il laisse derrière lui une maison pleine à craquer,agencée par un collectionneur éclectique. Rempliedu jardin <strong>au</strong> grenier. Voici la formule qui colle <strong>au</strong> plusprès à l’étendue des intérêts de Züst.Il f<strong>au</strong>drait s’imaginer un jardin ouvertvers le bas – jardin signifiant plus largementflore, f<strong>au</strong>ne, terre, sous-terrain.Et grenier ouvert sur l’en-h<strong>au</strong>t signifiant bibliothèquepolaire, apparitions crépusculaires, productionsolaire, nuages, étreintes galactiques. Bref, ce sont, enquelque sorte, les choses qui regardent celui qui s’intéresseà tout. Ce dont je garde le souvenir le plus fort, cesont les accumulations <strong>au</strong>tour de la collection. Trivia :points de convergence de trois itinéraires. Varia : accessoires,mélanges, connaissances polychromes.Les lignes de vie ordinaires, qui démarraient <strong>au</strong> jardin,avec les fleurs, les bonnes et m<strong>au</strong>vaises herbes, s’incrustaientdans celles de l’érudition. Des œuvres d’artjouxtaient des ustensiles de jardin, des bandes dessinéesse trouvaient à côté de romans et d’ouvrages scientifiques,avec une prédilection pour la météorologie, laglaciologie, la climatologie, la mycologie. Quelques paquetsde cigarettes mentholées illustrés par des imagesd’ours polaires étaient rangés à côté d’ouvrages rares surles régions polaires. Une corne de narval reposait à côtéde l’échelle menant <strong>au</strong> lit en mezzanine, sous le faîtage.Un poisson-ballon empaillé était suspendu à un fil. Unobjet, rapporté d’un voyage dans l’espace, attirait toutparticulièrement les écrivains, les artistes, les cinéastesou les musiciens qui venaient se retirer chez Züst : lapetite météorite en fer. Ce n’est qu’en la soulevant, qu’ons’apercevait qu’elle pesait très lourd. Après avoir filéà travers l’espace, elle atterrissait sur ce bure<strong>au</strong> et, commepresse-papier, ne cessait d’interroger la mesure etla densité de toute chose.« un poisson empailléétait suspendu à un fil »Fred Frith © Heike LissChampignonsDans l’épilogue du livre de photographies d'AndreasZüst, Bekannte Bekannte, l’artiste David Weiss écrit unebelle phrase sur son vieil ami : « Les fleurs préféréesd’Andreas Züst sont les champignons ».Peter Weber est un écrivain <strong>suisse</strong>. Il est l’<strong>au</strong>teur du livreLe Faiseur de temps, 1993, Éditions Zoé.Peter Mettler, extraits du film The End of Time, 2012


16 • conférence / architecture / le phare n° 11 / mai-juillet 2012mai-juillet 2012 / le phare n° 11 / conférence / architecture • 17La façade du nouve<strong>au</strong> Marin <strong>Centre</strong> à proximité de Neuchâtel, Suisse. © Thomas JantscherEntre maison modulaireet morce<strong>au</strong> de villeInstallé à Berne, Neuchâtel et Zurich, ce bure<strong>au</strong> d’architectess’est imposé en champion du développement durable. Une philosophiequi s’applique à la conception de tout un quartier comme à celled’une mini-maison en bois. Par Mireille DescombesARCHITECTUREMardi 05.06.12 / 20 HB<strong>au</strong>artAvec son nom solide et rond qui sonne tel un manifeste,le bure<strong>au</strong> d’architecture B<strong>au</strong>art (littéralement artde construire) se profile depuis plus de vingt ans commeun cas particulier dans le paysage helvétique. Très<strong>suisse</strong> dans sa façon de marier les langues et les culturesavec des agences à Berne, Neuchâtel et Zurich, il entend,parallèlement à des mandats classiques, se positionnercomme une force de proposition dans le monde économiqueet politique, allant jusqu’à lancer lui-même desprojets notamment en matière d’urbanisme ou de recherche.Employant une soixantaine de collaborateurs,il est <strong>au</strong>jourd’hui dirigé par six associés, Willi Frei, StefanGraf, Peter C. Jakob, Yorick Ringeisen, Marco Ryter etEmmanuel Rey. Responsable du bure<strong>au</strong> neuchâtelois,ce dernier est également, depuis 2010, professeur enarchitecture durable à l’EPFL (École polytechniquefédérale de L<strong>au</strong>sanne). Suractif et enthousiaste, ce jeunequadragénaire se réjouit de démontrer <strong>au</strong>x étudiantsqui assistent à ses cours que « loin d’être un frein à lacréativité, les questions liées à l’écologie et <strong>au</strong> respectde l’environnement peuvent enrichir la réflexion et devenirde véritables thèmes architectur<strong>au</strong>x ». Il est vraiqu’avec les projets de B<strong>au</strong>art, il a été, si l’on peut dire,à bonne école.« Personne ne savaitexactement cequ’était un quartierdurable »ÉcoparcDès les années 1990, en effet, le bure<strong>au</strong> s’impose commeun pionnier en matière d’architecture durable, avecla réalisation de l’Office fédéral de la statistique (OFS),à la gare de Neuchâtel. Érigée le long des voies de cheminde fer, cette très belle construction en verre et métaltout en longueur est l’un des premiers édifices decette taille (un bâtiment administratif de 700 places) àfonctionner sans climatisation, notamment grâce à lah<strong>au</strong>teur de l’atrium qui permet de le ventiler naturellement.Construction pilote également en matièrede ch<strong>au</strong>ffage, elle est dotée d’une toiture solaire dontla chaleur, transmise à une cuve, est réutilisée pourtempérer le bâtiment durant l’hiver.Complété quelques années plus tardpar une élégante tour (OFS 2), ce bâtimentplusieurs fois primé devientalors le point de départ d’une opérationde grande envergure : la réalisation,sur les anciennes friches ferroviaires, d’unnouve<strong>au</strong> quartier durable. Baptisé Écoparc, ce derniercomprend, outre des bure<strong>au</strong>x et différents types de logements,un campus flambant neuf regroupant plusieursh<strong>au</strong>tes écoles.« À l’époque, personne ne savait encore exactementce qu’était un quartier durable, se souvient EmmanuelRey. Nous avons défini une vingtaine de critères etune quarantaine d’indicateurs à partir desquels nousavons élaboré une vision globale. Nous avons ensuitetravaillé étape par étape avec les différents propriétairesqui nous ont mandatés pour trouver des investisseurs.Il s’agissait pour nous d’une grande première. »Respectant scrupuleusement la découpe particulièredu plate<strong>au</strong> de la gare (rectiligne <strong>au</strong> nord et courbe <strong>au</strong>sud) tout en libérant des surfaces pour créer un espacepublic, ce quartier mixte et très dense fonctionne commeun véritable morce<strong>au</strong> de ville. À l’image des trainsstationnés en gare, les bâtiments coulissent les uns parrapport <strong>au</strong>x <strong>au</strong>tres pour offrir des ouvertures diagonaleset des échappées sur le paysage environnant. Sansconstituer à proprement parler une vraie famille, ilspartagent ressemblances et points communs, notammentdans le traitement des géométries ou dans l’utilisationde la transparence, un thème particulièrementcher à B<strong>au</strong>art.Prototype de la maison Option, installé à Thoune, Suisse. © Andreas GreberMarin <strong>Centre</strong>Faire un centre commercial a soulevé d’<strong>au</strong>tres défis.D’<strong>au</strong>tant plus intéressants que l'on fait rarement appelà des architectes pour réaliser ce type de construction.L<strong>au</strong>réat du mandat d’études parallèles pour le nouve<strong>au</strong>Marin <strong>Centre</strong> (à une dizaine de kilomètres de Neuchâtel),B<strong>au</strong>art a réussi à combiner le respect de l’environnementet le souci louable du confort des travailleurs etdes usagers. Pour permettre l’accès direct des <strong>au</strong>tomobilistes<strong>au</strong>x commerces, il a proposé de regrouper lesplaces de stationnement dans une batterie de parkingssitués le long de la façade. Cette option permettait égalementde concentrer le bâti sur un minimum d’espaceet donc d’aménager un grand parc àproximité, réalisé en partie avec desmatéri<strong>au</strong>x excavés. À l’intérieur, pasde dédale de couloirs où le chalandagacé et las finit par se perdre, maisun grand espace central sur lequeldonnent tous les magasins, comme dans une rue marchandeclassique. Généralement bannie des centrescommerci<strong>au</strong>x, la lumière naturelle est ici à l’honneurpour des raisons de confort, d’ambiance, mais égalementd’énergie. Et ce souci d’inscrire le bâtiment dansun dialogue avec son environnement se retrouve dansle traitement de la façade, des plaques métalliques noirespercées d’innombrables ouvertures.« Nous avons travaillé sur une enveloppe qui puisserecouvrir l’intégralité du bâtiment, précise EmmanuelRey. C’est assez rare dans ce type d’objet où, généralement,seul le décor de l’entrée est soigné et le reste plutôtnégligé. »Une mini-maisonLe bure<strong>au</strong> B<strong>au</strong>art ne réalise pas que des projets de grandesdimensions. Il lui arrive <strong>au</strong>ssi de travailler à petiteéchelle et de façon très expérimentale. En 2000, il s’estainsi lancé dans une entreprise qui ravira les poètes, lesrêveurs et les f<strong>au</strong>chés : une toute petite maison sur deuxétages de 64 m 2 susceptible d’être construite en unejournée et de coûter moins de 76 000 euros. Constituéede deux modules superposés, entièrement fabriquéeen usine, elle comprend tout ce qu’il f<strong>au</strong>t pour vivresimplement et pourrait facilement se glisser dans deminuscules parcelles.« Le pari principal consistait à utiliser le bois de manièrecontemporaine afin de pouvoir travailler avec unnombre réduit d’éléments. D’où l’idée de n’avoir, pourchacune des façades, qu’une grande fenêtre apportant<strong>au</strong>x espaces princip<strong>au</strong>x la lumière naturelle », expliqueEmmanuel Rey.La maison minimale Option a connu un certain succès.Plus d’une quarantaine ont été construites, qui setrouvent notamment en Allemagne et en Autriche. Pourles architectes de B<strong>au</strong>art, ce n’était toutefois qu’un début.Ils travaillent actuellement sur un projet d’immeublecollectif réalisé lui <strong>au</strong>ssi à partir d’éléments modulaireset baptisé Swisswoodhouse. En regroupant les différentesfonctions de l’habitat dans des modules, ils espèrentpouvoir ainsi créer des logements be<strong>au</strong>coup plus souples,susceptibles d’évoluer avec les besoins des usagers.Une manière intelligente et pertinente d’aborder le thèmede la densification urbaine puisque ces immeublespourraient plus aisément s’adapter à la taille restreinteet <strong>au</strong>x contours parfois s<strong>au</strong>grenus des parcelles restéeslibres. Les architectes espèrent pouvoir construirebientôt le premier prototype. On attend le résultat avecgrande impatience.Mireille Descombes est journaliste <strong>culturel</strong>le <strong>au</strong> magazineL’Hebdo.


