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4 - Réseau semences paysannes

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384 HORTICULTURE. LIVRE V III.La plus admirable des plantes aquatiques estsans contredit celle que les botanistes anglaisont nommée, en l'honneur de leur reine, Victoriaregina. Cette plante fut découverte, en1837, par M. Schomburgk, sur la rivière deBerbice, dans la Guiane anglaise. Les feuillesde cette plante gigantesque n'ont pas moinsd'un mètre 50 de diamètre dans son pays natal; la fleur est formée de plusieurs centainesde pétales passant du blanc pur au j'ose clair ;elle n'a pas moins de Ona,30 ä 001,35 de diamètre;c'est par conséquent la plus grande fleurde tout le règne vegétal. La culture de cetteplante est celle de l'euryale et du nelumbium.CHAPITRE II. — JARDINS PAYSAGERS.SECTION — Notions générales.Lé style des grandes compositions pour lesjardins, a varié d'âge en âge, comme les idéesdominantes de chaque siècle. Le moyen-âgedédaigna l'art d'orner de vastes espaces pouren former des jardins publics ou particuliersd'un grand style; en France, les Francs eurentbientôt laissé tomber dans l'oubli ce que lesRomains leur avaient légué de remarquable ence genre, comme dans toutes les branches desarts. La chronique nous montre le roi FrancChildebert allant de son palais ä la messe, maritalementavec la reine Ultrogotte, äde Saint-Vincent, aujourd'hui Saint-Germaindes-Prés,sans sortir de ses jardins. Ce roi habitaitl'ancien palais des Thermes de l'empereurJulien, palais dont les débris subsistentencore rue de La Harpe ; les jardins du palaisdes Thermes s'étendaient donc sur tout l'espacecompris entre la rue de La Harpe et Saint-Germain-des-Prés, ayant au nord la Seine pourlimite. C'était une trace du passage de la grandeurromaine ; un roi Franc n'aurait certes paseu l'idée d'une création semblable.Quelques siècles plus tard , le Louvre , résidencefeodale des rois de France, n'avait probablementpas de jardins ; du moins la chroniquementionne en plusieurs passages les vignesqui couvraient la rive de la Seine devant leLouvre, situation qui aurait dit être naturellementcelle du jardin, s'il y avait eu un jardin.Sous les premiers Valois, l'hôtel Saint-Paul,demeure habituelle de ces princes, sur l'emplacementactuellement occupé par le collégeCharlemagne, eut de très grands jardins quirejoignaient le bord de la Seine jusque vis-à-visde File aux Anguilles, qui fut depuis File Louviers,aujourd'hui réunie ä la rive droite de laSeine. Les noms des rues du Figuier et de laCerisaie , vestiges historiques des jardins del'hôtel Saint-Paul, rappellent un verger plutôtqu'un parc ; les rues du Fauconnier et des Lionstnontrent l'emplacement d'une ménagerie jointeau verger royal, objet d'admiration sous le règnedu sage roi Charles V.Les jardins ornés ne commencent en Franceque sous les derniers Valois, ä la suite desguerres d'Italie, quand nos rois eurent la malheureuseidée d'associer les Médicis ä leurtrône. A cette époque, l'Italie avait depuis longtempsde très beaux jardins , où le charmenaturel des sites était rehaussé paz le luxe merveilleuxde la sculpture et de l'architecture ;c'était la tradition des jardins antiques dontRome avait emprunté l'art ä la Grèce, quil'avait reçu des Orientaux , en le modifiantselon son génie. Cette tradition , en Italie,n'avait jamais été complétement perdue ; ellefut l'origine des jardins symétriques , dontl'époque brillante fut en France le long règnede Louis XIV.Les jardins français, ainsi qu'on les nommaitalors, furent de bon ton dans toute l'Europe,surtout en Angleterre, oû Charles II en avaitimporté la mode. L'exagération des défautspropres ce genre de jardins fut bientôt portée,en Angleterre, jusqu'aux dernières limites del'absurde. Le degoüt très naturel que ces compositionsinspiraient aux hommes de bon sensde ce pays, venant ä coïncider avec les ambassadescélèbres des Anglais en Chine, on se muaussitôt ä imiter les jardins du céleste empireavec la même exagération qu'on avait mise äcopier les jardins français symétriques; de làles jardins anglais adoptés avec enthousiasmepar la mode en France.Aujourd'hui, le mot et la chose commencentä passer. Les contemporains anglais, français,allemands, adoptent d'un commun accord leterme, très rationnel ä notre avis, de jardinpaysager ; ce terme nous parait être la seulevraie définition des grands jardins ornés denotre temps. C'est de ce point de vue que nousdonnons un aperçu de l'état actuel de cettebranche de notre horticulture.Les notions que nous nous proposons d'exposerä ce sujet sont puisées en partie dansl'excellent traité de M. le chevalier Van Sckell,directeur des jardins royaux en 'Bavière. Celivre, dicté par le bon sens et le bon goût, estle seul sur cette matière qui résume les idéeset les besoins de notre époque, l'égard desjardins paysagers.Afin de mieux établir la limite qui sépare lestyle des anciens jardins de celui des jardinsmodernes, et de montrer comment et dansquelles proportions nous concevons l'alliancedes arts et des beautés naturelles pour l'ornementde ces compositions, nous ferons voircomment le retour ä des idées moins exclusives s'est opéré dans les jardins de la Grande-Bretagne, cette terre classique des parcs et desvastes jardins, parce qu'elle est aussi celle desfortunes colossales. Dans ce but, nous traduisons,en les abrégeant, les passages suivantsd'un écrit très remarquable publié sur ce sujet,en anglais, par M. Hope, il y a vingt-cinq ans.C'était la grande mode, il y a quelques années,en Angleterre , de rechercher dans lacomposition des jardins tout ce qui pouvait les


TITRE V . JARDINS PAYSAGERS. 385faire prendre pour des produits de la nature,sans le secours de l'art et de l'industrie bu-, maine ; la mode d'alors blâmait sans distinctiontoutes traces de la main de l'homme dans ledessin d'un parc ou d'un jardin ; elle avaitsurtout proscrit tout ce qui pouvait ressemblerà.une intention de symétrie et de régularité.Peut-être, en recherchant mieux qu'on nel'a fait jusqu'à ce jour, le but et la destinationd'un jardin, trouverait-on peu rationnel derenfermer les formes et les ornements des jardinsdans des règles si strictes et si limitées.Quelle fut, dans les temps primitifs, l'originedes jardins? La difficulté ■ 'aller récolterà de grandes distances des plantes usuelles etcueillir des fruits mangeables sur des arbresépars cä et là, parmi un grand nombre deplantes et d'arbres inutiles ou nuisibles, a dûprobablement donner la première idée d'unjardin, en faisant sentir la nécessité de réunirprès de la demeure de l'hdmme les végétaux,base de sa subsistance. Ce point de départ dujardinage est encore, de nos jours, l'objet decette branche importante de l'horticulture contemporaine,qui a pour but d'approvisionnerl'office et la table. La portion du jardin chargéespécialement de satisfaire, non pas seulement lavue, mais encore l'estomac, a dû nécessairementrejeter le désordre et la confusion de lasimple nature; il a fallu isoler entre eux les végétauxutiles de chaque espèce, après les avoirséparés des végétaux inutiles ; il a fallu consacrerà chaque genre de plantes un espace deforme régulière pour lui donner des soins spéciauxde culture, conformément à sa nature età son genre d'utilité.Nous voici conduits à conclure de cet exposéde l'origine du jardinage, que l'une des beautésles plus réelles parmi celles que nous pourrionsnommer intellectuelles, c'est celle qui résulte,dans toute oeuvre de l'art ou de la nature, del'accord parfait, de l'exacte relation entre lebut proposé et les moyens employés pour atteindrece but. De même qu'on peut regarderl'opposition des formes et des couleurs commel'un des éléments essentiels de la beauté dansles objets qui frappent la vue, de même unebeauté très réelle résulte de l'opposition entrele vague, les lignes mal arrêtées d'un paysagedépourvu de symétrie, et les couleurs vives, lesformes distinctes, la gracieuse mosaïque d'unsol soigneusement cultivé par compartimentsréguliers et symétriques; il semble que ce soitune pierre précieuse qui brille dans un monceaude minéraux bruts, ou mieux, un richetapis étendu sur un coin d'une agreste vallée.On voit ainsi clairement, qu'au moins dansla partie du jardin consacrée aux productionsutiles, nous pouvons produire accessoirementun aspect satisfaisant, non-seulement pour lavue, mais aussi pour l'intelligence, sans nousastreindre aux formes irrégulieres de la naturelivrée à elle-même.Il reste maintenant à rechercher s'il vaut«deux laisser paraître l'intervention de l'artYO4TICULTUHBdans le dessin des parties du jardin constituant,à proprement parler, le jardin d'agrément, oudissimuler 'cette intervention ; dans le derniercas, l'emploi des moyens artificiels tend à produiredes effets susceptibles de plaire aux yeuxet à l'intelligence, mais seulement en se rapprochantle plus possible des formes irrégulièreset indéterminées de la nature entièrementlibre ; dans la seconde hypothèse, on emploieouvertement, et sans chercher à les masquerles ressources de l'art, et l'on fait contrastervivement l'irrégularité des lignes du paysagenaturellement agreste, avec la symétrie des ouvragesréguliers de l'art humain. Ne perdonspas de vue cette vérité, que la symétrie entreaussi bien dans le plan des oeuvres de la natureque dans celui des travaux de l'homme;seulement, la nature n'en fait l'application qu'àses plus petits ouvrages, admirables par leurrégularité; elle cesse de s'y astreindre dèsqu'elle opère sur des masses plus considérables,sur des espaces plus étendus .Nous avons dit qu'il fallait rechercher dansla création du jardin paysager le plaisir desyeux et celui de l'intelligence. En effet, l'absurdene saurait satisfaire l'esprit; il choque etdéplaît partout où il se montre. Or, rien nesemble plus absurde auxeux de l'homme debon sens, que ces efforts dispendieux pour imiterla nature dans ce qu'elle a de laid et de désagréable,tandis, qu'au contraire, l'esprit estsatisfait a l'aspect des travaux d'art qui, parexemple, auront réussi à convertir un aride coteaudépouillé de végétation en un riant et fraispaysage. Bien loin d'ajouter à la beauté de sonoeuvre en dissimulant l'intervention de la main del'homme, l'auteur d'une création de ce genren'aurait fait par là, à ce qu'il nous semble,qu'en diminuer le prix, en retranchant quelquechose du plaisir qu'on éprouve toujours naturellementà l'aspect d'une oeuvre bien exécutée,d'un travail couronné de succès. Voudrionsnousque chacune de nos maisons construitesen pierre, ressemblât le plus possible à une caverne,ou que nos vêtements de laine offrissentla plus exacte ressemblance possible avec unetoison non lavée? Ce serait pourtant l'applicationdu même principe. Ce n'est pas à dire quenous voudrions que la terre dans nos jardinsfût toujours et partout disposée en terrasse, quel'eau figurât seulement sous forme de jet d'eau,que toutes les plantations fussent des avenuesou des quinconces, pas plus que nous ne pourrionssouffrir à l'Opéra une interminable séried'entrechats, de menuets, ou de pas graves.L'imitation du paysage naturel doit à notreavis se réduire à la reproduction de ce que lanature offre de véritahlcn.ent beau, sans entreprendrede ces mo.lstruosités extravagantes quin'atteignent qu'au ridicule; car en cherchantl'imitation des grandes scènes de désordre, dontla beauté tient a cette grandeur qu'il est horsdu pouvoir de l'homme d'atteindre dans sesoeuvres , le travail de l'homme dégénère cornpiétementen caricature. Sans doute, du sein1'. v. — 49


386 HOIITICUL 1 Ulit . LIVRE VIIILdes scènes les plus sauvages de la nature inculte,il jaillit souvent des effets grands, imposants,sublimes ; mais l'art ne doit point aspirera les reproduire.S'il existe dans quelques parties reculées denotre domaine une roche sourcilleuse, un précipiceeffrayant, un torrent qui gronde, unesombre et impénétrable forêt séculaire, c'estune fayeur de la nature; garcions-nous d'engâter les sublimes impressions en y mêlant leseoneeptions rétrécies de l'art humain : il seraitlä hors de sa place. Mais ce sont lä de ces objetsque nous ne voulons pas avoir constammentsous les yeux ; ils perdent tout leur prix en cessantde nous impressionner, s'il nous faut, bongré mal gré, les regarder chaque fois que nousouvrons la fenêtre. D'ailleurs. si dans les alentoursde l'habitation, nous disposons toujoursd'un espace suffisant pour les ouvrages d'artappropriés au jardinage, la place manque évidemmentpour de véritables précipices, pourdes rochers dignes de ce nom. Ce qui convientautour de la maison, c'est un choix judicieuxde plantes et d'arbustes indigènes ou exotiques,dont les fleurs joignent ä l'élégance des formesi'éclat des couleurs et la suavité de leurs parfums; la place de ces plantes est lä dans despots, dans des caisses comme les orangers, ouJans les plates-bandes d'un parterre, commetes rosiers et les jacinthes. Comment pourraitonentreprendre de les faire passer pour lesproductions naturelles d'un sol abrupte et tourmenté? Trouverait-on plus agréable un torrentqui se précipite de rocher en rocher ä la portede la maison, qu'une paisible rivière bordée defleurs, déployant ses gracieux contours prèsd'une habitation élégante? Nous concevonsl'application ä la composition du jardin paysagerdu principe de l'imitation de la natureinculte, mais nous la concevons seulement dansdes limites rationnelles; nous rejetons d'une manièreabsolue l'exclusion de l'art, la loi qu'onveut lui iniposer de se cacher comme un intrusqui n'a que faim dans le dessin et l'ordonnancedes jardins paysagers. Nous admettons ouvertementet de plein droit les objets d'art dans cesjardins, comme ornements de détail. La profusionde ces objets est lä sans doute un luxe detrès mauvaisgoût ; mais pourquoi, par exemple,verrions-nous avec moins de plaisir le cristald'une source parce qu'il s'échappe d'une urneréellement belle en elle-même , pour retomberdans un bassin d'un dessin irréprochable? Sil'emplacement est bien choisi, si le dessin enest elégant et correct, un objet d'art renfermanten lui-même une beauté réelle ne peut devenirlaid et déplaisant, par cela seul qu'il concourtä la décoratio.:. l'un jardin paysager.L(s voyageurs qui n'ont, pas fait abstractionde leurs propres sensations pour s'en tenir äde vaines et étroites théories, ne peuvent retirerleur admiration aux jardins suspendus deGenes et aux splendides villas des environs deP.ome ; c'est quelque chose d'admirable , enAfet , que ce contraste tranché des marbres lesplus riches qui se détachent sur la plus richeverdure. Comment ne point admirer ces statues,ces balustrades, ces vases artistemententremêlés aux massifs d'arbres verts; cesmontagnes vues dans l'éloignement, ä traversles longues colonnades des portiques; ces rangéesde cactus et d'alas, étalant le luxe de leurvégétation dans des vases de granit et de porphyre,vases aux formes régulières, mais moinssymétriques, pour ainsi dire, que celles dont lanature a paré ces magnifiques végétaux ? Etqui ne serait frappé des oppositions entre leschefs-d'ceuvre de l'art et ceux de la nature, seprêtant l'un ä l'autre un charme de plus par lecontraste de leur genre de beauté, surtoutquand ces beautés se déploient sous le ciel del'Italie, dans cette contrée considérée ä si justetitre comme la première école du vrai beau?Mais il faut que le goût, ce sixième sens si> développé chez les Italiens, préside ä toutes ceschoses. Cest précisément l'absence de goûtqui avait fait adopter en Angleterre, avec passion,la symétrie et la régularité dans l'arrangementde nos jardins, tellement encombrésd'objets d'arts de toute sorte, entassés avecprofusion, sans harmonie avec la nature dupaysage environnant, qu'à la fin nous nous ensommes trouvés rassasiés, rebutés ; c'est encorela meme absence de goût qui nous a faitdans ces derniers temps, nous précipiter dansl'excès contraire. Repoussant tout vestige del'ancienne régularité des lignes de nos jardinscommeon repousse un fantôme dont on a ételongtemps obsédé, nous avons construit nosdemeures champêtres dans des sites si peu faitspour le séjour de l'homme, qu'elles y semblenttombées des nues ; puis, sans prendre plus desouci du vrai beau que de l'agrément réel denos maisons de campagne, nous avons rendule paysage, vu de l'habitation dans toutes lesdirections, aussi dépourvu d'harmonie dansson ensemble que discordant avec le style architecturalde l'habitation elle-même. Danscette confusion de lignes sinueuses, irrégulières, qui serpentent sans but, nous n'avonspu déraciner tout-ä-fait les traces de l'art; ils'y laisse apercevoir, mais sous une forme ä lafois insipide et ridicule ; le style de ces compositionsrappelle ces vers blancs, qui ne sont pasde la prose, et sont encore moins de la poésie.Est-ce lä imiter la nature? La nature a pourelle l'espace, l'étendue, la grandeur ; dans sesplus grandes scènes, elle ne déploie que cesvagues, mais inimitables beautés, résultant del'opposition des formes et des couleurs desgrandes masses. La nature, dans ses plus petitsouvrages, dans ce que nous pourrions nommerses ceuvres de prédilection, appartenant ä chaquerègne, prodigue la régularité, la symétrie,dans la disposition des formes et des couleurs.Examinez les rayons des paillettes du givre, lesfacettes du cristal , les pétales de la fleur, lesorganes des insectes dans leurs diverses métamorphoses; contemplez la figure humaine , ouseulement la configuration de Preil partout


TITRE V.J;11t Direvous serez frappé de la régularité, de la symétrie,de l'harmonie des oeuvres de la nature.S'il est vrai que l'art ne soit autre chose quele developpement des règles posées par la natureelle-même, il n'est pas vrai que ces règlesexcluent la symétrie, il n'est pas vrai non plusque l'ét rangeté et le caprice soient des sources debeauté réelle pour les jardins paysagers. Aforce de renchéri, sur la sauvagerie des sites,ne pouvant les mettre en harmonie avec noshabitations, ce sont nos demeures champêtresque nous voudrons mettre en harmonie avecnos parcs; alors, il n'y aura pas d'autre moyenlue d'en faire des antres ou des carrières.I°r. — Scènes naturelles propres à entrer dans lacomposition du jardin paysager.A. — Examen du terrain.Si nous examinons les paysages tels que lesforme la nature avec une variété infinie surtoutes les parties de la surface de notre mèrecommune, la terre, nous reconnaissons dansquelques-unes de ces scènes la nature à peu derhoses près dans son état primitif; d'autresnous la montrent plus ou moins modifiée parles diverses révolutions qui ont bouleverse lasurface du globe à différentes époques ; à peinetrouve-t-on deux sites qui offrent exactementle même caractère.Le règne végétal contribue pour sa part àcette variété, non-seulement par les différencesénormes qui exisient entre les genres et lesespèces, mais aussi par la répartition des plantesentre les différentes contrées. Ainsi, tandisque dans les régions boisées, les masses végétalessont l'objet le plus apparent du paysage,d'autres régions semblent dépourvues de vogétaux, et l'aspect de ceux qu'elles contiennentse perd dans l'immensité des plaines ou desmontagnes arides; le sommet des plus hautesmontagnes a pourtant.sa végétation qui lui estpropre, mais cette végétation est formée deplantes qui, par leur petitesse, échappent à l'ceilde l'observateur placé au bas de la montagne,et ne concourent point à l'effet du paysage.Parmi tous ces objets si différents les uns desautres, il n'y a rien donne jardinier paysagistene plisse tirer parti d'une manière quelconque;l'esprit d'observation, le talent de saisir dupremier coup d'oeil les ressources naturellespropres à donner du charme à ses compositions,zonstituent l'une des qualités les plus indispensablesdu jardinier paysagiste; c'est toujours,parmi les talents qu'il doit avoir, celui dont il!ui faut faire preuve avant de songer à en déployeraucun autre. Il faut qu'il se préoccupeavant tout de la nécessité de mettre son oeuvreen harmonie avec les scènes romantiques de lamature qui l'environnent.Ce principe, généralement adopté. établit unedifférence très notable entre la somme de travailet aussi la somme d'argent qu'exige, pourune égale étendue de terrain, un jardin paysagerans le goût moderne, comparé aux anciensA YSA GERS. 381jardins symétriques. Dans l'ancien système, onne pouvait établir que des lignes droites surdes surfaces planes; les accidents de terrain,trop considérables pour qu'il fût possible desonger à les faire complètement disparaître,devaient être convertis en terrasses; le restedu sol était, avec des frais énormes, déblayéde tout ce qui pouvait interrompre l'uniformitéde sa surface. Or, on sait que dans toute créationde jardins paysagers, la plus grande dépenseest toujours celle qu'entraînent les déblaiset les remblais; les autres dépenses ne sontrien, comparées à celle-là. De plus, il était impossiblede profiter de manière ou d'autre pourles jardins symétriques des arbres qui pouvaientse rencontrer d'avance sur le terrain; commeon ne pouvait se permettre de sortir des plantationsen ligne droite, tout arbre hors del'alignement du tracé, quelque regrettable qu'ilfüt d'ailleurs, devait disparaître; et c'était leplus grand hasard du monde si tous ne se trouvaientpas dans le cas d'être supprimés. Lejardinier, plus libre dans ses allures lorsqu'ils'agit pour lui de tracer un jardin paysager,regarde au contraire les accidents de terrain,les pentes, les monticules, les vieux arbres, s'iten existe, comme des hasards heureux qui facilitentson travail, et qu'il est heureux d'enchâsserdans sa composition.B. — Dimensions des jardins paysagers.Il y a sans doute des proportions au-dessousdesquelles un jardin paysager devient ridiculede petitesse; mais c'est une erreur de croire,comme quelques auteurs l'ont avancé, qu'ilfaut au jardin paysager un très grand espace,comme si la nature ne produisait pas très souvent,sans l'intervention de l'homme, des effetsréellement beaux et `pittoresques sur des terrainsde peu d'étendue. Lorsque la contrée environnanteest riche en effets de ce genre, etque le jardinier sait combiner ses plans de manièreà suppléer à l'espace qui lui manque. enfaisant concourir à l'ornement du jar`âin l'aspectdes objets extérieurs, il n'a pas besoind'un grand espace pour réunir les effets les plusgracieux que ce genre comporte ; 'seulementil évitera d'entasser sur une surface de moinsd'un hectare des scènes qui veulent 1 ou 2 kilomètresde développement; il se souviendraqu'il est de ces beautés d'un ordre supérieurqu'il faut laisser à la nature, et qu'il est hors dela puissance de l'homme de reproduire.,C . — Choix d'objets pittoresques.Les plus hautes élévations artificielles dansun jardin Paysager, soit pour rompre l'uniformitéd'un sol trop peu accidenté, soit pour procurerun beau point de vue, ne peuvent guèredépasser dix mètres de hauteur perpendiculaire.Une rivière artificielle est très large quandelle a de quinze à vingt mètres de largeur; unlac creusé de main d'homme est immense, etcoûte des sommes exorbitantes, s'il couvre seulementdix à douze hectares. Ni l'un ni l'autre


388 HORTIC ULTURE .de ces deux objets ne peut être trop petit sanstomber dans le ridicule ; il y a d'ailleurs desmoyens, dont nous parlerons ailleurs, d'augmenterleur étendue apparente par les illusionsd'optique. Il ne faut point creuser de lac artificielsi l'on ne peut lui accorder une étendued'au moins huit hectares ; au-dessous de cetteétendue, ce ne sera qu'un étang ou une pièced'eau, qui n'exige pas de si larges proportions.On doit regarder comme les très bienvenus,dans le site ou l'on doit créer un jardin paysager,les ruisseaux et les cours d'eau de touteespèce ; les uns seront dirigés autour des boiset des bosquets, tantôt s'eloignant , tantôt serapprochant des allées , ou s'enfonçant sousd'impénétrables ombrages; les autres, s'échappantd'entre les masses de rochers, iront parun cours paisible et des contours gracieux,s'encadrer dans un vallon plein de charmes, oùleurs bords seront pour ainsi dire masquéssous des masses de fleurs offrant la plus brillantevariété de couleurs et de formes, puis ilsse perdront dans le lac ou la pièce d'eau qu'ilsserviront à alimenter; d'autres glisseront sansbruit entre des rives ombragees d'arbusteshauts et touffus, invitant aux plaisirs du bain,de la pêche, ou de la promenade en nacelle ;tous ces genres de cours d'eau rentrent dansla classe des objets que l'art peut imiter dansleurs proportions naturelles, avec une parfaitevérité qui permet à peine de reconnaître s'ilssont l'ouvrage de l'homme ou celui de la nature;ils donnent de la vie et de l'activité aux scènesdu paysage. Une cascade naturelle est encoreune bonne fortune dans un jardin paysager;un groupe de saules pleureurs, une urne, sontdes ornements à leur place près d'une cascadenaturelle; ils sont un attrait de plus pour lepromeneur ; ils l'obligent, en quelque sorte, às'y arrêter.Les bosquets, les épais fourrés, les massifsd'arbustes florifères, les tapis de verdure desprairie•naturelles , les vallons émaillés de fleurs,les collines aux pentes adoucies, couronnéesd'arbres et d'arbustes d'ornement, sont encorede ces éléments de beauté naturelle que l'artpeut et doit imiter dans la composition des•iaysages artificiels. Les rochers artificiels neoivent pas non plus en être exclus, bien qu'ilsoit fort difficile de leur donner une apparencenaturelle ; nous y reviendrons.Les grottes sont, de tous les objets naturelsqui peuvent entrer dans un paysage, le plusdifficile à imiter d'une maniere satisfaisante,c'est-à-dire sans trop laisser apercevoir l'imitation;on en voit en Angleterrequelques exemplesqui font la plus complète illusion ;.ces ouvresl'art sont toujours excessivement dispendieuses.Nous ne parlons point ici de ces grottesde marbre sculpté, ornement des jardins symétriquesavec leur accompagnement obligé deniches et de statues; c'est là ce que M. Th. Lelerc,nomme à si juste titre du naturel de concention; il ne peut en être question dans lesjardins paysagers; M. Von Sckell les cärac -LIRE VIII,térise parfaitement en leur donnant le nomde grottes grotesques.S II. — Constructions et ornements d'architecture.Quoiqu'un jardin paysager bien composédoive satisfaire l'esprit et les yeux sans lesecours de l'architecture, les ornements d'architectureemployés avec discernement peuventcependant ajouter beaucoup aux ressourcesdont on peut disposer pour son embellissement;ils servent d'autant mieux à lui donnerun caractère déterminé, que lorsqu'ils se rencontrentdans les paysages naturels, c'est précisémentlà leur destination, et l'effet qu'ilsproduisent inévitablement. Il faut beaucoup detact et de goût pour que les édifices adaptés àla décoration d'un jardin paysager soient dansde justes proportions avec son ensemble; cesédifices ne doivent pas non plus être en tropgrand nombre, q p trop rapprochés les uns desautres, faute que peut a peine racheter la perfectionde ce genre d'ornement clans quelquesunsdes jardins paysagers les plus célèbres del'Europe. Il est inutile de dire'que les ruines etles monuments de l'antiquité, lorsqu'on est assezheureux pour en rencontrer sur son terrain,doivent être soigneusement encadrés dans lepaysage, a-u sein duquel ils produiront toujoursles scènes les plus pittoresques.A. — Temples.Les temples sur le modèle de ceux que l'antiquitépaïenne consacrait au culte de ses dieux,se présentent en première ligne ; c'est là queles Grecs et les Romains déployaient tout leluxe de leur architecture; c'est là qu'étaientemployés ces modèles variés de colonnes et depilastres qu'ils ont légués à l'architecture moderne.C'est dans ce genre de construction quel'oeil saisit le mieux l'effet des divers ordresd'architecture, parce que rien qui leur soitétranger n'attire et ne détourne l'attention del'observateur. Les temples, dans les jardinsmodernes, peuvent être consacrés aux divinitésque personne ne prend au sérieux, Flore, Panet Pomone ; ils le sont aussi très souvent àdeux divinités dont k culte ne passera pas,l'Amour et l'Amitié.L'architecture romaine diffère peu de celledes Grecs ; les ouvrages des Romains se distinguenttoutefois par un caractère particulierde solidité et de durée. Le style gothique estprincipalement propre aux constructions adaptéesau service des cultes chrétiens; une chapelleprivée dans un parc ne peut être convenablementconstruite que dans ce style éminemmentreligieux. Nous ne pouvons que blâmerl'introduction dans nos jardins paysagers del'architecture dépourvue de grâce et de goût sdes Chinois ; celle des Arabes et des Hindous . test moins connue et rarement en usage, quoiqu'ellesoit beaucoup plus digne d'être étudiéeet imitée.Le choix de la situation d'un temple n'estpas sans importance; on peut se conformer a3


TITRE V. JARDINS PAYSAGERS. 389l'usage des anciens qui construisaient la façadede leurs temples ä l'orient. Un temple dédié äl'Amour ou ä quelque autre aimable divinité,n'est point ä sa place au fond d'un sombre taillis,ou rien n'invite h l'aller visiter ; il lui fautla place la plus gaie et la plus engageante detout le jardin, celle où la nature étale tout leluxe de sa parure sur les plantes et les arbustescouverts de fleurs, celle où le murmure d'unruisseau semble inviter les oiseaux ä animerde leurs concerts le bosquet sacré dont le templeest toujours environné. Un temple consacréa Bacchus est bien placé, si de son portique lavue s'étend sur des vignobles ; on peut consacrerä Cérès un temple dont la situation dominede vastes plaines chargées d'épis.B. — Obélisques, colonnes, colonnes tronquées.Les jardins paysagers peuvent emprunterl'architecture égyptienne des obélisques; indépendammentdes inscriptions dont on peut couvrirses surfaces, un obélisque peut aussi fortbien recevoir en Europe son antique destination; les Egyptiens orientaient les angles d'unobélisque aux quatre points cardinaux, et s'enservaient comme de l'aiguille d'un cadran solaire.Quelques pierres plates disposées ä ceteffet ä des distances convenables sur le sol,peuvent marquer le passage de l'ombre de l'obélisqueaux différentes heures de la journée. Laplace d'un obélisque dans un jardin est sur lapente douce d'une colline, ou près des eaux, parexemple sur la rive d'un lac, dont la surfaceréfléchit ce monument. Quant aux pyramidesque Pline nomme des monuments de la folie dudespotisme, parce 9ue cent mille hommes ontété, dit-on, employes pendant vingt ans pour enconstruire une seule, ces constructions, unefois qu'elles sortent des proportions colossalespropres ä étonner par leurs masses imposantes,n'ont plus aucune valeur architecturale ; despyramides en miniature, telles qu'on en voitdans quelques grands jardins, ne sont que ridicules.Les colonnes isolées sont plus usitées et d'unmeilleur effet dans les jardins ; elles peuventêtre surmontées du buste ou de la statue d'unpersonnage historique ä la mémoire duquelelles sont ordinairement consacrées. Lorsqu'onleur donne d'assez grandes proportions, elleseontiennent un escalier et sont couronnéesd'une plate-forme entourée d'une rampe ; dansce cas, on les construit sur les points du jardinqui dominent la vue la plus étendue ; lorsqu'onleur donne cette destination , elles ne peuventavoir moins de trois mètres de diametre ,afin que l'escalier intérieur puisse avoir unelargeur suffisante. On dispose aussi avec avantage,dans des parties écartées et solitaires duiardin paysager, des colonnes tronquées, peuelevées , qui supportent, soit des urnes de formeantique, soit des bustes de personnaßes célèbres.C. — Statues.Les jardins modernes rejettent ce peuple destatues dont les jardins symétriques de l'ancienstyle étaient encombrés ; sur les deux côtésd'une avenue , sur une place carrée ou circulaire, au milieu d'une pièce d'eau grande oupetite, partout des groupes et des statues étaientjugés indispensables ; la nécessité de réunir unnombre si prodigieux de statues dans un grandjardin faisait que, le plus souvent, on était peudifficile sur l'exécution ; la quantité engageaitä fermer les yeux sur la qualité ; on peut voir,ä la honte du goût français, un exemple déplorablede cette prodigalité de figuresl(car ce nesont pas des statues) dans l'un des plus beauxjardins publics de la capitale , au- jardin duLuxembourg. S'il est vrai que le médioere soitpire que le mauvais, c'est assurément dans lesproductions des arts; le médiocre est lä toutä-fait intolérable ; n'ayez point de statues dansun jardin, ou, si vous en avez, que ce soit descheis-d'ceuvre . Le dieu Pan sur un rocher prèsd'une fontaine, une nymphe qui se baigne dansune rivière que surmonte une roche , dans unbosquet sous un épais ombrage, un faune épiantla nymphe au bain , ces statues et beaucoupd'autres en harmonie avec chaque site , s'encadrentfort bien dans le jardin paysager, etpeuvent contribuer ä l'embellir ; hors de lä ,ne faut de statues que dans les temples , etcomme il n'en faut qu'un très petit nombre , ilest moins difficile d'exiger en elles un haut degréde perfection artistique , que lorsqu'il enl'allait toute une armée.D. — BcluMentsLes jardins paysagers admettent encore, ennombre proportionné ä leur étendue, quelquesunesde ces constructions isolées qui peuventrecevoir diverses destinations , soit pour unsalon de lecture , soit pour une salle de bain ,décorés l'un et l'autre d'ornements analoguesä leur usage. Les constructions de ce genre,destinées seulement ä réunir quelques amis pourune aimable causerie ,•rappellent par des inscriptionsou quelques bas-reliefs leur consécrationä l'étude , a l'amitié , ä la constance.Chacun de ces détails mis en sa place, concourtä l'effet pittoresque de l'ensemble , mais toujourset seulement ä la condition que le goût leplus épuré préside au choix de l'emplacement ,au style de l'architecture. et surtout a celui desornements , dont la profusion , dans un jardinpaysager, est toujours déplacée.E. — Chaumière.Dans un parc d'une grande étendue, on airneä rencontrer, au sortir des jardins somptueuxdécorés du luxe des arts, une modeste habitationrustique, dont le toit de chaume et les aceessoireschampêtres doivent être d'une propretécoquette et d'une simplicité soignée ,rappelant ä l'esprit , non la misère contrastant


390 HORTICULTURE. LIVRE VIII.avec l'opulence , mais bien le bonheur et l'aisanceacquis, bien rarement, hélas! par le travaiidans l'humble condition du laboureur; teldoit être, à ce qu'il nous semble, le caractèred'une chaumière véritable dans un pare. Nousajouterons que l'impression en est encore pluscertaine et plus satisfaisante pour l'esprit commepour les yeux, quand le propriétaire d'un vastejardin paysager établit réellement dans la chaumièrequi contribue à décorer son parc une famillelaborieuse dont l'aisance n'est point unefiction, et qui peut figurer naturellement lebonheur de la vie champêtre.t . — Constructions diverses; maison d'habitation.Toutes les constructions indispensables, lamaison du jardinier, les serres, l'orangerie ,peuvent et doivent servir d'ornement, chacunedans le style qui lui est propre; mais c'est surtoutla maison d'habitation qui , par le choixjudicieux de son emplacement et le caractèrede son architecture, doit être l'ornement principaldu jardin paysager, celui qui, des partiesles plus reculées, sert de point de vue, celui,enfin , vers l'agrément duquel tout l'ensemblede la composition doit converger. La place naturelled'une maison dans un parc, est au pointd'où l'on découvre la plus belfe vue , à l'abrides vents violents qui règnent le plus habituellement,à l'exposition du midi dans les paysfroids et tempérés, à celle du sud-est ou du sudouestdans les pays chauds , à l'est plein sousles climats ardents où le soleil de midi doit êtreévité comme un fléau. La hauteur de ce bâtimentprincipal , sa forme , son étendue , soncaractere enfin, doivent être étudiés selon lesrègles du bon sens et du bon goût, et s'harmoniserparfaitement avec le paysage. Soyez sûrque vous aurez mal choisi la place de votre habitation,si partout ailleurs que sur l'emplacementdont vous avez fait choix, une personnede goût trouve qu'une autre habitation pourraitêtre a sa place , et cadrer tout aussi bien avecl'ensemble du jardin paysager.G. — Ruines.Les ruines produisent'un effet très pittoresque,quand leur situation egt choisie avec assezde discernement pour qu'il semble naturel qu'ony ait jadis élevé un édifice actuellement ruiné ;elles sont un contre-sens alors qu'on les rencontrelà où rien n'a pu , dans aucun temps ,justifier l'existence de la construction dont ellesfigurent les vestiges. La grande difficulté consisteà leur donner une apparence telle qu'ellespuissent paraître l'ouvrage du temps et noncelui de l'art , ou d'une destruction violente etrécente. On choisit ordinairement pour construireune ruine artificielle des pierres brutesqui ont l'air d'avoir été rongées de vétusté; ondonne aux murs une grande épaisseur, en ypratiquant des crevasses et d'autres marquesextérieures de l'action destructive du temps,comme si elles avaient résisté à ses efforts pendantdes siècles. Il est essentiel qu'à l'aspectd'une ruine, l'imagination puisse reconstruiresans effort l'édifice en son entier, et qu'il nesoit pas possible de se méprendre sur ce qu'adû être cet édifice avant de tomber en ruines.Les débris de ruines, tels que des fûts et deschapiteaux de colonnes ou des fragments decorniches qui peuvent être dispersés aux alentours,doivent porter le même caractère queles parties qu'on suppose restées seules debout;l'illusion cesse à l'instant si l'ceil ne retrouvepas , pour ainsi dire , la place qu'ont dû occuperces débris dans l'édifice, lorsqu'il subsistaiten entier; à plus forte raison, il n'y a pas d'illusionpossible quand on entasse au pied d'uneruine des fragments d'architecture ou de sculptureen désaccord par leur style ou seulementpar leurs proportions, avec le bâtiment tel qu'ilpeut être reconstruit par la pensée.Dans le but de rendre l'illusion aussi complèteque possible , une ruine artificielle doitêtre construite d'après le plan d'un bâtimentcomplet, et la place de ce qui manque doit être,sinon visible distinctement , au moins suffisammentaccusée sur le terrain. Une précautionnon moins indispensable, c'est de calculer laconstruction des ruines de manière à ce queleur défaut de solidité ne soit qu'apparent, etque même quand elles ont l'air prêtes à s'écroulersur les passants , on puisse néanmoinss'en approcher et pénétrer sans danger au milieude leurs débris.C'est seulement quand l'ensemble de la ruineest bâti, qu'on s'occupe de donner aux partiessaillantes et anguleuses, telles que sont les corniches,les chambranles des portes et les embrasuresdes fenêtres. l'apparence des dégradationscausées par l'action lente des siècles. Cetteapparence est plus naturelle et semble mieuxcausée par le temps lorsqu'on frappe au hasardsur ces parties saillantes avec un corps obtus,que lorsqu'on a recours au marteau du tailleurde pierre ; dans ce dernier cas, il est presque impossiblequ'on ne reconnaisse pas quelque partd'une manière évidente les traces de la main del'homme, là où pour conserver l'illusion,"il fautne voir que la main du temps.L'architecte chargé d'élever une ruine facticedans un jardin paysager ne perdra pas devue l'effet que doivent produire leurs débris etles signes de leur dégradation, vus à diversesdistances. La place des ruines artificielles doitêtre éloignée de l'habitation et du centre desjardins, autant que possible dans un lieu élevé;qu'on puisse apercevoir de loin, dans plusieursdirections, et sous plusieurs aspects. Le paysage,aux environs des ruines, doit avoir un caractèregrave et solennel, ce doit être une solitudesilencieuse, où nul autre bruit ne se fait entendreque celui d'une harpe éolienne, où destaillis mêlés de ronces et de broussailles forment un fourré impénétrable, où quelque érableantique, quelque chêne séculaire, croissant itravers les crevasses des murs tapissés demousse et de lierre, semblent des témoins vivantsde leur antiquité. C'est dans des lieux


