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terres arbitraires illumiNatioN(s) - La Strada et compagnies

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Terres <strong>arbitraires</strong>Rencontre avec Xavier Thomas, réalisateur sonore de Radio Grenouille.Extraits, Marseille - novembre 2011Xavier Thomas : Terres Arbitraires, un terme qui est issu d’une citation d’Aimé Césaire, une installation en toutcas qui questionne les représentations des quartiers populaires à Marseille, à Evry, Roubaix, Mantes-la-Jolie<strong>et</strong> Montreuil. Nicolas, ces quartiers populaires ce sont les Terres Arbitraires ou ces Terres Arbitraires sont lesquartiers populaires que tu as traversés?Nicolas Clauss : Oui, ce proj<strong>et</strong> travaille sur les territoires rencontrés dont on parle. J’ai dû choisir un critèrearbitraire pour aller rencontrer les gens <strong>et</strong> les filmer, j’ai choisi ce critère qui est l’étiqu<strong>et</strong>te que l’on appelleZ.U.S, la zone urbaine sensible. Cela faisait un certain temps que j’avais envie de faire un travail autour de cesquartiers, plus précisément autour de la représentation sociale que l’on a de ces quartiers, <strong>et</strong> donc j’ai initié toutce travail à Evry en janvier 2010, dans un quartier qui s’appelle Les Pyramides. L’idée de portrait est venue encours. <strong>La</strong> première intention était vraiment de passer beaucoup de temps dans ce quartier là.Xavier Thomas : Terres Arbitraires, un jeu d’accord aléatoire <strong>et</strong> de dissonance entre l’image <strong>et</strong> le son, 300portraits vidéos de jeunes habitants de ces quartiers <strong>et</strong> un flux sonore où se croisent différentes formes dediscours sur ces jeunes, sur leurs quartiers, sur leurs vies. Est-ce que, Nicolas Clauss, c’est une mise enopposition, une mise en abyme, une mise en perspective de l’image <strong>et</strong> du son dans c<strong>et</strong>te installation ?Nicolas Clauss : C’est tout ça à la fois. Quand j’ai commencé ce travail, j’ai fait un gros travail d’interview,notamment à Evry, <strong>et</strong> assez vite je me suis aperçu que ce serait peut-être plus juste de ne pas utiliser cematériau sonore, d’utiliser vraiment le bruit médiatique, le bruit extérieur. Les gens qui sont filmés se m<strong>et</strong>tenten scène, ils jouent pour la caméra : ils regardent la caméra donc ils regardent le spectateur, <strong>et</strong> c’est tout unjeu de regards, de dévisager l’autre, c<strong>et</strong>te tension entre ces regards menaçants en début de séquence quivont progressivement aller au ralenti, passer à des sourires, des fous rires. Il y avait donc un peu c<strong>et</strong>te idéede confronter ces fous rires à des phrases abominables prononcés par les politiques. Il y a aussi une phrasequi m’a accompagné pendant ce proj<strong>et</strong>, de Tahar Ben Jelloun dans un très beau livre qui s’appelle Hospitalitéfrançaise qui parle d’apprendre à dévisager l’autre. Je crois que ce travail c’est aussi un peu ça, essayer dedévisager l’autre, le regarder, oser le regarder, prendre le temps de le regarder, le temps du ralenti. Je repenseencore à d’autre phrases : à Jean Gen<strong>et</strong> qui nous parle de tous ces regards qui sont aujourd’hui à hauteur dunôtre, qui ne baissent plus les yeux comme le faisaient leurs parents, leurs grands-parents.Xavier Thomas : Portraits <strong>et</strong> images fragmentés de ces cités, de ses habitants. Un travail plutôt sur lafragmentation ou la multiplicité des identités ?Nicolas Clauss : Il y a c<strong>et</strong>te idée de la singularité de chaque portrait avec sa force, <strong>et</strong> en même temps c<strong>et</strong>ensemble, c<strong>et</strong>te masse qui gomme la différence. Voilà il y a une grande diversité dans les portraits, c’est-à-direqu’il y a des gens qui sont des pères de famille, des étudiants, des chômeurs, des dealers, des gens perdus,d’autres qui ne le sont pas, mais tous ont voulu jouer le même jeu <strong>et</strong> renvoyer une image assez stéréotypée.


