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Guide d'exposition - Zentrum Paul Klee

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Satire – Ironie – GrotesqueDaumierEnsorFeininger<strong>Klee</strong>KubinAvec le soutien de la Fondation <strong>Paul</strong> <strong>Klee</strong> de la bourgoisie de Berne


Introduction«Je sers la beauté en dessinant ses ennemis. (Caricature,satire).» C’est ainsi que <strong>Paul</strong> <strong>Klee</strong>, en 1901, commente leregard critique qu’il porte sur le monde. Dans ses œuvres dejeunesse, les dessins satiriques et les caricatures constituentles éléments marquants de sa création. L’exposition «Satire– Grotesque – Ironie» thématise l’importance du commentairesatirique et de la charge grotesque dans l’œuvre de<strong>Klee</strong> et de ses contemporains au tournant du 20ème siècle.Des artistes liés avec <strong>Klee</strong> – tels que Lyonel Feininger etAlfred Kubin – mais aussi des modèles comme HonoréDaumier ou James Ensor ouvrent l’exposition. Ces derniers,des références dans ce domaine, ont donné d’importantesimpulsions. Le <strong>Klee</strong> satirique et caricaturiste ne se comprendque si l’on tient compte de son «environnementsatirique»: les revues munichoises du tournant du siècle, eten particulier le «Simplicissimus». Un espace de lecture, aucentre du parcours, offre aux visiteurs un aperçu de cemonde. Au fil de l’exposition apparaissent les multiplesfacettes de cette prédilection de <strong>Klee</strong> pour la satire et legrotesque, ainsi que son sens de l’ironie. À partir desdessins que <strong>Klee</strong> crée en marge de ses livres et cahiersd’écolier, ainsi que de ses premières pièces grotesques,satires et «Inventions», le regard critique et ironique quel’artiste porte sur le monde est présenté à partir de sixdirections thématiques. Celles-ci abordent des questions


très variées: les rapports entre les sexes, ceux du pouvoir etde la politique, de la guerre et du militarisme, de la religionet de la bigoterie, ou encore les sous-entendus liés à unmonde animal dans lequel se reflètent les comportementshumains.Citations dans l'exposition«La satire revêt des aspects positifs: par respect pourl’humain, guerre à ceux qui le déshonorent.»<strong>Paul</strong> <strong>Klee</strong>, Textes autobiographiques (en rapport avec l’année 1902)«Je sers la beauté en dessinant ses ennemis. (Caricature,satire).»<strong>Paul</strong> <strong>Klee</strong>, Journal, N° 142, 1901«Grand désarroi. C’est pourquoi je ne suis tout entier quesatire. Provisoirement elle forme mon seul article de foi.Peut-être ne serai-je jamais positif?»<strong>Paul</strong> <strong>Klee</strong>, Journal, N° 294, 1901«C’en est assez du rire amer au sujet de ce qui es, et quin’est pas comme il faudrait ce que fût.»<strong>Paul</strong> <strong>Klee</strong>, Journal, N° 611, 1905«Nul n’a besoin d’ironiser à mes dépens, je m’en chargemoi-même.»<strong>Paul</strong> <strong>Klee</strong>, Journal, N° 744/45, 1906


1 Honoré Daumier – Biographie«J’entretiens aussi des liens plus étroits avec Daumier.»<strong>Paul</strong> <strong>Klee</strong>, Textes autobiographiques, N° 798/799, (en rapport avecl’année 1907)Honoré Daumier naît à Marseille en 1808. Lorsqu’il a huitans, sa famille part s’installer à Paris. En 1822, après avoiroccupé différents emplois, Daumier rencontre l’artisteAlexandre Lenoir et prend des cours de dessin. Il entre àl’Académie Suisse et se rend souvent au Louvre pour y copierles maîtres anciens. En 1825, Daumier devient l’assistant dulithographe Zéphirin Belliard. Il travaille comme illustrateurpour la revue «La Silhouette» à partir de 1830, époque àlaquelle commence également sa carrière de peintre. Cetteannée-là, Charles Philipon fonde «La Caricature», une revuesatirique illustrée où Daumier obtient un emploi stable àpartir de 1832. L’une de ses caricatures lui vaut d’êtrecondamné à six mois de prison pour crime de lèse-majesté.L’année suivante, il commence à dessiner pour la revue «LeCharivari». En 1834, il réalise ses premières sculptures. «LaCaricature», suite aux lois de septembre, doit cesser deparaître en 1835. Parallèlement à ses activités pour lesrevues, il illustre certaines œuvres de Balzac et d’Eugène Sue,entre autres. Il épouse Marie-Alexandrine Dassy en 1846. Lepersonnage de «Ratapoil» fait sa première apparition chezDaumier en 1850. Il s’installe à Valmondois en 1865. Il perdpeu à peu la vue, si bien qu’en 1873 il lui faut renoncer à sontravail artistique. Il meurt en 1879.


