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Transformation, stockage, transport et distribution - CEA

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Réservoir de <strong>stockage</strong> de l’hydrogène dans un hydrure métallique TiFeMn.P. Avavian/<strong>CEA</strong>II. TRANSFORMATION,STOCKAGE, TRANSPORTET DISTRIBUTIONLe début du XXI e siècle est marqué par une prise de conscience durable des problèmesénergétiques auxquels notre planète doit faire face. Ce défi engendre une modificationprofonde de notre approche énergétique, qui cherche non seulement à diversifierles sources d’énergie mais également à introduire de nouveaux vecteurs d’énergie pourrépondre à nos comportements nomades. En eff<strong>et</strong>, si pendant longtemps l’homme s’estsédentarisé autour de foyers énergétiques directement utilisables, il doit désormaisdévelopper <strong>et</strong> optimiser des technologies innovantes de transformation, <strong>stockage</strong>, <strong>transport</strong><strong>et</strong> <strong>distribution</strong> d’énergie. L’électricité est au centre de ce nouveau bouqu<strong>et</strong> énergétique, maisson usage nécessite à chaque instant un parfait équilibre entre la puissance demandée <strong>et</strong>la puissance fournie. C<strong>et</strong>te difficulté s’accentue avec la mise en place d’un marché déréguléde l’électricité, qui favorise le déploiement toujours croissant de moyens de productiondécentralisés de puissances très variables (3 kW à plusieurs MW) à partir d’énergiesintermittentes <strong>et</strong> aléatoires (éolien, solaire...).Ce nouveau paradigme pour le marché de l’électricité constitue ainsi une opportunité sansprécédent pour le développement <strong>et</strong> le déploiement des énergies renouvelables, mais aussipour la mise au point de stratégies de gestion de réseaux électriques. La prévision desproductions d’énergies renouvelables, le délestage programmé <strong>et</strong> surtout le <strong>stockage</strong> del’électricité à différentes échelles de temps (batteries pour quelques minutes à quelquesheures, hydrogène pour quelques heures à quelques jours) vont participer à la stabilité <strong>et</strong>la sécurité de nos réseaux électriques. Ces technologies, associées aux TIC (Technologiesde l’information <strong>et</strong> de la communication) <strong>et</strong> à des algorithmes de gestion de systèmescomplexes, vont fournir de l’intelligence aux réseaux (smart grid) <strong>et</strong> perm<strong>et</strong>tre la préventionde blackout (dizaines de milliards de $/an), l’alimentation de sites isolés <strong>et</strong> l’effacementdes pointes de demande (report d’investissement d’infrastructures), l’augmentation duseuil d’intégration des énergies renouvelables (30 % actuellement), le lissage des coûts <strong>et</strong>une rentabilité accrue de procédés industriels énergivores (profitant de la grande variabilitédes prix sur le marché EPEXSPOT).Les difficultés énergétiques auxquelles sont confrontés aujourd’hui les milieux insulairespréfigurent celles que rencontrera la planète à plus ou moins long terme. Par leursspécificités énergétiques (gisement important d’énergies renouvelables, bouqu<strong>et</strong> énergétiquemajoritairement fossile, accès à l’énergie complexe <strong>et</strong> coûteux, réseau intrinsèquementplus fragile <strong>et</strong> plus sensible), ces territoires sont des laboratoires uniques pour éprouverles nouvelles technologies de <strong>stockage</strong> <strong>et</strong> de gestion de l’énergie. Le <strong>CEA</strong> a ainsi choiside s’associer au CNRS <strong>et</strong> à l’Université de Corse pour implanter en Corse une antenneapplicative de l’Institut national de l’énergie solaire, avec le soutien financier de la Collectivitéterritoriale de Corse, de l’État français <strong>et</strong> de l’Union européenne. C<strong>et</strong>te antenne développ<strong>et</strong>rois plateformes de recherche technologique dédiées à la gestion de micro-réseauxélectriques (PAGLIA ORBA), au couplage d’une chaîne hydrogène sur un réseau (MYRTE) <strong>et</strong> àla mobilité électrique multimodale (MOBIDIC).Les briques technologiques présentées dans ce chapitre préparent <strong>et</strong> concourent à ce nouveaupaysage énergétique pour davantage d’énergie renouvelable, d’indépendance énergétique,de sécurité d’approvisionnement <strong>et</strong> d’activités économiques génératrices d’emploi.Pierre Serre-CombeInstitut Liten (Laboratoire d’innovationpour les technologies des énergies nouvelles<strong>et</strong> les nanomatériaux)Direction de la recherche technologique<strong>CEA</strong> Centre de GrenobleCLEFS <strong>CEA</strong> - N° 61 - PRINTEMPS 201355


<strong>Transformation</strong>, <strong>stockage</strong>, <strong>transport</strong> <strong>et</strong> <strong>distribution</strong>Le développement de batteries performantes, présentant des capacités, coûts <strong>et</strong> durées de vieaméliorés, tout en offrant des garanties de sécurité, est un enjeu majeur pour le déploiement desystèmes énergétiques sobres en énergie <strong>et</strong> non polluants, qu’il s’agisse d’applications mobilesou stationnaires. Dans le cadre de son programme de R&D sur les Nouvelles technologies del’énergie (NTE), le <strong>CEA</strong> est ainsi devenu un acteur incontournable dans la conception <strong>et</strong> la miseen œuvre de technologies de <strong>stockage</strong> innovantes pour les <strong>transport</strong>s (véhicules électriques<strong>et</strong> hybrides), les applications en sites isolés <strong>et</strong> les applications en connexion au réseau, pourle lissage des pointes de consommation <strong>et</strong> le décalage de production.Énergie en batteriesDes batteries pour la mobilité électriqueDepuis les années 2000, le <strong>CEA</strong> consacre une grande part de ses efforts à des travaux deR&D sur les batteries pour les véhicules électriques <strong>et</strong> hybrides. Ces activités font l’obj<strong>et</strong>de nombreux échanges avec les acteurs de l’industrie.Mise au point <strong>et</strong> validationdu système de gestion dupack batterie du véhiculedémonstrateur du <strong>CEA</strong>.Ce véhicule a étédéveloppé en partantd’une Citroën AXélectrique des annéesquatre-vingt-dix, qui étaità l’époque le véhiculeélectrique le plus léger.P. Avavian/<strong>CEA</strong>Le <strong>transport</strong> routier est à l’origine de plus de90 % des émissions de gaz carbonique (CO 2 )du secteur des <strong>transport</strong>s, dont 50 % pour les seulsvéhicules particuliers. Le développement de véhiculespropres est ainsi une des priorités des politiquespubliques. Ce domaine est activement explorépar le <strong>CEA</strong>. De nombreux programmes de R&Dsur les véhicules électriques <strong>et</strong> hybrides sont proposéspar ses chercheurs, notamment à l’Institut Liten(Laboratoire d’innovation pour les technologies desénergies nouvelles <strong>et</strong> les nanomatériaux). Ils sontmenés en lien avec les autres acteurs de la recherchepublique <strong>et</strong> les industriels, en particulier dans le cadredu Réseau national de recherche <strong>et</strong> technologie surles batteries.Les technologies de batteriesPlusieurs types d’accumulateurs ont été développéspour la conception des batteries. Les accumulateursplomb-acide, nickel-cadmium (NiCd) <strong>et</strong> nickelhydruremétallique (NiMH) sont basés sur des technologiesaqueuses. L’électrolyte est composé soitd’acide sulfurique dilué dans de l’eau, dans le casdes batteries au plomb, soit de potasse diluée dansde l’eau, pour les batteries NiCd <strong>et</strong> NiMH. Outrela réaction électrochimique principale, la présenced’eau entraîne la réalisation de nombreuses réactionsélectrochimiques parasites, qui influencentles performances <strong>et</strong> l’utilisation des accumulateurs.Les réactions parasites provoquent notammentl’autodécharge des accumulateurs. Cependant, ces56CLEFS <strong>CEA</strong> - N° 61 - PRINTEMPS 2013


Les accumulateurs lithium-iond’après Martin Winter (Université de Münster, Allemagne)Le principe de fonctionnement des accumulateurslithium-ion (Li-ion) reposesur le transfert d’ions lithium (Li + ) quivont s’insérer, soit dans le matériau de lacathode (pôle positif), soit dans celui del’anode (pôle négatif).Le choix du matériau de cathode est uncompromis entre l’énergie stockée, lecoût <strong>et</strong> la sécurité. Les matériaux actifssont essentiellement des oxydes mixtesde lithium <strong>et</strong> de métaux de transition.Initialement, les applications des accumulateursLi-ion concernaient principalementcobalt (LiCoO 2 )NCA (LiNiCoAlO 2 )NMC (LiNiMnCoO 2 )manganèse (LiMn 2 O 4 )phosphate (LiFePO 4 )cathodeoxygènemétalles ordinateurs <strong>et</strong> téléphones portables.L’oxyde de cobalt apportait des densitésd’énergie massique (Wh/kg) <strong>et</strong> volumique(Wh/L) très intéressantes, mais c’est unmatériau cher <strong>et</strong> réactif. Le remplacementd’une partie du cobalt par de l’aluminium(NCA pour Nickel-Cobalt-Aluminium- NiCoAl) ou du manganèse (NMC pourNickel-Manganèse-Cobalt - NiMnCo)perm<strong>et</strong> d’optimiser les compromis coût,sécurité <strong>et</strong> densité d’énergie massique.La technologie basée sur le manganèseintéresse beaucoup les constructeursLi +anodegraphitelithiumgraphitecarbone durtitanate (Li 4 Ti 5 O 12 )automobiles car son prix matière estpeu élevé, pour des densités d’énergiemassique <strong>et</strong> volumique importantes. Enrevanche, c<strong>et</strong>te technologie doit faire sespreuves en termes de durée de vie calendaire(vieillissement naturel de la batterieau cours des années) <strong>et</strong> de cyclage. Lephosphate de fer présente le meilleurniveau de sécurité, un faible coût, procureune forte puissance, mais au détrimentde densités d’énergie massique <strong>et</strong> volumiqueinférieures. Ce matériau est maintenantbien positionné sur les marchés del’outillage électroportatif <strong>et</strong> des véhiculesélectriques, aux États-Unis <strong>et</strong> en Chineprincipalement.Les matériaux utilisés pour l’anodesont majoritairement à base de carbone(graphite, fibre de carbone...). L’emploi d<strong>et</strong>itanate (Li 4 Ti 5 O 12 ) autorise des gains trèsimportants au niveau du nombre de cyclespouvant être atteints ainsi qu’à celui de lapuissance de l’accumulateur, à la décharge<strong>et</strong> surtout à la charge. Mais la tension del’accumulateur est abaissée d’environ unvolt, ce qui influe fortement sur les densitésd’énergie massique <strong>et</strong> volumique.technologies présentent l’intérêt de perm<strong>et</strong>tre lacharge d’une batterie constituée d’accumulateursen série sans qu’il soit nécessaire d’ajouter un circuitélectronique en parallèle des accumulateurs. Dansde telles batteries, un accumulateur achevant sacharge avant les autres pourra continuer à êtr<strong>et</strong>raversé par le courant de charge. Classiquement,une autre réaction électrochimique sera amorcée<strong>et</strong> dissipera l’énergie reçue sous forme de chaleur.Le courant terminera la charge des autres accumulateursen série.Dans un accumulateur lithium-ion (Li-ion), uneseule réaction électrochimique se produit, sans réactionparasite annexe (encadré). Le courant d’autodéchargeest très faible, presque inexistant, ce quioffre la possibilité de stocker de l’énergie pour desdurées supérieures à un an. Cela constitue un avantageparticulièrement significatif pour le sto ckaged’énergie destiné aux applications nomades ouintermittentes, comme l’outillage électroportatif.Ainsi, plus besoin de recharger la batterie d’unevisseuse électrique avant de s’en servir. En revanche,il est interdit de continuer à faire passer du courantdans un accumulateur totalement chargé. Une électroniqueest nécessaire pour mesurer la tension auxbornes de chaque accumulateur <strong>et</strong> arrêter la chargelorsque la tension de fin de charge d’un des accumulateursest atteinte. C<strong>et</strong>te électronique doit aussiassurer un équilibrage des accumulateurs, c’est-àdireperm<strong>et</strong>tre d’achever la charge des accumulateursles moins chargés de la mise en série. Après unecharge, le déséquilibre est très faible, classiquementmoins de 1 % (figure 1). Le déséquilibre n’a pasd’impact immédiat sur l’usage <strong>et</strong> la batterie peutêtre utilisée aussitôt après la charge. Cependant, ilest indispensable de réaliser périodiquement l’équilibragepour éviter que le déséquilibre ne dérive <strong>et</strong>s’amplifie, charge après charge.tension (V)727068666462605856tensiontempérature00:0001:4003:2005:0006:4008:2010:0011:4013:2015:0016:4018:2020:0021:4023:2025:0026:4028:2030:00durée (min:s)ΔC = 0,3 %14 °CFigure 1.Déséquilibre de 0,3 % observé sur un pack batterie LiFePO 4 utilisé sur le véhiculeélectrique démonstrateur du <strong>CEA</strong> (une Citroën AX), après une charge rapide en20 minutes à température ambiante.4035302520151050température (°C)CLEFS <strong>CEA</strong> - N° 61 - PRINTEMPS 201357