Illumination(s)ILLUMINATION(S) une performance-spectacle d’Ahmed Madani« Si j’avais des antécédents à un point quelconque de l’histoire de France ! Mais non, rien.Il est bien évident que j’ai toujours été race inférieure.Je ne puis comprendre la révolte. Ma race ne se souleva jamais que pour piller : tels les loups à la bêtequ’ils n’ont pas tuées.Je me rappelle l’histoire de la France, fille aînée de l’Eglise. J’aurais fait, manant, le voyage de <strong>terres</strong>ainte ; j’ai dans la tête des routes dans les plaines souabes, des vues de Byzance, des remparts deSolyme (…). »Arthur Rimbaud, Mauvais sang, Une saison en Enfer« Je ne peux pas vous expliquer comment j’aime mon fils, c’est à l’intérieur, si vous voulez voir commentje l’aime, il faut m’ouvrir »Yacine Chati, expert de sa jeunesse« <strong>La</strong> jeunesse est devenue un nouveau continent <strong>et</strong> le théâtre n’a plus aucun objectif humain s’il neparvient pas à l’explorer »Edward Bond


Illumination(s)Mon écriture se nourrit de la matière humaine, du bruissement de la vie <strong>et</strong> de notre histoire contemporaine. Endécidant d’écrire un spectacle qui m<strong>et</strong> en scène des jeunes du Val Fourré, je souhaite nourrir mon inspirationde la réalité brute de leur vie. J’ai depuis de nombreuses années le désir de raconter une part tue de monhistoire familiale <strong>et</strong> j’ai souhaité que ce récit ne soit pas pris en charge par des acteurs professionnels mais parune bande de jeunes garçons qui a grandi dans les cités.C’est la troisième génération issue de l’immigration post coloniale <strong>et</strong> ces jeunes veulent être considérés commedes français à part entière. Leurs interrogations sur leur passé méritent d’être éclairées par leurs aînés. Je vaisdonc faire un voyage avec eux <strong>et</strong> réagir par les mots, par les mouvements, par la poésie que leur corps, leurvoix, leurs regards, leurs récits feront jaillir en moi. Entre nous s’instaurera un échange de bons procédés : je lesguide vers eux-mêmes pour mieux trouver le chemin qui me mène à moi-même. Hormis quelques évènementsqui ont fortement marqué mon enfance <strong>et</strong> dont j’ai le désir de parler, je souhaite surtout écrire à partir desréponses qu’ils apporteront aux questions que je leur poserai. Chaque jour des ateliers de danse, chant, travailsur la présence, le déplacement, le mouvement, des improvisations, des discussions sont dirigés par moi <strong>et</strong>mes collaborateurs artistiques afin de fournir la matière vive à l’écriture textuelle <strong>et</strong> scénique.Ces jeunes sont faits de lumière, mais on ne le voit pas, ils paraissent toujours sombres, noirs ou d’un blancqui n’est pas tout à fait blanc. Pourtant ils brillent comme des étoiles dans la nuit. Ils vibrent, ils vivent, ils rient,ils pleurent. Si vous saviez ce qu’il y a dans leur tête, vous les regarderiez différemment. Mais pour cela, ilfaudrait leur ouvrir la tête <strong>et</strong> aller y faire une expédition, comme dans le temps où les explorateurs partaient àl’aventure découvrir les <strong>terres</strong> de leurs ancêtres. Leurs ancêtres ne sont pas encore les Gaulois, mais un jour,ils le deviendront.Ainsi, c’est avec de vrais experts de la jeunesse : les jeunes eux-mêmes que je veux faire ce voyage au paysdes zones sensibles. Mon postulat de départ est simple : faire émerger le réel pour créer du symbolique. Dèsl’instant