18 • MUSIQUE / le phare n° 11 / mai-juillet 2012Ochumare. © Tashko TasheffL’appétit vienten dansantCarte blanche <strong>au</strong> Montreux Jazz Festival, le quartet Ochumare menépar la violoniste cubaine Yilian Canizares pose sa marque dans l’héritagelatin du jazz. Par Arn<strong>au</strong>d RobertMUSIQUEJEUDI 14.06.12 / 20 HOchumareCarte blanche <strong>au</strong> MontreuxJazz FestivalCe sont quatre musiciens qui, dans la même semaine,peuvent ravaler un concerto ou une sonatine,prendre <strong>au</strong> corps un blues de petit matin tordu ou épaterune rumba d’école. Ce sont quatre musiciens quiviennent d’Amérique du Sud, des Caraïbes ou d’Europe.Ils ont pris le nom d’un vieux dieu cubain à l’âmefraîche, Ochumare, l’arc-en-ciel, gardien des enfants etdu cordon ombilical. À sa manière ludique et savante,ce quartet impose son rythme. Celui d’une sarabandede cultures cumulées et d’espaces conquis.Il f<strong>au</strong>drait dresser le portrait d’Yilian Canizares. Unefemme qui rit, habillée et munie de robes en mousselineet d’un violon en cordes de crin. Elle a appris dansdes conservatoires havanais, puis vénézuéliens, l’art dene pas défigurer les partitions. Même quand elle chante<strong>au</strong>jourd’hui, d’une voix d’éphèbe qui <strong>au</strong>rait tout vécu,sa voix a des patines de musicienne née, des p<strong>au</strong>sesouvragées. Quelque chose d’impérieux.Quand elle a décidé, en s’installant en Suisse, de créerun ensemble, elle voulait l’enraciner dans la mémoirecréole. Mais ne surtout pas rejouer, une fois de plus, lecoup du Buena Vista Social Club. D’antiques chansonsqui répondraient trait pour trait à toutes les images faitessur Cuba, sa faconde, ses danses, ses petits verresde rhum blanc dans un café de la vieille ville. Non.Ochumare est <strong>au</strong>tant new-yorkais que havanais. Ilcapte l’héritage de la salsa, celui de l’impressionnismefrançais, des tambours nègres, des âmes sombres. Ilsvont traquer l’universel dans le latin. La magie noiredans les Lieder. Leur deuxième album, Somos Ochumareprend <strong>au</strong> latin jazz, <strong>au</strong>x transes insulaires, <strong>au</strong>x révolutionsswing et à la clave capiteuse.Il y a dans ce groupe un percussionniste dont on nesait très bien s’il a trafiqué ses origines l<strong>au</strong>sannoises ous’il est enfant du Sud. Cyril Regamey connaît sur le boutdes p<strong>au</strong>mes le ventre des congas, il peut ajuster desbatteries américaines et d’illisibles partitions contemporaines.Il est le vis-à-vis d’Yilian Canizares, sa réponse.David Brito rumine une contrebasse <strong>au</strong>x fondationsmaritimes. Abel Marcel se place sous les <strong>au</strong>spicesdu pianiste américain Bill Evans, mais <strong>au</strong>ssi des pianistescubains du xix e siècle.Peu à peu, Ochumare construit son destin. Ils ontvoyagé en Amérique et dans toute l’Europe. À chaquefois qu’ils se présentent, quelque chose se trame d’inouï.Surtout lorsque Yilian pose son menton abricot sur unviolon de compétition. Il y a du chant <strong>au</strong>ssi dans sonarchet. Rien de plus lyrique, de plus investi, que cetinstrument méchant qui exige de son interprète la plusabsolue rigueur. Pour se faire une idée rapide, il f<strong>au</strong>draitécouter « Maramacuncha », un morce<strong>au</strong> héroïquede leur deuxième album.La musique cubaine d’<strong>au</strong>jourd’hui embrasse l’espritdu temps, l’électronique flamboyante, le rock, mais <strong>au</strong>ssiun siècle de ternaire américain. Quand on se rendsur cette île dont on sait à quel point on l’a écartée dumonde, on est surpris par l’extrême degré de connexionde ses musiciens. Ils savent tout. Malgré un internetdéclinant, des télévisions étrangères bannies et despermis de voyage délivrés <strong>au</strong> compte-gouttes. C’estcomme si, quoi qu’il arrive, Cuba était vissée <strong>au</strong> monde.Ochumare porte cela. Un appétit démesuré. Unedose de mystique joueuse. Le sens des messes païenneset des déjeuners mondains. « Maramacuncha » mêlele tres, le luth historique, <strong>au</strong>x instincts de Manhattan.Une espèce de poursuite du son juste <strong>au</strong>-delà des styles.Précisément comme Chucho Valdés, le patriarche de lamodernité havanaise, l’a initié il y a presque cinquanteans. Ochumare a choisi d’enregistrer à La Havane, ilsvoulaient un souffle, une rugosité. Ne pas rejouer, maisinventer encore. Force est de constater qu’après avoirécouté dix fois leurs souvenirs de campagne, on en redemande.Comme si rien ne pouvait épuiser leur musicalitérouée.Arn<strong>au</strong>d Robert est journaliste, réalisateur et <strong>au</strong>teur. Il collaborerégulièrement avec Le Temps et la RTS.


mai-juillet 2012 / le phare n° 11 / MUSIQUE • 23Andrea HellerSans titre, 2011, encre et aquarelle sur papier, 31 x 23 cmSchneegrenze (La limite de la neige), 2011, aquarelle sur papier, 150 x 203 cmSans titre, 2011, aquarelle sur papier, 31 x 23 cm© photo : Martin StollenwerkLes mondesface à faceLe percussionniste Burhan Öçal et le pianiste Alexey Botvinov s’attaquentà Bach. Une histoire de ponts. Par Arn<strong>au</strong>d RobertMUSIQUEMARDI 19.06.12 / 20 HBurhan Öçal& Alexey Botvinov« Goldberg Reloaded »Carte blanche <strong>au</strong> MontreuxJazz FestivalBurhan Öçal. © Michel ComteAttention, choc de titans. Burhan Öçal a fait professiondes duels sommit<strong>au</strong>x, des catchs sur le vif et desrencontres de l’impossible. Lorsqu’il débarque en Suisse– il y a trop longtemps pour se souvenir de la date exacte– depuis sa Turquie natale, il n’est qu’un des meilleurspercussionnistes de sa génération. La plupart s’en seraientcontentés. Lui dépasse sa condition. Il <strong>au</strong>rait pujouer ottoman, il joue global. Et lorsqu’il croise le feravec un soliste surdoué, le pianiste d’Odessa AlexeyBotvinov, il s’amuse à débroussailler Les VariationsGoldberg, miner encore la logique soufie et pratiquerce qui se fait par nécessité en musique : brutaliser ettitiller les tabous.Burhan Öçal pose sur des photos de mafieux à lunettes,fine moustache noire, on ne sait trop bien s’il s’agitd’un acteur en goguette ou d’un affairé en vacances. Il ad’ailleurs joué dans tout un tas de films, sorte d’OmarSharif byzantin <strong>au</strong> charme obscur. Il a été photographiépour des publicités majeures sur le continent américainet donne volontiers son physique alors que tout, chezlui, se trame dans les mains. Depuis des décennies, ilajuste des sets de tambours, de gongs et de jarres, tapepartout avec une science du fracas qui fait de ses rythmesdes symphonies.Öçal a ferraillé avec Jamaaladeen Tacuma, un prodigede bassiste, en des rondos impavides. Il a intégrél’ultime <strong>format</strong>ion du clavier Joe Zawinul, une espècede Babel contemporaine où les traditions se frottaientavec la vigueur des glaciers sur la roche. Il a inventé unIstanbul Oriental Ensemble, revisité la contribution destrente-six sultans du Bosphore, marié sa geste à cellede Maria João Pires, du compositeur George Gruntzou de Sting. Il f<strong>au</strong>t avoir visité la Turquie pour saisircette gourmandise. La h<strong>au</strong>te culture mystique, le classicismeoriental, les DJs de nuit profonde perdus entredeux continents.Ce percussionniste, une partie de l’année installé àZurich, laisse un morce<strong>au</strong> de lui-même dans tous lesterritoires traversés. La rencontre avec Alexey Botvinovparaissait évidente. Pas seulement parce que lui <strong>au</strong>ssia choisi la Suisse. En Ukraine, puis à Moscou, le pianistea découvert l’art du toucher pesé. Il a remportétout un tas de concours internation<strong>au</strong>x dont chacun<strong>au</strong>rait suffi à un virtuose. Il y a vingt ans, Botvinov saisissaitle Concerto pour piano n° 1 de Tchaïkovski pourl’ouverture de la saison à la Tonhalle de Zurich. Déjà,son incroyable sens de l’articulation, son imparableexpressivité faisait de lui une sorte de monstre <strong>au</strong>x ambitionssans fond.Il allait alors sur des pentes déjà arpentées et presqueinfréquentables : Les Variations Goldberg. Bach enmajesté. L’<strong>au</strong>ra effrayante de Glenn Gould sur son tabouretde trayeur. Botvinov s’accrochait. Confrontaitces pièces d’une parfaite économie à des danseurs, despassants, des publics qui n’en revenaient pas. Alorsoui, les deux devaient se croiser. Le Turc cosmique <strong>au</strong>xpe<strong>au</strong>x tendues. L’Ukrainien <strong>au</strong>x défis outranciers. LeMontreux Jazz Festival, selon une jolie tradition locale,raffole de ce type d’instantanés où l’on ignore s’ils’agit de classique, de jazz, de style ou d’ardeur. Il invitedonc, pour sa Carte blanche <strong>au</strong> <strong>Centre</strong> <strong>culturel</strong> <strong>suisse</strong>,ces deux mutins.Ensemble, ils fabriquent un répertoire musical nommé« Goldberg Reloaded », presque le titre d’un filmde science-fiction tant la démarche fait bouger les planètes.Il f<strong>au</strong>t voir <strong>au</strong> moins une fois, même lorsque l’onn’est pas convaincu par la nécessité de nettoyer lesmurs de Bach, cette drôle de machinerie où un percussionnistechasse la part chorégraphiée du cantor deLeipzig. On lui avait tout fait subir, à Bach. Sa revisite enterres africaines. Les réarrangements jazzés de JacquesLoussier... On se disait alors que de nouve<strong>au</strong>x outragesseraient malvenus.Mais il y a <strong>au</strong>tant chez Öçal que chez Botvinov un respectdu matéri<strong>au</strong>, un refus de la facilité et une sorte depréc<strong>au</strong>tion dans la révolution qui touche particulièrement.C’est Bach l’improvisateur. Le mondialisé. Lechercheur. Pas celui des poussières et des respects. Maiscelui de l’invention permanente et du doute inquisiteur.Öçal regarde ce pianiste nourri d’un vieux savoiret se dit, à chaque coup porté, que lui <strong>au</strong>ssi provientd’une civilisation immémoriale. Bach est leur pont.Arn<strong>au</strong>d Robert est journaliste, réalisateur et <strong>au</strong>teur. Il collaborerégulièrement avec Le Temps et la RTS.


