RÉGIONcoût de transport. Pour preuve, j’étais à 120 euros/tonne en2006, je suis à 110 aujourd’hui. La raison essentiel<strong>le</strong> tient dansl’augmentation incessante de la taxe carburant mais aussi duforfait messagerie mis en place”, explique Gil<strong>le</strong>s Bocabeil<strong>le</strong>.Aujourd’hui, <strong>le</strong> coût de transport à la vente représente 5,4 %du CA de Soréal Ilou, celui à l’achat, 2,5 % (l’hui<strong>le</strong> et <strong>le</strong>stomates étant <strong>le</strong>s principa<strong>le</strong>s matières premières utilisées parla PME). Le coût total de transport atteint donc 800 000 eurossoit 8 % du CA (10 millions d’euros en 2008).Je n’ai pas d’autres choix que la route“75 % de ma clientè<strong>le</strong> est localisée dans <strong>le</strong> Grand Ouest, en grosde Niort à Lil<strong>le</strong>, poursuit <strong>le</strong> dirigeant. Desservie par des 2x2 voies,el<strong>le</strong> serait donc concernée par la taxe Borloo. Cette taxe, applicab<strong>le</strong>en 2011, coûterait environ 0,12 €/km. Pour mon entreprise,ce serait un surcout transport de 72 000 euros/an. C’estpartiel<strong>le</strong>ment 3 personnes dont je me priverais, sans compterla dégradation de ma marge, puisque de toute évidence il meserait impossib<strong>le</strong> de répercuter dans sa totalité cette nouvel<strong>le</strong>taxe auprès de mes clients. J’ai parfaitement conscience que<strong>le</strong>s entreprises <strong>le</strong>s plus polluantes doivent être taxées.Cependant, aujourd’hui, je n’ai pas d’autres choix que d’utiliserla route pour acheminer mes produits. Si j’ai investi, ici, en<strong>Bretagne</strong>, ce n’est pas pour vendre dans un périmètre de50 km. Ou alors il faut me dire si nous sommes tous destinésà devenir des artisans et vendre sur <strong>le</strong>s marchés ?”Cette taxe serait d’autant plus préjudiciab<strong>le</strong> pour la <strong>Bretagne</strong>qu’el<strong>le</strong> intervient dans un contexte diffici<strong>le</strong> pour <strong>le</strong>s entreprisesagro-alimentaires. Cel<strong>le</strong>s-ci ont vu fondre <strong>le</strong>urs marges suite àl’envolée soudaine du prix des matières premières à l’été dernier.Selon Gil<strong>le</strong>s Bocabeil<strong>le</strong>, l’effet est doub<strong>le</strong>. “On se fait sortirà la montée et à la descente. 80 % de mes achats sontcontractuels c’est-à-dire achetés à terme (6 mois). En 2008, j’aiacheté au plus haut. Pour exemp<strong>le</strong>, l’hui<strong>le</strong> avait pris 60 %. Al’époque, je n’ai déjà pas pu répercuter cette hausse dans <strong>le</strong>smêmes proportions et ai dû rogner sur ma marge pour gardermes clients. Aujourd’hui, au vu de la baisse des cours, cesmêmes clients me demandent de baisser mes prix. Or moi jepaye toujours <strong>le</strong> prix fort. La sanction a été immédiate : en2008, j’ai perdu 1,5 point de marge. Ce phénomène de variationde cours est destructeur de va<strong>le</strong>ur.”BRETAGNE SAUMON À CHÂTEAUNEUF-DU-FAOU DANS LE FINISTÈRE (29)Incidence sur la margeCrédit photo : <strong>Bretagne</strong> SaumonA Châteauneuf-du-Faou, <strong>Bretagne</strong> Saumon transforme1 300 tonnes de saumon et de truite en produits fumés.Créée en 1988, la SA a été reprise 10 ans plus tardpar Hervé Delpierre, aujourd’hui PDG avec 80% des parts.Ses clients sont tous <strong>le</strong>s grands distributeurs. Il réalise 15 %de son CA à l’export et 5% auprès de la RHF.60% de la production française de saumon fumé est réaliséedans <strong>le</strong> Finistère. “Les origines du saumon, détail<strong>le</strong> HervéDelpierre, sont la Norvège, l’Ecosse et l’Irlande. Il arrive parcamion, via <strong>le</strong> Danemark, pour <strong>le</strong> norvégien, et représente 70 %de mon activité. La truite provient essentiel<strong>le</strong>ment de <strong>Bretagne</strong>,mais aussi du Sud Ouest et de Norvège. Les poissons sontlivrés entiers, éviscérés, par caisse polystyrène de 20 à 22 kilos,détail<strong>le</strong> <strong>le</strong> dirigeant. <strong>Bretagne</strong> Saumon emploie un effectif permanentde 140 personnes qui dépasse <strong>le</strong>s 280 en fin d’année.La PME a réalisé un CA 2008 de 23,2 millions d’euros. Malgréune hausse de son activité (+ 32 % depuis 2006, via denombreux investissements), el<strong>le</strong> n’a pas réussi à diminuer son40BRETAGNE ÉCONOMIQUE • N°192 • AVRIL 2009
