Anthropologie démographique des populations restreintes, <strong>du</strong> recueil des données à leur analyse.Exemples dans les populations arctiquesEn deux ans, chute de la natalité de 47‰ à 28‰, puis en 5 ans :à 17‰ (car autorisation d’I.V.G. en 1973). Même s’il y eut par lasuite une certaine reprise de la natalité, les comportements se sontmodifiés.Les mentalités féminines ont changé en très peu d’années, démontrantune prise de conscience rapide <strong>et</strong> une mise en pratique immédiatedes nouvelles idées, même dans un domaine aussi important <strong>et</strong>fondamental que la maternité. Les changements récents dans lavie repro<strong>du</strong>ctive des femmes se caractérisent par une limitation <strong>du</strong>nombre d’enfants mis au monde (en moyenne 7,2 enfants dans lesannées 1960 ; 2,9 en 2005). L’arrêt de la fécondité pendant plusieursannées peut être suivi d’une reprise pour une ou plusieurs grossessespour des raisons particulières. Les dernières maternités sont moinstardives <strong>et</strong> partant l’âge moyen des mères à la naissance de leursenfants moins élevé.Parmi les changements fondamentaux opérés au sein de la famillegroenlandaise, les naissances hors mariage sont devenues la règle,mariage <strong>et</strong> repro<strong>du</strong>ction se sont totalement dissociés. Les unionssont peu stables, séparations <strong>et</strong> divorces fréquents. Le tableau II(tableau II ) indiquant par qui sont élevés les enfants de moins de15 ans à deux périodes successives (Robert-Lamblin 1999), reflètec<strong>et</strong>te transformation de la famille.L’évolution de la mortalité1/ La période des premiers contacts <strong>et</strong> les problèmes de surviedans un environnement très sévère, se caractérisent par : desaccouchements sans sage-femme, sans hygiène ; une mortalitéinfantile élevée (248 ‰ en 1897-1901) ; un taux de mortalitégénérale situé autour de 35 ‰. Les décès à l’âge a<strong>du</strong>lte sont <strong>du</strong>sprincipalement aux famines, accidents de chasse <strong>et</strong> de transport,homicides <strong>et</strong> vend<strong>et</strong>tas chez les hommes, accouchements chezles femmes.2/ Contacts <strong>et</strong> colonisation ont entraîné une ré<strong>du</strong>ction de lamortalité avec la disparition des famines, l’amélioration del’hygiène aux accouchements <strong>et</strong> la baisse de la mortalitéinfantile dès la formation de sages-femmes, enfin uneassistance médicale considérable.Tableau II - Contexte familial dans lequel étaient élevés, en 1976 <strong>et</strong> 1990,les enfants d’Ammassalik âgés de 0 à 14 ansPopulation est-groenlandaise dela commune d’Ammassalik:enfants présents en 1976 enfants présents en 1990enfants âgés de 0 à 14 ans Nb % Nb %Enfants habitant avec leurs deux parents :…mariés 550 57 332 37,6…non mariés 27 2,8 112 12,7…Total 577 59,8 444 50,2Habitant avec leur mère :…mariée à un autre homme 53 5,5 15 1,7…veuve 35 3,6 17 1,9…divorcée ou séparée 31 3,2 30 3,4…non mariée 91 9,5 155 17,6…Total 210 21,8 217 24,6Habitant avec leur père :…veuf 17 1,8 7 0,8…divorcé ou séparé 12 1,2 25 2,8…Total 29 3 32 3,6Enfants habitant chez leurs grands-parents :…maternels 48 5 78 8,8…paternels 10 1 18 2…Total 58 6 96 10,9Habitant chez leurs oncles ou tantes :…maternels 27 2,8 24 2,7…paternels 12 1,2 10 1,1…Total 39 4 34 3,8Habitant chez des parentséloignésElevés par d’autres personnes(placés ou adoptés)Ensemble des enfants âgés de 0à 14 ans16 1,7 22 2,536 3,7 39 4,4965* 100% 884** 100%*Recensés au 31 décembre 1976 * * Recensés au 31 juill<strong>et</strong> 1990L’anthropologie <strong>du</strong> <strong>vivant</strong> : <strong>obj<strong>et</strong>s</strong> <strong>et</strong> méthodes - 201022
Anthropologie démographique des populations restreintes, <strong>du</strong> recueil des données à leur analyse.Exemples dans les populations arctiquesMais en même temps, de nouvelles causes de mortalité ont faitleur apparition : épidémies mortelles (en l’absence d’immunité) <strong>et</strong>maux sociaux. Au début <strong>du</strong> XXè siècle, le taux de mortalité reste trèsfluctuant, jusqu’au milieu <strong>du</strong> XXè siècle <strong>et</strong> l’usage des antibiotiques.Actuellement, le taux de mortalité générale se trouve proche de celuides pays européens (10 à 15‰), mais il existe un eff<strong>et</strong> de la structurepar âge de la population qui est jeune.Le taux de mortalité infantile, très en baisse (tableau III), restecependant encore élevé (32‰) malgré la généralisation desaccouchements à l’hôpital. Comme précédemment, c<strong>et</strong>te mortalitéest essentiellement périnatale (de la première semaine).En raison de l’assistance médicale <strong>et</strong> sociale prodiguée aux personnesâgées, l’âge moyen au décès est en progression, mais on constateune inégalité entre les sexes (tableau IV). Un risque nouveau demort accidentelle ou violente, dû à l’alcoolisme, est apparu dansles années 1960. Dans la période la plus récente, 38% des décèssurvenus à Ammassalik, sont des morts violentes (accident, suicide<strong>et</strong> homicide).Tableau III - Evolution de la mortalité infantile dans la population estgroenlandaised’AmmassalikAnnées Taux pour 1.0001942-1946 1571947-1951 1811952-1956 1201957-1961 1141962-1966 1461967-1971 1091972-1976 841977-1981 601982-1986 611997-2001 342002-2006 32Tableau IV- Evolution de l’âge moyen au décès, au cours de périodessans épidémie mortelle,(population est-groenlandaise d’Ammassalik)Périodesâge moyen au décès(mortalité infantile incluse)âge moyen au décès(mortalité infantile exclue)hommes femmes hommes femmes(a) 1937-46 18 21 26 33(b) 1977-86 22 32 32 41(c) 1987-96 33 38 38 45(d) 1997-2006 46 54 47 56En 2007, la population est composée pour un tiers de jeunes demoins de 15 ans <strong>et</strong> seulement 7% de celle-ci atteint ou dépasse60 ans (figure 2), car en dépit de l’assistance médicale <strong>et</strong> socialedéployée, un certain nombre de facteurs s’opposent toujours àl’élévation de la <strong>du</strong>rée de la vie : des facteurs climatiques, maisaussi économiques <strong>et</strong> sociaux. On observe le même phénomènedans l’ensemble <strong>du</strong> Groenland (figure 3), en Alaska, au Canada <strong>et</strong>en Sibérie. Ces nouvelles causes de mortalité sont révélatrices <strong>du</strong>malaise psychologique <strong>et</strong> social que connaissent les populationsarctiques.L’anthropologie <strong>du</strong> <strong>vivant</strong> : <strong>obj<strong>et</strong>s</strong> <strong>et</strong> méthodes - 201023