26 • PORTRAIT / le phare n° 11 / mai-juillet 2012mai-juillet 2012 / le phare n° 11 / PORTRAIT • 27Philippe Nordmann :l’art a un prixLongtemps à la tête de la Fondation Mamco, l’ancien présidentde la holding M<strong>au</strong>s Frères, <strong>au</strong>jourd’hui à la retraite, est un collectionneuréclectique. C’est <strong>au</strong>ssi le fondateur du prix Manor, qui fête ses trente anscette année. Par Samuel SchellenbergCertains sont discrets par timidité. D’<strong>au</strong>tres lesont par modestie et par tradition familiale. PhilippeNordmann, qui apparaît très rarement dans les médias,entre dans la seconde catégorie : « Il est vif, souvent trèsdrôle et spirituel. C’est un personnage étonnant », dit delui Christian Bernard, directeur du Mamco, à Genève.En d’<strong>au</strong>tres mots, il n’a rien d’un introverti, <strong>au</strong> contraire: à la retraite depuis 2000, c’est un hyperactif – bonnechance pour décrocher un rendez-vous avec lui sanspatienter une semaine. C’est que l’ancien président dela holding M<strong>au</strong>s Frères passe ses journées à se consacrer<strong>au</strong>x <strong>au</strong>tres. Et à l’art.La contraction des premières lettres de son patronymeet de celui de la famille M<strong>au</strong>s donne Manor, nom dèsles années 1990 des anciens grands magasins Placette,Rheinbrücke ou Innovazione, de même que d’un prixd’art très apprécié, qui fête cette année ses trente ans– une grande exposition anniversaire sera organisée en© Anne-Sophie Estoppeyseptembre <strong>au</strong> Kunsth<strong>au</strong>s d’Aar<strong>au</strong>. Un bel âge, mais larécompense n’en reste pas moins cinquante ans plusjeune que son fondateur, Philippe Nordmann, entré deplain-pied dans l’année de ses 80 ans.« À l’époque, nos magasins sponsorisaient volontiersle sport, mais pas la culture, se souvient le Genevois.C’est pour ça que j’ai décidé de fonder ce prix en 1982. »Destiné <strong>au</strong>x artistes de moins de 40 ans, il est décernéde manière biennale dans douze villes dotées d’un grandmagasin Manor. Chaque l<strong>au</strong>réat reçoit 12 000 euros, ala possibilité d’exposer dans une grande institution localeet se voit acheter une pièce par la société Manor dela ville concernée. « Mais à c<strong>au</strong>se de plusieurs directeursintéressés par le football plutôt que par l’art, nombred’œuvres sont envoyées à notre centrale d’achat de Bâleou <strong>au</strong> siège de la holding M<strong>au</strong>s Frères à Genève. »C’est là que nous reçoit Philippe Nordmann, <strong>au</strong> cinquièmeétage du magasin de la rue Cornavin, d’où sontgérées les enseignes du groupe, avec leur chiffre d’affairesannuel de plusieurs milliards. Les murs des couloirset des bure<strong>au</strong>x sont décorés d’une centaine d’œuvresissues du prix – on reconnaît une toile à formes concentriquesnoires et blanches signée Philippe Decr<strong>au</strong>zat(prix Manor V<strong>au</strong>d en 2002), la peinture Cherche sujetdésespérément en quatre langues de Christian-RobertTissot (Genève, 1997), un bord d’e<strong>au</strong> abstrait photographiépar Stefan Banz (Lucerne, 2001), ou une ardoisepeinte en j<strong>au</strong>ne de L<strong>au</strong>rent Hubert (V<strong>au</strong>d, 1989). Toutesles pièces ont leur notice explicative. « Tiens, non, cellecin’en a pas », s’étonne le quasi-octogénaire devant unepeinture abstraite. Ça ne devrait pas tarder à changer.Au même titre qu’il prend plaisir à montrer ces œuvreset à les raconter, Philippe Nordmann aime que lesartistes lui envoient le carton de leur nouvelle exposition,voire passent lui dire bonjour. « Et lorsque je voyageà l’étranger et que je me rends dans un grand musée, jesuis toujours ravi de tomber sur des artistes qui avaientreçu le prix Manor. J’en déduis que nous avons bienfait notre sélection. » « Nous », car jusqu’à récemment,Philippe Nordmann participait à tous les jurys, accompagnéde Chantal Prod’Hom, la directrice du Mudac deL<strong>au</strong>sanne, et de jurés loc<strong>au</strong>x – un expert d’art, un artisteet un historien de l’art.Chantal Prod’Hom, justement, ne tarit pas d’éloges àpropos de Philippe Nordmann : « C’est quelqu’un de trèsengagé et de très généreux. Vous n’imaginez pas tout cetemps qu’il offre à d’<strong>au</strong>tres par le biais de ses occupations,alors qu’il pourrait simplement jouer <strong>au</strong> golf ! »Plusieurs dirigeants de M<strong>au</strong>s Frèrespromènent en effet leurs caddies surles pelouses du luxueux dix-huit trousde Cologny. Le retraité, lui, préfère rendre visite à unprisonnier, qu’il suit sur le long terme, de son jugementà son éventuel déplacement en pénitencier. Il lui arrivede faire de même avec des « protégés » de l’asile psychiatrique.En fin de rencontre, alors que nous avons largementdépassé l’heure d’interview convenue, le mobile dePhilippe Nordmann sonne : « C’était Mohammed, explique-t-ilen raccrochant. Je lui ai rendu visite en prisonet il est sorti la semaine dernière. Il n’a pas le sou : jel’invite à manger un steak tout à l’heure. »Les affaires familiales plutôt que la modePhilippe Nordmann est également président de la fondationPhilias, qui promeut la responsabilité sociale desentreprises. Par ailleurs, le bienfaiteur, de confessionjuive, préside un village d’enfants défavorisés en Israël,et a fondé l’organisation Dream Doctors avec ses quatre-vingtsclowns qui font rire des enfants dans vingtdeuxhôpit<strong>au</strong>x israéliens. Enfin, il s’est engagé dès 1982dans la lutte contre le sida, par exemple en fondant unmini-hôpital à Conches appelé La Maison.Son enfance, Philippe Nordmann la résume en troismots : « gosse de riches ». Avec, en bout d’adolescence,une frustration : alors qu’il rêvait d’aller étudier les lettresà Aix-en-Provence, un baccal<strong>au</strong>réat littéraire enpoche, son père l’oblige à choisir entre des études ensciences économiques et un apprentissage. Il trancherapour la seconde option, à l’Innovazione de Lugano,avant une initiation à la couture et à la mode à Milan,plus tard complétée par une <strong>format</strong>ion de couturier àZurich. « Aux yeux de mes parents, tout ça n’était pastrès sérieux. » Et c’est donc un « ouf » de soulagementqui accueille son entrée dans les affaires familiales :Philippe et son frère Gérard seront la troisième génération– sur quatre à ce jour – à gérer l’entreprise fondéeen 1902 par le détaillant Léon Nordmann et ses amismarchands en gros Ernest et Henri M<strong>au</strong>s.Ce n’était peut-être pas sa vocation première, maisça ne l’a pas empêché d’exercer son métier avec engagement.Chantal Prod’Hom a pu le constater lors de leursnombreux voyages <strong>au</strong>x quatre coins du pays pour lesjurys du prix Manor. Des déplacements qui impliquaienttoujours une petite visite <strong>au</strong> magasin Manor local. « Onfonçait jusqu’<strong>au</strong> dernier étage via les escalators, avantde redescendre. Philippe me faisait la liste très précisede toutes les choses qui n’allaient pas, dans une logiquecommerciale – des incohérences que je n’<strong>au</strong>rais jamaisremarquées. Le jeu était <strong>au</strong>ssi de voir combien de tempsmettait le directeur du magasin pour nous repérer ! »En général, il surgissait <strong>au</strong> 3 e étage.Savoir reconnaître (ou non) une œuvre d’artL’art était une tradition du côté de la mère comme dupère de Philippe Nordmann : ses grands-parents maternelscollectionnaient de la peinture et du mobilier duxvii e siècle ; alors que son père s’intéressait plutôt àl’art moderne – il a dû se séparer d’un ensemble de peinturesdu xvii e et xviii e siècle pour avoir les moyens desa passion. Un éclectisme que Philippe Nordmann aexacerbé : il collectionne depuis longtemps des piècesde forme en porcelaine, de même que de l’archéologiechinoise, japonaise, gréco-romaine, égyptienne et précolombienne.Mais <strong>au</strong>ssi de l’art moderne et contemporain.