L'anthropologie du vivant : objets et méthodes - CNRS - Dynamique ...

L'anthropologie du vivant : objets et méthodes - CNRS - Dynamique ... L'anthropologie du vivant : objets et méthodes - CNRS - Dynamique ...

evolhum.cnrs.fr
from evolhum.cnrs.fr More from this publisher
12.07.2015 Views

Etude biodémographique de deux populations alpines de l’Ancien Dauphiné :L’Argentière la Bessée (Département des Hautes Alpes, France)et Chiomonte (Haute Vallée de Suse, Italie)Marilena GIROTTI, Emma RABINO MASSA ,Gilles BOETSCHMots-clés : biodémographie, populations alpines, Ancien DauphinéLes études d’anthropologie démographique concernant les populationsde Chiomonte (Haute Vallée de Suse, Italie) et de l’Argentière la Bessée(Département des Hautes Alpes, France) s’intègrent dans le projet“Dauphiné” (Boëtsch, Rabino 1996) ; elles visent à montrer commentles événements historiques et économiques ont pu influencer leséléments démographiques (mariages, naissances, décès, migrations)en particulier leur dynamique reproductive et, partant, leur patrimoinegénétique.Pour l’Argentière la Bessée, nous avons construit notre corpus dedonnées à partir d’informations concernant les naissances, mariageset décès survenus entre 1690 et 1890. Pour Chiomonte, la périodeétudiée est un peu plus longue (1670-1935).De 1690 à 1889, nous avons pu effectuer des analyses statistiquessur les décès (7.034 actes à l’Argentière la Bessée et 11.034 actes àChiomonte) et les naissances (8.382 actes à Argentière la Bessée et12.055 actes à Chiomonte)A partir de ces données, nous avons pu constater que le soldenaturel à l’Argentière la Bessée est demeuré positif pendant toute lapériode étudiée ; en revanche, à Chiomonte, il est négatif pendanttout le XVIIIème siècle (du fait d’une grave crise de mortalité quia eu lieu entre la fin de l’année 1690 et le début 1691) et positifdurant tout le XIXème siècle.L’étude des décès en fonction de l’âge montre que ceux survenusavant l’âge de 14 ans constituent environ 50% de l’ensemble desdécès jusqu’au la première moitié du XIXème siècle dans lesdeux populations.En ce qui concerne la variabilité saisonnière, on a pu constaterdes différences importantes en fonction de l’âge: uneaugmentation des décès en hiver pour les enfants de moinsd’un an et pour les personnes de plus de 60 ans ; en revanche,pour les jeunes entre 1-14 ans, une forte augmentation estobservée au cours des mois chauds. Ces différences sontL’anthropologie du vivant : objets et méthodes - 201016001400120010008006004002000liées à une susceptibilité différente aux facteurs climatiques (été/hiver ; froid / chaud ; humide/sec) même si l’influence de facteurssocio-culturels est présente (Girotti et al 2009 ; Pagezy 2003).Pour les deux populations, nous avons observé une saisonnalitémarquée pour les naissances avec des valeurs maximales enhiver et minimales au printemps et des valeurs basses en été.Pour l’Argentière la Bessée, on observe aussi de faibles valeurs enautomne (cf. Figure 1), ce qui correspond à une forte fréquence desconceptions au printemps. A l’Argentière la Bessée, les niveauxde conceptions sont plus faibles en hiver qu’à Chiomonte. Cettesaisonnalité est probablement liée aux facteurs économiques etculturels, c’est-à-dire aux migrations saisonnières que l’on peutobserver en été et en hiver à l’Argentière la Bessée et en étéà Chiomonte ; cette dernière étant associée au phénomène detranshumance.Figure 1: saisonnalité des naissances et des conceptions à Chiomonteet l’Argentière la BesséeJanvierFévrierS a is o n n a lité d e s n a is s a n c e s e t d e s c o n c e p tio n sMarsAvrilMaiJuinJuilletAoûtSeptembreOctobreNovembreDécembreC hiom ontenais s anc esA rgentière laB es s éenais s anc esC hiom ontec onc eptionsA rgentière laB es s éec onc eptions26