Daumier compte parmi les plus importants caricaturistesde l’histoire de l’art. Il est encore jeune quand il commenceà travailler pour les journaux satiriques parisiens les pluscélèbres, comme «La Caricature» ou «Le Charivari». Ildénonce avec force sarcasmes les dysfonctionnementssociaux et politiques de son époque. C’est ce que montrentles petits bustes en bronze des «Célébrités du juste milieu»,des parlementaires et des personnages politiques dontDaumier réalise des ébauches en terre cuite. Ces personnalitésfont également leur entrée dans les lithographiessatiriques de «La Caricature». Il s’agit là de célébritésissues du gouvernement de Louis-Philippe après la révolutionde juillet de 1830. Daumier crée des personnagescomme «Robert Macaire» ou «Ratapoil», un fonctionnairedouteux de Louis Napoléon Bonaparte (en 1848, le princeprésidentavait été élu pour quatre ans à la tête de la IIeRépublique). Il le représente dans une sculpture – le plâtreoriginal (vers 1850/51), exposé ici, en témoigne – mais aussidans des lithographies pour «Le Charivari». En confrontantDaumier et <strong>Klee</strong>, nous montrons par ailleurs comment cedernier, dans des dessins satiriques et ironiques, exploitecertains motifs de son prédécesseur, tout en situant lesscènes autour de 1933, sur fond de prise de pouvoir desnationaux-socialistes.


2 James Ensor – Biographie«J’oscille entre la sobriété des dernières études tonales d’après nature etle genre fantastique à la Ensor.»<strong>Paul</strong> <strong>Klee</strong>, Journal, Nr. 798, octobre/novembre 1907James Ensor naît à Ostende en 1860. Il prend ses premierscours de dessin à treize ans et fréquente l’Académied’Ostende à partir de 1876. L’année suivante, il s’inscrit àl’Académie des Beaux-arts de Bruxelles et y poursuit sesétudes jusqu’en 1880, avant de regagner la maison familialeà Ostende. En 1881, il devient membre du cercleartistique «La Chrysalide» et a, pour la première fois,quelques occasions d’exposer. Il fait aussi partie d’autresgroupes comme celui des «XX», «L’Essor» ou «Le CercleArtistique» et participe à leurs expositions. À partir dumilieu des années 1880, Ensor se détourne d’un mode dereprésentation réaliste pour donner à sa création un tourfantastique et grotesque. En 1886, il tombe gravementmalade. Il se consacre, dès 1888, à son œuvre maîtresse, unetoile de grand format, «L’Entrée du Christ à Bruxelles». Sesœuvres se heurtent à l’incompréhension du public, mais lasituation changera rapidement après 1900. C’est en 1917qu’il s’installe dans la maison de son oncle et y aménageune sorte de musée privé – l’actuelle Maison Ensor. L’artisterevient alors à des thèmes et des motifs antérieurs. Ildéveloppe un large éventail de styles. En 1926, ses œuvressont exposées à la Biennale de Venise. Il meurt à Ostende en1949, après une brève maladie.