<strong>Transformation</strong>, <strong>stockage</strong>, <strong>transport</strong> <strong>et</strong> <strong>distribution</strong>acUn contrôle électroniqueLes batteries d’accumulateurs Li-ion doivent impérativementêtre munies d’une électronique de gestion(BMS, Battery Management System). Celle-ci assurela surveillance en tension de tous les accumulateurs,pour arrêter la charge sur un seuil de tension haute<strong>et</strong> stopper la décharge sur un seuil de tension basse.Elle contrôle également la température de la batterie,calcule l’autonomie qui lui reste <strong>et</strong> indique la puissancemaximale qu’elle peut fournir ou absorber enphase de récupération, au freinage <strong>et</strong> en descente.Enfin, l’électronique de gestion informe sur l’état devieillissement de la batterie, notifie ses défauts <strong>et</strong> gèrel’équilibrage en tension des accumulateurs (figure 2).L’état de charge est l’indicateur classique de l’autonomierestante. À la charge, on intègre le courantau cours du temps afin de connaître le nombred’ampères·heures entrés dans la batterie. Le mêmecalcul s’effectue pendant le roulage. Le décompte dela charge disponible perm<strong>et</strong> d’estimer l’autonomierestante. Dans le cas des accumulateurs Li-ion, l’intégrationdu courant au cours du temps, avec recalageen fin de charge, lors de l’atteinte de la tensionmaximale, conduit à une meilleure précision del’autonomie.L’état de santé d’une batterie est évalué en fonctionde la baisse de sa capacité, exprimée en pourcentage.Classiquement, une batterie est considérée commeétant en fin de vie après une perte de capacité de 20à 30 %.Figure 2.Électronique de gestion de packs batteries. Ces packs sont formés de l’assemblagede plusieurs unités d’un module standard développé au <strong>CEA</strong>. Chaque module est munid’une carte de mesure de tension, de température <strong>et</strong> d’équilibrage. Les informationssont ensuite isolées électriquement <strong>et</strong> transmises par réseau CAN (Controller AreaN<strong>et</strong>work), le réseau communicant standard de l’automobile. Une mesure de courantest placée sur le circuit de courant de puissance. Une résistance shunt de faible valeurperm<strong>et</strong> d’apporter une grande précision sur toute la plage de mesure, aussi bien enphase de roulage – 200 ampères (A) maximum pour une batterie de 400 volts (V) – qu’enphase de charge – moins de 10 A pour la même batterie en charge lente. De même,une carte positionnée sur le shunt a pour rôle de transm<strong>et</strong>tre les informations avecisolement électrique sur le réseau CAN. La carte centrale à microcontrôleur du BMSassure les fonctions de gestion <strong>et</strong> de calcul à partir des informations reçues.En a, module d’accumulateurs Li-ion à base de phosphate de fer (LiFePO 4 ) issus del’outillage électroportatif. En b, carte de mesure <strong>et</strong> d’équilibrage connectée directementsur les accumulateurs. En c, shunt de mesure de courant. En d, carte à microcontrôleurcomprenant les algorithmes de surveillance, sécurité, équilibrage <strong>et</strong> calculs des états(charge, énergie, santé, sécurité, puissances maximales en décharge <strong>et</strong> recharge...).bd<strong>CEA</strong>/Institut LitenLes accumulateurs Li-ion ne peuvent pas être totalementdéchargés, sous peine de détérioration. Leurassemblage pour constituer une batterie est donc uneopération qui comporte des risques de court-circuit<strong>et</strong> d’électrisation (1) . Pour minimiser ces risques, uneconception par modules de tension non dangereuse,qui seront connectés en série le plus tard possible, aété choisie.Les batteries <strong>et</strong> leur coût d’usageDans les années quatre-vingt-dix, 10 000 véhiculesélectriques de marques Peugeot, Citroën <strong>et</strong> Renaultont été vendus, suite à l’obligation faite aux administrationsde disposer d’une part de véhicules électriques.La production a ensuite été abandonnée. Lesmédias communiquent aujourd’hui sur le fait que lesvéhicules électriques ne se sont pas développés à caused’une autonomie insuffisante. Si cela est indéniable,là n’est pas la raison première de c<strong>et</strong> arrêt. Le r<strong>et</strong>ourd’expérience de ces véhicules a en eff<strong>et</strong> montré quele problème principal résidait dans le coût d’usagede ces véhicules, alors trois fois plus élevé que celuides véhicules thermiques. L’énergie extraite de labatterie lors du roulage n’atteignait pour une NiCdque 70 % de celle annoncée, du fait de la différenceentre les conditions d’usage (décharge en une heure)<strong>et</strong> celles des spécifications constructeurs (déchargeen trois heures). Sur d’autres véhicules, à base debatterie au plomb, l’énergie extraite était même inférieurede 50 % à la spécification (spécification pourune décharge en 10 heures au lieu de 1 heure). Lenombre de cycles en utilisation réelle était égalementtrès inférieur à celui des spécifications. Au lieu dedurer 100 000 km, les batteries devaient être changéesau bout de trois ou quatre ans <strong>et</strong> après 30 000à 40 000 km. Quant au coût d’usage du <strong>stockage</strong> del’énergie (2) , il était de l’ordre de 1,5 €/kWh pour lesvoitures des années quatre-vingt-dix, alors qu’il doitêtre inférieur à 0,5 €/kWh pour être compétitif avecle coût de l’énergie issue du carburant, une fois prisen compte le rendement du moteur thermique. Dansce calcul, le coût de l’électricité à la prise est négligé,car aujourd’hui très inférieur au coût d’usage du<strong>stockage</strong>.Avec les véhicules hybrides, il est possible d’atteindreun coût d’usage du <strong>stockage</strong> de l’énergie compétitif enfaisant fonctionner la batterie uniquement avec desmicrocycles de 5 %. Ainsi, une batterie NiMH, spécifiéepour 1 000 cycles de charge-décharge compl<strong>et</strong>s,peut faire 100 000 cycles de 5 %. Le coût d’usage estalors divisé par cinq. C’est l’un des atouts des véhiculeshybrides à dérivation de puissance tels que laToyota Prius : à tout instant, le véhicule choisit s’ilvaut mieux employer l’essence ou l’électricité stockéedans la batterie. Pour les véhicules électriques, doncsans source d’énergie complémentaire, les batteriessont utilisées en cycles compl<strong>et</strong>s. Aujourd’hui,un coût d’usage compétitif est accessible grâce auxbaisses des coûts liées à la production en volume <strong>et</strong>à l’accroissement régulier du nombre de cycles enusage réel.(1) Électrisation : passage de courant électrique dans le corpshumain, pouvant entraîner des lésions, voire le décès.(2) Coût d’usage du <strong>stockage</strong> de l’énergie : coût d’achat du<strong>stockage</strong> (en €/kWh, où l’énergie est celle réellement disponibleen utilisation) divisé par le nombre de cycles en usage réel.58CLEFS <strong>CEA</strong> - N° 61 - PRINTEMPS 2013


Les véhicules doivent être légers pour minimiser lataille de la batterie, donc ses coûts d’achat <strong>et</strong> d’usage.Une grande part des véhicules électriques actuels sontdes véhicules thermiques électrifiés. Avec la « diésélisation» du parc, les besoins d’insonorisation associés<strong>et</strong> le renforcement de la sécurité passive <strong>et</strong> activedes véhicules, leur masse s’élève à 1 100-1 300 kg.L’électrification conduit à une masse finale de l’ordrede 1 500 kg <strong>et</strong> à l’obligation d’inclure une batterie de25 à 30 kWh pour assurer 160 km d’autonomie. Lataille du véhicule <strong>et</strong> celle de la batterie influent fortementsur les coûts d’achat <strong>et</strong>/ou de location, ainsi quesur le coût kilométrique.Un véhicule beaucoup plus léger <strong>et</strong> une batterieréduite en proportion sont nécessaires pour garantirla compétitivité des véhicules électriques. Cecis’avère possible à condition, plutôt que d’électrifierl’existant, de concevoir une voiture électrique optimisée,ce qui est en cours chez les constructeurs, oude proposer des véhicules différents tels que scooters,trois-roues, quadricycles ou Renault Twizy (3) .La recharge rapideLes accumulateurs lithium peuvent être optimisésen puissance en agissant sur les matériaux d’électrodes<strong>et</strong> leur épaisseur, ainsi que sur les feuillardsd’aluminium <strong>et</strong> de cuivre (4) , pour être en mesure deréaliser des charges rapides. Ceci perm<strong>et</strong> de proposerdes véhicules électriques pour des traj<strong>et</strong>s locaux <strong>et</strong>domicile-travail, avec des charges lentes de nuit enusage régulier, tout en ayant la possibilité d’effectuerde longs traj<strong>et</strong>s avec des successions de roulages <strong>et</strong> decharges rapides.La recharge rapide des accumulateurs lithiumouvre également des perspectives nouvelles pour laconception de véhicules, comme l’illustre le proj<strong>et</strong>collaboratif ElLiSup (Autobus Électrique à batteriesau Lithium <strong>et</strong> Supercapacités), porté par la sociétéIrisbus.Pour parvenir à offrir 150 km d’autonomie à un bus,en recharge de nuit, il faut l’équiper d’une batteriedont la masse peut atteindre plusieurs tonnes, cequi n’est économiquement compétitif que pour unedurée de vie de la batterie de dix années. Une autresolution consiste à utiliser des supercondensateurs (5)dimensionnés pour couvrir la distance inter arrêts, <strong>et</strong>de placer une station de recharge de forte puissance(200 kW) à chaque arrêt. C<strong>et</strong>te solution est très fortementpénalisée par le coût de l’infrastructure nécessaireà chaque station. Le proj<strong>et</strong> ElLiSup s’attache audéveloppement d’un bus léger, avec une chaîne d<strong>et</strong>raction optimisée <strong>et</strong> une batterie de puissance chargéeen bout de ligne en cinq minutes. L’infrastructurese limite à une borne de recharge de 200 kW à chaquefin de ligne. La taille de la batterie est trois fois plusp<strong>et</strong>ite que dans les options précédentes <strong>et</strong> son coût(3) La Twizy, du constructeur automobile Renault, estune voiture électrique biplace en tandem. De p<strong>et</strong>ites dimensions(2,34 m de long, 1,24 m de large <strong>et</strong> 1,45 m de haut), elle afficheune autonomie de 100 km en milieu urbain <strong>et</strong> peut êtrerechargée en trois heures <strong>et</strong> demie. Elle est équipée de batteriesLi-ion de 6,1 kWh. Sa masse, batteries comprises, est de 450 kg.(4) Ils servent à collecter le courant.(5) Supercondensateur : il récupère l’énergie cinétique lors dela phase de freinage <strong>et</strong> la transforme en électricité. Capable de secharger <strong>et</strong> de se décharger très rapidement, il se présente commeune batterie ultra-rapide.Le véhicule électrique démonstrateur du <strong>CEA</strong> a permis de m<strong>et</strong>tre en évidence l’impact dela masse sur les performances. En remplaçant le pack batterie NiCd d’origine, de 12 kWh spécifié(mais de 7 à 8 kWh en réel), par une batterie LiFePO 4 de 10 kWh, puis de 13 kWh, d’une massedivisée par deux, les chercheurs du <strong>CEA</strong> ont doté ce véhicule d’une autonomie de 130 km enusage réel, de bonnes performances en montage (montée à l’Alpe d’Huez <strong>et</strong> r<strong>et</strong>our) <strong>et</strong> d’unerecharge rapide. L’autonomie est analogue à celle des voitures électriques d’aujourd’hui, maisavec une batterie deux fois plus p<strong>et</strong>ite. Ainsi, une conception adaptée, prenant en compte lescontraintes de sécurité actuelles, perm<strong>et</strong>trait de proposer un véhicule électrique de moinsd’une tonne, à batterie <strong>et</strong> coût réduits. Les chercheurs ont également démontré que ce véhiculepouvait parcourir, grâce à la recharge rapide, 780 km en journée <strong>et</strong> 1 240 km en 24 heures,sur route, autour de Grenoble (Isère).d’achat diminue en conséquence. Le temps de r<strong>et</strong>oursur investissement est ramené à trois ou quatre ans.Un bus hybride rechargeable <strong>et</strong> un bus électriquesont mis au point selon ce concept (voir Les <strong>transport</strong>sélectriques, p. 84).L’électrification des <strong>transport</strong>s connaît aujourd’huiun développement rapide pour la traction des trains <strong>et</strong>la propulsion des bateaux (électriques ou diesel-électriques),ainsi que pour les commandes électriquesdes avions <strong>et</strong> des véhicules. Le but est d’économiserl’énergie tout en augmentant les prestations. Lesbatteries progressent régulièrement chaque année,portées par les marchés de toutes les applicationsnomades. Si dans le domaine des microprocesseurs,la loi de Moore indique que le nombre de transistorssur une puce double tous les deux ans, dans celui desbatteries, la capacité des accumulateurs croît de 10 %par an. Les performances des batteries <strong>et</strong> des piles àcombustible s’améliorent continûment en termesd’autonomie, de sécurité <strong>et</strong> de durée de vie. Les coûtsd’achat <strong>et</strong> d’usage deviennent compétitifs. L’objectifest de m<strong>et</strong>tre en circulation en France 400 000 véhiculesélectriques <strong>et</strong> hybrides en 2015 <strong>et</strong> 2 millions àl’horizon 2020.> Daniel ChatrouxInstitut Liten (Laboratoire d’innovationpour les technologies des énergies nouvelles<strong>et</strong> les nanomatériaux)Direction de la recherche technologique<strong>CEA</strong> Centre de Grenoble<strong>CEA</strong>/Institut LitenCLEFS <strong>CEA</strong> - N° 61 - PRINTEMPS 201359


