12.07.2015 Views

"Entreprendre, art de vivre ou projet de société ? " (pdf - 182 ko) - Cci

"Entreprendre, art de vivre ou projet de société ? " (pdf - 182 ko) - Cci

"Entreprendre, art de vivre ou projet de société ? " (pdf - 182 ko) - Cci

SHOW MORE
SHOW LESS
  • No tags were found...

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

<strong>Entreprendre</strong>, <strong>art</strong> <strong>de</strong> <strong>vivre</strong> <strong>ou</strong> <strong>projet</strong> <strong>de</strong> <strong>société</strong> ?Peut-on entreprendre à t<strong>ou</strong>t âge ?L’escalier du risqueYvon Gattaz, créateur <strong>de</strong> Radiall, prési<strong>de</strong>nt et fondateur <strong>de</strong> l’Association Jeunesse etEntrepriseT<strong>ou</strong>r à t<strong>ou</strong>r créateur d’entreprise, « patron <strong>de</strong>s patrons » et auj<strong>ou</strong>rd’hui prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> l’AssociationJeunesse et Entreprise, Yvon Gattaz consacre sa vie à défendre les valeurs <strong>de</strong> l’entrepreneuriat et àéchanger p<strong>ou</strong>r faire naître chez les jeunes l’envie d’entreprendre et <strong>de</strong> créer <strong>de</strong> l’emploi. Unephilosophie <strong>de</strong> vie qu’il détaille dans son <strong>de</strong>rnier <strong>ou</strong>vrage intitulé « Mes vies d’entrepreneur »Dans mes vies d’entrepreneur, le contact avec les hommes est, à l’évi<strong>de</strong>nce, ce qui m’a le plusmotivé. Il existe <strong>de</strong>ux sortes <strong>de</strong> qualités chez les élites : les qualités <strong>de</strong> « réception », à savoirl’intellect et les diplômes, et les qualités d’homme <strong>ou</strong> <strong>de</strong> caractère. Le charisme est un subtilmélange, associant le sens <strong>de</strong> l’animation d’une équipe, la capacité à s’imposer à elle et la capacitéà éc<strong>ou</strong>ter les autres avant <strong>de</strong> prendre une décision. Il constitue la qualité suprême du chefd’entreprise.« Le vrai créateur doit se lancer tant qu’il est jeune car notre dotation congénitale à la prise <strong>de</strong>risque tend à régresser au fil du temps »Le vrai créateur doit avoir le c<strong>ou</strong>rage <strong>de</strong> passer <strong>de</strong>s diplômes et <strong>de</strong> les déchirer dans la f<strong>ou</strong>lée. Il doitse lancer tant qu’il est jeune car notre dotation congénitale à la prise <strong>de</strong> risque tend à régresser au fildu temps. C’est ce que j’appelle « l’escalier du risque », lequel <strong>de</strong>scend inexorablement. D’ailleurs,les facteurs d’immobilisme ne manquent pas : trop <strong>de</strong> diplômes, une très belle situation qui v<strong>ou</strong>sempêche <strong>de</strong> rep<strong>art</strong>ir <strong>de</strong> zéro, une famille à assumer et, p<strong>ou</strong>r finir, les rhumatismes et le cholestérol !Bill Gates et Steve Jobs ont connu une réussite mondiale en fondant respectivement Microsoft etApple sans avoir mené leurs étu<strong>de</strong>s jusqu’à leur terme. C’est également le cas <strong>de</strong>s fondateurs <strong>de</strong>Google.« La capacité à i<strong>de</strong>ntifier <strong>de</strong>s <strong>projet</strong>s innovants va <strong>de</strong> pair avec la jeunesse et l’anticonformisme »De fait, les plus grands succès mondiaux ont été initiés par <strong>de</strong>s jeunes qui ont misé sur un créneauporteur. En effet, la capacité à i<strong>de</strong>ntifier <strong>de</strong>s <strong>projet</strong>s innovants va <strong>de</strong> pair avec la jeunesse etl’anticonformisme. L’entreprise doit jaillir <strong>de</strong> manière spontanée. La création, comme l’entreprise,n’a pas besoin d’ai<strong>de</strong> : elle a besoin d’air ! La prési<strong>de</strong>nte du Me<strong>de</strong>f, Laurence Parisot, m’a d’ailleursemprunté cette formule p<strong>ou</strong>r laquelle j’attends t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs <strong>de</strong>s droits d’auteur…________________________________________________________________________________________________Extrait <strong>de</strong>s actes <strong>de</strong> la 11e Université d'été <strong>de</strong>s CCI, «Vivre, c'est entreprendre…» - T<strong>ou</strong>l<strong>ou</strong>se, septembre 2007ACFCI (Assemblée <strong>de</strong>s Chambres Françaises <strong>de</strong> Commerce et d’Industrie) – http://www.acfci.cci.fr


Les Français sont <strong>de</strong> grands penseurs. Ils ont tendance à v<strong>ou</strong>loir t<strong>ou</strong>t organiser. Or, la création jaillit<strong>de</strong> t<strong>ou</strong>s les interstices <strong>de</strong> la vie économique : v<strong>ou</strong>loir la réguler serait une erreur. Les obstaclesd’ordre culturel et financier sont auj<strong>ou</strong>rd’hui levés. L’environnement fiscal n’est pas le meilleurmais il tend à s’améliorer.« Citer p<strong>ou</strong>r susciter »Le contexte social, cependant, reste marqué par une trop gran<strong>de</strong> rigidité. Le risque majeur rési<strong>de</strong>actuellement dans l’institutionnalisation <strong>de</strong> la création d’entreprise. La seule métho<strong>de</strong> p<strong>ou</strong>r lasusciter se résume à la maxime qui est celle <strong>de</strong> Jeunesse et Entreprise, « Citer p<strong>ou</strong>r susciter ». Ils’agit <strong>de</strong> citer <strong>de</strong>s succès p<strong>ou</strong>r susciter <strong>de</strong>s vocations. Dans ce cadre, je suis accompagné <strong>de</strong> chefsd’entreprise ex-nihilo qui racontent leur aventure. Rien n’est plus motivant p<strong>ou</strong>r les jeunes qued’entendre le récit d’une expérience c<strong>ou</strong>ronnée <strong>de</strong> succès. Les traités sont comme les nuits : plus ilssont profonds, moins n<strong>ou</strong>s y voyons clair.J’ai utilisé la métaphore du « jaillissement » p<strong>ou</strong>r évoquer la création d’entreprise. Il faut, ensuite,canaliser cette eau, c’est-à-dire développer l’entreprise. Le problème <strong>de</strong> la France rési<strong>de</strong> dans sadifficulté à faire grandir les entreprises naissantes, les TPE, jusqu’au sta<strong>de</strong> <strong>de</strong> PME, lequelcorrespond à l’âge adulte d’une entreprise. De plus, les grands gr<strong>ou</strong>pes sont plus s<strong>ou</strong>vent le résultat<strong>de</strong> montages financiers que celui d’une croissance interne <strong>de</strong> l’entreprise. Les 325 000 créationsenregistrées chaque année constituent une performance honorable et comparable à celles <strong>de</strong>séconomies alleman<strong>de</strong> et britannique. Néanmoins, n<strong>ou</strong>s accusons un retard considérable dans lacroissance <strong>de</strong>s entreprises. En effet, le nombre d’entreprises françaises qui franchissent le cap <strong>de</strong>s50 salariés au b<strong>ou</strong>t <strong>de</strong> cinq ans est quatre fois moins important qu’il ne l’est en Gran<strong>de</strong>-Bretagne.Après avoir milité p<strong>ou</strong>r la création d’entreprise, il n<strong>ou</strong>s faut désormais n<strong>ou</strong>s mobiliser p<strong>ou</strong>r que lesjeunes créateurs aient envie <strong>de</strong> faire croître leur entreprise.Jean-François R<strong>ou</strong>baud Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la CGPME (encadré)La France manque d’entreprises moyennes. P<strong>ou</strong>r d<strong>ou</strong>bler leur nombre, il faut en p<strong>art</strong>iculiercorriger les effets <strong>de</strong> seuil d’ordre fiscal et social qui pèsent sur leur croissance. N<strong>ou</strong>s avons besoin<strong>de</strong> n<strong>ou</strong>s battre à l’international avec <strong>de</strong>s entreprises plus structurées et <strong>de</strong> favoriser leregr<strong>ou</strong>pement <strong>de</strong>s PME en clusters p<strong>ou</strong>r conquérir <strong>de</strong>s marchés à l’étranger.Luc Ferry posait la question <strong>de</strong> la croissance d’un point <strong>de</strong> vue philosophique. C’est une nécessitébiologique. Mais elle est également psychologique : les cadres ne v<strong>ou</strong>s suivent que s’il existe un<strong>projet</strong> <strong>de</strong> croissance. Enfin, la croissance permet d’effacer les erreurs <strong>de</strong> gestion comme lesuréquipement, les surstocks, les sureffectifs <strong>ou</strong> le suren<strong>de</strong>ttement. En effet, elle transforme cesexcès en anticipations géniales. Je suis cependant p<strong>art</strong>isan d’une croissance modérée <strong>de</strong> l’entreprise,calquée sur les capacités d’autofinancement.________________________________________________________________________________________________Extrait <strong>de</strong>s actes <strong>de</strong> la 11e Université d'été <strong>de</strong>s CCI, «Vivre, c'est entreprendre…» - T<strong>ou</strong>l<strong>ou</strong>se, septembre 2007ACFCI (Assemblée <strong>de</strong>s Chambres Françaises <strong>de</strong> Commerce et d’Industrie) – http://www.acfci.cci.fr