En 1886, James Ensor découvre à Bruxelles des œuvresd’Odilon Redon qui l’impressionnent profondément et vontfavoriser un tournant dans sa création. Ceci le conduit àune approche subjective de la réalité, dans laquelle lalittérature – les récits fantastiques d’Edgar Allan Poe ou deE.T.A. Hoffmann, ainsi que les classiques – joue un rôle trèsimportant. En dehors de Redon, il s’intéresse à des artistescomme Goya, Bosch et Bruegel l’Ancien dont les œuvres auxmotifs étranges ou satiriques le fascinent. Dans sessouvenirs d’enfance, Ensor évoque déjà des événements peuhabituels. Dans sa boutique, sa mère proposait des curiosités,des chinoiseries, des masques et des articles de carnaval.Ses œuvres sont empreintes d’un humour grotesque,parfois amer; ses sarcasmes, ses railleries irrespectueuses,parfois triviales, visent les piliers de la société de façonprovocante. Des motifs tel que le squelette, les démons et lesmasques font, de plus en plus, leur entrée dans son œuvreaux côtés de thèmes macabres ou de références à la vie duChrist. Dans de nombreux portraits, Ensor se représentesous l’apparence d’un squelette ou d’un christ en croix; sesautoportraits sont l’occasion de s’interroger sur lui-même.<strong>Klee</strong> découvre l’œuvre d’Ensor en 1907, grâce à son amiErnst Sonderegger, illustrateur et dessinateur suisse. <strong>Klee</strong>n’estime pas seulement la subjectivité d’Ensor, il appréciebeaucoup aussi les moyens graphiques qu’il utilise.


3 Alfred Kubin – Biographie«Kubin. Non seulement son esprit est extrêmement agile, mais il recèleaussi des richesses spécifiques. Chez lui, j’admire la profusion; et luiadmire mon style économe.»<strong>Paul</strong> <strong>Klee</strong>, Lettre à Ernst Sonderegger, le 18.6.1912Kubin naît en 1877 à Leitmeritz, dans le nord de la Bohème.Il fréquente le lycée de Salzbourg, mais le quitte avant la finde sa scolarité. Il obtient un diplôme d’apprenti photographeà Klagenfurt. Après différents conflits avec descollègues et des supérieurs, il fait une tentative de suicide.Par la suite, il ne cessera d’être tourmenté par des crises etdes dépressions. En 1898, la même année que <strong>Klee</strong>, ilcommence à étudier les beaux-arts à Munich. Sa premièreexposition a lieu en 1902 à Berlin. Deux ans plus tard, ilépouse Hedwig Gründler; ils font l’acquisition du petitchâteau de Zwickledt, en Haute-Autriche. En 1908 Kubinécrit son roman «Die andere Seite» (L’autre côté), uneœuvre majeure pour la littérature expressionniste. En 1909,il fait partie des membres fondateurs de la «NouvelleAssociation des artistes de Munich». À partir de 1910 etjusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale, il échangeconstamment avec <strong>Klee</strong>. Il se joint au groupe du «CavalierBleu» et travaille pour la revue satirique «Simplicissimus».En 1913, <strong>Klee</strong> accroche pour Kubin une exposition à laGalerie Thannhäuser à Munich. Les illustrations de livres(de Dostoïevski à Poe) constituent jusque dans les années1940 une part importante de sa création. Pendant la


Seconde Guerre mondiale, Kubin vit retiré à Zwickledt. En1950, on peut voir ses œuvres à la Biennale de Venise.L’artiste meurt à Zwickledt en 1959.C’est surtout à sa première période (1899–1904) que Kubindoit sa notoriété. Il s’intéresse de près à des artistes commeEnsor, Goya, Max Klinger ou Redon. Il puise par ailleurs soninspiration dans des scènes et des figures issues de rêves etde souvenirs d’enfance ou de jeunesse, comme la mort de samère. Il crée un monde d’images fantastiques et grotesquesoù dominent les pulsions, les peurs, l’abîme et le bizarre.Des scènes de Kubin, situées dans des paysages déserts, sedégage une atmosphère sombre et angoissante. Ses visionssombres, il les transpose en images avec une grandeprécision, au crayon ou à la plume, mais aussi à l’aquarelle– par vaporisation. Après 1905, période de crise sur le plancréatif, Kubin travaille en 1908 à son roman, «L’autrecôté». Il y décrit l’empire du rêve: un monde qui s’effondreet dans lequel on reconnaît la monarchie austro-hongroise.Par la suite, il développe un nouveau style, extrêmementlinéaire et très proche des illustrations que <strong>Klee</strong> réalise pour«Candide». Mais dans le choix de ses motifs, Kubin resteindépendant; il continue à créer un monde d’imagesfantastiques en reprenant, souvent, des thèmes de sonroman.


