Magazine SWISSLIFE Printemps 2011

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24 // Repèresliser le service de navette, car «aprèscette expérience, l’on n’est pas totalementmaître de soi». En effet! Et aprèsdeux semaines d’«élargissement de laconscience», nous étions totalementlessivés. Mais, aussi bizarre que celaparaisse, je ne me suis jamais senti aussifrais et vivant qu’à la fin de ce voyage.Toutefois, et c’est bien le triste del’affaire, de retour à Zurich, l’euphoriedisparut progressivement et la morositédu quotidien s’imposa de nouveauà moi.Le cabinet des perversités berlinoisMa visite d’il y a deux ans au légendaireKitKatclub berlinois, lieu de rencontrede toutes les sous­cultures sexuellespossibles, était d’un tout autre genre:homos et transsexuels, fétichistes, sadoset masochistes y cherchaient le frissonultime. Le plus surprenant étaitque la plupart d’entre eux s’y baladaientdans des sortes d’anti­vêtementsqui montraient tout ce qui est normalementcensé être caché: les parties génitales,les fesses ou la poitrine. Le resteétait moulé dans du cuir ou du latex.Un vieux monsieur portant un teeshirtavec l’inscription «Get it whileyou can» se promena toute la nuit avecdes béquilles. J’ai vu un gros lard à lunettesavec une robe à frou­frous et unecoiffe en dentelle blanche sur la tête.Ou un autre qui ne portait qu’une cravateet qui était accompagné d’unefemme particulièrement musclée en

uniforme de l’armée soviétique. Unevieille dame s’était enroulée comme unsaucisson dans une sorte de bas résillegéant et son amie promenait en laisseun homme qui avait un masque de cuirnoir. Seule une ouverture au niveau dela bouche pouvait être créée au moyend’une fermeture­éclair, ce que la damepermit le temps d’une bière. Quandelle alla danser, elle attacha l’homme àune barre. Il y avait partout des chaisesgynécologiques. Toutefois, seuls deshommes s’y asseyaient pour se faireexaminer.C’était comme dans une gare intergalactiquede Star Wars où les habitantsde planètes lointaines se croisaient.Mais à vrai dire, ça n’avait rien d’uneorgie. Malgré toutes ces tenues invraisemblables(et certainement diversesdrogues), les participants restaientmaîtres d’eux­mêmes et à une certainedistance les uns des autres.participé à une cérémonie de guérisonde deux jours dans un village de Côted’Ivoire. Une mère et sa fille étaientmalades, et il s’agissait de sorcellerie.Un groupe de percussionnistes jouait.La guérisseuse, le visage enduit deglaise blanche, dansait en transe. Puis,l’esprit prit possession d’elle. C’était univrogne. La guérisseuse titubait, bégayaitet réclamait à boire. On lui apportaune petite bouteille de rhumqu’elle vida d’un trait.La femme, qui était normalementla vertu en personne, draguait les fillesLe visage enduit de glaise blanche, la guérisseusedansait en état de transe. Puis, l’espritprit possession d’elle. C’était un ivrogne.En orbite psychédéliqueAu cours de ces années, j’ai essayé différentesdrogues, mais, au bout ducompte, les états seconds dus à dessubstances non­chimiques étaient lesplus intéressants. Peut­être parce qu’ilsportent en eux une histoire et unecharge plus intense. Se contenter de«gober» quelque chose, c’est banal. Lepire fut un empoisonnement au hachisch.Depuis, je sais que toutes lesinfusions ne sont pas bonnes pour lasanté. Tout d’abord, mon moi s’estscindé et, dans mon cerveau, David 1parlait avec David 2. Ce n’était pasmarrant. J’étais comme en orbite.J’étais persuadé d’être condamné àdevoir passer l’éternité dans cet état,et j’ai été rempli d’une reconnaissanceinfinie quand je suis revenu sur Terreaprès un voyage de plusieurs centainesd’années. Depuis, je refuse quand onme propose un joint.Mon expérience du LSD ne fut pasmeilleure. Je n’avais pris qu’un huitièmede la dose proposée et suis allédans un bar avec une amie. Elle me demandamon signe astrologique. Je mesuis mis à réfléchir. Quand je voulusrépondre, il n’y avait plus personne.Dans une pièce à côté, j’ai trouvé lafille. «Poisson», lui dis­je. Elle me regarda,interloquée. A raison. J’avais eubesoin de cinq heures pour trouver laréponse.Quand un esprit prend le relaiMais ce fut en Afrique qu’eurent lieumes expériences les plus fascinantes.En tant qu’ethnologue, j’ai une foisprésentes et leur tripotait la poitrine.Puis, l’esprit mena la possédée jusqu’àla hutte du coupable présumé quiavoua avoir essayé de manger l’âme dela jeune fille. Il dut sacrifier une pouleet s’excuser. Alors l’esprit quitta laguérisseuse qui s’effondra immé ­di atement et s’endormit sur place.Lorsqu’elle se réveilla quelques heuresaprès, elle ne se rappelait plus de rien.Plusieurs années plus tard, j’ai revu laguérisseuse dans la banlieue parisienneoù elle habitait un petit studioSWISSLIFE Printemps 2011

24 // Repèresliser le service de navette, car «aprèscette expérience, l’on n’est pas totalementmaître de soi». En effet! Et aprèsdeux semaines d’«élargissement de laconscience», nous étions totalementlessivés. Mais, aussi bizarre que celaparaisse, je ne me suis jamais senti aussifrais et vivant qu’à la fin de ce voyage.Toutefois, et c’est bien le triste del’affaire, de retour à Zurich, l’euphoriedisparut progressivement et la morositédu quotidien s’imposa de nouveauà moi.Le cabinet des perversités berlinoisMa visite d’il y a deux ans au légendaireKitKatclub berlinois, lieu de rencontrede toutes les sous­cultures sexuellespossibles, était d’un tout autre genre:homos et transsexuels, fétichistes, sadoset masochistes y cherchaient le frissonultime. Le plus surprenant étaitque la plupart d’entre eux s’y baladaientdans des sortes d’anti­vêtementsqui montraient tout ce qui est normalementcensé être caché: les parties génitales,les fesses ou la poitrine. Le resteétait moulé dans du cuir ou du latex.Un vieux monsieur portant un teeshirtavec l’inscription «Get it whileyou can» se promena toute la nuit avecdes béquilles. J’ai vu un gros lard à lunettesavec une robe à frou­frous et unecoiffe en dentelle blanche sur la tête.Ou un autre qui ne portait qu’une cravateet qui était accompagné d’unefemme particulièrement musclée en

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