Réflexions sur les soins donnés aux mineurs - Conseil National de l ...

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Rapport adopté à la session du Conseil national del’Ordre des médecins d’avril 2003Dr Irène KAHN-BENSAUDEREFLEXIONS SUR LES SOINS DONNES AUX MINEURSET LOI DU 4 MARS 2002La pédiatrie est une médecine un peu particulière car il n’y a pas colloque singulierentre le patient et le médecin, mais un colloque à trois avec parents, enfant,médecin.Déjà la loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001 permettait à un médecin de pratiquer uneinterruption volontaire de grossesse pour une adolescente sans l’autorisationparentale.La loi n° 2002-303 apporte trois changements majeurs en ce qui concerne lapédiatrie : la transmission du dossier aux détenteurs de l’autorité parentale lapossibilité pour le mineur de refuser la transmission de ce dossier le secret de laconsultation demandée par le mineur qui ne veut pas que le médecin mette aucourant ses parents.Alors que depuis Madame Dolto, l’enfant est considéré comme un être à part entièreet que de plus en plus il est en droit de parler et d’être écouté, cette loi ne facilite pasles relations parents enfants ni même les relations médecin-parents-enfants.Cette loi apporte des sujets de réflexion sur les trois points mentionnés ci-dessus :La transmission des dossiers aux parentsDans un dossier, apparaissent les antécédents familiaux, ce serait une violation dusecret médical si étaient divulgués des antécédents d’un des parents qui avaient ététus jusqu’ici au conjoint.

Rapport adopté à la session du <strong>Conseil</strong> national <strong>de</strong>l’Ordre <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins d’avril 2003Dr Irène KAHN-BENSAUDEREFLEXIONS SUR LES SOINS DONNES AUX MINEURSET LOI DU 4 MARS 2002La pédiatrie est une mé<strong>de</strong>cine un peu particulière car il n’y a pas colloque singulierentre le patient et le mé<strong>de</strong>cin, mais un colloque à trois avec parents, enfant,mé<strong>de</strong>cin.Déjà la loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001 permettait à un mé<strong>de</strong>cin <strong>de</strong> pratiquer uneinterruption volontaire <strong>de</strong> grossesse pour une ado<strong>les</strong>cente sans l’autorisationparentale.La loi n° 2002-303 apporte trois changements majeurs en ce qui concerne lapédiatrie : la transmission du dossier <strong>aux</strong> détenteurs <strong>de</strong> l’autorité parentale lapossibilité pour le mineur <strong>de</strong> refuser la transmission <strong>de</strong> ce dossier le secret <strong>de</strong> laconsultation <strong>de</strong>mandée par le mineur qui ne veut pas que le mé<strong>de</strong>cin mette aucourant ses parents.Alors que <strong>de</strong>puis Madame Dolto, l’enfant est considéré comme un être à part entièreet que <strong>de</strong> plus en plus il est en droit <strong>de</strong> parler et d’être écouté, cette loi ne facilite pas<strong>les</strong> relations parents enfants ni même <strong>les</strong> relations mé<strong>de</strong>cin-parents-enfants.Cette loi apporte <strong>de</strong>s sujets <strong>de</strong> réflexion <strong>sur</strong> <strong>les</strong> trois points mentionnés ci-<strong>de</strong>ssus :La transmission <strong>de</strong>s dossiers <strong>aux</strong> parentsDans un dossier, apparaissent <strong>les</strong> antécé<strong>de</strong>nts famili<strong>aux</strong>, ce serait une violation dusecret médical si étaient divulgués <strong>de</strong>s antécé<strong>de</strong>nts d’un <strong>de</strong>s parents qui avaient ététus jusqu’ici au conjoint.