4 <strong>Paul</strong> <strong>Klee</strong> – Biographie<strong>Klee</strong> naît en 1879 à Münchenbuchsee près de Berne. Aprèsavoir longtemps hésité entre la musique et la peinture, en1898, il se décide à étudier les beaux-arts à Munich. En1901, il part pour plusieurs mois en Italie avec le sculpteurHermann Haller; c’est une période de crise sur le plancréatif. L’artiste passe les années qui suivent à Berne, dansla maison de ses parents. Il épouse Lily Stumpf en 1906 etpart s’installer avec elle à Munich. Un an plus tard naîtraleur fils unique, Felix. En 1910, il fait la connaissance deKubin. Dès 1911, il noue des liens d’amitié avec les artistesdu «Cavalier Bleu» et participe à l’une de leurs expositions.En 1914, il fait un voyage en Tunisie avec August Macke etLouis Moilliet. <strong>Klee</strong> est astreint au service militaire en1916, mais il n’est pas envoyé au front. Il commence àenseigner au Bauhaus en 1921. Feininger et lui font partiedes «Quatre Bleu » avec Vassily Kandinsky et Alexej vonJawlensky, artistes regroupés pour exposer ensemble. En1931, <strong>Klee</strong> quitte le Bauhaus et accepte un poste de professeurà l’Académie des Beaux-arts de Düsseldorf. Après laprise de pouvoir des nationaux-socialistes, il est immédiatementrévoqué de son emploi de professeur et émigre à Bernefin décembre 1933. En 1935 se manifestent les premierssymptômes d’une grave maladie qui se révèle être unesclérodermie. <strong>Klee</strong> meurt à Locarno-Muralto en 1940.


Son «penchant pour le bizarre» apparaît déjà dans lesmanuels scolaires de <strong>Paul</strong> <strong>Klee</strong> dont les marges sont souventornées de dessins. En 1898, <strong>Klee</strong> rédige avec ses camaradesde classe Hans Bloesch et René Thiessing un journal intitulé«Die Wanze» (La punaise), contenant des textes satiriques.Bloesch et <strong>Klee</strong> préparent également deux projets de livre,«Das Buch» (Le livre, 1902–05) et «Die Musterbürger» (Lescitoyens modèles, 1908), pour lesquels <strong>Klee</strong> fournit desillustrations et Bloesch les textes. Les œuvres de jeunesse de<strong>Klee</strong> sont marquées par la satire et la caricature qui fontl’objet de ses préoccupations à des titres divers. Quand ilpart étudier les beaux-arts à Munich en 1898, il espère ysusciter l’intérêt de la scène artistique pour les dessinscaustiques de sa jeunesse. Des journaux satiriques comme«Die Jugend» (La jeunesse) et surtout le «Simplicissimus»connaissent une grande vogue. <strong>Klee</strong> propose – mais en vain– ses propres dessins au «Simplicissimus». Cet environnementmarquera sa création jusque dans les années 1910.Les dessins et les lithographies de Daumier, ainsi quel’œuvre graphique d’Ensor inspirent <strong>Klee</strong> (tout commeAlfred Kubin, avec qui il est lié) et auront une influence surla façon dont évolue le style de son dessin et dont se façonnesa vision satirique du monde.