TITRE V. A 11D1NS PAYSAGERS. 391pareils que l'esprit est tout disposé ä acceptercomme antiques des ruines artificielles ; c'estlä que ces ruines produisent la plus complèteillusion.11 . — Poms .Les formes gracieuses et variées que peuventrecevoir les ponts construits sur les cours d'eaudont le jardin paysager peut 'être traversé,concourent ä sa décoration, dont ils sont unepartie indispensable. On peut employer ä leurconstruction le bois, le fer ou la pierre ; toutefois,les culées doivent toujours être en pierre,afin que lorsqu'il y a des réparations ä faireau pont, cette partie plus solide et plus durableque le reste, ne soit pas dérangée; car la constructiondes culées d'un pont entraine forcémentla dégradation des rives sur une assezgrande étendue. Un pont de bois reposant surdes culées de pierre de taille pourra être ainsirenouvelé bien des fois avant qu'il y ait aucuneréparation ä faire ä ses culées.M. Von Sckell blâme avec sévérité les pontsforinés de pièces de bois revêtues de leur écorce,laquelle ne tarde guère ä se couvrir de mousseet ä occasionner la pourriture du bois qui gardeune apparence de solidité, et s'écroule un beaujour sous les pieds des promeneurs. Il saisitcette occasion pour signaler le ridicule de cerlainsmonuments indignes de figurer dans lesjardins d'un homme de bon sens, et dont laseule présence est un indice assuré du défautabsolu de goût et de jugement chez le propriétairequi leur donne accès parmi les scènes(Fun jardin paysager. J'ai vu, dit M. Von Sckell ,dans un parc dont le propriétaire me faisait leshonneurs, un ermite logé dans le creux d'unchêne colossal; on n'avait oublié pour l'illusionqu'une circonstance : c'était d'éclairer l'intérieurde l'arbre creux; il y régnait une obscuritételle que l'ermite (qui, du reste, était debois) n'aurait pu lire le texte sacré.Plus loin, une tour isolée était consacrée äla mémoire du duc de Marlborough, si populairesous le nom de Malbrouck . Une fenêtreentr'ouverte laissait entrevoir la duchesse,poupée habillée de satin rose, tenant un télescope, et s'ecriant (comme l'indiquait une inscription) : « Je vois venir mon page. Lesmurs de la tour étaient tapissés d'inscriptionsreproduisant tout au long la chanson de : Malbroucks'en va-V-en guerre.Dans le même parc, on introduisit M. VonSckell dans une sorte de trou fort obscur, dontl'entrée représentait une arcade tapissée devigne peinte ä la détrempe ; il faisait très noirdans cette cavité décorée du nom de grotte ; lä ,on présente au visiteur un grand fauteuil munid'un eoussin épais; ä peine assis, il se lève effrayé, croyant avoir écrasé sous le coussin unchat qui pousse des hurlements atroces ; le fauteuilcontenait un appareil destiné ä imiter lescris d'un chat qu'on écrase ; ingénieuse et piquantesurprise ménagée par le propriétaire äses hôtes !De telles niaiseries n'inspirent aux gens sensésque du dégoût ; elles doivent etre banniesd'un jardin paysager, où les beautés de la naturesont prises au sérieux, où tout est calculépour que la poésie des arts et celle du paysagese prêtent un mutuel secours, où rien ne peutêtre admis de toutes ces choses ridicules marquéesdu cachet de la grossièreté. du mauvaisgoût et de la sottise.SECTION— Plan sur le papier; tracd surle terrain.Nous avons dit ä quel point il importe, pourla création d'un jardin paysager, que celui quil'entreprend étudie ä fond tous les détails duterrain, tous ses accidents, l'effet général dusite, et ce qu'il peut renfermer d'avance d'objetspittoresques ä conserver, ä encadrer danssa composition, et de ressources naturelles äutiliser dans le but de ne rien perdre des beautésde tout genre que peut admettre le jardin projeté.Ce n'est qu'après ces études préliminairesqu'il faut songer ä arrêter les principales lignesd'un plan, d'abord sur le papier, et plus tardsur le terrain. Plus ces premières études aurontété faites avec soin, plus il sera faciled'obtenir tout l'effet désiré de la composition,avec le moins possible de frais et de travaux.Ce qui grossit outre mesure le chiffre de la dépenseprésumée pour la ceéation d'un jardipaysager,c'est la nécessité de modifier le planprimitivement conçu, de défaire ce qui avaitété fait, parce que dans l'exécution il se rencontredes obstacles sur lesquels on n'avait pascompté; quand on en est lä , on ne sait plus oùles frais s'arrêteront. Mais ces circonstancesfâcheuses ne se présentent jamais que fauted'un examen assez approfondi de la localité;on doit avoir tout prévu et préparé avant demettre les ouvriers sur le terrain.s ier .Plan sur le papier.En dessinant le plan d'un jardin paysager enprojet, il faut, si l'on ne veut agir au hasard, sereprésenter les objets tels qu'ils seront, non pasau moment où l'exécution du plan sera terminée, mais plusieurs années après, quand le travailde la nature aura complété le travail del'homme, que les arbres et arbustes aurontgrandi et se seront mis en rapport avec laplace qu'on leur accorde; ce sont ces rapportsauxquels il faut d'avance avoir égard pour nepas tomber dans la suite dans l'un ou l'autre deces deux inconvénients : l'encombrement on lanudité. Quant au premier, il est évident quedes bosquets trop près l'un de l'autre, des arbres trop rapprochés dans le même bosquet, neparattroot tels qu'après un assez long espacede temps, au bout duquel on peut, ä la vérité,supprimer les arbres superflus, mais non changerl'ordonnance du jardin sans tout bouleverser.Si vous avez mis deux massifs d'arbresou d'arbustes lä où le terrain n'en comportaitqu'un seul vous pourrez bien éclaircir ia


39 '2 HORTICULTURE. LIVRE VIII.talion dans chacun de ces deux massifs, mais ger dans des circonstances aussi favorables.ils subsisteront tous les deux alors que vous Disons-le toutefois, à la honte d'un grand nombrede propriétaires opulents, ce ne sont pasaurez reconnu qu'il vaudrait mieux n'en avoirplanté qu'un seul dans l'origine. Nous ferons les sites pittoresques qui manquent, c'est la volontéde débourser quelque argent pour lesencore observer, eu égard à la croissance desarbres, toujours trop lente au gré du propriétairepressé de tas voir grandir, que cette où l'on ne rencontre pas un seul jardin paysa-embellir. Nous avons des départements entierscroissance est ralentie dans les premières années ger, et où, pour ainsi dire, tout est jardin dansquand les arbres, trop rapprochés, se nuisent le paysage; il ne s'agirait que de tirer parti,mutuellement. Le second inconvénient, la nudité,peut plus aisément disparaître lorsque le relles de la contrée, beautés qui, faute de goût,souvent a très peu de frais, des beautés natu-temps, par une cause quelconque, ne fait pas ne sont pas même remarquées la plupart duacquérir aux arbres les dimensionssur lesquelles temps.on avait compté; il ne s'agit que de replanterdans les intervalles. Toutefois, ces repeuplementstardifs d'un bosquet trop maigre dansI'originene remplissent pas toujours le but qu'onse propose en replantant. Parmi les arbrescomme parmi les hommes, les gros mangent lespetits; un jeune arbre, planté tardivement entreles arbres déjà forts, trouve la place déjà enpartie occupee par les racines de ses voisins ; àmesure que les siennes s'étendront, il faudraqu'elles disputent leur nourriture à celles d'arbresbeaucoup plus forts que lui, et jamais, pourcette raison, l'arbre planté après coup ne rejoindra, à moins de soins particuliers, ceux quiont sur lui seulement quelques années d'avance.L'accroissement probable des arbres d'aprèsla nature du sol, celle du climat, et celle ausside chaque espèce d'arbre employée dans lesplantations du jardin paysager, est au nombrede ces faits connus d'avance , sur lesquels lebjardinier expérimenté ne saurait se tromper deeaucoup. C'est au moment où il trace son projetsur le papier qu'il doit se figurer ce que serason oeuvre dans trente ou quarante ans, afinde calculer sa composition dans la prévisiondes divers états par lesquels elle doit passer àdes époques déterminées. Sans doute il ne fautpas sacrifier complétement le présent à l'avenir; mais il faut encore moins sacrifier totalementl'avenir au présent, et abuser de la confianced'un propriétaire, en lui livrant des bosquetsen fort bon état, à l'usage de trois ouquatre ans, mais qu'il lui faudra refaire dix ansplus tard.Il y a des circonstances où le plan est ., pourainsi dire, tout tracé, où l'art ne peut que suivreles indications de la nature; c'est lorsque la distributionnaturelle des eaux, des rochers ,des boiset des prairies est déjà par elle-même pleine depoésie et de charme sans l'intervention de lamain de l'homme. Il lui suffit dans ce cas defa ire mieux ressortir par quelques moyens artificielsles beautés naturelles du site, en démasquantles objets trop peu apparents, donnantune direction plus favorable aux eaux vives, etdistribuant avec goût les objets d'art; c'est làtout ce qu'il peut avoir à indiquer sur le plan,ainsi que le tracé des allées et des sentiers ; lestrois quarts de la besogne sont faits avantqu'elle soit commencée. Mais on concoit combienil est rare d'avoir à créer un jardin paysa-S II. — Tracé sur le terrain.Une fois le plan arrêté après des études sérieuseset approfondies, il est temps de commencerà le mettre à exécution ; il faut d'aborden transporter le tracé sur le terrain. Un premiertracé n'est qu'une ébauche incapable dedonner une idée de ce que sera l'oeuvre achevée,surtout en raison des mouvements artificielsdu terrain, des collines et des vallons artificiels,dont on ne peut que marquer la positionpar des piquets, de même qu'il est impossibled'indiquer autrement les modificationsqu'on se propose d'apporter par des déblais etdes remblais, à l'inclinaison des pentes naturellesdont le terrain sur lequel on opère peutêtre accidenté.Des pieux de hauteur suffisante doiventindiquer les points culminants des parties duterrain qu'il faudra exhausser; ces points etceux qui marquent la profondeur des excavationsa effectuer seront géométriquement déterminés,afin que l'ouvrier, agissant seulementdes bras, ne soit pas exposé à grossir les fraispar un travail inutile.Le tracé de la place que doivent occuper lesbois et les bosquets se fait différemment; leslignes de ce tracé doivent être attaquées avechardiesse sur le terrain, au moyen du bâtonferré : elles ne doivent figurer que les principauxcontours, sans s'arrêter aux détails ; cepremier travail fait, les lignes sont indiquées pardes piquets éloignés l'un de l'autre de 5 à 6mètres; pour des lignes d'un très grand développement,ils peuvent même être beaucoupplus écartés. Dans l'exécution, on ne perdra pasde vue que la nature ne dessine pas les limitesdes forêts et des champs découverts, par deslignes nettement arrêtées, mais par des transitionsque ne peut représenter une ligne régulière.Lorsque quelque portion des limites extérieuresde la forêt semblera, d'après le trace surle terrain, trop monotone, et depourvue d'effetpitorresque , on marquera sur divers pointschoisis avec discernement, à 15, 20 ou 30 mètresde la lisière du bois, lafplace de diversarbres isolés, ou de groupes d'arbres, choisisparmi ceux dont la verdure ou plus claire ouplus foncée que celle des massifs en avant desquelsils sont destinés à être vus, permet à leursformes de se dessiner sur ces massifs avec plus


TITRE V. JARDINS PAYSAGERS. 393d'avantages que s'ils étaient de la même nuance.En général , la variété des tons dans les massesde feuillage qui doivent se détacher les uns surles autres est un objet très important, auquelon ne peut se dispenser d'avoir égard dans lacomposition des bosquets qui font partie d'unjardin paysager ; une trop forte proportion defeuillage d'un vert sombre attriste le paysage etlui donne une teinte mélancolique ; le vert clair,si bien nommé par les peintres vert gai, produitdans le paysage l'effet contraire. On peutaussi tirer un très bon parti sur la lisière d'unbosquet, de ces arbres qui, comme le sumac deVirginie. sans perdre leur feuillage de trèsbonne heure , prennent dès le mois d'août uneteinte jaune passant au rouge vif, et conserventcette riche nuance jusqu'à ce que leurs feuillestombent ä l'entrée de l'hiver.Nous placerons ici quelques observations surles lignes onduleuses , ces lienes pleines decharmes qui se représentent si fréquemment, ettoujours avec gra ce, dans les pay sages natu rel s.La plupart des jeunes jardiniers dépourvusd'expérience, dit M. Von Sckell, ne voient aucunedifficulté dans le tracé des lignes onduleuses; le cornpas ä la main, ils combinent desportions de cercle de manière ä reproduire surle terrain une multitude de contours semblablesä un S majuscule, et croient avoir atteint laperfection du genre. Mais , qu'ils étudient lanature ; partout où elle nous charme par deslignes onduleuses répandues largement ä traversles paysages où la main de l'homme n'apoint passé, elle ne procède pas par des courbesgéométriques ; elle ne cree pas de portionsde cercle; elle apporte dans cette partie de cesœuvres cette variété qui ne permet pas quedeux grains de sable soient identiquement semblables; c'est cette variété, source du pittoresque,qu'il faut savoir imiter dans les lignesonduleusesqui entrent dans le plan d'un jardinpaysager.g tu. — Tracé des rivières et des ruisseaux.Les rivières dont la largeur approche de 30mètres sont rarement admises dans la compositiondes jardins paysagers, d'abord parcequ'elles exigent, pour ne pas dégénérer en maresd'eau croupie, une masse d'eau vive constammentrenouvelée dont on ne peut disposerque dans des circonstances tout-ä-fait exceptionnelles; ensuite parce qu'il en coûte dessommes énormes pour leur creuser un lit d'unetelle largeur sur une grande étendue. Les lignesqui dessinent les bords des rivières artificiellesd'une grande largeur doivent être tracées hardiment; elles ne peuvent présenter qu'un petitnombre de détours peu rapprochés les uns-des autres; les eivières étroites, au contraire,peuvent offrir dans leur passage ä travers lejardin paysager des sinuosités très multipliées.Cette règle est fondée sur l'observation de lanature; une masse d'eau d'un certain volumene se laisse pas ficilement arrêter par les obstaclesqu'elle peut rencontrer sur son cours ;elle les déplace, au contraire, sans beaucoupde peine, pour continuer ä couler selon la pentegénérale du terrain. Une masse d'eau moinsimportante cède forcément ä tous les accidentsde terrain qu'elle rencontre sur son passage etqui l'obligent ä multiplier ses détours.Les rivières d'une médiocre largeer offrentdonc plus de variété et plhs de ressources pourla décoration du jardin paysager jue n'en peuventprésenter les rivieres d'une trop grandelargeur ; mais, grande ou petite, il faut une rivieredans un jardin paysager , quand ce neserait qu'un ruisseau ; il ne peut pas être dépourvu d'eau d'une manière absolue ; c'est l'eauqui anime les scènes de payse,ge artificiel ; c'estencore l'eau qui attire et qui retient dans lejardinpaysager les rossignols et_toute la tribudes oiseaux chanteurs.Les bords des rivières artificielles doiventoffrir des pentes adoucies plutôt que des pentesabruptes. Les bords eti.carpés , outre l'inconvénienttrès grave de dérober ä la vue uneportion de la largeur de la nappe d'eau, en ontun autre bien plus gricre en raison des accidentsnombreux dont ils peuvent être cause.Mais quelques roches couronnées d'arbres vertsä leur sommet. entourées leur base d'une ceintured'arbustes florifaes , s'avançant jusquedans la rivière artificielle et la forçant ä formerun gracieux détour pour continuer ä coulerplus loin entre des rives dépourvues d'escarpements,apportent ä la fois de la variété et ducharme dans la décoration du jardin paysager.Lorsqu'une rivière artificielle ne dépasse pasla largeur de deux mètres ä deux metres cinquante,on peut, vers le milieu de son cours lapartager en deux bras égaux embrassant unespace de forme oblongue, ordinairement consacré ä an parterre garni de fleurs en toutesaison. Lorsqu'on adopte cette disposition, ilne faut pas que les deux bras de la rivière offrenten regard l'un de l'autre des sinuositésdisposées dans le même ordre; leurs détoursdoivent être distribués avec eoût , mais en évitantsoigneusement une symetrie trop régulièrequi ne pourrait sembler naturelle. On n'oublierapas de combiner le tracé des allées etcelui de la rivière artificielle de telle sorte quecelle-ci soit alternativement visible et cachee ,tantôt s'éloignant , tantôt se rapprochant desallées et des sentiers , et ramenant a chaque détourle promeneur vers une partie de ses bordsornée de quelque objet digne de fixer l'attention. Tantôt la rivière disparaîtra sous d'épaisbuissons, tantôt elle se montrera ä découvert ,effet dont la répétition qui prête ä un très grandnombre de scènes pittoresques, offre un attraitparticulier, et inspire toujours au promeneurle désir de les visiter de nouveau.IV. — Lacs et pièces d'eau ; illusions d'optique.Les parcs des particuliers ont rarement desdimensions assez vastes pour admettre dansleur enceinte un véritable lac naturel ; la dépensenécessaire pour creuser une pièce d'eau


394 HORTICULTURE. LIVRE VIIIdigne du nom de lac sort d'ailleurs des limitesd'une fortune privée, fät-ce une énorme fortunede finance. Lorsqu'un parc aboutit auxrives d'un lac naturel, les points de vue vers unevaste nappe d'eau ordinairement bornée par desaccidents de terrain pittoresques et variés doiventêtre ménagés en grand nombre dans ladistribution du lardin, surtout dans ses partiescouvertes et onibragées où se trouvent les stationset lez lieux de repos.Quant aux pièces d'eau artificiellement creuséesdans un parc. lorsqu'elles ont assez d'étenduepour figurer un lac , il faut toujoursqu'un de leurs bords au moins soit découvertet permette ä la vue d'embrasser un vaste horizon.Les autres parties des rives du lac doiventêtre parsemées de grands arbres isolés, disperséscä et lä avec dés touffes de buissons et d'arbustesä tiges peu élevées ; quelques fabriques fontun très bon effet en animant le paysage.Il arrive très souvent que la pièce d'eau,dans un jardin paysager, ne peut pas recevoirl'étendue qu'il serait désirable de lui donner.C'est alors qu'il faut recourir aux moyens artificielsd'en dissimuler la petitesse par des illusionsd'optique. La portion des rives de l'étangartificiel où rceil. plonge ä perte de vue sur unhorizon découvert doiP être tout-ä-fait unie,basse, et presque au niveau de la surface del'eau, de telle sorte que le spectateur, placédans une barque, sur l'étang, ä quelque distancede la rive, ne puisse aisément en discernerles limites et soit, par ce moyen, trompésur son étendue , qui doit lui paraître avoirbien au-delä de sa grandeur veritable. Lors -qu'on veut produire une illusion complète,par rapport a l'étendue véritable d'une pièced'eau ou d'un étang, il ne faut laisser subsisteraux alentours, ä portée de la vue, aucun de cesobjets dont les dimensions réelles sont tropconnues, tels qu'un buisson ou une chaumière;il serait trop facile de juger, par comparaisonavec ces objets, de l'etendue de la surface qu'ondésire empêcher le spectateur d'apprécier avecprécision. C'est ainsi qu'un chêne colossal, detrente mètres de haut, s'il se trouve au bord d'unétang artificiel, dans un parc, fera paraitre cetétang plus petit qu'il ne l'est en effet. C'est aujardinier paysagiste ä connaître les ressourcesque les lois de l'optique et de la perspective luioffrentpour grandir ou diminuer les objets.L'optique et la perspective, comme sciences,ne peuvent être connues que par des étudesspéciales ; les lois de ces sciences ne sauraienttrouver place ici ; rappelons toutefois quelquesunesde ces données, qui, par leur precision etleur simplicité, mériteraient d'être vulgaires.Si les décorations d'un théâtre d'enfants sonten proportion avec la taille des acteurs, ellesferont disparaitre leur petitesse aux yeux desspectateurs, par cela seul que le spectateurmanquera d'objets de comparaison ; qu'unhomme de taille ordinaire vienne ä se montrer-au milieudes enfants sur un théâtre ainsi decore ,-cet homme vu de la salle fera l'effet d'un géant .De même , clans un paysage, une petite tourplacée près d'une grande semble moitié plus petite; de deux hodunes , dont l'un est vu prèsd'un vaste palais, l'autre près d'une cabane, äla même distance, le premier, quoique de mêmetaille, paraitra beaucoup plus petit que le second.De même, des figures de grandeur colos.sale , sculptées sur la façade d'un bâtiment ,l'écrasent et diminuent en apparence ses proportions.Le soleil, ä son lever ou près de soncoucher, parait beaucoup plus grand que lorsqu'ilest élevé sur l'horizon, et ceia uniquementparce que son disque est vu du même coupd'oeil avec des objets terrestres dont il fait ressortirla petitesse.Les illusions de ce genre sont innombrables ;il serait superflu d'en multiplier les exemples ;le dessinateur de jardins paysagers doit savoiren tirer parti d'une manière judicieuse. Voiciquelques points essentiels qui peuvent le guiderdans cette partie importante de ses opérations.Un temple de douze ä quinze mètres de haut,dont la façade est supportée par des colonnesde 011160 ä 0'70 de diamètre, proportions trèsconvenables dans un jardin paysager d'uneétendue médiocre, sera complétement écraséet paraîtra d'une petitesse choquante s'il esidominé par de grands arbres ayant près dudouble de sa hauteur. On doit éviter par lamême raison de planter sur une éminence de2'50 ä 3 mètres de haut des arbres destinés ädevenir avec le temps sept ou huit fois plushauts, sous lesquels cette éminence finirait pardisparaître ; au contraire, la même élévation,garnie seulement d'arbrisseaux ä fleurs, choisisparmi ceux qui ne s'élèvent pas, conservera soncaractère, et l'ceil du spectateur ne perdra riende l'effet qu'elle est appelée ä produire dans lepaysage.En général, les arbres très élevés ou destinésä le devenir. sont bannis des petits jardins,qu'ils tendent ä faire paraître encore pluspetits.Il est toujours facile de dissimuler par desplantations artistement ménagées la clôtureservant de limite au jardin paysager ; dans cecas, aucun sentier ne doit régner ni le long, nitrop près de cette clôture . Le paysage extérieursemble une dépendance, une continuation desbosquets, lorsque ceux-ci ont été dessinés etplantés par une main habile, et qu'on n'a négligéaucun moyen de grandir pour rceil duspectateur l'étendue véritable du jardin paysager; cette ressource ouvre un champ sanslimites l'exercice du talent du dessinateurtoutes les fois que les jardins ä créer se trouventencadrés dans une contrée pittoresque.Le bon sens et le bon goût permettent assurémentde produire artificiellement des illusionsd'optique qui trompent sur la distance de laquellesont vus les objets, et ne permettent pasd'apprécier du premier coup d'oeil leurs vraiesdimensions ; le bon goût est au contraire blesséautant que le bon sens par ces facades postichesde temples derrière lesquelles il n'y a pax


E V. JARDINS PAYSAGERS. 395de temple, ou par ces ponts figurés sur lesquelson ne passe point; ce sont là des illusions qu'iln'est pas permis d'admettre dans la compositiondes jardins paysagers, et qui n'ont d'autrecaractère que celui du ridicule.Les rives du lac artificiel doivent être peuélevées sur la plus grande partie de leur contour;les avantages de cette disposition sontévidents; d'abord, il y a moins de terre à déplacer,et la dépense, toujours très lourde dequelque façon qu'on s'y prenne, est diminuéed'autant; ensuite les personnes qui se promènenten bateau sur le lac lorsque ses bords ontpeu d'élévation, ne perdent rien de l'aspect dupaysage , tandis qu'elles n' en voient rien oupresque rien, si les rivages du lac ont seulementquelques mètres au-dessus du niveau deta surface de l'eau.Si l'on a profité de la masse considérable deterre déplacée par le creusement du lac, et qu'ons'en soit servi pour former une colline artificielle,cette colline devra être assez loin du lacet séparée de ses bords par assez d'objets différents,pour éloigner toute idée de relation entrel'un et l'autre ; car si l'aspect de la collinerappelle de quelque manière qu'elle est Pouvragede l'homme, et que les matériaux pourla former ont été pris à la place occupée par lelac, l'un et l'autre cessent aussitôt de faire illusion,et il n'est plus possible de les prendrepour des ornements naturels du paysage.Le lac, lorsqu'il vient d'être creuse et quel'eau n'y a point encore été amenée, paraît toujoursavoir beaucoup au-delà de son étenduevéritable; une fois rempli d'eau, il paraîtrasensiblement diminué. Cet effet d'optique tientuniquement à ce que le lac vide offre aux regardsune surface creuse, concave, surfaceréellement plus grande que ne peut l'être la surfaceplane de l'eau, lorsque le lac en est rempli.Rien n'est plus facile que de se laisserprendre soi-même a cette illusion, et de setrouver désappointé en voyant combien le lacqui semblait si grand lorsqu'il était vide, paraîtrapetissé dès qu'il est plein.Pour apprécier sans grande erreur l'effetd'un lac avant d'en commencer le creusement,on marque ses contours avec des piquets, puison ouvre d'abord quelques tranchées dans leiquelleson établit au moyen du niveau à bulled'air des lignes de piquets dont le sommet estexactement a la même hauteur que doit atteindrele niveau de l'eau du lac. L'apparence perspectivede ces lignes de piquets donne uneidée assez exacte de l'étendue apparente quedoit avoir le lac terminé et rempli d'eau.La prise d'eau du lac et son dégorgeoir doiventoffrir une différence de niveau suffisantepour que le lac puisse être aisément mis à sec,soit pour la pêche, soit pour le curage lorsqu'ilest nécessaire.SECTION Ill . — Chemina, allées, sentiers.Il est impossible de marquer d'avance pardes piquets la place des divers genres de cheminset d'allées nécessaires dans le tracé d'unjardin paysager.; il y a toujours des mouvementsartificiels de terrain à produire par desdéblais et des remblais; les chemins ne Bu -vent être définitivement dessinés sur le sol quequand ces travaux ont été exécutés. , Aucunchemin, sentier ou passage n'est l'ouvrage dela nature; tous sont l'ouvrage de l'homme etquelquefois celui des animaux. La ligne droiteest celle que les chemins suivent naturellementquand divers genres d'obstacles naturels ne s'yopposent pas, ou que le but auquel aboutit lechemin n'est pas hors de vue.Les jardins dans le goût moderne rejettentd'une manière absolue les allées en ligne droite;c'est à tort chaque fois que des motifs plausiblesne rendent pas raison de leurs détours.Aussi, les allées tortueuses sans motif sont-ellesgénéralement négligées par ceux qui fréquententle jardin; ils coupent au plus court à traversles pièces de gazons, quand la chose estpossible, plutôt que de s'assujettir à parcouririnutilement le double de l'espace nécessairepour se rendre d'un point à un autre. Un cheminétant et ne pouvant être que l'ouvrage del'homme, l'industrie humaine peut s'y montrerà découvert; ceux qui traversent le jardinpaysager doivent être dessinés avec goût et toujoursavec symétrie, leurs bords restant exactement•parallèlesentre eux sur toute la longueurde leur parcours, quels que soient d'ailleursleur forme et le nombre de leurs circuits.§ ver. — Largeur et tracs des divers genres d'allées.Les allées d'un parc destinées au passage desvoitures portent le caractère des routes ordinairesdont elles ont la largeur et la solidité ;quand elles ne sont pas en ligne droite ou presquedroite, elles n'admettent pas de détoursaussi multipliés que peuvent l'être ceux desallées destinées seulement aux prou' enades àpied ; ces détours seraient dangereux dans lesallées de ce genre, parce qu'ils ne permettraientpas aux piétons de voir venir d'assez loin dansune direction opposée, les cavaliers et les voitures,ce qui pourrait donner lieu à de déplorablesaccidents. Voici la largeur la plus convenablepour les divers genres d'allées :Chemins pour les voitures.... .. tS"' à s'Allée pour les piétons seulement.. 2,50 à 4Sentiers.... ............ ... 0,90 à 1,30Les sinuosités trop multipliées dans les alleessont fatigantes et n'offrent aucune beauté réelle;elles ne sont supportables que dans le tracé dessentiers étroits, qui serpentent ordinairement,soit entre des rochers, soit dans les parties lesmoins praticables du jardin paysager, où lesdifficultés du terrain justifient suffisamment lesdétours que font ces sortes de sentiers.Une allée de 300 mètres à un kilomètre dedéveloppement, à travers un vaste parc, a !menplus de grâce quand elle se déploie en une


896 HORTICULTURE. LIVRE VIII.courbe majestueuse prenant insensiblementson changement de direction, que quand elle estcompliquee d'un grand nombre de détours sansobjet; son effet pittoresque est plus agréableä la vue; il est aussi plus rationnel, plus Conformeau bon sens comme au bon goût , parconséquent plus satisfaisant pour l'intelligence. •Le tracé des allées d'un jardin paysager estplus que toute autre partie du dessin laissé aujugement et ä l'appreciation du dessinateur ;c'est h lui de diriger ses allées vers les objetsles plus variés, les plus agréables ä la vue , lesplus séduisants pour les promeneurs. Les lignesdes allées qui montent sur la pente d'un coteauou qui descendent vers un vallon sont moinsfaciles ä bien tracer que celles qui rencontrentsur leur parcours un terrain tout uni, parfaitementnivelé; c'est pour cela que des allées, fortbelles et fort gracieuses en apparence sur lepapier, font souvent un si mauvais effet sur leterrain; c'est que le papier est une surfaceplane, qui ne peut donner une idée exacte d'unterrain accidenté. On ne triomphe de ce genrede difficultés que par des essais, des tâtonnementsrépétés jusqu'à. ce qu'enfin on s'en tienneä un trace qui semble satisfaisant, qui donneaux allées dans leur passage ä travers les collineset les vallées la direction la plus gracieuse,la plus conforme ä la nature du terrain. Onaura égard, en traçant sur le terrain taute espèced'allées, ä trois points principaux qu'il estessentiel de ne pas perdre de vue : 10 préféreraux sinuosités non motivées des courbes pureset correctes; 2° ä chaque changement de directionlaisser distinctement voir la raison dudétour, et justifier sa nécessité; 3° motiverl'existence des principales allées par celle desobjets auxquels elles aboutissent.Les allées d'un jardin paysager sont des ouvragesd'art, qui doivent garder leur caractèresans jamais emprunter celui des sentiers irréguliers,tantôtlarges,tantötétroits aracés commeau hasard ä travers les bois , les champs et lesprairies. Quand leur tracé est bien arrêté , onle dessine des deux côtés sur le terrain . danstoute la longueur de chaque allée, par une petiterigole de quelques centimètres seulementde profondeur, dans laquelle on répand des <strong>semences</strong>de gazon mêlées de graines de trèfle.Dans la suite , la nécessité de tondre fort souventces gazons, jointe ä diverses autres causesaccidentelles, peut altérer les contours des alléeset y produire des déviations désagréables äla vue ; pour les prévenir, il suffit de planterquelques piquets peints de la couleur du sol ,et enfoncés presque jusqu'à fleur de terre ;de cette manière , ils ne sont pas assez apparentspour produire un effet disgracieux ,et ils remplissent le :tut qu'on s'etait proposéen permettant d'apercevoir et de rectifier surle-champtoute deformation du dessin primitifdes allées. On peut donner ces piquets unécartement de six ä dix mètres , le long desgrandes allées ; ils doivent être plus rapprochésles uns des autres quand les allées sont étroiteset qu'elles font de fréquents détours.— ChenUns creux, allées creusesOn rencontre souvent dans les paysages naturelsdes sentiers ou chemins creux , dirigésä travers des rochers abrupts; quelquefois ilspassent sous la voûte d'une roche percée , soitnaturellement, soit de main d'homme ; ces sentiersdoivent être ménagés de telle sorte que,dissimulés par les accidents de terrain , ils nepermettent pas de distinguer comment un promeneur,vu ä quelque distance , a pu arriverjusqu'à un lieu qui mirait inaccessible. Ce sontde ces effets dont on doit profiter quand la ditposition des lieux s'y prête , mais que l'on abien rarement lieu d'imiter quand les élémentsn'en existent pas tout disposés d'avance.Les jardins paysagers peuvent au contrairerecevoir un embellissement qui n'est point änégliger, par la création artificielle d'un autregenre d'allées creuses. Ces chemins sont creusésdans des parties du terrain où il n'existepoint de rochers. Les deux pentes qui les enfermentsont couvertes de toute sorte d'arbusteset d'arbrisseaux ä tiges sarmenteuses , telsque des chèvrefeuilles et des clématites , auxquelsse joignent d'autres arbustes florifèresindigènes, l'aubépine, l'églantier, le prunellier,le cornouiller ; on leur associe une profusionde fleurs sauvages des champs et des prairies.Du milieu de cette masse de plantes et d'ai -bustes entrelacés les uns dans les autres, etqu'on laisse croître en toute liberté sans lestailler, s'élève de distance en distance, un prunier,un amandier , un cerisier. Quelquefoisaussi un érable sycomore, et quelque autre grandarbre forestier croit au milieu de ce fourré ; lapente du terrain ne lui permet pas de se formerun tronc perpendiculaire ; sa tige et sesbranches s'inclinent et semblent se balancergracieusement au-dessus du chemin creux.Les allées creuses ont un genre de beautéqui leur est propre; elles ont un caractère contemplatifet solitaire , qui invite aux épanchementset aux confidences de l'amitié; ce caractèretient ä ce que les pentes qui les dominentcachent ä rceil tout le paysage environnant; cesallées doivent aboutir, s'il est possible , ä unpoint d'où la vue peut s'étendre au loin sur unpaysage qu'on avait ä dessein évité de laissersoupçonner au promeneur, avant qu'il fût sortide l'allée creuse. Ces allées pleines de charmessont de celles dont on ne s'éloigne jamais sansse promettre d'y revenir. Nous recommandonsau jardinier de.couvrir leurs deux pentes opposéesde plantes et d'arbustes aussi variés quepossible , en calculant toutefois leur distanced'après la force relative de leur végétation , etles dimensions que chacun d'eux , selon sa nature, doit atteindre dans la suite, afin que lesplus petits et les plus délicats ne périssent pointétouffés par !es plus vigoureux .Quand l'allée creuse se prolonge suffisamment, les pentes latérales ne sont pas garnies


TITRE y. JARDINS PAYSAGERS. 397sur toute leur étendue d'un fourré semblablede plantes et d'arbustes divers ; de distance endistance, les arbustes font place à des groupesde grands arbres à tiges élancées, dont les têtesse confondent à une grande hauteur au-dessusde l'zllée ; les rayons du soleil glissant à traversle feuillage et entre les branches de cesgrands arbres, versent des flots d'une lumièrevive et dorée sur les touffes d'arbustes, ce quidouble leur effet pittoresque aux yeux du promeneursolitaire.Les , pentes latérales des allées creuses nesauraient avoir une inclinaison de plus de quarante-cinqdegrés; c'est un maximum qu'ellesne doivent pas dépasser si l'on ne veut qu'ellessoient dégradées a tout moment par de fréquentséboulements.Les indications qui précèdent s'appliquentseulement aux allées creusées de main d hommesur un sol naturellement dépourvu d'élévationset de dépressions, allées où par conséquent toutest artificiel.D'autres allées creuses se rencontrent plusfréquemment dans les jardins paysagers, avecun caractère romantique dû entierement à lanature. Deux pentes naturelles peu distantesl'une de l'autre, gracieusement inclinées et arrondies,couvertes d'un gazon fin et frais, ombragéesde groupes de grands arbres formantune sorte de bosquet transparent qui laisseentrevoir ou deviner la suite du paysage, sontséparées par une sorte d'enfoncement qui, sansavoir les caractères abrupts d'un ravin , en acependant à peu près la situation. C'est là quel'artiste sait faire serpenter une allée, ou, suivantl'espace, un simple sentier, qui devientl'une des parties de toute sa composition lesplus fréquentées des promeneurs, surtout si lapente en est ménagee de manière à pouvoirêtre gravie sans trop de fatigue.On doit recommander comme une règle applicableà toute sorte d'allées dans tous lesgenres de jardins paysagers , de ne pas multiplierà l'excès les allees ni les sentiers; quandun trop grand nombre d'allées coupe trop fréqueirunentles massifs d'arbres et les bosquets,elles 'font paraître les plantations maigres etmorcelées ; elles en diminuent par conséquentl'effet pittoresque.C'est principalement par la distribution desallées qu'il est possible, comme nous l'avons dit,de grandir en apparence un terrain de peu d'étendueconsacré a un jardin paysager, en dissimulantavec soin les clôtures qui ne doiventtre aperçues d'aucun point, d'aucune des allées,grandes ou petites; les allées ne doivent,par conséquent, aboutir ni les unes ni les autresaux limites du jardin, et celles qui conduisentaux portes n'y doivent arriver que par un détour,afin que la porte ne soit aperçue qued'une petite distance; tout ce qui tend à la fairesoupçonner détruit toute illusion à l'égard del'étendue réelle du jardin paysager.Si du côte du jardin regne un coteau quin'en fait pas partie, et que, comme il arrivepresque toujours, un sentier serpentant ;urla, pente de ce coteau se voie distinctementde l'intérieur du jardin, on peut, sans en dérangeren rien l'ordonnance, dessiner une ouplusieurs des principales allées, de telle sortequ'en vertu des lois de la perspective, ellessemblent devoir, derrière un massif d'arbreset d'arbustes rendu à dessein impénétrable à lavue, rejoindre le sentier comme s'il en était lacontinuation; cet artifice très naturel, lorsqu'ilest employé avec goût, aide puissammenta l'illusion. Nous pourrions citer un grand nombrede parcs en Belgique dans lesquels unmoulin, une maisonnette gracieuse, une chapelle isolée, situés hors de l'enceinte du jardinpaysager, s'y rattachent si naturellementen apparence, uniquement par la distributiondes allées combinées avec les sentiers découvertsau dehors, qu'il faut aller se heurtercontre une haie ou contre un mur de clôturepour se persuader que ces objets extérieurs nefont pas partie intégrante du jardin Paysager.Lorsque le jardin paysager est en lui-mêmeassez étendu pour qu'il ne soit pas nécessairede recourir aux moyens artificiels de le faireparaître plus grand, il est bon de faire en sortequ'à travers les intervalles entre les massifs etles plantations, une allée fréquentée soit visibled'une autre allée à quelque distance ; les promeneurs,tantôt cachés, tantôt découverts,animent le paysage. Cette disposition seraitblâmable dans un jardin trop peu étendu, parceque, dans ce cas, les personnages étant vus detrop près, leur taille bien connue servirait depoint de comparaison, et rendrait plus saillantencore le défaut de grandeur et d'espacedans l'ensemble de la composition.Une allée qui gravit la pente d'un coteaupar des sinuosités calculées pour en adoucirla roideur, est surtout agréable, lorsqu'à mesurequ'on la parcourt on découvre, en approchantdu sommet du coteau, une partie d'un;beau paysage dont la vue inspire nécessairementle désir de voir le reste. Quelquefois lapente trop rapide ne peut être suffisammentadoucie que par des allees en zigzag, avec desangles très multipliés; on peut aussi, dansquelques passages, recourir a des marchesd'escalier, soit en pierre, soit en bois de chêne.Dans ce cas, chacune de ces marches n'aura pasune hauteur de plus de 0 n,15 ; une distance deO' ,40 à Om,60 entre chaque marche doit êtresuffisante. Le point de rencontre de deux alléesne doit former ni un angle droit, ni à plusforte raison un angle obtus; leurs lignes sejoindront avec beaucoup plus de grâce si ense rencontrant elles ne forment qu'un angleplus ou moins aigu.5 III. — Méthode de M. Von Sckell.Nous devons ici faire connaître à nos lecteursla méthode employée par M. Von Sckellpour tracer sur le terrain les allées des jardinspaysagers. Avant de dessiner leurs contours ;par des lignes de piquets, conformément au


TITRE V. JARDINS PA YSA GERS. 399les venues se suivent sans interruption, et queles charretiers ne perdent pas de temps ä attendretes chargements ; il importe aussi de ré-Œler les transports de façon ä rendre les trajetsa parcourir aussi courts que possible ; car ilarrive assez souvent que, faute de surveillance,des terres qu'on pouvait employer très près dulieu d'où on les avait enlevées, sont inutilementtransportées au loin ; c'est du temps etde l'argent dépensés en pure perte.5 Ier . — Collines artificielles.Les collines rompent l'Uniformité du sol ;elles donnent de la variété et du charme aupaysage ; lorsque leurs formes sont gracieuses,elles empruntent un attrait particulier de leursituation sur la lisière d'un bois ou bien enavant d'un bois ä quelque distance ; les niassesdu feuillage servent dans ce cas ä faire ressortiravec avantage les contours de la colline. Onéprouve toujours du plaisir ä gravir une collinedont le sommet promet un riche point devtfe ; une construction ornée quand elle occupele sommet d'une colline, produit plus d'effetquant ä la decoration du paysage que lorsqu'elleest placée sur un terrain peu élevé.Il ne suffit pas qu'une colline élevée de maind'homme réunisse les conditions de forme et desituation qui répondent le mieux au but qu'ons'est proposé en l'élevant ; il faut encore, etc'est la le plus difficile, que sa place soit si bienchoisie qu'il semble qu'une colline en cet endroita dû nécessairement être l'ouvrage de lanature. Le sentiment du vrai et du beau est ,on doit en convenir , la plus sûre des règles äcet égard; on peut cependant être guide parquelques considérations qu'il n'est pas inutilede faire connaitre .Il est impossible qu'une colline artificiellesoit prise pour un ouvrage de la nature dansune vaste plaine uniforme, au milieu d'un cantonoù la nature n'a créé aucune élévation. Sicependant on juge ä propos d'élever sur un terrainuni une colline artificielle , on la placera,non pas au centre, mais vers l'une de ses extrémités; d'autres monticules de grandeur inégale,et de simples ondulations de terrain, servirontä mettre cette élévation en harmonieavec le paysage environnant ; elles lui donnerontune apparence naturelle que ne pourraitavoir dans une situation semblable une collineisolée. Les dimensions de tous ces mouvementsartificiels d'un sol qui manque naturellernentde mouvement, doivent être calculées d'aprèsl'étendue totale du paysage.La création d'une colline artificielle rencontredans l'exécution un obstacle difficile ä vaincre; ce n'est pas une de ces opérations quepuisse accomplir lui. même celui qui en a leplan dans la tête ; il faut qu'il fasse agir desbras souvent inintelligents, et il sait d'avanceque pas un de ceux dont il est forcé de se servirn'est accessible au sentiment des beautésnaturelles (Pun paysage, et ne sait distinguerun pfi de terrain d'un effet pittoresque, d'uneligne dépourvue de gräce et de naturel. Cet obstacleserait presque nul s'il était possible dedonner aux ouvriers un plan auquel ils auraientä se conformer; presque tous les ouvriersterrassiers ont l'intelligence d'un plan .et savent le mettre ä exécution. Mais pour unecolline ä élever de main d'homme, cette ressourcemanque ; le plan ne peut indiquer pardes lignes des formes en relief ; un mät éleveau point central marque la hauteur que doiventatteindre les remblais ; .quant au reste,c'est ä l'auteur du plan ä en assurer le succèspar une surveillance continuelle ; il ne perdradonc point de vue ses ouvriers, et dirigera luimêmetous les travaux de terrassement.Avant de façonner les surfaces d'une collineartificielle, et de leur donner les formes lesplus agréables conformément ä leur situationet ä l'effet qu'on en espère, on considère dediverses distances la masse des terres rapportées, afin de faire recharger ou rabaisser lesparties qui sembleraient en avoir besoin; il estbon aussi de laisser reposer quelque tempscette masse afin que le tassement s'opère avantde donner ä la colline artificielle les façons extérieures, plantations, tracé des allées et dessentiers , constructions ou autres ornementsque le tassement des terres pourrait dérangerplus,tard , s'il n'avait eu lieu d'avance. Un templeou toute autre construction élevée sur unecolline artificielle doit avoir des fondations trèssolides, ä une grande profondeur dans le sol, sil'on ne veut s'exposer ä le voir s'écrouler d'unmoment ä l'autre.„ — Vallons artificiels.Il est inutile d'insister sur le charme des valléesnaturelles ombragées d'arbres touffus, tapisséesd'un gazon émaillé de fleurs, et traverséespar le cours sinueux d'une rivière ou d'unruisseau; les jardins paysagers leur doivent ,comme on sait, leur attrait principal, et il estpresque indispensable de créer des vallons artificielslorsqu'on doit composer un jardin pay-,sager sur un sol auquel manque ce genre d'ornementnaturel.L'opération du creusement d'un vallon artificieldoit être menée rapidement ; il ne fautpas perrnettre que les ouvriers attaquent lesterrassements sur plusieurs points et commeau hasard, il pourrait arriver aisément dans cecas que le sol se trouverait en certains endroitscreusé trop profondétnent . La meilleure manièrede creuser un vallon artificiel, c'est d'attaquerle creusement par des tranchées transversales, ouvertes dans le sens de la largeur duvallon; par ce moyen on a toujours devant lesyeux une ligne ooncave dont les moindres irrégularitéssont faciles ä apercevoir; on est eoutre guidé par la coupe du terrain non encoreattaqué, qui prévient toute erreur sur la profondeurdu creusement. La terre des déblais estrejetée sur les côtés , de façon ä prolonger lestentes du vallon artificiel ; il en résulte uneprofondeur double de celle du creusement .