En pédopsychiatrie, <strong>de</strong>s tests projectifs sont effectués par l’enfant, ces tests montrentce que l’enfant pense <strong>de</strong> ses parents, si l’enfant est prévenu que <strong>les</strong> tests vont êtremontrés à ses parents, va-t-il <strong>les</strong> faire ? il y aura abus <strong>de</strong> confiance si on <strong>les</strong> montre<strong>aux</strong> parents sans le prévenir, et lorsque <strong>les</strong> parents verront ce que leur enfant pensed’eux. Les comptes rendus <strong>de</strong> ces tests pourraient servir dans <strong>les</strong> conflits famili<strong>aux</strong>.Il est arrivé que <strong>de</strong>s parents menacent <strong>de</strong> porter plainte pour diffamation, ou proposmensongers à la lecture d’un compte rendu et <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt que <strong>les</strong> termes soientmodifiés. La perversion <strong>de</strong> certains parents peut aller jusqu’à gêner le mé<strong>de</strong>cin poursoigner l’enfant (divorce, gar<strong>de</strong>, etc.). Cette disposition va sûrement entraînerquelques plaintes supplémentaires au <strong>Conseil</strong> <strong>de</strong> l’Ordre.L’interdiction <strong>de</strong> le transmettre <strong>aux</strong> parentsA partir du moment où un mineur ne veut absolument pas que l’on transmette undossier à ses parents on peut penser que quelque chose <strong>de</strong> grave se passe danscette famille et le rôle <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cin n’est pas d’entrer dans ces conflits mais engénéral d’ai<strong>de</strong>r à <strong>les</strong> résoudre.Loi du 4 mars 2002L.1111-4 « Le consentement du mineur ou du majeur sous tutelle doit êtresystématiquement recherché s’il est apte à exprimer sa volonté et à participer à ladécision…..»Cet article est important et positif car il permet <strong>de</strong> faire participer un mineur, quel quesoit son âge à son traitement, à sa prise en charge.L’article 42 du co<strong>de</strong> déontologie précise en parallèle que le mé<strong>de</strong>cin doit s‘efforcerd’obtenir le consentement <strong>de</strong>s parents ou du représentant légal. En cas d’urgence, lemé<strong>de</strong>cin doit donner <strong>les</strong> <strong>soins</strong> nécessaires et si l’avis <strong>de</strong> l’intéressé peut être recueilli,le mé<strong>de</strong>cin doit en tenir compte dans la me<strong>sur</strong>e du possible.En revanche selon la loi, lorsque <strong>les</strong> représentants <strong>de</strong> l’enfant refusent le traitement,le mé<strong>de</strong>cin doit délivrer <strong>les</strong> <strong>soins</strong> indispensab<strong>les</strong>. Quelle est la définition <strong>de</strong>«l’indispensable» ? Quels <strong>soins</strong> un mé<strong>de</strong>cin peut-il délivrer sans l’autorisation ni <strong>de</strong>l’enfant ni <strong>de</strong>s parents, à moins d’une urgence vitale ?L’article L.1111-5 mérite réflexion.L.1111-5 « Par dérogation à l’art. 371-2 du co<strong>de</strong> civil [Loi 70-459] 1 le mé<strong>de</strong>cin peutse dispenser d’obtenir le consentement du ou <strong>de</strong>s titulaires <strong>de</strong> l’autorité parentale <strong>sur</strong><strong>les</strong> décisions médica<strong>les</strong> à prendre lorsque le traitement ou l’intervention 2 s’imposepour sauvegar<strong>de</strong>r la santé d’une personne mineure, dans le cas où cette <strong>de</strong>rnières’oppose expressément à la consultation du ou <strong>de</strong>s titulaires <strong>de</strong> l’autorité parentaleafin <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>r le secret <strong>sur</strong> son état <strong>de</strong> santé. Toutefois, le mé<strong>de</strong>cin doit dans unpremier temps s’efforcer d’obtenir le consentement du mineur à cette consultation.1Loi <strong>sur</strong> l’autorité parentale2 De quelle intervention parle-t-on ici, d’intervention chirurgicale ou l’intervention quand une personneintervient dans une prise en charge ?2