5 <strong>Klee</strong> et DaumierGrâce à son ami Ernst Sonderegger, <strong>Klee</strong> découvre l’œuvrede Daumier et celle d’Ensor. Dès 1907, il mentionne les deuxartistes dans son Journal. En 1939, il dit admirer Daumiersans pour autant que ce dernier ait eu sur lui une influencedirecte; quelques-uns de ses dessins parodiques de 1933indiquent cependant qu’il s’est intéressé de près aux thèmeset aux motifs des lithographies de Daumier. Ils renvoient àla «révolution national-socialiste» et contiennent unecritique larvée de la barbarie de son époque.6 Lyonel Feininger – Biographie«Fameux ce <strong>Klee</strong>! Quel piquant, quel agacement! L’expression estdéconcertante, la forme d’un genre tout à fait nouveau. D’après ce queje ressens, sa force évoque celle qui s’exprime parfois de façon latentedans les dessins d’enfants.»Lyonel Feininger, Lettre à Alfred Kubin, le 23.12.1913Lyonel Feininger naît à New York en 1871. À l’âge de seizeans, il va s’installer avec sa famille à Hambourg et prenddes cours de dessin à l’école professionnelle. En 1888, il partpour Berlin où il fréquente l’Académie Royale. Peu après, ilobtient ses premiers contrats comme caricaturiste pour unerevue humoristique hebdomadaire («HumoristischeBlätter»). En 1890, il est inscrit au Collège Saint Servais, àLiège, mais réintègre l’Académie berlinoise l’année suivante.Feininger part étudier à Paris en 1892 et s’inscrit à


l’Académie Colarossi. Un an plus tard, il revient sur Berlinet travaille comme caricaturiste pour différents journaux.En 1901, il épouse Clara Fürst, mais la quitte quatre ansplus tard et se marie avec Julia Berg en 1908. À partir de1906, Feininger – qui vit alors à Paris – réalise des bandesdessinées pour le Chicago Sunday Tribune. Feininger se lied’amitié avec Kubin en 1911; très vite s’établissent entreeux d’intenses échanges épistolaires. Feininger entre encontact avec les artistes du «Cavalier Bleu», mais ne se jointpas à leur groupe. Il est le premier à être nommé professeurau Bauhaus où il fait la connaissance de <strong>Klee</strong>. En 1924,Emmy Scheyer fonde le groupe des «Quatre Bleus»: Feininger,Jawlensky, Kandinsky et <strong>Klee</strong>. En raison de la situationpolitique en Allemagne, Feininger émigre aux États-Unis en1937; l’année précédente, il avait déjà donné des cours auMills College à Oakland. L’artiste meurt à New York en1956.La plupart du temps, Lyonel Feininger passe pour être unreprésentant du «cubisme allemand». Ce que l’on saitmoins, c’est qu’il a travaillé à Berlin, durant ses premièresannées de création, pour des revues satiriques telles que«Die Lustigen Blätter», «Ulk» ou «Das Schnauferl, Blätterfür Sporthumor»; il avait un véritable succès commeillustrateur et caricaturiste et était même considéré commel’un des plus grands dans ce domaine. Entre 1890 et 1900Feininger publie quelque 2'000 caricatures, commentairessatiriques ou simples dessins humoristiques, pour l’essentiel


dans des journaux berlinois. Mais il est toujours limité parles contraintes que lui imposent les rédacteurs et latechnique d’impression; il ne peut que rarement fairepasser ses propres idées. À partir de 1906, il réalise deuxbandes dessinées pour le Chicago Sunday Tribune: «TheKin-der-Kids» et «Wee Willie Winkie’s World». Dorénavant,le dessinateur jouit d’une liberté pleine et entière, notammentquand il collabore au journal parisien «Le Témoin» (àpartir de 1906); il perfectionne son style en aplats etrecourt à des perspectives inhabituelles. En 1913, il conçoitpour un fabriquant de jouets des trains en bois peints quine seront cependant pas produits. Au même moment, ilfabrique des cadeaux de Noël pour ses enfants: des figurineset des maisons en bois qu’il sculpte et peint de diversescouleurs, un ensemble qui sera intitulé, après sa mort, «Laville du bout du monde».7 <strong>Klee</strong> et KubinAprès avoir vu des dessins de <strong>Klee</strong>, Kubin s’adresse à <strong>Klee</strong>durant l’hiver 1910 en le priant de bien vouloir lui envoyerquelques dessins – pour examen. Kubin lui achète uneœuvre choisie dans ce lot. <strong>Klee</strong> rapporte à un ami: «Cesderniers temps, j’ai réussi à susciter un peu d’intérêt, maisseul celui de Kubin me remplit d’une joie sans mélange.» Enjanvier 1911, Kubin rend visite à <strong>Klee</strong>, qui retient ceci:«Kubin, mon bienfaiteur, est venu me voir. Il a réagi avec