400 HORT1C ULTUR E.profondeur qui dm, avoir eté calculée en conséquenceet non pas comme si , après l'enlèvementdes terres, le sol environnant devaitconserver son niveau primitif.Une forme compassée et régulière est un défautqui dans un vallon creusé de main d'hommedécèle aussitôt son origine , et s'opposeabsolument ä ce qu'il puisse passer pour l'ouvragede la nature qui varie ä l'infini les formesdes vallées et les sinuosités des lignes de hauteursdont elles sont environnées.Lorsque le sol est naturellement humide etmarécageux, ce qui rend tout creusement impossible,les vallons artificiels deviennent beaucoupplus dispendieux , parce qu'ils doiventétre formés en entier de terres rapportées prisessouvent ä une assez grande distance. Dansce cas, la terre entassée sur le sol non remuéforme une ligne qu'il faut dissimuler avec soin,car lorsqu'elle reste visible, cette ligne est unindice frappant de l'origine artificielle du vallon, et toute illusion ä cet égard cesse d'êtrepossible; des plantations et des pièces de gazonartistement disposées, masquent très bien ceslignes qu'il importe de ne laisser apercevoirsur aucun point.Nous devons insister sur la necessité de rompre,par quelques mouvements artificiels deterrain, l'uniformité monotone d'une surfacetoute unie, réellement intolérable dans un jardinpaysager, quelle que soit son étendue; qu'on nesuppose pas qu'il en résulte toujours nécessairementd'énormes déplacements de terres quine peuvent avoir lieu sans des frais exorbitants; il suffit souvent d'une ondulation dontla profondeur totale est de moins d'un mètre,pour produire l'effet désiré ; une trentaine detombereaux de terre remuée suffisent pour cela ;inais il faut que ces déplacements soient opérésavec discernement, avec goût, lä où ils concourentavec le plus de puissance ä détruire l'uniformitéde la surface, privée de plis et d'accidentsde terrain.Nous ferons remarquer ici,_comme un pointtrès important, la nécessité de faire ressortir,avant de songer ä lui créer des formes nouvelles,tout ce que pouvait avoir de pittoresquela forme ancienne et primitive du terrain surlequel on opère. Par exemple, une pente adoucieet gracieuse dans l'origine a été dégradéeet défoncée par des éboulements, ou par lesravages des débordements d'une rivière ; avantde creer des collines artificielles par de dispendieuxremblais, reconstruisez cette pentenaturelle par l'imagination ; figurez-vous sonétat primitif, et rétablissez-le tel qu'il étaitavant les dégradations qui l'ont rendu méconnaissable. C'est en faisant disparaître ainsi lestraces de destruction provenant de causes violenteset accidentelles qu'on peut souvent rétablirl'harmonie dans les diverses parties dupaysage naturel, sans recourir ä de nouvellescréations ; c'est un grand art, en toute chose,que celui de savoir ne rien perdre des ressourasque nous offre libéralement la nature.LIVRE VIII.Il est souvent utile de sacrifier un ornementnaturel, quelle que soit sa valeur pittoresque,lorsqu'il détruit par sa présence dans un lieuquelconque un autre effet pittoresque d'uneplus grande valeur. Ainsi la colline naturelle laplus gracieuse, le rocher aux formes les mieuxadaptées ä l'ornement du paysage environnant,seront abaissés ou même supprimés complélement,s'ils masquent par leur position une chuted'eau ou quelque grand effet de paysage dontla perte ne pourrait être corn,pensee par la conservationdes objets sacrifiés. Nous en disonsautant de toute espèce de colline ou d'élévationnaturelle; il faut, avant d'en arrêter la conservation, s'assurer, quel que soit leur charmeindividuel, s'il n'y a pas plus ä perdre qu'à gagnerä les maintenir,et s'il n'y a derrière ellesrien qui soit plus digne et plus capable de concourirä la décoration du jardin paysager.La présence d'un marais dans un jardinpaysager ne peut être supportée ; un ruisseaudécrivant de nombreux meandres en fera écoulerles eaux stagnantes; les terres égouttées doiventêtre ensuite rechargées des terres rapportéessous lesquelles disparaît toute trace dumarécage primitif.Lorsqu'il s'agit de créer une grande compositionpittoresque sur un sol généralementstérile et pauvre, où les plantations auraientpeu de chances de succès, on peut, après examenfait des points les plus fertiles du sol, yprendre la bonne terre qui s'y rencontre, et enrecharger les parties du jardin qu'il est indispensablede garnir de bosquets et de plantations.Il m'est arrivé souvent, dit M. Von Sekell ,de me décider ä creûser un lac ou une valléeartificielle, uniquement par le besoin de rechargercertaines parties du terrain avec de laterre fertile que je ne savais où me procurerpar tout autre moyen, et faute de laquelle ilaurait fallu renoncer ä la création d'un jardinpaysager. On ne doit recourir ä cet expédientqu autant que la nature et la disposition dupaysage environnant peuvent s'y prêter ; maislorsqu'il réussit, on y gagne non - seulementsous le rapport de l'effet pittoresque du lac oudu vallon artificiellement creusés, mais aussisous le rapport non moins essentiel de la vigueurde la végétation sur les points peu fertilesde la composition; car rien n'est plustriste dans un jardin paysager que l'aspect deces bosquels d'arbres souffrants dont la végétationmisérable accuse un soi impropre ä leurnourriture, sur lequel ils ne peuvent que languirquelee temps, et périr avant d'avoir atteintla moitié de leur croissance.§ III. — Creusement des lacs et pièces d'eau.Nous avons dit combien Peau est indispensablepour donner la vie au paysage ; le refletdans le miroir liquide d'un lac des objets environnants,diversement éclairés aux différentesheures du jour, est un des effets lesplus pittoresques et les plus agréables de tousceux que le jardin paysager peut offrir aux re-


TITRE V. JARDIN FRUITIER. 40igards des promeneurs. Sous un autre point devue, quoi de plus agréable pendant une bellejournee d'été, qu'une promenade en bateau surun lac parsemé d'îles, où des musiciens cachéspar des massifs d'arbustes font retentir l'aird'une harmonieuse symphonie? L'hiver luimêmequi détruit le charme de toutes les autresparties du jardin paysager, donne au lac unattrait d'un autre genre, quand la glace formeà la surface un solide cristal sur lequel les patineursaiment à déployer leur adresse.L'emplacement de la pièce d'eau artificielledoit être choisi dans la partie la plus basse duterrain, assez loin de l'habitation pour qu'onn'y soit point indisposé par l'humidité et lesbrouillards. Toutefois, on ne doit pas négligerde profiter d'une dépression de terrain située àmi-côte, lorsqu'il s'en rencontre une de grandeursuffisante, et qu'il y a moyen d'y conduirel'eau sans trop de difficulté; le dégorgeoir dela pièce d'eau donne lieu, dans cette situation,a une cascade qui semble tout-à-fait naturelle,et dont on peut obtenir des effets très pittoresques.Quelle que soit l'étendue d'une pièce d'eau etsa situation, elle ne sera jamais assez profondémentcreusée pour présenter aucun dangerréel dans le cas du naufrage d'une nacelle chargéede promeneurs, ou de la rupture de la glacesous les pieds des patineurs imprudents. Par lamême raison, ses bords ne presenteront nullepart une pente abrupte; ils seront creusés àfond de cuve, la plus grande profondeur aucentre, de telle sorte qu'un enfant même, venantà y tomber par accident, en puisse être facilementretiré.L'opération du creusement se conduit d'aprèsles mêmes principes que celle du creusementd'un vallon artificiel, c'est-à-dire par bandestransversales; pour faciliter le travail, on doittoujours commencer par déblayer un espacesuffisant pour que les tombereaux puissent tourneret circuler sans obstacle.Lorsqu'une pièce d'eau d'une grande étendueest creusée dans un bon terrain et qu'elle estalimentée par l'eau vive d'un ruisseau couvertsur ses deux rives de plantes aquatiques, il arriveassez souvent que ces plantes s'y multiplientavec excès; alors, la surface de l'eaudissimulée sous leur feuillage exubérant, n'offreplus que l'apparence d'un marais. C'est un inconvenientsérieux, car il détruit en grandepartie l'effet pittoresque du lac artificiel; on nepeut y remédier qu'en ayant soin de vider lelac au moyen des écluses et de le remplir ensuiteassez souvent pour troubler la végétationdes plantes aquatiques, afin qu'elles n'aient pasle temps de s'y multiplier. Sur un bassin de peud'étendue, un ou deux couples de cygnes quivont avec leur long col chercher au fond del'eau les jeunes plantes à mesure qu'elles poussent,suffisent pour entretenir l'eau constammentnette de plantes sauvages aquatiques.1101r7CULTUl[.SECTION V. — Emploi des arbres d'ornementdans le jardin paysager.f ter. — Distribution naturelle des arbres.Avant de rechercher la distribution la plusavantageuse dans les diverses parties du jardinpaysager, des espèces nombreuses d'arbresd'ornement qui supportent la pleine terreen hiver sous le climat des contrées tempéréesde l'Europe, jetons un coup d'oeil sur cette distributiondans la nature, et sur les causes quila déterminent, sans l'intervention du travailde l'homme.La nature a paré la surface du globe d'unluxe de végétation si riche et si varié qu'il n'y apas de partie du jardin paysager, quelle que soitla nature du sol sur lequel on opère, qui nepuisse être plantée conformément à des exemplesde terrains analogues, pris dans la nature inculte.Souvent elle se plaît à couvrir les flancsdes montagnes par des rideaux de forêts dontl'oeil ne peut sonder la sombre profondeur;ailleurs, ce sont seulement les sommets, lescrêtes des élévations, qu'elle couronne de groupesd'arbres aux formes hardies et élancées, quisolidement accrochés aux interstices des rochersdéfient les efforts de l'ouragan; plus loin,ce sont des groupes d'arbres, ou des arbres isolésqui servent comme de décoration à la toiledu fond d'un vaste paysage, tandis que sur lepremier plan, des saules et d'autres arbres auxtiges minces et souples, ornent le bord des eauxvives serpentant dans la vallée.La nature prodiguesur les pentes des rochersle lierre et la clématite; elle a pour décorer leurscrevasses les berberis et tous les arbustes sicommuns dans le midi qui n'ont besoin que detrès peu de terre pour végéter. Les pins et l'innombrablefamille des conifères décorent naturellementles hauteurs inaccesibles et les rochersabruptes au bord des précipices; le platane, lebouleau, le sorbier, parent de leur verdure lesterrains ingrats et bravent les plus longues sécheresses.Mais la nature ne fait point de plantation; elle ne multiplie les végetaux que parleur semence dispersée par toutes sortes decauses accidentelles; c'est pour cette raison quedes cantons fort étendus se trouvent occupéspar une seule espèce, ou, comme on le dit vulgairement,par une seule essence d'arbres forestiers;il se trouve ainsi d'immenses forêts exclusivementcomposées les unes de chêne, lesautres de frênes, de hêtres, de charmes, debouleaux ou de pins, sans mélange avec desarbres appartenant a d'autres espèces. Chacunede ces especes finit par s'emparer exclusivementde tous les terrains particulièrement favorablesà sa végétation et par étouffer tous ceux quivoudraient lui disputer la place. En parcourantl'intérieur des antiques forêts où la main del'homme n'a point pénétré, on rencontre çà etlà des espaces où l'essence dominante est remplacéepar une autre qui forme ordinairementavec elle le plus agreable contraste. St l'unT. V. —st


TITRE V,la raideur de Ieur rameaux à angles droits avecle tronc, et ne deviennent réellement pittoresques,qu'à un âge très-avancé; les cèdresqui seraient aussi fort pittoresques. croissentas ec une lenteur si désespérante, que lorsqu'onen plante il faut avoir en vue l'agrément qu'ilspourront procurer à nos petits-fils. C'est le casde dire avec La Fontaine.Mes arrière-neveux me devront cet ombrage.Ces inconvénients sont nuls quand on plantedes arbres appartenant à d'autres familles : lalargeur et la variété de leurs feuilles rend leureffet pittoresque tellemen t supérieur à celuidesconifères, que le peintre de paysage, lorsqu'il ale choix, ne reproduit jamais de préférence sursa toile des arbres de cette dernière famille. Leseul avantage réel des arbres conifères consistedans la persistance de leur feuillage qui semaintient épais et verdoyant alors que les arbresà feuilles caduques sont entièrement dépouillés.S'il ne faut pas prodiguer les arbres à feuillespersistantes de la famille des conifères, on peut,par compensation, user largement des ressourcesque présenten t les arbres toujours vertsappartenant à d'autres familles; il est vrai quesous les climats tempérés et septentrionaux, lenombre de ces arbres capables de résister auxhivers est très-limité; ceux même qui les supportentpassent, comme le laurier, du rangd'arbres à celui d'arbustes (voir Arbustes d'ornements,page 330).Les conifères et les autres arbres à teuillespersistantes font un très-bon effet lorsque plantéspar groupes de cinq, dix ou quinze arbresde même espèce, leurs niasses sombres ont derrièreelles peurles faire ressortir les masses d'unvert clair d'un bois ou d'un bosquet d'arbres àfeuilles caduques.Les arbres qui s'associent le mieux entre euxJARDIN PAYSAGER. 403Fig. 519.sont ceux dout le feuillage offre le plus d'analogie;ainsi le robinier (faux acacia), le frêne,le vernis du Japon ( ailanthus glandulosa ), lesorbier, le sumac et les gleditzia , joignant lavariété de taille et de nuance à l'analogie desformes, puisque tous sont doués de feuilles pinnées,composent parleur réunion des groupesfortharmonieusementassortis.lien est de mêmedu cytise (faux ébénier) rapproché du ptéléa,l'un et l'autre à feuilles trifoliées; le hêtre, lecharme, l'orme et le bouleau vont aussi fortbien à proximité les uns des autres, par lamême raison. Cette loi d'analogie convient auxgrandes masses, aux vastes plantations quel'oeil saisit au premier aspect, en embrassantd'un regard l'ensemble d'un jardin paysager.Le contraste entre les formes est au contraire,par exception, d'un effet très-pittoresque dansles situations analogues à celles où la nature seplaît quelquefois à grouper une grande variétéd'arbres et d'arbustes divers, dans un très-petitespace, comme au fond d'un vallon bienabrité, au pied d'un rocher exposé au sudouest,où il semble que les eaux pluviales, lesvents et les oiseaux aient apporté de tous côtésdes graines d'arbres et d'arbustes qu'on estétonné d'y rencontrer ensemble. Telles sont lesdonnées principales qui concernentl'empl oi desarbres dans la composition des jardins paysager:.Un bel arbre, dans toute la grandeur quecomporte sa nature, est une de ces merveillesde la création trop communes pour être admiréescomme elles le méritent.« L'arbre con sidéré en lui-même, dit M. London,est la plus noble des créatures inanimées;il réunit tous les genres de beautés, depuis l'effetimposant de ses masses, jusqu'aux beautésde détail de ses feuilles élégantes; c'est l'alliancede la majestueuse unité et de la variétéillimitée, essence de la beauté relative. »La fig. 519 montre comment l'aspect d'uneconstruction insignifiante en elle-même, peutacquérir une valeur pittoresque, lorsque des arbresgroupés avec art en font valoir le dessin.Le bâtiment représenté n'est qu'une habitationde jardinier ou de garde-chasse, d'une grandesimplicité: vue à travers des massifs d'arbresqui lui donnent du relief, elle devient de diverspoints d'un jardin paysager un agréable pointde vue.S III. — Plantations.La belle végétation des arbres et leur rapide


404 HORTICULTURE. LIVRE VIIIcroissance sont des objets tellement importantspour la beauté du jardin paysager que nouscroyons utile d'entrer dans quelques détails sur..es soins et les précautions qui peuvent en assurerle succès. Une partie seulement de ce quenous avons dit de la manière de planter les arbresfruitiers s'applique aux arbres d'ornementqui végètent dans des conditions entièrementdifférentes de celles des arbres fruitiers.- ..dge et force des sujets.La plupart des propriétairesen France croientgagner du temps en plantant de très gros arbres,ayant passé plusieurs années dans la pépinière ;il est certain que ces sujets déjà forts peuventreprendre dans un bon terrain , sous l'empirede conditions particulièrement favorables, etdonner de l'ombrage quelques années plus tôtque des arbres plantés beaucoup plus jeunes.Les promenades de Paris en offrent deux exemplesfrappants, l'un au boulevard Bourdon, lelong du grenier de réserve, l'autre au Jardindu Luxembourg, dans la grande allée de l' Observatoire. Les tilleuls du boulevard Bourdon,plantés vers 1807, avaient peu profité lorsqu'en1814 ils servirent de piquets aux chevaux desCosaques bivouaqués sur ce boulevard; ils eurenttous leur écorce plus ou moins endommagée; plusieurs périrent ; ceux qui survécurent,ayant plus ou moins souffert, ne sont pas devenus,a peu d'exceptions près, ce que doit êtreune plantation de tilleuls dans des conditionsordinaires dans le même espace de ternps ; cestilleuls n'ont jaimis été taillés.Les marronniers de l'allée de l'Observatoireont été plantés ä peu près la même époque.Nous nous souvenons des propos des oisifs témoinsde cette plantation ; c'était ä qui prédiraitla mort prochaine de ces arbres qui nesemblaient pas avoir moins de 10 ä 12 ans; peutêtreétaient-ils plus âgés , au moment où ils furentmis en place; leur tête avait été légèrementéclaircie, mais non taillée. Ils languirentlongtemps ; ils n'ont jamais eu le feuillage aussidéveloppé que ceux du reste du jardin ; ils ontformé une multitude de petites branches et peude rameaux vigoureux ; néanmoins, ils ont louesurvécu, et dans leur état actuel, ils offrentune égalité de végétation très remarquable; ilsn'ont pas atteint des proportions en rapportec leur âge ; ils montrent déjà une dispositionévidente se couronner, et ne semblent pasdestinés ä vivre l'âge ordinaire des arbres deleur espèce.Nous avons cité ces deux exemples parcequ'ils nous semblent concluants, le dernier surtout; l'arbre souffre toujours d'être planté äun âge trop avancé; il peut reprendre, et il reprendpresque toujours dans des conditions favorablesde sol et d'exposition; il atteint difficilementla taille que doivent avoir les arbresde son espèce; il ne vit jamais ni aussi bien. niaussi longtemps que les arbres plantés plusjeunes.i appui de notre opinion sur ce point es-sentie!, nous pouvons citer celle des auteursanglais, dont la compétence ne peut être contestéeen pareille matière ; nous donnerons plusbas le résumé de leurs usages relativement äl'âge des sujets de toute espèce pour la plantationdes jardins paysagers. Notons ä ce sujetque tous les auteurs anglais qui traitent desplantations les considèrent ä la fois sous lepoint de vue de l'agrément et de l'utilité. Toutarbre qu'on plante doit en effet être abattuun jour, et jusqu'à ce qu'il le soit, ses formesn'en seront pas moins pittoresques parcequ'en le plantant on aura eu égard eux circonstancesqui peuvent contribuer ä lui donnerle plus de valeur possible à l'époque oùdevra être abattu. La nature du sol et l'espècedes arbres ä planter, sont les deux points principauxqui déterminent l'âge qu'ils doiventavoir pour être plantés avec le plus de chancesde succès.Les arbres résineux, à feuilles persistantes,de la famille des conifères, reprennent mal, oumême ne reprennent pas du tout, lorsqu'on lesplante l'âge de plus de 4 ans. Ils peuvent reprendreä 4 ans dans un sol passable, bien préparépar un défoncement donné en éte , pourvuque leur tronc n'ait pas pris trop de grosseur,car s'il dépasse 0111.03 ou Om,04 de diamètre,l'arbre résineux, n'eut-il que trois ans, ne reprendrapresque jamais.Les arbres conifères âgés de quatre ans ethauts seulement de 0,m 40 ä 0,m 50, plantésen même temps que d'autres arbres de mêmeespèce âgés de six ä sept ans, hauts de 2111 . 50ä 3 mètres, les dépasseront dans l'espace aesix sept ans, et les laisseront loin derrière euxpour la taille et la grosseur, pendant tout lereste de leur croissance. Les propriétaires quicréent des jardins paysagers répugnent en généralä former leurs massifs d'arbres conifèrespar la voie des semis; ce procédé est cependantä tous égards le plus sûr et le meilleur;jamais un pin transplanté ne vaudra celui quigrandit ä la place où son pivot s'est formé sansêtre dérangé. On objecte la perte de temps, etc'est en effet une raison plausible; niais lagraine d'arbres résineux coûte si peu, qu'il seraitfacile, sans accroitre la dépense, de combinerles deux procédés, en plantant pour lescouvrir immédiatement les terrains ensemencésen arbres conifères, sauf ä supprimer plus tardles arbres languissants de la plantation, quandils seraient dépassés par les arbres vigoureuxobtenus de semence.Un grand nombre d'espèces résineuses ouautres donnent , par les semis, du plant bon aêtre mis en place au bout de deux ans. Le mileze, s'il a reçu les soins convenables en pépinière , est assez fort pour être planté ä cet âge.Si le sol de la pepiniere est de très bonne qualité,le plant pourra même être aussi bon a hfin du second été que s'il avait passé dans lapépinière ses deux années complètes.Le frêne, l'orme et le sycomore n'ont pas be-!,oin de plus d'une année de pepiniere , il leur


TITRE y. JARDIN PAYSAGER. 405faut tout au plus detx ans, quand le plant nesemble pas très vigoureux.Le hêtre, le chêne et le châtaignier, si leurplant a été repiqué à un an dans un sol richeet profond, et qu'ils aient ensuite passé deuxans en pépinière, sont bons à être mis en place.Les principales espèces d'arbres à feuilles caduquessont dans le même cas.Plus le sol est riche, plus il donne de chancesde succès aux plantations d'arbres cultivésen pépinière assez longtemps pour y devenirgrands et forts.B. — Epoque des plantations.Les arbres d'ornement se plantent commeles arbres fruitiers, soit au printemps, soit enautomne. Les plantations de printemps réussissentbien quand le sol est bon, et que lessujets sont vigoureux ; les plantations d'automneont plus de chances de succès quand laterre est médiocre ou décidément mauvaise, etque les sujets n'ont pas une très grande vigueur.Mais la nécessité d'obéir aux circonstances,décide bien plus souvent qu'une volontéraisonnée, du moment où s'exécute uneplantation; elle peut être faite entre la fin d'octobreet le commencement d'avril, en choisissantun temps couvert, mais doux et sanspluie. Quand les plantations couvrent unegrande étendue de terrain, elles ne doivent pasêtre faites toutes à la fois sur les parties duterrain de nature diverse; on plante en décembreou janvier dans les terrains les plus légerset les plus secs; on ne plante qu'en février oumars dans les terres les plus fortes, sujettes àretenir l'eau; nous devons dire cependant queles praticiens les plus expérimentés préparentleur terrain en décembre, et plantent les arbresd'ornement au printemps; nous sommesentièrement de leur avis; une plantation d'automnepeut réussir sans doute , et c'est ce quia lieu quelquefois; une plantation de printempsréussit toujours. Les conifères se plantent avecavantage quand le printemps est déjà assezavancé, du 15 au 30 avril ; il ne faut les laisserhors de terre que le temps indispensable à l'opération;on risque de perdre tout le plant quin'est pas mis en place dans la journée où il aété arraché. Quand le sol est tres sec et sablonneux,le plant conserve très peu de terre à sesracines; dans tous les cas, il faut éviter soigneusementd'en détacher la terre qui peut yadhérer; plus les conifères emportent avecelles de leur terre natale attachée à leurs racines,plus la plantation a de chances de succès.C. — Diverses maniéres de planter.Deux personnes sont ordinairement employéesà planter; l'une maintient l'arbre dansla position qu'il doit avoir, pendant que l'autrecomble le trou, et comprime la terre avec lepied, autour du collet des racines. L'emploi dedeux ouvriers est indispensable quand on plantedes sujets ayant hors de terre un mètre ou audelà;peur les arbres plus petits, un seul ou-vrier peut faire toute l'opération. Pour les arbresdélicats qui exigent des soins particuliers,on prend quelques précautions qui ne doiventjamais être négligées; telle est surtout celle deremuer à la bêche la terre déposée sur le borddes trous, et de la retourner comme du mortier,avant d'en remplir les trous. Telle est encorela coutume de plonger les racines des arbresdans une bouillie liquide formée de bonneterre mêlée de bouse de vache délayée dansl'eau.Nous rappelons ici la recommandation quenous avons cru devoir faire, contrairement àla coutume généralement pratiquée de ne pasremuer le sous-sol lorsqu'il est de nature a retenirl'eau, et de ne défoncer qu'à une profondeurbornée à l'épaisseur de la couche à la foispénétrable et saine; par le même motif, les Anglaissont unanimes pour blâmer les trous auxquelson donne trop de profondeur, pour laplantation des arbres d'ornement comme pourcelle des arbres fruitiers.Nous devons faire connaitre la méthode expéditivesuivie en Écosse pour les grandes plantations;partout où le sol est de bonne nature,reposant sur un sous-sol qu'il vaut mieux nepas entamer, on peut trouver beaucoup d'avantagesà se servir de la méthode écossaisepour planter rapidement de grandes surfacesdans les jardins paysagers d'une grande étendue.On donne d abord à l'ensemble du terrainun défoncement général à 001 , 40 ou 0'°, 50 deprofondeur; on laisse le sol se rasseoir pendantquelque temps, puis on marque la placedes arbres à planter. Alors un ouvrier arméd'une bêche flamande à lame très large et bientranchante, donne à la place destinée à chaquearbre trois coups bien perpendiculaires, qui secroisent comme le représentent les lignes de lafig . 520, de manière a figurer une étoile, etFig. 520.qui pénètrent dans le sol de toute la longueurdu fer de bêche. Cela fait, l'ouvrier donne unquatrième coup qui coupe à angle droit l'unedes fentes précédentes, précisément au pointoù l'arbre dpit être planté, en A, fig . 520. Avantde retirer la bêche de terre, il attire le manchevers lui, ce qui produit un écartement suffisantpour y introduire les racines du jeune arbre ;mais en même temps que la terre s'écarte aupoint A, les autres fentes produites par leacoups de bêche croisés s'entr'ouvrent également; on y introduit les racines du jeune arbre;puis on retire la bêche, et les fentes se referment d'elles-mêmes. On recouvre ensuite leA


406 11 ORTICULTUPE . L1VhE VIII.terrain environnant avec des gazons retournésqui s'opposent ä l'action dessechante del'air et maintiennent une fraîcheur favorable äla reprise des arbres.SECTION V. - Exemples de jardins paysagerspublics et privés.Nous avons en France bien peu de jardinspublics; nous n'en comptons pas un par cheflieu; la plupart de ceux qui ornent nos villesdu second ordre servent en même temps ä réunirles plantes nécessaires ä l'étude de la botanique; l'arrangement de ces plantes excluttoute possibilité de donner ä ces jardins le caractèrepittoresque d'un jardin paysager. Onpeut dire que parmi le petit nombie de jardinspublics des grandes villes de France, il n'y ena pas un qui puisse passer pour une véritablecomposition du style pittoresque naturel; cestyle semble etre exclu de nos jardins publics ;Fig. 521.nous ne discutons point ici un fait qu'il noussuffit de constater ; nous y reviendrons. Disonsseulement qu'à l'exception des jardins destinésä réunir les jours de fêtes la population d'unetrès grande ville, les jardins publics nous semblentpouvoir être tout aussi bien et mieux dessinésdans le style moderne des jardins paysagersque dans l'ancien style des jardins français, où il ne pouvait entrer que des surfacesplates et des lignes droites formant ce que lesAnglais nomment avec raison des jardins géométriques(geometrical gardens). Nous citeronsdeux belles applications du système pittoresqueaux jardins servant de promenades publiques,l'une en Angleterre, l'autre en Allemagne.Il était naturel que la capitale du pays où lestyle paysager a été et est encore le plus souventappliqué ä la composition des grands jardins,reçût la première application de ce genrede composition ä la décoration d'un jardin public.Le parc Saint-James fig. 521, n'a pas unetrès grande étendue; une vaste piece d'eau couvreune grande partie de sa surface; c'est sonprincipal embellissement, le sol en étant peuaccidenté. Les autres parcs de la capitale sontdu même style ; celui du Régent (Regent's park)a été fort agrandi depuis dix ans; mais unepartie des plantations est trop jeune encorepour produire tout son effet ; le parc de Greenwich,sur un terrain accidenté, jouit d'une vuemagnifique ; on y découvre, dit M London, unepartie seulement des édifices de la ville de Londres; car le reste est caché dans une fuméepermanente. Nous nous plaisons ä traduire iciles réflexions pleines de sens du même auteursur la tenue des jardins publics en Angleterre.« Les jardins de Kensington n'appartiennentpas ä proprement parler au public ; mais commele palais dont ils sont une dépendance a cessédepuis longtemps de servir d'habitation au souverain, le public en jouit par tolérance, souscertaines restrictions; on ne peut y être admisen livrée ou sous un costume peu soigné ;on n'y peut entrer avec, un paquet. Ces restrictionsont pu avoir leur raison autrefois,mais elles sont indignes du temps où nous vivons.Le parc Saint-James est le plus anciendes jardins publics de Londres ; jusqu'en 1832le public était exclu de la plus grande partiede ce parc déjà fort limité ; depuis cette époque,quelques allees sablées ornées de groupesd'arbustes exotiques sont livrées aux prome -neurs pied. Les étrangers qui visitent Londresne peuvent s'empteher de remarquer quetout dans les jardins publics est sacrifié à ceuxqui ont des chevaux et des voitures, et qu'onn'a pris aucune mesure pour qu'il puisse y •avoir un peu d'air pour les piétons, les infirmeset les enfants. bans le parc du Régent iln'y a pas une seule allée sablée, pas une placeombragée, réservée aux piétons; ils ont ä peinepour s'asseoir quelques bancs grossiers sur lesentés des allées ou passent les équipages. Detout ee que ce parc renferme d'agréable, fraisgazons, epais ombrages, parterres fleuris, le publicest exclu par des barrières et des portesfermées. Cependant, au point où la civilisationest parvenue, les riches, les hautes classes dela société, devraient comprendre que tout, dansles lieux publics, ne doit pas être sacrifié à leuragrément, et qu'il est de leur devoir comme deleur intérêt de songer au bien-être de toutesles classes de la société.Le second exemple que nous donnerons d'unetrès belle application du systèrne pittoresque äun jardin public , est le jardin paysager deMagdebourg (Prusse ), delà assez ancien pourque ses arbres, aussi variés que le sol et le climatl'ont permis, produisent tout leur effet. Cejardin est si beau qu'il est toujours respecté,bien que les barrières, grilles et balustradesentre les fleurs et les promeneurs y soient entièrementinconnues. La ville de Magdebourg


txß t+. v .J,'di lN PAYSAGER.Fig. 622.k07a consacré a son jardin public (fig. 522) uneétendue de soixante hectares, environ sept foiscelle du Jardin des Plantes de Paris ; 30,000promeneurs y circulent sans encombrement.Le but principal de cette composition étaitde faire jouir les habitants de Magdebourgde l'aspect de la contrée environnante , où lavallée de l'Elbe forme de magnifiques tableaux;le terrain très accidenté s'y prêtait admirablement; l'art a su tirer le meilleur parti desavantages naturels de la situation. Le jardinpaysager de Magdebourg est une compositiondigne d'être étudiée comme un modèle dugenre; on y rencontre les applications les plusjudicieuses de l'emploi des arbres et arbustes lelong des allées et au bord des eaux, pour enfaire ressortir les lignes avec tous leurs avantages; pas un massif, pas un groupe d'arbresou d'arbustes, pas un arbre isolé, n'est là sansune raison qui justifie sa présence là plutôtqu'ailleurs, pour produire un effet toujours calculéet toujours naturel; chaque détail se rattacheà l'ensemble de la composition, sansrien perdre de sa valeur individuelle. M. Linné,auteur de ce beau plan qu'il a su mettre à exécutionavec tant de bonheur et de talent, n'apas de rivaux en Europe dans l'art difficile decréer des jardins paysagers; les auteurs anglaiseux-mêmes, c'est tout dire, lui rendent ce témoignage.Les édifices en petit nombre qui ornentle jardin de Magdebourg sont décorés avecautant de simplicité que de bon goût; la salledes festins A (fig. 522) a pour dépendance un jardinfruitier et potager; un temple B, occupe laplace d'où la vue domine sur le plus riche paysage;des massifs habilement ménagés dissimulentl'aspect pénible des fortifications (car ces merveillessont sous le canon du roide Prusse); la vueplonge librement au contraire de toutes les par-tees au jardin sur le cours majestueux de l'Elbe,le dôme de la grande église de Magdebourg etles principaux édifices de cette ville sont présentésavec avantage dans les intervalles desmassifs; on a tiré le même parti de tout ce quidans la contrée environnante pouvait servir depointde vue. La rivière artificielle C et les piècesd'eau qui communiquent avec elle servent auxplaisirs de la promenade en bateau ; le port D,réunit un grand nombre de nacelles élégantes äla disposition des promeneurs. On peut reconnaître,par l'inspection du plan, le soin, très essentieldans un jardin public, que l'artiste apris de disperser la foule, en lui offrant surdes points opposés divers buts de promenadeégalement attrayants.Les plantations du jardin public de Magdebourgse distinguent des autres du même genrepar la grande variété des espèces, les unes disposéespar groupes séparés, les autres en mé -langes assortis avec beaucoup de goût et dediscernement ;on n'y compte pas moins de 193espèces distinctes d'arbres et d'arbustes d'ornement,sans compter les variétés. Ce jardinréunit à peu près tous les arbres et arbustesd'ornement qui supportent la pleine-terre sousle climat du pays où il est placé. La croissanceet la culture de ceux de ces arbres récemmentintroduits en Europe y peut être étudiée comparativementavec les espèces indigènes, et contribuerà faire adopter dans les plantations lesarbres offrant des avantages réels. C'est ainsiqu'un but d'utilité très important peut toujoursêtre atteint, sans rien ôter au charme des compositionsde pur agrément, comme doit l'êtreun jardin paysager.Nous ne regardons point comme un malheurpour la France la division des propriétés, suiteinévitable de l'abolition heureusement i révo-


408 H U R'l'1 C UuI'URE . Ltvn Ltable du droit d'aînesse ; il en résulte l'impossibilitépresque absolue pour les détenteursactuels de la propriété, d'enlever d'immensesterrains à la production agricole, pour leur satisfactionpersonnelle; les très grands jardinspaysagers ne sont plus guère possibles enFrance ; la Bande noire en a fait des fermes etFig. 523.des métairies ; bien peu de propriétaires songerontà détruire ces utiles créations pour enrefaire des parcs. Mais, comme nous l'avons dit,on peut, dans une contrée naturellement pittoresque,réunir sur un espace d'une étendue limitéetous les agréments que comportent les jardinspaysagers. Lejardin dont la fg. 523 donnele plan est d'une contenance d'environ six hectares,y compris le verger et le potager. La mêmedistribution pourrait être appliquée à une mesurebeaucoup moins étendue. La maison d'habitationA ne fait point face à la grille d'entréeB; on l'aperçoit seulement à travers les arbres,et l'on y arrive par une allée circulaire; lagrille ne se voit point de l'habitation, afin de nepas rappeler le peu d'étendue du jardin paysageret d'en reculer perspectivement les limites,en y joignant pour le coup d'oeil les parties lesplus rapprochées du paysage environnant. Larivière traverse deux pièces d'eau dont l'uneest parsemée de plusieurs îles; l'île C estréunie aux allées par deux ponts rustiques.Un belvédère D occupe le point le plus élevéde la colline boisée E; les bois qui la terminentse confondent perspectivement avec ceux quiforment le fond du paysage. Ce plan est extraitdu traité de la composition des jardins,par M. Audot .COUP D'OEILSUR LE JARDINAGE EN EUROPEParvenus au terme de la partie didactiquede cet ouvrage, il nous reste à en esquisser lapartie descriptive. Que ce mot n'alarme pas lelecteur; nous ne lasserons pas son attentionen l'appelant sur une interminable série detableaux plus ou moins incapables de donnerune juste idée des objets décrits; c'est au publiehorticole français que nous nous adressons;notre but doit être de satisfaire dansle cercle de nos attributions ses goûts, ses désirset ses besoins. Le célèbre horticulteur anglaisLondon, écrivant principalement pourdes lords qu'une dépense d'un ou deux millionsne fait pas reculer dès qu'il s'agit de sa-tisfaire un caprice sans se préoccuper des prolétairesqui viennent expirer de besoin a laporte de leurs parcs, Loudon consacre plus desdeux tiers de son volumineux ouvrage à mettresous les yeux de son public la descriptionet les dessins des jardins et des parcs les plusrenommés du monde connu : c'était pour sonlivre la principale condition de succès. Nousl'i mitons en ce point que, comme lui, nous dé ,crivons de preference tout ce qui, dans le jardinageeuropéen, nous semble offrir à la majo•rité de nos lecteurs intérêt et utilité.Le jardinage proprement dit, celui qui apour but la production des végétaux utiles a