La passion d’entreprendreLaurent Spanghero, fondateur <strong>de</strong> la <strong>société</strong> agro-alimentaire SARL SpangheroFils d’immigrés italiens, ancien rugbyman et capitaine <strong>de</strong> l’équipe <strong>de</strong> Narbonne, puis agriculteurjusqu’à l’âge <strong>de</strong> 27 ans, Laurent Spanghero a travaillé dans un abattoir pendant trois ans avant <strong>de</strong>fon<strong>de</strong>r la Maison Spanghero. Ce Grand Maître <strong>de</strong> la Gran<strong>de</strong> Confrérie du Cass<strong>ou</strong>let <strong>de</strong>Castelnaudary transmet auj<strong>ou</strong>rd’hui à son fils une entreprise <strong>de</strong>venue le premier employeur <strong>de</strong>l’Au<strong>de</strong> avec plus <strong>de</strong> 800 salariés.J’ai lu récemment dans un j<strong>ou</strong>rnal la tribune d’un philosophe qui estimait que l’Homme n’était pasfait p<strong>ou</strong>r travailler. Cette opinion m’a profondément choqué car je suis d’avis que le travail faitgrandir l’Homme. Mes parents, qui ont beauc<strong>ou</strong>p travaillé et s<strong>ou</strong>ffert, n<strong>ou</strong>s ont inculqué cettevaleur.« J’ai t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs cherché à me surpasser, à aller au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> mes capacités »Etant l’aîné d’une famille nombreuse, je connais la signification du mot « travail ». L’Hommes’accomplit en travaillant. J’ai t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs cherché à me surpasser, à aller au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> mes capacités. Jej<strong>ou</strong>ais au rugby en division d’honneur à 19 ans puis, à 22 ans, j’évoluais en national à Narbonne.Trois ans plus tard, je décrochais le brassard <strong>de</strong> capitaine <strong>de</strong> l’équipe. Je suis rentré à l’arméecomme simple soldat p<strong>ou</strong>r <strong>de</strong>venir officier après avoir servi au peloton. Je côtoyais alors <strong>de</strong>scolonels et <strong>de</strong>s commandants qui m’enseignaient beauc<strong>ou</strong>p <strong>de</strong> choses. Famille, armée, sport,collectif, je ne p<strong>ou</strong>vais rêver plus belle école.Il faut savoir observer, anticiper et prendre <strong>de</strong>s risques. Un employé ne s’inscrit pas dans la mêmedémarche. Le risque est un engagement solitaire, <strong>de</strong> même que l’innovation. P<strong>ou</strong>rquoi les PMEsont-elles plus innovantes que les grands gr<strong>ou</strong>pes ? Parce que c’est le chef d’entreprise qui portel’innovation. Je ne conteste pas l’utilité <strong>de</strong>s équipes <strong>de</strong> recherche dans certains domaines. Mais dansl’agroalimentaire, c’est le chef d’entreprise qui donne l’impulsion : c’est à lui d’anticiper le fait queles femmes ont moins <strong>de</strong> temps à consacrer à la préparation <strong>de</strong>s repas.L’exemple est un élément très important p<strong>ou</strong>r susciter l’envie. J’ai démarré avec trois salariés dansmon abattoir p<strong>ou</strong>r en compter auj<strong>ou</strong>rd’hui quelques centaines. Comme le dit Yvon Gattaz, lacréation est permanente. C’est un état d’esprit.Pauline d’Orgeval, fondatrice <strong>de</strong> 1001 ListesPauline d’Orgeval, 38 ans, est mariée et mère <strong>de</strong> quatre enfants. Sortie diplômée d’HEC en 1992,elle occupe un poste très opérationnel d’ingénieur commercial chez Otis. L’envie <strong>de</strong> créer uneentreprise était trop forte, son mariage en 1996 a été le déclic. Le caractère obsolète du système<strong>de</strong>s listes <strong>de</strong> mariage déposées dans les grands magasins lui saute aux yeux. Elle profite d’un congématernité p<strong>ou</strong>r réaliser une étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> marché qui se révèle concluante. 1001 listes voit le j<strong>ou</strong>r en1999. L’entreprise compte auj<strong>ou</strong>rd’hui 72 salariés. En décembre 2006, l’entreprise est rachetée parTF1.________________________________________________________________________________________________Extrait <strong>de</strong>s actes <strong>de</strong> la 11e Université d'été <strong>de</strong>s CCI, «Vivre, c'est entreprendre…» - T<strong>ou</strong>l<strong>ou</strong>se, septembre 2007ACFCI (Assemblée <strong>de</strong>s Chambres Françaises <strong>de</strong> Commerce et d’Industrie) – http://www.acfci.cci.fr