« On retrouve sa grande curiosité et ses élansdu cœur dans ses choix artistiques, estime ChantalProd’Hom. Sa collection fait de grands écarts, maiselle est d’une cohérence absolue, toutes ses œuvres fontsens. » « C’est une très belle collection, avec un intérêtpour des formes artistiques qui nesont pas circonscrites à un territoireou à une époque », abonde ChristianBernard. Les goûts variés du propriétaire s’expriment<strong>au</strong>ssi dans son bure<strong>au</strong> <strong>au</strong> sein de la holding, avec sa vueimprenable sur la rade et son jardin zen sur la terrasse :on y trouve des statuettes chinoises, plusieurs sculpturescontemporaines de David Smith ou une tunique deDaniel Spoerri. Sur le bure<strong>au</strong>, trône une photo de sa fille,créatrice de spas, alors que son fils, écrivain, plasticienet homme de théâtre, est présent par le biais de plusieursœuvres abstraites <strong>au</strong> mur.Le grand paradoxe du fondateur du prix Manor, <strong>au</strong>quelplus de cent vingt artistes <strong>suisse</strong>s doivent <strong>au</strong> minimumune expo – et <strong>au</strong> mieux une carrière internationale –,c’est qu’il affirme ne pas spécialement aimer l’art contemporain.En partie pour de m<strong>au</strong>vaises raisons, pourrait-ondire, notamment lorsqu’il explique qu’il n’a « pas suffisammentde culture pour prétendre connaître cet art ».Une réserve qui ne l’a pas empêché d’être durant de nombreusesannées président de la fondation Mamco, de laquelleil est <strong>au</strong>jourd’hui vice-président. « Mais pour toutvous dire, je ne crois pas qu’ils m’ont proposé le postepour mes be<strong>au</strong>x yeux, si vous voyez ce que je veux dire »,s’amuse le généreux mécène.Pour illustrer sa prétendue méconnaissance des formesd’art contemporaines, Philippe Nordmann prendplaisir à évoquer cette anecdote, qui date du jour del’ouverture officielle du Mamco en 1994 : alors qu’il effectuaitson dernier tour d’inspection des salles, justeavant l’arrivée des <strong>au</strong>torités politiques, il voit traînerun balai et une pelle et les emporte illico dans le bure<strong>au</strong>du directeur Christian Bernard. « Il a poussé des cris :c’était l’installation d’un artiste ! » Durant les premièresannées du musée, Philippe Nordmann met <strong>au</strong>ssiles pieds dans le plat en regrettant ouvertement l’absenced’expositions capables de drainer un public <strong>au</strong>ssinombreux qu’à la Fondation Gianadda de Martigny,par exemple. « Christian Bernard en a presque fait uninfarctus. Mais j’ai largement changé d’avis depuis : jesuis très content que le musée tienne sa ligne, grâce àson directeur. Et qu’à notre grande joie, il soit visitépar des personnes du monde entier. » La discrétion,Philippe Nordmann le prouve, n’empêche pas quelquesélans de fierté.« Gosse de riches »Historien de l’art, Samuel Schellenberg est co-rédacteur en chefdu Courrier, Genève.Philippe Nordmannen quelques dates1932 : Naissance de PhilippeNordmann à Genève.1952 : Reprise des affairesfamiliales avec son frère Gérard.Philippe Nordmann deviendraprésident de la holding M<strong>au</strong>sFrères, qui possède Manor,Athleticum, Jumbo ou Gant et quia des participations majoritairesdans Devanlay (textiles Lacoste),Aigle ou Parashop.1954 : Formation de couturierà Zurich, après une initiationà la mode à Milan.1982 : Création du prix Manor.1994 : Ouverture du Mamcoà Genève, dont Philippe Nordmannest le président de la fondation.2000 : Départ à la retraite,intensification de l'activitéphilanthropique du mécène.Portrait de Philippe Nordmanncommandé à Anne-SophieEstoppey, artiste née en 1987,vit à Montreux. L<strong>au</strong>réate du prixKiefer Hablitzel en 2011.


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mai-juillet 2012 / le phare n° 11 / LonGUE vUE • 31L’actualité <strong>culturel</strong>le <strong>suisse</strong> en France / expositions© Courtesy galerie Guy PärtschiDRLeurS MOuVeMenTS SOnT rAPideS, SACCAdÉS eT iMPrÉViSiBLeSVidya GastaldonTWiSTed reALiSMMaria iorio et raphaël Cuomo© Jean-Frédéric Schnyder, Todesreiter Serie II, 1977, Aarg<strong>au</strong>er Kunsth<strong>au</strong>s Aar<strong>au</strong>/Dépôt de la collection Andreas ZüstExposition singulière pour l’artistefranco-<strong>suisse</strong> Vidya Gastaldonqui présente, pour la première foisen France, une série de peintures.Connue depuis les années 1990 pourun travail mêlant cultures sacrées,hindouistes, mystiques ou imaginairecartoon, à des référencespsychédéliques, elle aborde, depuisquelques mois, le média classiquede la peinture à l’huile. Jusqu’ici,Vidya Gastaldon façonnait la laineet le tissu pour réaliser des sculpturesmonumentales, et employaitle graphite, la gouache ou l’aquarellesur papier pour élaborer des universcomplexes et enivrants. La voilàà présent en prise avec l’histoire de l’art,la térébenthine et la toile tenduesur châssis pour le plus grand plaisirdu public. On y retrouve les thèmesqui lui sont chers : le questionnementsur les forces symboliques quipourraient gouverner le mondeet l’exploration du rapport entre ordreet chaos. Mais la surprise ne s’arrêtepas à un retour vers le <strong>format</strong> classiquedu table<strong>au</strong>. Dans l’exposition du H2M,l’artiste genevoise a égalementpeint des services à thé, avecdes figures anthropomorphes, quirendent un hommage c<strong>au</strong>chemardesqueet comique à Lewis Caroll etses cérémonies de non-anniversairequi défient l’ordre établi. Denis PernetBourg-en-Bresse,h2M – hôtel Marron de Meillonnas,espace d’art contemporain,jusqu’<strong>au</strong> 29 juillet 2012Le duo d’artistes italo-<strong>suisse</strong> se penchesur une nouvelle enquête : une analysepolitique du cinéma de Pier Paolo Pasolinien lien avec la situation économiquede l’Italie contemporaine. Connus pourdes œuvres à la frontière entrel’installation vidéo et le documentaire,Maria Iorio et Raphaël Cuomo ontdéjà investigué la situation des immigréssur l’île sicilienne de Lampedusa etles mouvements de migrationsen Méditerranée vis-à-vis de l’industrietouristique. Argos leur offre la possibilitéde présenter un nouve<strong>au</strong> travailimportant qui, cette fois, touche <strong>au</strong>tantà l’histoire du cinéma qu’à celle del’Italie. Et quoi d’<strong>au</strong>tre que les héritagescritiques du néoréalisme italienpour convoquer ces deux domaines ?C’est ainsi que Mamma Roma (1962),deuxième film de l’écrivain frioulien,devient un cas d’étude pour comprendreles dynamiques sociales marquéespar une large migration internedans la période de l’après-guerre,les développements urbains des banlieuesromaines des années 1950-1960et la récupération commercialede l’œuvre de Pasolini. Une expositionqui présente une vidéo élaborée à partird’archives filmiques et de témoignagesde collaborateurs du cinéaste, ainsiqu’une série de photos et de documentscontextualisant le projet. À ne pasmanquer pour repenser notre rapportà l’art engagé, ici <strong>au</strong>tant celui de Pasolinique celui de Maria Iorio et RaphaëlCuomo. DPBruxelles, Argos,du 22 avril <strong>au</strong> 1 er juillet 2012LE TEMPS VOUS OFFRE1 MOIS DE LECTURE NUMÉRIQUELe Temps, partenaire du <strong>Centre</strong> <strong>culturel</strong> <strong>suisse</strong> Paris, vous propose un abonnement gratuitd’un mois <strong>au</strong> site letemps.ch. Média de référence de la Suisse francophone,Le Temps décline ses contenus sur différents supports avec la même exigence de qualitéet d’indépendance éditoriale.Découvrez l’actualité en continu, bénéficiez de l’accès illimité <strong>au</strong>x contenus du site et parcourezles éditions électroniques du quotidien (<strong>format</strong> ePaper, <strong>PDF</strong>).Inscriptions sur www.letemps.ch/ccsSix ArCS en SCèneFelice Varini© André MorinFelice Varini bouscule la vision, les pointsde vue et l’architecture. Ses œuvress’appréhendent à partir de différentsemplacements et sont pleinementacquises à partir d’un seul. Sur environ1 000 m 2 , les bâtiments de Gennevillierset d’Asnières sont la nouvelle toilede l’artiste. Surpris dans son quotidienpar un jeu de formes géométriqueset de couleurs, le public voit son paysageurbain modifié. En deux dimensions,ces fragments de cercles, losanges,carrés et rectangles sont de simplesformes et peuvent paraître surprenantsquant à leur fonction et emplacement.Elles révèlent leurs dimensionsmultiples et occupent pleinementl’espace lorsque le public accède<strong>au</strong> point « ultime ». Romain SalomonThéâtre de Gennevilliers,du 12 mai <strong>au</strong> 1 er novembre 2012© Aurélie LeplatreTeLL The ChiLdren / ABSTrACTiOnPOur enFAnTS – Francis B<strong>au</strong>devinTell The Children / Abstraction pourenfants est une proposition de l’artisteFrancis B<strong>au</strong>devin et de CarolineSoyez-Petithomme, qui fait référenceà l’exposition pour enfants réaliséepar Andy Warhol en 1983 à la galerieBischofberger à Zurich. À la Salle de bainsà Lyon, dix-huit artistes dont douzeSuisses adeptes de la peinture abstraitesont invités à rejouer le display quel’icône du pop art avait conçu pour sesœuvres, notamment avec un accrochageà la h<strong>au</strong>teur d’une taille d’enfant.Avec Ian Anüll, John Armleder, StéphaneKropf, Cl<strong>au</strong>dia Comte, Stéphane Dafflon,Philippe Decr<strong>au</strong>zat, Christian Floquet,Olivier Mosset, Richard Kirwan, FloraKlein, Mai-Thu Perret, John Tremblay,Dan Walsh pour ne citer qu'eux. CCSLyon, La Salle de bains,du 3 avril <strong>au</strong> 9 juin 2012Le TreMBLeMenT de LAMOderniTÉ – Louis SoutterLa maison rouge consacre une grandeexposition <strong>au</strong> plus révolté des V<strong>au</strong>dois,le peintre Louis Soutter (1871-1942).Architecte, violoniste, voyageur– il vécut <strong>au</strong>x États-Unis où il dirige<strong>au</strong>ne école d’art –, Louis Soutterfascine par son travail sans concessionavec les normes de son époque.Soutenu par son cousin Le