COUP D'OEIL SUR LE JARDINAGE EN EUROPE. 409homme, est né primitivement lä où de nombreusespopulations industrielles offraient ä sesproduits des débouchés avantageux et certains.L'art d'embellir les sites naturellement pitto -. resques ou de les créer au besoin, a pris naissanceià où des fortunes colossales mettaient äla disposition de leurs possesseurs de vastesterrains ä orner et des sommes illimitées ädépenser. La culture spéciale des plantes d'ornementa dü naitre avec le goût des fleurs partoutoù l'opulence manquant, comme en Hollande,d'espace pour créer des parcs, a dû secontenter d'une serre et d'un parterre. Le géniede chaque peuple imprime ä chacune deces créations diverses un cachet particulier :l'orgueil anglais, la patience hollandaise, l'activitébelge, le goût français, la paresse espagnole,ont leur reflet dans les jardins.L'antiquité n'a rien légué au jardinage despeuples modernes ; les parcs immenses qui couvraientet affamaient l'Italie du temps des empereursne sont pas connus ; ä peine les fouillesrécentes dans les ruines de Pompéi et d'Herculanumont-elles fait entrevoir dans ces dernierstemps ce que pouvaient être les parterresjoints aux habitations bourgeoises d'une petiteville romaine sous Vespasien. De longs sièclesde dévastations avaient passé sur tout celaquand les moines créèrent autour des monastèresles premiers jardins. Plus tard, les républiquesmunicipales en Italie, en Allemagne, enFlandre surtout, avec leurs populations compactesd'ouvriers, et leurs puissantes fortunescommerciales, appelèrent autour des grandescités l'industrie du jardinage, et créèrent rartdes jardins. Nous retrouverons les traces de cettemarche liée ä la nature des choses, dans notreexcursion rapide, pour considérer comme ä vold'oiseau les jardins des divers peuples, et enfaire connaître les traits essentiels.HOLLANDE ET BELGIQUENous ne commençons point par la France;la priorité appartient de droit au pays où l'artdu jardinage est porté ä son plus haut degré deperfection. Le jardinage, dont il n'entre pasdans notre plan de tracer ici l'historique, estun art tout moderne. On connaît la date précisede l'envoi en France des premières grainesde laitues, vers le commencement du seizièmesiècle ; nos salades actuelles peuvent être considéréescomme la postérité de ces laitues ; presquetous nos légumes un peu recherchés nesont pas plus anciens ; sous Charles IX, lechanoine Charron, auteur du livre de la sagesse,les regardait tous comme des objets deluxe, hors le chou et la rave, productions gauloises; on sait qu'il résumait la sagesse humainedans ces deux monosyllables : paix etpeu; il avait adopté pour armoiries le navet,comme symbole de la frugalité.La Hollande, avant la grande révolution quita constitua en république indépendante, auseizième siècle, avait peu de jardins; son sol marécageux, alors presque dépourvu de grandesvilles, semblait peu propre ä l'horticulture ; laBelgique était au contraire comme un vastejardin plus de deux siècles auparavant; le goûtdu jardinage y était genéral avant même quetoutesses provinces ne se trouvassent réuniessous le sceptre de la puissante maison deBourgogne. Mais du moment où une grandepartie de la population riche et éclairée de laBelgique, fuyant le joug de l'Espagne et lespersecutions religieuses, se fut refugiée en Hollandeavec d'énormes capitaux, les moindresbourgades de ce pays devinrent des villes importantes; les besoins de toutes ces populationsurbaines, plus nombreuses de beaucoup que lespopulations rurales, et fort en état, grâce aucommerce, de bien payer les travaux du jardinier,firent prendre au jardinage un très granddéveloppement. Plus tard, toutes les contréesde l'ancien et du nouveau continent où lesHollandais entretenaient des relations de commerce, devinrent, ainsi que leurs nombreusescolonies , tributaires des jardins de la Hollande,qui en reeurent une foule de végétauxexotiques répandus aujourd'hui dans toutel'Europe. Il était naturel que, sous l'empire deces circonstances, la Hollande devînt la terreclassique du jardinage. On nomme encore lespois, les choulleurs, les haricots nains, et unefoule d'autres légumes des variétés les plus recherchées, légumes de Hollande, ce pays étantcelui de tous où leur culture a été portée auplus haut point de perfection. Ces légumesetaient presque tous venus de Belgique enHollande. En Belgique de même qu'en Hollande,un sol fertile, un climat constammenthumide, des grandes villes les unes sur les autres, avaient, cotnme nous l'avons dit, donnélieu aux cultures jardinières les plus florissantes,bien avant l'existence de la Hollande commeétat indépendant.Considérons dans leur état yrésent les jardinsde ces deux contrées naguere dépendancesdu grand empire, puis un moment réunies sousle sceptre de la maison de Nassau. Nous faisonschoix pour donner un coup d'ceil aux jardinsde la Frise et de la Nord-Hollande, par oùdoit commencer notre excursion, d'un de cesrares beaux jours de la fin de mai où le soleiltriomphe pendant quelques heures des brouillardsconstamment assis sur la Hollande pendantles trois quarts de l'année. Ici, le climatest si rude et l'hiver si long, que les habitantsne comptent pas au-delä de quarante beauxjours par an, constituant ä la fois le printempset l'été : c'est ce temps que les jardiniers nommentles six semaines aux légutnes. Après avoiradmiré l'art infini que mettent les jardiniers ätriompher d'un ciel si austère, nous donnonsun coup d'oeil aux belles serres et aux planchesparfaitement tenues du jardin botanique deruniversité de Groningue, nous consacrons unematinée au parc de la résidence royale du Loo ,dont l'ensemble a conservé le style des jardins


410 HORTICULTURE.du dix-septième siècle; nous y remarquons cependantdes bosquets dans le style moderne,dessinés avec beaucoup de goût, deux fort bellesfontaines et d'autres ornements de sculptureet d'architecture, dignes de la demeure d'unprince éclairé. Puis nous reprenons le cheminde la Hollande proprement dite, et nous ne nousarrêtons qu'aux portes d'Amsterdam. Si duhaut d'un de ses principaux édifices nous planonssur cette ville immense, nous avons peineà croire que ses 300,000 habitants tirent leslégumes dont ils absorbent de si énormes quantités,de ces tout petits compartiments de verdurequi l'environnent vers le sud. Descendonsdans un de ces admirables potagers ; nous nereverrons les mêmes prodiges de productionque dans les marais des environs de .Paris.Mais ici, les peines du jardinier hollandais nesauraient être comparées a celles du maraîcherparisien; l'arrosoir est inutile en Hollande oùles pluies sont toujours surabondantes. L'engraisemployé avec profusion dans un sol déjàtrès riche, est très chargé de matières animales,car le pays abonde en fourrages de toute espèce,tandis que les pailles et les autres ressourcespour la litière du bétail y sont généralementrares; on ne voit pas qu'il en résulted'altération dans la qualité des légumes. C'est unexemple que, dans notre sol brûlant, très chargéde principes calcaires, nous ne pourrions imiter;nos jardins veulent au contraire des fumiersoù les matières végétales soient en excèset qui laissent un terreau presque tout végéta'-quand ils sont arrivés au dernier terme de leurdécomposition. Nous ne quittons pas Amsterdamsans visiter les serres du jardin botanique,afin d'y saluer de très vieux pieds de caféier,conservés dans ces serres depuis 1690; un seulplant provenant des graines de l'un de ces caféiers,fut envoyé d'Amsterdam à Paris en1714 ; 12 ans plus tard, en 1726, deux plants,provenant des graines de ces caféiers, furentenvoyés à la Martinique; tous les caféiers decette colonie descendent de ces deux plants.En avançant vers le sud, nous verrons près deHarlem et de Leyde ces célèbres collections detulipes, de jacinthes, de renoncules et d'anémones,dont les plus belles n'appartiennentpoint au commerce; elles font les délices dequelques riches amateurs. Félicitons-nous depouvoir sans nous ruiner faire l'acquisition dece que le commerce a de plus rare a nous offriren ce genre ; il y a 60 ans, un de cesognons qui nous coûtent quelques francs ,nous en eût coûté 2 ou 3 mille. Les registresdes recettes publiques de la ville d'Alkmaarfont foi qu'en l'année 1637, 120 tulipes ont étévendues au profit de l'hospice des orphelinspour la somme de 9,000 florins, environ 20mille francs, qui en représentaient au moins 40de la monnaie actuelle, en raison du prix moyendes denrées ; un seul de ces ognons , nommé levice-roi, avait été payé 4,203 florins, prèsde 9,000 francs, qui en vaudraient près de20,000 de nos jours. Du reste, comme l'avaitsi victorieusement démontre dans la pratiquefeu notre habile confrère, M. Tripet, les Hollandaisn'ont d'avantage sur nous, quant auxplantes bulbeuses, que par le climat ; c'est levoisinage de la mer qui conserve leurs ognons.indéfiniment, tandis que sous notre climat méditerranéen,les mêmes végétaux dégénèrenten quelques années et veulent être maintenuspar des rajeunissements continuels qui permettentà nos collections de rivaliser avec cellesde Hollande, sauf par la durée.Nous rencontrons au bord des canaux et desrivières des bateaux chargés de cendres dehouille ; elles viennent de Belgique ; Anvers,Gand, Bruxelles, et une foule d'autres villes envoienten Hollande le superflu de leurs cendresdont une partie seulement est employée parl'horticulture et l'agriculture de la Belgique.Cet amendement très excitant, soigneusementdébarrassé des scories à demi vitrifiées auxquellesil est toujours mêlé, est pour les jardiniershollandais un moyen puissant d'activerla végétation.Les produits forcés sur couches ou dans laserre sont beaucoup plus abondants, touteproportiongardée , en Hollande qu'en France;le goût des fleurs y est particulièrement l'objetd'un luxe fort élégant. Grâce au talent des horticulteurs,elles y sont en abondance et à desprix assez modérés en toute saison.Nous arrivons en Belgique par Anvers; lespotagers des environs de cette ville nous offrenttous les produits de ceux de Hollande qui sontsemblables à ceux des nôtres. Nous y remarquerons, en outre, de grands carrés de chouxrouges ; leur culture est de tout point semblablea celle de nos choux pommés. On en mangeune grande partie crus, à la manière de nos salades;mais, faute d'huile, on les assaisonneavec du beurre fondu mêlé de vinaigre. Commece mets se mange froid, il faut se hâter de l'avaleravant que le beurre ne se fige ; la saladede chou rouge cru n'est réellement supportableque pour les palais qui en ont l'habitude. Nousgoûtons à Gand un légume plus généralementestimé; c'est la grosse asperge qu on n'obtientnulle part ailleurs aussi belle et d'aussi• bonnequalité. Toutefois, ce n'est pas à Gand mêmequ'il faut manger l'asperge de Gand, à moinsd'être du pays. Pour les consommateurs français,l'asperge n'a toute sa valeur que quandelle a passé au moins un jour hors de terre, etque son extrémité y est devenue verte ou violette;les Flamands la préfèrent blanche.; ilsvont la chercher entre deux terres, avantqu'elle se soit colorée par l'influence du soleil;elle est alors plus tendre, mais elle a moins desaveur. On suit la même méthode dans toutes lesautres provinces belges.A Bruxelles, nous ne pouvons oublier de goûterles spruyt ou jets de choux, improprementnommés choux de Bruxelles, car les meilleurscroissent aux environs de Malines et de Louvain.L'ordre, la régularité, l'absence de toutesmauvaises herbes, et une succession non inter-


COUP D'OEIL SUR LE JARDINAGE EN EUROPE. % 411rompue de légumes, distinguent les potagersflamands, dans lesquels l'arrosoir n'est pasbeaucoup plus en usage ni plus nécessaire qu'enHollande. Néanmoins, chaque jardin a son puitstoujours peu profond , car dans toute la Belgique,l'eau se rencontre ä fleur de terre. Il n'estencore question ici, ni de norias, ni de manivellespour élever l'eau; l'arrosage proprementdit est inconnu ; seulement, par un temps trèssec, on est quelquefois obligé de mouiller légèrementle plant pour assurer sa reprise, tandisqu'en Hollande, il y a au contraire le plus souventdes précautions ä prendre pour l'empêcherde pourrir par excès d'humidité.Plus nous avançons dans la partie de la Belgiquedésignée sous le nom de Pays Wallon,s'élevant par des pentes de plus en plus prononcéesjusqu'au plateau des Ardennes, plusles jardins nous offrent d'analogie avec le jardinagedu nord et du centre de la France. Cesont ä peu près les mêmes légumes, ä l'exceptionde l'artichaut qui n'y figure que rarement, quoiqu'il y soit d'excellente qualité.L'un des points les plus intéressants de cettecontrée pour le jardinage, c'est la vallée de laMeuse, aux environs de Liege. Les moines dumoyen âge l'avaient surnommée, ä cause desa prodigieuse fertilité, la vallée bénite (Li Via-Benoît ), nom qu'elle a conservé sans altérationdans le patois du pays. Outre la population deLiége , qui compte au-delä de 60,000 habitants,les jardins de cette vallée doivent encore fournirde fruits et de légumes les 12 ä 15,000 ouvriersde Verviers, ville manufacturière dontils sont séparés par une distance de 3 myriamètres. Verviers , admirablement située pourl'industrie ä cause de ses innombrables chutesd'eau, n'est d'ailleurs environnée que de coeauxarides, entièrement rebelles ä la culture*jardinière .Il n'existe point en Europe de fernmes d'uneconstitution plus vigoureuse et mieux faitespour supporter toute espèce de fatigues que lesjardinières des environs de Liége . On désignesous le ribm de Botresses , celles de ces femmesqui font le commerce des légumes frais. L'étrangers'étonne de les voir marcher lestementportant sur leur tête, que couvre un feutre älarges bords, une charge capable de faire ployerun homme (le force ordinaire; elles vont ä Verviersou ä Spa durant la saison des eaux, faisant,ainsi chargées, 3 ä 4 myriamètres pourréaliser un modique bénéfice sur la vente duproduit de leurs jardins. Parmi ces produits,nous distinguons la belle fraise écarlate de Virginie, d'une variété trop peu connue en France;los Botresses ont l'art de balancer sur leur têteleurs pesants paniers avec tant d'adresse, queues fraises arrivent ä Verviers et ä Spa sansavoir souffert le moindre froissement.Les divers instruments de jardinage des Hollandaiset des Belges nous ont offert bien peutle différence avec ceux dont l'usage nous estfamilier. La pelle ou bêche flamande méritecependant notre attention. Sa forme atteste äla fois le discernement et la vigueur de ceuxqui l'emploient; elle est large et longue, propreä donner des labours profonds. Au lieu d'unesurface entièrement plate, elle offre une légèrecourbure vers le milieu de sa longueur (voirInstrument de Jardinage). Quelque peu consistantque soit le sol, quelque poli que soit le ferde Piustrument par un long service, jamais lacharge soulevée par le jardinier ne retombedans la jauge sans avoir été complétement retournée,ce qui, pour les terres légères, s'obtientdifficilement avec la bêche plate, surtoutquand elle est plus étroite du bas que du haut.C'est un inconvénient grave; la terre remuéesans être retournée laissie constamment ä lamême couche le soin de nourrir les végétaux;un bon bêchage ne doit pas seulement ameublirla terre, il doit la rajeunir. La manière de bêcherdiffère aussi de la nôtre en deux pointsqu'il est utile de noter. D'abord, le jardinierhollandais ou belge n'appuie pas le pied sur lebord de sa bêche pour la faire entrer dans lesol ; il n'en a jamais besoin, parce que d'unepart, il travaille' une terre peu compacte en ellemême,et que de l'autre, cette terre est si souventet si bien remuée qu'elle n'a pas le tempsde durcir. Puis, si nous considéronsittentivementsa manière de bêcher , nous verrons qu'aulieu de soulever de gros blocs de terre d'unseul coup, il a soin de ne prendre ä la foisqu'une tranche d'une épaisseur médiocre qu'ilenlève sans effort, et qu'il place dans la jauge,en la renversant sens dessus dessous. Ce modede labour est très bien adapté au jardinagedans un sol léger, quoique pour une terre compacte, il puisse être utile, surtout pour les laboursd'hiver, de lever de grosses mottes, qu'onlivre ä l'action des gelées et des dégels. Alors,le vigoureux coup de talon aidé d'un lourd sabotn'est pas de trop pour faciliter le labour.Mais ce cas excepté, la pelle flamande l'emportesur la bêche et le louchet de la Francecentrale, et la manière flamande de Wen servirsans s'aider du pied pour déplacer plus deterre ä la fois est préférable ä celle de nos jardiniers.Un volume de descriptions ne suffirait paspour exposer toutes les richesses horticulturalesde la Belgique ; presque toutes ses villes du premieret du second ordre ont des sociétés deFlore et des expositions périodiques des plusrares végétaux.En 1817, un voyageur anglais visitant la petiteville d'Enghien (Hainaut), s'étonna d'y trouverréunis dans le jardin de M. Parmentier,alors maire de cette ville, une réunion de plantesrares plus complète .que ce qu'il y avaitalors de mieux en Angleterre ; ce jardin n'a cependantguère plus de 60 ares; mais il est_presqueen entier couvert par des serres magnifiquespeuplées de plantes du plus grand prix.La seule ville de Gand, centre de l'horticulturebelge, possède au-delä de 400 serres appartenantä des amateurs. Rien n'égale labeauté des serres des jardins publies ; nous ad-


412 HORTICULTURE.mirons par-'pessus tout celles de la Sociétéd'horticulture de Bruxelles; sans déranger lesplantes de leurs dressoirs, ce somptueux localrecouvert en vitrages sert à donner des balsou 1,500 personnes circulent sans encombrement.La Société d'horticulture de Bruxelles estune des plus actives de l'Europe; disons aussiqu'elle est une des plus nombreuses et des plusriches. C'est en Belgique que les sociétés d'horticultureont pris naissance sous le nom deconfrérie de Sainte-Dorothée. Nous croyonsque la confrérie de Sainte-Dorothee constituéeau moyen-âge à Bruxelles, n'avait pas de précédents;elle serait donc le modèle et l'originede toutes les autres. Sous la domination autrichienne,elle comptait au nombre de ses membresdes princes, des grands seigneurs, des magistratset des artistes pêle-mêle avec des jardiniersde profession qui, formant la majorité,prenaient d'ordinaire dans leurs range le doyenou président de la confrérie.Cette société pacifique céda la dernière detoutesaux orages révolutionnaires ; ses registresfont foi de son existence en 1793 ; il y a desnoms de confrères reçus en 1794 ; cette date endit beaucoup sur le caractère et les moeurs dupeuple belge. C'est avec le noyau de l'ancienneconfrérie de Sainte-Dorothée, dont les membresavaient continué à se voir et à s'occuper ensembled'horticulture, que fut reconstituée en1826 sur de larges bases, la Société d'horticulturede Bruxelles. Cette société ne peut quecontinuer à prospérer à la faveur de ta paix,sous un prince amateur passionné de l' horticulture.A Gand, le jardin botanique récemmentagrandi renferme aussi de tres belles serresqui servent aux fêtes périodiques données tousles cinq ans sous le nom de Festival, par lasociété d'horticulture de cette ville. Les Gantoisn'ont point oublié que leur jardin botaniqueeut pour fondateur Napoléon, alors premierconsul; ce fut lui qui en désigna l'emplacement,et qui voulut qu'il servît en mêmetemps de promenade publique dont la ville deGand etait alors dépourvue ; cette fondationremonte à l'année 1801.Dans les parterres, nous retrouvons les mêmescollections qu'en Hollande; à Bruxelles, àLouvain et principalement à Liége , nous rencontronsde plus les collections d'oeillets d'amateur,nommés par excellence oeillets flamands.Quant aux jardins anglais de toutes dimensions,depuis celui du château de Laken, jusqu'aux pluscharmants bosquets en miniature, ils sont répandusdans le Brabant et les Flandres avecprofusion. Les deux rives du canal de Bruxellesa Boom, sur une longueur de 3 myriamètres ,n'offrent qu'une succession de pares et de jardinsd'agrément. Nous sommes frappés en pénétrantdans ces jardins dont, plusieurssont dessinésavec un goût parfait, d'y retrouver l'empreintedu caractère belge dans l'alliance del'agréable et de l'utile ; personne mieux queles jardiniers de ce pays ne sait tirer parti deslocalités pour placer à l'abri d'un pli de terrainou d'un massif d'arbres conifères, quelquearbre fruitier sensible aux impressions dufroid et au souffle des vents d'ouest si violentsen Belgique. C'est ainsi qu'en regard de diversgroupes de rhus cotinus, d'acacia inermis, demélèzes et de sumacs de Virginie, des compartiments de forme élégante réunissent les meilleuresespèces de poiriers, pommiers, pruniers,cerisiers et abricotiers en plein-vent. Regardezsous ces massifs; le sol y est caché sous destouffes bien entretenues de muguet et de violettesde Parme ; un recoin peu fréquenté etmal exposé reçoit des buissons de framboisiers,et les meilleures variétés de fraisiers bordent lalisière des bosquets. Le jardinier d'une grandemaison, et nous en connaissons qui sont deshommes fort distingués, ne veut pas que lesvisiteurs aient besoin de passer par le vergerpour admirer et goûter les meilleurs fruits dela saison, prétendant que les arbres qui les produisent,étant mis à leur place. sont d'un effettout aussi pittoresque que les autres dans lejardin paysager. Cela n'empêche pas qu'unverger spécial ne soit joint au parc comme accessoireindispensable.Les jardins du duc d'Aremberg à Enghiencontiennent une des plus belles orangeries quiexistent, en exceptant celles des palais des souverains; elle a 55 .mètres de long sur 9 mètresde large et renferme de nombreux orangersrespectables par leur long âge; le plus grandnombre dépasse deux siècles ; il y en a quin'ont pas moins de 300 ans; enfin quelquesunsdes plus beaux, donnés autrefois par les roisd'Espagne aux ancêtres du duc actuel, datentauthentiquement de quatre siècles.La culture des arbres fruitiers mérite unemention particulière. Qui ne serait frappé, dansle pays Wallon, à l'aspect de ces vergers immensesqui sous le nom de prairies arborées,couvrent les vallées de la Meuse, de la Sambre,de l'Ourthe et de leurs affluents? On se croiraitau centre d'une grande production "de cidre;mais les diverses qualités de bière sont sibonnes et à si bas prix dans toute la Belgique,que le cidre se vendrait difficilement. Tous cespommiers dont le dénombrement donnerait unchiffre incroyable, ont une autre destination.L'espèce la plus généralement répandue est unepomme de belle-fleur, bien digne de son nompar les dimensions de ses corolles pourprées audehors et d'un blanc de neige à l'intérieur. Lefruit joint au volume de la pomme de rembourles lignes veineuseà de la pommede châtaignier;il est employé de préférence à la préparationd'une sorte de sapa, connu dans toute la Belgique-Wallacesous le nom de sirop de pommes;il s'en fait une consommation prodigieuse. Cesirop fait avec le suc épaissi des pommes écraséesauxquelles on ajoute une petite quantité decarottes râpées, se conserve plusieurs annéessans altération; c'est un aliment agréable etfort sain équivalent à notre raisiné, mais pré-


414 HOftTICULTURE .faut aller chercher des modèles pour les plusvastes et les plus parfaites créations en ce genre.Il n'y a plus guère en Europe que l'aristocratierusse qui puisse faire aussi bien ou mieuxpeut-être, grâce a ses esclaves dont le travailne coûte rien; c'est ce qu'on verra sans doutequand le sud de la Russie sera plus fréquentéile la haute noblesse russe, attirée et retenuejusqu'ici dans le nord par le génie maritime dePierre-le-Grand qui n'espérait pas voir la MerNoire devenir un lac russe.Ajoutons pour dernier éloge que peu d'entreles plus beaux jardins paysagers d'Angleterrese ressemblent ; le voyageur étranger peut envisiter un grand nombre sans y rencontrerl'ennui que cause toujours l'uniformité.Les grands jatdins paysagers d'Angleterrene sont pas tous des créations spéciales; plusieursne sont autre chose que d'anciens jardinsgéométriques restaurés à la moderne, maisconservant dans quelques-unes de leurs partiesdes traces de leur état précédent. Tels sont enparticulier les magnifiques jardins du duc deDevonshire à Chatsworth , et le parc non moinscélèbre de Claremont , propriété du roi des Belges; ce dernier parc a été entièrement refaitdans le style pittoresque sous les yeux de ceprince, et en grande partie d'après ses dessins.Nous citerons encore le jardin public de la villede Birmingham, bien qu'il soit déparé par quelquesornements de tort mauvais goût. EnEcosse, le parc de Duddingston d'une étendued'environ cent hectares, est l'un des plus beauxet des mieux ornés; il est surtout riche en arbreset arbustes exotiques cultivés en pleineterre ; des soins minutieux ont été pris pour lespréserver des rigueurs du rude climat d'Ecosseauquel ils résistent depuis 1770.Sous un autre point de vue, le jardinage appliquéà la production des fruits et des légumes areçu de très bonne heure une grande extensionen Angleterre et s'est approprié l'un des premiersles perfectionnements inventés en premierlieu en Hollande, terre classique du jardinageeuropéen. L'Irlande, arriérée sous tous les rapportsa cause de l'oppression qui pèse sur elle,n'a qu'un très petit nombre de jardins ; ceux quientourent les châteaux des grands propriétairesanglais maîtres des plus belles terres de l'Irlande,ont été créés par des jardiniers envoyésd'Angleterre, et dessinés exclusivement dansle goût anglais. Le paysan irlandais est en généraltrop malheureux pour songer à joindreun jardin, quel qu'il soit, a sa misérable chaumière.En Angleterre et en Ecosse au contraire,toute chaumière a son jardin; les fermes dequelque importance ont toujours un très beaujardin bien tenu; les fermiers placés à portéed'une grande ville ne négligent pas, comme lefont généralement les nôtres, les avantages deleur situation; ils consacrent toujours un espaceconsidérable à la production en grand deslégumes communs, sachant fort bien que lesparties de leurs terres qui ont servi pendantune année ou deux à ce genre de culture, sontpour plusieurs années les plus propres et lesmeilleures de toute leur exploitation, pour laproduction des céréales. Nous pourrions citerplusieurs fermiers intelligents qui avant d'employerleur fumier à la grande culture, utilisentsa chaleur pour forcer le long d'un espaliergarni d'un vitrage mobile du raisin, des pêches,des cerises précoces. Quand la bonne saisonarrive, que le fruit est noué, et qu'il peut,grâce à la protection du châssis, arriver encoreassez tôt à maturité pour procurer un bénéficetrès raisonnable, ils enlevent le fumierqui avait jusqu'alors servi à hâter la végétationde ces arbres au moyen de sa chaleur artificielle,et ils en disposent pour les cultures depommes de terre, de betteraves ou de légumesde toute sorte, culture qu'il est encore tempsde commencer à cette époque.Le luxe des serres est ici porté à son plushaut degré de somptuosité; il suffit de rappelerque de simples amateurs expédient vers lespoints les plus éloignés et les moins explorésdu globe, de savants naturalistes pour leur rapporterdes variétés nouvelles de végétaux exotiques;il y a tel cactus dont on peut évaluerle prix à 30 ou 40 mille francs en calculanttout ce que coûte sa conquête ; car ces expéditionsaventureuses ne sont pas toujours heureuses;on veut du neuf, n'en fût-il plus aumonde.Au premier rang des plantes de collection,dont on ne saurait trouver ailleurs qu'en Angleterreun aussi grand nombre de beaux échantillons,considérons d'abord celles qui appartiennentà la serre chaude-humide, dont elles nepeuvent jamais sortir : ce sont principalementdes orchidées, parmi lesquelles se distinguentles oncidiums. Ce genre, l'un des prodiges durègne végétal, approche, en Angleterre, duprix extravagant payé jadis en Hollande pourcertains ognons de tulipes. Nous avons vu en1835, à Liege (Belgique), entre les mains deM. Makoua, amateur aussi distingué qu'habilehorticulteur, trois plantes, qu'il venait de recevoird'Angleterre, pour le prix exorbitant de90 liv. sterl . (2,250 fr.) : l'une de ces troisplantes, qui fleurirent seulement l'année suivante,était un oncidium papilio ; les deux autresétaient des épidendrées très rares.L'Angleterre nous montre réunis, dans un trèspetit espace, des végétaux d'un prix tellementélevé, qu'une serre de 6 mètres de long sur 4 delarge peut en contenir pour plus de 3,000 liv.sterl . (75,000 fr.). Ces plantes justifient l'espècede passion dont elles sont l'objet par un grandnombre d'avantages précieux, formes bizarres,couleurs variées, odeur des plus suaves ; maispar compensation, il est impossible d'en jouircomme des autres plantes. La chaleur humide,jointe à l'effet enivrant d'un parfum très fort,quoique agréable, rend dangereux un séjour deplus d'un quart d'heure dans la serre aux orchidées.Il semble que, même sous leur climatnatal, la nature ne les ait pas destinées auxplaisirs de l'homme : leurs fleurs admirables ne


cOUP D'OEIL SUR LE JARDINAGE EN EURorE . 416décorent que des lieux tellement malsains qu'ilfaut, pour les y aller chercher, le courage passionnédu naturatiste .De ces collections précieuses, partage exclusifdes plus riches amateurs, passons a quelquesunesde celles que toutes les fortunes peuventse perinettre . Nous visitons, ä cet effet, Preston,dans le comté de Lancastre. Une réunion nombreuse, composée en majeure partie de fermierset de gentilshommes campagnards ( countrygentlemen.), circule devant une longue file decaisses, contenant plusieurs centaines d'arbustesépineux, tous appartenant au même genre,a la menu espèce, a la même variété. Chacunraisonne sur le plus ou moins de mente deséchantillons exposés ; on discute leurs chancespour obtenir les prix offerts aux sous-variétésnouvelles, prix tres dignes d'être disputés, indépendammentdes médailles. En approchant,nous reconnaissons. non sans surprise, le plusmodeste et le moins estimé de nos fruits, l'humblegroseille ä maquereau. Il n'y a qu'en Angleterreoù il soit possible de s'en donner uneindigestion en en mangeant plusieurs centainesdont pas une ne ressemble a l'autre, et qui portenttoutes un nom particulier. Les différencessont, ä la vérité, fort légères, imperceptiblesmême pour tout autre que pour un amateur anglais.Les collections de rosiers sont ici aussi richesqu'en Belgique et en Hollande ; nous devonsun coup d'ceil ä la rose blaGche ä cceurcouleur de chair, si connue sous le nom de rosed'York, et répandue dans tout le reste de l'Europe.C'est dans son pays natal qu'il faut luivoir déployer toute sa beauté ; partout ailleurs,quoique fort belle encore, elle dégénère plus oumoins. Dans les collections anglaises de rosiers,nous cherchons en vain la rose jaune-soufre äcent-feuilles, si riche de floraison dans la Francecentrale. Ici, de même qu'en Belgique, le rosierjaune double pousse tous les ans des rameauxchargés de nombreux boutons ; mais pas un nes'ouvre régulièrement ; 'tous se fendent sur lecôté pour ne donner qu'une floraison avortée.L'art des horticulteurs anglais et belges n'a pu,jusqu'à présent, réussir ä remédier ä cet inconvénient; dont la cause est probablement la vapeurde charbon de terre, dont l'air est habituellementmélangé. Nous avons acquis la certitudequ'elle ne dépend pas d'une piqûred'insecte. Dans le nord de la France, jusquevers le bassin de la Somme , le rosier jaunedouble fait également le désespoir des amateursjaloux de posséder la reine des fleurs sous toutesses pa ru res.Voici encore de belles collections de géraniumset de pélargoniums dont les fleurs n'auraientpas d'égales si elles joignaient une bonneodeur ä leurs autres qualités ; puis d'innombrablescollections de camélias, d'éricas, de liliacées.Plusieurs amateurs accordent exclusivementleurs soins aux plantes et arbustes de terre debruyère : rhododendrums , azaléas , kaimias ,andromèdes. las uns dans l'orangerie, le plusgrand nombre en pleine terre, où ils résistentaux hivers les plus rigoureux , avec la seuleprécaution de les coucher et de les couvrir depaille sèche ä l'arrière-saison, comme le fontpour les figuiers les jardittiers d'Argenteuil .Nous ne pouvons oublier les collections de fraiseset celles d'ananas, si chères aux gastronomes.C'est en Angleterre qu'il faut venir pourgoûter, en Europe, ce roi des fruits, sinon telque dans son pays, du moins aussi parfait qu'ilest possible de l'obtenir de ce côté de l'Atlantique,et n'en déplaise ä nos horticulteurs, supérieurä la plupart des fruits du même genre récoltéen France. Toutes les variétés connuesd'ananas ä. fruit jaune ou violet sont fréquemmentrassemblées dans la même serre sur le solbritannique : on en mange en toute saison, ädes prix proportionnellement bien plus faiblesqu'en France.Parcourons rapidement les vergers anglais ;nous n'hésiterons pas ä les reconnaître pour lesplus beaux et les mieux tenus de l'ancien continent.Pour en voir de semblables, il faudraittraverser l'Atlantique et visiter les vergers desétats septentrionaux de l'Union-Américaine :rien en Europe , dans le même genre , ne peutleur Atm comparé. La pomme, sous toutes sesvariétés, est la reine des vergers anglais : c'esten effet le fruit qui, sous le climat de la Grande-Bretagne, atteint le plus complétement sa maturité.Les poires, sans avoir en général la saveurde nos bonnes espèces, sont nombreuseset fort bonnes. Ce qui place surtout les vergersanglais au premier rang de ceux d'Europe, c'estle& ordre, leur tenue, leur culture, qui ne laissentrien ä désirer. La taille des arbres fruitiersy est portée au plus haut point de perfection; elle est constamment dirigée vers uneabondante production conciliée avec la duréedes sujets. Observons qu'en Angleterre, on gagnefréquemment des variétés nouvelles sansjamais laisser dégénérer les anciennes, tandisque nos jardiniers, plus par avidité que par négligence, poussant exclusivement ä la production, laissent disparaître nos fruits les plus précieux.Il suffit de rappeler la cerise de Montmorencyet la prune de Brignolles , qui, äMontmorency et ä Brignolles , ne sont plus quedes souvenirs. Nous goûterons ici l'excellentepetite poire de beurré d'Angleterre. Il y a trenteans ä peine , les vergers des départements quiapprovisionnent en fruit la capitale lui en envoyaientde tout-ä-fait semblables ä celles-ci ;aujourd'hui , pour retrouver la véritable poired'Angleterre, il faut passer le détroit. En France,le peu qui se vend encore sous le même nomn'est plus reconnaissable : on a trouvé cettepoire trop peu productive; elle est presque abandonnée; c'est un fruit perdu si l'on ne se hâtede le tirer de nouveau de son pays natal.Les jardins potagers sont nombreux aux environsde Londres ; ils portent, cornme toutesles branches de l'industrie anglaise, un cachetde grandeur qu'ils n'ont dans aucun autre pays;ce n'est qu'aux environs de Londres de Liver-


416 HORTICULTURE.pool et des autres grandes villes de l'Angleterre,qu'on rencontre des cultures qui, uniquementpour produire des légumes destinés a laconsommation journalière, couvrent des centainesd'hectares, disposent d'un capital de 3 à400,000 fr., et occupent plusieurs centainesd'ouvriers. Au moment où nous écrivons, undéplacement qui, tôt ou tard doit s'opérer demême partout, sous l'empire des mêmes causes,s'effectue en Angleterre; les jardiniers, qui cultiventen grand les légumes communs pour lesmarchés de Londres, vont établir leurs culturesà 80 et même 100 kilom . de cette capitale, àportée d'une ligne de chemin de fer; ils ont, parce moyen, des terres à très bon marché comparativementà leur valeur autour de Londres,et ils composent pour les transports par les locomotivesà des prix très modérés. Aussi unebaisse très sensible et très profitable au peuplede Londres s'est déjà fait sentir dans ce genrede denrées depuis que ce déplacement est commencé.Il ne restera près de Londres que lesgenres de culture dont les produits ont toujoursune valeur élevée et se transportent difficilement,tels que les fraises et les framboises, etaussi ceux qui, comme les ananas, exigent desconstructions impropres à tout autre usage.Nous n'avons pas d'idée en France de l'importancede certains établissements anglais d'horticulture; nous citerons seulement MM. Loddiges, fleuristes et pépiniéristes, dont les opérationsroulent sur un capital de 600,000 fr. ;il y a quelques années, cette maison fortementcompromise, obtint du gouvernement un secoursde 250,000 fr., et se releva. Quel esten France l'établissement d'horticulture qui,menacé dans son existence, aurait seulement lapensée de s'adresser au gouvernement?Un examen détaillé des procédés de culturesuivis dans les jardins potagers et dans les pépinièresd'Angleterre, ne nous montrerait riende plus parfait que ce qui se pratique en France;les instruments de jardinage sont les nôtresà bien peu de différence près ; l'art de forcerles fruits et les plantes alimentaires est non pasprécisément plus perfectionné, mais pratiquébeaucoup plus en grand qu'en France, parceque le nombre des consommateurs des produitsde la culture forcée est très grand en Angleterre;la construction des serres de toute grandeur yest aussi fort bien entendue, ainsi que celle desdivers appareils destinés à les chauffer.La seule plante alimentaire cultivée très engrand pour les marchés des grandes villes d'Angleterreet presque inconnue en France, c'estla rhubarbe. Les côtes succulentes des feuillesde la rhubarbe se vendent par petites bottes etservent à garnir cette prodigieuse quantité detartes que consomment les Anglais; ce mets,dont la saveur se rapproche de celui des groseillesà moitié mûres, est un de ceux qu'on nesaurait trouver agréables à moins d'y être habitué;les essais tentés pour en introduire l'usageen France n'ont pas réussi jusqu'à présent,moins encore par la difficulté d'habituerles consommateurs à une saveur qui n'a riende mauvais en elle-même, que parce que notremanière de nous nourrir n'admet pas cetteénorme absorption de pâtisserie sucrce . indiPpensabledans un ménage anglais.L'horticulture emploie en Angleterre unnombre très considérable d'individus de toutrang, depuis l'apprenti qui s'élève rarement audessusde la condition de journalier après sonapprentissage, jusqu'aux chefs des grands établissementsd'horticulture qui sont ordinairementdes hommes très distingués ayant reçul'éducation libérale la plus étendue. La professionde botaniste voyageur à la recherche desplantes nouvelles est encore une de celles quise rattachent à l'horticulture et que l'opinionentoure d'une grande considération ; presquetous ceux qui occupent des chaires de botaniqueen Angleterre ont commencé par la professionde Collecteurs de plantes.Nulle part ailleurs qu'en Angleterre, les propriétairesn'ont un goût aussi général pour lejardinage. Tout acquéreur d'un domaine auqueltient un jardin, dit M. London, soit quece jardin renferme seulement quelques ares,soit qu'il couvre quinze ou vingt hectares desuperficie, songe d'abord, en quelque état qu'ille trouve, à y faire des changements et desembellissements, au grand profit du jardinage etdes jardiniers. Le même auteur remarque avecraison, que les riches, les hommes d'état, lespuissants du jour, blasés sur toutes les jouissances,sur toutes les sensations, ont cependantencore du plaisir à s'occuper de leurs jardins.On trouve dans les lettres du prince de Lignele passage suivant qui semble avoir été écritpar un lord anglais : w Après mes enfants etdeux ou trois femmes que j'aime ou crois aimerà la folie, mes jardins sont ce qui me faitle plus de plaisir au monde; il y en a peud'aussi beaux.Beaucoup de jardiniers anglais, parvenus àforce de talent et d'activité au poste honorableet lucratif de jardiniers d'un grand domaine,tombent dans une indolence complète; c'estpour eux un canonicat, le terme de leur ambition;ils ont un second, chargé d'avoir de l'activitépour eux jusqu'à ce qu'il devienne chefà son tour ; quelques-uns seulement ont à cœurl'honneur de leur profession et travaillent sansrelâche à s'y distinguer; ceux-là tiennent lepremier rang parmi ceux qui honorent, enEurope, la profession d'horticulteur.Les appointements d'un jardinier en chef,dans une grande maison, ne sont jamais audessousde 3,000 fr . par an; souvent ils s'élèventau double de cette somme, sans compter lajouissance d'un logement, et divers autresavantages. Malgré le prix élevé des denrées etde tous les objets usuels en Angleterre, l'espoird'une telle position suffit pour déterminer desjeunes gens instruits et intelligents à se consacrerà la profession de jardinier. Mais por rqu'ils puissent aspirer à un poste semblable ets'y maintenir, il ne suffit pas qu'ils possèdent