Nouveau : www.bretagne-economique.comcoût de transport. “Il est de 50 centimes d’euro/kilo. Ce coût acrû de 20 % en 2 ans et s’élève aujourd’hui à 600 000 euros.Malgré la baisse du gasoil, <strong>le</strong>s taxes carburant ne baissent pasou peu. Mes clients sont <strong>le</strong>s grands distributeurs comme Carrefour,Lec<strong>le</strong>rc, Monoprix et bientôt Auchan. Je livre sur toute la Franceavec une commande <strong>le</strong> jour A pour une livraison <strong>le</strong> jour B.Chaque jour, ce ne sont pas moins de 6 semi-remorques quipartent de chez moi. Les 15 % à l’export sont principa<strong>le</strong>mentréalisés en Belgique, en Suisse et en Italie.”Une périphicité pénalisantePour <strong>Bretagne</strong> Saumon, la taxe Borloo impactera directement samarge qui a déjà subi une baisse sur <strong>le</strong>s premiers mois del’année. “On essaye tant bien que mal de conserver nos margesen investissant pour augmenter <strong>le</strong>s volumes, en améliorant nosprocess, en négociant de plus en plus durement avec nosfournisseurs. Cependant, certains parmi ces derniers, comme dansla truite, ont mis la clé sous la porte car <strong>le</strong>urs marges étaient encoremoindres que <strong>le</strong>s nôtres. Aujourd’hui, on <strong>le</strong> sent bien, on a atteintune limite. De <strong>le</strong>ur côté, <strong>le</strong>s distributeurs ne veu<strong>le</strong>nt pasentendre par<strong>le</strong>r de hausse. C’est une incohérence dans <strong>le</strong>urlogique de meil<strong>le</strong>ur prix sur <strong>le</strong> marché. Depuis <strong>le</strong> début del’année, ils nous convoquent à Paris pour obtenir des baisses deprix. D’après vous, pourquoi <strong>le</strong>s produits MDD sont ceux qui sevendent <strong>le</strong> mieux aujourd’hui ?” interroge Hervé Delpierre.Comment allons-nous faire pour absorber une hausse de 0,12centime d’euro/km ? Il nous faut pourtant continuer à investir car<strong>le</strong> ratio coût de main d’œuvre/prix de vente a atteint unplafond.” Pour <strong>Bretagne</strong> Saumon, comme pour d’autres acteursdu secteur, c’est bien l’emploi qui serait pénalisé si la taxe Borloos’appliquait en l’état. La difficulté majeure de l’entreprise parrapport à d’autres est sa périphicité qui la taxerait pluslourdement que <strong>le</strong>s autres. L’entreprise est basée dans <strong>le</strong> Finistère,à 40 km de Quimper, 65 km de Brest, 175 km de Rennes etuniquement desservie par des 2x2 voies.RÉGIONBISCUITERIE LE DRÉAN À GUÉGON DANS LE PAYS DE JOSSELIN (56)En France, on ne raisonne que par la taxeCrédit photo : Biscuiterie Le DréanReprise en 2004 par Jean-Marc F<strong>le</strong>urot, la biscuiterie Le Dréanest spécialisée dans la fabrication de gammes de biscuits à façonpour des épiceries fines et <strong>le</strong>s grands noms du luxe comme Fauchon, Lenôtreou Hediard. 90% de sa clientè<strong>le</strong> est située hors <strong>Bretagne</strong>.Petits beurres avec ou sans chocolat, pa<strong>le</strong>ts, ga<strong>le</strong>ttes,sablés, cakes, crêpes…Le Dréan a plus d’une recette dans sonsac. “Mes matières premières sont la farine, <strong>le</strong> beurre, <strong>le</strong> sucreet <strong>le</strong>s œufs, développe Jean-Marc F<strong>le</strong>urot, <strong>le</strong> PDG. Je me fournisen <strong>Bretagne</strong> et me fais livrer 2 fois par semaine afin d’assurerfraîcheur et traçabilité de mes produits. Mon coût de transportreprésente 3 à 4 % du prix d’achat. Côté vente, je suis en sec,en expédition dite classique. J’utilise la messagerie car j’ai despetits lots. Mon coût de transport global représente 3,90 % demon CA.” Ce dernier était de 1,8 million d’euros en 2008 pourun effectif de 13 personnes. L’entreprise livre deux types declientè<strong>le</strong>s situées à 90 % hors <strong>Bretagne</strong>. La première est constituéede grossistes qui revendent sous <strong>le</strong>ur propre marque. Ils sontimplantés pour l’essentiel en région parisienne et dans <strong>le</strong> sud deCrédit photo : Biscuiterie Le Dréanla France et représentent 70 % du CA de la PME. La secondecatégorie est composée d’épiceries fines disséminées partout enFrance et vendant sous la marque de l’entreprise.Le désenclavement de la <strong>Bretagne</strong>passe par la seu<strong>le</strong> route“Le doub<strong>le</strong> impact de la taxe Borloo, coût de transport à l’entréeet à la sortie, serait très diffici<strong>le</strong> à répercuter auprès de nosclients car nous avons des marchés à terme sur un an. Je n’aipas eu la possibilité de répercuter <strong>le</strong>s hausses subies depuis 1an sur <strong>le</strong>s matières premières. Il faut savoir que certaines repartentà la hausse en ce moment, comme <strong>le</strong>s œufs qui ont pris 10 %en 15 Jours. Mon entreprise est basée à Guégon dans <strong>le</strong>Morbihan, à 40 km de Vannes et 85 km de Rennes. Le désenclavementde la <strong>Bretagne</strong> passe par la route. Il n’existe aucuneautre alternative ! Si la taxe Borloo venait à s’appliquer, il me faudraitmettre la pression sur <strong>le</strong>s transporteurs, envisager la créationde zones de livraison avec des pratiques de prix différentesselon chacune, bref mettre en place une usine à gaz, source deconflits et de perte de compétitivité par rapport aux entreprisesgéographiquement mieux situées. En plus de l’instabilité desmatières premières, viendra s’ajouter demain l’instabilité desprestations de services. Nous allons être confrontés à desmarchés de plus en plus mobi<strong>le</strong>s.”■ Témoignages recueillis par Véronique MaignantBRETAGNE ÉCONOMIQUE • N°192 • AVRIL 200941