Si j’avais agi <strong>de</strong> manière rationnelle en éc<strong>ou</strong>tant les conseils <strong>de</strong>s autres, jamais je n’aurais créé 1001Listes : les juristes contestaient la légalité <strong>de</strong> ma démarche et les banquiers d<strong>ou</strong>taient <strong>de</strong> larentabilité du <strong>projet</strong>.« <strong>Entreprendre</strong> à 30 ans m’a permis <strong>de</strong> mener une vie professionnelle passionnante sans p<strong>ou</strong>rautant sacrifier ma famille »C’est ma conviction profon<strong>de</strong> et mon énergie qui m’ont p<strong>ou</strong>ssée à y croire et à franchir le pas.<strong>Entreprendre</strong> à 30 ans m’a permis <strong>de</strong> mener une vie professionnelle passionnante sans p<strong>ou</strong>r autantsacrifier ma famille.J’étais avec mon futur mari dans les rayons d’un grand magasin : c’est une expérience trèsintéressante d’un point <strong>de</strong> vue sociologique car v<strong>ou</strong>s y rencontrez quantité <strong>de</strong> c<strong>ou</strong>ples qui sedéchirent. Les femmes sont enchantées <strong>de</strong> choisir leur porcelaine et leurs petites cuillères. Enrevanche, c’est s<strong>ou</strong>vent le moment où les hommes réalisent ce dans quoi ils s’engagent. J’y ai vu lapossibilité <strong>de</strong> faire quelque chose p<strong>ou</strong>r changer cette situation.« Lorsque l’envie d’entreprendre est au ren<strong>de</strong>z-v<strong>ou</strong>s, c’est t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs le bon moment p<strong>ou</strong>r se lancer »L’autre dimension personnelle <strong>de</strong> ce <strong>projet</strong> rési<strong>de</strong> dans le choix <strong>de</strong> mettre à profit mon congématernité p<strong>ou</strong>r créer mon entreprise. En effet, les femmes ont la chance in<strong>ou</strong>ïe <strong>de</strong> p<strong>ou</strong>voir se poseret réfléchir à ce qu’elles ont envie <strong>de</strong> faire. P<strong>ou</strong>r rebondir sur la capacité d’entreprendre à t<strong>ou</strong>t âge,je pense que ce n’est jamais le bon moment : la jeunesse est synonyme <strong>de</strong> manque d’expérience et<strong>de</strong> bon sens. Vient ensuite le moment <strong>de</strong> construire sa vie <strong>de</strong> famille. Enfin, apparaît la fatigue quisurvient avec l’âge. Finalement, lorsque l’envie d’entreprendre est au ren<strong>de</strong>z-v<strong>ou</strong>s, c’est t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs lebon moment p<strong>ou</strong>r se lancer. Un bon ent<strong>ou</strong>rage peut compenser le manque d’expérience.Lorsqu’il démarre son activité, le créateur est totalement porté par l’enth<strong>ou</strong>siasme et la passion. Leplus difficile est <strong>de</strong> tr<strong>ou</strong>ver en permanence l’énergie p<strong>ou</strong>r se ren<strong>ou</strong>veler car t<strong>ou</strong>t va très vite. Biens’ent<strong>ou</strong>rer est essentiel, quitte à faire appel aux conseils <strong>de</strong> personnes extérieures à l’entreprise,capables d’insuffler une n<strong>ou</strong>velle énergie.Le b<strong>ou</strong>illonnement créatifChahab Nastar, co-fondateur <strong>de</strong> LTU TechnologiesFranco-iranien <strong>de</strong> 39 ans, Chahab Nastar est diplômé <strong>de</strong> l’Ecole <strong>de</strong>s Ponts et Chaussées et titulaired’un doctorat en vision <strong>art</strong>ificielle. Il p<strong>art</strong> aux Etats-Unis et <strong>de</strong>vient chercheur au Medialab duMIT à Boston. De ret<strong>ou</strong>r en France un an plus tard, il p<strong>ou</strong>rsuit ses recherches à l’INRIA. Fin 1999,LTU Technologies est créée et investit le créneau <strong>de</strong> l’édition <strong>de</strong> logiciels <strong>de</strong> reconnaissanceautomatique <strong>de</strong>s images. LTU Technologies, qui emploie auj<strong>ou</strong>rd’hui 25 personnes, a été rachetéeen 2005 par un grand gr<strong>ou</strong>pe japonais.J’ai t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs v<strong>ou</strong>lu changer le mon<strong>de</strong>. D’une certaine manière, je pense avoir démarré monentreprise par orgueil personnel et à p<strong>art</strong>ir du constat suivant : n<strong>ou</strong>s maîtrisions une technologie________________________________________________________________________________________________Extrait <strong>de</strong>s actes <strong>de</strong> la 11e Université d'été <strong>de</strong>s CCI, «Vivre, c'est entreprendre…» - T<strong>ou</strong>l<strong>ou</strong>se, septembre 2007ACFCI (Assemblée <strong>de</strong>s Chambres Françaises <strong>de</strong> Commerce et d’Industrie) – http://www.acfci.cci.fr


puissante p<strong>ou</strong>r laquelle le marché est mondial. J’ai senti que c’était le début d’une gran<strong>de</strong> aventure,sans quoi je ne me serais sans d<strong>ou</strong>te pas lancé.« Certains <strong>de</strong> mes pairs n’ont pas compris mon besoin <strong>de</strong> me remettre en cause à trente ans »Je prenais un risque dans la mesure où j’ai quitté un poste à responsabilité très confortable dans larecherche publique, poste que j’avais décroché à un très jeune âge. Certains <strong>de</strong> mes pairs n’ont pascompris mon besoin <strong>de</strong> me remettre en cause à trente ans. Mais j’avais l’impression d’en avoir faitle t<strong>ou</strong>r. En <strong>ou</strong>tre, le risque me semblait mesuré car je suis p<strong>art</strong>i avec une technologie en main. Leslogiciels que n<strong>ou</strong>s avons développés constituaient <strong>de</strong> réelles innovations qui <strong>de</strong>vaient mettre trois àcinq ans à mûrir et à tr<strong>ou</strong>ver leur marché. Si n<strong>ou</strong>s savions que le chiffre d’affaires serait mo<strong>de</strong>stelors <strong>de</strong>s premiers exercices, j’étais certain <strong>de</strong> la réussite <strong>de</strong> notre <strong>projet</strong>. N<strong>ou</strong>s n<strong>ou</strong>s sommesdéveloppés sur le modèle <strong>de</strong>s st<strong>art</strong>-up, en levant 6 millions d’euros avec une certaine facilité grâce ànos diplômes et à la technologie que n<strong>ou</strong>s détenions. T<strong>ou</strong>te ma vie je m’intéresserai au concept <strong>de</strong>transfert technologique, à la perméabilité entre l’univers <strong>de</strong> la recherche scientifique et le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>l’industrie et <strong>de</strong>s affaires.Kevin Mea<strong>de</strong>, co-fondateur <strong>de</strong> l’Agence SimoneFranco-américain <strong>de</strong> 28 ans, Kevin Mea<strong>de</strong> a débuté ses étu<strong>de</strong>s à Sciences Po Paris avant <strong>de</strong> lesp<strong>ou</strong>rsuivre à l’université <strong>de</strong> Columbia à New York avec un Master <strong>de</strong> Business. Il a ensuite travaillépendant quatre ans au sein d’un grand gr<strong>ou</strong>pe français du secteur du luxe avant <strong>de</strong> rejoindre ses<strong>de</strong>ux associés avec lesquels il a fondé à Paris l’agence Simone spécialisée en conseil en stratégie <strong>de</strong>marque. Depuis cette année, l’agence Simone s’affiche dans Second Life.Second Life est un espace virtuel communautaire qui a beauc<strong>ou</strong>p fait parler <strong>de</strong> lui ces <strong>de</strong>rnièresannées. Ce site Internet fonctionne sur le modèle d’un jeu vidéo dans un environnement en troisdimensions où chacun a la possibilité <strong>de</strong> créer son personnage. Cet avatar peut prendre n’importequelle forme. Second Life est <strong>de</strong>venu plus qu’un jeu dans la mesure où une économie virtuelle a vule j<strong>ou</strong>r, alimentée par une monnaie également virtuelle, le Lin<strong>de</strong>n Dollar, convertible en dollarsaméricains réels. P<strong>ou</strong>r notre Agence, Second Life est avant t<strong>ou</strong>t une vitrine, un environnementd’échange. C’est une n<strong>ou</strong>veauté du web 2.0 dans le sens où ce sont les consommateurs quiconstruisent le contenu <strong>de</strong> la marque.« La valeur créative repasse progressivement du côté <strong>de</strong>s jeunes »Sommes-n<strong>ou</strong>s légitimes en tant que consultants ? Je le pense car la <strong>société</strong> est en train <strong>de</strong> changer etla valeur créative repasse progressivement du côté <strong>de</strong>s jeunes. Internet est un laboratoire p<strong>ou</strong>r lesn<strong>ou</strong>veaux modèles d’entreprenariat. N<strong>ou</strong>s conseillons vivement aux entreprises d’intégrer lesprincipes du web 2.0 que sont la p<strong>art</strong>icipation et la transparence dans leur propre logiquecommerciale, managériale et dans l’ADN <strong>de</strong> leur marque.La marque Dior a présenté sa n<strong>ou</strong>velle collection <strong>de</strong> bij<strong>ou</strong>terie et haute joaillerie sur une île <strong>de</strong>Second Life, véritable réservoir gratuit <strong>de</strong> créativité. Les internautes ont à leur disposition un espacep<strong>ou</strong>r retravailler le <strong>de</strong>sign <strong>de</strong>s bagues et l’orfèvrerie. Cette démarche permet à l’entreprise <strong>de</strong>recueillir l’avis <strong>de</strong>s consommateurs sur les formes, les c<strong>ou</strong>leurs et les matériaux <strong>de</strong> ses produits.________________________________________________________________________________________________Extrait <strong>de</strong>s actes <strong>de</strong> la 11e Université d'été <strong>de</strong>s CCI, «Vivre, c'est entreprendre…» - T<strong>ou</strong>l<strong>ou</strong>se, septembre 2007ACFCI (Assemblée <strong>de</strong>s Chambres Françaises <strong>de</strong> Commerce et d’Industrie) – http://www.acfci.cci.fr