COUP D'OEIL SUU LE JARDINAGE EN EUROPE. 417Cou w l'industrie désirable dans leur état. il fautencore que, par des études continuelles, ilssqjent au courant de tous les progrès, de toutesles innovations utiles ; il faut qu'ils soient enétat de faire face ä toutes les difficultés quepeuvent faire naitre les circonstances.Les jardins des résidences royales Sont peudignes de l'état avancé de l'horticulture en Angleterre; celui de Windsor n'avait pas mêmede serre il y a quelques années ; les serres äIlamptoncourt sont exclusivement occupéespar les ananas et la culture forcée de la vigne ;a Kensington, une partie du jardin est encorecultivée a la charrue, et il n'y a pas de serreconsacrée aux plantes d'ornement. Les jardinsde Kew , récemment refaits sous la directionde M. Hoockers , très habile horticulteur, étaientencore naguère dans un état d'abandon déplorable; on relève, au moment oit nous écrivons,ies serres qui tombaient en ruines; on sembleprendre peu de soin de rendre ces jardins dignesde l'attention du public et de remplir leurvéritable destination, qui devrait être de mettresous les yeux du public des exemples de l'étatle plus avancé de l'horticulture dans toutes sesbranches. Autrefois les jardiniers en chef desjardins royaux étaient consultés comme desoracles, et leur opinion faisait loi pour tout cequi se rattache ä leur profession ; aujourd'huice sont encore des hommes fort distingués, maisleur talent n'a pas lieu de s'exercer, et le moindredes jardiniers marchands déploie forcémentplus de connaissances et d'expérience pratique.Il y a peu de jardins publics en Angleterre ;il y aurait même absence complète sans les jardinsdes universités et ceux des sociétés d'horticulture,très nombreuses en Angleterre. Cessociétés remontent ä une époque fort reculéedans le moyen-äge ; on suit leur trace jusqu'aumilieu du seizième siècle. Pendant tout le coursdu dix-septième, elles donnaient des fêtes brillantes,accompagnées de représentations dramatiques,espèces d'allégories dans le goût dutemps . Aujourd'hui, les plus importantes de cessociétés sont , pour l'Angleterre , la Sociétéroyale d'horticulture de Londres, et pour FEcossela Société calédonienne.Toutes ces sociétés ont leurs expositions périodiquesdes produits de l'horticulture; en outre, toute personne, possédant un local convenable, peut exposer chez elle des fleurs quechacun peut venir admirer en payant, bien entendu.Ces spéculations privées , ajoutées auxexpositions placées sous le patronage des sociétésd'horticulture, rendent ces exhibitionstellement multipliées, qu'un voyageur allanten Angleterre , de ville en ville, peut, selonM. Paxton, en trouver une ä visiter pour chaquejour de d'année .Un dernier coup d'ceil donné ä l'ensemble dujardinage, dans la Grande-Bretagne, nous montrele luxe des jardins porté, chez nos richesvoisins, ä son plus haut degré de splendeur ;le goût de ce luxe y est géneralement répanduparmi toutes les classes de la nation. Nulle partILOILTLCCLTUILI .ailleurs, nous ne saurions trouver tant de collectionsde toute sorte de végétaux. Rendonsjustice aux services que le goût des collections,même quand il dégétrère en manie, rend ä l'horticulture; celui qui concentre sur un seul genretoutes ses ressources, tous ses efforts, qui s'enoccupe avec persévérance , exclusivement etsans distraction, peut mieux que tout autre perfectionnerses procédés, et conquérir des variétésnouvelles, conquêtes pacifiques dont, gräceä la presse agricole, toute l'Europe ne tarde pasä profiter.FRANCE.Nous voici parvenus au jardinage francais,le plus digne pour nous d'un examen apProfondi.Si quelque geographe dressait une carte deFrance ou les jardins seulement seraient indiqués,que d'espaces resteraient vides ! Que dedépartements oit un bon jardin et un bon jardiniersont de ces choses dont on a seulemententendu parler sans savoir précisément ce quece peut être ! Et pourtant la France, elle aussi,a tenu le sceptre du jardinage : Le Nôtre et LaQuintinie ont été de grands hommes , sanségaux de leur temps. Sans en reproduire icil'historique, rappelons-nous seulement ce siècle,où , pendant que la perruque française faisaitle tour du monde, l'Europe entiere , l'Angleterreen tête , tenait ä honneur de copier gauchementnos longues lignes droites, si solennellementennuyeuses , nos cascades de rocailles,le fatras mythologique de nos statues, les massifslugubres de nos ifs, bizarrement faconnés ,les bordures non moins lugubresde bu is n.àin ,dessinantles compartiments de nos parterres,touteschoses qui composaient l'essence desjardins françaiscomme nous en pouvons juger par les gravuresdu temps. Cet ensemble, il faut en convenir,offrait une certaine harmonie avec les costumesd'alors : tout y semblait calculé pour rendrela nature le0 moins naturelle possible . La modedes jardins paysagers ä l'anglaise commençaitä faire fureur quand la révolution éclata. Parmiles jardins de ce geRre , qui venaient d'êtrecréés, bien peu survécurent ä 93; le reste eut äsoutenir les formidables attaques de la bandenoire. Les grands propriétaires ne reprirentgoût aux jardins paysagers qu'à la paix définitive; le plus grand nombre des créations nouvellesde ce genre ne date que de 1818 et 1819,alors que le congrès d'Aix-la-Chapelle et l'évacuationcomplète du sol français par les troupesétrangères semblaient présager un long avenirde sécurité. Considérons de ce point de vue lestraits principaux de la physionomie de nospares.Quelques sombres et majestueuses alléesd'arbres séculaires, rares débris échappés ä lahache dévastatrice, cä et lä un reste de terrasse,une antique charmille, un bassin, dont l'eau réfiéchitjadisle teint fardé, la poudre et les mou-T. V. 53


418 HORTICULTURE.cites de nos Meules, quelque pauvre statue honteuse,le plus souvent veuve de ses doigts et deson nez : c'est tout ce qui rattache la chaînedes temps. Mais presque partout, ces souvenirsmanquent, comme les tourelles, les ponts-leviset les voûtes ogivales, manquent à nos moderneschâteaux, maisons de plâtre décorées de nomshistoriques. C' s vestiges, lorsqu'ils subsistent,sont enchâsses dans les lignes onduleuses, lesmassifs d'arbres variés et les gazons bien peignés,imités de l'Angleterre :1 art du jardinierpaysagiste a su bien souvent en tirer le parti leplus avantageux, soit comme contraste, soitcomme point de vue. En général, à l'exceptiondes résidences royales et princières, où rienn'est épargné, ce qui nous frappe dans une vued'ensemble des parcs et grands jardins français,ce sont les marques évidentes d'une pitoyableparcimonie. Dans les grandes créations horticulturales,de même que dans toutes les créationsdes arts, l'économie n'atteint qu'au ridicule. Nepouvez-vous supporter une dépense? Ne la faitespas. Ayez, au lieu d'un parc mesquin, un bonpotager, un verger bien planté, un joli parterreavec ce que votre terrain peut admettre d'arbresexotiques, groupés avec simplicité, sansprofusion ni prétention : c'est ce que les hommesde goût ne sauraient trop repeter aux pro-, priétaires .Observons d'abord aux alentours de lacapitale ce nombre presque infini de jardinspaysagers, dits anglais, qui, selon l'expressionde Talma, sentent le renfermé. Là, des nymphesde terre cuite se mirent dans des lacs dela grandeur d'une table à manger; là, un pontde trois pas de long réunit les deux bords d'unerivière factice, encadrée dans des rochers de lagrosseur d'un pavé, incrustés de scories ramasséesdevant la forge du maréchal ferrant ; toutcela choque à la fois le bon goût et le sens commun,conséquence naturelle de ce mal éminemmentfrançais, la vanité. Cette part faite à lacritique, nous rendons hommage aux propriétaires,hélas! bien clair-semés, qui, secondés parle talent de jardiniers habiles, soutiennent encoreen France la gloire éclipsée de nos vieuxparcs, remplacés par des créations plus conformesà la nature. •Qu'il nous soit permis d'émettre ici un vœupour l'avenir.L'idée-mère des anciens jardins français nesubsiste plus en application que dans nos promenadespubliques. Les Tuileries et le Luxembourgsont comme Versailles, Saint-Cloud et laterrasse de Saint-Germain, de ces lieux oùLouis XIV et Louis XV, avec les seigneurs etdames de leur cour, reviendraient se promenersans y rien trouver qui fût en désaccord avecleurs costumes, ou qui choquât les idées dubeau, tel qu'on le concevait de leur vivant.Rien n'est mieux adapté que ces promenadesaux besoins des nombreuses populations quiviennent y respirer un peu d'air mêlé de beaucoupde poussière ; l'affluence des promeneurséloigne l'ennui; la police, premier besoin desfoules les jours de fête, s'exerce sans peine àla faveur des lignes droites et des larges dégagements.C'est tout un système à conserver. aimiter, partout où des circonstances semblablessont réunies; c'est dans ce sens qu'il faudraopérer, lorsqu'on songera tût ou tard à doterde promenades et de jardins publics nos plusgrandes cités qui en manquent. Quant aux villesdu second ordre, celles surtout qui sont naturellementle rendez-vous des étrangers, là où,d'une part, le terrain ne manque pas, tandisque de l'autre, on n'a point à se preoccuper dela nécessité de maintenir l'ordre parmi des massesplus ou moins turbulentes, on peut, encréant des promenades nouvelles, les encadrerdans le paysage , et leur donner le caractèredes jardins paysagers : c'est ainsi qu'Aix-la-Chapelle (Prusse rhénane) est entourée d'uneceinture de bosquets, de gazons et de parterres,dessinés avec le meilleur goût ; Louvain (Belgique)a effectué de grands embellissements dumême genre. Peut-être est-ce là que doiventfinir par se réfugier les jardins paysagers, quandla division des fortunes aura fondu ce qui restede nos grands jardins. Simplicité confortablepour les particuliers, luxe grandiose pourle public,tel nous semble l'avenir prépare aux jardinsen France par nos moeurs et nos institutions.Reprenons par la frontière du nord la revuedu jardinage français. Sous le rapport du climatcomme sous celui des moeurs , des costumeset du jardinage, la Belgique va jusqu'à la Somme.Ici, le caprice d'un riche ne peut plus,comme en Angleterre, dérober à la productionagricole d'immenses espaces de terrain fertilepour son agrément personnel. Nous trouvonspeu ou point de grands jardins paysagers dansles départements formés des anciennes provincesde Flandre et d'Artois. Mais nous y admironsle luxe de végétation des jardins légumiersautour des villes qui sont, comme enBelgique, les unes sur les autres. Les populationsindustrielles de cette partie de la Francesont approvisionnées en fruits et en légumes àdes prix modérés, quoique les jardiniers de professionvivent dans une grande aisance. Remarquonsle goût des fleurs universellement répandujusque chez le paysan et l'ouvrier decette partie de la France; presque tous ont unparterre garni de fleurs en toute saison; tourles connaissent aussi bien que les plus fins amateurs,et savent parfaitement les cultiver quandils peuvent en avoir. Il est vrai que, chez plusieurs,ce goût dégénère en une manie quelquefoisassez dispendieuse ; mais le temps qu'ilspassent à soigner leur parterre n'est-il pasmieux employé là qu'au cabaret? Et s'ils y dépensent quelque argent, n'ont-ils pas de mois.l'ivrognerie avec ses tristes conséquences?Parvenus au bord de la Somme, nous voyonssans peine que nous sommes chez an autre peuple.Le mauvais état des jardins justifie le reproched'insouciance adressé au Picard par undicton populaire : Picard, ta maison bride !


COUP D'OEIL SUR LE JARDINAGE EN EUROPE. 419Je m'en moque, j'ai la clef dans ma poche.Un mur de pisé ä hauteur d'appui tombant enruines, ou bien une haie qui, n'ayant jamaisété taillée, couvre trois ou quatre fois plus d'espacequ'elle n'en devrait raisonnablement occuper,et n'en livre pas moins passage ä la volaillepar une quantité de trous qu'on nesonge point ä boucher, voilà les clôtures dujardin du paysan picard, quand il a un jardin ;le plus souvent, il n'en a pas. Quelques chouxet quelques navets croissent comme il plaît äDieu dans un coin de champ ä côté de sa chaumière. Les animaux domestiques en consommentla majeure partie ; le reste sert ä la nourriturede la famille; si parfois elle goûte deslégumes de meilleure qualité, c'est quand uneaffaire l'appelle ä la ville voisine dont les environsoffrent des potagers en bon état. Deuxpoints de la Picardie méritent sous ce rapportune mention spéciale , ce sont les vastes etbelles cultures d'asperges des environs deMontdidier, et les hor allons aux portes d'Amiens.Rien de mieux tenu que ces derniersjardins dont le nom est également porté parceux qui les cultivent. Comme aux portes deParis , les hortillons d'Amiens devraient senommer maraîchers, puisque ce sont des maraisdesséchés .qui depuis des siècles sont lethéâtre de leur industrie, favorisée par des canauxétroits, mais navigables en tout temps,qui servent ä la fois de moyen d'irrigation etde transport pour les engrais et les produits dujardinage. Ne nous étonnons pas de l'étenduedes hortillons , tout-ä-fait hors de propoitionavec la consommation des habitants d'Amiens.Si nous suivons du regard le cours de la Somme,il ne nous montre plus de jardins jusqu'àson embouchure ; il faut que les hortillons approvisionnenten légumes Abbeville, Saint-Yalery, ainsi que tous les bourgs et villages decette populeuse vallée.Si nous suivons la ligne qui sépare la Picardiede la Normandie et de Plle-de-France ,et cette dernière province de la Champagne,toutes les contrées au nord-est de cette ligneont peu de jardins nous montrer ; la moitiéde la Champagne si connue sous le nom dePouilleuse, quoique bien changée par d'immensesaméliorations agricoles n'en est pointencore aux jardins : il y a absence complète.L'autre moitié, si bien traitée par la nature,se ressent encore, après plus de 30 ans, dupassage de nos amis les ennemis; de beauxparcs dévastés ä cette époque désastreusen'ont point été replantés. De belles promenadesä l'est des vieux remparts de Reimssemblent poser la limite des jardins vers lenord de cette partie de la France; en avançantau nord-est dans les Ardennes, nous n'avonsplus rien ä visiter de digne de notre examen.Ce ne sont pas les ressources qui manquent,c'est le goût. Rien de plus pittoresque enFrance que cette jolie chaîne des Ardennes avecses pentes arrondies, ses belles vallées de` lalieuse et de ses affluents , ses bolä si profondset si touffus, ses ruisseaux dont un si grandnombre forme une foule de cascades naturelles.Il semble que l'art du jardinier paysagiste auraitici bien peu de chose ä l'aire puur produireles plus délicieux effets; mais quoiqu'il ne manquepas de châteaux et de riches propriétaires,cet art n'est point invoqué. Un simple sentiergracieusement dessiné sur le flanc d'une collineboisée , quelques groupes de ces arbres quiviennent partout, des cytises, des robinias. deslilas, une cabane rustique au sommet du coteau, souvent un point de vue admirable,moyennant le léger sacrifice d'un demi-stèrede bois, voilà. de quoi doubler le charme d'unehabitation rurale dans un pays comme les Ardennes. Mais ces embellissements ne se présententä l'esprit de personne.Combien l'ensemble de notre territoire seraitembelli si chacun pensait ä réaliser les effetsproportionnés ä ses moyens et aux ressourcesde chaque localité . C'est ce que nous verron;dans quelques parties de l'Alsace et de la Lorraine. La race germanique, plus soigneuse etplus laborieuse que la race gallo- romaine, estaussi moins insensible aux beautés de la nature,plus accessible au sentiment du beau soustous les rapports. Les deux grandes branchesdes Vosges en offrent un remarquable exemple; sur le revers alsacien, tout est pour ainsidire bosquet et jardin paysager ; la moindrechaumiere a son jardinet en bon état ; sur lerevers lorrain, l'on rencontre ä peine çà et làquelques bosquets pour le riche; des jardinspleins d'orties ou de ronces accusent la négligencedu pauvre. Il faut excepter les environsdes grandes villes, pourvus de beaux potagers,et en particulier ceux de Nancy, où la culturemaraiere est très perfectionnee . Revenons äfIle-de-France : la banlieue de Paris est dignede toute notre attention. En approchant de lacapitale, un fait nous frappe tout d'abord, c'estcette large ceinture de terrains qui ne sont, äproprement parler, ni ville ni campagne ,comme leurs habitants ne sont ni citadins nipaysans. Hätons-nous, hélas! avant qu'ils disparaissent,de donner un coup d'ceil de regreta ces monuments de Pindustrie horticole prêtsä s'effacer pour faire place ä de gigantesquesfortifications. Sous le rapport du goût, ces maisonnetteset leurs parcs en miniature laissentsans doute beaucoup ä désirer, mais l'ensemble,vu du haut de Montmartre ou des collines deFontenay-sous-Bois, avait peu de points decomparaison en Europe. Evidemment , tout celas'en va. Le parisien aisé n'ira plus chercher unpeu d'ombrage et la paix des chatnps sous labouche du canon. Si nos prévisions sont justes,l'industrie fuira de même le régime des placesfortes, la population ouvrière suivra : l'herbecroîtra sur nos places comme dans le somptueuxVersailles. Alors, le maraîcher , lui aussi,s'en ira , n'ayant plus personne ä nourrir.Ainsi, vite ä nous le Daguerréotype! constatonspour la génération suivante ce qu'était cebeau jardin de 60 kilomètres de circuit, qui


420, . HORTICULTURE.disparaît enseveli dans les fossés des bastionsen construction.Voici d'abord Montreuil avec ses immensesespaliers qui, commencés sous Louis XIV, ontenvahi de proche en proche les deux tiers descommunes voisines de Charonne et de Fontenay.C'est ici qu'il faut venir pour se formeruneuste idée de la perfection que peut attein -dre l' a rt de tailler et de conduire les arbres àfruits; c'est encore ici que nous pouvons goûterles plus belles et les meilleures fraises dumonde, quoique nous puissions regretter den'en pas rencontrer au delà de deux ou troisvariétés généralement cultivées. Le chasselas,peu inférieur à celui de Fontainebleau, étale detoutes parts ses grappes dorées; ces trois produits,pêches, fraises et chasselas, donnent surle seul territoire de la petite commune de Montreuilun revenu égal à celui de bien des arrondissements.Traversons la plaine de Vincennes,c'est-à-dire ce qui en reste, et parcourons surles communes de Bercy et Saint-Mandé la bellevallée de Fécamp, la terre classique de la culturemaraîchère, aujourd'hui grevée des servitudesde l'esplanade d'une place de guerre. Lesoleil d'un beau jour de printemps nous montrecette vallée comme un lac enflammé : c'est lereflet du soleil sur les millions de cloches et lesmilliers de châssis vitrés sous lesquels croittout ce que la gastronomie peut désirer de plusparfait en légumes recherchés et en melons.La connaissance qu'une expérience de plusieurssiècles a donnée aux jardiniers de labanlieue du genre spécial de culture le mieuxapproprié à chaque fraction de leur territoire,a cantonné tout autour de Paris les fruits etles légumes ; le chou, l'ognon, le poireau continuenta couvrir la plaine des Vertus; Fontenayreste célèbre par ses roses, Aubervillierspar ses asperges, les Prés Saint-Gervais parleurs groseilles ; les pépinières de Vitry etVillejuif sont toujours renommées pour lesfruits à noyaux comme celles de Châtillon etBagnolet pour les fruits à pepins. Qui pourraitenvier a toute cette active population souaisance aujourd'hui bien diminuée et bien compromise?C'est le fruit d'un travail de 14 heurespar jour en hiver, et 16 heures en été; etquel travail ! Il n'y a qu'une habitude contrac-,tée d'enfance qui puisse y résister.Quelques particularités de la culture maraîchèresont dignes d'intérêt. Voici un vieuxmaraîcher que nous trouvons occupé à arracherdu plant de choufleur hâtif qu'il jette aufumier. Ce plant nous semble à nous, jardiniersvulgaires, très passable, et d'une venuebien suffisante pour justifier son maintien;mais il n'en est pas ainsi aux yeux du vieuxmaraîcher ; il n'hesite pas à sacrifier ce qui nevient qu'à moitié bien; il ne lui faut que desproduits de toute première qualité; son industriemanque rarement de les obtenir. En voiciun autre qui parcourt presque sans s'arrêter lebord de ses couches à melons; il fait en courantl'opération la plus délicate de cette cul-turc, il taille ses melons avec une promptitudetelle qu'à peine pouvons-nous comprendrecomment elle peut se concilier avec l'exacteprécision de la besogne où pas un coup de serpette n'a été donne sans motif.Pour prendre une idée d'un autre genre deperfection, fruit d'études plus difficiles et plusapprofondies, visitons à l'intérieur des barrières,dans le vaste quartier qui sépare le faubourgdu Temple du faubourg Saint-Antoine,quelqu'un de ces beaux jardins fleuristes dirigéspar des hommes réellement dévoués à laculture des végétaux d'ornement, capables parleurs connaissances en botanique de raisonnerleur travail et d'étendre les limites de la science.Nous ne saurions mieux choisir que l'établissementde notre vénérable confrère, M. Fion;entrons dans son orangerie, nous y pouvonscueillir des oranges mûres sur ses beaux espaliersen pleine terre sous châssis. Nous pouvonsnous promener dans son jardin d'hiverau milieu des fleurs sous la neige; nous verrionspeut-être ailleurs mieux sous le rapportde l'étendue, mais non sous celui de la perfection.N'oublions pas les divers marchés aux fleursde la capitale; celui du quai Desaix qui futlongtemps le seul, est encore le mieux approvisionné.C'est là que le pauvre artisan, pour10 ou 15 centimes, garnit de fleurs son humblefenêtre; c'est aussi là que descend de son équipagela plus élégante de nos belles dames pourchoisir ce que chaque saison offre de plus recherchédans le domaine de Flore; les grossous sont ici reçus avec autant de politesse queles pièces de 211 fr. Les femmes et les filles desjardiniers fleuristes vendent elles-mêmes lesproduits de leur culture, sans passer, commeen Angleterre, par l'intermédiaire des revendeursqui ranconnent à la fois le producteur etl'acheteur définitif. Quelques quartiers ont encoredes restes de jardins, objets de convoitisepour les architectes et les spéculateurs, à l'affûtde tout ce qui peut porter une construction,pour achever d'exclure de la capitaletoute trace de vie végétale hors des promenadeset des jardins publics.Nous avons déjà parlé de ces jardins justementenviés par plusieurs capitales. C'est icile lieu de dire un mot du Jardin des Plantes, sansavoir la prétention de le décrire; il nous faudraitplusieurs volumes. Laissons de côté les longuesallées allant de la rivière à l'ancien Muséed'histoire naturelle. Nous ne pouvons que regretterla décadence et la mort probablementpeu éloignée des tilleuls qui les ombragent deleurs voûtes déjà bien dégarnies. Donnonstoute notre attention à cette portion du Jardindu Roi qui sert d'asile à tant d'animaux diversdont chacun est doté d'un enclos d'éléganttreillage avec un logement très confortable. Lesoin qu'on a pris d'y réunir, autant que le permettaientle sol et le climat, les arbres appartenantau pays natal de chaque famille d'animaux,rend la Vallée suisse non moins remar-


COUP D'OEIL SUR LE JARDINAGE EN FUR OPE. 421quable sous le rapport de la botanique, quesous celui de la zoologie; chaque animal s'ytrouve entouré de quelques-uns au moins desvégétaux au milieu desquels il est né, et commel'a dit un poêle :Cliacun ■l'eux y respire un parfum de patrie.De tous les jardins de la capitale c'est leJardin desPlantes qui areeu depuis quelques annéesle plus d'embellissements; les serres nouvellessont ä l'extérieur des Modèles d'élégance,comme de bonne tenue ä l'intérieur. Montonsau labyrinthe récemment restauré; saluons enpassant la tombe modeste de Daubenton, et lecèdre du mont Liban, le plus beau de son espèceen Europe. On ignore ä quelle hauteurcet admirable végétal aurait pu atteindre sansl'accident qui l'a privé de sa cime; le cèdre nes'élève que par sa pousseterminale ; cette pousseretranchée, il ne croit plus qu'horizontalement.Un oiseau très rare s'étant posé sur cette cimeil y a environ 50 ans, un naturaliste qui setrouvait lä par malheur avec son fusil chargé,le visa, l'abattit , et blessa mortellement.la pousseterminale du cèdre qui dès lors s'arrêta danssa croissance verticale. Ces vieux végétaux destinésä survivre ä tant de générations et d'institutionshumaines sont toujours, aux yeux dujardinier comme du naturaliste, des êtres dignesde vénération. Combien de fois doit êtrerenouvelé par la mort ce cercle de vieillardsqu'on pourrait nommer les habitués du cèdredu Jardin des Plantes PLa petite coupole de bronze qui le termineest digne du lieu qu'elle décore; tout ce quil'entoure rappelle un sol consacré ä l'étude dela nature. Rendons hommage ä la simpliciténoble des bâtiments neufs qui contiennent lescollections et la bibliothèque; ils concilient lesbesoins des sciences avec l'embellissement dujardin ; c'est ici, nous ne pouvons trop le répéter,que le luxe splendide d'une riche architectureest tout ä fait ä sa place ; rien ne doitêtre ménagé quand il est question des étudespubliques. Le Jarui des Plantes termine dignementParis de ce côté ; J'on regrette seulernentqu'il soit si voisin de cet indigne mur d'octroi,dernier acte des fermiers genéraux d'bdieusemémoire; il n'est aussi que trop voisin des fortifications; en admettant qu'elles doivent jamaisservir ä défendre Paris, les bombes desassiégeants écraseraient arbres, serres, orangerie, ménagerie, bibliothèque et collections detout genre; il y en a qu'on ne referait jamais.Laissons, non sans regret, ces lieux si chersä tout horticulteur, si précieux ä tous les amisdes sciences naturelles, et ne quittons pas Parissans visiter en détail les jardins de la pépinière,aujourd'hui dépendance du Luxembourg. Si nous n'avons pas l'avantage de connaîtrele directeur de ce jardin ou de lui êtrerecommandés, nous ne prendrons qu'une idéeimparfaite des richesses horticulturales qu'ilrenferme, en nous bornant ä parcourir les alléeslivrées au public. La collection de rosierset la collection de dahlias, l'une et l'autre fortriches et admirablement cultivées, n'ont aucunevaleur, et ne représentent rien, vues dansun trop grand éloignement; impossible pourles promeneurs d'en apprécier le mérite; ämoins qu'ils n'aient pris la précaution de semuni r d'une lunette d'approche. Heureusement,ces collections précieuses sont sous la directionde l'homme le plus obligeant de France, etnous obtiendrons sans peine l'autorisation deles voir de près, tout en regrettant d'avoir besoinde cette autorisation.Nous ne pouvons oublier la belle et utile collectionde plants de vignes, réunissant le plusgrand nombre des espèces et variétés dignesd'être cultivées, soit pour la cave, soit pour latable; nous nous rappelons en voyant l'extensionqu'elle prend par des acquisitions annuelles,le nom de Chaptal qui la commença söusl'empire, par ordre de Napoléon.L'école des arbres fruitiers n'est pas moinsdigne de notre attention; elle continue dignementl'ceuvre jadis célèbre des Chartreux quiavaient réuni sur ce intIme sol la plus richecollection d'arbres fruits qui existât en Europeavant la révolution.Nous avons maintenant ä parcourir la vastset fertile vallée de la Seine, jusqu'à. la mer.En descendant la vallée de la Seine, nousadmirons avant tout au milieu des parcs et desjardins les plus variés de style et de dessin, l'exrésidenceroyale de Neuilly , mélange de plusieursgenres, où domine le -goût moderne, unepensée d'utilité se fait jour ä travers toute cettecréation.Voici Meudon si riche de son encadrement etde ses sites pittoresques, Saint-Cloud, pour quil'art a beaucoup fait, mais moins que la natureet la magie des souvenirs; un léger détournous conduit au type des jardins français dugrand siècle ; nous sommes ä Versailles. Rienn'a été ni changé, ni modifié dans la penséeprimitive de cette large création. Les chevauxde Neptune reniflent toujours la même eaubourbeuse; les tritons crachent dans les mêmesconques, les ifs étalent tristement les mêmesangles périodiquement régularisés par le ciseaudu tondeur; tout est resté ä la même place. Letemps a l'ait sentir sa bienfaisante influence auparc de Versailles; ce peuple de statues éparpilléesoriginairement parmi de jeunes plantationsdont Louis XIV, même dans sa vieillesse,ne pouvait que pressentir les effets par l'i magination, se détache aujourd'hui sur des massifsd'arbres séculaires ; ieur aspect , dit un voya -geur anglais, ferait mourir de joie Le Nostre ,s'il revenait au monde pour les voir.C'est ici, le premier dimanche du mois demai, quand les grandes eaux jouent, quand desmilliers de promeneurs ne peuvent réussir äformer nulle part l'apparence d'une foule, qu'ilest aisé de voir d'un coup d'ceil tout l'avantagede l'ancien style des jardins francais commelieux de promenade pour les grandes populations. Amenez dans les jardins de Versailles


422 HORTICULTURE.tout le peuple de Paris, ce million d'individuss'y promènera sans confusion, sans encombrement;l'évidente facilité de réprimer dans cesmasses toute tentative de désordre dans un pareillocal, suffira pour y maintenir l'ordre et lasécurité. Mais, ce parc immense, créé pour lesplaisirs d'un seul homme et de ses courtisans,est tout-à-fait hors de proportion avec le nombrede promeneurs que Versailles peut fournir;la tristesse et l'ennui vous saisissent en présencede ces chefs-d'oeuvre qui n'ont pas de spectateurs;Versailles n'est supportable qu'avec unrenfort de 30 ou 40 mille Parisiens. Nous visitonsavec intérêt l'orangerie et le potager deVersailles. ce dernier surtout, véritable potager-modèle;l'emploi du thermosiphon pourchauffer les couches à primeurs y a été essayépour la première fois sur une grande échelleavec le plus remarquable succès. Voici le longd'un magnifique espalier, les arbres à fruits lesmieux conduits de France, sans faire tort ,àMontreuil. Ne passons pas, sans lui accorderun coup d'oeil, devant ce jeune abricotier quin'a encore porté que quelques fruits; c'est leseul représentant en France de l'abricot de Syriea amande douce, envoyé par l'illustre amateuranglais, M. Barker , de Damas. Saluons enlui l'aïeul présumé d'une postérité nombreuse,destinée à augmenter bientôt par la greffe etles semis les richesses de nos vergers. La vraiedestination des jardins potagers joints aux résidencesroyales, c'est de recevoir ainsi, pourles propager, les nouveautés utiles en horticulture.De Versailles, une excursion de quelquesheures sur la gauche nous mène au pare deDampierre; nous rendons hommage au goûtparfait de son propriétaire actuel; tandis qu'ilconvoque les' premiers d'entre nos artistes pourdécorer sa demeure, il rend les jardins dignesdes nombreux visiteurs que les chefs-d'oeuvrede nos peintres et de nos sculpteurs les plus célèbresne peuvent manquer d'y attirer. Nouslaissons sur la gauche Rambouillet et Maintenon,répétitions de ce que nous avons déjà vu;nous regagnons à Saint-Germain la vallée de laSeine. L'aspect de Saint-Germain justifie assezl'ennui qu'il inspirait à Louis XIV. Néanmoins,la vue qu'on découvre de sa terrassereste toujours digne d'admiration, surtout depuisque le paysage est animé par la premièrede nos lignes de chemin de fer.Laissons derrière nous dans le rayon de lacapitale, le Raincy, Saint-Leu, Chantilly, Grosbois,Ermenonville, lieux enchanteurs si souventchantés, dont les descriptions sont partoutet que tout le monde a visités. Ces parcs sont àpeu près ce que nous avons de mieux à opposera l'aristocratique Angleterre; félicitons la Francede les avoir; félicitons-la surtout de n'en pasavoir davantage.Voici devant nous la jolie petite ville deMantes, l'une des plus gracieuses de toutescelles qui se mirent dans les eaux de la Seine,au-dessous de Paris. La population de Mantesest en grande partie composée de jardiniers ;elle contribue pour des quantités notables àl'approvisionnement de Paris en légumes. Cene sont pas tout-à-fait les prodiges de la culturemaraîchère; le terrain n'est pas si cher, la distancene permet pas non plus certains produitstrop délicats; c'est un vaste espace occupé parun jardinage fort bien conduit. Venez ici, gastronomesqui tenez à savourer dans toute leurfraîcheur les petits pois les plus exquis du mondeconnu. Nous pourrions suivre ainsi bien loinencore dans toutes les directions le rayonnementdu jardinage destiné à combler le gouffretoujours ouvert de la consommation de Paris;il est surtout sensible le long des vallées quiaboutissent à la Seine, notamment sur l'Oise etsur l'Aisne, son principal affluent.Entrons en Normandie: sur toute cette terreplantureuse, le jardinage est en honneur, maisc'est le jardinage utile; partout, dans les cinqdépartements de l'antique Neustrie, on fait uncas particulier de tout ce qui se mange. Aussi,les marchés de Rouen, de Caen et des autresgrandes cités normandes, sont-ils au nombredes mieux approvisionnés de France en légumeset en fruits, parmi lesquels domine lapomme. Nous voyons embarquer à Rouen pourla Russie des caisses de pommes de reinetteemballées comme des oranges, chacune danssa feuille de papier; ce fruit seul est l'objet d'uncommerce fort étendu. Les vergers normandsoffrent la plus grande analogie avec les vergersanglais, ils méritent les mêmes éloges; ce sontdes deux côtés de la Manche le même sol, lemême climat, les mêmes espèces, et presqueles mêmes soins de culture. Nous voudrionspouvoir étendre l'éloge aux parties du jardinageoffrant un aspect moins prosaïque, bien quenous accordions un côté très poétique aux chosesvraiment utiles. Mais, à notre avis, l'unn'exclut pas l'autre. Par exemple, à côté de ceslégumes parfaits, de ces fruits excellents quedonnent en abondance le jardin et le verger dela Ferme normande, pourquoi n'y aurait-il pas,comme en Flandre, une plate-bande de fleurs,quelque chose qui rappelle un parterre? Il yen a, sans doute ; ce n'est pas une absence complèteque nous déplorons mais ici, le gout desfleurs est rare, c'est une sorte de singularité;tandis que sur notre frontière du nord, c'estcelui qui néglige les fleurs qui se singularise.Rouen nous montre de belles promenadessans promeneurs, un beau jardin public fréquentéseulement de quelques étudiants, des sitesenchanteurs pour les étrangers, vus par leshabitants avec indifférence; ce sont les symptômesd'un peuple tout à son commerce et à sonindustrie; on ne peut espérer que chez lui ietravail de l'homme s'applique à beaucoup ajouteraux beautés naturelles de la contrée; maisla nature a tant fait pour elle que le pays telqu'il est, vu des hauteurs qui dominent Rouen,représente un vaste jardin.L'indifférence des Rouennais pour les charmespittoresques de cette belle contrée se révèle


COUP D'OEIL SUR LE JARDINAGE EN EUROPE. 423par rabsence de jardins paysagers; par compensation,les parterres sont trè.s nombreux auxenvirons de Rouen; la culture des plantes decollection y est particulièrement en honneur ;Rouen est la ville de France qui peut se glorifierdes plus belles collections de dahlias; nousen pouvons juger en visitant ä la lumière éblouissantede plusieurs centaines de becs de gaz lasalle d'exposition de la Société d'horticulture ;nous n'y verrons pas moins de 16,000 tl. dedahlia, dont 2,400 ont la prétention , peut-êtreun peu exagérée, de constituer des variétés ousous-variétes distinctes.Examinons avec un soin particulier, toutprès de l'embouchure de la Seine les culturesjardinières des environs de Honfleur; voici uneculture que nous rencontrons pour la premièrefois; ce sont des melonières de plusieurs hectares, en pleine terre. Goûtons au hasard un deces cantaloups; nous le trouvons peu inférieuraux produits de la culture savante des maraîchersparisiens. Nous apprécions ce qu'il fautde soin et de travail pour arriver ä ce résultatsous ce ciel brumeux, sous ce climat océanique,sur cette terre où le fruit de la vigne refuse demûrir. Le prix élevé de toutes les denrées enAngleterre permet aux melons de Honfleur deparaître avec avantage sur les marchés de l'autrecôté de la Manche, en dépit des frais detransport et des droits d'entrée qu'ils ont ä supporter. Grâce ä ce débouché, la culture du melonen pleine terre se soutient et même s'étendaux environs de Honfleur, surtout depuis quele calicot remplace le verre pour les abris indispensablesau jeune plant de melon.Traversons la Normandie en nous dirigeantvers la Bretagne. Quelques beaux parcs, dejolis jardins, de superbes vergers, décorentle paysage sans interruption ; les J'azures,vastes enclos renfermant des plantations depommiers ä cidre ou ä couteau , nous rappellenttrait pour trait les prairies arborées delaBelgique wallone . Les environs de Caen etceux de Bayeux ont en outre ä nous montrerde très belles cultures de fletirs de pleine terre ;les collections d'anémones, de renoncules, depensées, d'auricules, de tulipes et de jacinthes,sont plus nombreuses sur ce point de la Franceque partout ailleurs; un grand nombre debeaux et florissants établissements d'horticultureattestent le goût généralement répandudans ce pa.ys des fleurs et arbustes d'ornement.Nous ne sortons des mêmes cultures que pourpasser de la presqu'île du Cotentin dans la presqu'îleArmoricaine, l'antique Bretagne, ce paysä part, que M. Michellet a si bien caractériséen expliquant par l'âpreté du sol et du climatla rudesse des habitants. Toutefois, ce n'est pasce qui nous frappe d'abord; nous abordons laBretagne par son beau côté .Du fond de la baie de Saint-Malo jusqu'àrextrémité des côtes du nord , c'est ce qu'onnomme la ceinture dorée de la Bretagne ; toutce littoral est fertile et bien cultivé : c'est presquela Normandie. Remarquons Roscoff descultures spéciales de choufleurs et d'artichautsdignes de rivaliser avec ce que la Franceoffre de mieux dans le meme genre. Les maisonsde Nantes , qui se livrent en grand ä lapréparation des conserves alimentaires pourles voyages de long cours, tirent de Roscoffune grande partie de ces légumes , bien que ladistance en ligne directe ne soit pas de moinsde 20 myriamètres . La variété d'artichautscultivée en Bretagne est déjà celle qui se cultiveexclusivement dans nos provinces du midi ;ses têtes sont arrondies ; ses écailles sont colléesl'une contre l'autre et le plus souvent échancréesä leur sommet. En avançant vers le sud,nous ne retrouverons plus nulle part en Francel'artichaut ä écailles pointues , divergentes endehors, connus dans le nord de la France sous'le nom d'artichauts. de Laon.En dehors de sa ceinture dorée, la Bretagnen'offre plus que quelques points très clair-semés,dignes de rattentiofi de l'horticulteur. Nousdevons ä Brest une visite au Jardin de la marine.C'est une pensée de bien public qui aplacé ä nos principaux points de communicationsmaritimes ces jardins entretenus aux fraisde l'Atat , portée de recevoir les végétaux exotiquessusceptibles de prendre rang parmi nosplantes usuelles , ä quelque titre que ce soit ,dans un but d'utilité ou d'agrément. Ce sont,s'il est permis d'employer cette figure, des hôtelleriesqui leur donnent l'hospitalité sur laterre de France. Plusieurs partiront d'ici pourfaire leur tour de France et même d'Europe ,avec le temps. Formons des vceux pour quedans tous nos ports de mer les jardins de lamarine reçoivent les développements dont ilsont besoin ; le but de l'institution n'est atteintqu'à moitié si l'espace leur manque , si l'arbreou la plante reconnus susceptibles d'être appropriésa nos usages et de se multiplier sur notresol ne sortent de la pépinière en assez grandnombre pour assurer le succès et la durée deces pacifiques conquêtes . De Brest , nous pouvonsvolonté nous diriger sur Nantes ou surRennes par deux routes royales; le long de cesdeux routes, ce qui domine dans le paysage, cesont les landes, ces vastes déserts, fertiles maisincultes, ä la honte de la France. On sent bienqu'il n'est pas question ici d'horticulture ; lemot et la chose sont géneralement inconnus ,surtout en approchant de la ebte méridionalehabitée par la population celtique sans mélange.A l'exception des abords de quelques villciscomme Quimper, Lorient, Vannes , nous netrouvons littéralement ni fruits ni légumes.Que de fois nous avons vu vendre au poids(20 et 30 c. le kilogr.), sur les marchés de LaRoche-Bernard , Ponchäteau et Savenay , despommes et des poires de la grosseur d'une noix,provenant d'arbres non greffés ! Impossible d'ytoucher si l'on n'est pas né Breton. Le paysanbreton préfère la saveur de ses choux cavalierset de ses longues raves ä collet violet , nourri.ture habituelle de son bétail, ä celle des légumesplus délicats que sa terre fertile et toujours ar-