Corbusier,enfermé dans un asile de vieillards,considéré comme fou, Soutterva produire une œuvre colossale quifascine Jean Dubuffet et va être affiliéà l’art brut. L’exposition de La maisonrouge porte un accent particuliersur les dessins et les esquisses issusdes diverses périodes de l’artiste,jusqu’<strong>au</strong>x fameuses peintures <strong>au</strong>xdoigts. DPParis, La maison rouge,du 21 juin <strong>au</strong> 23 septembre 2012© JC DucretMÉTAMOrPhOSe d’iMPACT #2Les Frères ChapuisatDRSuite à l'impressionnante exposition « LesÉléments » réalisée <strong>au</strong> <strong>Centre</strong> <strong>culturel</strong><strong>suisse</strong> en <strong>au</strong>tomne 2011, les FrèresChapuisat ont été invités par le GrandCafé de Saint-Nazaire pour réaliserune pièce d’envergure dans l’espaced’exposition du LIFE. Dans cetteancienne base de sous-marins,les artistes ont pris le parti de construireune version gigantesque de laMétamorphose d’impact qu’ils avaientréalisée en 2007 <strong>au</strong> Crédac à Ivrysur-Seineà l’occasion d’une expositionconçue par l’association genevoiseattitudes. Montagne inversée ou partieimmergée de l’iceberg, selon les pointsde vue, la sculpture en bois suspendue<strong>au</strong> plafond fera près de 60 m de longpar 16 m de large et 9 m de h<strong>au</strong>t. CCSSaint-nazaire, le Grand Café, le LiFe,du 15 juin <strong>au</strong> 2 septembre 2012


32 • LonGUE vUE / le phare n° 11 / mai-juillet 2012mai-juillet 2012 / le phare n° 11 / MAdE In ch • 33L’actualité <strong>culturel</strong>le <strong>suisse</strong> en France / ScènesL’actualité éditoriale <strong>suisse</strong> / dVd / disquesLibrairiedu ccs© Gregory Batardon© Marc VanappelghemPinA JACKSOn in MerCeMOriAMFoofwa d’imobilitéLa coïncidence n’a échappé à <strong>au</strong>cunaficionado de la danse : le même été,l’été 2009, ont disparu trois figureschorégraphiques de renom international.Michael Jackson, le « King of the pop »et son moonwalk légendaire, PinaB<strong>au</strong>sch, créatrice de la danse-théâtre,prêtresse de Wuppertal, et MerceCunningham, inventeur de la danseabstraite qui fut à la danse ce queJohn Cage fut à la musique en termesde déconstruction et d’innovation.Trois références mortes respectivementà 50, 68 et 90 ans. Plus qu’il n’enf<strong>au</strong>t à notre facétieux Foofwa– le danseur étoile Frédéric Gafnerdevenu Foofwa d’Imobilité en 1998 –pour imaginer un joyeux hommageintitulé Pina Jackson in Mercemoriam .Soit sur scène, un homme-momie,Foofwa recouvert de bandelettes,qui se présente comme Danse, le cousinde Dante, et emmène les morts illustresà travers les trois stades de La DivineComédie, l’enfer, le purgatoire etle paradis. L’occasion pour cet amateurde pédagogie ludique qui a dansépendant sept ans dans la compagniede Merce Cunningham de restituerles trois styles de manière à la foisparodique et aimante. La précisionde Michael, la sentimentalité de Pina,la décomposition géométrique de Merce.Un régal, d’humour et d’affection filiale.Marie-Pierre Genecand<strong>Centre</strong> chorégraphique national de Grenoble,le 7 juin 2012Le nOZZe di FiGArOMise en scène Jean Liermier – Création du Théâtre de CarougeSi Le Nozze di Figaro, opéra-bouffede Mozart est d’une portée politiquesulfureuse, Jean Liermier infléchit l’écartqui nous sépare de l’œuvre, sous la nonmoins remarquable direction musicaled’Ernest Martinez Izquierdo, avecune lecture qui ne se veut pas politique,mais d’un réalisme psychologiquefamilier du grand écran. De fait, la factured’ensemble reste délicieusementclassique, soucieuse de suivre<strong>au</strong> plus près le livret et de rendre comptede l’œuvre de façon réaliste ense nourrissant de l’univers de La Règledu jeu de Jean Renoir : la scénographie,monumentale, de Philippe Miesch,les éclairages de Jean-Philippe Roy,les costumes de Werner Strub ontune précision mimétique et le jeu desinterprètes présente la fluidité de la vie.Si le contexte historique est déplacé,puisque nous semblons passerde l’aristocratie nobiliaire à une grandebourgeoisie de l’entre-deux-guerres,l’amoindrissement de la tension liée<strong>au</strong>x relations de classes entre maîtreset valets fait sens : la mise en scène,élégante, se veut un recadrage surses protagonistes où le désir et l’interditdeviennent centr<strong>au</strong>x. Ils suscitentun jeu de quiproquos et de substitutionssavoureux, qui créent d’embléeun rapport d’égalité entre les uns etles <strong>au</strong>tres. Brigitte ProstOpéra de rennes,du 23 mai <strong>au</strong> 2 juin 2012eVeryThinG WAS STOry, STOryWAS eVeryThinG – raphelson(Two Gentlemen/www.raphelson.com)« Hold This Moment Still », intimaitRaphelson il y a un peu moins de sixans sur un premier album solo,dont l’acoustique gracieuse déroulaitdes ballades folk-rock <strong>au</strong>x be<strong>au</strong>tésvenimeuses. Pour sa deuxièmeescapade en marge du quintette popMagicrays, le Romand reprendune sublime tangente country-folkavec « Everything was story, story waseverything ». Entre crève-cœuret minuscule bonheur, introspectionet contemplation, ce répertoire<strong>au</strong>x charmes feutrés et infimesvariations irisées (trompette de Truffaz,ondes Martenot de Christine Ott,cordes du Barbouze de chez Fiorou banjo) charrie davantagede mélancolies heureuses quede torpeurs. Portées à bout de voixfrémissante, les chansons pe<strong>au</strong>finéesencore à l’aide du producteuret multi-instrumentiste John Parish(PJ Harvey, The Kills ou Eels)posent Raphelson en bel héritierdu songwriting racé d’un Sparklehorse.Olivier HornerCiTy POrTrAiTSSibylla Gigerunit record, MusikvertriebQuand la musique électroacoustiquese rend <strong>au</strong> bure<strong>au</strong> d’in<strong>format</strong>ionstouristiques. L’énoncé peut paraîtres<strong>au</strong>grenu, voici pourtant le projet deSibylla Giger, compositrice et plasticiennezurichoise. Elle vient d’immortaliserCity portraits sous forme de disque,mais il s’agit surtout d’un objet. Le guidehistorique et les tambours de la fanfarese superposent à Rome, les vespasfrôlent le micro, petit à petit le bruitdu dehors se transforme en segmentsonore grailleux pour repartirsur une chanson populaire. Commeune anthropologue curieuse de tout,la sonnette du vélo, le son assourdissantde la scène foraine, des étreintes, SybillaGiger laisse traîner l’oreille et intervientavec synthétiseurs et ordinateurs pourpervertir les scènes. Alexandre CaldarahirSuTe« A-i-O »MusikvertiebOn évoque rarement la légèretépour évoquer un disque. Et pourtant,en écoutant « A-i-o », quatrième opusd’Hirsute, le mot vient instinctivement.Hirsute pour une fille plutôt bien coifféealors que le Petit Robert spécifie« le cheveu très fourni et d’aspectdésordonné ». A priori, Valérie Fellay<strong>au</strong>teure compositeur et interprète flirteavec la simplicité musicale pop sucrée.Mais ce disque abrite <strong>au</strong>ssi des trésorsde désinvolture et même de la gravitésereine. Quelques idées rythmiquesbien réfléchies et répétitives,un soin pour les couleurs pastels del’orchestration, de douces réverbérations,un filet de voix lancinant achèvede nous convaincre. Pourquoi ne passe laisser aller à certains plaisirs…s’ils cachent d’<strong>au</strong>tres facettes. ACTWO LOST ChurCheSMarc Perrenoud Triodouble Moon records, ChallengeVous avez toujours rêvé d’un rythmejungle sur les Feuilles mortes de Prévertet Kosma ? Précipiter vous sur « TwoLost Churches », deuxième disqueen trio piano-basse-batterie du GenevoisMarc Perrenoud. Le pianiste réussità préserver l’âme d’une <strong>format</strong>ionqui a marqué l’histoire du jazz, touten se démarquant. Avec Cyril Regameyà la batterie et Marco Müller à lacontrebasse, on traverse avec éléganceles compositions du leader du groupeet juste ce qu’il f<strong>au</strong>t de standards. On sesurprend à fredonner la mélodie, alorsque bon nombre de morce<strong>au</strong>x semblentétirés. Deux esthétiques se disputentcelle d’un trio rapide et virtuose rappelantAhmad Jamal et plus intéressantencore des compositions introspectiveset ombrageuses à la John Taylor. AC© Rares Donca© Judith Schlosser© Mario del CurtoDRPArAdiSTinGuASLa ribotMeine FAire dAMe – einSPrAChLABOr – Christoph MarthalerChOuF OuChOuFZimmermann & de PerrotBATMarie-Caroline hominal MChde LA CuiSine Au PArLeMenT(2012) – Stéphane GoëlGeneT A ChATiLA (1999)richard dindoJenATSCh (1987)daniel SchmidConsidéré comme le projet le plus amplede La Ribot, PARAdistinguas s’inscritdans la continuité des Pièces distinguées,un projet débuté par la chorégraphedans les années 1990. D’inspirationthéâtrale et cinématographique, cettepièce traite de la transdisciplinaritéde son travail <strong>au</strong> travers d’une structurenarrative éclatée en une multitudede courts récits (de 30 secondesà 7 minutes) et qui n’ont pas de liensapparents entre eux. Entourée de quatredanseurs et d’une vingtaine de figurantsloc<strong>au</strong>x sélectionnés dans la