Second Life permet également aux entreprises <strong>de</strong> t<strong>ou</strong>cher leur cible plus facilement dans la mesureoù la majorité <strong>de</strong>s internautes qui fréquentent le site ont moins <strong>de</strong> 35 ans. La gratuité est un at<strong>ou</strong>tformidable <strong>de</strong> la révolution web 2.0.Je rejoins les propos <strong>de</strong> Julie Berranger lorsqu’elle affirme qu’un film <strong>art</strong>istique a plus d’impactqu’une publicité. Les consommateurs, lassés du disc<strong>ou</strong>rs marketing traditionnel, recherchent ducontenu. L’<strong>art</strong> prend ici t<strong>ou</strong>t son sens car il apporte <strong>de</strong> la créativité à un message. Les marques dufutur sont celles qui véhiculeront <strong>de</strong> vraies valeurs, qui feront preuve d’inspiration et surt<strong>ou</strong>t quisauront la susciter.Julie Berranger, 29 ans, fondatrice <strong>de</strong> « La Femme orchestre »J’ai fondé mon entreprise « La Femme orchestre » il y a 18 mois à la suite d’une vidéo réaliséep<strong>ou</strong>r le compte <strong>de</strong> l’<strong>art</strong>iste brésilien Daniel Toledo. Le plus grand collectionneur d’<strong>art</strong> du Brésil,Gilberto Chateaubriand, s’est porté acquéreur <strong>de</strong> cette vidéo qui est désormais <strong>projet</strong>ée au muséed’<strong>art</strong> mo<strong>de</strong>rne <strong>de</strong> Rio <strong>de</strong> Janeiro avec le reste <strong>de</strong> sa collection.« Une œuvre d’<strong>art</strong> coûte moins cher qu’une campagne <strong>de</strong> publicité et a parfois le mérite <strong>de</strong>surprendre »Auj<strong>ou</strong>rd’hui, avec « La Femme Orchestre », je propose mes réalisations à t<strong>ou</strong>tes sortesd’entreprises. La <strong>de</strong>man<strong>de</strong> est au ren<strong>de</strong>z-v<strong>ou</strong>s dans la mesure où une œuvre d’<strong>art</strong> coûte moins cherqu’une campagne <strong>de</strong> publicité et a parfois le mérite <strong>de</strong> surprendre. Il m’arrive <strong>de</strong> travailler sur <strong>de</strong>svidéos intemporelles : une vidéo qui capture l’i<strong>de</strong>ntité du client p<strong>ou</strong>r la sublimer. J’intervienségalement sur <strong>de</strong>s <strong>projet</strong>s ponctuels, comme le lancement <strong>de</strong> la n<strong>ou</strong>velle collection d’une maison <strong>de</strong>c<strong>ou</strong>ture franco-brésilienne, Moda Fusion. Finalement, je tente, à mon échelle, <strong>de</strong> rapprocher <strong>de</strong>uxunivers, celui <strong>de</strong> l’<strong>art</strong>, très visionnaire et un brin magique au risque d’être trop c<strong>ou</strong>pé du mon<strong>de</strong>,avec celui <strong>de</strong> l’entreprise, un univers ultra-productif et parfois taylorisé à l’excès.La vie, le risque et l’entrepriseJean-François Bernardin : le fil conducteur <strong>de</strong> cette Université n’a pas été établi par hasard : sin<strong>ou</strong>s sommes p<strong>art</strong>is <strong>de</strong> ce qu’était la vie, c’était p<strong>ou</strong>r arriver notamment à cet échange. Dans ce paysoù les choses ont tendance à s’effacer et où, comme le s<strong>ou</strong>lignait hier Luc Ferry, les individuscherchent davantage à sur<strong>vivre</strong> qu’à <strong>vivre</strong>, le conservatisme a progressivement tendance à n<strong>ou</strong>sendormir. Je parlerais presque d’une « mort programmée ».« Faites ce que v<strong>ou</strong>s avez envie <strong>de</strong> faire et faites ce que les autres ne font pas »Le but <strong>de</strong> ce débat était <strong>de</strong> montrer qu’il existe une corrélation profon<strong>de</strong> entre le risque, la vie etl’entreprise. Lorsque je me tr<strong>ou</strong>ve face à <strong>de</strong>s créateurs d’entreprise, je leur livre <strong>de</strong>ux conseils :faites ce que v<strong>ou</strong>s avez envie <strong>de</strong> faire et faites ce que les autres ne font pas.________________________________________________________________________________________________Extrait <strong>de</strong>s actes <strong>de</strong> la 11e Université d'été <strong>de</strong>s CCI, «Vivre, c'est entreprendre…» - T<strong>ou</strong>l<strong>ou</strong>se, septembre 2007ACFCI (Assemblée <strong>de</strong>s Chambres Françaises <strong>de</strong> Commerce et d’Industrie) – http://www.acfci.cci.fr


J’ai beauc<strong>ou</strong>p apprécié le fait que le g<strong>ou</strong>vernement <strong>de</strong> Jean-Pierre Raffarin ait été le premier àaffirmer clairement que la création d’entreprise était une gran<strong>de</strong> cause nationale. Malheureusement,le règne du « politiquement correct » n<strong>ou</strong>s conduit à v<strong>ou</strong>loir supprimer t<strong>ou</strong>s les risques p<strong>ou</strong>rl’entrepreneur. Cette logique finirait par ab<strong>ou</strong>tir à la socialisation <strong>de</strong>s pertes et à la privatisation <strong>de</strong>sbénéfices. C’est le mon<strong>de</strong> à l’envers ! Aussi n<strong>ou</strong>s faut-il réaffirmer les principes simples qui ont étéénoncés ce matin. L’idée que l’entreprise peut ne pas être risquée est une absurdité : Aucuneentreprise ne peut sur<strong>vivre</strong> sans bénéfice, véritable contrep<strong>art</strong>ie du risque : c’est ce qui lui confèresa légitimité.________________________________________________________________________________________________Extrait <strong>de</strong>s actes <strong>de</strong> la 11e Université d'été <strong>de</strong>s CCI, «Vivre, c'est entreprendre…» - T<strong>ou</strong>l<strong>ou</strong>se, septembre 2007ACFCI (Assemblée <strong>de</strong>s Chambres Françaises <strong>de</strong> Commerce et d’Industrie) – http://www.acfci.cci.fr


Comment re<strong>de</strong>venir une <strong>société</strong> entreprenante ?Marc Dalloy : p<strong>ou</strong>r répondre à cette question, Christian Stoffaës et Philippe Manière rejoignentYvon Gattaz.Christian Stoffaës est prési<strong>de</strong>nt du Centre d’étu<strong>de</strong>s prospectives et d’informations internationales(CEPII), délégué général <strong>de</strong>s p<strong>art</strong>icipations internationales et du gaz, professeur associé. Il a passé16 ans au ministère <strong>de</strong> l’Industrie et 17 ans à EDF. C’est également un auteur relativementprolifique, avec un certain nombre <strong>de</strong> publications à son actif.Philippe Manière a été j<strong>ou</strong>rnaliste à la rubrique Finances du Quotidien <strong>de</strong> Paris, au N<strong>ou</strong>velEconomiste, rédacteur en chef et éditorialiste au magazine Le Point. Il anime auj<strong>ou</strong>rd’hui un granddébat sur la radio BFM. Il est également chroniqueur <strong>de</strong> politique publique du quotidienéconomique Les Echos et occupe la fonction <strong>de</strong> directeur général <strong>de</strong> l’Institut Montaigne, un club <strong>de</strong>réflexion aut<strong>ou</strong>r <strong>de</strong> l’entreprise.Enfin, L<strong>ou</strong>is Gallois n’est pas parvenu à se libérer en raison d’une rencontre au Canada avec lesplus hauts dirigeants <strong>de</strong> l’industrie aéronautique mondiale. Il a t<strong>ou</strong>tefois accepté <strong>de</strong> me recevoirdans son bureau le 27 août 2007, j<strong>ou</strong>r <strong>de</strong> sa prise <strong>de</strong> fonction officielle en tant que Prési<strong>de</strong>ntd’EADS, p<strong>ou</strong>r un entretien filmé et inspiré <strong>de</strong>s thèmes <strong>de</strong> cette Université. Cet entretien est diviséen quatre séquences enrichies <strong>de</strong>s observations <strong>de</strong> nos invités.La g<strong>ou</strong>vernance d’entreprise et la responsabilité du chef d’entrepriseMarc Dalloy : v<strong>ou</strong>s êtes <strong>de</strong>venu officiellement, le 27 août 2007, le seul et unique patron du gr<strong>ou</strong>peEADS. Quel sentiment épr<strong>ou</strong>vez-v<strong>ou</strong>s ?L<strong>ou</strong>is Gallois : La présence d’un seul et unique prési<strong>de</strong>nt exécutif sera bénéfique p<strong>ou</strong>r l’entreprise.Je n’épr<strong>ou</strong>vais aucune difficulté relationnelle avec Thomas En<strong>de</strong>rs, bien au contraire, mais ladualité au sommet <strong>de</strong> l’entreprise compliquait la donne et cristallisait les tensions entre le campfrançais et le camp allemand. La réorganisation à la tête <strong>de</strong> l’entreprise constitue un réel progrès.L’initiative du Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la République a ab<strong>ou</strong>ti à une accélération <strong>de</strong>s processus <strong>de</strong> décision ausein <strong>de</strong> l’entreprise. En <strong>de</strong>hors <strong>de</strong>s objectifs industriels et <strong>de</strong> résultats, je s<strong>ou</strong>haite transformer ce quiétait une sorte <strong>de</strong> joint-venture franco-alleman<strong>de</strong> en une <strong>société</strong> intégrée, enrichie <strong>de</strong> ses différentesnationalités. La coopération franco-alleman<strong>de</strong> était nécessaire au dép<strong>art</strong> p<strong>ou</strong>r lancer l’entreprise. Ilfaut à présent dépasser ce sta<strong>de</strong>.« L’Europe a besoin <strong>de</strong> s’incarner à travers <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s réalisations concrètes et pas seulementdans les institutions »Mon objectif est <strong>de</strong> faire d’EADS une véritable entreprise européenne. L’Europe a besoin <strong>de</strong>s’incarner à travers <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s réalisations concrètes et pas seulement dans les institutions. EADS________________________________________________________________________________________________Extrait <strong>de</strong>s actes <strong>de</strong> la 11e Université d'été <strong>de</strong>s CCI, «Vivre, c'est entreprendre…» - T<strong>ou</strong>l<strong>ou</strong>se, septembre 2007ACFCI (Assemblée <strong>de</strong>s Chambres Françaises <strong>de</strong> Commerce et d’Industrie) – http://www.acfci.cci.fr