424 HORTICULTURE.rosée produirait pour ainsi dire d'elle-même.En 1837, un paysan du pays d'Armor, de lacommune de Penestain , ayant reçu en présentquelques plants de choufleurs , les oublia dansun coin ne jardin; ils y devinrent superbes.Ayant eu occasion de l'aller voir, il nous lesmontra comme une grande curiosité, il n'enavait jamais vu auparavant; il ne savait s'ilfallait les faire cuire; ils étaient si blancs et siappétissants qu'il avait essayé de les mangercrus en salade : ils lui avaient paru détestables.Les restes de la population celtique en Bretagnes'en tiennent au chou et a la rave, légumesgaulois.Les environs de Rennes nous montrent desjardins bien tenus, mais insuffisants pour l'approvisionnementde cette ville importante;elle tire de fort loin des fruits et des légumesfacilement transportables.Rennes possède une belle promenade et unpetit nombre d'amateurs zélés de l'horticulture.Si de ce point central nous planions à vol d'oiseausur l'Armorique, il ne nous resterait à voirque les ‚ jardins de Guérande, principalementconsacres aux oignons dont ils fournissent lamoitié de la Bretagne, et de belles collectionsde rosiers dans la petite ville de Châteaubriand .Çà et là nous apparaîtraient, comme des pointsperdus dans une immensité de déserts entièrementnus, les jardins de quelques châteaux avecleurs sombres compartiments de bois, et lesparterres dè quelques curés de campagne quifont les plus louables mais le plus souvent lesplus inutiles efforts pour prêcher d'exemple àleurs ouailles le goût du jardinage. Co tristeensemble ne finit qu'à Nantes.Si nous arrivons a Nantes par la route royalede Brest, les landes touchent a ses portes; parcelle de Rennes, elles n'en sont qu'à quelqueskilomètres; des deux côtés, la culture empièted'année en année sur le désert. Un seul desabords de cette grande ville présente une sériede maisons de campagne et de jardins; c'est lecours de la rivière d'Erdre , à partir de la petiteville de Nort , lieu de plaisance, rendez-vousdes promeneurs nantais. Un élégant navire àvapeur nous conduit de Nort à Nantes entredeux lignes de jardins; les plus agréables sontgroupés dans le site charmant de La Chapellesur-Erdre.A l'embouchure de cette rivière dansla Loire, nous trouvons les jardins potagers deBarbin , que les Nantais montrent avec orgueil :c'est seulement une preuve de la vérité du proverbe: Dans le royaume des aveugles, les borgnessont rois. La tenue des potagers de Barbinn'a rien de remarquable; leurs produitspêchent sous deux points essentiels : qualitémédiocre et quantité insuffisante; les cent millehabitants de cette grande cité manquent souventdes légumes les plus communs et les plusindispensables; nous citerons un fait à l'appuide cette assertion. En 1836, l'établissementagricole de Grand-Jouan réalisa des bénéficesimportants en envoyant à Nantes la majeurepartie des choux plantés originairement pourles vaches de ses étables. Un neau melon est àNantes une chose inconnue; nous disons unbeau; on en mange de fort bons, mais très petits, de l'espèce connue sous le nom de sucrinvert : elle a sur toutes les autres l'avantage den'exiger presque pas de soins de culture.Nantes, ville plus populeuse et non moinscommerçante que Rouen, est, sous le rapportde l'horticulture, exactement l'ïnversede la capitalede la Normandie; l'agréable est ici préféréà l'utile; les potagers sont médiocres; legoût ou, pour mieux dire, la passion des fleursy est générale. Commen ç ons par visiter lemarche aux fleurs; ceux de Paris sont plusvastes, ils ne sont pas mieux approvisionnés.Autour d'une belle promenade ombragée d'antiquesormeaux et fermée d'une grille vis-à-visl'élégant édifice de la Bourse, s'étalent sur plusieursrangs des fleurs de tout genre; les élégantestribus des camélias, des pélargoniums,des eucalyptus, des métrosidéros , des cactus,des cotylédons, des fuchsias, ont là leurs représentantsà la portée de toutes les fortunes; lesraretés, les nouveautés en horticulture, s'ymontrent plus souvent qu'ailleurs; nous n'hésitonspas à placer le marché aux fleurs de Nantesimmediatement après ceux de la capitale. Lejardin botanique réclame, après le marché auxfleurs, notre première visite. Nous y rencontronsune collection aussi riche que bien tenuede rosiers greffés sur épine, et une autre de vignes,déjà fort nombreuse, qu'il est à désirerde voir bientôt se compléter. Mais ce qui frappetout d'abord le visiteur venant du nord, c'estce bel arbre isolé au centre du jardin; son troncn'a pas moins de 50 centimètres de diamètre à2 metres au-dessus du sol; sa hauteur totaleest de près de 10 mètres, vingt personnes sontparfaitement à l'abri sous son épais feuillage;il est impossible de compter ses larges fleursd'un blanc de neige : c'est un magnolia grandiflora.Nous voyous en lui le doyen de son espèceen France. Une centaine d'arbres semblables,dont il semble le patriarche, forment àdroite et à gauche deux allées latérales; on nousen fait remarquer une douzaine qui ont ététransplantés déjà vieux et fort gros; leur végétationn'en a point souffert. On a lieu de s'étonner,d'après une expérience si concluante;confirmée par une si longue série d'années, derencontrer si rarement le magnolia grandifloradans les jardins des départements au sud de laLuire; il végète avec la plus grande vigueur;il se prête à toutes les formes que la taille veutlui donner, avec une facilité surprenante; sesautres avantages sont assez connus. A la vérité,il croît lentement, surtout durant les premièresannées, c'est son principal défaut. En lefaisant alterner avec des arbres à croissancerapide, il formerait avec le temps de belles avenuesbien ombragées, à l'époque où les peuplierset tilleuls seraient bons à supprimer.Nantes possède trois belles promenades, lecours Saint-Pierre, le cours Henri IV et laFosse; toutes trois sont plantées d'arbres


COUP D'OEIL SUR LE JARDINAGE EN EUROPE. 4?.5dans un état déplorable .cle vétusté et de dépérissement; on prévoit le moment, très peuéloigné , où leur ombrage , déjà dégarni, feraplace ä une nudité absolue , comme cela nepeut tarder ä arriver aux tilleuls des Tuilerieset du Jardin des Plantes et aux sycomores duLuxembourg. Il eût été facile , en choisissantles espèces qui supportent le mieux le voisinagedes vieux arbres, d'obtenir des arbres ä moitiévenus pour le moment où les anciens aurontfait leur temps. L'acacia inermis , qui donneaprès deux ou trois ans de plantation un ornbragetouffu , est éminemment propre ä servirainsi d'arbre transitoire ; l'expérience en a étéfaite avec un plein succès en Belgique, spécialementsur la place du Peuple ä Louvain. Lesmagnolias du jardin botanique de Nantes sontune innovation heureuse , bonne ä imiter partoutoù le climat perimet de sortir du cercle sirestreint des arbres ordinairement employéspour nos promenades. Il nous faudrait séjournerlongtemps ä Nantes pour passer en revuetoutes ses richesses horticulturales . Parmi sesétablissements particuliers, bornons-nous ämentionner les riches pépinières du faubourgdu Marchix , et la tenue Bruneau qui sert depromenade.Remontons la Loire ; le panorama de ses rivesnous offre un spectacle unique en Europe.Jusqu'aux frontières de l'Anjou, l'oeil s'arrêteencore de distance en distance sur d'antiquesmanoirs qu'environnent encore des jardins dansl'ancien style français, avec de hautes charmilleset des terrasses en maconnerie . Dès qu'onentre en Anjou, le nombre des anciens chäteauxdiminue; ils sont remplacés par d'élégantes maisonnettes,nombreuses, propres, coquettes, avecleur jardin ou tout au moins un parterre devantla principale entrée. Nous voici ä Angers, pointcentral pour l'horticulture française ; ce quenous avons dit du goût des Nantais pour lesfleurs est dépassé par les Angevins, qui ne sontpas distraits par les préoccupations du commercemaritime. La section d'horticulture dela Société d'agriculture d'Angers est une desplus active de France. Nous assistons ä une deses séances solennelles ; ä voir le nombre et l'importancedes prix qu'elle distribue , nous pourrionsnous croire en Angleterre ; mais la Grande-Bretagnene nous offrirait ni ce soleil, ni cetair si transparent, ni ce doux climat, ni cetteterre si riante, si gracieusement enchaînée ä laTouraine , le jardin de la France. Saumur etune série de châteaux, tous ornés de beaux jardins,rattachent l'Anjou ä la Touraine.Le nom de jardin de la France est dignementporté par la Touraine, pourvu qu'on ne le sortepas des trois riches vallées de la Loire, de l'Indreet du Cher, au-delä desquelles on trouveraiten Touraine de vastes espaces stériles ,peu en harmonie avec sa réputation. Nulle parten France les légumes et les fruits n'entrentpour une si forte proportion dans l'alimentationde toutes les classes de la société. Les espacesimmenses consacrés au jardinage se nom-ment varannea ; ceux qui les cultivent portentle nom de taranniers ; ils jouissent en genérald'une heureuse aisance ; l'ordre et la propretéla plus exquise règnent dans leurs habitations;ils ne se font point faute de réserver pourleur propre consommation une juste part de ceque leuriardin produit de plus beau et de meilleur. Parrni les produits les plus recherchés deleurs vergers, goûtons particulièrement l'alberge. Cet excellent fruit est resté comme cantonnéen Touraine ; les essais pour le multiplierailleurs n'ont pas été heureux ; souhaitonsqu'ils soient repris et qu'ils réussissent. L'oeil serepose avec satisfaction sur les paniers de beauxfruits symetriquement disposes par les varannierspour être portés ä la ville; ils ont été cueillisavec tant de précaution que le consommateurles recevra aussi frais que s'il les détachaitlui-même de la branche. Nous pouvons placerdans notre estime la population des varanniersde Touraine sur la même ligne que les hortil-Ions d'Amiens et les maraîchers de Paris ; c'estla même activité laborieuse, la même régularitémceurs ; jamais on n'a entendu dire qu'unvarannier ait comparu devant un tribunal criminelou correctionnel ; rien n'est plus raremême que de les voir plaider au civil. Ne dédaignonspas d'entrer dans quelques boutiquesde confiseurs de la ville de Tours. Lä , dans lasaison des fruits, se rassemble l'élite des produitsdes vergers de la Touraine. Ces fruits,sous la main de l'habile artiste en sucre, prennentune grande valeur gastronomique : c'estleur principal débouché. Pour nous, toute sensualiteä part, nous ne pouvons regarder quecomme une chose utile et louable l'impôt prélevésur les jouissances du riche au profit dulaborieux jardinier et de l'industrieux confiseurNous continuons ä remonter la Loire jusqu'àOrléans , toujours accompagnés, comme le ditMme de Sévigné,des mêmes bosquets ä droite et ägauche, et des mêmes rossignols. Les parcs et leschâteaux se touchent sans interruption dansles intervalles des charmantes villes d'Amboise ,Blois et Beaugency ; nous donnons en passantun coup d'œil a Chenonceaux, Céran , Ménarsil faudrait tout citer. Arrêtons-nous ä Orléans ;avant de passer la Loire, nous jeterons un regardderrière nous sur l'horticulture des contréescentrales , entre le bassin de la Seine etcelui de la Loire.Avant de poursuivre nos investigations aunord de la Loire, nous avons ä voir le châteaude la Source et le phénomène si frappant d'unfleuve (le Loiret) sortant de terre assez fortpour porter bateau immédiatement ä sa naissance.L'art a su ajouter aux beautés naturellesdu site les beautés artificielles d'un parc digned'être visité pour lui-même. La vallée dela Loire, aux environs d'Orléans, nous montrela singulière alliance du jardinage avec la culturede la vigne, alliance que nous ne rencontreronsplus en France, si ce n'est dans deux outrois communes aux portes de Paris. Ici, devastes vignobles sont conduits de faeon ä laisser


426 HORTICULTURE.entre les rangées de ceps l'espace nécessaire àdes cultures d'asperges, source de richessespour les vignerons. Ces asperges, dont nouspouvons apprécier l'excellente saveur, ne sontpas destinees à la table du riche; elles n'atteignentjamais un volume considérable. Leur arrivéesur le marché permet, durant la pleinesaison, au peuple de Paris de connaître cet alimentaussi agréable que salubre, dont il ne goûteraitjamais sans cela. Nous avons cherché àsavoir si la petite asperge d'Orléans constituaitune sous-variété; des graines récoltées dans leval Saint-Denis d'Orléans nous ont donné, parla culture aux environs de Paris, de très bellesasperges, absolument semblables à la grosse asperged'Aubervilliers . La nature médiocre dusol et le peu de soin qu'on en prend sont doncles seules causes de leur petitesse.Laissons au couchant la plaine de la Beauce,cet océan d'épis, cet inépuisable grenier de lacapitale ; traversons, à l'est, la plaine moinsriche, mais plus variée du Gâtinais, où degrands espaces, cultivés par plates-bandes exactementcomme des jardins, offrent l'aspect duplus riant parterre : ce sont des champs de safran;nulle part nous ne reverrons en France ce produitcultivé avec des soins aussi judicieux et surune aussi grande échelle. Voici la jolie ville deMontargis, avec son canal bordé de jardins ;nous suivons, toujours entre des jardins, lavallée du Loing et le canal du même nom, quinous conduisent par Nemours à Fontainebleau,ou, suivant l'ancienne orthographe, Fontaine-Belle-Eau .Là, indépendamment de la treille classiquede Thomery, nous passons en revue les fruitsà couteau les plus délicats, réunis dans des vergers,dont tous les produits sont destinés à l'approvisionnementde la capitale. Nous voyageonssans interruption de jardins en jardins jusqu'àCorbeil , où nous retrouvons le terrain que nousavons précédemment exploré : ici, une stationest nécessaire. Nous traversons la Seine vis-àvisdu bourg d'Essone ; Mous n'avons sous lesyeux aucune des grandes scènes de la nature,ni rochers, ni lacs, ni mer, ni montagnes; maisun de ces gracieux paysages où les larges proportionsd'un sol ondulé, que borne, à l'ouest,la forêt de Sénart, couvert partout ailleurs d'unluxe incomparable de végétation, arrosé par laSeine majestueuse et la gentille rivière d'Essone,forment un ensemble non moins frappant,non moins digne des pinceaux de l'artiste.Entrons dans l'établissement horticole deFromont ; nous lui devons bien une journée ;rendons justice au goût parfait qui, dissimulanthabilement ses clôtures, a su si bien l'encadrerdans le paysage que de quelque côté qu'onporte la Nue, on peut croire les sites environnantsdes dépendances des jardins de Fromont ;les étrangers, toujours empressés de les visiter,ne peuvent qu'y prendre une idée favorable del'état de l'horticulture en France. Plus loin, ausud-ouest, les coquettes vallées de l'Essone et;de la Jaine-se montrent à nous parées d'une sé-rie de parcs et de jardins du meilleur goût.Revenons sur nos pas, et retournons à laLoire. Voici Sully, avec sa terrasse où se promenaitl'ami de Henri IV, méditant sur la prospéritépublique, à l'ombre d'une charmille séculairequi subsiste encore : les voyageurs emportentcomme des reliques saintes quelquesfeuilles de cette charmille. Il faut savoir gré aupropriétaire actuel du parc de Sully de s'êtreappliqué à lui conserver, autant que possible,en le restaurant, le style du temps de Henri IV,et de préférer aux agréments d'un jardin modernela poésie d'un grand souvenir.A mesure que nous remontons le fleuve, lesparcs et les jardins deviennent plus rares ; nous-longeons sur la droite la sablonneuse Sologne,non sans remarquer avec satisfaction que sicette partie de la France centrale n'en est pasencore a l'horticulture, du moins elle s'est dépouilléedepuis trente ans de son aspect nu,stérile et désolé ; les deux tiers du sol ont étédéfrichés ; la population s'est accrue ; l'oeil n'estplus attristé par l'aspect monotone d'une plaineinculte à perte de vue. Rien ne devrait nous attirervers cette plaine ; nous la traverseronscependant après avoir passé la Loire au pontde Gien; nous devons un coup d'œil à un phénomèneunique en France.Faisons une excursion vers la forêt de San -trange ; cette forêt ne ressemble à aucune autre; elle n'est composée que d'arbres fruitiers.Personne ne peut dire comment ces innombrablespommiers, poiriers, pruniers, cormierset cerisiers, se sont emparés de cette vaste étenduede terrain, comment et depuis quand ilss'y perpétuent de génération en génération.Quoique pas un de ces arbres ne soit greffé,nous sommes portés à croire, en goûtant leursfruits, qu'ils descendent de sujets originairementgreffés ; les prunes et surtout les cerisessont très mangeables ; il s'en perd une quantitéprodigieuse ; la plus petite partie seulement estrécoltée par les rares habitants des villages voisins,qui trouvent à les vendre, quoique à basprix, a Gien et à Bourges.Revenons au val de Loire, que nous retrouvonsau Bec d'Allier ; un convoi de bateaux,arrêté au confluent de cette rivière, dans laLoire, attire notre attention; il est chargé depaniers artistement disposés, d'où s'exhaleune odeur des plus agréables : ce sont des cargaisonsde poires et d'abricots.Depuis longtemps, le prix du terrain, aux environsde Paris, est devenu tellement élevé, queles jardiniers ont dû forcément choisir entreles diverses cultures les plus lucratives, souspeine de se ruiner. A part quelques localitésprivilégiées , comme Montreuil , Charonne etFontenay-sous-Bois, on a renoncé, autour deParis , à la culture de l'abricotier, qui, mêmeen espalier, donne des produits trop incertains.Quand il faut payer tous les ans un loyer exorbitant,on ne peut laisser le sol occupe par desabricotiers en plein -vent, qui, sous le climat deParis, donnent tout au plus, en moyenne, une


COUP D'OEIL SUR LE JARDINAGE EN EUROPE. 427récolte en trois ans , et restent souvent quatreou cinq ans sans rien produire.L'Auvergne et le Bourbonnais; dans leurs valléesbien abritées, ont des vergers d'abricotiersqui portent régulièrement tous les ans. Ces valléesapprovisionnent Paris de cet excellentfruit : il y a tel abricot qui , avant de paraîtresur la table du riche, n'a pas eu moins de 4 ou500 kilomètres ä faire pour venir se faire mangerä Paris. Nous voici ä Moulins , antique capitaledu Bourbonnais; nous pouvons nous yrégaler de beau fruit ä bon marché.Un étranger arrivant en diligence ä Moulinsun jour de marché, frappé de la beauté despoires, des prunes et du chasselas exposés envente, donne ä une paysanne une pièce de 50centimes, et, s'en rapportant ä sa bonne foi, iltend la main, croyant emporter le fruit qu'ilvient d'acheter. La paysanne lui présente unemanne d'osierdont un âne aurait eu sa charge,remplie de fruits parfaits qui, rendus ä la hallede Paris, auraient peut-être valu 15 ou 20 fr.L'étranger ne pouvait revenir de sa surprise.Le feuit est délicieux et pour rien dans cebon pays de Bourbonnais ; il ne pourra beaucoupaugmenter de valeur jusqu'à ce que lesuperflu de la production ait pris son coursvers Paris ; le pays est couvert d'arbres fruitiers; le sol et le climat rendent chaque annéece genre de récolte immanquable : le basprix tient ä l'abondance de la production.Mais pour voir des arbres fruitiers ä profusion,pour goûter des fruits aussi bons qu'en Touraineavec plus de variété et en plus grandeabondance, entrons dans cette belle et vastecontrée qui conserve son antique dénominationde Limagne d'Auvergne. Ici le produit des arbresfruitiers n'est plus comme dans le Bourbonnaisexclusivement réservé pour la consommationlocale. Clermont ( Puy-de-Dôme )est une ville de confiseur. Les excellents produitsde leur industrie gastronomique s'exportentau loin ; les jardiniers y trouvent le placementassuré de leurs fruits ä des prix convenables.Si de Clermont nous nous dirigeons droit äl'ouest vers l'Océan, ä travers les montagnesde l'Auvergne, les forêts du Rouergue et duQuercy, et les collines du Limousin, nous netrouvons presque pas trace de jardinage avantd'entrer dans le Périgord et la Saintonge. Unefois sortis de la Limagne, peine quelques recoinsdes vallées de la Corrèze, de la Creuse etdes affluents de la Haute-Vienne auront ä nousmontrer çà et lä quelques jardins assez maltenus. Limoges, malgré son importance, voitrarement sur son marché de beaux fruits et deslégumes recherchés. On ne rencontre dans laHaute:Vienne qu'un fruit, la châtaigne, etqu'un légume, le navet ; le proverbe dit en patoisque le Limousin demande seulement deuxchoses ä Dieu : la castagne et la räbioule. Lesol, il est vrai, se prête peu au jardinage ;néanmoins, avec un climat humide et tem-,péré , le terrain le plus rebelle peut encore pro-duire , sous la main d'un bon jardinier. de bonsfruits et de beaux légumes.En quittant le Limousin, les parcs, les vergerset les jardins nous avertissent que noussommes en Périgord ; plusieurs parcs de l'ancienstyle français s'harmonisent avec de vieuxmanoirs seigneuriaux échappés ä 93. Nousvoici en Saintonge, pays plantureux où le proverbedit qu'un homme maigre peut se montrerpour de l'argent : c'est une curiosité. Cequi se rattache ä la vie matérielle est ici lagrande affaire de tout le monde; aussi le jardinage, dans ses rapports avec la gastronomie,est-il traité de main de maître. A la faveur desrapides marées de la Gironde, les jardinierssaintongeois peuvent porter ä Bordeaux le superflude leurs denrées ; les Bordelais, gens fortentendus dans l'art de bien vivre, font avecraison un cas particulier des légumes et desfruits de la Saintonee .Si nous revenons a Clermont ( Puy-de-Dôme),notre point de départ, l'est de la France quenous parcourons ä vol d'oiseau nous montre lejardinage en honneur dans la Bourgogne, laBresse et la Franche-Comté, ä l'exceptiun descontrées montagneuses de PAin, du Doubs etdu Jura. La spacieuse et riche vallée de laSaône s'ouvre devant nous comme un jardinde plus de 300 kilomètres du nord au sud. Dansla Haute-Saône , les environs de Gray, dansSaône-et-Loire , ceux de Tournus, sont de ceslieux dont on ne s'éloigne qu'à -regret quandon les a visités. Les coteaux verdoyants quiforment un vaste amphithéâtre autour de Tournussont parsemés d'une multitude de maisonsde campagne toutes plus gracieuses les unesque les autres. Les propriétés y sont trop divisüespour admettre l'existence des grands parcset des vastes jardins paysagers ; il semble quetoute la contrée soit un parc immense où leshabitations champêtres sont placées commeautant de fabriques disposées ä dessein par unhomme de goût pour embellir le paysage.Hâtons-nous d'arriver ä Lyon, la secondeville de France. Dans toutes les directions nousrencontrons aux approches de Lyon les preuvesde l'importance que les Lyonnais accordentä toutes les branches de l'horticulture . Icide belles pépinières renferment les collectionsles plus riches d'arbres fruitiers et d'arbresd'ornement ; lä , des serres spacieuses fournissentä l'amateur des végétaux de tous les climats; plus loin, ce sont des cultures exclusivede plantes de pleine terre ; enfin, de vastes potagerscapables de garnir de légumes en tout(saison ä un prix modéré le marché de la grand(cité lyonnaise. Un établissement entre tous adroit a notre première visite ; la culture deovégétaux exotiques s'y joint ä celle des ananas,des primeurs de toute espèce et des légumes leeplus délicats ; une machine ä vapeur élève l'eauet la distribue ä toutes les parties d'un vastoenclos. Nous pourrions nous croire en Angleterre chez quelqu'un de ces capitalistes qui ex.ploitent en grand pour le marché de Londre


. • 4•428 HORTICULTURE.la fabrication des légumes, comme d'autresexploitent la fabrication des tissus. En effet, lecapital engagé dans cette entreprise suffirait,si nous sommes bien informés, pour mettre enactivité une fabrique du premier ordre.Descendons la vallée du Rhône. Les bordsde ce fleuve, si escarpés et si resserrés qu'enbien des endroits ils lui livrent à peine passage,n'offrent quelque peu de jardinage qu'auxapproches des villes. Vienne, Tournon, Valencesont dépourvues de grands jardins. Apeu de distance de la rive droite du Rhône, lespépinières d'Anncnay méritent d'être vues.Dès qu'on a dépassé Lyon, on est au milieu despopulations méridionales; les vues d'intérêtdominent trop exclusivement toutes les classesde la société, riches ou pauvres; il nous fautdire adieu aux jardins d'agrément proprementdits. A part un très petit nombre de parcs degrands seigneurs, d'ici à la Méditerranée, plusde jardins paysagers. De helles maisons decampagne, de somptueux châteaux se présententen foule sur notre passage, soit au borddu fleuve, soit sur les coteaux voisins de sonlit ; ils ont pour tout jardin une étroite terrasse;la vigne, le mûrier, le figuier, l'olivieront envahi t espace où devrait être le jardin ; cequi manque par-dessus tout, c'est le goût descultures de pur agrément. Les pépinières d'Annonay, comprenant plus de cent hectares deculture dans six localités des environs, offrentaux propriétaires et amateurs tout ce que l'agriculture,l'arboriculture et la floriculturepeuvent désirer ; une journée entière est indispensablepour en parcourir tous les détails;l'ordre le plus parfait y préside; les greffessont préparées dans des écoles classiques dontl'identité des espèces et variétés a été reconnue.Nous entrons par le département de Vauclusesur le territoire de la Provence; la vallée duRhône s'élargit ; les jardins sont moins rares,jardins potagers, bien entendu, car de jardinsd'agrément, il n'en est pas question. Les jardinspotagers occupent une grande partie des terrainssusceptibles d'irrigation. Voici pour nousquelque chose d'entièrement nouveau ; lesprocédés du jardinage n'ont presque rien decommun avec ce qui se pratique dans le nordet le centre de la France. D'abord, plus d'arrosoirs; on n'aurait jamais fini, s'il fallait entretenirpar l'arrosage à la main la fraîcheur etl'humidité dans les jardins d'un pays où l'onest souvent cinq mois de suite sans avoir unegoutte de pluie, sans voir même un nuage àl'horizon ; puis, quand même le travail de l'arrosageà la main ne serait pas intolérable sousce climat, la terre se trouverait trop tassée; onne peut pas non plus pailler les plates-bandes;la paille est trop rare et trop chère. Le jardinagen'est possible en Provence que dans lesterrains naturellement assez frais pour se passerd'arrosage, ou dans ceux sur lesquels onpeut faire courir un filet d'eau ; dans tout lemidi de la France, les jardins ne s'arrosentque par imbibition. Les légumes, disent les jar-diniers provençaux, aiment l'eau et le fer. Eneffet, la terre imbibée d'eau, puis soumiseà l'action d'un soleil dévorant, deviendraitcomme de la brique, si elle n'était fréquemmentbinée.L'instrument employé à cet usage se nommebîchard ; c'est une houe à deux dents, à manchecourt; on emploie aussi des houes de diversesformes et grandeurs, qu'on nomme icitranches. La bêche plate, sous le nom de lichezou louchet, est aussi en usage, mais seulementau printemps ou en automne pour les laboursprofonds; toutes les façons d'été se donnentcomme les binages, à la tranche et au bêchard .Le premier jardin potager que nous visitonsen Provence ressemble à tous ceux quenous pourrions voir dans la suite ; les pimentsou poivrons, les tomates, l'ail, l'ognon , leschoufleurs et les artichauts couvrent presquetout le terrain; peu de fraises, peu de bonnessalades ; point d'asperges, excepté aux environsd'Aix (on récolte les asperges sauvages,excellentes il est vrai, mais grosses comme destuyaux de plumes); point de primeurs, pointd'ananas, pas un melon supportable • tel estl'état du jardinage en Provence. Les melons desmeilleures espèces, particulièrement les cantaloups,ne sont pas recherchés des consommateursprovençaux qui préfèrent généralementles melons d'eau et les pastèques; ils ont raison,dans ce sens qu'ils ignorent ce que c'est qu'unbon melon. Ces fruits, en général, tiennent peude place dans nos jardins; on leur consacre degrands espaces en plein champ, sans en prendreaucun soin ; il en résulte que, maigre leurbas prix, ils sont encore assez chers puisqu'ilsne valent rien, et cela sous un climat ou ilsdevraient être les meilleurs du monde entier.Nous avons à voir à Avignon le jardin del'Hôtel des Invalides; c'est une simple promenadeombragée par des platanes et des ormes ;mais elle est entourée d'un immense berceau delauriers : l'arbre symbole de la gloire ne saurait être mieux à sa place.A Carpentras, nous verrons avec un vif intérêtla pépinière départementale, en regrettantde n'en pas voir eu France une par département.Dans celle de Vaucluse, l'olivier, sourcede richesse pour la Provence, est l'objet desoins assidus ; on y suit avec persévérance unesérie d'essais déjà encouragés par le succès,dans le but. de remplacer les variétés trop sensiblesau froid ou trop peu productives, pard'autres plus avantageuses et moins exposéesà périr dans les hivers rigoureux. Le long espace de temps que réclament de telles entreprisesles rend impossibles pour un particulier ;mais l'état ne meurt pas : nos neveux profiterontun jour de ces conquêtes que nous leurléguerons a compléter.Plus loin, en descendant vers le littoral, lebourg de Cavaillon, célèbre dans tout le midide la France par sa population de jardiniers,nous montre comme Annonay, dans ses vastesnépinières , tous les arbres utiles que compor-


COUP D'OEIL SUR LE JARDINAGE EN EUROPE. 429tent son sol et son climat, et point d'arbres nid'arbustes d'ornement qui ne trouveraient pasd'acheteurs. Tous les méridionaux vantent lesmelons de Cavaillon ; malgré toute notre bonnevolonté, nous n'avons jamais pu réussir ä lestrouver bons : c'est sans doute affaire de goût :nous ne saurions avoir raison contre tout lemonde. Ces melons ont d'ailleurs un mériteincontestable, celui de se conserver et de setransporter facilement sans s'altérer, de sortequ'à Lyon, par exemple, on mange des melonsde Cavaillon, non-seulement en éte, mais mêmependant presque tout l'hiver.Voici Marseille avec sa ceinture de collinescouronnées par des rochers d'un gris uniforme,sans végétation ; ces collines ont jusqu'à Micôteplus ou moins de terre végétale : c'est làque tout bon bourgeois de Marseille a sa maisonde campagne, sa bastide, dans la languedu pays. Les bastides innombrables disséminéesdans le terroir de Marseille ont toutesleur jardin, grand ou petit ; les plus grands nedépassent guère 25 ou 30 ares de superficie ;ceux-là ont de l'eau ; on y cultive des légumes.Les plus petits ont seulernent quelques mètrescarres; deux ou trois ceps de vigne, un figuier,un mûrier, un olivier garnissent l'étroit espaceattenant ä la bastide : c'est assez pour pouvoirdire : mon jardin.Néanmoins,ily en a tant et tantde ces petits jardiners, de ces petites maisonnettestoutes blanches, que l'ensemble formeun aspect agréable et décore bien le paysage.Nous entrons dans Marseille le jour de laSaint-Antoine : c'est la foire aux arbres; nousy voyons exposés en vente des milliers d'arbresfruitiers de toute espèce, d'innombrableslots de mûrier, peu ou point d'arbres et d'arbustesd'ornement, ä peine quelques fleurs depleine terre : tout est donné ä l'utile, rien ä l'agreable.Parcourons la partie de la Basse-Provencequi longe le littoral de la Méditerranée ; nousne sommes presque plus en France ; le paysagetient de l'Espagne, de l'Italie, de la Grèce encertains endroits; on y trouve même quelquefoisun reflet de l'Afrique dont nous sommes äpeine séparés par deux journées de navigation.Que de choses ä faire en horticulture dans untel pays! Malheureusement tout est ä faire.Prenons un aperçu du peu de jardinage que cevaste espace peut avoir ä nous montrer de loinen loin. Entre Marseille et Toulon, voici lebourg d'011ioules et son défilé pittoresque dominépar des rochers que surmonte un antiquemonastère des Templiers. Au fond de ces gorgessi bien abritées, nous saluons les premiersorangers en pleine terre donnant en abondancedes fleurs et des fruits. Ils ont pour compagnonsdes figuiers ä petit fruit blanc d'excellentequalité. Un ruisseau qui ne tarit point enété arrose ces plantations assez bien tenues.Les fruits de toute espèce que devrait produirecet excellent terrain et qui y seraient parfaits,ne se font remarquer que par leur absence.Observons en passant une si la culture del'oranger en pleine terre occupe une si étroitelisière sur notre littoral de la Méditerranée,c'est que cet arbre délicat exige, indépendammentd'une température douce en hiver, plusieursautres conditions, dont les principalessont l'eau ä discrétion en été, et un abri contrele terrible vent de mistral. Marseille n'est pasplus au nord qu'011ioules ; mais les bastidesde Marseille manquent d'eau en été; elles sonten tout temps balayées par le mistral qui dessèchetout , brûle tout, et ne permet pas äl'oranger de tenir en pleine terre. L'oranger, äl'abri du vent, supporte très bien un froid deplusieurs degrés, sauf le cas assez rare où cefroid le surprend en pleine fleur ; encore, dansce cas, les branches fleuries sont seules atteintes, l'arbre ne meurt pas. Mais que par unfroid d'un seul degré, l'oranger, fleuri ou non,soit frappé du mistral, il périt. Sans cette particularité,nous aurions rencontré l'oranger enpleine terre jusque sous la latitude de Lyon.Le vallon circulaire de Cujes nous offre lespremiers câpriers, dont la culture rentre dansle domaine du jardinage ; elle est nouvelle pournous; saisissons-la au passage dans une périodede prospérité. Les câpres sont plus quetout autre produit cultivé sujets ä de grandesvariations dans leurs prix ; tantôt ils montentä un prix exorbitant, et chacun se met ä planterdes câpriers ; tantôt ils tombent ä quelquescentimes le kilogramme, et les câpriers sontarrachés, ce qui relève les prix au bout dequelques années. En ce moment, la faveur dontjouit ce produit parait plus durable que par lepassé. La médecine a constaté et préconisé avecraison les câpres comme le plus puissant antiscorbutiquequ'on puisse donner aux marinspourr maintenir leur santé pendant les voyagesde long cours. Les lieux de production sontbornés, les demandes sont fréquentes ; noustrouvons beaucoup de jardiniers occupés äplanter du câprier ; ils en verront dès la premièreannée les premiers produits ; les plantationsseront en plein rapport au bout de troisans, pour continuer ä perpétuité, pourvu qu'onen prenne soin. La culture du câprier, quand leplacement des produits est assuré, offre unefoule d'avantages: tous les terrains lui conviennent; elle réussit même dans les plus arides: puis la récolte qui se prolonge pendantplus de deux mois, donne aux femmes et auxenfants une occupation très peu fatigante etbien rétribuée; c'est aussi un moyen d'utiliserune partie du vinaigre dont il se perd tous lesans, dans le seul département du Var, de quoiassaisonner pendant cinquante ans toutes lessalades de France.Nous verrons difficilement un câprier fleuri,ä moins que le hasard ne nous en fasse rencontrerquelque plante sauvage croissant entre lesfentes d'un rocher ou les crevasses d'une ruine ;le produit utile consiste dans les boutons desfleurs non épanouies. Le câprier cultivé nemontre donc presque jamais sa jolie fleur blanche,assez semblable, sauf la couleur, ä celle


43Gdu grand hypéricum . On multiplie le câprierpar l'éclat de ses racines. En automne, oh retrancheles pousses de l'année, et l'on butte lasouche, qui reste l'hiver recouverte de 0',25ä 0'11,30 de terre; on la déchausse au printemps.La récolte du câprier exige beaucoupd'habitude et d'attention; l'épine du câprier estpeu apparente, mais très aiguë, et sa piqûreest fort douloureuse.De Cujes ä Toulon, le pays offre les beautésnaturelles les plus variées. Qu'un amateur pa,-risien serait heureux, lui qui croit figurer desrochers avec des morceaux de vieux pavés etles scories de la forge du maréchal, s'il avaitau bout de sa propriété ces belles masses deroches calcaires avec leurs bouquets de chênesverts et leurs admirables points de vue! commeil s'ernpresserait de les rendre partout accessiblesen y traçant des sentiers aux gracieux détours!que de kiosques élégants , de bancsombragés, de grottes tapissées de jasmin ! Ici,il ne vient ä l'idée de personne qu'on puissetirer parti de tout cela ; le genre d'agrémentqui en résulterait ne serait goûté par personne;le sentiment du beau, en fait d'horticulture etde paysage, est totalement étranger aux méridionaux.L'amphithéâtre de rochers qui environneToulon au nord , quoique beaucoupmoins étendu que le terroir de Marseille, n'estpas d'un aspect moins agréable ; les bastidesparsemées sur la pente des collines sont, engénéral, plus élégantes et d'un meilleur stylequ'aux environs de Marseille ; c'est d'ailleurs,quant l'horticulture, la même absence deplantes d'ornement, la même monotonie de cultures, les mêmes lignes droites, les mêmes terrassesen pierres sèches, dont il serait si facilede voiler la nudité sous des rideaux de plantessarmenteuses ä fleurs odorantes.Le jardin de la Marine, ä Toulon, renouvelleles regrets que nous inspirait celui deBrest ; il est parfaiternent tenu, il renferme unefoule de plantes rares; mais on y étouffe, il n'ya pas de quoi s'y retourner. Quand on songe ala marche suivie par tous les fruits qui, depuisles Romains, font les délices des pays tempérés;quand on se représente les générations successivesde pêchers , pruniers, cerisiers, abricotiers, voyageant de proche en proche des bordsdu golfe Persique ä ceux de la Baltique et de lamer du Nord, comment ne pas gémir en voyantcette enceinte de moins de 50 ares accordéecomme ä regret ä cet établissement qui devraitet pourrait être le point de départ de tant deconquêtes en horticulture? Le camélia, parexemple, est acquis ä l'Italie, comme le rosierdu Bengale au reste de l'Europe. Naples a commencépar se l'approprier ; il y a porté desgraines fertiles qui se sont répandues du pieddu Vésuve au bord du Pô et de l'Adige . Cesgraines, récollées sur des individus nés enItalie, sous une latitude peu différente de cellede Toulon, y donneraient, ä n'en pas doutu ,des graines également fertiles; ce serait la southe de toute une génération acclimatée, et leHORTICULTURE.camélia serait acquis ä l'ornement des jardinsde tout le midi de la France. Combien de fleurscharmantes, de fruits précieux, de produitsutiles en tout genre, pourraient suivre le mêmechemin ! IIn'y aurait qu'à vouloir pour realiserdes prodiges avec moins de dépense que n'encausent les émoluments annuels d'un danseurde l'Opéra.Deux platanes et un cyprès devant la ported'une bastide des environs de Toulon dénotentla demeure d'un propriétaire opulent ; s'il nel'est pas, ses voisins blâment son luxe et saprodigalité ; s'il tient ä reconquérir leur estime,il doit sacrifier ces arbres qui ne rapportentrien.De Toulon ä Hyères, une vaste plaine se dérouledevant nous; c'est le territoire le plusfertile de tout le département du Var ; il ne luimanque que d'être plus judicieusement cultivé.Cette plaine, parfaitement arrosée, couvertepartout d'un sol riche et profond, comprendles communes de Lagarde , Lavalette , Solliès ,Cuers, Pierrefeu et Hyères; elle devrait êtred'un bout ä l'autre consacrée au jardinage. Lepeu de légumes qu'on y récolte est de preinièrequalité ; les ognons de Lagarde et les artichautsd'Hyères sont connus dans tout le département ;Toulon et Marseille offriraient aux produits descultures jardinières un débouché certain; maisl'habitude l'emporte; la vigne et l'olivier apportéspar les Phocéens sont encore en possessionexclusive du sol ; on les cultive ä peu dechose près comme 500 ans avant J.-C.Nous voici ä Hyères, vis-à-vis des îles Stcecades; quelques jardins potagers d'un trèsgrand produit, quoique assez mal dirigés, desvergers où manquent les meilleures espèces defruits ä couteau, des pépinières médiocrementsoignées , montrent ce qu'on pourrait faire dureste de cette plaine oti l'eau vive circule toutel'année dans une foule de canaux d'irrigationä travers les compartiments d'un sol de la plusgrande richesse. Les orangers n'en occupentqu'une portion bien minime; ils y gèlent quelquefois, en dépit de l'abri que leur prêtent dehautes collines contre le souffle du mistrà1 ;l'hiver de 1841 a été funeste ä plusieurs plantationsd'orangers ; la richesee de leurs produitsdevrait pourtant bien engager ä les multiplier.M. F. , propriétaire d'un verger d'orangersd'un peu moins de 3 hectares, a vendu surpied sa dernière récolte 22,000 francs; quoiqu'unepartie des oranges ait été bientôt aprèsfrappée par la gelée, l'acheteur n'y a pointperdu. On n'a point multiplié ici l'oranger dcla Chine dont la fleur est la meilleure pour ladistillation de l'eau de fleurs d'oranger ; äpeine en rencontrons-nous quelques rareséchantillons.Ne cherchons Hyères et dans ses environsni parcs, ni jardin d'agrément ; les riches propriétairesde ce canton privilégié pourraientavoir les plus délicieux bosquets de toute laFrance ; M. F. a des métrosideros et des milaleucasen pleine t.erre ; 111, le comte D. de B.