villeoù a lieu le spectacle, La Ribot s’intéresse<strong>au</strong>x rapports de force entre dominantset dominés comme à la possibilité derésister à la masse anonyme représentéepar ces derniers. Sam DyonLe Phénix, Scène nationale de Valenciennes,le 9 juin 2012De retour de conférence, le professeurZoltan Karpathy découvre devant la portede son laboratoire de langues un énormebouquet d’hortensias. Fiché <strong>au</strong> milieudu bouquet, un petit billet lui imposede résoudre une énigme sous peine demettre des menaces à exécution. Satireet mélancolie sont les deux mamellesdu théâtre de Christoph Marthaler, enfantterrible zurichois dont les productionsont marqué les plus grandes scèneseuropéennes. La musique reste le langageabsolu de l’imaginaire de ChristophMarthaler. Venu <strong>au</strong> théâtre par la musique,il conçoit rarement de faire du théâtresans chansons, a cappella de préférence.Se réclamant de Dario Fo, qui savait quele comique est la meilleure expressiondu désarroi humain. SDFestival d’Avignon,du 8 <strong>au</strong> 10 juillet 2012Chouf Ouchouf signifie en arabe :« Regarde et regarde encore ! » Commentune véritable rencontre peut-elleavoir lieu dans de telles conditions ? Dansce désert, comment aller <strong>au</strong>-devantd’une oasis plutôt que d’un mirage ?Le spectacle se place <strong>au</strong> centre de celabyrinthe de questions et de réflexions.Avec humour, ce grand thème est travestien une cascade de scènes, il estdécliné et amplifié jusqu’à l’absurde,jusqu’à ce que tout soit chambouléet se retrouve en apesanteur. Dans cetunivers artistique en évolution depuisune douzaine d’années, la mise en scènede Zimmermann & de Perrot offre<strong>au</strong> Groupe acrobatique de Tanger unecréation pour douze acrobates hommeset femmes d’une rare splendeur. SDThéâtre de l’Onde, Vélizy-Villacoublay,du 31 mai <strong>au</strong> 1 er juin 2012Toujours <strong>au</strong>ssi speed et énergique,la chorégraphe <strong>suisse</strong> Marie-CarolineHominal, dite MadMoiselle MCH, revientavec son nouve<strong>au</strong> spectacle : BAT.Elle y questionne différents processusde camouflage, de trans<strong>format</strong>ionet d’anonymat. Elle juxtapose sur scèneun boxeur comme contrepoint d’ellemême: il incarne l’intensité, l’efficacité,la concentration et la puissance en faced’elle, chaotique et fragmentée. « BATest un mouvement dur, qui se déploiecomme une rafale. Une énergiequi devient violence, celle qu’on trouvedans notre quotidien », déclare cellequi a dansé pour Gilles Jobin et La Ribot.« C’est ma génération, un mouvementqui se déploie comme une rafale. » SDFestival Latitudes Contemporaines, roubaixThéâtre de l’Oise<strong>au</strong>-Mouche / Le Garage,le 14 juin 2012La Suisse a été l’un des derniers pays<strong>au</strong> monde à accorder le droit de voteet d’éligibilité <strong>au</strong>x femmes.Ce film raconte l’histoire de la longuelutte (140 ans de combats etune cinquantaine de votations !) pourqu’enfin, le 7 février 1971, les Suissessesdeviennent des citoyennes à partentière. Au gré d’images d’archiveset de reportages donnant à entendredes discours dont on a peineà croire qu’ils aient pu être tenus,et de témoignages d’<strong>au</strong>jourd’huide combattantes pour l’égalité (apaiséesou encore virulentes !), le cinéastemontre souvent avec humour le piègede votations réservées <strong>au</strong>x hommeset la croyance en l’inégalité des sexesancrée dans la tête des hommes,mais <strong>au</strong>ssi dans celle de be<strong>au</strong>coupde femmes. Serge LachatDindo filme une jeune actrice d’originemaghrébine qui part sur les tracesde Genet à Chatila (où il est arrivé peuaprès le massacre de septembre 1982)et en Jordanie à la recherchedes gens et des lieux décrits dans« Un Captif amoureux ». Tout <strong>au</strong> longde son voyage, elle lit le dernier livrede Genet (dont nous entendonsdes extraits dits par Jean-FrançoisStévenin) en écoutant sans cessele Requiem de Mozart comme le faisaitl’écrivain lui-même. Convaincude l’impuissance du cinéma à montrerle passé, Dindo, comme il l’avait faitpour Frisch et Rimb<strong>au</strong>d, joued’une subtile tension entre fictionet documentaire en mettant en scèneune enquêtrice et en confrontantles mots d’un texte à des lieux et destémoins réels. SLLe journaliste Sprecher profited’un reportage sur les trains dansles Grisons pour interviewerun anthropologue, le Dr Tobler, surun héros local, Jenatsch, assassinépendant le Carnaval de Coire en 1637.Après l’excavation de la tombe,Tobler, fasciné, avait conservé le crânedu héros ainsi qu’une clochettearrachée <strong>au</strong> costume de l’assassin.Envoûté à son tour par Jenatsch,Sprecher se persuade qu’il f<strong>au</strong>t« rejouer » l’assassinat pour se libérerdu sortilège. Dans le cinéma de Schmid,les différents temps s’interpénètrentet la frontière entre fiction et réalité,folie et raison est poreuse.L’enquête journalistique ou policièrebascule tout naturellement dansle fantastique et le plaisir jubilatoiredu conte… SL


36 • MAdE In ch / le phare n° 11 / mai-juillet 2012mai-juillet 2012 / le phare n° 11 / ArTs vIsUELs • 37Librairiedu ccsL’actualité éditoriale <strong>suisse</strong> / Littérature L’actualité éditoriale <strong>suisse</strong> / LittératureLibrairiedu ccsAnnemarieSchwarzenbachDe monde en mondeReportages 1934 -1942de MOnde en MOnde – reportages 1934-1942Annemarie SchwarzenbachTrad. de dominique L<strong>au</strong>re Miermont et nicole Le Bris, Éditions Zoé, 270 p.ŒuVreS COMPLèTeS – Tomes 1 et 2, récitsCharles-Albert CingriaÉditions L’Âge d’homme, 1 148 p. et 1 120 p.Au-deLÀ du LACPeter StammÉditions Bourgois, 178 p.Le CheMin SAuVAGeJean-François haasÉditions du Seuil, 328 p.Dans les années 1980, un culte s’estdéveloppé <strong>au</strong>tour de la figure androgyned’Annemarie Schwarzenbach, « angerebelle », en rupture avec un milieuultraconservateur, proche du nazisme,amie de Kl<strong>au</strong>s et Erika Mann, alors enexil à Zurich. Dominique L<strong>au</strong>re Miermontet Nicole Le Bris, qui s’attachent à faireconnaître en France la vie et l’œuvred’Annemarie Schwarzenbach, proposentcette fois un aspect essentiel de sontalent : les reportages qu’elle a accomplisentre 1934 et 1942 « de mondeen monde ». La jeune femme travaillepour différentes revues à qui elle envoiedes récits très personnels (parfois troppour les rédactions <strong>suisse</strong>s) de sesvoyages. Au Proche-Orient d’abord oùelle visite des chantiers de fouilles et rendcompte d’un monde encore archaïque.Mais c’est <strong>au</strong>x États-Unis où elle séjourneà plusieurs reprises que sa sensibilitésociale et son talent de photographese révèlent de la manière la plusconvaincante. Elle sait saisir le désarroidu Sud profond après la grande crisede 1929, tout comme elle capterales symptômes du nazisme en Allemagneet en Autriche. Dans un texte, inédit,elle fait même une très lucide critiquede la Suisse préservée. Pendant la guerre,elle tentera de rejoindre <strong>au</strong> Congo,par le Portugal, les Forces françaiseslibres, avant de rentrer par le Maroc,en 1942, peu avant sa mort tragiqueà l’âge de 34 ans. Les Amis de Bernhard(Phébus), son premier roman, enfintraduit, donne d’elle une <strong>au</strong>tre image,celle d’une jeunesse bohème, en crised’identité. Isabelle RüfCharles-Albert Cingria occupe uneplace à part dans la littérature romande.Cet érudit flamboyant « italo-francolevantin », né à Genève en 1883 d’un pèrevenu de Constantinople et d’une mèred’origine polonaise, a gardé de sesracines orientales un talent de conteuret une liberté d’esprit qui lui valentl’admiration jalouse d’un club restreintd’amateurs. Ses textes brefs,ses digressions enchantent les écrivains,de Cl<strong>au</strong>del à Jacques Réda, en passantpar Nicolas Bouvier, Pierre Michon,Valère Novarina… Ses billets parisiens,ses balades à vélo font rire <strong>au</strong>x éclatsJean Starobinski qui y voit de « véritablespoèmes en prose, avec quelque chosede désinvolte qui fait craquer l’idéemême du poème ». Jean P<strong>au</strong>lhan,qui admirait cette poétique du fragment,avait fait entrer Cingria dans l’équipede la NRF. Dans les années 1960,les Éditions L’Âge d’Homme ont publiéses Œuvres complètes en onze tomeset cinq de Correspondance.La découverte de nombreux inéditsa suscité une nouvelle édition scientifique,avec un important appareil critique,élaboré par une équipe internationale.Deux volumes de Récits viennentde paraître et c’est un enchantementde redécouvrir cet art de l’instantanéet de la promenade. Les deux volumessuivants seront consacrés <strong>au</strong>x trav<strong>au</strong>xd’érudition qui concernent le Moyen Âge,la civilisation de Saint-Gall, la notationmusicale : Cingria était un savantscrupuleux et inventif ! Les deux dernierstomes regrouperont des chroniquessouvent publiées dans la presse. IRUn universitaire peine à écrire un essaisur Les Estivants de Gorki. Il