où ce réel sera posé sur le plateau, qu’il soit traité comme un documentaire ou passé au filtre del’imaginaire, il deviendra un acte symbolique.Nous sommes tous des « Ready made » humains, tous des oeuvres d’art en puissance. Au théâtre, il faut justefaire un pas pour passer de l’autre côté du miroir, c’est en c<strong>et</strong> endroit que j’aimerais mener ma troupe de «mauvais garçons » car en c<strong>et</strong> endroit chacun verra que dans leur veine ne coule pas un sang impur, mais lesang de la jeunesse, celui de la vie <strong>et</strong> de l’avenir.Ahmed Madani


Terres <strong>arbitraires</strong> / Illumination(s)équipe artistiqueAhmed Madani auteur <strong>et</strong> m<strong>et</strong>teur en scèneEn 1985, soucieux d’approfondir <strong>et</strong> de développer une démarche « d’auteur en scène », qui superpose écrituredramatique <strong>et</strong> écriture scénique, il rassemble quelques compagnons de route au sein de Madani Compagnie<strong>et</strong> réalise avec eux un théâtre d’art poétique <strong>et</strong> populaire. Pendant une quinzaine d’années, il dirige un proj<strong>et</strong>expérimental au Val Fourré à Mantes-la-Jolie, dont l’écriture est le fer de lance, sa démarche singulière estmédiatisée <strong>et</strong> devient rapidement une référence en matière d’innovation artistique en milieu suburbain.En 1987, il crée Big bang Banlieue, premier festival national de la création artistique en Banlieue, Marc Perrone,Richard Bohringer, Rachida Khalil, Jean Rachid (producteur de Grand corps malade), Roger Hanin, Saïd Serrari,Raymond Sarti, Christine Pouqu<strong>et</strong>, ainsi que de nombreux acteurs <strong>et</strong> musiciens, participent activement à c<strong>et</strong>teaventure.De 2003 à 2007, il dirige le Centre dramatique de l’Océan Indien à Saint-Denis de la Réunion.Les acteurs, l’écriture, le territoire <strong>et</strong> la formation constituent la pierre angulaire d’une action artistique deportée internationale.En 2004, il crée le festival L’œil du cyclone : une rencontre entre auteurs, acteurs <strong>et</strong> m<strong>et</strong>teurs en scène de l’OcéanIndien <strong>et</strong> d’Europe. Dans ce cadre, des commandes d’écriture sont proposées à des auteurs. Il organise enpartenariat avec la fondation Beaumarchais le premier concours des écritures dramatiques de l’Océan Indien.Il développe de nombreux chantiers internationaux, <strong>et</strong> y invite des artistes tels Pipo Delbono, Martial Di FonzoBo, Jean-Louis Martinelli, Pierre Pradinas, Sylvain Maurice, <strong>La</strong>urent Fréchur<strong>et</strong>, Jean-Louis Heckel, FrançoisCervantès...Il poursuit à présent ses activités au sein de sa compagnie conventionnée avec le Ministère de la Culture/DRAC Ile-de-France, <strong>et</strong> développe des partenariats avec des Scènes nationales, des Centres dramatiques,des Scènes conventionnées, des théâtres de ville. Depuis 2007 il a créé trois spectacles <strong>et</strong> donné environ 200représentations en France <strong>et</strong> à l’étranger.Parmi la vingtaine de spectacles qu’il écrit <strong>et</strong> m<strong>et</strong> en scène, on notera : Ernest ou comment l’oublier, créé àla Scène nationale d’Annecy, puis repris au Théâtre de l’Est Parisien <strong>et</strong> en tournée ; L’improbable vérité dumonde, (fruit de chantiers artistiques internationaux) au Théâtre des Amandiers de Nanterre ; L’avis du