<strong>Transformation</strong>, <strong>stockage</strong>, <strong>transport</strong> <strong>et</strong> <strong>distribution</strong>Batterie redox. Enstockant de l’électricitéphotovoltaïque, c<strong>et</strong>tebatterie perm<strong>et</strong> deréguler la production<strong>et</strong> la consommationsur le réseau électrique.Des batteries pourles applications stationnairesLe <strong>stockage</strong> de l’énergie est un enjeu essentiel dans les systèmes de productiond’électricité à partir d’énergies intermittentes, particulièrement quand il s’agitde systèmes autonomes. Les travaux menés par le <strong>CEA</strong> visent à développer destechnologies de <strong>stockage</strong> palliant les faiblesses des systèmes existants.Le <strong>stockage</strong> de l’électricité est indispensableaux applications en site isolé. Les évolutionsréglementaires tendent à lui donner également uneplace croissante dans les applications connectéesau réseau électrique, notamment en conjonctionavec la pénétration grandissante de sources intermittentes<strong>et</strong> fatales (faiblement prédictibles <strong>et</strong> noncontrôlables), telles que le photovoltaïque <strong>et</strong> l’éolien,dans un contexte de progression des réseaux versplus de flexibilité (smart grids). La loi incitant àl’auto consommation de l’énergie photovoltaïque enAllemagne <strong>et</strong> les appels d’offres de la Commissionde régulation de l’énergie (CRE) sur le couplagedes centrales photovoltaïques de grande puissance <strong>et</strong>éoliennes avec des dispositifs de <strong>stockage</strong> de l’énergiedans les départements d’outre-mer sont des exemplesemblématiques de ces évolutions (voir L’hydrogène,moyen de <strong>stockage</strong> de l’électricité, p. 68).Le <strong>stockage</strong> électrochimiqueDe nombreuses technologies de <strong>stockage</strong> se positionnentpour répondre à un besoin donné de décalage decharge, de décongestion du réseau, de soutien de lafréquence ou de sécurisation. Parmi elles, le <strong>stockage</strong>par voie électrochimique, du fait de sa flexibilité dedimensionnement, s’impose naturellement dans lesapplications de faible puissance/énergie <strong>et</strong>, de plusen plus, dans des applications de grandes dimensions(MW/MWh).Aborder l’intégration de tels systèmes de <strong>stockage</strong>implique de travailler à plusieurs niveaux.Dans la phase de développement technologique,l’attention doit se porter sur l’électrochimie, la formulationde matériaux <strong>et</strong> la mise au point de nouvellestechnologies. L’Institut Liten (Laboratoire d’innovationpour les technologies des énergies nouvelles <strong>et</strong>les nanomatériaux) s’intéresse ainsi, avec les fabricantsde technologie, à tous les types d’électro chimie :accumulateurs lithium-ion (Li-ion), plomb-acideP. Avavian/<strong>CEA</strong>sulfurique (Pb-H 2 SO 4 ), plomb-acide méthane sulfonique(Pb-AMS)...Une fois la technologie arrivée à maturité, il s’agitd’œuvrer à son exploitation dans les meilleuresconditions de fonctionnement, <strong>et</strong> au développementd’indicateurs pertinents pour sa gestion. Ce BMS(Battery Management System, système de gestion debatterie) nécessite non seulement une connaissancefine de l’élément unitaire (accumulateur, cellule) <strong>et</strong>de son électrochimie, mais aussi un interfaçage avecson environnement. Ces travaux sont conduits avecles fabricants <strong>et</strong> les utilisateurs de technologie.Enfin, pour la connexion au réseau de puissance,le système de <strong>stockage</strong> doit intégrer un convertisseur,qui peut aussi être responsable d’une partie ducomportement électrique du système.L’ensemble de ces travaux est sous-tendu par descaractérisations <strong>et</strong> de la modélisation afin de sélectionnerles technologies <strong>et</strong> le dimensionnement lesplus appropriés à l’application.Le Liten se positionne sur ces trois niveaux de développement,en partenariat avec les fabricants d<strong>et</strong>echno logie, les fournisseurs de matériel électrique<strong>et</strong> les intégrateurs finaux. Certaines technologiesélectro chimiques – Li-ion, redox Pb-AMS – sontmises au point intégralement au Liten. En revanche,les travaux à l’échelle BMS <strong>et</strong> système sont menés surles technologies présentes sur le marché, les acteursindustriels donnant accès à leurs éléments unitaires :accumulateurs Li-ion, nickel-zinc (NiZn) <strong>et</strong> autresà base de Ni, sodium-chlorure de nickel (Na-NiCl 2 )fonctionnant à haute température, cellule redox àcirculation type vanadium (V)...Les systèmes redoxUn résultat emblématique des travaux de R&Dconduits par le Liten concerne une technologie debatterie redox à circulation d’électrolyte. Du fait deleurs caractéristiques intrinsèques, ces systèmes de<strong>stockage</strong> apparaissent comme pertinents dans lesgammes de la centaine de kW/kWh, en particulierpour le soutien des réseaux électriques de <strong>distribution</strong>ou de transmission :découplage réalisable entre puissance <strong>et</strong> capacité ;•possibilité d’extension de capacité à bas coût (ilsuffit d’un réservoir plus grand) ;absence d’autodécharge en mode déconnecté ;stabilité en fonctionnement (durée de vie) ;• absence d’eff<strong>et</strong> mémoire(1) perm<strong>et</strong>tant un cyclagesur la totalité de la gamme d’états de charge ;(1) Eff<strong>et</strong> mémoire : si la batterie n’est pas complètementdéchargée, au cycle de charge-décharge suivant, seule une fractionde la capacité est accessible. Aussi, en l’absence d’eff<strong>et</strong> mémoire, labatterie peut être chargée-déchargée (cyclée) sur toute sa gammed’états de charge, sans impact de sa profondeur de décharge surson état de santé.60CLEFS <strong>CEA</strong> - N° 61 - PRINTEMPS 2013


éservoirde <strong>stockage</strong>d'électrolytePb 2+ / CH 3 SO 3 Hpompeélectrode bipolaire :composite de carbonedépôtdépôtde PbO 2 de PbFigure 1.Schéma de principe d’une batterie redox à circulation Pb-AMSde configuration bipolaire (réacteur bipolaire). Ce type debatterie, pour lequel le plomb (sous forme de Pb 2+ ) est ensolution dans l’AMS, dans un réservoir unique, ne nécessitequ’un seul système de pompage. Le Pb 2+ se dépose sur lesélectrodes sous formes de Pb <strong>et</strong> de dioxyde de plomb (PbO 2 )au cours de la charge.•sensibilité peu élevée à la décharge profonde, c’està-direpresque totale.Deux technologies redox à circulation arriventaujourd’hui à maturité commerciale, les batterieszinc-brome (ZnBr) <strong>et</strong> les batteries vanadium (V).Elles présentent cependant des points faibles entermes de durabilité, de complexité du système fluidique<strong>et</strong> de toxicité des électrolytes.Les batteries Pb-AMSLe système Pb-AMS développé au sein du Laboratoirede <strong>stockage</strong> de l’électricité (LSE) du Liten est une technologiede conception plus simple que les systèmesredox ZnBr <strong>et</strong> V. Elle pallie leurs faiblesses par uneapproche originale basée sur l’utilisation du plomben solution dans de l’acide méthane sulfonique. Àterme, c<strong>et</strong>te technologie (figure 1) présentera lesavantages suivants :•un compartiment de réaction unique, d’où un seulréservoir d’électrolyte <strong>et</strong> un seul système de pompage ;•l’absence de membrane, ce qui perm<strong>et</strong> de s’affranchirdes problèmes de pollution des électrolytes dusau passage des espèces à travers la membrane (crossflow),<strong>et</strong> donc de fonctionner à forte puissance (cen’est pas le cas pour les technologies actuelles) ;•des électrodes de grande surface active avec unearchitecture monopolaire, améliorant la fiabilité <strong>et</strong>l’étanchéité du système ;•l’éco-conception en amont de la technologie <strong>et</strong>l’emploi d’un électrolyte non toxique, l’AMS ;•un faible coût, grâce notamment à l’usage d’uncouple électrochimique basé sur le plomb, avec unobjectif inférieur à 80 €/kWh installé (coût moyenpour les batteries plomb-acide) <strong>et</strong> 0,1 € par kWhdéstocké sur la durée de vie.Ce système est étudié par l’équipe de Derek Pl<strong>et</strong>cherà l'Université de Southampton (Royaume-Uni)depuis 2004. À ce jour, les performances ont atteint100 cycles pour une cellule unitaire d’une surface de100 cm 2 , dans une configuration de type bipolaire.Les travaux se poursuivent. De nombreux points sontencore à améliorer, en particulier la cyclabilité <strong>et</strong> lamise en série des cellules.Le fonctionnement du système Pb-AMS montredes analogies avec les batteries Pb-H 2 SO 4 conventionnelles.Cependant, dans ces batteries, le plombreprésente la plus grande partie du coût <strong>et</strong> son tauxd’utilisation n’est que de 25 % environ : 40 à 50 %du plomb est sous forme de collecteur de courant<strong>et</strong> la matière active n’est employée qu’à 40-50 %. Aucontraire, dans la batterie à circulation Pb-AMS, leplomb peut être exploité jusqu’à 95 % car la circulationd’électrolyte élimine la limitation par diffusion.De plus, l’usage d’un électrolyte unique simplifiebeaucoup le design du système. L’AMS présente égalementdes avantages environnementaux. Il s’agit d’unacide organique, biodégradable, formé lors de l’oxydationpar le chlore du méthan<strong>et</strong>hiol (CH 3 SH). Cedernier est synthétisable par des microorganismes, cequi perm<strong>et</strong> d’envisager dans le futur une productionbasée sur les biotechnologies.couvercle2 cmflux d'électrolyteélectrodesFigure 2.Schéma de la cellule àélectrodes nid-d’abeillestraversantes. La géométriede c<strong>et</strong>te cellule perm<strong>et</strong>d’optimiser le rapportvolume/surface active, pourdes canaux de diamètre1-3 mm <strong>et</strong> de longueur15-20 mm. La circulationd’électrolyte se fait en fluxcroisés, pour que les eff<strong>et</strong>s dela chute ohmique (résistanceinterne de la cellule, quidépend de la nature del’électrolyte, de la distanceentre les électrodes...) soientcompensés par le gradient deconcentration de Pb 2+ le longdes canaux. La surface activeélevée conduit à une cellul<strong>et</strong>rès compacte, qui pourrafournir une forte puissanceavec un débit d’électrolytefaible durant la charge, limitantainsi le risque de détachementde matière active.Électrode traversante avant calcination (à droite, composite de résine phénolique <strong>et</strong> de cellulose)<strong>et</strong> après calcination (à gauche, carbone vitreux, matériau carboné de faible densité).bac<strong>CEA</strong>CLEFS <strong>CEA</strong> - N° 61 - PRINTEMPS 201361


