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Magazine SWISSLIFE Printemps 2011

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«Les hommes ont besoin d’étatsseconds pour apprendre.»Mario Etzensberger, en tant que psychiatre, commentdéfiniriez-vous l’état second? L’état second est le plus souventconsidéré comme un état qui ne correspond pas au quotidien etqui résulte de substances ou d’actions. Comme ces personnesqui descendent le Cresta Run. Cela les met dans un autre état.Comment puis-je me représenter cet état? C’est un état quitend vers l’aventure. C’est un sentiment inhabituel, mais ilprocure également un frisson agréable.Comment naît l’état second? Il s’agit d’un processus relativementsimple dans le cerveau, une sorte d’irritation de ce quel’on appelle le «système de récompense». Dans le cerveau, lesystème de récompense fonctionne surtout avec un neurotransmetteur,la dopamine. Cela se produit quand nous vivonsquelque chose que nous ressentons comme agréable, étonnantou émouvant. Le neurologue Manfred Spitzer dit que ce systèmede récompense existerait pour nous donner l’envie d’apprendre.Les hommes ont-ils besoin d’états seconds pour apprendre? Detels états seconds surviennent en effet quand nous réussissons àmaîtriser quelque chose de nouveau. J’ai par exemple une photode mon aînée quand elle était enfant. Cette photo a été prise lapremière fois où elle a pu se tenir debout seule. Son visage révèleque le système de récompense devait avoir été très actif: notrefille semblait transfigurée. Spitzer dit que c’est grâce à cet étatsecond de récompense que les hommes sont curieux et qu’ilsquittent des situations confortables pour aller vers la nouveauté.Si l’on n’était pas récompensé pour cela, l’on n’aurait pas cet élan.Vous présentez l’état second comme quelque chose de positif.Cependant, cela est généralement plutôt perçu comme quelquechose de négatif. L’état second est connoté négativement, car,quand je suis dans un état second, mes systèmes cognitifs et decontrôle sont réduits, ce qui peut induire une situation désastreuse.Même si je vais très bien et que je ressens des sentimentsagréables ou excitants, le contrôle est également réduit.Il s’agit donc de la perte de contrôle? Oui, et cette perte decontrôle peut avoir des répercussions dommageables. De toustemps, les hommes ont connu et exploité des états seconds,mais la population les a toujours encadrés. C’était comme ungarde-fou, une protection: dans ce cadre, l’on pouvait entrerdans un état second, élargir sa conscience, perdre le contrôle.L’on faisait ainsi en sorte qu’il n’y ait pas de dérapage.Et aujourd’hui? Les états seconds sont toujours dangereuxquand ils ne sont pas ritualisés. Car l’état second détachel’individu des règles et lui confère pour quelques momentsune autonomie maximale. Les régimes autoritaires ne voientpas d’un bon œil les états seconds, car les gens deviennentalors incontrôlables.Cela signifie que des gouvernements veulent interdire les étatsseconds autant que faire se peut? Ce n’est pas une solution:plus les gens sont corsetés, plus ils ont envie de transgresser lesrègles. La gestion des états seconds et des règles est un jeu dontles principes doivent être maîtrisés.On a l’impression que cela revient un peu à chercher laquadrature du cercle… La simple transgression d’une règle peutde nouveau engendrer un état second. Si je veux promulguerdes règles en faisant preuve de sagesse, je dois veiller à n’être nitrop pingre, ni trop généreux. Je dois établir des règles de sorteà éviter le plus possible les dégâts tout en n’étant pas trop res -trictif. Car si je le suis, elles seraient une invitation à la transgression.C’est un jeu subtil. Nombreux sont ceux qui édictentdes règles pour satisfaire des idéologies, et non pour éviter desdégâts. Ils envient aux autres les états seconds, car ils permettentde s’affranchir des règles du quotidien.Né en 1947 à Baden, Mario Etzensbergerest l’un des psychiatres les plus renommés deSuisse et a été pendant 18 ans médecin en chefde la clinique psychiatrique argovienne deKönigsfelden. En 2009, il a ouvert un cabinetprivé de psychiatrie et de psychothérapie àBrougg.<strong>SWISSLIFE</strong> <strong>Printemps</strong> <strong>2011</strong>

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