Etude biodémographique de deux populations alpines de l’Ancien Dauphiné :L’Argentière la Bessée (Département des Hautes Alpes, France) et Chiomonte (Haute Vallée de Suse, Italie)L’analyse de la structure matrimoniale et la reconstruction de famillesrevêt une grande importance pour l’étude des processus micro-évolutifsd’une population (Pettener 1995). Pour Chiomonte, nous avons analyséles 749 mariages qui se sont produits entre 1670 et 1729 (cf. Figure 2)par la reconstruction des structures familiales. Nous avons pu mettre enévidence un fort niveau de stabilité des ménages. Ceci nous a permisde connaître l’ensemble de la vie reproductive et la fin de l’union dans75,7 % des couples et la saisonnalité des événements avec des valeursminimales de mariages en été (travaux agricoles et pastoraux) au moisde mars (période de Carême) et de décembre (période de l’Avent). Lapopulation de Chiomonte, avec un taux de mariages exogames de plusde 20%, était une population sociologiquement et génétiquement bienouverte sur l’extérieur, ce qui était peu fréquent à l’époque.Figure 2 : Nombre de mariages à Chiomonte (Italie) pendant lapériode 1670 -172935302520151050L’anthropologie du vivant : objets et méthodes - 2010M a ria g e s à C h io m o n te 1 6 7 0 -1 7 2 9167016 7316 7616 7916 8216 8516 8816 9116 9416 9717 0017 0317 0617 0917 1217 1517 1817 2117 2417 27La population semble avoir répondu de façon différente aux diversévénements (économiques, politiques…) comme, par exemple, l’absencede mariages pendant les mois de crise économique qui ont précédé la gravecrise de mortalité du 1690-91, suivie, dans les années 1691-94, par uneaugmentation considérable des premiers mariages comme des remariagesvisant à rétablir l’équilibre populationnel, en particulier grâce à une féconditétrès active.Le nombre moyen d’enfants par couple est en relation avec l’âge de la mèreau mariage et la durée du mariage : 1 à 4 enfants si le mariage dure moinsde 20 ans, 5 à 8 enfants si le mariage dure plus de 20 ans et que la mère semarie avant 30 ans.L’intervalle intergénésique est lui aussi fortement influencé par la survie del’enfant précédent ; la mortalité infantile très élevée (250 - 300‰) va donccontinuellement influencer cet intervalle ; il est de 20 mois environ si l’enfantprécédent meurt dans sa première année de vie et de plus de 30 mois s’ilsurvie au bout d’un an. A ces époques, où la fécondité n’était pas contrôlée,on peut supposer que l’intervalle intergénésiqueétait plus long lorsque la survie dépassait la premièreannée, car il était lié à l’inhibition de la féconditédue à l’allaitement.Enfin, la plupart des familles ont eu une descendance ;cependant la descendance de la génération suivanten’a été assurée que par un petit nombre d’enfants- ceux qui pouvaient atteindre à leur tour l’âgereproductif (Gomila 1969) - du fait d’une mortalitéélevée durant l’enfance et l’adolescence.Ces résultats montrent que la natalité, la mortalitéet les mariages sont influencés par les facteursenvironnementaux, socio-économiques et culturels,mais de façon différente ; en effet la mortalité était,à cette époque surtout influencée par les facteursenvironnementaux, alors que ce sont davantage lesaspects socio-économiques et culturels qui régulentle comportement matrimoniale et la natalité.27