COUP D'OEIL SUR LE JARDINAGE EN EUROPE. 431possède une vingtaine de palmiers aussi beaux,aussi vigoureux que s'ils croissaient sur le solAfricain ; ils s'élèvent majestueusement au-dessusd'un vaste carré d'artichauts. En entrantdans la ville, la première promenade que nousrencontrons nous frappe surtout par Faspectoriental des arbres dont elle est orne ; ce sontdes palmiers.A l'est d'Hyères, les terrains en friche l'emportenten étendue sur les terrains cultivés;plus de jardinage , ni pour le produit , ni pourl'agrément. Il y a lieu de s'étonner que quelquesamateurs étrangers n'aient pas songé à créerdans les délicieuses vallées du Gapeau , du Pansart, de la Maravenne ou de la Bataille, quelquesjardins paysagers dont le reste de laFrance ne pourrait offrir l'égal quant à la variétéde la végétation. Le long de tous lesruisseaux, l'oléandre des deux variétés, àfleurs rose et blanche, croit avec profusion etfleurit trois mois sarisinterruption ; le myrte, lelentisque, l'arbousier couvrent les collines • lescistes à fleurs blanches et violettes, semblablesà de larges églantines, décorent les pentes descoteaux dès la fin de mars; le genêt d'Espagneparfume l'air de son odeur délicate. Ces plantes,objet de tant de soins dans les serres des amateursdans les pays septentrionaux, sont ici lamatière ordinaire dont on fait la litière pourle bétail; ces arbustes servent à chauffer lefour.Ne poussons pas plus loin notre explorationde ce côté; jusqu'à la frontière du royaume deSardaigne, nous n'aurions plus rien à voir quede vastes forêts de pins dont les rares clairièressont occupées par de misérables hameaux; replions-noussur Grasse, cette gracieuse petiteville toute peuplée de parfumeurs; l'odeur dujasmin et de la tubéreuse nous prend à la gorgeplusieurs kilomètres avant d'y arriver. Lacampagnede Grasse est un magnifique parterre.Nous y rencontrons des plantations importantesd'orangers de la Chine dont le fruit amer seconfit avant sa maturité ; cette variété est surtoutcultivée pour sa fleur plus abondante etd'un parfum plus délicat que celle des autresorangers ; l'eau de fleurs d'oranger est une desbranches principales du commerce de Grasse,où l'industrie active des jardiniers et des parfumeursentretient une heureuse aisance.Si toute la Provence ressemblait au cantonde Grasse, elle mériterait son antique surnom;.ce serait réellement la gueuse parfumée. Hâtons-nousde jouir du coup d'oeil enchanteur deces belles cultures et de la prospérité qui en résulte;tout cela menace de disparaître; d'affreuxincendies ont changé en roches arides et nuesles collines boisées dont les sources arrosaientles jardins de Grasse ; ces sources, déjà bienamoindries, sont destinées à tarir tout-à-faittrès prochainement, pour peu que les incendiesqui se renouvellent tous les ans achèvent ledéboisement des hauteurs voisines. Franchissonsune branche latérale des Alpes et pénétronsdans le Dauphiné. Nous pouvons aisémentreconnaître à la variété des cultures, à la propretédes habitations, aux jolis jardins qui les entourent, que nous ne sommes plus en Provence.Toutefois, le jardinage, quoique très répandu,est loin d'avoir atteint en Dauphiné une grandeperfection. Ainsi, par exemple, on mange rarementun bon melon à Grenoble , quoique le solet le climat soient des plus favorables a ce fruitsi l'on savait l'y cultiver. La gloire du Dauphinéen fait de jardinage est dans ses arbres fruitiers;la vaste et belle vallée du Grésivaudans'offre à nous comme un immense verger, comparablea ce que nous avons vu de mieux en cegenre dans la Touraine et dans la Limagned Auvergne.Deux immenses contrées, le Languedoc et laGuienne , nous restent à explorer. Commenconspar le Languedoc; nous y pénétrons parte Pont-Saint-Esprit; ce que nous devons yvoir en horticulture sera bientôt visité. Nouspouvons laisser à droite la longue chaîne desCévennes; ses habitants, bien peu favorisés dela nature, ont assez de peine à arracher au solde leurs pauvres vallées les produits de premièrenécessité; l'horticulture y est inconnue.Entrons dans la plaine du Bas-Languedoc; ellese prolonge à travers les départements du Gard,de l'Hérault et de l'Aude, jusqu'au pied desbranches les plus avancées des Pyrénées.Les procédes et les instruments de jardinage,de même que le système d'irrigation, sont semblablesa ce que nous avons decrit en abordantl'horticulture méridionale. Les environs deNîmes, d'Alès , d'Uzès et de quelques villesmoins importantes ont d'assez beaux jardins,en petit nombre; Montpellier n'a que tout justel'établissement botanique indispensable a sacélèbre école de médecine.Plus loin, dans le Haut-Languedoc, Toulousea longtemps dédaigné les avantages de sa positionpour 1 horticulture; nous aimons à signalersur ce point une tendance vers le goût du jardinageparmi les propriétaires aisés; de beauxjardins paysagers de création toute récente, etmieux encore, deux établissements de pépiniéristesspécialement consacrés aux arbres et arbustesd'ornement, sont des symptômes évidentsde progrès.Au midi, nous ne pouvons trouver à reposerun instant nos regards qu'an pied des Pyrénéesorientales, dans la plaine voisine de Perpignan,assez semblable à la plaine d'Hyères le jardinagey est en progres ; on utilise 1 eau vivepartout où il y a moyen de la conduire, tandisqu'à une époque encore assez récente il s'enperdait une grande partie. Faisons volte-face;nous aurons devant nous le bassin de la Garonneavec ses nombreux affluents, vaste etfertile contrée, bien plus semblable au centreet au nord de la France, quant à l'horticulture,que le reste de nos départements méridionaux.Parmi de gras pâturages et des champs biencultivés, nous voyons des jardins potagers enrapport avec les besoins de la population, degracieux parterres autour de chaque habitation


432 HORTICULTURE.rurale , enfin de somptueux châteaux où nousretrouvons avec bonheur les frais ombragesdes jardins paysagers qui nous ramènent jusqu'auxportes de Bordeaux. La triste et monntoneétendue des landes elles-mêmes, qui tendä changer d'aspect grâce aux louables effortsdes compagnies de défrichement , nous permetde donner un coup d'ceil d'espérance aux jardinsnaissants qui bientôt vont se développeret s'étendre autour de l'étang de Sainte-Eulalieet du bassin d'Arcachon . Admirons encore ,avant de franchir la frontière d'Espagne , lapropreté, l'ordre et la bonne tenue des jardinssi productifs de la Biscaye francaise . Nous remarquonsentre les mains des jardiniers basques, outre les divers instruments que nousavons déjà vus employés dans tout le midi, unefourche a deux dents droites, munie d'un longmanche , instrument d'une haute antiquité. ilsert, avant la saison des pluies, ä lever en grosblocs le sol durci par la sécheresse; il vautmieux pour cet usage que le béchard dont onne peut se servir que dans une situation trèscourbée ; il fait la même besogne avec une dépensede forces beaucoup moindre. Quant ä labêche , il serait impossible de s'en servir dansles circonstances où les Basques emploient lafourche; elle ne pourrait entamer la terre.D'ailleurs, quand même le sol des jardins de laBiscaye pourrait être travaillé ä la bêche ä laSn de l'été, cette facon lui serait plus nuisiblequ'utile; le sol mis ä l'arrière-saison dans un étatmeuble et bien divisé, puis tassé par les pluiesviolentes, se trouverait ens.uite , ä raison de sanature compacte , en pire état que s'il n'avaitpas été labouré du tour. Au contraire, les grossesmottes levées par la fourche des Basquessont , après qu'elles ont subi l'influence de lasaison pluvieuse, parfaitetnent disposées pourles semis du printemps. Le souvenir tout récentdes jardins de la Biscaye française nous rendraplus frappante. par le contraste, l'aride nudité etl'absence d'horticulture sur presque toute lasurface de la péninsule espagnole.Si nous résumons l'impression produite surnous par cet aperçu de l'état de l'horticultureen France, nous avons ä regretter bien desressources perdues, bien des moyens négligésd'étendre par le jardinage la production desdenrées nécessaires ä la vie , et le cercle desplus douces jouissances destinées ä l'embellir.Néanmoins , sur bien des points, beaucoup debons esprits tournent leurs vues de ce côté ; legoût de l'horticulture n'a jamais été plus répandu; jamais plus d'efforts n'ont été dirigésdans ce sens : bien qu'ils ne soient pas tous aussijudicieux qu'ils pourraient l'être, l'horticulturefrançaise ne Wen montre pas moins fidèle ä samission de concourir ä fertiliser et ä embellirle sol de la patrie.ESPAGNE.L'aspect général de la péninsule ibérique abien peu de jardins ä nous montrer. C'est ce-pendant le pays de l'Europe mi le goût du jardinagedevrait être le plus répandu. Pour lesriches , la nature accidentée du sol , la richessenaturelle du paysage, le besoin d'ombrage, defraîcheur et de repos, semblent provoquer legoût des jardins paysagers; pour le peuple, lebesoin d'une nourriture plus végétale qu'animale, sous un climat brûlant , devrait avoirdonné lieu ä une production très abondante defruits et de légumes. C'est ce qu'avaient si biencompris les Arabes; ils avaient fait un jardin dela partie de l'Espagne soumise ä leur domination; ce qui reste des jardins mauresques äGrenade n'a pas de point de comparaison dansles jardins créés depuis l'expulsion de la racearabe. Considérons les traits généraux du jardinageespagnol.Une t'ois qu'on a franchi les Pyrénées, quoiqueles Basques espagnols offrent une analogiefrappante avec les Basques français, sous le rapportdes mceurs, cOstume et du langage, onreconnaît la vérité du proverbe répandu surtoute notre frontière : Les Pyrénées sont bienhautes pour se donner la main par-dessus!L'aversion réciproque des Basques espagnolset français les uns pour les autres s'annoncedéjà par l'aversion des premiers pour le travaii. Rien de plus négligé que leurs jardins;toutefois ils en ont encore quelques-uns; lesAsturies et la Galice n'en sont pas non plus totalementdépourvues; mais si nous pénétronsau cceur de l'Espagne par la Navarre et lesdeux Castilles, n'y cherchons pas de jardins.Ces plaines ä perte de vue se couvrent ä l'arrière-saisond'une verdure uniforme , signe defécondité, dont la végétation n'est point interrompuepar un hiver'peu rigoureux ; au printempsles moutons ont achevé de tout dévorer;puis vient la sécheresse; alors le pays passe duvert au brun. En Castille, du printemps ä l'automne, tout est brun , d'un brun uniforme; leschaumières rares et misérables construites enpisé , couvertes en chaume, les vêtements etjusqu'au teint des habitants. Ne cherchez pasde traces de jardinage autour de leurs chaumières; l'ail et l'oignon crus, leurs mets deprédilection, leur sont fournis par des marchandsambulants qui les apportent souventde fort loin; les jardins de la Véga de Valence(la huerta de Valencia) en fournissent unepartie de l'Espagde .Pour prendre une idée de l'état le plus avancéde dégradation et de dépopulation de ce beaupays, passons directement en Estrarnadure . Observonsen passant que cette vaste province,jadis très peuplée, contient aujourd'hui si peude monde que lorsque les cortés se sont occupéesde refondre les divisions administrativesde l'Espagne pour donner ä leurs provinces desdimensions analogues ä celles de nos départements, ils n'ont pu établir en Estramadure quedeux divisions d'une immense étendue ; en enfaisant un plus grand nombre , les préfets etsous-prefets (chefs politiques) n'auraient eu4personne ä administrer.


COUP D'OEIL SUR LE JARDINAGE EN EUROPE. 433Si nous demandons notre chemin en Estramadure, on nous répond : Vous laisserez troisdespoblados à droite et deux à gauche, et voustraverserez la grande route de Badajoz. Qu'estcequ'un despoblado ? La place encore visibleoù il y a eu autrefois un village; la populations'est éteinte, le village est resté là; ses ruines,à demi cachées sous une végétation sauvagetrès vigoureuse, servent de renseignement pourarriver au petit nombre de bourgades et de villesencore habitées. Où chercher les jardins dansun tel pays? Entrons dans cette sombre forêtqui couvre une partie de la contrée. Al'ombre des hautes futaies, nous remarquonsde singulières ondulations de terrain, de formeréguliere ; ce sont les anciens sillons creuséspar la charrue des Arabes il y a bien des siècles;ces chênes antiques ont eu le temps decroître et de mourir de vieillesse, et la trace dela charrue arabe n'est point effacée sous leurombrage séculaire. Des haies de petits chênesverts désignent encore les enclos qui furent desjardins; c'est le seul souvenir qui montre qu'il yeut des jardinsen Estramadure ; nous n'en retrouvonsquelques-uns qu'aux portes de Badajoz. Enexaminant le travail des jardiniers espagnols,non pas seulement ceux de Badajoz, mais ceux detoute l'Espagne, nous remarquons la longueurdes manches adaptés à tous leurs instrumentsde jardinage; il en est pour lesquels cette longueurest sans inconvénient; mais, par exemple,comment sarcler avec quelque soin en seservant d'un sarcloir dont , manche n'a pasmoins d'un mètre 60 c.? demment vi le travaildu sarclage veut être fait de très près pourêtre convenablement exécuté. Mais l'Espagnolcroirait manquer à sa dignité s'il se baissaitvers sa terre, si riche et si fertile, pour la cultiver; aussi est-elle couverte de despoblados , ettoute l'Espagne ne sera bientôt qu'un despobladod'un bout à l'autre, si cela continue.Et pourtant l'Espagnol n'est point insensibleau charme des jardins; tout jardin en terrasseau bord d'un cours d'eau quelconque, d'où l'ondécouvre une vue agréable, se nœ nme en espagnolCarmen (charme, chose charmante). ASéville,les bosquets se nomment délices. A partla peine qu'il faut prendre pour les cultiver,l'Espagnol trouve les jardins délicieux; mais ila trop d'autres choses à faire, entre autres, fumeret faire la sieste, et aussi la guerre civile.L'Espagnol est en général si mal chez lui,dans sa chambre malpropre et nue, qu'il vit leplus qu'il peut dehors; de là le grand nombre3e promenades 'publiques, dont bien peu mé.citent le nom de jardins; ce sont tout simpletnentde longues allées droites,ordinairemenlplantées d'ormes, comme indique leur nom(alamedas,allées d'ormes) .Chaque ville, grandeou petite, a ordinairement son alamedaLes grands jardins joints aux résidencesroyales de l'Escurial, de Saint-Ildefonse , deBuen-Retir0,de la Granj a, sont exclusivementdans le goût du dix-septième siècle; leurs longueslignesdroites de terrasses et d'allées d'ifs,HORTICULTURE.encadrant de sombres compartiments de buis,s'accordent assez avec le souvenir des générationsqui s'y sont promenées en vêtementssombres et en fraises sales. Il ne faut excepterque la résidence d'Aranjuez ; le dessin des jardinsn'est ni plus varié, ni de meilleur goût, etles objets d'arts dont ils sont décorés avec profusionne sont pas moins médiocres que dansle reste de l'Espagne ; mais il y a là tout autourde frais et delicieux ombrages, des eauxd'une admirable limpidité, et enfin la vallée duTage, une des plus belles de l'Europe, et qu'iln'a pas été possible de défigurer.L'abondance des eaux est aussi le principalornement des jardins immenses, ou plutôt duparc de Saint-Ildefonse , dont les allées droites,décorées à droite et à gauche d'un peuple destatues détestables, n'ont pas moins de 3 à4,000 mètres de long. Toutes les sources dupied des montagnes voisines ont été amenées àSaint-Ildefonse pour former une rivière artificiellequi, après avoir alimenté une foule defontaines peu remarquables isolément, maisagréables dans leur ensemble, forme une fortbelle cascade. Les compartiments du parc deSaint-Ildefonse sont encadrés dans des haies demyrtes et de lauriers; on y trouve réunis tousles genres de décorations que comportait legoût de l'époque à laquelle ce parc a été créé,temples, grottes, labyrinthes, parterres, le toutde formes symétriques et géométriques, d'autantplus tristes que ce parc est, comme celuide Versailles, constamment veuf de cette foulequi, seule, pourrait l'animer s'il était livré aupublic et qu'il se trouvât aux portes d'unegrande ville.Pour passer en revue ce que l'Espagne offrede plus digne d'attention en fait de jardins particuliers,il faut faire le tour de son littoral, depuisles côtes de la Catalognejusqu'au-delà descolonnes d'Hercule; les villes maritimes etcommerçantes d'Espagne ont seules une bourgeoisieopulente et éclairée à qui ses relationsau dehors ont pu inspirer le goût des chosesd'agrément en même temps que ses richesseslui donnent le moyen de le satisfaire ;quelquestrès beaux jardins appartiennent aussi a la noblesseet aux corporations religieuses, dont lesloisirsnesaura'ent être mieux employés qu auxpaisibles travaux de l'horticulture. Voici d'abordBarcelonne avec sa ceinture de jardinsattenant à des maisons de campagne tout-à-faitanalogues aux bastides de Provence; elles portentici le nom de torres. Le j ar din du Laby rinthejouit d'une juste célébrité, bien que le dessinen soit symétrique; mais ses fontaines etses statues, exécutées par les meilleurs artistesd'Italie, sont de très bon goût; les planteset les arbustes rares, propres au climat de laCatalogne, s'y trouvent groupés avec art; cejardin, ainsi que deux ou trois autres parmi lesquelsil faut citer celui des Pères Capucins,donne une idée favorable de l'horticulture espagnole;c'est dommage que les échantillonsen soient si rares. Le jardin des Capucins deT. Y. —55


434 HORTICULTURE.Sarria , près Barcelonne , est du style paysager ;ses bosquets, plantes principalement en cyprèsßt arbres conifères ä feuillage sombre, sontdessinés dans le but d'inspirer le recueillementet d'inviter aux pensées religieuses ; il est fâcheuxque les bons pères aient jugé ä proposde les peupler de détestables images de saintsde plâtre qui font plus d'honneur ä leur piétéqu'à leur talent pour la sculpture.Barcelonne contient dans son enceinte plusieursbeaux jardins ; l'un des plus beaux tientä l'hôtel du gouverneur (capitaine général); ilest ouvert au public.Valence et sa plaine renommée dans toutel'Espagne sous le nom de Jardin de Yalence ,ont aussi de fort beaux jardins ä nous montrer ;nous y trouvons surtout beaucoup de jardinsfleuristes, et nous ne sommes pas surpris d'apprendrequ'a Madrid et dans tout l'intérieur del'Espagne, quand on veut un bon jardinier, onle fait venir de Valence. De toutes les fleursqui se cultivent avec succès ä Valence, l'oeilletest celui dont la culture est la plus perfectionnée. Un voyageur anglais assure avoir vua Valence des ceillets parfaitement bleus; c'estdommage qu'il n'en ait pas rapporté la grainedans son pays; il a sans doute pris pour bleusles ardoisés, qui sont pourtant bien eloignés dubleu franc. Nul doute que s'il existait un oeilletréellement bleu dans les jardins de Valence, ilne se répandît promptement en Europe ; un pareilceillet dans sa nouveauté n'aurait pas deprix.Nous retrouverons quelques jardins autourde Malaga, de Carthagene et d'Alicante ; maisnulle part nous ne reverrons cette profusion defleurs de pleine terre qui décorent en toute saisonles jardins de Valence.Arrêtons-nous un moment ä Gibraltar. Voicil'alarneda que les Anglais ont nommé le Paradisde Gibraltar. L'allée principale n'a pas plus d'unkilomètre de longueur, mais elle est coupée pardes allées transversales plantées en figuiers, enorangers, en acacias-julibrissins, en arbresrares de toute espèce, et bordées de chaquecôté de parterres où les fleurs les plus bellesque comporte le climat , principalement lesfuchsias, les éricas et les pélargoniums, croissenten pleine terre. Tout cela sans doute estadmirable , surtout par la situation de cettepromenade entre une roche de 500 mètres dehaut et l'une des plus belles baies de la Méditerranée; toutefois il est triste de penser quece jardin, l'un des plus délicieux de l'Espagne,n'appartient point aux Espagnols, et qu'ils nepeuvent s'y promener que sous le canon del'Angleterre.A Cadix, où l'espace manque pour les jardins, nous visiterons cependant le jardin del'hôpital , où nous verrons de fort beaux bananiersen pleine terre, chargés de fruits presqueaussi bons que dans leur pays natal.La riche bourgeoisie de Cadix aime les fleursavec passion ; les principaux négociants ont detrès belles maisons de campagne srx Iß terreferme, ä Port Sainte-Marie et ä Chiclana . Cesjardins fournissent de fruits et de fleurs lesmarchés de Cadix ; la provision du maitre réservée, le jardinier vend le reste ä son profit,en donnant toutefois une part au proprietaire .En Angleterre, aux environs de Bristol et deLiverpool, ce sont aussi les villas des négociantsqui approvisionnent en fleurs, fruits etlégumes les marchés de ces deux grandes villes.Un de nos ainis, qui visitait récemment l'Angleterresous le point de vue de l'horticulture,s'étonnait de voir ses marches si bien garnis,bien que les environs manquent presque totalementde jardins fleuristes et maraîchers; il estpourtant du plus mauvais ton dans ce pays defaire vendre au marché le superflu des produitsde son jardin ; mais les fortunes y sonttrès mobiles, et les banqueroutes très frequentes; il y a beaucoup d'expropriations, beaucoupde villas ä vendre ou ä louer ; durant les lenteursdes liquidations, les jardiniers vendent lesproduits des jardins qu'ils continuent ä soignerpour leur compte, et il y en a assez pour alimenter en fleurs, fruits et légumes ces deuxvilles populeuses. Ce fait caractéristique méritait d'être consigné dans notre tour horticole.Les maisons de campagne de la baie de Cadixont toutes des galeries ou de grands balconscouverts, dont les montants sont garnis desplantes ou arbustes les plus rares; on trouvedans leurs jardins une profusion de cactées, demezembryanthèmes et de plantes bulbeuses duCap, cultivées en pleine terre.L'intérieur de l'Espagne avait encore ä nousmontrer les bosquets d'orangers de l' Alcazarde Séville, et les nombreuses villas des faubourgsde cette ville renommée par sa beautéentre toutes les villes d'Espagne ; nous n'enverrions plus aujourd'hui que les débris. Peus'en est fallu qu'il n'en arrivât autant au jardinbotanique de Nladrid , ce qui eüt été d'autantplus regrettable qu'il n'y en a pas d'autresur le territoire de la monarchie espagnole. Cejardin, fondé d'abord en 1755, ä quelque distancede Madrid, fut transporté, en 1788, ä laplace qu'il occupe actuellement sous les mursde la capitale ; une élégante grille de fer le séparede la belle promenade du Prado. Son étendueest de vingt-huit fanégadas d'Espagne, valantenviron vingt-deux hectares. Ce jardin estpublic l'après-midi; c'est le rendez-vous de labonne compagnie de Madrid ; toute personnedécemment vêtue y entre librement. La matinéeest réservée aux personnes qui y viennentétudier la botanique ; elles doivent avoirdes cartes d'entrée délivrées par le professeurattaché ä l'établissement.Un singulier usage ne permet pas aux damesd'entrer dans le jardin botanique de Madrid latête couverte de leur mantille qu'elles quittentsi rarement ; elles sont obligées, en y entrant,de porter leur mantille sur le bras, et de sepromener la tête découverte.Toutes les plantes medicinales cultivées aujardin botanique de Madrid sont distribuées


COUP D'OEIL SUR LE JARDINAGE EN EUROPE. 435gratuitement aux pauvres; l'administration decet établissement distribue aussi gratuitementles <strong>semences</strong> de toute espèce d'arbres, d'arbusteset de plantes utiles et d'ornement, et nenéglige rien pour en propager la culture.Dans toutes nos explorations de l'Espagne,nous n'avons rencontré que bien peu de serresdignes de fixer notre attention; les culturesforcées sont inconnues dans ce pays; on prendles produits à l'époque où la nature les envoie,bien que sur les plateaux élevés du nord et ducentre de l'Espagne les hivers soient souventassez longs pour faire regretter l'absence debeaucoup de produits de tout genre qu'il seraitfacile de demander à la culture forcée; il estvrai que pour la pratiquer avec succès il faudraitappeler des jardiniers du dehors.Quand l'Espagne pacifiée sera ce qu'elle peutet doit être, le goût de l'horticulture ne pourramanquer d'y multiplier les serres qui pourrontcontenir les végétaux de tous les pays duglobe, sans avoir besoin, comme en France etdans le nord de l'Europe, d'une chaleur artificielleentretenue toute l'année. Sons le climatde Séville et de Gibraltar, une serre froide estl'équivalent d'une serre tempérée à Paris; elledevient serre chaude pour peu qu'on y fassedu feu pendant la mauvaise saison.PORTUGAL.Notre tournée en Portugal nous montrerades jardins bien autrement rares qu'en Espagne.On nomme ici quinto ce que les Catalansnomment torre, et les Provençaux bastide.Quelques quintas aux environs de Lisbonne etd'Oporto ont d'assez beaux jardins; elles appartiennentâ des négociants la plupart étrangers; les autres, sans en excepter les jardinsdes résidences royales, sont mal tenus et délabrés; les finances de ce malheureux pays sonttrop obérées, et la civilisation y est trop arriéréesous tous les rapports, pour que les jardinspublics ou privés ne se ressentent pas de cettedécadence générale dont le Portugal ne semblepas près de se relever.Lisbonne a des serres assez étendues quidépendent de son jardin botanique, mais touty est négligé. A Coïmbre, ville célèbre par sonuniversité, le jardin botanique était, il y aquelques années, totalement abandonné. Lorsqu'ons'est occupé de le remettre en ordre, ils'est trouvé rempli de très beaux arbres et arbustesd'Amérique et d'Australie, qui, livrés àeux-mêmes pendant nombre d'années, avaientfini par prendre le dessus et par former de trèsbeaux bosquets; il a fallu les dégager desronces et des broussailles dont ils étaient encombrés.Le sol et le climat sont admirables en Portugal; les jardins, si l'on songeait à en planter,seraient les plus beaux de l'Europe ; mais l'horticultureest complétement mise en oubli précisémentlà où elle pourrait et devrait être leplus florissante.Hâtons-nous de nous embarquer à Lisbonnepour Gênes, afin de prendre un aperçu de l'étatde l'horticulture dans la péninsule italique.rfALIE .En arrivant à Gênes, même avant de débarquersur ce port, un des plus beaux du monde,nous sommes frappés de la beauté de cette magnifiqueceinture de jardins dont est entouréecette ville, surnommée la superbe, et qui, bienque déchue de son antique splendeur,porte pourtantencore très bien ce beau surnom. Ces jardins,vus de près, ne perdent rien de leur charme;toute villa est un palais rehaussé de tout leluxe des arts; chaque jardin, considéré séparément,offre une réunion de marbres admirablementsculptés qui semblent des monumentsbien conservés des bons temps de l'art antique.Les jardins de Gênes sont ceux de toute l'Europequi répondent le mieux à l'idée que nouspouvons nous former des jardins de l'antiquité,d'après les descriptions parvenues jusqu'ànous; il semble que ce soit là que la traditions'en soit le mieux conservée.En parcourant rapidement le nord de l'Italiesoumis au roi de Sardaigne et à la maisond'Autriche, nous remarquons l'état avancé del'agriculture, les grands établissements d'horticultureà peine inférieurs à ceux de la Grande-Bretagne, le nombre des jardins de toute nature,depuis la villa du grand seigneur jusqu'aumodeste jardin du paysan. Tout cetensemble satisfaisant pour le voyageur étrangerle force de reconnaître un peuple laborieuxet jaloux, comme les Belges et les Hollandais,d'accroître son bien-être par le travail, de rendreson chez soi, grand ou petit, le meilleur etle plus agréable possible. Aux environs deTurin, nous visitons avec intérêt ces immensespépinières si bien placées là, dans un sol frais,riche et profond parfaitement arrosé ; les arbresutiles, mûriers, orangers, citronniers, ettoute sorte d'arbres à fruits, y tiennent le premierrang ; néanmoins, il y a place aussi pourles arbres et arbustes d'ornement, et bien quecette production énorme pour un petit royaumetrouve en partie son débouché dans l'exportation,elle pourrait se soutenir sur un pied déjàrespectable, rien qu'à l'aide du marché intérieur.Le goût des fleurs est général en Piémont; les jardins de tout genre y sont trèsmultipliés ; les parcs dessinés sur les pentessud et sud-est des Alpes sont d'une rare beauté;ils ont, comme les jardins de Gênes, mais dansun autre genre, le privilége d'une vue magnifiquedans toutes les directions, et d'un climatqui admet une végétation très variée.En Lombardie, le goût des jardins paysagersest général parmi la riche noblesse de cepays ; toutefois, les compositions de ce genreque nous avons à visiter ne nous satisfont pastoutes également. Un grand seigneur des environsde Milan, dans un parc situé au milieu


436 HORTICULTURE.d'une plaine, a voulu absolument avoir unegrotte et des rochers, le tout dans de grandesproportions ; il n'a rien trouvé de mieux qu'unéchafaudage en charpente recouvert de toilepeinte, une décoration d'opéra. « Cela me procurel'avantage, disait-il dernièrement ä unvoyageur de nos amis, de changer ä peu defrais mes rochers quand j'en suis las : il ne s'agitque d'en faire peindre d'autres.Parvenus au bord de l'Adriatique, nous ytrouvons, sur les rives de la Brenta, les tracesde l'antique splendeur des villas de la noblessevénitienne. Entrons ä Venise. Nous ne devonspas nous attendre ä rencontrer beaucoup dejardins dans une cité dont le sol est ä peine d'unou deux mètres au-dessus du niveau de l'eausalée. Nous n'en somrnes que plus agréablementsurpris en y trouvant un grand nombre de trèsbeaux jardins. L'horticulture fut de tout tempsen honneur ä Venise ; dès le milieu du quatorzièmesiècle, les opulents Vénitiens songeaientä créer au milieu de leurs lagunes detrès beaux jardins qui subsistent encore. Nousnous étonnons de la vigueur et des dimensionscolossales des antiques platanes qui décorentplusieurs de ces vieux jardins; la terre où viventces arbres n'a nulle part au-delä d'unmètre de profondeur ; il faut se rappeler quecette terre a été apportée en bateau du continentvoisin, et que l'eau dont on arrose cette profusionde belles fleurs qui nous charment dansles parterres de Venise vient aussi du continent; un pont aqueduc gigantesque, ouvrageactuellement en construction, doit incessammentapporter ä Venise la Belle une rivièretout entière. Les deux principaux jardins publicsde Venise datent de 1808 ; c'est une créationde Napoléon ;' les arbres des bosquets ,surtout les ailanthus (vernis du Japon), ontacquis dans un intervalle de temps fort courtcomparé avec la durée de rexistence de cesarbres, des dimensions tellement colossales,qu'on a peine ä croire ä la date pourtant trèscertaine de leur plantation. Les jardins publicsde Venise peuvent servir de modèle sous lerapport des sieges , des ombrages et de tout lecomfort.dont est susceptible un lieu public depromenade ; aussi sont-ils très fréquentés entoute saison.On pense bien que le nombre des espècesd'arbres qui s'accommodent d'un sous-sold'eau salée ne peut être que très borné; ontrouve au contraire dans les jardins de Venisela plus riche variété de plantes et d'arbustesd'ornement.De Venise ä Florence, nous rencontrons partoutde beaux et vastes jardins ; les vergersréunissent une foule de variétés de fruits incon-BUS la France ; d'autres espèces , qui cheznous fructifient rarement et difficilement, donnentici des fruits tous les ans, et en grandeabondanee . Parmi ces derniers, nous remarq-uonsla poire que les Italiens nomment gracctioli, nom qui se reconnait encore dans le motfrançais graciole ou gratiole : c'est un bon-chré-tien d'été. En France et en Belgique, on estimebeaucoup cette poire, aussi belle que bonne,qui mûrit de très bonne heure; mais elle nefructifie qu'à l'abri des murs d'espalier. En Italie,des vergers entiers sont uniquement plantésen poiriers de cette espèce ; ces arbres, grefféssur franc, deviennent forts comme des chênes ,et poussent avec une incroyable vigueur.Dans les potagers, les legumes sont les mêmesque les nôtres. Les brocolis de toutes lesnuances sont plus souvent cultivés que les choufleurs,dont ils tiennent la place ; nous n'avonsä signaler qu'une seule plante, qui chez nousne figure pas comme légume sur nos tablesc'est le fenouil doux, dont les côtes et les racinesse consomment en très grande quantitédans toute l'Italie.Florence est toujours la ville des fleurs. Il n'ya pourtant pas bien longternps qu'elle possèdequelques établissements d'horticulture , dont lepremier, si nos souvenirs son( fidèles, fut fondéil y a quelques années par un Français : cetteanomalie s:explique d'elle-même. Le goût desfleurs, en Toscane, est resté longtemps l'apanageexclusif des classes opulentes : tout amateuravait son jardin , ses serres et son jardinier,dans la vitla , centre de ses dornaines ; deséchanges entre voisins, et des achats en Piémont,ou même en France et en Angleterre,complétaient les collections. Mais bientôt , lesinconvénients d'un tel état de choses ont faitsentir le besoin de créer ä Florence même uncentre de production dont le débouché étaitassuré d'avance. Les établissements actuellementexistants sont en pleine prospérité ; grâceä eux, le goût des fleurs s'est propagé parmitoutes les classes de la population.Remarquons, avant de quitter Florence, lesbelles pépinières de camélias que possèdent lesenvirons de cette ville. Ces pepinieres n'appartiennentpoint au commerce : de très grandsseigneurs , de très grandes dames , marquisesou duchesses, ont pris plaisir ä récolter et ä semerde leurs propres mains des milliers de grainesde camélias; il est des pépinières qui n'encomptent pas moins de 15,000. Celle du grandducrégnant, amateur et protecteur éclairé del'agriculture et de l'hortieulture , est une desplus nombreuses.Le camélia est devenu l'arbrede prédilection des horticulteurs italiens. Il supportebien l'hiver en pleine terre, sous le climatde Florence, dans toutes les situations abritées.De Florence ä Rome, ncus avons ä traverserla Toscane dans sa partie la plus fertile. Chaquegrand domaine a des jardins presque tousdu style paysager , et des serres très bien tenues.La culture forcée est ici très en honneur,et fort habilement pratiquée. On a commencé, i?y a quatre ou cinq ans , propager la cultureen plein champ de la batate , qui tend ä devenir,en Toscane , l'objet d'une branche importantede l'agriculture. Cette belle et utile culture auraitéchoué si les nombreux jardiniers des villes, habitués ä gouverner des serres et ä plusforte raison des couches, n'avaient enseigne


COUP D'OEIL SUR LE JARDINAGE EN EUROPE. 437aux métayers à monter des couches pour fairegermer les tubercules des batates , afin d'en obtenir,au moment opportun, des milliers deboutures. Aujourd'hui , ce procédé est devenufamilier aux paysans toscans, qui commencentà apprécier la valeur alimentaire de la batate ,soit pour eux, soit pour leur bétail.Rome et ses environs, avec leurs palais entourésde magnifiques jardins, nous rappellentles terrasses de Gênes : c'est le même style antique, le même emploi judicieux des objetsd'art du plus grand prix. Remarquons le jardindu duc de Bracciano , qui ne contient pas unseul arbre à feuilles caduques; tous les végétauxqui le décorent sont choisis parmi les arbreset arbustes à feuilles persistantes ; les conifèresy sont pourtant en minorité; les magnolias,les rhododendrums , les azalées. les lauriers,les viornes, composent le fond des massifs.On doit au souverain pontife actuellementrégnant la restauration des jardins du Vatican,qui depuis longtemps étaient presque abandonnés.Des massifs de buis séculaires, peut-êtreles plus anciens de l'Europe, donnent a ces jardinsun caractère de tristesse et de mélancolie;mais la sombre verdure des buis et d'admirableschênes verts font parfaitement ressortir detrès beaux morceaux de sculpture, presquetous antiques, distribues avec goût : les jardinsdu Vatican semblent véritablement romains,mais romains du siècle d'Auguste.Parmi les fruits les plus communs sur lesmarchés de Rome, remarquons les melons detoute espèce, et surtout les cantaloups, à peinemeilleurs ici, sur leur sol natal, qu'aux environsde Paris. Des échoppes décorées avec une sortede luxe , ornées de guirlandes de fleurs naturelleset de rubans fanés, étalent aux yeux desamateurs des piles de melons qu'on vend en détailaux passants, au prix le plus modique; cefruit se consomme sur place, devant l'étalagedutnarchand,quivous doit,par-dessus le marché,un verre d'eau a la glace et l'anecdote du jour.Tous ces melons sont venus presque sans culture,en plein champ; ils doivent leur qualitéau sol et au climat ; l'horticulture maraîchère,malgré le débouché que lui offrent les 21)0,000habitants de Rome, est on ne peut plus négligéeautour de cette grande ville. Hâtons-nous detraverser les pays infestés par la malaria (mauvaisair) ; ne nous arrêtons pas trop à considérerles sites pittoresques le long de la route, depeur qu'une balle de carabine ne trouble nosrêveries poétiques en présence de ce pays admirable,et hâtons-nous d'arriver à Naples, cepays des anges habité par des démons, commedit le proverbe italien.Ici, la nature a tout fait pour l'homme, etl'homme continue à faire le moins qu'il peutpour tirer parti des dons de la nature. Il n'y ade jardins réellement beaux que ceux des résidencesroyales et des palais de quelques grandsseigneurs. Le pays autour de Naples devraitêtre un jardin : il est a peine cultivé; il est vraique tout y vient presque sans culture. Dansl'intérieur de la ville, l'usage général de garnirles toits ou terrasses d'une bordure de vases etde caisses, où l'on cultive des plantes d'ornement,produit un très bel effet.Peu de villes aux environs de Naples ont desjardins dans le style paysager ; c'est toujours,comme autour de Gênes et de Rome, l'alliancede l'architecture et de la sculpture avec l'horticulturequi constitue la beauté des grandsjardins. Saluons, dans celui de la résidenceroyale de Caserta , le doyen des camélias, plantésen pleine terre en Europe ; ce n'est plus cethumble arbuste, qui, chez nous, passe pourtrês grand des qu'il approche des dimensionsd'un oranger de taille ordinaire; c'est un belet grand arbre de plus 8 mètres de haut, largeà proportion, portant à la fois des milliers defleurs que remplacent plus tard des fruits remplisde graines fertiles, et pouvant abriter plusieurspersonnes sous son épais feuillage. Quand onvoit ce camélia, l'on ne peut plus douter quece bel arbre ne soit acquis a l'Italie comme arbrede pleine terre.Naples devrait être le premier jardin de naturalisationde l'Europe : c'est du jardin botaniquede Naples que les végétaux de tout genreimportés des contrées tropicales devaient se répandredans tout l'Occident. Naples possède àla vérité un jardin botanique ; ce jardin n'apoint de serres ; il a pour directeur un abbéplein de zèle et de bonnes intentions, maisqui ne sait pas le premier mot de la botaniquenon plus que de l'horticulture.Les jardins de Caserta sont dessinés dans legoût anglais; ils sont l'ouvrage d'un jardinierde cette nation envoyé de Londres au roi deNaples, Ferdinand IV, par le célèbre botanisteet naturaliste anglais sir Joseph Banks. Ce malheureux jardinier, par parenthèse, fut poignardé, en 1816, par ses confrères de Naples,dont son talent avait excité la jalousie. On admiredans les bosquets qu'il a plantés un choixde beaux arbres exotiques, tous de la plus richevégétation.Nous quittons Naples pour nous diriger versl'Allemagne par la Suisse. Nous n'avons à voiren passant que les jardins publics de Bologne,peu spacieux, mais bien tenus, et les îles Borromées,sur le lac Majeur, si souvent décrites,si souvent figurées, que nous les savions parcoeur avant de les voir. Après avoir admiré leriche point de vue qu'offrent le lac Majeur etses îles, vus de l'intérieur du nez de la statuecolossale de saint Charles-Borromée, nous entronsen Suisse par la vallée du Tésin .SUISSE, TYROL ET ALLEMAGNE.Ne nous arrêtons point à passer en revue lesjardins paysagers que nous pourrions trouver enSuisse; quoique fort agréables et d'un très bonstyle, ils seraient vus avec trop de désavantageen présence des plus belles scènes de la nature.Quel propriétaire oserait placer une pièce d'eau