mort,créé au Centre dramatique de l’Océan Indien ; P<strong>et</strong>it Garçon Rouge à Mantes-la-Jolie ; <strong>La</strong> Tour créé dans un<strong>et</strong>our désaffectée est adapté pour la télévision par Dominique Cabrera sous le titre Un balcon au Val Fourré ;Rapt créé à la Scène nationale de P<strong>et</strong>it-Quevilly (Prix RFI 1993, traduit <strong>et</strong> joué au Japon) ; L’Os (d’après BiragoDiop) ; C’était une guerre (résidence à Avranches) ; Méfiez-vous de la pierre à Barbe (pièce pour enfantsacteurs) à la Cartoucherie de Vincennes, la Grande Halle de la Vill<strong>et</strong>te <strong>et</strong> Avignon ; Il faut tuer Sammy ; Familles,je vous hais...me (résidence au Théâtre Vidy <strong>La</strong>usanne / Suisse). Parmi les œuvres d’autres auteurs qu’il m<strong>et</strong>en scène on notera : Le Théâtre de l’Amante Anglaise de Marguerite Duras au Théâtre des Deux Rives à Rouen<strong>et</strong> au Théâtre des Athévains à Paris ; Paradis Blues de Shenaz Patel au Théâtre de l’Union-CDN du Limousin ;Le Médecin malgré lui de Molière traduit en créole ; <strong>La</strong> Sortie au théâtre de Karl Valentin ; Architruc de RobertPing<strong>et</strong> (tournée Océan Indien Afrique Australe <strong>et</strong> Europe) ; <strong>La</strong> Leçon d’Eugène Ionesco <strong>et</strong> On purge bébé deGeorges Feydeau (tous deux diffusés sur FR3), J’accuse de Zola, <strong>La</strong> baby-sitter de Renée de Obaldia, Théâtrede Chambre de Tardieu, Le Songe d’une nuit d’été d’après Shakespeare.Il écrit <strong>et</strong> réalise L’école en morceaux, (documentaire diffusé sur Planète).Ses pièces sont éditées chez Actes Sud-Papiers <strong>et</strong> à L’Ecole des loisirs.


Terres <strong>arbitraires</strong> / Illumination(s)Nicolas Clauss plasticien <strong>et</strong> vidéastePeintre autodidacte, il pose les pinceaux en 2000 pour se consacrer exclusivement à la toile du n<strong>et</strong> <strong>et</strong> aux proj<strong>et</strong>smultimédia. Cofondateur du site lecielestbleu.com, il crée son propre espace de création, le site flyingpupp<strong>et</strong>.com en 2001. Il expose ses tableaux dès 1989, seul (Galerie Arnoux à Paris, Centre Culturel Francais de Seoul<strong>et</strong> Seoul International Art Fair en Coree, Crawford Gallery, Beatty Gallery <strong>et</strong> Sidney Art Theater en Australie) ouen collectif (Grands <strong>et</strong> Jeunes d’Aujourd’hui <strong>et</strong> Réalités Nouvelles au Grand Palais à Paris, Howard LeonardGallery <strong>et</strong> Savah Gallery en Australie, Gana Art Center en Corée, <strong>et</strong>c.).Dans ses travaux multimédia, il continue à fabriquer des univers où l’épaisseur de la croûte ne néglige paspour autant les eff<strong>et</strong>s de transparence. Le mouvement du spectateur y prolonge souvent le geste du peintre.Sur Flying Pupp<strong>et</strong>, il concoit <strong>et</strong> réalise plus de 60 modules interactifs on-line, souvent en collaboration avecdes musiciens (Jean-Jacques Birgé, Francois Baxas, Denis Colin, mais aussi Patricia Dallio, Pascale <strong>La</strong>bbé,Thomas Le Saulnier, Jean Morières, Herve Zenouda).Passionné par la danse, il est nominé au Möbius 2001 pour Danse ! (Dada Media), crée Soaring Steps pour laBBC-On-line <strong>et</strong> réalise Somnambules avec Jean-Jacques Birgé, un proj<strong>et</strong> de chorégraphie interactive qui seraprimé à plusieurs reprises. Pour