<strong>Transformation</strong>, <strong>stockage</strong>, <strong>transport</strong> <strong>et</strong> <strong>distribution</strong>Prototype de réacteur à électrodes nid-d’abeilles traversantes (à gauche) à partir duquelun prototype de batterie redox à circulation Pb-AMS a été construit (à droite). On distinguele réservoir d’électrolyte, la pompe (en blanc), le réacteur <strong>et</strong> les indicateurs de circulationd’électrolyte (en bleu <strong>et</strong> en noir).<strong>CEA</strong>Réacteur à circulation à électrodesnid-d’abeillesDerek Pl<strong>et</strong>cher <strong>et</strong> son équipe travaillent sur unearchitecture bipolaire, dans laquelle le collecteur decourant supporte l’électrode positive (cathode) dansune cellule <strong>et</strong> l’électrode négative (anode) dans lasuivante, jouant à la fois le rôle d’interconnexionentre les cellules <strong>et</strong> celui de mur intercellulaire. Dansc<strong>et</strong>te configuration bipolaire, le plomb (Pb) <strong>et</strong> ledioxyde de plomb (PbO 2 ) se déposent en couchemince à la surface des électrodes mais, au fur <strong>et</strong> àmesure du cyclage, des dépôts se forment à d’autresendroits du réacteur <strong>et</strong> génèrent des courts-circuits.Optimiser la sécurité des batteries lithiumM<strong>et</strong>tre à disposition des batteries sécuritaires,c’est-à-dire présentant des garantiesde sécurité, grâce à la compréhensiondes phénomènes mis en jeu lors de sollicitationsexternes agressives. Tel est l’undes objectifs poursuivi par le <strong>CEA</strong> pour optimiserles batteries lithium. Le programmeSécurité des batteries lithium perm<strong>et</strong> ainside tester les technologies de batteries développéesau <strong>CEA</strong> ou en collaboration avecdes partenaires. Il concerne l’ensemble desapplications industrielles faisant appel àune batterie (véhicule, solaire, électroniquenomade...). Par exemple, le véhicule électrique,qui repose sur la R&D de nouvellesarchitectures <strong>et</strong> de nouvelles chimies debatteries en vue d’augmenter son autonomi<strong>et</strong>out en réduisant les coûts, fait l’obj<strong>et</strong>de travaux visant à optimiser la sûr<strong>et</strong>é desdispositifs employés.Un objectif de sécuritéTester la sécurité des batteries nécessitela conception, la réalisation <strong>et</strong> l’interprétationd’essais perm<strong>et</strong>tant de solliciter c<strong>et</strong>ype d’élément en environnement accidentelpoussé aux limites (essais abusifs). Cesessais, fortement instrumentés, requièrentdes installations particulières, capablesd’accueillir tous les formats d’obj<strong>et</strong>s à tester,de la pile bouton jusqu’au pack batteriecompl<strong>et</strong> de véhicule : laboratoires, ateliers,Batteries lithium-ion développées àl’Institut Liten.P. Avavian/<strong>CEA</strong>Essai thermique : incendie par chauffage auchalumeau. C<strong>et</strong>te expérimentation consisteà agresser thermiquement un accumulateurpar chauffage au chalumeau, à observer soncomportement au cours du temps <strong>et</strong> à testerles moyens usuels d’extinction (eau, CO 2 ...).dalles <strong>et</strong> bancs d’essais nombreux car spécifiquesà chaque échelle d’obj<strong>et</strong> (compt<strong>et</strong>enu des spécifications demandées par lesnormes). Ils doivent en outre pouvoir êtremenés à distance, en toute sécurité pour lepersonnel <strong>et</strong> les installations.L’activité Sécurité des batteries lithium estaujourd’hui basée sur des moyens <strong>et</strong> descompétences fortes du <strong>CEA</strong> en sciences desmatériaux, en particulier énergétiques, enélectrochimie, en instrumentation d’essaisspécifiques <strong>et</strong> en caractérisations physicochimiques.Ces compétences <strong>et</strong> moyenssont notamment disponibles au sein duDépartement des explosifs (DXPL) [Directiondes applications militaires (DAM), centre<strong>CEA</strong> du Ripault] <strong>et</strong> du Département de l’électricité<strong>et</strong> de l’hydrogène pour les <strong>transport</strong>s(DEHT) [Institut Liten (Laboratoire d’innovationpour les technologies des énergiesnouvelles <strong>et</strong> les nanomatériaux), Directionde la recherche technologique (DRT), centre<strong>CEA</strong> de Grenoble]. Il s’agit principalementd’analyser le comportement des différentestechnologies <strong>et</strong> architectures lorsqu’ellessont soumises à des agressions thermiques<strong>CEA</strong>/DAM(surchauffe, incendie...), mécaniques (chute,choc, perforation...) <strong>et</strong>/ou électriques (courtcircuit,surcharge, surdécharge, <strong>et</strong>c.). Il estégalement possible d’élaborer des testsspécifiques, à la demande de partenairesextérieurs. Ces essais s’appuient sur desproj<strong>et</strong>s de normes qui sont encore endiscussion.Une fois les essais aux limites effectués,les accumulateurs, modules <strong>et</strong> packs sontautopsiés afin de comprendre les phénomènesphysico-chimiques mis en jeu. Unprotocole d’analyse a été mis en place, dudémontage du dispositif en toute sécurité àl’analyse proprement dite. Les expertisespost mortem des matériaux <strong>et</strong> des architecturessont réalisées au DEHT (caractérisationsélectrochimiques, physico -chimiques...) <strong>et</strong> au DXPL (caractérisationsmécaniques, dimensionnelles, desémanations gazeuses, radiographiques...).Une attention particulière est portéeà la nature, à la quantité <strong>et</strong> à la cinétiquedes gaz, des fumées <strong>et</strong> des flammes quipeuvent être libérés après certaines sollicitationsabusives. L’analyse des gaz, avecla démarche scientifique de compréhensionassociée, est un point crucial appeléà prendre de l’importance. Des moyensd’analyses spécifiques de cartographie del’ensemble des molécules présentes lorsd’un essai abusif sont développés afin d’évaluerles risques toxique <strong>et</strong> thermique.L’objectif du programme conduit par le <strong>CEA</strong>n’est pas d’homologuer des obj<strong>et</strong>s industriels– cela est, par exemple, le rôle del’Ineris (Institut national de l’environnementindustriel <strong>et</strong> des risques) <strong>et</strong> relève de laresponsabilité de l’industriel – mais d’étudierdes prototypes en situation incidentelle ouaccidentelle, afin d’une part, de comprendrescientifiquement les phénomènes électrochimiques<strong>et</strong> physico-chimiques mis en jeulors de sollicitations agressives <strong>et</strong>, d’autre62CLEFS <strong>CEA</strong> - N° 61 - PRINTEMPS 2013


Pour pallier ce problème, le réacteur à circulationdéveloppé au LSE est de configuration mono polaire,avec des électrodes traversantes en carbone de structureen nid-d’abeilles décrites dans un brev<strong>et</strong> du <strong>CEA</strong>.De nombreux prototypes d’électrode, obtenus parcalcination d’une structure en résine, ont permis dedémontrer la faisabilité du procédé.Un prototype de réacteur a été réalisé par l'équipe duLSE d’après le schéma de principe proposé à la figure 2,puis assemblé dans un système. Les premiers essaisde charge-décharge <strong>et</strong> les mesures de spectroscopied'impédance électrochimique ont montré que lescaractéristiques électriques du prototype de batteriesont appropriées pour les applications solaires raccordéesau réseau <strong>et</strong> stationnaires. Cependant, les performancesdu système sont encore limitées en raison dela géométrie non optimisée du réacteur <strong>et</strong> des besoinsd’amélioration de la stœchiométrie de réaction.> Marion PerrinInstitut Liten (Laboratoire d’innovationpour les technologies des énergies nouvelles<strong>et</strong> les nanomatériaux)Direction de la recherche technologique<strong>CEA</strong> Grenoble (Site Ines)part, d’optimiser les solutions technologiquesen cours ou en fin de développement.Une fois les essais abusifs réalisés,l’optimisation passe notamment par lamise au point de nouveaux matériaux <strong>et</strong>par le design de packagings sécuritairesEssai mécanique de perforation (test au clou).La perforation d’un accumulateur est réaliséeavec une pointe métallique qui traversede part en part l’élément. C<strong>et</strong> essai simuleun court-circuit interne de la batterie.<strong>CEA</strong>/DAMintelligents. Le Laboratoire des matériauxpour les batteries (LMB) du Liten m<strong>et</strong> ainsien œuvre de nouvelles chimies « sécuritaires» via la synthèse de nouvelles matièresactives d’électrodes positive <strong>et</strong> négative<strong>et</strong> d’électrolyte sécuritaire, <strong>et</strong> le développementde séparateurs innovants. Enpartenariat avec l’Institut L<strong>et</strong>i (Laboratoired’électronique <strong>et</strong> de technologie de l’information),le Liten travaille également surde nouvelles architectures électriques dupack batterie perm<strong>et</strong>tant de le reconfigurerdynamiquement.Une plateforme pour testerles batteriesLa DAM <strong>et</strong> la DRT œuvrent à la mise en placed’une plateforme de tests de sécurité pourbatteries lithium afin d’améliorer les performancesdans ce domaine. C<strong>et</strong>te plateforme,implantée sur le site du Ripault, est opérationnelledepuis janvier 2013. Il s’agit d’unbâtiment merlonné (1) de 300 m 2 , composé d<strong>et</strong>rois locaux indépendants qui perm<strong>et</strong>tront d<strong>et</strong>ester les différentes gammes de puissancedes batteries aux trois principaux types desollicitations demandées : électriques, thermiques,mécaniques, ou combinés. C<strong>et</strong>teinstallation sécurisée possède un poste decommande déporté équipé de matérielsd’enregistrement <strong>et</strong> de dispositifs de pilotagede matériels, de mesures <strong>et</strong> de vidéos.À terme, le <strong>CEA</strong> sera en mesure de se positionnersur la garantie de sûr<strong>et</strong>é des technologieslithium en déclinant la démarchesimulation mise en œuvre pour les obj<strong>et</strong>sde la DAM. Par exemple, il n’existe pas deprévision de performances des matériaux<strong>et</strong> des architectures pour simuler ce queserait le comportement d’une batterie en(1) Merlon : levée de terre placée à proximité dubâtiment pour atténuer, sur le voisinage, les eff<strong>et</strong>sde projections <strong>et</strong> d’incendies.Essai électrique de court-circuit. Le court-circuitest provoqué en m<strong>et</strong>tant en relation le pôle positif<strong>et</strong> le pôle négatif d’un accumulateur à l’aide d’unconducteur métallique de résistance négligeable.C<strong>et</strong> essai simule un court-circuit externe.environnement accidentel. L’approcheest, pour l’instant, essentiellement expérimentale.Dans un avenir proche, il seraitintéressant de proposer une démarchesimulation perm<strong>et</strong>tant d’apporter unemeilleure garantie de fiabilité, de sûr<strong>et</strong>é <strong>et</strong> defonctionnement basée sur une composantemodélisation <strong>et</strong> une composante expérimentale.Cela nécessitera un renforcementde l’expertise post mortem des batteries <strong>et</strong> dela modélisation des phénomènes physiquesafin de simuler le comportement prédictifde tels obj<strong>et</strong>s soumis à des environnementsaccidentels.> David Descarsin 1<strong>et</strong> Johann Lejosne 21 Département des explosifsDirection des applications militaires<strong>CEA</strong> Centre du Ripault2Institut Liten (Laboratoire d’innovationpour les technologies des énergiesnouvelles <strong>et</strong> les nanomatériaux)Direction de la recherch<strong>et</strong>echnologique<strong>CEA</strong> Centre de Grenoble<strong>CEA</strong>/DAMCLEFS <strong>CEA</strong> - N° 61 - PRINTEMPS 201363


<strong>Transformation</strong>, <strong>stockage</strong>, <strong>transport</strong> <strong>et</strong> <strong>distribution</strong>Avec la montée en puissance des énergies renouvelables appelées à prendre une placeimportante dans le mix énergétique, le vecteur hydrogène apparaît comme un outil « tampon »adapté pour compenser l’intermittence de sources d’énergie telles que le solaire <strong>et</strong> l’éolien.Les technologies de production propre <strong>et</strong> de <strong>stockage</strong> de l’hydrogène développées devenantde plus en plus matures, des premières expérimentations ont été lancées, avec notammentla plateforme MYRTE installée en Corse. Dans ce démonstrateur couplé au réseau, de l’hydrogèneest fabriqué à partir d’électricité, stocké <strong>et</strong> reconverti en électricité selon les besoins, de façon àgérer les fluctuations de puissance de l’énergie photovoltaïque <strong>et</strong>, par conséquent, d’équilibrerl’offre <strong>et</strong> la demande. C<strong>et</strong>te expérimentation « grandeur nature » va perm<strong>et</strong>tre de tester différentesfonctions de <strong>stockage</strong> <strong>et</strong> de m<strong>et</strong>tre au point des stratégies de gestion de l’énergie. L’hydrogèneconstitue ainsi un vecteur énergétique alternatif pertinent susceptible de compléterefficacement le vecteur électricité. Plus qu’un simple vecteur, il peut aussi être utilisé commemoyen de <strong>stockage</strong> de l’énergie, ce qui donne une autre dimension à la filière hydrogène.L’hydrogène, un vecteurénergétique inépuisableLe <strong>stockage</strong> de l'hydrogèneL'hydrogène, vecteur stockable de l'énergie, est envisagé pour deux types d'applicationsmajeures : le stationnaire pour la valorisation des énergies renouvelables, <strong>et</strong> la fournitured'énergie pour des systèmes embarqués. Le <strong>CEA</strong> développe différentes solutions de<strong>stockage</strong> de l’hydrogène, que ce soit sous sa forme gazeuse ou solide, répondant auxexigences de compacité, légèr<strong>et</strong>é, sûr<strong>et</strong>é <strong>et</strong> coûts. Si le <strong>stockage</strong> à basse pression <strong>et</strong>le <strong>stockage</strong> solide dans les hydrures semblent privilégiés pour le stationnaire, plusieurstechnologies sont en concurrence pour les <strong>transport</strong>s.Réservoir de <strong>stockage</strong>de l'hydrogène dansun hydrure dit bass<strong>et</strong>empérature TiFeMn.La désorption se fait grâceà la chaleur fournie parla pile à combustible. Ceréservoir a été développépar l’Institut Liten/DTBHpour une applicationagricole avec le groupeMassey Ferguson – AGCO.Un module comme celuiprésenté peut stocker2 kg d'hydrogène en30 minutes à seulement30 bars. On atteintla même capacitévolumique qu'un réservoirà 700 bars.P. Avavian/<strong>CEA</strong>Il existe aujourd'hui trois technologies principalesde <strong>stockage</strong> de l'hydrogène pur. L'objectif est d'obtenirune bonne compacité du système de <strong>stockage</strong>.Dans les conditions normales de température <strong>et</strong> depression (CSTP : 1 bar, 20 °C), l'hydrogène occupeun volume de 333 L/kWh, contre 0,1 L/kWh pourl’essence. Il est donc impératif de gagner en volume.Le premier moyen pour y parvenir est de comprimerle gaz. C<strong>et</strong>te technologie est préconisée pour l’automobile.À 700 bars, l'hydrogène occupe un volumede 0,47 L/kWh. Une autre manière de gagner encompacité est de le liquéfier, ce qui exige de le refroidiren-dessous de 20,3 K (- 252,8 °C). À ce moment,l'hydrogène occupe un volume de 0,38 L/kWh.Enfin, le troisième mode de <strong>stockage</strong> dit « <strong>stockage</strong>solide » consiste à se servir d'un matériau qui absorbel'hydro gène. Les atomes d'hydrogène qui pénètrentla maille cristalline d'un matériau « s'hydrurant » s<strong>et</strong>rouvent plus proches que sous sa forme gazeuse oumême liquide. Par exemple, pour certains matériauxabsorbant l'hydrogène, le volume occupé peut seréduire à 0,25 L/kWh dans les conditions normales.D’où l'intérêt de ce mode de <strong>stockage</strong> qui bénéficied'une très bonne capacité volumique, avec cependantdes capacités massiques faibles, puisque la masse du64CLEFS <strong>CEA</strong> - N° 61 - PRINTEMPS 2013