est sans aucun d<strong>ou</strong>te la plus belle entreprise européenne, la vitrine technologique <strong>de</strong> l’Europe face ànos amis et concurrents américains.Marc Dalloy : v<strong>ou</strong>s avez émis le s<strong>ou</strong>hait qu’EADS diversifie ses activités <strong>de</strong> manière à ce quel’aéronautique ne représente plus que 50 % <strong>de</strong> son chiffre d’affaires. De quelles activités serontconstitués les 50 % restants ?L<strong>ou</strong>is Gallois le plafond <strong>de</strong> 50 % s’applique uniquement à Airbus et ne prend en compte ni leshélicoptères ni les lanceurs d’engins spatiaux. Actuellement, Airbus représente 65 % du chiffred’affaires d’EADS. Cette proportion est excessive car il s’agit d’une activité à forte intensitécapitalistique qui suppose <strong>de</strong>s investissements massifs. Surt<strong>ou</strong>t, l’aéronautique est une activitécyclique. P<strong>ou</strong>r compenser les phases <strong>de</strong> récession, il faut miser sur les services <strong>ou</strong> bien d’autresactivités dont le cycle est différent <strong>de</strong> celui <strong>de</strong> l’aviation commerciale. Les avions commerciauxreprésentent seulement 47 % <strong>de</strong> l’activité <strong>de</strong> Boeing. C’est un équilibre vers lequel n<strong>ou</strong>s <strong>de</strong>vonstendre. Ce ne sera pas simple dans la mesure où l’activité d’Airbus est florissante. N<strong>ou</strong>s <strong>de</strong>vonsmiser sur les services liés à nos activités industrielles.Yvon Gattaz : au sein d’une PME, la responsabilité d’un chef d’entreprise est plus importantequ’elle ne l’est dans un grand gr<strong>ou</strong>pe. En effet, il s’agit <strong>de</strong> maîtriser t<strong>ou</strong>s les savoir-faire et <strong>de</strong>surveiller le moindre détail. Néanmoins, il est évi<strong>de</strong>nt que la croissance <strong>de</strong> l’entreprise conduit lepatron à apprendre à déléguer. Cela étant, d’aucuns confon<strong>de</strong>nt cette notion avec le verbe« abandonner ». Or, la délégation est un mélange <strong>de</strong> confiance et <strong>de</strong> contrôle.Philippe Manière : la formule en vogue auj<strong>ou</strong>rd’hui consiste à mettre en place un prési<strong>de</strong>nt nonexécutifappuyé par un directeur général opérationnel qui reste suffisamment proche du business.Ce mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> g<strong>ou</strong>vernance me semble satisfaisant dans les grands gr<strong>ou</strong>pes. La question <strong>de</strong> ladélégation se pose différemment dans les PME, où le chef d’entreprise conserve <strong>de</strong> nombreusesresponsabilités opérationnelles.« Le bon chef d’entreprise sait éc<strong>ou</strong>ter, mais c’est sa capacité à trancher entre les différents avis età prendre une décision qui est déterminante dans le succès »Diriger une entreprise relève presque du sacerdoce et comporte inévitablement une p<strong>art</strong> <strong>de</strong> solitu<strong>de</strong>.Je me s<strong>ou</strong>viens d’un livre que j’ai écrit avec Clau<strong>de</strong> Bébéar dont la conclusion était la suivante : lebon chef d’entreprise sait éc<strong>ou</strong>ter, mais c’est sa capacité à trancher entre les différents avis et àprendre une décision qui est déterminante dans le succès. Finalement, le chef d’entreprise seretr<strong>ou</strong>ve dans la même situation que le gardien <strong>de</strong> but d’une équipe <strong>de</strong> football qui ne peut compterque sur lui-même p<strong>ou</strong>r arrêter un penalty.Christian Stoffaës : l’évolution d’EADS impulsée par L<strong>ou</strong>is Gallois s’apparente à un phénomènebiologique : lorsque l’environnement change, il faut évoluer avec lui. Faute <strong>de</strong> quoi c’est ladisparition qui v<strong>ou</strong>s guette. Cette réalité s’applique à t<strong>ou</strong>tes les entreprises, quelle que soit leurtaille. De surcroît, elle correspond à l’évolution <strong>de</strong> la <strong>société</strong>.________________________________________________________________________________________________Extrait <strong>de</strong>s actes <strong>de</strong> la 11e Université d'été <strong>de</strong>s CCI, «Vivre, c'est entreprendre…» - T<strong>ou</strong>l<strong>ou</strong>se, septembre 2007ACFCI (Assemblée <strong>de</strong>s Chambres Françaises <strong>de</strong> Commerce et d’Industrie) – http://www.acfci.cci.fr