la marque de vêtements Diesel, ce sont les tableaux interactifs DeepSea <strong>et</strong>Temptation. Lors d’une résidence d’artiste à l’ECM des Mureaux, il réalise le proj<strong>et</strong> web Cinq Ailleurs à partir d<strong>et</strong>émoignages d’immigrés. Depuis, il multiplie les proj<strong>et</strong>s en résidence, les interventions pédagogiques autourde son travail (l’Ecole des Gobelins, Help Institute de Kuala Lumpur ou encore l’ESAD de Pau <strong>et</strong> l’ENSAD deStrasbourg) <strong>et</strong> des conférences performances (Muséal Tamayo à Mexico, Centre Pompidou, Citée du Livred’Aix-en-Provence, Le Cube...).Son travail est montré dans des expositions, en France (Vill<strong>et</strong>te Numérique, Espace Paul Ricard, <strong>La</strong> Maison desmétallos, Vidéo Formes, Le Cube, <strong>La</strong> Friche Belle de Mai, Arte.tv...), en Amérique (Boston Center for the Arts,Revue digitale Chair-<strong>et</strong>-métal, Naqoyqatsi / Miramax, ATHICA / Athens Institute of Contemporary Art, SoftForm/ Toronto Propeller Gallery / Musée d’Art Contemporain Tamayo, Mexique / 404, Argentine / File, Brésil...), enAllemagne (A Virtual Museum, Java Museum, Free Manifesta, FilmWinter, Stuttgart...), aux Pays-Bas (MAFF), enSuisse (Festival VIPER Basel), en Angl<strong>et</strong>erre (Digital Pock<strong>et</strong> Gallery, Liberarti), en Corée (Hexa Media Festival,Séoul Museum of Art), au Japon (Japan Media Art Festival), en Tchéquie (Violens Festival Tabor), en Turquie(Istanbul Contemporary Art Museum)...Depuis il a réalisé de nombreuses œuvres participatives (sites <strong>et</strong> installations) : J’ai 10ans.com, delartsijeveux.com, Les Portes (avec Jean-Jacques Birge), L’ardoise, Un palpitant, Or not toupie, Les musiciens...Ses travaux ont reçu de nombreux prix, notamment :- Vidéoformes Prix de la Création Nouveaux Médias – 2008- Prix Ars Electronica Honorary Mention (N<strong>et</strong> Vision) - 2004- Premier Prix N<strong>et</strong> Art France Telecom R&D / One au Festival Art Rock de St Brieuc – 2004- Second Prix à WebArt project, Montenegro – 2004- Ciberart Bilbao Honorific Award for the Best Multimedia Project - 2004- Vidéoformes Prix de la Création Nouveaux Médias – 2004- Prix SACD de la Création Interactive – 2004- ThirdPlaceGallery (SONY) Reward – 2003- Prix Spécial du Jury du Seoul Film and N<strong>et</strong> Festival - SENEF - 2003- Flash Festival Prix Spécial du Centre Pompidou – 2002- Prix SCAM Intern<strong>et</strong> – 2002- Prix N<strong>et</strong>-Art à la Vill<strong>et</strong>te Numérique - 2002


Terres <strong>arbitraires</strong> / Illumination(s)Les experts de la jeunesse d’Illumination(s)Boumès : Ailleurs ne viendra jamais vers nous, c’est à nous d’y aller.Après l’année du bac que je n’ai pas eu, je me suis r<strong>et</strong>rouvé livré à moi-même. On m’a refusé le redoublementde la terminale, car un prof a dit : « s’il intègre la classe, la classe n’existe plus ». Je crois qu’il avait peur deme revoir dans ses cours. Pour moi c’était une forme de réussite. Je suis tombé dans le théâtre à l’âge dedouze ans <strong>et</strong> à 18 ans, j’ai donc pris le train pour Paris <strong>et</strong> j’ai cherché du travail comme comédien. J’ai réussiquelques castings, <strong>et</strong> j’ai eu un agent. Mon premier rôle je l’ai eu parce que j’avais le permis… J’espéraismieux <strong>et</strong> après j’ai galéré <strong>et</strong> je