matériau stockant l'hydrogène est n<strong>et</strong>tement plusélevée que celle de l’hydrogène stocké (figure 1).Le Département des technologies biomasse <strong>et</strong> hydrogène(DTBH) de l’Institut Liten (Laboratoire d’innovationpour les technologies des énergies nouvelles <strong>et</strong>les nanomatériaux) du <strong>CEA</strong> travaille sur deux typesd'applications : stationnaire, pour pallier l'intermittencedes énergies renouvelables, <strong>et</strong> embarqué.Pour le stationnaire, un système très peu cher parrapport au kilogramme d'hydrogène stocké, avec unrendement énergétique (1) élevé, sera tout d’abordrecherché. Les solutions actuelles s'orientent vers un<strong>stockage</strong> à basse pression ou vers un <strong>stockage</strong> m<strong>et</strong>tanten œuvre des hydrures. Concernant les systèmesembarqués, les impératifs de volume <strong>et</strong> de poids sontprépondérants. Une cinétique de remplissage rapidesera également visée, la consommation étant généralementplus étalée dans le temps.Le <strong>stockage</strong> en pressionLe <strong>stockage</strong> de l’hydrogène à l’état gazeux m<strong>et</strong> enœuvre des réservoirs dits hyperbares classés enquatre catégories. Les « types I » sont entièrementmétalliques, les « types II » sont métalliques avec unenroulement filamentaire (généralement en fibre deverre), les « types III » comportent un enroulementfilamentaire compl<strong>et</strong> <strong>et</strong> incluent un liner (revêtementinterne servant de barrière à l'hydrogène) en métal.Les « types IV » contiennent, quant à eux, un lineren polymère (essentiellement thermoplastique d<strong>et</strong>ype polyéthylène ou polyamide). Les fibres utiliséespour les types III <strong>et</strong> IV sont des fibres de carbone.C<strong>et</strong>te évolution a été gouvernée par la recherche d'unallègement de la structure, la technologie de type I neconvenant pas pour l'application automobile. C'estpar contre une solution qui est encore choisie pour le<strong>stockage</strong> stationnaire, spécialement à basse pression,afin de limiter le coût énergétique de compressiondu gaz qui peut atteindre 25 % dans le cas des réservoirsà 700 bars. Dans ce cas, la fibre de verre, moinscoûteuse, est employée.Actuellement, la seule solution qui se dégage pour lavoiture est l'utilisation de réservoirs de type III ou IVà 350 bars en nominal, en se dirigeant vers 700 bars.Plusieurs dizaines de voitures à hydrogène roulenten ce moment aux États-Unis, où se développent des« autoroutes de l'hydrogène ». Des proj<strong>et</strong>s semblablesvoient le jour en Allemagne ou au Japon, où desstations-service sont déjà mises en fonctionnement.En France, la question réglementaire constitue encoreun frein pour faire rouler des véhicules à hydrogènecommerciaux sur la voie publique. Il faut espérer quele travail de normalisation entrepris, notamment parl'Association française pour l’hydrogène <strong>et</strong> les piles àcombustible (AFHYPAC) perm<strong>et</strong>tra de faire émergerrapidement les voitures à hydrogène en France.Le <strong>stockage</strong> liquidePlusieurs constructeurs automobiles se sont intéressésau <strong>stockage</strong> cryogénique de l’hydrogène sousforme liquide, c<strong>et</strong>te technologie offrant aujourd’huiles meilleures performances en termes de masse <strong>et</strong>de volume. En contrepartie, la liquéfaction est trèsgourmande en énergie, laquelle correspond généralementà 30 % du pouvoir calorifique inférieur (PCI)de l'hydrogène stocké. Le constructeur automobilecapacité volumique (gH 2/Lsystème)litres pour 5 kg d'hydrogène stocké60 8350100401253016620250105000TiFeMn - <strong>CEA</strong>TiVCrMo - Toyota+ 350 bars H 2NaAlH 4 - SRNLbatteries électriques0 1 5002 2503 1664 1255 1006 837 71capacité massique (g H2 /g système - %)kilogrammes pour 5 kg d'hydrogène stockéFigure 1.Capacités massique <strong>et</strong> volumique de <strong>stockage</strong> pour les trois modes de <strong>stockage</strong> possiblesdans une optique de <strong>transport</strong> automobile. La capacité de <strong>stockage</strong> en gramme d'hydrogèneest rapportée au volume <strong>et</strong> à la masse du système compl<strong>et</strong> de <strong>stockage</strong>. Il apparaît clairementque le <strong>stockage</strong> hydrure (en rouge), même s'il perm<strong>et</strong> de générer les applications les moinsvolumineuses, dispose d'une capacité massique bien moindre que les deux autres modesde <strong>stockage</strong> : à l’état gazeux en pression (en viol<strong>et</strong>) <strong>et</strong> sous forme liquide (en vert). À titre decomparaison, l'essence à un PCI de 42 700 kJ/kg <strong>et</strong> une densité de 0,75 kg/L donne un équivalenténergétique de 36 g H2 /g système <strong>et</strong> 270 g H2 /L système . Les données sur le <strong>stockage</strong> en pression <strong>et</strong>le <strong>stockage</strong> liquide sont issues des études réalisées dans le cadre du proj<strong>et</strong> européen StorHy<strong>et</strong> celles sur l’hydrure NaAlH 4 proviennent des travaux menés au Savannah River NationalLaboratory (SRNL, États-Unis).BMW a longtemps misé sur ce type de <strong>stockage</strong> pourl'automobile. Cependant, les problèmes de sécuritéliés au phénomène de vaporisation <strong>et</strong> à la fragilitédes réservoirs devraient avoir raison de ce mode de<strong>stockage</strong> pour c<strong>et</strong>te application.Le <strong>stockage</strong> solideLe <strong>stockage</strong> solide m<strong>et</strong> en œuvre des hydrures, l<strong>et</strong>erme hydrure englobant une grande variété de matériaux.En règle générale, il est question d'hydrurelorsque se forme une liaison métal-hydrogène. Pources matériaux qui servent au <strong>stockage</strong> de l'hydrogènepar absorption ou adsorption, de bonnes capacitésde <strong>stockage</strong> réversibles (2) dans des conditionsproches des conditions normales de température <strong>et</strong>de pression sont recherchées. Les caractéristiquesde cinétique, d'activation, de stabilité en cyclage(absorption/désorption) <strong>et</strong> de coût sont aussi trèsimportantes. Ces matériaux se classent en plusieursfamilles.Les hydrures métalliques interstitielsLa première famille regroupe les hydrures métalliques<strong>et</strong> intermétalliques (3) dans lesquels l'hydrogènese place en interstitiel entre les positions atomiquesnormales de la maille cristalline du matériau, ceci par(1) Rendement énergétique : rapport entre l’énergie qui serafournie par l’hydrogène <strong>et</strong> celle nécessaire à son <strong>stockage</strong>.(2) Capacité de <strong>stockage</strong> réversible : elle correspond àla quantité maximale d’hydrogène que peut décharger(désorber) le matériau de <strong>stockage</strong> une fois qu’il a été chargé,c’est-à-dire que l’hydrogène a été absorbé. Elle s’exprimesouvent en pourcentage massique.(3) Intermétallique : composé métallique avec unecristallographie spécifique <strong>et</strong> formé par l’association deplusieurs atomes métalliques.liquide - StorHy700 bars - StorHy350 bars - StorHyCLEFS <strong>CEA</strong> - N° 61 - PRINTEMPS 201365


<strong>Transformation</strong>, <strong>stockage</strong>, <strong>transport</strong> <strong>et</strong> <strong>distribution</strong>hydrureMgH 2(broyage)MgH 2 + 5 % V(co-broyageà billes)capacitéréversible(% massique)liaison métallique. Beaucoup ont la capacité d'absorberde l'hydrogène, certains plus que d'autres dans lesconditions normales de température <strong>et</strong> de pression.Par exemple, les métaux alcalins ou alcalino-terreux(lithium Li, calcium Ca ou magnésium Mg), les métauxde transition des quatrième ou cinquième colonnesdu tableau périodique des éléments (zirconium Zr,titane Ti), ou les terres rares métalliques (lanthane La,cérium Ce) créent des hydrures très stables dans lesconditions normales. Ils sont symbolisés par un « A ».D'autres éléments, les « B », constituent des hydruresinstables dans les conditions normales. Ils sont stablesseulement sous des conditions de fortes pressions. Cesont, par exemple, la plupart des métaux de transition(chrome Cr, cobalt Co, nickel Ni ou fer Fe). Lacombinaison des éléments A <strong>et</strong> B produit souventdes hydrures qui sont réversibles dans des conditionsproches des normales. Le plus connu est LaNi 5 qui seforme à une pression d'hydro gène de 1,8 bar à températureambiante (tableau).Jusqu'à présent, aucun hydrure métallique connu necombine une capacité réversible supérieure à 2,5 %massique dans les conditions proches des normales.Il faut noter que l'hybridation <strong>stockage</strong> en pressionhydruresemble une piste intéressante comme lemontre le résultat obtenu sur un prototype développépar Toyota (figure 1). Cela perm<strong>et</strong> d’améliorer à lafois les capacités volumique <strong>et</strong> massique, la disponibilitéde l'hydrogène, même à basse température, <strong>et</strong>la cinétique de chargement. L'avantage en termes desécurité est par contre amoindri.Les hydrures complexesUne deuxième famille regroupe les hydrures ditscomplexes, appelés aussi hydrures chimiques, pourlesquels l'hydrogène établit des liaisons covalentesou ioniques avec les atomes métalliques du matériaude <strong>stockage</strong>. Dans c<strong>et</strong>te famille se trouvent leshydrures à base d'éléments légers (lithium Li, boreB, sodium Na) qui sont à même de donner deshydrures dotés de meilleures capacités massiques. LeLiBH 4 , par exemple, a théoriquement une capacitémassique de 18,5 %, mais les conditions extrêmes depression dedésorption à25 °C (bar)températurepour 1 bar(°C)activationTableau.Quelques exemples d'hydrures métalliques interstitiels ou complexes dontles conditions d'absorption/désorption se situent autour des conditions normales d<strong>et</strong>empérature <strong>et</strong> de pression.cinétique5,6 ~ 10 -6 279 – –4,9 ~ 10 -6 279 – + +TiFe 1,65 4,1 – 8 –– +TiFeMn 1,65 2,6 2 + +LaNi 5 1,28 1,8 12 + + + +LaNi 5 Sn 1,24 0,27 55 + + + +TiVCrMo 1,8 101 – 76 + +NaAlH 40,7335,5(deux plateaux)0,015 110+ + –la désorption (> 300 °C pour 1 bar) <strong>et</strong> de l'absorption(> 680 °C, > 150 bars) éliminent ce matériau pour le<strong>stockage</strong> réversible de l'hydrogène. Les alanates, quirésultent de la combinaison d'un anion complexe[AlH 4 ] - ou [BH 4 ] - avec un cation de la classe desalcalins ou alcalino-terreux (Li, Na, Mg, Ca) posentà peu près le même problème. Cependant, récemment,une catalyse adaptée a pu rendre l'alanate desodium (NaAlH 4 ) régénérable dans les conditionsproches des normales. NaAlH 4 est pour l'instant leseul hydrure complexe réversible dans des conditionsraisonnables de température <strong>et</strong> de pression(tableau). Sa tenue au cyclage n'est pas très bonne, lematériau est suj<strong>et</strong> à des phénomènes de démixtion.Par ailleurs, sa grande pyrophoricité, c’est-à-dire safacilité à s’enflammer spontanément à l’air ambiant,rend son utilisation délicate.Une autre manière d'utiliser les hydrures est l'hydrolyse.En eff<strong>et</strong>, lorsque du borohydrure de sodium(NaBH 4 ) est mis en contact avec de l'eau, <strong>et</strong> à conditionde catalyser la réaction avec un catalyseur à base de Coou de Ni (brev<strong>et</strong> <strong>CEA</strong> - FR 2 892 111), de l'hydrogèneest libéré. Toutefois, c<strong>et</strong>te réaction n'est malheureusementpas facilement réversible, la solution obtenue infine devant être traitée dans un système externe pourrevenir au borohydrure de sodium.Les matériaux adsorbantsLe <strong>stockage</strong> de l'hydrogène peut aussi avoir lieu parphysisorption, ou adsorption de l'hydrogène ensurface des matériaux. Les liaisons créées, de typevan der Waals, sont des liaisons faibles. L'avantageréside dans le fait que ce phénomène est facilementréversible. Cependant, l'adsorption n’est en mesurede se produire que pour une faible agitation del'hydro gène, c'est-à-dire pour des basses températuresou des pressions élevées. Les meilleurs résultatssont acquis à la température de l'azote liquide (77 K,- 196,1 °C). La capacité dépend très fortement de lasurface spécifique développée dans le matériau. Lesmatériaux présentant des nanostructurations sontdes candidats intéressants. Parmi eux, il faut citer lescharbons actifs, les nanotubes de carbone, les zéolites<strong>et</strong> les MOF (M<strong>et</strong>al Oxide Framework), dont la structureest constituée d'oxydes métalliques reliés par desgroupements organiques conduisant à la formationde tunnels de près de quelques nanomètres carrés desection. Jusqu'à aujourd'hui, certains de ces matériauxont révélé de bonnes caractéristiques massiquesde <strong>stockage</strong>, de l’ordre de 6 %, mais à basse température(77 K). À température ambiante, les meilleursatteignent difficilement 1 % massique. Ces matériauxsouffrent par ailleurs d'une faible capacité volumique.Le <strong>stockage</strong> par hydrure :une machine thermodynamiqueLe mécanisme d'hydruration, qui peut se résumerà une transition de phase entre une phase pauvreen hydrogène <strong>et</strong> une plus riche, est exothermique(dégagement de chaleur) dans le sens de l'absorptionde l'hydrogène <strong>et</strong> endothermique (apport de chaleurnécessaire) dans le sens de la désorption de l'hydrogène.Pour une température donnée, la réaction a lieuà une pression constante, appelée pression d'équilibre.Pour une température de l'hydrure maintenueconstante, si une pression d'hydrogène supérieure à66CLEFS <strong>CEA</strong> - N° 61 - PRINTEMPS 2013