La recherche et l’innovation au cœur <strong>de</strong> la politique industrielleMarc Dalloy : au début <strong>de</strong>s années 1980, v<strong>ou</strong>s étiez alors directeur général au ministère <strong>de</strong>l’Industrie et plaidiez p<strong>ou</strong>r le développement d’une politique industrielle pilotée par l’Etat. Etesv<strong>ou</strong>st<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs p<strong>art</strong>isan <strong>de</strong> cette démarche en tant que patron d’une entreprise industrielle privée ?L<strong>ou</strong>is Gallois : je suis persuadé que le développement <strong>de</strong> l’industrie s’accompagne d’un certainnombre <strong>de</strong> politiques publiques comme c’est le cas aux Etats-Unis. Mais si la politique industrielle<strong>de</strong>vait faire son ret<strong>ou</strong>r, il ne faudrait évi<strong>de</strong>mment pas s’inspirer <strong>de</strong> celle menée dans les années1980. Le mon<strong>de</strong> a changé <strong>de</strong>puis avec la mondialisation et le développement <strong>de</strong>s systèmesd’information. Un constat s’impose néanmoins : les grands pays qui sont parvenus à développerleur industrie l’ont fait dans un cadre plus <strong>ou</strong> moins interventionniste, y compris aux Etats-Unis quis<strong>ou</strong>tiennent massivement l’effort <strong>de</strong> recherche <strong>de</strong> leur industrie et leurs exportateurs. N<strong>ou</strong>sp<strong>ou</strong>rrions n<strong>ou</strong>s inspirer <strong>de</strong>s dispositifs en vigueur dans ce pays.« La France s<strong>ou</strong>ffre d’une spécialisation internationale insuffisamment fondée sur la qualité <strong>de</strong> sesproduits et l’innovation »La France s<strong>ou</strong>ffre d’une spécialisation internationale insuffisamment fondée sur la qualité <strong>de</strong> sesproduits et l’innovation, d’où sa vulnérabilité face à la concurrence par les prix. L’effort <strong>de</strong>recherche et d’innovation doit donc être s<strong>ou</strong>tenu. La France pâtit également <strong>de</strong> la faiblesse <strong>de</strong> sontissu d’entreprises moyennes capables <strong>de</strong> se diversifier en développant <strong>de</strong> n<strong>ou</strong>veaux produits etd’être présentes à l’exportation. C’est ce qui fait la force du tissu industriel allemand. L’Insee avaitdéjà posé le même diagnostic sur l’économie française dans les années 1970.Marc Dalloy : que pensez-v<strong>ou</strong>s <strong>de</strong> la multiplication <strong>de</strong>s contraintes réglementaires,environnementales et énergétiques qui pèsent sur l’industrie ?L<strong>ou</strong>is Gallois : n<strong>ou</strong>s n’avons pas le choix dans la mesure où ces contraintes répon<strong>de</strong>nt aux attentes<strong>de</strong> l’opinion publique et <strong>de</strong> nos clients. Le transport aérien ne représente que 2 % <strong>de</strong>s émissions <strong>de</strong>gaz à effet <strong>de</strong> serre. Les compagnies aériennes font néanmoins pression p<strong>ou</strong>r que nos avionsrelâchent moins <strong>de</strong> CO 2 et d’oxy<strong>de</strong> d’azote dans l’atmosphère et <strong>de</strong>viennent plus silencieux. Letransport aérien doit en faire une priorité sans quoi il risque d’être gêné dans son développement.Or, t<strong>ou</strong>t le mon<strong>de</strong> s<strong>ou</strong>haite voyager en avion.Christian Stoffaës : le contexte, en 1986, était marqué par une sorte <strong>de</strong> révolution libérale, cinq ansaprès l’arrivée au p<strong>ou</strong>voir <strong>de</strong> François Mitterrand. L<strong>ou</strong>is Gallois a réussi <strong>de</strong>puis une carrièreremarquable t<strong>ou</strong>t en étant apprécié par <strong>de</strong>s hommes issus d’autres horizons politiques. Aussi sonhistoire personnelle s’inscrit-elle dans l’histoire économique <strong>de</strong> la France <strong>de</strong>puis un qu<strong>art</strong> <strong>de</strong> siècle.Philippe Manière : l’opportunité <strong>de</strong> mettre en place une politique industrielle renvoie à un débatsans fin. Je n’en suis pas un fervent p<strong>art</strong>isan. En effet, les cimetières sont remplis <strong>de</strong> beaux <strong>projet</strong>sdécidés en haut-lieu et qui ont éch<strong>ou</strong>é après avoir coûté cher aux finances publiques. La base d’unepolitique industrielle avisée consiste à ne pas handicaper nos entreprises face à leurs concurrentesétrangères du fait <strong>de</strong> politiques sociales trop contraignantes.________________________________________________________________________________________________Extrait <strong>de</strong>s actes <strong>de</strong> la 11e Université d'été <strong>de</strong>s CCI, «Vivre, c'est entreprendre…» - T<strong>ou</strong>l<strong>ou</strong>se, septembre 2007ACFCI (Assemblée <strong>de</strong>s Chambres Françaises <strong>de</strong> Commerce et d’Industrie) – http://www.acfci.cci.fr


« Il est fondamental <strong>de</strong> s’occuper du transfert d’innovation »De surcroît, il est fondamental <strong>de</strong> s’occuper du transfert d’innovation. T<strong>ou</strong>s nos chercheurs ne sontpas p<strong>art</strong>is travailler dans les laboratoires étrangers et ceux qui sont restés continuent <strong>de</strong> déposer <strong>de</strong>nombreux brevets, lesquels restent malheureusement s<strong>ou</strong>s-utilisés. Nos concurrents atten<strong>de</strong>nt lemoment où ces brevets tomberont dans le domaine public p<strong>ou</strong>r en tirer <strong>de</strong>s applicationsintéressantes. Israël est un modèle à suivre dans le domaine du transfert <strong>de</strong> l’innovation. P<strong>ou</strong>r yparvenir, il suffit <strong>de</strong> mettre en place, dans les centres <strong>de</strong> recherche, <strong>de</strong>s unités spécialisées dans lamise en relation entre les chercheurs et les chefs d’entreprises susceptibles d’utiliser leur brevet.En France malheureusement, <strong>de</strong> telles structures n’existent guère qu’au sein du CEA et <strong>de</strong> l’INRIA.Par ailleurs, n<strong>ou</strong>s privilégions à tort la recherche finalisée, à laquelle <strong>de</strong>s objectifs précis sontassignés, au détriment <strong>de</strong> la recherche fondamentale qui permet <strong>de</strong> rep<strong>ou</strong>sser les frontières <strong>de</strong> laconnaissance.Yvon Gattaz : p<strong>ou</strong>rquoi nos brillants chercheurs ne s’épan<strong>ou</strong>issent-ils pas comme c’est le cas auxEtats-Unis ? Parce qu’ils manquent d’air ! Ma <strong>société</strong> compte trois usines aux Etats-Unis etj’admire les relations décomplexées et totalement transparentes qui existent là-bas entre leschercheurs universitaires et les entreprises. En France, la proximité entre ces fonctionnaires et lesecteur privé alimente les suspicions <strong>de</strong> malversations. Dans ces conditions, il n’est pas surprenant<strong>de</strong> constater que le nombre <strong>de</strong> business angels est extrêmement faible en France, pays qui reste à latraîne en matière <strong>de</strong> financement <strong>de</strong> l’innovation et <strong>de</strong> la création.Christian Stoffaës : l’innovation consiste à inventer, concevoir, produire et commercialiser <strong>de</strong>sproduits et <strong>de</strong>s services n<strong>ou</strong>veaux. La recherche relève d’une notion différente : il s’agit d’unprocessus <strong>de</strong> connaissance intellectuelle alors que l’innovation relève d’un processus industriel etfinancier. Le terme « innovation » était absent du langage économique il y a une décennie. Leshommes politiques parlaient alors plus volontiers <strong>de</strong> « recherche » et plaidaient déjà p<strong>ou</strong>r davantage<strong>de</strong> financements publics. Or, le pays qui a consacré le plus fort p<strong>ou</strong>rcentage <strong>de</strong> son PNB à larecherche a longtemps été l’URSS : cela a été un échec retentissant. Le Japon a réussi en yconsacrant une p<strong>art</strong> plus mo<strong>de</strong>ste <strong>de</strong> sa richesse nationale.La prise <strong>de</strong> risque dans une <strong>société</strong> précautionneuseMarc Dalloy : la notion <strong>de</strong> « principe <strong>de</strong> précaution » a fait son apparition dans le disc<strong>ou</strong>rspolitique, au risque d’être instrumentalisée par une corporation qui s<strong>ou</strong>haite faire barrage à la prised’initiatives. Ne sommes-n<strong>ou</strong>s pas confrontés à un obstacle majeur ?L<strong>ou</strong>is Gallois : lorsque le principe <strong>de</strong> précaution <strong>de</strong>vient un alibi p<strong>ou</strong>r servir l’immobilisme, n<strong>ou</strong>ssommes effectivement face à un problème. La prise <strong>de</strong> risques est inhérente à t<strong>ou</strong>te activitéindustrielle.« Je suis un far<strong>ou</strong>che défenseur du progrès technique. Si l’on tue cette idée, l’humanité cessera <strong>de</strong>progresser »________________________________________________________________________________________________Extrait <strong>de</strong>s actes <strong>de</strong> la 11e Université d'été <strong>de</strong>s CCI, «Vivre, c'est entreprendre…» - T<strong>ou</strong>l<strong>ou</strong>se, septembre 2007ACFCI (Assemblée <strong>de</strong>s Chambres Françaises <strong>de</strong> Commerce et d’Industrie) – http://www.acfci.cci.fr