un tel enthousiasme qu’il m’a communiqué son élan.»Kubin conforte <strong>Klee</strong> dans son intention d’illustrer «Candide»,le roman satirique de Voltaire. Les illustrations de<strong>Klee</strong> pour «Candide» vont à leur tour inspirer Kubin quidéveloppe un nouveau style graphique, caractérisé par untracé nerveux et des figures longilignes. Kubin continuera àenrichir sa collection: 19 œuvres de <strong>Klee</strong> jusqu’en 1920.8 <strong>Paul</strong> <strong>Klee</strong> – L’homme et la femmeVers 1901, <strong>Klee</strong> voit des aquarelles érotiques d’AugusteRodin, qu’il qualifie de «caricatures de nus». Elles fontbeaucoup d’effet sur lui. C’est dans les «Inventions», unesérie d’eaux-fortes, que l’intérêt de <strong>Klee</strong> pour les thèmes dela sexualité, de l’érotisme et du sexe trouve sa premièreexpression puissante. Elles proposent une représentationcaricaturale des notions morales au tournant du siècle.Dans le style et les motifs choisis, ces œuvres rappellent lelangage visuel de Kubin. Comme chez ce dernier, la femmeapparaît sous l’aspect d’une séductrice néfaste: nue, lecorps décharné, dans des poses sans ambiguïté. Elles’adresse aux instincts de l’homme, à son animalité. Encela, certaines œuvres sous verre se révèlent très proches des«Inventions». Dans une série de dessins à la plume desannées 1912 et 1913 aux longues figures hachurées, lasexualité devient un thème central dont <strong>Klee</strong> élargitrégulièrement le spectre. Ce processus se poursuit jusque


dans sa dernière période créatrice. <strong>Klee</strong> ne réduit pas lesrelations entre les sexes à la sexualité; il prend égalementpour thèmes le racolage, la tentation et la fécondité, allantmême jusqu’à représenter le personnage de Don Juan.9 <strong>Paul</strong> <strong>Klee</strong> – Dieu et le mondeSa vie durant, <strong>Klee</strong> est resté étranger à toute religion et n’ajamais adhéré aux sectes ou sociétés secrètes ni auxdoctrines ésotériques. Ce qui ne l’empêche pas de s’yintéresser, l’ésotérisme rencontrant un immense succès audébut du 20ème siècle. Bon nombre des œuvres de <strong>Klee</strong>présentent des motifs religieux ou font tout au moinsallusion à la religion. Il prend pour cible la bigoterie, lafausse dévotion ou le sectarisme en recourant aux moyensabstraits de la satire, de l’ironie et de l’humour. En mêmetemps, <strong>Klee</strong> commente son éloignement relatif du terrestreen utilisant des formules telles que «Ici-bas, je ne suis guèresaisissable» ou en imaginant «un point reculé, plus prochede la création». L’artiste s’intéresse de près aux forcescréatrices et à leur déploiement dynamique lors de lanaissance – de la genèse – de l’œuvre d’art. Dans sa création,il se réfère au tragique originel de l’existence humainequi réside pour lui dans une contradiction déchirante entrele corps, lié à la terre, et l’esprit, totalement libre, del’homme.


10 <strong>Paul</strong> <strong>Klee</strong> – L’ordre et l’ÉtatDu point de vue de la représentation de l’exercice et desstructures étatiques du pouvoir en général, les œuvres de<strong>Klee</strong> restent équivoques – contrairement aux caricatures deDaumier.Il ne reproduit pas directement les événements historiquesni certains personnages spécifiques, mais condense dans desmessages visuels d’ordre général l’idée qu’il se fait des structuresdu pouvoir et de ses détenteurs les plus typiques. Ilprend par exemple la figure du policier ou celle du gendarmequi, selon les œuvres, peut devenir un personnagecomique et burlesque ou, dans d’autres cas, offrir effectivementprotection et assistance. Après la prise du pouvoir parles nationaux-socialistes en 1933, des thèmes tels quel’exercice – légitime ou abusif – du pouvoir, l’éducation ou ledressage réapparaissent sous une forme elliptique et inéditedans ses dessins. <strong>Klee</strong> représente aussi les côtés sombres dela société: meurtres, agressions et abus de pouvoir trouventleur expression dans un langage visuel souvent laconique.11 <strong>Paul</strong> <strong>Klee</strong> – La guerre – où mène lapolitique<strong>Klee</strong> a vécu deux guerres mondiales. Pendant la première, ilfut enrôlé comme soldat; des horreurs de la seconde, il nevit que le commencement. <strong>Klee</strong> ne partage pas l’enthou-