la pression d'équilibre est appliquée, il y aura absorption.Si au contraire la pression est inférieure, il y auradésorption. Par ailleurs, si la température croît, lapression d'équilibre augmente.La connaissance des pressions d'équilibre en fonctionde la température est une donnée importantepour le choix d'un hydrure pour une applicationparticulière (figure 2). Ces pressions sont comparéesà une fenêtre de conditions proches des normalesallant de 10 °C à 80 °C – température de couplage àune pile à combustible à membrane échangeuse deprotons H + (Proton Exchange Membrane PEM) – <strong>et</strong>de 1 à 30 bars en pression. Par exemple, l'hydrureLaNi 5 passe bien dans c<strong>et</strong>te fenêtre alors que l'hydrurede type TiVCrMo passe au-dessus en pression. Cedernier sera donc plutôt réservé à des applicationsde <strong>stockage</strong> hybride pression-hydrure, qui voient lejour actuellement. Un avantage de l’hybridation avecTiVCrMo est la disponibilité de l'hydrogène même àbasse température (2,5 bars à - 30 °C).La simple existence des courbes d’équilibre dans undomaine proche des conditions normales de température<strong>et</strong> de pression ne suffit pas à en faire un bon matériaude <strong>stockage</strong>. Les aspects cinétiques de réactionsont aussi très importants. La réaction d'hydru rationn'est pas instantanée, elle peut durer de quelquessecondes à quelques heures.La mise en œuvre des hydrures nécessite la maîtrise dedeux phénomènes particulièrement contraignants.D’une part, la quantité d'énergie calorifique généréependant la réaction n'est pas négligeable. Pourun hydrure de type TiFe, elle correspond à 12 % del'énergie contenue dans l'hydrogène stocké. Pourcharger rapidement une grande quantité d'hydrure,il faut évacuer la chaleur produite. Par exemple, pourremplir un réservoir de TiFe avec 1 kg d'hydrogèneen 15 minutes, une énergie de 3,9 kWh devra êtreévacuée en 15 minutes, soit une puissance thermiquede 15,5 kW. D’autre part, un hydrure peut croître deTrois réservoirs de <strong>stockage</strong> de l'hydrogène, de technologieMcPhy Energy, en test à l’Institut Liten/DTBH. Ces réservoirsstockent l'hydrogène dans un hydrure de magnésium (MgH 2 ).Leur particularité réside dans le fait que la chaleur d'hydrurationest stockée dans un matériau à changement de phase puisrestituée lors de la désorption. Ils perm<strong>et</strong>tent chacun de stocker5 kg d'hydrogène à la pression maximale de 10 bars.P. Avavian/<strong>CEA</strong>pression d'équilibre (bar)1 0001001010,1TiFeTiFeMnLaNi 5LaNi 5 SnMgTiVCrMo0,01- 50 0 50 100 150 200 250 300température (°C)10 à 30 % en volume lors de l'absorption d'hydrogène.Ce phénomène est susceptible de créer de très fortescontraintes dans le réservoir qui le contient, celles-ciaugmentant au cours des cycles absorption/désorptionde l'hydrogène.Des réservoirs à hydruresPour le stationnaire, le DTBH travaille avec lasociété McPhy Energy sur l'hydrure de magnésium(MgH 2 ), un matériau séduisant du fait de sa capacitémassique importante <strong>et</strong> de son abondance sur Terre.L'hydrogène est stocké dans un matériau MgH 2 nanocatalysé,ce qui améliore la cinétique de sorption,<strong>et</strong> compacté en pastilles avec du graphite, ce quiaméliore aussi la cinétique en optimisant l'échang<strong>et</strong>hermique. Le fonctionnement de l'hydrure demagnésium à plus de 300 °C n'est pas gênant pour c<strong>et</strong>ype d’application, en particulier s’il devient possiblede stocker l'énergie d'hydruration. C'est ce qui estréalisé avec McPhy Energy qui développe des réservoirsdits adiabatiques. Ceux-ci conservent l'énergied'hydruration dans des matériaux à changement dephase <strong>et</strong> la restituent lors de la désorption.Concernant les applications embarquées, mêmesi l'automobile reste pour l'instant hors de portéedes hydrures existant actuellement, le DTBH m<strong>et</strong>au point des réservoirs pour des applications diteslourdes, là où le poids n'est pas forcément rédhibitoire,comme les applications agricoles ou maritimes.Ainsi, un prototype de réservoir de 2 kg d’hydrogènea été conçu, réalisé <strong>et</strong> testé avec succès. Sa conception,optimisée sur le plan thermique notamment,a permis d’atteindre une cinétique de remplissagerapide, 80 % du réservoir étant rempli en 30 minutes,pour une cible initiale à 50 % en 30 minutes.> Olivier GilliaInstitut Liten (Laboratoire d’innovationpour les technologies des énergies nouvelles<strong>et</strong> les nanomatériaux)Direction de la recherche technologique<strong>CEA</strong> Centre de GrenobleNaAlH 4 (33 °C)NaAlH 4 (110 °C)Figure 2.Comparaison des courbesd'équilibre des hydruresles plus intéressants pourle <strong>stockage</strong> de l'hydrogèneautour des conditionsnormales de température <strong>et</strong>de pression.CLEFS <strong>CEA</strong> - N° 61 - PRINTEMPS 201367


<strong>Transformation</strong>, <strong>stockage</strong>, <strong>transport</strong> <strong>et</strong> <strong>distribution</strong>L’hydrogène, moyen de <strong>stockage</strong>de l’électricitéLa configuration actuelle du réseau électrique, en particulier insulaire, présentedes limites à l’intégration de certaines sources d’énergies renouvelables telles quele photovoltaïque ou l’éolien. Parmi les nouvelles technologies de l’énergie, le <strong>stockage</strong>stationnaire de l’énergie électrique est identifié comme une des solutions pourpallier l’intermittence <strong>et</strong> le manque de prévisibilité des productions de ces énergiesrenouvelables. Il perm<strong>et</strong> d’absorber les fluctuations <strong>et</strong>/ou les productions ne respectantpas les prévisions <strong>et</strong> ainsi d’accroître le taux de pénétration des énergies renouvelablessur le réseau sans risques de le déstabiliser.Plateforme expérimentale MYRTE (Vignola près d’Ajaccio, Corse) qui m<strong>et</strong> en œuvrele couplage de l’énergie solaire photovoltaïque avec une chaîne hydrogène comme vecteurénergétique pour le <strong>stockage</strong> des énergies renouvelables. Elle a pour objectif de développerun système <strong>et</strong> une stratégie de pilotage visant à améliorer la gestion <strong>et</strong> la stabilisation duréseau électrique corse. L’hydrogène, produit <strong>et</strong> stocké, perm<strong>et</strong> de gérer les fluctuations depuissance des énergies renouvelables intermittentes intégrées dans le réseau.L’étude de l’intégration des énergies renouvelablesintermittentes associées à un moyen de<strong>stockage</strong> sur le réseau n’est pas une tâche aisée. Eneff<strong>et</strong>, l’architecture des systèmes électriques est deplus en plus complexe, en particulier quand l’intégrationdes vecteurs énergétiques de nature différentes.aude@balloide-photo.com(électricité, hydrogène, chaleur) est envisagée. Dansle but de comprendre les interactions de ces énergiesrenouvelables avec le reste du système électrique,un outil capable de simuler leur fonctionnementcouplé à des solutions de <strong>stockage</strong> est développé dansle cadre d’une thèse en partie financée par l’Agencede l'environnement <strong>et</strong> de la maîtrise de l'énergie(Ademe) au Département des technologies biomasse<strong>et</strong> hydrogène (DTBH) de l’Institut Liten (Laboratoired’innovation pour les technologies des énergiesnouvelles <strong>et</strong> les nanomatériaux) du <strong>CEA</strong>.Le <strong>stockage</strong> d’énergie électrique, qu’il soit réalisé parl’usage de batteries ou via une chaîne hydrogène,perm<strong>et</strong> de répondre à un large panel de besoins desdifférents acteurs du réseau électrique (optimisationéconomique, sûr<strong>et</strong>é du système, qualité de servicepour les clients finaux). L’étude d’un cas d’applicationrépondant à l’appel d’offres de la Commissionde régulation de l’énergie (CRE) perm<strong>et</strong> d’illustrerle travail accompli à ce jour. Il s’agit de la réalisation<strong>et</strong> de l’exploitation d’installations de productiond’électricité à partir de l’énergie solaire photovoltaïqued’une puissance supérieure à 250 kWc. Ons’intéresse ici aux installations photovoltaïquesconcernant la Corse <strong>et</strong> les départements d’outremer.L’appel d’offres exige d’intégrer un dispositifde <strong>stockage</strong> de l’énergie produite. En eff<strong>et</strong>, les réseauxélectriques insulaires sont beaucoup moins robustesque le réseau électrique interconnecté européen <strong>et</strong>,par conséquent, sont beaucoup plus sensibles auxfortes variations de puissance injectée.300décharge charge profil d'injection (consigne) profil de production photovoltaïque250production (kW)2001501005000 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23temps (h)Figure 1.La garantie de production, l’un des services que peut rendre le <strong>stockage</strong> à un acteur du réseau électrique. Charge : le système de<strong>stockage</strong> se remplit en utilisant l’électricité dont le réseau n’a pas besoin ; décharge : le système de <strong>stockage</strong> se vide <strong>et</strong> l’électricitéest envoyée sur le réseau.68CLEFS <strong>CEA</strong> - N° 61 - PRINTEMPS 2013