pensetrouver l’inspiration dans un hôtelde montagne qui se révèle à l’abandon.Le tête-à-tête avec une jeune femmes<strong>au</strong>vage, voire hostile, prend desallures de conte fantastique. Lequeldes deux a rêvé l’<strong>au</strong>tre ? L'une des plustroublantes échappées vers le fantastiquese déroule « dans la forêt » oùune enfant a longtemps trouvé refuge.En grandissant, elle s’est apparemmentrésignée à la normalité d’une viede mère de famille, dans une banlieueanonyme. Mais le chasseur, qui l’épiaitquand elle se cachait des adultes,s<strong>au</strong>ra la retrouver. Les fidèles lecteursde Peter Stamm forment un clubfervent d’inconditionnels : sa prosemélancolique éveille des accentstchékhoviens, dans une tonalitésobrement désespérée, qui peut <strong>au</strong>ssirappeler certains textes de Handke.Le romancier alémanique sait évoquerl’échec des couples, englués dansle quotidien, les rêves longuemententretenus qu’il f<strong>au</strong>t enfin abandonner,les vies usées. L’ironie peut êtremordante : un jeune pasteur absolumentprivé de fidèles en fera les frais.Les dix nouvelles qui composent Au-delàdu lac sont heureusement souventéclairées par la lumière de l’e<strong>au</strong> etdu ciel sur le Seerücken, qui surplombele lac de Constance. Un paysantimide y trouvera peut-être l’amourà la faveur d’un festival de musiquedans son pré. C’est la seule note vraimentoptimiste d’un recueil en demi-teintes.Isabelle RüfLa Suisse du Chemin s<strong>au</strong>vage estcelle des années 1960, rurale, fermée,p<strong>au</strong>vre, où l’homosexualité estune tare, où les enfants abandonnéssont « misés », mis <strong>au</strong>x enchèrespour travailler chez les paysans.Épargné par la guerre, le pays n’en subitpas moins le contrecoup. Les ouvriersitaliens commencent à affluer,seuls : il n’est pas question encorede regroupement familial. « Nous avionsdemandé des bras, ce sont des hommesqui sont venus », écrira Max Frisch.Mais de ces hommes, ces « Tchinks »,le village ne veut pas : voleurs, violeurspotentiels, « pas comme nous ».Le narrateur, lui, les aime bien, eux,leur pizza, leur salami, leur gentillesse.Il aime <strong>au</strong>ssi Myriam, qui sera misée,puis assassinée <strong>au</strong> bord de l’étang.Qui l’a violée puis achevée ? Un Italien,un « vannier », comme on appelleles Gitans dans ce canton de Fribourg,le grand-père trop entreprenant,le simple d’esprit, le soldat fier-à-bras ?On le s<strong>au</strong>ra à la fin, mais le côtéthriller n’est pas l’essentiel de ce be<strong>au</strong>roman, le plus accessible, le plusdépouillé, le troisième de ce professeurd’histoire. Après les ambitieux Dansle ventre de la baleine guerre (2007)et J’ai avancé comme la nuit vient (2010),Le Chemin s<strong>au</strong>vage, d’une écriturelimpide, revisite le domainede l’enfance, des peurs et des rêves,hanté par la mort du frère puis parcelle de Myriam, mais éclairé parla lumière qui joue dans les sous-bois,à travers le regard de l’adulte,un demi-siècle plus tard. IRdésert«UArgentineDavid CollinLes Cercles mémori<strong>au</strong>xde GobiAlberto ManguelLes cercles mémori<strong>au</strong>xles cerclesmémori<strong>au</strong>xAu point d’effusion des égoutsQuentin MouronRoman d’aventure <strong>au</strong> sens le plus général du terme — aventureamoureuse, sociale, existentielle. Tendre et profond, drôle et sombre,ce livre présente les pérégrinations d’un jeune homme d’à peinevingt ans « tombé du ciel » dans la mégapole de Los Angeles.Avec ce premier effort, Quentin Mouron offre une vision neuve etdécomplexée de l’Amérique d’<strong>au</strong>jourd’hui, après que les fards durêve américain ont achevé de se dissoudre.Au point d’effusion des égouts est porté par le style unique et résolumentnovateur de l’<strong>au</strong>teur, par sa rythmique implacable, et sa puissanced’évocation renvoyant parfois à de la poésie en prose.Quentin Mouron Au point d’effusion des égoutsQuentin MouronAu point d’effusiondes égoutsRomanPréface de Pierre Yves LadorThomas BouvierLe livredu visage aiméQuentin Mouron, écrivain canado-<strong>suisse</strong>, est né le 29 juillet 1989 à L<strong>au</strong>sanne.&EDAVID COLLINL ’ E S C A M P E T T E É D I T I O N S R O M A NCHF 28FuSiOnSdaniel de rouletÉditions Buchet/Chastel, 378 p.une Vie de CLOWnGrock raconté par GrockÉditions héros-Limite, 216 p.PeTiT MAnueL de MinÉrALOGiePrOPhÉTique – Marcel MiracleÉditions art&fiction, 96 p.LeS CerCLeS MÉMOriAuxdavid CollinÉditions L’escampette, 210 p.Le PALAiS deS AuTreS JOurSyasmine CharÉditions Gallimard, 214 p.Au POinT d’eFFuSiOn deS ÉGOuTSquentin MouronÉditions Olivier Morattel, 142 p.Le LiVre du ViSAGe AiMÉThomas BouvierÉditions Zoé, 528 p.MOnTAGneAuxTito honegger et Jacques JouetÉditions art&fiction, 98 p.De livre en livre, l’<strong>au</strong>teur franco-<strong>suisse</strong>Daniel de Roulet édifie la comédiehumaine de notre temps, une tourromanesque que hante la menaceatomique. Les personnages s’y croisent,forment des dynasties liées parl’argent et le pouvoir ou unies dansla lutte contre ces mêmes puissances.On retrouve Shizuko, victimedes irradiations, toujours pugnace dansson combat contre son mal et contrel’atome. Et Max von Pokk, fils évadéd’une puissante famille, architecte dela tour londonienne baptisée « Fusions ».C’est là que se négocie <strong>au</strong> sommetle juteux marché des déchets nucléaires.La guerre froide touche à sa fin.Les savants humanistes et les rêveursconstatent l’échec, à l’échelle mondiale,de leurs utopies. IR«Je me souviens du clown russe Popovet du clown <strong>suisse</strong> Grock », écrivaitGeorges Perec. Ils ne sont plus trèsnombreux, ceux qui ont pu entendrele célèbre « Sans blâââââgue » et voirle funambule approcher le pianodu tabouret : Grock quitta le chapite<strong>au</strong>en 1951, à 73 ans. Cet enfant de paysansdu Jura bernois a connu une carrièreaventureuse, il était réputé dans le mondeentier pour ses numéros music<strong>au</strong>x,son petit violon et son accent « <strong>suisse</strong> ».De la Hongrie de ses débuts – il y futd’abord précepteur des enfants d’uncomte – jusqu’en Argentine, en passantpar toute l’Europe et les États-Unis,il est devenu une vedette internationale,un millionnaire de l’arène. Il raconteavec verve cette success story, heureuxde sa réussite, sûr de son génie. IRMarcel Miracle, c’est un trait aigu,un univers onirique qui rappelle S<strong>au</strong>lSteinberg et Victor Br<strong>au</strong>ner, zébréd’hirondelles. Cette fois, c’est en motset en images qu’il relate l’aventured’Albert C., à travers le désertdu Sahara, dans « les grandes contréesmagnétiques », en déséquilibre surles bords du Gondwana, l’immensecontinent <strong>au</strong>stral des temps géologiques.Sur la route jonchée de bidons rouillés,le voyageur croise une f<strong>au</strong>ne fantastique,un archer <strong>au</strong>x flèches fulgurantes, deshommes-serrures, des épaves d’avions.Au bout de cette quête énigmatique,brille un diamant noir. Ce livre d’artiste,tiré à 400 exemplaires dans une splendideédition, est la quintessence de l’arttroublant de ce géologue, dessinateuret poète, qui s’est fixé en Suisse. IRLa mémoire est <strong>au</strong> centre despréoccupations de David Collin. Qu’ilcodirige la collection Imprescriptible<strong>au</strong>x éditions Métispresses à Genève,ou qu’il explore celle, défaillante, deses personnages dans les deux romansqu’il a publiés : Train fantôme (Seuil, 2007)sur les traces d’un père perdu, et LesCercles mémori<strong>au</strong>x, qu’Alberto Manguelqualifie d’« enchantement ». Au voyageuramnésique, récupéré <strong>au</strong> bord de la mortdans le désert de Gobi, il f<strong>au</strong>dr<strong>au</strong>n long parcours, l’aide d’un chaman,l’affection d’une femme, une étapeà Oulan-Bator, une <strong>au</strong>tre à Shanghai,avant de se retrouver à Buenos Aires.C’est là que l’attendent le lourd héritagede la dictature, les mères de la placede Mai et les fantômes accueillantsde Borges, Cortázar et Bioy Casares. IRDans La Main de Dieu (Gallimard, 2008),une jeune fille dansait dans le Libanen feu. On la retrouve, quelques annéesplus tard, dans Le Palais des <strong>au</strong>tresjours. Hardie adolescente, elle s’en va,main dans la main avec son jume<strong>au</strong>.Ils quittent le soleil, la mer, le deuil.Leur mère les a abandonnés, enfants.Leur père s’est laissé mourir de chagrin.Ils vont vers cette femme, qui les déçoit,puis vers leur vie, vers Paris, versla vraie vie. Le garçon part à l’armée,semble mal tourner, fasciné par la mort.Elle, sans ce frère, comme amputéed’une partie d’elle-même, va du côtéde l’avenir, qu’elle construit bravement,tout en attendant son double. YasmineChar a écrit un récit de <strong>format</strong>ion,nostalgique et tendre, qui tient parfoisdu conte. IRUn jeune homme d’à peine 20 ans– l’âge de l’<strong>au</strong>teur, né en 1989 – débarquesur la côte ouest des États-Unis.Los Angeles le frappe