Dans le cas où le mineur maintient son opposition, le mé<strong>de</strong>cin peut mettre en œuvrele traitement ou l’intervention. Dans ce cas, le mineur se fait accompagner d’unepersonne majeure <strong>de</strong> son choix ».Si l’on reprend <strong>les</strong> termes <strong>de</strong> cet article, <strong>de</strong> nombreuses questions se posent :- Que veut dire « peut se dispenser » ? Jusqu’où va le pouvoir du mé<strong>de</strong>cin ?- Quelle limite inférieure donne-t-on au terme « mineur » ?- L’exception est-elle limitée <strong>aux</strong> cas d’urgence ? Les problèmes que pose cetteloi ne seront pas <strong>les</strong> mêmes en cas d’urgence ou <strong>de</strong> maladie chronique- « Pour sauvegar<strong>de</strong>r la santé » peut signifier faire un acte <strong>de</strong> préventioncomme une vaccination, ou un acte en urgence.- Le législateur dit que le mé<strong>de</strong>cin doit faire ce qui s’impose, quelle est lajurispru<strong>de</strong>nce <strong>sur</strong> ce qui s’impose ?On peut « imaginer » que cette loi a été écrite pour <strong>de</strong> rares cas d’ado<strong>les</strong>centsatteints <strong>de</strong> SIDA ou <strong>de</strong> toxicomanes qui veulent se faire soigner sans que leursparents ne le sachent.En <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> ces rares cas, un ado<strong>les</strong>cent qui ne veut pas que ces parents soientinformés est, a priori, un ado<strong>les</strong>cent en rupture <strong>de</strong> ban. Il est légitime d’ai<strong>de</strong>rl’ado<strong>les</strong>cent en évitant qu’il y ait réaction violente due à l’incompréhension, à la peurou à toute autre cause <strong>de</strong> la part <strong>de</strong>s parents ; mais comment peut-on penser qu’unmé<strong>de</strong>cin va jouer la déstructuration familiale alors que même lorsqu’il y amaltraitance, <strong>les</strong> équipes qui s’en chargent essayent <strong>de</strong> resserrer <strong>les</strong> liens ?La loi donne au mé<strong>de</strong>cin le pouvoir <strong>de</strong> cautionner une situation et non pas d’essayerd’abord <strong>de</strong> la résoudre. Tout mé<strong>de</strong>cin va démarrer <strong>de</strong>s <strong>soins</strong> afin d’établir aussi laconfiance et essayer ensuite <strong>de</strong> persua<strong>de</strong>r le jeune <strong>de</strong> la nécessité <strong>de</strong> mettre sesparents au courant, qu’il le fasse lui-même ou qu’on l’ai<strong>de</strong> en étant présent au cours<strong>de</strong> l’entretien.Mais comment soigner en secret une maladie grave nécessitant <strong>de</strong>s <strong>soins</strong> itératifs,<strong>de</strong>s hospitalisations ? Comment ne pas mentir à <strong>de</strong>s parents qui <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt <strong>de</strong>sexplications ?Quand à la <strong>de</strong>rnière phrase qui stipule que le mineur doit se faire accompagner d’unadulte <strong>de</strong> son choix, elle revêt une importance capitale : si le mineur est membred’une secte, d’un gang, il sera accompagné du gourou, du chef <strong>de</strong> gang et que vafaire le mé<strong>de</strong>cin ? Quel sera le rôle <strong>de</strong> cet accompagnant ? Dans quel<strong>les</strong> limites,sera-t-il autorisé à partager le secret du mineur ?A l’époque où l’on rend <strong>les</strong> parents responsab<strong>les</strong> <strong>de</strong> l’absentéisme scolaire <strong>de</strong> leurenfant, <strong>les</strong> mé<strong>de</strong>cins <strong>de</strong>vraient soigner ces enfants sans que <strong>les</strong> parents soient aucourant, autrement dit, en leur enlevant leur rôle princeps.Paradoxalement cette loi qui se veut protectrice <strong>de</strong> l’intérêt <strong>de</strong> l’enfant et <strong>de</strong> sonautonomie contredit tous <strong>les</strong> textes <strong>sur</strong> la défense <strong>de</strong> l’enfant et notamment l’article3


18 <strong>de</strong> la convention <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong> l’enfant qui attribue <strong>aux</strong> parents la protection <strong>de</strong>l’enfant. Elle peut mettre en porte à f<strong>aux</strong> le mé<strong>de</strong>cin scolaire face à un secret confiépar l’enfant, empêchant sans doute un traitement efficace.Cette loi <strong>de</strong>vait-elle être rédigée pour quelques cas exceptionnels ? Elle ne vasûrement pas ai<strong>de</strong>r <strong>les</strong> enfants en situation <strong>de</strong> détresse à retrouver <strong>de</strong>s repères ni lemé<strong>de</strong>cin qui aura le droit <strong>de</strong> refuser <strong>de</strong>s <strong>soins</strong>. Mais est ce son rôle ?Si cette loi a été élaborée dans l’objectif que le mineur accè<strong>de</strong> <strong>aux</strong> <strong>soins</strong> et instaureune relation <strong>de</strong> confiance avec le mé<strong>de</strong>cin <strong>de</strong> façon à se soigner, aucun mé<strong>de</strong>cinn’avait attendu qu’on légifère !Les problèmes viendront en majorité <strong>de</strong> famil<strong>les</strong> procédurières, en conflit,d’ado<strong>les</strong>cents en rupture <strong>de</strong> ban mais certaines dispositions <strong>de</strong> cette loi vont obliger<strong>les</strong> mé<strong>de</strong>cins à <strong>de</strong>s « contorsions » qui seront parfois néfastes <strong>aux</strong> <strong>soins</strong> donnés àl’enfant.4

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