Trois architectures de <strong>stockage</strong>Le système de <strong>stockage</strong> doit répondre à la fonction« garantie de production » (figure 1). Son rôle est degarantir, à chaque instant, que la production injectéesur le réseau est conforme au profil trapézoïdalannoncé la veille <strong>et</strong> obéissant à des critères précisde pente de montée/descente <strong>et</strong> à une productionstationnaire inférieure à 40 % de la puissance crêtedes modules photovoltaïques installés. La garantie deproduction est ainsi associée à la notion de prévisionde la production photovoltaïque dans l’optique demaîtriser l’injection de la production sur le réseauélectrique.Dans le cadre de ces travaux, une centrale photovoltaïquede 500 kWc a été r<strong>et</strong>enue <strong>et</strong> trois systèmesde <strong>stockage</strong> différents sont étudiés <strong>et</strong> comparés.Le premier est constitué uniquement de batteriesplomb-acide. Le second est une chaîne hydrogène quicomprend un électrolyseur à membrane échangeusede protons H + (Proton Exchange Membrane PEM),un <strong>stockage</strong> d’hydrogène (H 2 ) <strong>et</strong> d’oxygène (O 2 ) souspression, <strong>et</strong> une pile à combustible (PAC) PEM.Enfin, la troisième architecture est un hybride de cesdeux technologies de <strong>stockage</strong> (figure 2).Pour l’architecture à base de batteries, l’énergieproduite excédentaire est stockée dans les batteries,puis restituée quand la production photovoltaïquedevient inférieure à la prévision de fourniture. Demême, pour l’architecture avec une chaîne hydrogène,l’énergie photovoltaïque en excès est stockéevia l’électrolyseur, qui convertit l’électricité en hydrogène<strong>et</strong> en oxygène. C<strong>et</strong>te énergie est ensuite restituéepar l’intermédiaire d’une pile à combustible, quireconvertit l’hydrogène <strong>et</strong> l’oxygène en électricitésur le réseau pour compenser le déficit de productionphotovoltaïque <strong>et</strong> respecter ainsi la puissanced’injection telle qu’annoncée.Les performances des deux technologies ont étéévaluées sur la base de cinq indicateurs techniques :•les taux de non-satisfaction de la charge en énergie<strong>et</strong> en temps correspondant au rapport entre la quantitéd’énergie non fournie <strong>et</strong> la quantité d’énergieappelée – respectivement la fraction de temps pourlaquelle l’énergie appelée n’a pas été complètementfournie ;•les taux de non-utilisation en énergie <strong>et</strong> en tempsde la source d’énergie renouvelable correspondantau rapport entre la quantité d’énergie nonutilisée <strong>et</strong> l’énergie produite par le champ photovoltaïque– respectivement la fraction de tempspour laquelle l’énergie produite n’est pas employéeentièrement ;•l’efficacité énergétique des différentes architecturesau travers d’un « rendement architecture » définichampphotovoltaïque<strong>stockage</strong>batteriesDCDCcomme le rapport entre l’énergie injectée sur le réseau<strong>et</strong> l’énergie photovoltaïque utilisée.L’outil en cours de développement a été utilisé afinde déterminer les valeurs de ces indicateurs en fonctiondu dimensionnement des systèmes, c’est-à-direle nombre de batteries <strong>et</strong> la taille du <strong>stockage</strong> del’hydrogène.Simuler <strong>et</strong> dimensionnerles systèmes énergétiquesLes données d’entrée météorologiques (éclairement<strong>et</strong> température) utilisées sont celles de la station deCarpentras (Vaucluse). Elles ont été obtenues grâceau réseau Baseline Surface Radiation N<strong>et</strong>work (BSRN).L’étude porte sur un an de simulation (année 2003) àpartir de données à la minute. Les principales étapesde la démarche de travail suivie comprennent lamise en forme des données, le calcul de la productionphotovoltaïque prévue, la création du profil decharge proposé pour le lendemain, pour aboutir aucalcul des indicateurs précités. Les modèles représentantle fonctionnement des différentes briques technologiquesmobilisées par un tel système sont issusde la littérature <strong>et</strong>/ou des caractéristiques techniquespubliques fournies par les constructeurs.Dans le cas de l’architecture de <strong>stockage</strong> à base debatteries uniquement, les résultats de la simulationétablissent qu’un nombre de l’ordre de 1 800 batteries,d’une capacité de 54 A·h chacune, sont nécessairespour atteindre un taux de non-satisfaction nul,en temps comme en énergie (tableau). ConcernantACbus ACACACACréseauélectriqueACACDCDCsystèmeélectrolyseursystème pileà combustible<strong>stockage</strong>d'oxygène<strong>stockage</strong>d'hydrogènebatteries plomb-acidechaîne hydrogènesystème hybrideAC : courant alternatifDC : courant continuFigure 2.Les architectures dessystèmes de <strong>stockage</strong>étudiés.systèmede <strong>stockage</strong>énergiephotovoltaïqueutilisée (MWh)taux de nonutilisation(%)en énergieen tempsénergie injectée(MWh)taux de nonsatisfaction(%)en énergieen tempsrendementarchitecture(%)Tableau.Synthèse des performancesdes différentes architecturesde <strong>stockage</strong>.batteries seules(1 800 batteries)5540,20,34650,00,083,9chaîne hydrogène seule(51 kg H 2 )5510,77,53651,18,366,2hybridation batterieschaînehydrogène(200 batteries, 51 kg H 2 )5520,20,33670,00,066,4CLEFS <strong>CEA</strong> - N° 61 - PRINTEMPS 201369


<strong>Transformation</strong>, <strong>stockage</strong>, <strong>transport</strong> <strong>et</strong> <strong>distribution</strong>Plateformeexpérimentale MYRTE(Corse) : la pile àcombustible.s.aude@balloide-photo.coml’architecture de <strong>stockage</strong> avec une chaîne hydrogèneseule, on prend pour hypothèse dans c<strong>et</strong>te étudeque l’électrolyseur est dimensionné sur la puissancephotovoltaïque maximale (500 kW) <strong>et</strong> la pileà combustible est dimensionnée sur la puissancemaximale injectable sur le réseau (40 % de la puissancephotovoltaïque, soit 200 kW). Le seul degréde liberté pris en compte ici se situe au niveau de lamasse d’hydrogène stocké. Sa valeur optimale est de51 kg, soit un volume de réservoir de 21 m 3 à 25 °C<strong>et</strong> 30 bars. L’analyse du profil de charge non satisfaitfait apparaître la non-satisfaction de la charge pourdes puissances inférieures à 13 kW, correspondantau seuil de démarrage de la pile à combustible dansle cas étudié. En d’autres termes, la chaîne hydrogène,telle qu’elle a été dimensionnée <strong>et</strong> avec la stratégie degestion utilisée pour ce cas d’étude, n’est pas capablede fournir les puissances les plus faibles. De même, lesp<strong>et</strong>ites puissances ne peuvent pas être absorbées parle système électrolyseur, puisqu’en deçà de son seuilde démarrage. Par conséquent, les calculs effectuéssemblent montrer que des améliorations techniquesdoivent être mises en place (nouvelles architectures,hybridation hydrogène-batteries, optimisation dela stratégie de gestion de l’énergie) pour adapter lachaîne hydrogène aux conditions de l’appel d’offres.Il est en eff<strong>et</strong> possible d’imaginer de scinder la pile àcombustible <strong>et</strong> l’électrolyseur en sous-systèmes depuissances appropriées, de manière à minimiser c<strong>et</strong>inconvénient.L’intérêt d’hybrider les deux systèmes de <strong>stockage</strong>apparaît n<strong>et</strong>tement au regard de ces résultats. Eneff<strong>et</strong>, il est envisageable que les batteries soient utiliséespour traiter les puissances en dessous des seuilsde démarrage de la chaîne hydrogène <strong>et</strong> que c<strong>et</strong>tedernière assure le fonctionnement principal de l’installation.Avec une stratégie de gestion de l’énergievisant à maintenir le niveau des batteries chargéle plus souvent possible <strong>et</strong> en conservant la chaînehydrogène identique au cas précédent (51 kg H 2 ),l’ajout de 200 batteries de 54 A·h est suffisant poursatisfaire 100 % du profil de charge.L’outil ainsi développé est conçu pour effectuer undimensionnement de systèmes de <strong>stockage</strong> pourun profil de production d’énergies renouvelables <strong>et</strong>un profil de charge donnés. Il perm<strong>et</strong> de comparerplusieurs architectures intégrant une chaîne hydrogène<strong>et</strong>/ou des batteries plomb-acide d’un point devue technique, ce qui a conduit à identifier l’intérêtdu couplage de la chaîne hydrogène avec desbatteries.Prendre en comptedes facteurs essentielsLa poursuite des travaux intégrera la dimensionéconomique à ce cas d’étude. Les coûts d’investissement,de fonctionnement <strong>et</strong> de remplacement descomposants seront estimés ainsi que les pénalitésimposées par la CRE lorsque ses critères ne sont passatisfaits. En eff<strong>et</strong>, bien qu’un taux de non-satisfactiond’environ 1 % en énergie paraisse, a priori, acceptable(cas de la chaîne hydrogène seule), le taux denon-satisfaction en temps avoisine quant à lui 8 %, cequi pourrait résulter en la non-rémunération d’unepartie non négligeable de l’énergie injectée. La priseen compte de la dimension économique conduira àstatuer sur un compromis, pour chaque architecture,relatif au taux de non-satisfaction ne pénalisant pasles revenus de manière excessive.Enfin, il est judicieux de mener ces études sur desdurées d’exploitation de plusieurs années (généralement20 à 25 ans). Dans ce cas, il devient indispensablede considérer les mécanismes de vieillissementafin, non seulement de déterminer le nombre deremplacements nécessaires des différents composants<strong>et</strong> les coûts associés, mais également de traduirece vieillissement sur les performances des composantspour en étudier l’impact sur le dimensionnementglobal du système.Proj<strong>et</strong>s <strong>et</strong>expérimentationsÀ travers l’étude qui vient d’être présentée, il apparaîtclairement que la question du dimensionnement du<strong>stockage</strong> de l’électricité en couplage avec les énergiesrenouvelables n’est pas chose simple, <strong>et</strong> en particulierlorsqu’il est envisagé d’associer plusieurs technologies.La recherche d’un optimum dans le dimensionnementdu système comme dans son exploitation faitl’obj<strong>et</strong> de divers proj<strong>et</strong>s au DTBH.L’un d’eux, le proj<strong>et</strong> MYRTE (Mission hydrogènerenouvelable pour l’intégration au réseau électrique),qui rassemble l’Université de Corse, lasociété HELION (filiale d’Areva) <strong>et</strong> le <strong>CEA</strong>, portesur l’installation <strong>et</strong> l’exploitation d’une plateformeexpérimentale à Vignola près d’Ajaccio (Corse). Laplateforme, inaugurée en janvier 2012, est constituéed’une centrale photovoltaïque, d’une puissanceinstallée de 560 kWc sur 3 700 m 2 , reliée directementà un système de <strong>stockage</strong> de 3 920 Nm 3 d’hydrogène.Diverses stratégies de gestion de l’énergie <strong>et</strong> différentesfonctions de <strong>stockage</strong> vont être testées parles partenaires, en accord avec EDF-SEI (Systèmesénergétiques insulaires) qui acceptera sur le réseauinsulaire corse l’énergie ainsi réinjectée. Il s’agitnotamment d’examiner la capacité du système àrépondre à un objectif d’écrêtage de la pointe appeléepar le réseau électrique <strong>et</strong> au lissage de la puissancephotovoltaïque produite, qui consiste à limiter lesfluctuations <strong>et</strong> perturbations sur le réseau électrique.Quant au proj<strong>et</strong> REVERSE (Réseaux électriques :évaluation de la valeur économique <strong>et</strong> environnementaledu <strong>stockage</strong> de l’électricité par la simulation)financé par l’ANR-Progelec (Production renouvelable<strong>et</strong> gestion de l’électricité), qui a débuté en janvier2012, son objectif est de développer une approchesystémique d’évaluation de l’intérêt technique,économique <strong>et</strong> environnemental des technologiesde <strong>stockage</strong> d’électricité dans les réseaux. Le proj<strong>et</strong>est réalisé en partenariat avec RTE (Réseau de <strong>transport</strong>d’électricité), HELION, le G2Elab (LaboratoireGrenoble génie électrique) <strong>et</strong> le LEPMI (Laboratoired’électrochimie <strong>et</strong> de physicochimie des matériaux<strong>et</strong> des interfaces).> Benjamin Guinot, Florent Montignac<strong>et</strong> Isabelle NoirotInstitut Liten (Laboratoire d’innovationpour les technologies des énergies nouvelles<strong>et</strong> les nanomatériaux)Direction de la recherche technologique<strong>CEA</strong> Centre de Grenoble70CLEFS <strong>CEA</strong> - N° 61 - PRINTEMPS 2013


Smart grids :quand les réseaux électriquesdeviennent intelligentsIntroduction croissante dans les réseaux des énergies renouvelables au caractèreintermittent, multiplication des sites de production, développement de nouveaux usagescomme le véhicule électrique... le système électrique est en pleine mutation. Pour y répondre,il doit s’adapter. Avec les smart grids, ou réseaux électriques intelligents, qui intègrent desfonctionnalités issues des nouvelles technologies de l’information <strong>et</strong> de la communication,il sera possible de le piloter dans son ensemble, de la production à la consommation,en prenant en compte les actions de tous ses acteurs <strong>et</strong> leurs interactions.Le système électrique tel que nous le connaissonsactuellement est d’une grande complexité. Ilrésulte en eff<strong>et</strong> de l’addition successive d’éléments d<strong>et</strong>echnologies différentes <strong>et</strong> fait intervenir de nombreuxacteurs : gestionnaires de réseau de <strong>transport</strong> (GRT),gestionnaires des réseaux de <strong>distribution</strong> (GRD),producteurs, fournisseurs, consommateurs, <strong>et</strong>c. C<strong>et</strong>tecomplexité est d’ailleurs à la source des difficultés querencontrent les ingénieurs pour prévoir <strong>et</strong> limiter lespannes à grande échelle (encadré 1).En permanence, il faut assurer l’équilibre entre production<strong>et</strong> consommation, <strong>et</strong> la tension doit rester conformeà un certain niveau de qualité en tout point du territoire.La mutualisation de l’ensemble des moyens deproduction constitue le principal avantage offert par unréseau électrique. Elle aboutit à la réduction des aléas(en termes relatifs), des coûts, des temps de coupure...L’équilibre production-consommation, conditionnécessaire à la stabilité du réseau, est de la responsabilitéde RTE (Réseau de <strong>transport</strong> d’électricité). Il est assurépar des moyens de production de plusieurs dizaines oucentaines de MW thermiques <strong>et</strong> hydrauliques. L’étatdu réseau de <strong>transport</strong> <strong>et</strong> la production des grandescentrales sont suivis en temps réel dans les différentscentres de conduite (dispatching) de RTE.L’évolution du système électriqueLes choses sont aujourd’hui en train de changer surbien des aspects, tant au niveau de la consommationqu’à celui de la production.La consommationLa tendance actuelle est à une croissance relativementfaible de la demande énergétique annuelle. On observecependant une forte augmentation de la pointe, avecun record une nouvelle fois battu durant l’hiver 2011 :une pointe à 101,7 GW contre à peine 80 GW il y adix ans. Or, c’est c<strong>et</strong>te consommation d’électricité àla pointe qui régit le dimensionnement du systèmeélectrique. Il faut être en mesure d’y répondre, mêmesi elle ne dure que peu de temps, <strong>et</strong> les réseaux doiventêtre capables de <strong>transport</strong>er ces flux de puissance.Une autre difficulté se profile avec l’arrivée du véhiculeélectrique. Lorsqu’il y en aura plusieurs millions enFrance, <strong>et</strong> si rien n’est fait pour piloter leur recharge,nous assisterons à un nouveau renforcement de lapointe à hauteur de quelques GW supplémentaires,avec de surcroît des risques locaux de congestion.Enfin, le réchauffement climatique <strong>et</strong> la généralisationde la climatisation font aussi apparaître une pointe enété, qui posera de sérieux problèmes en région PACA(Provence-Alpes-Côte d’Azur).La productionJusqu’à présent, elle était réalisée par des groupes deproduction électrique (1) de taille importante (économied’échelle), contrôlables <strong>et</strong> dont l’état est connu enpermanence. Il s’agit d’une production centralisée. Unmouvement de fond est en cours : le développementd’une production décentralisée <strong>et</strong> renouvelable. Fin2012, elle représentait déjà en France plus de 10 %de la puissance installée. Et ce n’est qu’un début !L’avenir électrique sera « renouvelable » à un horizonde quelques dizaines d’années, pour des raisonséconomiques, de ressources <strong>et</strong> environnementales.Ces énergies renouvelables étant produites majoritairementau fil de l’eau (du soleil, du vent), l’équationproduction = consommation devra se lire à l’envers.(1) Les groupes de production électrique sont constituésde génératrices électriques <strong>et</strong> de leurs auxiliaires. Il y en asouvent plusieurs par centrale.Ligne aérienne très haut<strong>et</strong>ension, qui <strong>transport</strong>el’énergie électrique descentres de productionvers les consommateurs.Face à l’évolution en coursdu réseau électrique <strong>et</strong>dans un souci d’efficacitéénergétique, l’intégration d<strong>et</strong>echnologies intelligentestelles que les smart gridsdevient indispensable. Ilsperm<strong>et</strong>tront d’adapteren temps réel l’offre <strong>et</strong>la demande d’électricité.Guillaume Zuili/RTECLEFS <strong>CEA</strong> - N° 61 - PRINTEMPS 201371