me suis r<strong>et</strong>rouvé à la rue. Pendant trois ans, j’ai fait tous les tafs du monde :Renault, Peugeot, Auchan, livreur de pizza. C’était impossible pour moi d’être un poids pour mes parents. J’aiculpabilisé de prendre la dernière banane du saladier. Il fallait se réaliser devenir un homme. J’ai rempli mesvalises de galères, mes valises de gifles. Maintenant, j’ai ouvert une sandwicherie, je travaille sept jour sur septdepuis deux ans, livraison, jour <strong>et</strong> nuit. Dans la cité c’est les rêves qui font tenir, moi mon rêve, c’est de vivre àParis <strong>et</strong> devenir acteur.Kalifa : Le seul moment où je deviens Malien c’est lorsqu’il y a un match France-Mali, là c’est le cœurqui parle.Je suis issu d’une famille de seize enfants dont je suis le neuvième. <strong>La</strong> famille c’est sacrée. Mes parents sontavant tout des exemples. Ce sont des gens qui se lèvent tôt le matin, ma mère est femme de ménage à laposte, mon père a deux boulots : de 4 heures du matin à 11h il passe son permis sur la machine à balaisAuchan <strong>et</strong> de 11h à 17h, il passe la serpillière à la poste. J’ai suivi une formation d’agent de production, j’ai finià Major <strong>et</strong> j’ai fabriqué des sièges autos pour Renault. Je n’habite plus chez mes parents, j’ai décidé de quitterle Val Fourré pour aller vivre de l’autre côté de la Méditerranée, c’est-à-dire au centre ville. Je n’oublie pas d’oùje viens, j’adore mon pays qui est la France, là où je vis. Mais j’aime mon pays qui est le Mali.Eric dit Coolz : D’un côté on me dit que je suis un cannibale, de l’autre que je suis un terroriste.J’ai un père qui vient du Cameroun, une mère de Corse. Un jour, je suis allé passer un entr<strong>et</strong>ien pour un posted’assistant pédagogique dans un collège dans une ville bourge près de Paname. Tous ceux qui travaillaient làétaient des blancs, pas un renoi, pas un rebeu. Ils m’ont embauché, mais, ils m’ont vite annoncé la couleur :« On vous a pris parce que vous faites peur aux gosses. Ils ont une peur viscérale des quartiers <strong>et</strong> des jeunescomme vous, ils savent que vous pouvez être dangereux à tout moment… ». Mais le Val Fourré ne m’aura serviqu’un an, car les gosses m’ont très vite adopté <strong>et</strong> comme je ne faisais plus peur, j’ai été remercié.Mohamed dit Hajmo : Je me suis cassé la gueule beaucoup de fois, mais je me suis relevé beaucoup defois.Quand je rentre chez moi, j’enlève ma casqu<strong>et</strong>te, c’est Mohamed, quand je sors dehors, je rem<strong>et</strong>s ma casqu<strong>et</strong>te,c’est Hajmo. J’ai fait un BEP plomberie. J’ai démissionné de l’école <strong>et</strong> j’ai choisi le rap en 2003. C’était unepassion, j’étais dans la cave <strong>et</strong> on saignait du Tupac tous les jours, à fond. Je suis rappeur. J’ai commencé àécrire, le chemin narratif, tout ça… Je remercie mes profs de français car ils m’ont bien appris. P<strong>et</strong>it, je bégayais,j’allais chez l’orthophoniste, je répétais quarante fois heu heu, heu juste pour dire « s’il vous plait ». Le rap m’aaidé à regarder les autres dans les yeux. Je suis un volcan, plus le magma monte <strong>et</strong> plus ça chauffe, plus c’estcomme une cocotte minutes, plus ça pète. Dès que le séïsme commence, c’est fini ! Nous c’est le razzi ! Lecombat ! A mes enfants, je veut apprendre le razzi. Nous, on ne se laisse pas faire, nous on fait la razzia !