siasme de bon nombre de ses collègues au début du premierconflit mondial; il prend au contraire ses distances. Dansses travaux, les commentaires directs sur la guerre et lapolitique sont rares. De ce fait, des œuvres comme «L'Allemanddans la mêlée» et «Lorsque j'étais une recrue»,datant de la Première Guerre, ou «Heil!» de 1939, relèventplutôt de l’exception. Mais <strong>Klee</strong> reprend des images de lapropagande politique de son époque et les détourne demanière ironique. Il prend pour cible le militarisme enfigurant des scènes de combat avec arc et flèche ou lereprésente par des machines de guerre fantastiques et desmonstres aériens, qui évoquent les avancées de la technologieen matière d’armement. Ce sont en même temps desimages de la violence et des menaces qui semblent fairepartie de la vie humaine et sociale.12 <strong>Paul</strong> <strong>Klee</strong> – Des animaux jouent lacomédieDepuis sa prime enfance, <strong>Klee</strong> est fasciné par le mondeanimal; on le constate dans de nombreux dessins ettableaux, ainsi que dans ses cahiers d’écolier. À la maison,les chats lui tiennent compagnie; et au Bauhaus, il possèdemême un aquarium dans son atelier. Dans ses œuvres, onest frappé par l’exceptionnelle diversité de la faune. Il nefait pas seulement le «portrait» d’animaux tels que le chat,le poisson et l’oiseau, mais invente de nouvelles espèces et


des créatures fantaisistes. Ses animaux représententsouvent moins les bêtes elles-mêmes que des comportements,types ou caractères proprement humains – carl’artiste procède à un détournement ironique et satirique. Ilprésente le «Bâtard» comme un animal qui fait le fier et sedonne des airs. Certains aspects reviennent au fil desdécennies, comme celui des liens de la femelle à ses petitspar exemple. Différents thèmes se font plus présents dans lecadre d’événements précis. Ainsi, au début du régimenational-socialiste, le lion, allusion parodique aux nouveauxdétenteurs du pouvoir, devient un thème de prédilectionchez <strong>Klee</strong>.13 <strong>Paul</strong> <strong>Klee</strong> – Naissance de têteL’intérêt de <strong>Klee</strong> pour la physionomie humaine est unecomposante centrale de son œuvre. Dans de nombreuxtravaux, il met ainsi en relief – de façon souvent caricaturale– les traits caractéristiques d’un individu. <strong>Klee</strong> n’estcependant pas un portraitiste à proprement parler et nes’est que très rarement investi dans la restitution vivante,authentique et détaillée des visages. <strong>Klee</strong> se moquaitvolontiers des vanités de ses contemporains, il les croquaitet les persiflait. Il s’amusait beaucoup chaque fois qu’iltombait sur une caricature réussie, que ce soit au théâtreou dans la littérature.<strong>Klee</strong> réalisa pour son fils Felix une cinquantaine de marion-


nettes. Trente d’entre elles sont encore conservées etfigurent dans la collection du <strong>Zentrum</strong> <strong>Paul</strong> <strong>Klee</strong>. Les huitpremières ont été réalisées en 1916 pour son fils, âgé alorsde 8 ans. Les autres marionnettes furent réalisées entre1919 et 1925.Informations complémentairesVisites guidées des expositionsAllemand: Tous les Samedis à 15 h et tous les Dimanches à 13 hFrançais: Chaque 1er Dimanche du mois à 14 hHeures d’ouvertureMardi à dimanche 10 à 17hFermé le lundi

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