438 HORTICULTURE.dans son parc ä côté du Léman, ou une cascadeen v ue du Reichenbach? D isons seulemen t qu'autourdes villes, le jardinage utile est aussi avancéqu'en Allemagne, que le goût des fleurs est trèsgénéral, et qu'on trouve de très beaux jardinsd'agrément dans toutes les situations pittoresquesdes rives du Léman et du lac de Constance.Quelques-unes de ces villas sont visitées,moins pour elles-mêmes que pour les souvenirsqui s'y rattachent. Les admirateurs de Mme deStaël manquent rarement d'aller au château deCoppet, qu'elle a longtemps habité, et qui sanscela ne vaudrait guère la peine d'être visité.Les jardins paysagers sont de même écraséspar le paysage naturel dans le Tyrol , la Carnioleet le pays de Salzbourg ; il faut entrerdans l'Allemagne proprement dite, et s'éloignerdes beautés imposantes prodiguées par la natureä ces contrées pittoresques, pour que l'artdu jardinier paysagiste puisse se déployer sanscraindre une si écrasante rivalité.Nous regrettons, en quittant la Suisse, le .soin qu'ont pris les habitants de cet admirablepays d'en exploiter les merveilles. Il faut nousenfoncer dans les cantons les plus reculés desmontagnes de la Suisse pour -jouir ä notre aiseet sans trouble de l'aspect de la nature sauvage.Sur la route suivie habituellement par les touristes,nous trouverions partout des sentiers sablésavec des garde-fous dans les passages dangereux; partout un loueur de chaises viendraittendre la main en nous offrant un siege pourvoir commodément un glacier ou un précipice.Dans le Tyrol, moins fréquenté des étrangers,mais non moins pittoresque que la Suisse,on se souvient encore des visites annuelles dulord H. qui tous les étés revenait le parcourirä pied dans tous les sens. Quand ce seigneur yvint pour la première fois, c'était avec l'intentiond'y acheter une terre et de s'y établir ; maisjamais il ne put se décider ä choisir entre desmilliers de sites tous également pittoresques;cette incertitude dura plusieurs annees , pendantlesquelles lord H. dépensa des sommes incroyablespour faire abattre ici un bouquet d'arbres,ailleurs une chaumière, ou un pan de rocher ;plus loin, il faisait jeter un pont sur un torrent,ou bien détourner plusieurs ruisseaux pour grossirune cascade trop peu fournie ä son gré, letout pour donner ä chaque coin de vallée qu'ilavait momentanément en vue pour s'y fixertoute sa valeur pittoresque. Apres tant de fa -tigues et de dépenses, lord H. se trouva dégoûtédu pittoresque en général et du Tyrol enparticulier; il revint habiter son hôtel ä Londres,et se promener dans Hyde-Park.Si nous voulons prendre une idée de l'état leplus avancé de l'horticulture en Allemagne,commençons nos explorations par la Baviere ;c'est lä que nous verrons les plus beaux jardinspaysagers qui soient en Europe, sans excepterceux de la riche Angleterre. Le souverain actuelde la Bavière est un des protecteurs lesplus éclairés du jardinage ; il est surtout amateurpassionné des grands jardins du style pit-toresque . Nous remarquons dès notre entréedans ses états, le long de.s grandes routes, desarbres exotiques de toute espèce choisis parmiceux qui supportent le climat du pays; ces arbresse recommandent les uns comme ornement, lesautres par leurs usages économiques; c'est parses ordres qu'ils ont été plantés afin de mettretout le monde ä même de juger de leur degréd'utilité et d'agrément. Un pareil système devraitêtre adopté et pourrait Nue a bien peude frais dans toute l'Europe ; ce serait une dépensepublique bien légère et très utile.- Nousvoudrions aussi voir s'étendre ä tous les étatsde l'Europe Pinstitution des commissions permanentesd'améliorations, chargées par le gouvernementbavarois de proposer tous les embellissementsque chaque partie du pays peutrecevoir, tels que fontaines, jardins, promenadesou constructions d'utilité publique ; unrecueil périodique publie les travaux et les rapportsde ces commissions, qui ont rendu etcontinuent ä rendre 11 l'horticulture bavaroisede très importants services.Notre première visite est due au jardin deNyrnphenbourg , ä quelques kilomètres de Munich.Ce jardin était dans l'origine un jardingéométrique, une espèce de petit Versailles,selon la mode du temps où il fut planté. Versl'époque de la révolution française, il changeade forme en partie, pour prendre celle d'un jardinpaysager. Malheureusement, le sol est toutplat ä plusieurs myriamètres ä la ronde, desorte que l'artiste chargé de dessiner les bosquetsa été privé de la principale source du pittoresque,de celle qui résulte d'un terrain accidenté; ä cela près, il a su en tirer tout le partipossible. Nulle part ailleurs nous ne trouveronsune plus riche variété d'arbres et d'arbustes depleine terre; nulle part aussi l'on n'a pris plusde soin de tout ce qui peut rendre un jardinagréable au promeneur : c'est ce luxe dans leschoses publiques, toujours louable lä ou tout lemonde est appelé ä en profiter.Le même eloge est dû au jardin public de Munich, dessiné exclusivement dans le style paysager. C'est la plus grande composition de cegenre en Allemagne ; il n'a pas moins de 200hectares ; l'eau en occupe une très grande partie; un beau lac et une jolie rivière servent auxplaisirs de la promenade sur l'eau. ll y a dansce parc des allées de deux ä trois kilomètres dedéveloppement; on y retrouve la même diversitéde végétation qu'au jardin de Nymphenbourg.On trouve en Bavière un très grand nombrede beaux jardins publics; en outre, les grandesroutes sont pour la plupart de véritables promenades, avec des bas côtés bien entretenus,des lignes d'arbres d'ornement très variés , etde distance en distance, des demi-cercles de gazonombragés de grands arbres, avec des siegescommodes pour le repos des voyageurs. Nousn'oublions pas de rendre justice au soin judicieuxqu'on a pris de joindre un jardin spacieuxet agreable au grand hôpital de Munich, jar-


COUP D'OEIL SUR LE JARDINAGE EN EUROPE. 439din exclusivement réservé aux convalescents,et entretenu avec un luxe de fleurs qui ne sauraitêtre mieux à sa place. En France , beaucoupde grands hôpitaux, à commencer parl'Hôtel-Dieu de Paris, n'ont pas de promenoiroù les convalescents puissent prendre l'exercicedont ils ont si grand besoin.Dans tout le reste de l'Allemagne, deux classesde )jardins méritent surtout notre attentionceux des résidences princières, comme on saittrès multipliées, et ceux des villes où des eauxminérales attirent un grand concours d'étrangers; le style paysager domine dans toutes cescompositions. Nous avons parlé des promenadespubliques dont les principales villes d'Allemagnesont décorées par les soins de leurs autoritésmunicipales; le plus beau de ces jardins,dont nous avons donné le plan, fig. 522,est celui de Magdebourg. A Francfort, lesénat voulant mettre un obstacle de plus àla fantaisie qui pourrait prendre aux grandespuissances d'emprisonner dans des fortificationsles citoyens de cette ville libre, ont faitjeter les remparts dans les fossés, et convertirle tout en jardins dans le goût anglais. C'estune ceinturede bosquets de plusieurs kilomètresqui entoure la ville ; on n'y saurait entrer d'aucuncôté sans traverser un jardin. Nous avonscité deux exemples de la même sagacité, à Aixla-Chapelle( Prusse-Rhénane) et à Louvain(Belgique).En Prusse, les beaux jardins sont les uns surles autres ; le rude climat de la partie septentrionalede ce royaume y a multiplié les serresdans tous les jardins de quelque importance.L'horticulture européenne devra le plus beaujardin d'hiver qu'elle ait possédé jusqu'à cejour, à la libéralité du roi de Prusse, qui consacreen ce moment trois millions de sa fortuneprivée à faire construire à Berlin une serre co -lossale où le public se promènera sous la neigean milieu des arbres et des fleurs de tous lesclimats, végétant comme dans leur pays natal,en pleine terre.Cette serre laissera loin derrière elle celle deSchcenbrtïnn,résidence impériale près deVienne,qui passait pour la plus spacieuse de toutel'Allemagne. Vienne et les principales villes del'empire d'Autriche ont leurs jardins, les unssymétriques, les autres paysagers. En Hongrie,le , goût symétrique domine encore dans laplupart des grands jardins, de même qu'enPologne et en Russie, sauf quelques rares exceptions.Dans le duché de Bade et dans le Wurtemberg,les pentes des Alpes de Souabe et les aspectspittoresques de ce qui reste de la Forêt-Noire sont utilisés pour un grand nombre detrès beaux parcs. Dans le jardin public deCarlsrûhe, nous ne devons pas manquer devoir un singulier phénomène de végétation ,c'est un saule pleureur de fort grande taille,planté en 1787 ; un coup de vent le renversaen 1816. Une de ses branches fut retranchée ;l'autre reçut pour l'étayer un tronc de chênesolidement fixé dans le sol ; ce chêne était recouvertde son écorce. Le saule poussa uneracine entre le bois et l'écorce pourrie de sonétai • la racine, parvenue à la grosseur du bras,fendit l'écorce et descendit jusque dans la terreoù elle s'enfonça d'elle-même, rendant ainsi àl'arbre un appui naturel qui rend inutile celuiqu'on lui avait donné.Sous le point de vue de la production desfruits et des légumes, l'Allemagne est au niveaudes pays les plus avancés de l'Europe;les vergers de l'Allemagne méridionale produisenten abondance d'excellents fruits; la cultureforcée, très répandue dans l'Allemagne dunord, y donne ses produits en toute saison, età des prix assez modérés. Les jardins potagerssont proportionnés aux besoins de la consommation,et chaque habitation champêtre a saplate-bande de fleurs. Quelques localités sontrenommées pour la culture de certains légumes;dans les environs d'Ulm (Bavière), les aspergespassent pour être de meilleure qualité que danstout le reste de l'Allemagne; les amateurs decet excellent légume font venir d'Ulm desgraines et même des griffes de ces aspergespour leurs plantations. C'est une grosse aspergeviolette qui ne diffère pas essentiellementde la grosse asperge de Gand.L'Allemagne possède un grand nombre desociétés d'horticulture bien organisées; l'unedes plus célèbres est celle de Frauendorf, quipossede un immense verger planté de toutessortes d'arbres à fruits ; e est la collection dece genre la plus complète de l'Allemagne. Lasociété d'horticulture de Frauendorf publiedeux recueils dont l'un hebdomadaire est intituléGazette des Jardins (Garten-Zeitung),et l'autre mensuel et spécialement consacréaux vergers, sous le nom de l'Ami des arbresfruitiers (der Obstbaum Freund). Ces deux recueilssont l'un et l'autre très répandus en Allemagne.Quelques jardins fruitiers, potagers et paysagersen Allemagne rappellent de grandssouvenirs : tels sont, en Saxe, les vergers d'Erfurth, déjà célèbres du temps de Charlemagne,et en Prusse les bosquets de Sans-Souci, crééspar le grand Frédéric .La profession de jardinier offre un granddébouché en Allemagne ; ceux qui s'y distinguentparviennent tous à une honorable aisance.Les Allemands appliquent à la professionde jardinier la coutume que quelques professionsseulement suivent en France : apres troisans d'apprentissage, il faut que le jeune jardiniervoyage, et il ne peut espérer de se placeravantageusement s'il n'a fait son tour d'Allemagne,comme nos tailleurs et nos cordonniersfont leur tour de France. Beaucoup de grandspropriétaires, lorsqu'ils ont reconnu dans unjeune jardinier un degré suffisant d'intelligenceet d'aptitude à s'instruire, le font voyager pendantdeux ou trois ans en Hollande et en Angleterre,dans le but de l'élever à son retour augrade de jardinier en chef.


440 HORTICULTURE.L'Allemagne a produit un grand nombre debons ouvrages sur différentes parties de l'horticulture; les écrits de Siekler et ceux de VonSckelt sont les plus connus et les plus estiméshors de l'Allemagne ; ils sont traduits en anglais,et les horticulteurs anglais en font autantde cas que des meilleurs auteurs de leur nationqui se sont occupés d'horticulture.POLOGNE ET RUSSIE.Le poême de Delille sur les jardins a renducélèbres les parcs attenant aux palais de l'aristocratiepolonaise, les tins dans le goût symétriquedes anciens jardins français , les autresdans le style pittoresque ; cet état dechoses a peu changé depuis les descriptions del'abbé Delille ; seulement, les troubles civils etla dévastation qui s'en est suivie ont disperséla noblesse polonaise , dont les propriétés , enchangeant de maîtres , ont en partie changéd'aspect : les Russes ne sont pas renomméspour la pureté de leur goût, pas plus en jardinagequ'en toute autre matière.'Les autres branchesde l'horticulture sont du reste, en Pologne,au niveau de l'état des connaissances actuellesdans les pays voisins.En Russie, la rudesse du climat donne auxserres une iunportance qu'elles n'ont point ailleurs;pendant plus de sept mois de l'année, lapromenade au dehors n'est pas tenable ; les serres,assez spacieuses pour servir de promenaded'hiver, ont, sous un tel clirnat, plus de valeurque partout ailleurs.Le jardin botanique de Pétersbourg contientdes serres d'une longueur immense ; elles formentun parallélogramme coupé par une ligneintérieure de constructions semblable ä celle dontse composent les côtés . Tous ces bâtiments ,mis l'un au bout de l'autre , auraient environ1,200 mètres de longueur totale. L'aspect derensemble a quelque chose d'imposant par sonétendue. Mais lorsqu'on examine ces serres endétail, et surtout lorsqu'on les compare ä cellesdes pays plus avancés que la R ussie en civilisation,on y reconnaît la grossièreté et l'imperfection, jointes ä la prétention , qui caractérisenten général les ouvrages des Russes danstous les genres : ainsi, les châssis joignent mal ;le verre n'est qu'à demi tra.nsparent et remplide défauts ; le mode de ventilation est defectueux; on ne sait couvrir pendant l'hiver etombrager pendant l'été qu'avec des planchesqu'il faut continuellement ôter et remettre, nonsans casser beaucoup de carreaux de vitre. Lavégétation des plantes exotiques, dans de pareillesserres, est ce qu'elle peut être , c'est-ädireassez misérable ; c'est quelque chose pourles Russes; mais en Europe, cela ferait hausserles épaules.Depuis Pierre-le-Grand , la Russie a vu s'éleveret disparaître bien des fortunes exorbitantes. Pour n'en citer qu'un exemple fameux,relatif au jardinage, on a vu les magnifiques jar-clins d'hiver de Potemkin , qui lui avaient coûtédes sommes extravagantes, servir, sous le règnesuivant, de caserne et d'écurie aux soldatsde Paul ler; il n'en reste plus que les débris.Rienn'est plus commun en Russie que ces ruines modernesde constructions que souvent même leurfondateur n'a pas eu le temps d'achever avantd'être atteint par la disgrâce et l'exil en Sibérie.Dans le midi de la Russie, il pourrait y avoirde magnifiques jardins ; la noblesse sédentairedes provinces méridionales de l'empire russeest en géneral trop peu civilisée pourcomprendreles jouissances que peut procurer l'horticulture.Il ne faut pas chercher de jardins autour descabanes russes l'esclave ne songe guère ä embellirune terre qui ne peut pas plus lui appartenirqu'il ne s'appartient lui-même . Ainsi, aulieu de faire croître a portée de sa chaumièresa provision de légumes tels que les admet leclimat , le paysan serf se contente de ramassersur les landes les champignons comestibles qu'ilconserve en les faisant fermenter, mets repoussantqu'on ne saurait manger ni digerer ämoins d'être russe.On trouve autour des villes quelques potagerset un certain nombre de jardins fleuristes :ils sont cultivés presque tous par des Allemands:la cerise du nord et quelques espèces de pommessont les fruits qui y mûrissent le mieux.Parmi les variétés de pommiers cultivés dansces vergers , nous remarquons celle dont lefruit, connu sous le nom de pomme de Moscou,dépasse le volume des plus grosses pommesconnues : c'est du reste son seul mérite. Lepeu de valeur réelle de ce fruit monstre est laseule raison qui rait empêché de se propagerdans les vergers d'Europe.Dans tout le nord-ouest de la Russie, jusqu'enLivonie et en Courlande, on cultive, sous lenom d'arbre aux pois, l'acacia caragana , quiréussit assez bien dans les situations abritees .Ses graines, écossées vertes, forment un metsassez peu agréable, plus propre ä la nourrituredu bétail qu'à celle de l'homme, mais qui n'arien de malfaisant quand on parvient a le digérer.Jusqu'à ces derniers temps, la pomme deterre ne s'est propagée que très difficilement enRussie. Encore aujourd'hui, les paysans russesrefusent absolument d'en manger, par suite deleur aversion naturelle pour tout ce qui est nouveau; « ils prétendent, dit un voyageur anglais,que toute nouveauté mise en avant par leurmaître doit être ä l'avantage du maitre, et nepeut 'être, par conséquent, qu'à leur préjudice.Le peu de légumes d'Europe qu'on rencontreeä et là en Russie a été apporté par les etrangers, toujours en grand nombre au servicerusse , et presque seuls en possession du corn -merce des villes.Le houblon est indigène en Russie; on enmange les pousses au printemps en guise d'asperges,comme cela se pratique en Belgique etdans le nord de la France; c'est un mets aussisain qu'agréable.


COUP D'OEIL SUR LE JARDINAGE EN EUROPE.Nos arbres d'ornement les moins sensibles aufroid de nos plus rudes hivers gèient en Russie.On ne peut avoir à Pétersbourg ni lilas, ni cytises,ni syringas , autrement qu'en les traitantcomme plantes d'orangerie; il faut les cultiverdans des caisses, et les rentrer pendant l'hiver.On conçoit combien doit être borné le nombredes arbres et arbustes qui supportent la pleineterre sous un pareil climat. Dans quelques localitéstrès bien abritées, on voit çà et là un poirieren espalier : rien n'est plus rare que de le voirfleurir et fructifier. Tous les autres fruits d'Europene viennent à maturité que dans la serre.SUÈDE, NORWÉGE , DANEMARK.Quand même nous n'aurions à voir que le seuljardin de l'université d'Upsal,en Suède ,dans toutela Péninsule scandinave, nous ne pourrionsnous dispenser de traverser la Baltique, et de visiter,en terminant notre revue du jardinage européen,le théâtre des travaux du premier botanistedes temps modernes, du célèbre Linnée ,dont nous trouvons le souvenir encore vivant àUpsal. Ce jardin botanique, le dernier de l'Europevers le nord , est tenu avec un soin et untalent remarquables. Au nord d'Upsal , noustrouvons encore de beaux jardins et des vergersproductifs près de Drontheim , en Norvége ,dans des vallées très abritées : nos légumes ycroissent, mais ne durent qu'un moment; on ysupplée par la culture forcée.Au nord de Drontheim , nous pouvons saluer,près du cap Nord, en Laponie, les dernierschoux et les dernières pommes de terre du continenteuropéen. Nous trouverions encore destraces du jardinage autour des cabanes despaysans islandais; il y en a même beaucoupplus au nord que l'Islande, dans les établissementsdanois sur la côte du Groenland ; maisl'Islande et le Groenland n'appartiennent réellementpas à l'Europe. Quelques beaux jardinsaux environs de Stockholm méritent que nousles visitions, bien que le style symétrique y domine: tous sont ornés de fort belles serres ,riches en plantes précieuses de tous les pays,et parfaitement cultivées.Nous donnerons un coup d'oeil au jardin botaniquede Christiania avant de passer le Sundpour voir les jardins du Danemark. Nous trouvonsdans ce royaume l'horticulture en progrès.Copenhague a vu se former tout récemment saSociété d'horticulture, qui doit, au moyen d'unesouscription promptement remplie, doter cetteville d'un très beau jardin botanique, qui serviraen même temps de promenade.La botanique et l'horticulture ont été de touttemps en honneur en Danemark. Les parcs,joints aux châteaux et aux résidences royales,sont dessinés dans le meilleur style ; les jardinsbotaniques, dont le plus remarquable est celuide Charlottenbourg , qui sert à l'enseignement44tde l'université de Copenhague, sont dirigés pardes jardiniers du premier mérite : c'est déjà tejardinage allemand, d'autant plus digne d élogespour ses efforts et ses succès, qu'il doit luttercontre des conditions de climat plus défavorablesà l'horticulture. En Danemark , nousretrouvons en abondance les légumes de Hollande,les meilleurs et les plus délicats de tousceux du nord de l'Europe. Les arbres à fruits,cultivés presque tous en espalier, y donnent,à l'aide de quelques abris momentanés au printemps,des fruits très passables. Des serres sontconsacrées à tous les genres de culture forcée.Nous avons aussi à saluer en Danemark denombreuses collections de plantes d'ornement;le goût des plantes de collection n'est pas moinsrépandu dans ce pays qu'en Angleterre.Ici se termine notre revue du jardinage européen.Nous pourrions encore en montrer lerayonnement sur tous les points du globe, partoutoû la race d'Europe a pris possession dusol. Les Etats-Unis nous montreraient la répétitiondes vergers et des parcs de l'Angleterre ,nous pourrions suivre jusqu'à Ceylan l'horticultureanglaise avec ses collections, ses parterreset ses jardins paysagers. L'Amériqueespagnole nous montrerait la répétition des jardinsgéométriques solennellement ennuyeux,de l'Escurial; enfin, pendant l'occupation del'Egypte par les Français, nous pourrions montrernos jeunes états-majors dansant à la clartédes illuminations en verres de couleur sur laterre des Pharaons, dans un tivoli improviséaux dépens des jardins du sérail de Mourad -Bey, le d 'dernier mchef des Maelucks .En résumant nos impressions, la revue dujardinage européen nous le montre avec unetendance remarquable à rentrer dans ses véritableslimites , a cesser, même dans les paysde haute aristocratie, de dérober à la culture devastes espaces pour les jouissances d'un seul,à satisfaire pleinement, largement à des prixraisonnables, le goût de tous pour les végétauxd'ornement, et les besoins de tous par la productiondes végétaux alimentaires : c'est unebonne voie, c'est celle du véritable progrès.L'horticulture doit y persévérer.L'horticulture française, moins avancée quecelle de beaucoup d'autres pays sous certainsrapports, s'avance dans toutes les directionsd'un pas si rapide qu'elle voit approcher aveccertitude l'instant où la première place nepourra lui être disputée. Cette place lui appartientdéjà pour toute la partie utile de l'horticulture; sous un autre point de vue, nos horticulteursn'ont pas de rivaux dans l'art si difficilede la multiplication des plantes exotiques, et ilsperfectionnent de jour en jour leurs procédésQu'il nous soit permis d'exprimer en terminant l'espoir de concourir, nous aussi, à lamarche progressive de cet art qui, comme unedérivation de l'agriculture, a également pourobjet de fertiliser et d'embellir le solde la patrie


CALENDRIER DU JARDINIERJANVIER.S 1". — Jardin potager.Asperges. — En même temps que l'on continueä forcer les asperges pour les vendrecomme primeurs, on doit songer ä préparerl'emplacement que doivent occuper au printempsles plantations de nouvelles griffes donton ne recueillera les fruits que dans trois ans ,ou les semis en place dans le même but. Lesfosses doivent être creusées ä un mètre de profondeur; la largeur varie ä volonté ; mais, enprincipe, elle ne doit pas dépasser le double dePespace où peut atteindre le bras d'une personnede taille moyenne, agenouillée sur lebord, afin que, soit pour la plantation, soit plustard pour la récolte , il soit toujours faciled'arriver au milieu du futur carré d'aspergessans être forcé de marcher dessus. Les alternativesde froid, de chaud, de sécheresse et d'humidité,sont fort utiles ä l'amélioration desterres retirées des fosses, terres qui servirontensuite ä recouvrir les asperges. Quant au fondde la fosse, il est indifférent qu'il s'améliore ounon, puisque les asperges ne seront jamais encontact avec lui.Artichauts. — Le mois de janvier peut leurêtre funeste si l'on n'a pas soin de leur donnerde l'air en les découvrant chaque fois que letemps le permet ; il faut surtout se défier despluies abondantes, mêlées de neige fondue, quitrès souvent, sous le climat de Paris, remplacentles gelées dans les mois de décembre etde janvier. Les pieds d'artichauts trop fortementbuttés et trop garnis de litière ne peuventalors manquer de pourrir si l'on ne les dégarnitpromptement, tout en laissant ä leur portée dequoi les regarnir si le temps se remet au froid.Quelques précautions que l'on prenne, une geléesubite de quelques degrés seulement, succédantä des pluies prolongées, éclaircira toujours lesrangs des artichauts. C'est en janvier qu'il fautvendre ou manger les artichauts serrés avantl'hiver avec leur tête ä demi formée ; si l'on attendaitplus tard, quoiqu'ils fussent encoremangeables, leurs feuilles calicinales se raieraientde brun, et ils ne pourraient plus paraîtresur la table autrement que frits.Oignons. — Lorsque le temps est doux etqu'il s'est passé quelques jours sans pluie etsans forte gelée, on peut hasarder quelquesgraines d'oignons en pleine terre, sur les platesbandesles mieux abritées ; ces oignons viendrontde bonne heure et seront bons ä être employésä la moitié de leur grosseur, avec lespremiers petits pois de pleine terre dont ils sontl'assaisonnement le plus général. L'oignonblanc est préférable aux autres espèces pources premiers semis.Fèves. — Les amateurs de ce légume peuventsemer les premières fèves ä l'abri, enpleine terre, dès le milieu de janvier en consultantmoins la date du mois que la température. On aura soin de les couvrir en cas degelée, lorsqu'elles seront sorties de terre. Demême que les pois de pleine terre, elles gèleronttoujours, mais non pas de manière äpérir, et elles pourront donner leur grain envert douze ou quinze jours avant celles- quiseraient semées ä la fin de février, avance quin'est point ä dédaigner. Les meilleures espècesde fèves pour les semis de janvier sont la fèvejulienne et la naine hâtive. La fève ä longuecosse, beaucoup plus productive, est presqueaussi précoce que les deux précédentes.Carottes. — La culture de ce légume est tellementimportante aux environs de Paris, quetout jardinier lui doit une large place sur sescouches comme en pleine terre, au retour dela belle saison. Les premières carottes se sèmentsur couche tiède au commencement dejanvier ; il vaut mieux semer trop serré quetrop clair. Nous engageons les jardiniers amateursqui habitent les départements se procurerde confiance auprès d'un maraîcher, oudans une des grandes maisons de graineteriede Paris, de la véritable graine de carottes del'excellente variété obtenue par la culture,provenant dans Porigine de la carotte toupiede Hollande. Cette variété, loin de perdre sasaveur par la culture forcée, n'est pas moinsagréable lorsqu'elle est obtenue sur couche quecelle qu'on obtient au printemps en pleineterre. Si les consommateurs de Paris n'en faisaientpas un cas particulier. ce qui la maintienttoujours ä un prix raisonnable, le temps qu'ellemet ä croître en rendrait la culture forcée peuavantageuse ; mais on ne doit pas regrettersa peine lorsqu'on vend, comme l'an dernier,80 centimes et 1 franc un paquet de carottesrecueilli sur un carré de Or",50 de côté , ce quidonne de 3 fr. 20 c. ä 4 fr. par rnètre carré.Les carottes doivent être bassinées même avantla levée de la graine, et maintenues ensuitedans un état constant de fraîcheur par desarrosages souvent répétés. On ne doit pascraindre de renouveler fréquemment les réchaudsautour des couches consacrées aux carottes; elles ne redoutent point la chaleur dela couche, pourvu qu'on ne les laisse pas manquerd'humidité.Haricots. — On commence ä récolter les haricotsverts provenant des premiers semis sur


couche; cette récolte doit se taire avec précaution,en se servant de l'ongle du pouce; si l'onn'y mettait pas les ménagements nécessaires,la récolte serait presque nulle, car la fleur deharicot, qui tient fort peu à la tige quand ilcroit en pleine terre, y adhère encore bienmoins quand cette plante est élevée sur couches.On continue les semis pour remplacer lesplants épuisés et ne pas éprouver d'interruptiondans les récoltes.Choux et Choux -fleurs. — Le mois de janvierdoit être utilisé pour réparer, au moyendes couches, les pertes que la mauvaise saisonpeut avoir fait éprouver au plant de choux etde choux-fleurs venu en pleine terre, soit enpépinière, soit en place. Dans ce cas il faut secontenter de semer sur couches les espèces hâtives,choux d'York ou coeur de boeuf, et choufleurdemi-dur; mais il se passe souvent plusieursannées sans qu'on ait besoin de sacrifierdes couches et des châssis pour cet usageMelons. —Le mois de janvier est la véritableépoque pour les semis des melons cantalous,les seuls dont on fasse cas actuellement dans laculture maraîchère des environs de Paris.Beaucoup de jardiniers sont encore dansl'usagede semer chaque graine séparément dans unpetit pot qu'on enterre dans la couche; quandle plant est assez fait pour être mis en place,on le plante avec toute la terre du pot, sanscauser aucun dérangement à la végétation.Dans la culture en grand on peut se dispenserde cet embarras ; il suffira de semer assez clair,à même la couche, et surtout, ce qui est le plusessentiel, de tenir le terreau dans un étatmoyende fraîcheur qui permette d'enlever le plant demelon en motte sans difficulté. Replanté àl'instant même et assuré par un léger arrosage,il n'en souffre pas; sa croissance n'en est pasessentiellement retardée.Les défoncements et les labours d'hiver dansle jardin potager doivent être achévés en janvier;la pleine terre ne réclame plus sur aucunpoint la présence du jardinier, tout occupé dela culture artificielle des primeurs sur couches.Les travaux de ce mois, pour cette culture,sont les mêmes que ceux du mois précédent.s ii. — Jardin fruitier.Le nombre des arbres susceptibles d'êtretaillés augmente à mesure que la saison avance,le sécateur et la serpette sont en pleine activité;cependant il est prudent de ne pas toucher j usqu'ala fin de février aux arbres fruitiers ànoyaux, non plus qu'à la vigne. Chez les unscomme chez l'autre, il faut laisser les boutonsà bois ou 'a fruits devenir plus faciles à distinguer,ce qui ne peut manquer d'arriver, puisquel'hiver, quelque rude qu'il soit, ne les empêchepas de grossir, bien que l'arbre qui lesporte semble avoir du reste complétement interrompusa végétation. Presque tous les arbresà fruits peuvent être plantés en janvier, exceptélorsque la gelée pourrait endommager leurs ra-CALENDRIER DU JARDINIER. 443cines. Nous ferons ici, relativement à la vigne,une observation basée sur des faits que nousavons eu plusieurs fois occasion de vérifier parnous-mêmes. La vigne, quel que soit son âge,supporte bien la transplantation durant letemps où sa végétation est suspendue. En voicideux exemples. En 1814, nous trouvant aumois de janvier au hameau des Bordes (Seineet-Oise),nous vîmes arracher un très-beau cepde chasselas, fort vieux, adossé à un ancienbâtiment qu'on devait reconstruire au printemps.Ce cep avait des racines si nombreuseset si fortes que nous conseillâmes à un fermierd'essayer de le planter contre le pignon de sagrange, à l'exposition du midi. Des tranchéesprofondes d'un métre furent ouvertes dans.trois directions, et l'on y disposa les racines dela vigne dans de bonne terre rapportée; la vignefut aussitôt taillée fort court. Elle repritavec une merveilleuse facilité; dès la secondeannée elle couvrait un grand pan de mur etdonnait en abondance d'excellent raisin.En 1832, faisant construire une terrasse devantune maison de campagne sur un coteauau pied de la citadelle de Liége ( Belgique),nous ne voulûmes pas•sacrifier un cep de vignede Frankental d'une qualité supérieure. Versle milieu de janvier, nous fîmes dépaver etcreuser le sol pour mettre à nu les racines dela vigne; elles furent dérangées avec précautionet disposées de manière à ne pas rencontrerles travaux de maçonnerie qui eurent lieu auprintemps suivant. La vigne fructifia comme àl'ordinaire, sans qu'on remarquât aucun changement,soit dans la qualité, soit dans la quantitédu raisin ; elle continua de végéter avec lamême vigueur. Si l'on rapproche ces faits desexpériences d'un agronome de Saône-et-Loire,qui a déterré toutes les racines de plusieursceps en hiver pour les enduire d'une solutiond'alun, opération qui depuis trois ans n'a produitsur la vigne d'autre effet qu'une augmentationremarquable dans la quantité du raisin,sans en altérer la qualité, on en conclura queles plantations d'auromne ne sont pas de rigueurpour la vigne, comme le pensent la plupartdes praticiens, et que, lorsque le besoinl'exige, on peut traiter une vigne, même trèsvieille,comme un végétal rustique plein de ressources,pouvantreprendre à tout âge, au grandavantage du jardinier, qui, par ce procédé,s'assure une récolte abondante et prochaine.Les moments d'inaction rendus inévitablespar le mauvais temps doivent être utilisés pourdes travaux de prévoyance qui peuvent s'exécuterà la maison. Ainsi, l'on-pourra s'occuperactivement de la construction des treillagesdestinés à des murs neufs ou récemment garnisde jeunes arbres en espalier. A Paris et aux environs,laprofession de treillageur constitue unétat 'a part; mais ailleurs le jardinier doit, autantque possible, tout faire par lui-même.Nous ferons connaître, à cette occasion,quelques usages locaux qu'il nous semble utilede répandre, relativement au palissage des ar-


4 44 CALEDIDRIERbres en espalier. Pour commencer par Paris,nous dirons qu'on devrait imiter partout lacoutume de.s jardiniers de la banlieue, qui , lorsqueles murs ne sont point garnis de treillage,palissent la loque. Ce terme très expressifdésigne en effet l'emploi d'une immense quantitéde loques de drap vendues par les tailleurs.Pendant les longues soirAes d'hiver, on lescoupe en carrés longs ; pour s'en servir, on enpasse un morceau autour de la branche, onréunit les deux bouts, et on les fixe l'un surl'autre par un clou dans la muraille. Les branches,par ce procédé , ne craignent aucuneécorchure ; la laine qui pénètre avec le cloudans l'enduit du mur arnortit le coup de marteau,et empêche le crépissage de se détacher.En l'absence du treillage, nous ne connaissonsde meilleur procédé que celui que nous allonsdécrire ; mais le palissage à la loque est praticablepartout, tandis que le procédé suivant nepeut être mis ä profit que dans quelques localités.Les jardiniers de toutes les provinces wallonnesde la Belgique , même dans les jardinsdes chä.teaux où l'on ne regarde pas a la dépense,se servent pour palisser leurs espaliersd'un moyen bien moins coûteux que le treillageä demeure. Dès qu'un arbre a pris sa secondefeuille après sa mise en place, on fixe perpendiculairementsur l'un de ses côtés , ä l'aided'un clou ä crochet très recourbé, une baguettede cornouiller d'une longueur proportionnéeaux dimensions de l'arbre. D'autres crochetsforcent la baguette ä décrire une courbe sur laquellel'espalier est palissé avec des attachesd'osier fin. A mesure que l'arbre grandit , onfixe sur le mur de nouveaux demi-cercles debaguettes. On peut aussi les placer horizontalementpour la conduite de la vigne et des poiriersangle droit.Rien de plus facile et de plus économiqueque ce mode de palissage; si une baguette estcassée ou pourrie, on la remplace sans dérangerl'arbre en toute saison de l'année, et l'onn'expose pas ä l'action destructive de l'atmosphèretout un treillage d'un prix très élevé.dont les 9 dixièrnes resteront plusieurs annéessans emploi, en attendant la croissance desarbres.Le cornouiller, bois d'un tissu très dur, résisteindéfiniment aux intempéries des saisons;il dure au moins le double du meilleur treillageen bois de chêne , sous le climat pluvieux de laBelgique. Des bois entiers de cornouiller sontcultivés en taillis pour cette destination ; ontrouve partout ä en acheter des bottes de baguettesdépouillées de leur écorce, comme l'osierprépare pour la ‘annerie . Ces taillis, coupésa 5 ans, donnent des pousses parfaitementdroites et flexibles, qui ont depuis deux jusqu'àcinq mètres. Quand elles sont anciehnementcoupées, il faut les humecter avant de s'ensen, ir .Dans nos départements du midi, l'usage desroseaux pour treillage devient fréquent ; cettematière doit être aussi durable et moins dispendieuseque le treillage en cceur de chêne .Dans toute la basse Provence, les roseaux,qui de tout temps remplacent les lattes pour leplafonnage, doivent avant peu devenir pourtreillage d'un usage universel ; comme leur prixest toujours assez élevé, on les fend dans leurlongueur, par économie, au lieu de les employertout entiers. Quelques touffes de cannesde Provence cultivées depuis plusieurs annéesautour du réservoir du labyrinthe au Jardindes Plantes, prouvent que cet utile roseaupeut être cultivé avec succès sous le climat deParis, quoiqu'il n'y parvienne pas la hauteurqu'il atteint sur les côtes de la Méditerranée.s — Parierre .Les rares beauZ jours du mois de janvierperrnettent encore de rendre une visite au parterre;on y trouvera en fleur en pleine terreles deux perce-neige (le leucorum et le galanthus),le tussilage odorant, l'ellébore noir , lesdaphnés et la violette que le moindre abri ,comme nous l'avons indiqué , peut forcer äfleurir tout l'hiver. Le jardinier peut commencerdans les beaux jours de janvier la taille deses rosiers de collection; cette opération a étési souvent décrite que nous croyons pouvoirnous dispenser d'en reproduire ici les détails;elle n'offre d'ailleurs aucune difficulté sérieuse;il suffit de savoir apprécier ä la vue la forcedes sujets, force très variable selon les espèces,et de tailler les plus robustes plus longs queles faibles. En général, nous nous sommes toujoursbien trouvé d'une taille courte pour presquetous les sujets ; c'est un principe admis parles horticulteurs belges.Quant aux rosiers en buisson, ils seront tondus,sans cérémonie, avec les cisailles qui serventä tondre les haies.§ IV. — Jardin paysager.Le jardin paysager, quoique privé de saprincipale parure, méritera pourtant aussi d'Atrevisité, ne fût-ce que pour respirer l'odeurdes fleurs du calycanthus précoce (calycantlausJaponica), odeur analogue ä celle de quelquesmets recherchés, excitant, comme la vanille,la sensation d'une saveur en même temps quecelle d'un parfum. D'ailleurs, le cognassier duJapon, dans une situation bien abritée, et lemapolia ä fleur violette donneront déjà desesperances de floraison dont l'horticulteur seplaît ä suivre les développements.Dans les situations abritées, les araucaria etles autres arbres exotiques qui passent l'hiveren pleine terre moyennant un abri, ont besoind'être demi découverts pour profiter des bellesjournées, quand la temperature le permet ; ilsdoivent toujours être recouverts avant la nuit.§ V. — Orangerie et serres.La grande analogie de température des moi.de décembre et de janvier sous notre elimat

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