comme un coupsur la tête, une fièvre qui l’anéantit.Quand il se relève, c’est pour un vrai roadmovie qui le mène jusqu’à Las Vegas,à travers le désert, balançant les clichésavec une telle énergie qu’ils s’entrouvent rajeunis. Voyage amoureux,effusions adolescentes, bitures fabuleuses,philosophie à l’emporte-pièce :« J’avais fait en partant le pari fou dem’envoler. Depuis tout en bas du soleil. »La prose hachée de Quentin Mouron,son lyrisme mal peigné rappellent, biensûr, la dérive d’un Kerouac, les accentsrimbaldiens, mais elle a son élan propre :un premier roman plein de fougueet de promesses. IRC’est à un voyage qu’invite ThomasBouvier, le fils de Nicolas Bouvier, maisun voyage intérieur. Dans un secondroman ambitieux, ce musicien entrelaceavec une grande maîtrise trois récits.Au centre, le quotidien d’un jeune luthierque la maladie de son père adoptifplonge dans le désarroi. Pour tenterd’atteindre le vieil homme dansson coma, il invente <strong>au</strong> jour le jourun conte initiatique, fantastique, dontil lit chaque soir un épisode dansla chambre d’hôpital. La troisième voixest celle d’un homme qui, depuis saretraite montagnarde, écrit à une femmedes lettres intenses pour conjurerla solitude. Trois combats contre la mort,qui ouvrent sur une multitude d’histoiresannexes et d’observations fines,qui sont <strong>au</strong>tant de promesses. IRUne plasticienne et un écrivainse promènent dans les Alpes du Valais.Tito Honegger dessine directementsur la peinture avant de tirerses monotypes à un seul exemplaire ;membre de l’Oulipo, Jacques Joueta voulu prendre un risque parallèle.Lui, qui écrit des poèmes à contraintes,a composé ses textes sur le motif.De cette balade de glaciers en torrentsest né un be<strong>au</strong> livre d’artiste(s) :lacs et éboulis, ciel et rochers, vertdes prés, blanc des neiges, entassementsde pierre, fixés par l’artiste ; magie dessouvenirs d’enfance tapis dans les mots,polis par le temps, dans les textes deJacques Jouet, en écho ou en dissonanceavec les images de Tito Honegger.« Montagne e<strong>au</strong> / monte agne<strong>au</strong> /transhumance » : Montagne<strong>au</strong>x. IR


38 • ça s’est passé <strong>au</strong> <strong>Centre</strong> Culturel <strong>suisse</strong> / du 3 février <strong>au</strong> 15 avril 2012mai-juillet 2012 / le phare n° 11 • 39Le PhareExPosITIon / Alain Huck, « Ancholia »ExPosITIon / Vanessa Safavi, « Les Figures Autonomes »EXPOSITION/Pascal Schwaighofer, «Le monde nous échappe puisqu’il redevient lui-même»© CCS© Marc Domage© Marc Domage © Marc Domage© Simon LetellierThéâTre/Atelier avec Omar PorrasThéâTre / danse/Teatro Malandro & AliasCONCERT/Anna AaronCONCERT/Hildegard lernt fliegen© Simon Letellier © Simon Letellier© Marc Domage© Pierre-Yves Le Louarn© Simon LetellierJournal du <strong>Centre</strong> <strong>culturel</strong> <strong>suisse</strong>de ParisTrois parutions par anLe tirage du 11 e numéro11000 exemplairesL’équipe du PhareCodirecteurs de la publication :Jean-P<strong>au</strong>l Felley et Olivier KaeserChargé de production de la publication :Simon LetellierGraphiste : Jocelyne FracheboudTraductrice : Katrin Saadé-MeyenbergerPhotograveur : Printmodel, ParisImprimeur : Deckers&Snoeck, AnversContact32 et 38, rue des Francs-BourgeoisF — 75003 Paris+33 (0)1 42 71 44 50lephare@ccsparis.comCe journal est <strong>au</strong>ssi disponible en pdfsur www.ccsparis.com/lephare© Le Phare, mai 2012ISSN 2101-8170<strong>Centre</strong> <strong>culturel</strong> <strong>suisse</strong> de Parisexpositions / salle de spectacles38, rue des Francs-Bourgeois 75003 Parisdu mardi <strong>au</strong> dimanche : 13 h - 19 hVenez à la librairie32, rue des Francs-Bourgeois 75003 Parisdu mardi <strong>au</strong> vendredi : 10 h - 18 hsamedi et dimanche : 13 h - 19 hLa librairie du CCS propose une sélectionpointue d’ouvrages d’artistes et d’éditeurs<strong>suisse</strong>s dans les domaines du graphisme,de l'architecture, de l'art contemporain,de la photographie, de la littératureet de la jeunesse. Les livres, disques et DVDprésentés dans nos pages MADE IN CHy sont disponibles.renseignements / réservationsccs@ccsparis.comT +33 (0) 42 71 95 70du mardi <strong>au</strong> dimanche : 13 h - 19 hTarifs soirées : entre 7 et 12 €Expositions, tables rondes, conférences :entrée librerestez informésProgramme : le programme détaillé du CCSde même que de nombreux podcasts(interviews et enregistrements de soirées)sont disponibles sur www.ccsparis.comNewsletter mensuelle :inscription sur www.ccsparis.comou newsletter@ccsparis.comLe CCS est sur Facebook.L’équipe du CCSCodirection : Jean-P<strong>au</strong>l Felley et Olivier KaeserAdministration : Katrin Saadé-MeyenbergerCommunication : Aurélie GarzuelProduction : Celya LarréTechnique : Kevin Desert, Antoine CamuzetLibrairie : Emmanuelle Brom, Andrea Heller,Dominique KochProduction Le Phare : Simon LetellierAccueil : Marie Debrinay, Amélie G<strong>au</strong>lierStagiaire : M<strong>au</strong>de Larde<strong>au</strong>fondation <strong>suisse</strong> pour la cultureOnt collaboré à ce numérorédacteursStephan Kunz, Konrad Tobler, Peter Weber,Mireille Descombes, Arn<strong>au</strong>d Robert, Marie-PierreGenecand, Samuel Schellenberg, Serge Lachat,Denis Pernet, Romain Salomon, Florence Grivel,Sam Dyon, Isabelle Rüf, Olivier Horner, AlexandreCaldara, Étienne ArrivéPhotographesDavid Aebi, Thomas Jantscher, Andreas Greber,Tashko Tasheff, Michel Comte, Isabelle Meisterinsert d’artiste : Andrea hellerAndrea Heller (1975) a étudié à la HFBK (Hochschulefür Bildende Künste) à Hambourg et à la ZHdK(Zürcher Hochschule der Künste) à Zurich.Entre 2004 et 2006, un atelier de la fondation Binz 39,une bourse du Canton de Zurich, puis un atelierde la Ville de Zurich à la Cité des Arts à Paris lui ontété attribués. Dans son travail, elle utilise diversmédias : peinture, dessin, découpage, assemblage,photographie et sculpture. Fin 2011, le Helmh<strong>au</strong>sde Zurich lui a consacré une exposition personnelleet a publié sa première monographie <strong>au</strong>x éditionsPatrick Frey Die Wurzeln sind die Bäume der Kartoffeln /The Roots are the Potatoes’Trees (« Les racines sontles arbres des pommes de terre »). Elle vit et travailleà Paris et à Zurich.www.andreaheller.chProchaine programmationRockmaster K, Classic She-Man, 2003impression jet d'encre, 63 x 45 cmCollection Fotomuseum WinterthurAssociation des amisdu <strong>Centre</strong> <strong>culturel</strong> <strong>suisse</strong> de ParisCette association contribue <strong>au</strong> développementet <strong>au</strong> rayonnement du <strong>Centre</strong> <strong>culturel</strong> <strong>suisse</strong> de Paris,tant en France qu’à l’étranger. Elle vise <strong>au</strong>ssià entretenir des liens vivants et durables avec tousceux qui font et aiment la vie <strong>culturel</strong>le <strong>suisse</strong>.Voyage en 2012documenta 13, Kassel : 21 - 24.06.12In<strong>format</strong>ions à suivre sur www.ccsparis.comLes avantagesEntrée gratuite <strong>au</strong>x activités organisées par le CCS.Tarifs préférentiels sur les publications.Envoi postal du Phare, journal du CCS.Voyages de l’association.Catégories d’adhésionCercle de soutien : 50 €Cercle des bienfaiteurs : 150 €Cercle des donateurs : 500 €Adhérez !Association des amis du <strong>Centre</strong> <strong>culturel</strong> <strong>suisse</strong>c/o <strong>Centre</strong> <strong>culturel</strong> <strong>suisse</strong> – 32, rue des Francs-BourgeoisF — 75003 Parislesamisduccsp@bluewin.ch / www.ccsparis.comdu 15 septembre <strong>au</strong> 16 décembre 2012expositionsBody Language, choix d’œuvres de la collectiondu Fotomuseum de Winterthour avec, entre <strong>au</strong>tres,Vito Acconci, Richard Avedon, Nan Goldin,Peter Hujar, Igor Savchenko, Boris Mikhailov,Valie Export, Ulrike Lienbacher, Barry Le Va,Urs Lüthi, Nils Nova, P<strong>au</strong>lina Olowska,Walter Pfeiffer, Rockmaster K, Ugo Rondinone,Ann-Sofi Sidén, Annelies Strba (liste sous réserve)Luciano rigolinihannah VilligerLes plus be<strong>au</strong>x livres <strong>suisse</strong>s (à la librairie du CCS)Spectacles vivantsMai-Thu Perret, Lettres d’amour en brique ancienneCarte blanche <strong>au</strong> théâtre de l’Arsenicavec Simone Aughterlony, Laetitia Doschet Yann MercantonFoofwa d’imobilitéen partenariat avec le <strong>Centre</strong> national de la danseConcertsF<strong>au</strong>ve, Barbouze de chez Fior, PlaistowCédric Pescia, sonates et interludes de John CageConférencesTimber ProjectGion A. CaminadaAlex CapusCinémaLa Fondation Pro Helvetia soutient la culture <strong>suisse</strong> et favorise sa diffusion en Suisse et dans le monde.Carte blanche <strong>au</strong> Festival du film de LocarnoLecture/Jean-Quentin ChâtelaindAnsE / LITTérATUrE / P. Valli & C. DemierreDANSE/littérAturAturE /L. Hoche & E. RabuPartenaires média


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