Notre métier consiste précisément à réduire ces risques, ce qui est générateur <strong>de</strong> progrès technique.Le principe <strong>de</strong> précaution ne doit pas constituer un frein au progrès. Au contraire, il doit le stimulercomme ce fut le cas avec la sécurisation accrue <strong>de</strong>s vols commerciaux. Je suis un far<strong>ou</strong>chedéfenseur du progrès technique. Si l’on tue cette idée, l’humanité cessera <strong>de</strong> progresser.Marc Dalloy : le fossé n’a-t-il pas tendance à se creuser entre les politiques, qui freinent au nom duprincipe <strong>de</strong> précaution, et les industriels, qui ont envie d’accélérer ?L<strong>ou</strong>is Gallois : le politique porte inévitablement les inquiétu<strong>de</strong>s à c<strong>ou</strong>rt terme <strong>de</strong> l’opinionpublique. A n<strong>ou</strong>s <strong>de</strong> lui démontrer que le risque zéro n’existe pas, même s’il s’agit d’un objectifvers lequel n<strong>ou</strong>s <strong>de</strong>vons tendre. A n<strong>ou</strong>s d’expliquer que le développement industriel est un moyen<strong>de</strong> maîtriser le risque. La prise <strong>de</strong> risque fait p<strong>art</strong>ie intégrante <strong>de</strong> la vie du chef d’entreprise. Lepolitique s’inscrit dans une autre logique dans la mesure où le risque peut-être synonyme d’écheclors d’une prochaine élection.« Il faut apprivoiser le risque, non pas p<strong>ou</strong>r le faire disparaître mais p<strong>ou</strong>r en faire un moteur »La confrontation entre les <strong>de</strong>ux est inéluctable mais chacun doit comprendre et accepter la logique<strong>de</strong> l’autre. Il faut apprivoiser le risque, non pas p<strong>ou</strong>r le faire disparaître mais p<strong>ou</strong>r en faire unmoteur. Les aspirations <strong>de</strong> nos concitoyens à la sécurité sont légitimes mais la <strong>société</strong> doit accepterune p<strong>art</strong> <strong>de</strong> risque p<strong>ou</strong>r continuer <strong>de</strong> progresser. Dans les démocraties, les élections reviennent t<strong>ou</strong>sles trois <strong>ou</strong> quatre ans. Mais le moyen et le long terme ne doivent pas disparaître s<strong>ou</strong>s la contraintedu c<strong>ou</strong>rt terme.Christian Stoffaës : cette intervention <strong>de</strong> L<strong>ou</strong>is Gallois trahit une certaine inquiétu<strong>de</strong> face à lamontée en puissance du principe <strong>de</strong> précaution dans notre <strong>société</strong>. Le changement est synonyme <strong>de</strong>risque. Le refus <strong>de</strong> c<strong>ou</strong>rir <strong>de</strong>s risques conduit à l’immobilisme puis à la mort. A l’inverse, la surviecorrespond à l’adaptation permanente. Le principe <strong>de</strong> précaution a tendance à se substituer à ladoctrine marxiste qui avait marqué le XX e siècle. Il est d’autant plus difficile d’en sortir qu’ilrenverse le principe <strong>de</strong> la preuve. Le principe <strong>de</strong> base <strong>de</strong> la démocratie libérale, introduite par larévolution anglaise au XVII e siècle, est l’Habeas Corpus, qui oblige l’accusation à démontrer laculpabilité. Avec le principe <strong>de</strong> précaution, a contrario, v<strong>ou</strong>s êtes obligés <strong>de</strong> pr<strong>ou</strong>ver que v<strong>ou</strong>s nefaîtes c<strong>ou</strong>rir aucun risque.Philippe Manière : intellectuellement et moralement, le principe <strong>de</strong> précaution est révoltant. Peutont<strong>ou</strong>t faire p<strong>ou</strong>r autant ?« N<strong>ou</strong>s n’avons pas attendu l’émergence du principe <strong>de</strong> précaution p<strong>ou</strong>r mettre en place unemorale élémentaire collective »Naturellement pas. D’ailleurs, n<strong>ou</strong>s n’avons pas attendu l’émergence du principe <strong>de</strong> précaution p<strong>ou</strong>rmettre en place une morale élémentaire collective. Le principe <strong>de</strong> précaution aurait probablementprivé Gutenberg <strong>de</strong> l’invention <strong>de</strong> l’imprimerie dans la mesure où une plaque peut t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs v<strong>ou</strong>stomber sur les pieds. Quelqu’un m’a confié, il y a quelque temps, qu’un important laboratoirepharmaceutique américain avait préféré implanter son centre <strong>de</strong> recherche en Allemagne plutôt________________________________________________________________________________________________Extrait <strong>de</strong>s actes <strong>de</strong> la 11e Université d'été <strong>de</strong>s CCI, «Vivre, c'est entreprendre…» - T<strong>ou</strong>l<strong>ou</strong>se, septembre 2007ACFCI (Assemblée <strong>de</strong>s Chambres Françaises <strong>de</strong> Commerce et d’Industrie) – http://www.acfci.cci.fr


qu’en Alsace, à cause <strong>de</strong>s risques juridiques liés au principe <strong>de</strong> précaution. Cette logique durenversement <strong>de</strong> la preuve est préjudiciable dans un mon<strong>de</strong> <strong>ou</strong>vert et concurrentiel dans la mesureoù elle n<strong>ou</strong>s place en situation « d’hyper-faiblesse » comparative.Yvon Gattaz : le goût du risque sera réduit à néant si le principe <strong>de</strong> précaution est p<strong>ou</strong>ssé àl’extrême. Dans mon livre Le modèle français, paru en 1993 chez Plon, j’ai tenté <strong>de</strong> lister lesprincipaux at<strong>ou</strong>ts et handicaps <strong>de</strong>s Français. La débr<strong>ou</strong>illardise et la vivacité d’esprit figuraient enbonne position au rayon <strong>de</strong>s at<strong>ou</strong>ts.« Les Français sont favorables aux réformes mais pas au changement »La peur du changement comptait parmi les principaux handicaps. La France détient les records dansce domaine, en tête <strong>de</strong>s pays méditerranéens. L’on dit d’ailleurs s<strong>ou</strong>vent que les Français sontfavorables aux réformes mais pas au changement. Voilà p<strong>ou</strong>rquoi nos politiques misent <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>sdécennies sur le changement dans la continuité ! Les peuples qui s’en sortiront le mieux seront ceuxqui accepteront le changement. Il est t<strong>ou</strong>t <strong>de</strong> même curieux que 76 % <strong>de</strong>s Français pensent que leursenfants seront plus malheureux qu’eux. Je tr<strong>ou</strong>ve étonnant, <strong>de</strong> surcroît, que 51 % d’entre euxrécusent l’économie libérale <strong>de</strong> marché. P<strong>ou</strong>r terminer sur une note d’espoir, j’ai l’impression que<strong>de</strong>puis quelques mois, la « Belle au bois dormant » est en train d’entr<strong>ou</strong>vrir les yeux.Christian Stoffaës : n<strong>ou</strong>s avons beauc<strong>ou</strong>p parlé <strong>de</strong>s blocages et <strong>de</strong> la nécessité <strong>de</strong> laisser respirerl’entreprise. Adam Smith fut le premier à parler <strong>de</strong> la « main invisible » et du marché. Jean-BaptisteSay s’est fait l’avocat « du laisser-faire laisser-passer ». Guizot a exhorté les siens à s’enrichir par letravail et par l’épargne. Ces exemples montrent que le libéralisme n’est pas l’apanage <strong>de</strong>s seulsAnglo-Saxons. Le véritable enjeu rési<strong>de</strong> dans notre capacité à lever t<strong>ou</strong>s les freins qui pèsent sur lesentreprises. T<strong>ou</strong>t le mon<strong>de</strong> sait ce qu’il faut faire car ces réformes ont déjà été menées chez nosvoisins européens.« N<strong>ou</strong>s disposons <strong>de</strong> notre propre métho<strong>de</strong> p<strong>ou</strong>r changer : le réformisme à explosion »Cela étant, n<strong>ou</strong>s disposons <strong>de</strong> notre propre métho<strong>de</strong> p<strong>ou</strong>r changer : si tel n’était pas le cas, la Franceserait déjà morte. Il s’agit du « réformisme à explosion » qui se caractérise par <strong>de</strong> longues pério<strong>de</strong>s<strong>de</strong> stagnation suivies <strong>de</strong> changements <strong>de</strong> mentalité qui permettent aux politiques d’agir.L’événement fondateur <strong>de</strong> la France mo<strong>de</strong>rne est la Révolution <strong>de</strong> 1789. Le XIX e siècle et le débutdu XX e siècle ont été marqués par les « pro » et les « anti » Révolution. Le débat est clos <strong>de</strong>puis1945 et t<strong>ou</strong>s les Français adhèrent à la Révolution française. P<strong>ou</strong>rtant, il s’agit d’une révolutionlibérale, contrairement à l’image véhiculée dans les c<strong>ou</strong>rs d’histoire par <strong>de</strong>s professeurspolitiquement orientés. Les actes <strong>de</strong> cette Révolution sont en effet inspirés du libéralisme, que cesoit dans le domaine politique (la liberté <strong>de</strong> pensée, la démocratie, la République) <strong>ou</strong> économique(le droit <strong>de</strong> propriété figure parmi les droits fondamentaux <strong>de</strong> la Déclaration <strong>de</strong>s Droits <strong>de</strong> l’Hommeet du Citoyen). En quelques années, la France a profondément changé : les privilèges médiévauxont été abolis et la loi Le Chapelier, la liberté d’entreprendre et la libéralisation du commerce ontété instituées. A l’époque, le libéralisme était porté par la gauche. Les conservateurs, p<strong>art</strong>isans <strong>de</strong>l’Ancien régime, <strong>de</strong> la monarchie et <strong>de</strong> l’Eglise, siégeaient à droite.________________________________________________________________________________________________Extrait <strong>de</strong>s actes <strong>de</strong> la 11e Université d'été <strong>de</strong>s CCI, «Vivre, c'est entreprendre…» - T<strong>ou</strong>l<strong>ou</strong>se, septembre 2007ACFCI (Assemblée <strong>de</strong>s Chambres Françaises <strong>de</strong> Commerce et d’Industrie) – http://www.acfci.cci.fr