Etude biodémographique de deux populations alpines de l’Ancien Dauphiné :L’Argentière la Bessée (Département des Hautes Alpes, France)<strong>et</strong> Chiomonte (Haute Vallée de Suse, Italie)Marilena GIROTTI, Emma RABINO MASSA ,Gilles BOETSCHMots-clés : biodémographie, populations alpines, Ancien DauphinéLes études d’anthropologie démographique concernant les populationsde Chiomonte (Haute Vallée de Suse, Italie) <strong>et</strong> de l’Argentière la Bessée(Département des Hautes Alpes, France) s’intègrent dans le proj<strong>et</strong>“Dauphiné” (Boëtsch, Rabino 1996) ; elles visent à montrer commentles événements historiques <strong>et</strong> économiques ont pu influencer leséléments démographiques (mariages, naissances, décès, migrations)en particulier leur dynamique repro<strong>du</strong>ctive <strong>et</strong>, partant, leur patrimoinegénétique.Pour l’Argentière la Bessée, nous avons construit notre corpus dedonnées à partir d’informations concernant les naissances, mariages<strong>et</strong> décès survenus entre 1690 <strong>et</strong> 1890. Pour Chiomonte, la périodeétudiée est un peu plus longue (1670-1935).De 1690 à 1889, nous avons pu effectuer des analyses statistiquessur les décès (7.034 actes à l’Argentière la Bessée <strong>et</strong> 11.034 actes àChiomonte) <strong>et</strong> les naissances (8.382 actes à Argentière la Bessée <strong>et</strong>12.055 actes à Chiomonte)A partir de ces données, nous avons pu constater que le soldenaturel à l’Argentière la Bessée est demeuré positif pendant toute lapériode étudiée ; en revanche, à Chiomonte, il est négatif pendanttout le XVIIIème siècle (<strong>du</strong> fait d’une grave crise de mortalité quia eu lieu entre la fin de l’année 1690 <strong>et</strong> le début 1691) <strong>et</strong> positif<strong>du</strong>rant tout le XIXème siècle.L’étude des décès en fonction de l’âge montre que ceux survenusavant l’âge de 14 ans constituent environ 50% de l’ensemble desdécès jusqu’au la première moitié <strong>du</strong> XIXème siècle dans lesdeux populations.En ce qui concerne la variabilité saisonnière, on a pu constaterdes différences importantes en fonction de l’âge: uneaugmentation des décès en hiver pour les enfants de moinsd’un an <strong>et</strong> pour les personnes de plus de 60 ans ; en revanche,pour les jeunes entre 1-14 ans, une forte augmentation estobservée au cours des mois chauds. Ces différences sontL’anthropologie <strong>du</strong> <strong>vivant</strong> : <strong>obj<strong>et</strong>s</strong> <strong>et</strong> méthodes - 201016001400120010008006004002000liées à une susceptibilité différente aux facteurs climatiques (été/hiver ; froid / chaud ; humide/sec) même si l’influence de facteurssocio-culturels est présente (Girotti <strong>et</strong> al 2009 ; Pagezy 2003).Pour les deux populations, nous avons observé une saisonnalitémarquée pour les naissances avec des valeurs maximales enhiver <strong>et</strong> minimales au printemps <strong>et</strong> des valeurs basses en été.Pour l’Argentière la Bessée, on observe aussi de faibles valeurs enautomne (cf. Figure 1), ce qui correspond à une forte fréquence desconceptions au printemps. A l’Argentière la Bessée, les niveauxde conceptions sont plus faibles en hiver qu’à Chiomonte. C<strong>et</strong>tesaisonnalité est probablement liée aux facteurs économiques <strong>et</strong>culturels, c’est-à-dire aux migrations saisonnières que l’on peutobserver en été <strong>et</strong> en hiver à l’Argentière la Bessée <strong>et</strong> en étéà Chiomonte ; c<strong>et</strong>te dernière étant associée au phénomène d<strong>et</strong>ranshumance.Figure 1: saisonnalité des naissances <strong>et</strong> des conceptions à Chiomonte<strong>et</strong> l’Argentière la BesséeJanvierFévrierS a is o n n a lité d e s n a is s a n c e s e t d e s c o n c e p tio n sMarsAvrilMaiJuinJuill<strong>et</strong>AoûtSeptembreOctobreNovembreDécembreC hiom ontenais s anc esA rgentière laB es s éenais s anc esC hiom ontec onc eptionsA rgentière laB es s éec onc eptions26

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!