Terres <strong>arbitraires</strong> / Illumination(s)Yacine : Je ne peux pas vous expliquer comment j’aime mon fils, c’est à l’intérieur, si vous voulez voircomment je l’aime, il faut m’ouvrir.Ma jeunesse a été bercée par le gh<strong>et</strong>to. Je ne suis pas fier, j’ai fait pleurer maman. <strong>La</strong> scolarité ne m’intéressaitpas, je préfèrais faire de la bécane, je voyais les grands avec des belles voitures, de belles nanas. A 21 ans jesuis devenu, un jeune papa, mon fils, s’appelle Gibril. Je rêve de devenir comme mon père. Dehors je suis unsalopard, mais devant mon père, le daron, je ne suis plus le même, j’essaie de ne pas weshinguer, « wesh,wesh » de ne pas fréroriser, « hé frère, frère ! ». J’espère que Dieu me laissera mes parents. Aujourd’hui, je nesais pas qui je suis vraiment.Abdérahim dit Toxik : On aurait tous aimé l’avoir plus belle, la vie.Je suis issu d’une famille de cinq enfants dont une sœur, la pauvre. Quand j’avais onze ans, je suis entré dans lamusique, jusqu’à 18 ans, j’ai été batteur dans un groupe. On tournait, on bougeait. On jouait de la soul, du funk,jazz, reggae, du bon son. Ensuite on a grandi, en grandissant, on a eu des problèmes. Le groupe s’est cassé,je me suis r<strong>et</strong>rouvé seul <strong>et</strong> c’était pas bon pour moi. J’ai pas trouvé d’autre groupe, je suis resté seul <strong>et</strong> de làj’ai sombré dans la délinquance, le shit, le vol, les attaques à mains armés <strong>et</strong> j’en passe. Je suis tombé. Je suisressorti, je suis rentré, je suis ressorti, je suis rentré, je suis ressorti, je suis re rentré. J’ai perdu beaucoup d<strong>et</strong>emps, jusqu’à vingt-cinq ans. Je suis entré dans le rap. J’ai monté un groupe, il s’est encore cassé la gueule.J’ai continué en solo. Mon premier rêve c’était braquer la banque de France, mais je me dis que je ferai du malà famille. Mon deuxième rêve, vivre de ma passion, faire des voyages, rencontrer une belle une femme, bellemaison, beaux enfants, une belle voiture <strong>et</strong> un bon p<strong>et</strong>it compte en banque bien sucré. Je l’attends toujours.C’est les aléas du gh<strong>et</strong>to.Romain : J’ai peur de devenir une espèce de connard sans cœur sur qui les choses passent sans jamaisle toucher.Je ne suis pas à plaindre, j’ai eu une enfance super cool. J’étais hyper actif, mes parents pétaient un câble,mes profs pétaient un câble. Pour me canaliser il m’ont fait faire du sport. Du vélo de route, entraînementtrois fois par semaine, de la compétition, tous les dimanches matin : courses. Que du vélo <strong>et</strong> des cours. J’aiété champions d’Ile-de-France, j’ai fait quatre fois les championnats de France. J’ai voulu devenir cyclisteprofessionnel, mais un jour j’ai fait une énorme chute. Gros trou noir <strong>et</strong> ça m’a calmé. Tous les efforts à vivrecomme un moine, ça a été pour rien. A ce moment j’ai totalement changé : je me suis rendu compte que jevoulais profiter de tout ce qui allait venir à moi <strong>et</strong> ne pas faire comme mes parents ont subi leur vie. J’ai 50%de sang Kabyle, mais j’ai eu une éducation à l’occidentale. Mon grand-père était harki, il était très dur, il voulaitque ses neuf enfants soient les meilleurs partout, les premiers en tout. Ma grand-mère est super sympa, maiselle ne parle pas français, je ne comprends pas ce qu’elle dit. Quand mon grand-père est mort, ça ne m’a rienfait du tout <strong>et</strong> ça m’a fait flipper, car j’ai peur de devenir une espèce de connard sans cœur sur qui les chosespassent sans jamais le toucher.Issam : A huit ans j’ai volé un Kinder <strong>et</strong> je me suis fait choper. Je n’ai plus jamais rien volé de ma vie.Je suis né au Maroc, ma mère a tenu à ce qu’on accouche tous au Maroc, pour avoir c<strong>et</strong>te empreinte de laterre. Mes grands-parents m’ont élevé jusqu’à l’âge de deux ans puis ma mère est revenue me chercher <strong>et</strong>cela a été pareil pour ma sœur <strong>et</strong> pour mon frère. J’ai eu une éducation très traditionnelle mais très ouverte àl’occidentale, car j’ai vécu à Cognac en Charente. Il n’y avait pas tellement de familles rebeux, ou de renois. <strong>La</strong>première famille renoi qui est arrivée c’est en 2008. Mais ce qui est bizarre, c’est que j’ai toujours eu ce soucisd’appartenance. Je ne savais pas où j’étais. Dans c<strong>et</strong>te p<strong>et</strong>ite ville, il n’y avait pas de délinquance, mais j’avaisle sentiment de faire peur ou d’inquiéter. Quand je rentrais dans un magasin, j’avais toujours l’impression d’être