« La réhabilitation <strong>de</strong>s entrepreneurs est un problème politique »L’année 1946 a été marquée par une gran<strong>de</strong> rupture, peu favorable aux entreprises. Je crois que lerejet français du libéralisme date <strong>de</strong> l’entre-<strong>de</strong>ux-guerres et <strong>de</strong> l’Occupation. Viennent ensuite leret<strong>ou</strong>r du Général <strong>de</strong> Gaulle en 1958 et l’arrivée au p<strong>ou</strong>voir en 1981 <strong>de</strong> la gauche et <strong>de</strong> la génération<strong>de</strong> Mai 68. La gauche a entamé sa mutation et la <strong>société</strong> française s’est à peu près convertie auxvertus <strong>de</strong> l’entreprise s<strong>ou</strong>s le prétexte <strong>de</strong> la construction européenne jusqu’à l’échec, en 2005, duréférendum sur la Constitution. Mais les Français s<strong>ou</strong>haiteraient <strong>de</strong>s entreprises sans entrepreneursni capitalistes. Aussi la réhabilitation <strong>de</strong>s entrepreneurs est-elle un problème politique car <strong>de</strong>rrièrechaque blocage se tr<strong>ou</strong>ve un lobby. P<strong>ou</strong>r avoir le c<strong>ou</strong>rage <strong>de</strong> lever t<strong>ou</strong>s ces obstacles, il faut qu’unhomme politique soit porté par un m<strong>ou</strong>vement <strong>de</strong> <strong>société</strong>.« La révolution 07 »A mon sens, n<strong>ou</strong>s vivons, <strong>de</strong>puis quelques mois, une révolution qui s’est structurée pendant lacampagne prési<strong>de</strong>ntielle. L’effondrement <strong>de</strong> l’extrême gauche n’est pas anodin dans la mesure où ila levé l’épée <strong>de</strong> Damoclès <strong>de</strong> la pensée révolutionnaire qui pesait sur la gauche française. Ces<strong>de</strong>rnières semaines, une réforme fiscale majeure a été engagée et le troisième t<strong>ou</strong>r social n’auravraisemblablement pas lieu comme ce fut le cas en 1986 et en 1995. Il est difficile <strong>de</strong> saisir le sensexact <strong>de</strong>s événements actuels. Je ne suis pas sûr que l’on puisse parler <strong>de</strong> « révolution libérale » tantcet adjectif est encore tab<strong>ou</strong>. Je n’emploierai pas non plus l’expression « révolution sar<strong>ko</strong>zyenne »par s<strong>ou</strong>ci <strong>de</strong> ne pas personnaliser le dér<strong>ou</strong>lement <strong>de</strong> l’histoire. J’y vois plutôt une « révolution 07 »,qui traduit un changement <strong>de</strong> génération après celle <strong>de</strong> 1968 et l’avènement d’une <strong>société</strong> nettementplus <strong>ou</strong>verte aux réformes sur la liberté d’entreprise.Le bonheur d’entreprendre :Marc Dalloy : au début <strong>de</strong>s années 1980, v<strong>ou</strong>s étiez un grand commis <strong>de</strong> l’Etat, pas forcément<strong>de</strong>stiné à embrasser la carrière d’entrepreneur. Quel a été le déclic qui v<strong>ou</strong>s a permis <strong>de</strong> franchir lepas ?L<strong>ou</strong>is Gallois : je ne sais pas si j’avais vocation à <strong>de</strong>venir entrepreneur mais je suis t<strong>ou</strong>t même sortidiplômé d’HEC. J’ai ensuite intégré l’ENA par am<strong>ou</strong>r du service public et du service <strong>de</strong> l’Etat.J’estimais que c’était une préparation au métier <strong>de</strong> chef d’entreprise. J’ai saisi l’opportunité dèsqu’elle s’est présentée. Mon poste <strong>de</strong> directeur général <strong>de</strong> l’Industrie était une sorte d’antichambre.J’ai eu la chance <strong>de</strong> diriger par la suite trois entreprises publiques dans lesquelles je me suistotalement épan<strong>ou</strong>i. J’ai fait un peu plus tardivement l’expérience <strong>de</strong> l’entreprise privée, ce qui aconstitué un défi passionnant, avec <strong>de</strong>s contraintes n<strong>ou</strong>velles telles que les attentes d’un actionnariaten termes <strong>de</strong> résultats.Marc Dalloy : v<strong>ou</strong>s êtes le patron d’une gran<strong>de</strong> entreprise mondiale. P<strong>ou</strong>rriez-v<strong>ou</strong>s v<strong>ou</strong>s imaginerauj<strong>ou</strong>rd’hui à la tête d’une PME ?L<strong>ou</strong>is Gallois : jusque-là, j’ai t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs dirigé <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s entreprises avec <strong>de</strong>s conseillers p<strong>ou</strong>rm’épauler. Le patron <strong>de</strong> PME subit une pression nettement plus forte que moi.________________________________________________________________________________________________Extrait <strong>de</strong>s actes <strong>de</strong> la 11e Université d'été <strong>de</strong>s CCI, «Vivre, c'est entreprendre…» - T<strong>ou</strong>l<strong>ou</strong>se, septembre 2007ACFCI (Assemblée <strong>de</strong>s Chambres Françaises <strong>de</strong> Commerce et d’Industrie) – http://www.acfci.cci.fr


« Il n’y a pas plus belle activité que d’entreprendre, en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> la vie d’<strong>art</strong>iste »Me retr<strong>ou</strong>ver à la tête d’une PME constituerait p<strong>ou</strong>r moi un réel défi. <strong>Entreprendre</strong>, c’est à la foiscréer, innover et prendre <strong>de</strong>s risques. Il ne doit pas y avoir plus belle activité que celle-là, en <strong>de</strong>horspeut-être <strong>de</strong> la vie d’<strong>art</strong>iste. Chacun d’entre n<strong>ou</strong>s a envie <strong>de</strong> laisser sa trace, même si elle restemo<strong>de</strong>ste.________________________________________________________________________________________________Extrait <strong>de</strong>s actes <strong>de</strong> la 11e Université d'été <strong>de</strong>s CCI, «Vivre, c'est entreprendre…» - T<strong>ou</strong>l<strong>ou</strong>se, septembre 2007ACFCI (Assemblée <strong>de</strong>s Chambres Françaises <strong>de</strong> Commerce et d’Industrie) – http://www.acfci.cci.fr

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!