<strong>Transformation</strong>, <strong>stockage</strong>, <strong>transport</strong> <strong>et</strong> <strong>distribution</strong>Pilotage de la centrale de modulation de 1 000 MW de capacité située à Chambéry (Savoie)de la société Energy Pool. La modulation de la consommation s’appuie sur les nouvellestechnologies de l’information <strong>et</strong> de la communication mises en œuvre dans les smart gridspour optimiser la production, la <strong>distribution</strong>, la consommation d’électricité <strong>et</strong> l’ajustemententre l’offre <strong>et</strong> la demande.Un nouveau paradigmeP<strong>et</strong>it à p<strong>et</strong>it, la logique du client-roi sera abandonnée<strong>et</strong> l’on va passer d’une production qui s’adapte à laconsommation à une consommation plus flexible, quisuivra l’évolution de la production. Les prémisses dec<strong>et</strong>te transformation se matérialisent dès aujourd’hui àtravers l’activité d’Energy Pool (2) . C<strong>et</strong>te société, basée enrégion Rhône-Alpes, « agrège des gros consommateurspour valoriser leur capacité à moduler leur consommationà des heures critiques pour le réseau électrique » (3) .Elle pilote une centrale de modulation de 1 000 MWde capacité, composante essentielle d’un réseau électriqueintelligent. L’Institut Liten (Laboratoire d’innovationpour les technologies des énergies nouvelles<strong>et</strong> les nanomatériaux), à travers le Département destechnologies solaires situé à l’Ines (Institut nationalde l’énergie solaire), mène ainsi, avec Energy Pool <strong>et</strong>Schneider Electric, un programme de démonstrationdont l’obj<strong>et</strong> est le pilotage de 500 MW de consommationpour compenser l’intermittence de 100 MW deproduction renouvelable, solaire <strong>et</strong> éolienne.Ce pilotage de la consommation, qui s’applique à desunités d’au moins 1 MW, va ensuite se généraliser <strong>et</strong>descendre à des niveaux de puissance de quelquescentaines puis de quelques dizaines de kW. Il deviendraà terme rentable même chez le particulier, où ilsera possible de jouer sur la flexibilité apportée par descharges de l’ordre du kW, les principaux gisements deflexibilité se trouvant là où de l’énergie est stockée :chauffage/climatisation des bâtiments (<strong>stockage</strong> thermique),recharge des véhicules électriques (<strong>stockage</strong>électrochimique), eau chaude sanitaire (4) .Flux d’énergie <strong>et</strong> d’informations :les réseaux couplésLa maîtrise des flux d’énergie n’est possible que si,en parallèle, sont déployés les moyens de contrôle <strong>et</strong>de communication ad hoc. Il est en eff<strong>et</strong> nécessairede mesurer, communiquer <strong>et</strong>/ou agir en chacun despoints de production ou de consommation afin decontrôler l’ensemble le mieux possible. Des réseaux decommunication vont ainsi se superposer aux réseauxd’énergie. Les flux d’informations irrigueront <strong>et</strong> interconnecterontles réseaux électriques <strong>et</strong>, ce qui existedéjà au niveau du réseau de <strong>transport</strong> de l’électricitése généralisera dans les réseaux de <strong>distribution</strong>, puisdans les réseaux privés (bâtiments). L’état du systèmeélectrique sera connu en temps réel <strong>et</strong> de plus en plusfinement. Ses intervenants (GRT, GRD, responsablesLa stabilité des réseaux1Le réseau électrique résulte de l’addition au fil du une réponse disproportionnée « macroscopique »,temps de matériels <strong>et</strong> de technologies diverses, avec face à une perturbation locale « microscopique ». Desun grand nombre d’acteurs agissant à différents chercheurs américains (1) ont notamment montré queniveaux. Ceci forme un système complexe, susceptible la <strong>distribution</strong> de la probabilité d’avoir un blackout d’unede posséder des propriétés surprenantes <strong>et</strong> difficiles à certaine taille, mesurée en MWh non desservis, décroîtprévoir pour les ingénieurs. Le réseau peut ainsi avoir très lentement (figure). Autrement dit, la taille desblackouts n’est pas distribuée selon une loi gaussienne(courbe en cloche) mais présente des fluctuations10 -1très importantes, avec des variations sur presque4 ordres de grandeur. Ce comportement, typique de10 -2systèmes constitués par de nombreux éléments eninteraction, n’est pas encore maîtrisé dans le cas des10 -3réseaux électriques. Ainsi, il n’existe pas, à ce jour, demodèle suffisamment simple <strong>et</strong> réaliste perm<strong>et</strong>tant de10 -4reproduire la statistique des pannes <strong>et</strong> la réponse à uneperturbation. De plus, avec l’avènement de productionsd’électricité locales, le plus souvent de nature10 -5intermittente, de nouveaux problèmes apparaissent.En particulier, l’intermittence d’une production locale10 -610 0 10 1 10 2 10 3 10 4 menace aussi la stabilité du réseau. On ne connaît pas àénergie non desservie (MWh)l’heure actuelle les conditions précises de stabilité <strong>et</strong> ils’agit là d’un domaine actif d’études théoriques.probabilitéEnergy PoolFigure.Distribution de probabilité d’énergie non desservie obtenueà partir des données des blackouts aux États-Unis entre1984 <strong>et</strong> 1998 (1) .(1) Ian DOBSON, Benjamin A. CARRERAS, Vickie E. LYNCH,and David E. NEWMAN, “Complex systems analysis of seriesof blackouts: Cascading failure, critical points, and selforganization”,Chaos 17, 2007, 026103.72CLEFS <strong>CEA</strong> - N° 61 - PRINTEMPS 2013


Vers le photovoltaïque garanti2Pour le gestionnaire de réseau, en chargede l’équilibre production- consommationà chaque instant, l’aléa <strong>et</strong> la fluctuationnon prévue d’un moyen de productionposent problème car ils nécessitent dedisposer de moyens de substitution capablesde les compenser. L’intégration massiveconsignes(P,Q)mesuresmesuresd’électricité d’origine solaire ou éoliennedans des réseaux de faibles dimensions, parexemple les réseaux insulaires de Mayotte,de la Martinique ou de la Guadeloupe,peut donc s’avérer délicate <strong>et</strong> générer dessurcoûts. Plusieurs solutions perm<strong>et</strong>traientde réduire ces fluctuations :supervision <strong>et</strong>gestionoutil deprévisionFigure.Stockage de l’énergie photovoltaïque <strong>et</strong> prévision de la production. Vu du réseau, ce système estcomparable à n’importe quelle centrale électrique, avec un plan de production défini à l’avance <strong>et</strong>une participation aux services systèmes. P <strong>et</strong> Q sont des consignes en puissance. P : puissance active ;Q : puissance réactive.•des prévisions de la production à différentshorizons temporels (de quelques minutes àquelques jours) les plus précises possible ;des moyens de <strong>stockage</strong> de l’énergie ;•une flexibilité <strong>et</strong> un contrôle d’une partie dela consommation en phase avec la production.L’ajout à une centrale ou à un groupe decentrales photovoltaïques d’un moyen de<strong>stockage</strong> intelligemment piloté semble êtreune solution réaliste pour atteindre un modede fonctionnement <strong>et</strong> des caractéristiques qui,vis-à-vis du gestionnaire de réseau, se rapprochentde ceux d’une centrale classique :•plan de production défini la veille pour lelendemain ;suivi du plan de production ;•participation aux services systèmes pouraider les gestionnaires de réseau à assurer lastabilité en tension <strong>et</strong> en fréquence ;•variations rapides de production limitées àune certaine plage de valeur.On aboutit ainsi au concept de productionphotovoltaïque garantie ou de centrale solairerégulée (figure).d’équilibre production-consommation, agrégateurs...)anticiperont son évolution avec un minimum d’erreur<strong>et</strong> la gestion de l’ensemble se rapprochera de l’optimum.Diverses stratégies sont imaginées quant à la répartitionde l’intelligence, au niveau d’agrégation <strong>et</strong> à la hiérarchisationentre les couches. Certains prônent le Webde l’énergie, d’autres se prononcent pour une organisationpyramidale ou des systèmes multi-agents locaux.Une grande variété de solutions est envisageable.C<strong>et</strong>te superposition de réseaux, observable à plusieurséchelles dans notre société, ne va cependant pas sansposer problèmes. En eff<strong>et</strong>, des études théoriquesrécentes montrent que le couplage entre deux réseauxest à même, outre leur fragilité intrinsèque, d’induirede nouvelles failles. Ce résultat surprenant s’explique enterme de cascade de pannes : une panne locale d’électricitéest en mesure de provoquer une panne du réseaude communication, susceptible d’entraîner à son tourun dysfonctionnement à un autre endroit du réseau<strong>et</strong> ainsi de suite. De nombreux exemples peuvent être(2) http://www.energy-pool.eu/.(3) C’est le Demand/Response ou modulation dela consommation électrique en fonction des conditionsdu réseau. C<strong>et</strong>te gestion de la consommation d’électricitéperm<strong>et</strong> un ajustement entre l’offre <strong>et</strong> la demande. Pour ajusterrapidement <strong>et</strong> efficacement l’offre <strong>et</strong> la demande, l’agrégateur,qui pilote un nombre important de sites afin de bénéficier d’unelarge flexibilité, doit agir conjointement sur la production <strong>et</strong> surun grand volume d’effacement potentiel, des délestages partielspar exemple, tout en garantissant un impact limité.(4) C’est par exemple ce que propose la société française Voltalisavec le boîtier communicant BluePod. Installé sur le circuitélectrique d’une habitation ou d’un bureau, il perm<strong>et</strong> de modulerau cours du temps la consommation de certains équipementsélectriques (radiateurs, ballons d’eau chaude, climatiseurs...).(5) Blackout : coupure d’électricité à grande échelle.cités. Le plus parlant est celui de l’Italie où, après leblackout (5) de 2003, l’opérateur national a eu toutesles peines du monde à rétablir le courant car le réseaude télécommunication avait cessé de fonctionner. Ildevient donc crucial d’établir dans quelle mesure cerésultat peut se généraliser <strong>et</strong> dans quelles conditionsprécises le couplage entre réseaux a un eff<strong>et</strong> déstabilisateur.Ce problème, qui se pose pour de nombreuxréseaux de <strong>distribution</strong> <strong>et</strong> de <strong>transport</strong>, dépasse le cadrepurement électrique.Les premières applicationsEn attendant l’avènement des réseaux intelligents, descentres de R&D <strong>et</strong> des entreprises m<strong>et</strong>tent au point desbriques technologiques <strong>et</strong> des solutions partielles. C’estle cas du pilotage de la recharge de véhicules électriques,notamment par le photovoltaïque, du bâtiment intelligent,qui favorisera l’efficacité énergétique <strong>et</strong> l’autoconsommationde la production locale, de l’utilisationdu <strong>stockage</strong> pour apporter des services aux réseaux,résoudre des congestions ou assurer une productionrenouvelable garantie (encadré 2). Sur chacune de cesapplications, des tests <strong>et</strong> démonstrations à une échellede quelques dizaines de kW à quelques MW commencentà voir le jour.> Marc Barthélémy 1 <strong>et</strong> Xavier Le Pivert 21 Institut de physique théorique (iPhT)Direction des sciences de la matière<strong>CEA</strong> Centre de Saclay2Institut Liten (Laboratoire d’innovationpour les technologies des énergies nouvelles<strong>et</strong> les nanomatériaux)Direction de la recherche technologique<strong>CEA</strong> Grenoble (Site Ines)CLEFS <strong>CEA</strong> - N° 61 - PRINTEMPS 201373

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