Terres <strong>arbitraires</strong> / Illumination(s)pisté, alors que je n’ai jamais rien volé de ma vie. Enfin si, j’ai volé un Kinder, j’avais huit ans <strong>et</strong> je me suis faitchoper. Et je n’ai plus jamais rien volé de ma vie, même des trucs à deux balles qui ne servent à rien. Un Kinder<strong>et</strong> je me suis fait choper <strong>et</strong> c’était fini, fini !Abdelghani dit Qalam : Là-bas, tu vois la misère du monde, tu te comptes que c’est une chanced’être là.On avait un Ford transit, on le bourrait, on était entassé, on partait au Maroc. C’était la seule fois où on visitaitla France : Bordeaux, Tours, Chartres, Bayonne. Quand tu arrives au bateau, tu te changes. J’avais des habitspréparés exprès pour le bateau, car c’est là où tu peux encore serrer les dernières gonzesses. Dès que tuposes le pied au Maroc, ça claxonne de partout, tu sens les odeurs du pays, les bruits, tu entends les insultes.Tu vois ceux qui repartent <strong>et</strong> tu repères les p<strong>et</strong>its gars qui essaient de se cacher pour passer la frontière. Aubled, on a des maisons, c’est le luxe. On ne respecte personne, on est les rois, on dépense à tout va. On se lapète, banane Costla, casqu<strong>et</strong>te Costla, on se rejoint au Macdo, on entre en boîte en survêt, ici on n’entre jamaisdans les boites. On fait les beaux gosses devant nos cousins, nos cousines, on drague nos cousines <strong>et</strong> on leurdit « tu dis rien ». Le jour du r<strong>et</strong>our, tous les cousins <strong>et</strong> cousines sont là, ils attendent, je ne sais quoi, une veste,un tee-shirt. Ils font des grands pleurs, ils sont trop malins.


« Face à leur destin »Partager l’art <strong>et</strong> la création, la nature <strong>et</strong> les paysages, la connaissance <strong>et</strong> les savoirs participe d’un esprit desolidarité qui fonde le mécénat d’EDF. Nos engagements sont construits autour de trois programmes - lasolidarité, les sciences <strong>et</strong> l’environnement - <strong>et</strong> sont guidés par une attention constante aux évolutions de lasociété <strong>et</strong> par la volonté d’accompagner les acteurs du lien social.Le défi lancé par la Compagnie Madani <strong>et</strong> sa démarche de démocratisation de l’accès à la culture entrent enrésonnance avec les valeurs <strong>et</strong> la vocation de la Fondation m<strong>et</strong>tant en œuvre le respect <strong>et</strong> la confiance qui sontles éléments de la réussite. <strong>La</strong> Compagnie lance une nouvelle action artistique, culturelle <strong>et</strong> sociale en directiondes jeunes des Yvelines <strong>et</strong> rejoint le travail porté par les associations qui proposent des réponses innovantesaux problématiques de société <strong>et</strong> de citoyenn<strong>et</strong>é.C<strong>et</strong>te initiative en phase avec ses publics est construite solidement sur la connaissance des capacités, despotentiels <strong>et</strong> des motivations des jeunes artistes en devenir.C’est pourquoi EDF <strong>et</strong> sa Fondation se sont engagés aux côtés de la Compagnie Madani. Ce proj<strong>et</strong> favorisantl’échange, l’enrichissement mutuel donne tout son sens à notre partenariat inscrit sous le signe de la découverte,de la créativité <strong>et</strong> de la rencontre.http://fondation.edf.com

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